Code n°35 – Collectionneur homo (sous-codes : Matérialiste / Consommateur gay)

collectionneur

Collectionneur homo

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Collection de lunettes de soleil d'Elton John

Collection de lunettes de soleil d’Elton John


 

Le désir homosexuel – tout comme le désir hétérosexuel – semble tendre fortement vers le matérialisme, l’« être objet » ou le « devenir icône vivante ». Ce n’est pas un hasard si le Pop Art, art machinique par définition, soit venu par les artistes homosexuels. Les responsables marketing l’ont bien compris. Les personnes homosexuelles sont en général les cibles privilégiées du libéralisme économique (cf. l’émission Zone interdite de Pascal Lebovici et d’Édouard Duchâtenet sur le marketing gay, sur la chaîne M6, 1998) : en règle générale, elles ont un pouvoir d’achat supérieur à la moyenne, dépensent plus pour leurs loisirs, voyagent davantage, sont des prescripteurs de mode. Beaucoup d’entre elles aiment le monde de la publicité et se sentent à leur aise dans les temples occidentaux que sont les supermarchés. Rares sont celles qui ne s’attachent pas à leurs petites affaires. C’est leur côté « soigneux » qui plaît à leurs stars (cf. la chanteuse Samantha Fox interviewée dans le documentaire « Sex’N’Pop, Part IV » (2004) de Christian Bettges) : elles sont souvent les fans idéaux, les collectionneurs par excellence, les antiquaires et conservateurs méticuleux, les maîtres de l’amour à revendre ou de la radinerie, les bonnes poires de la société de consommation élitiste, les constructeurs de maisons design inhabitables. On les connaît pour leur matérialisme, ou une autre version du matérialisme : l’anti-matérialisme affiché. Celui-ci se base sur un rejet précieux des impératifs de la mode, sur un pseudo « vœu de pauvreté ». Se cachent très souvent derrière les personnes bourgeoises-bohème d’aussi grands matérialistes que lesdits « bourgeois » ou les teen-agers à l’affût des derniers gadgets de la culture de masse, car ils désirent vivre eux aussi dans l’image. Voire vivre l’image, celle-ci devenant leur réalité.

 

La tendance à la collectionnite aiguë chez les personnes homosexuelles ne leur fera sans doute pas plaisir… car c’est se faire à soi-même l’aveu d’un esclavage et d’une immaturité. Le goût du kitsch ou du camp ne serviront pourtant pas longtemps d’écran de fumée à cette observation ! Nous allons voir dans ce chapitre quels sont les liens entre homosexualité et fétichisme, homosexualité et désir d’être objet, homosexualité et surconsommation sexuelle, homosexualité et idolâtrie, homosexualité et psychopathie monomaniaque et puérile. En effet, qui collectionne si ce ne sont les enfants ou les « vieux gars » qui ont peur de manquer, de perdre, d’abandonner ou de mourir ? Même s’il ne s’agit pas d’en faire une généralité, la collection dit un non-usage de ce qu’on aime, un conservatisme mortifère, une fermeture à la vie, une mise sous verre, un refus de grandir, une rigidité et un matérialisme poussiéreux. L’« effet musée » tant dénoncé à juste titre part le romancier Alejo Carpentier !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Promotion ‘canapédé’ », « Poupées », « Ville », « Pygmalion », « Animaux empaillés », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Fan de feuilletons », « Télévore et Cinévore », « Peinture », « Haine de la beauté », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Musique comme instrument de torture », « Voleurs », « Bobo », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Homosexuels psychorigides », à la partie « Antiquaires » du code « Fresques historiques » et à la partie « Enfant dans la galerie des ancêtres » du code « Ombre », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Roman Le Collectionneur de Chrystine Brouillet

Roman Le Collectionneur de Chrystine Brouillet


 

Bien souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel est conservateur et collectionneur : cf. le film « The Collector » (2009) de Ryan Kipp, le dessin animé Les Simpsons (avec Waylon Smithers, homo et collectionneur), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz (avec les collections de Sébastien, le cousin homo), le roman Le Collectionneur (1995) de Chrystine Brouillet, l’album Bijoux et Babioles de la chanteuse Juliette, le film « Made In America » (1992) de Richard Benjamin, le film « Collateral » (2004) de Michael Mann (avec le personnage de Vincent), la pièce Les Indélébiles (2008) d’Igor Koumpan et Jeff Sirerol (avec le héros homosexuel fan de gadgets), le film « The Collection » (1978) de Michael Apted, le film « Violence et Passion » (1974) de Luchino Visconti, le film « Le Glaive et la Balance » (1962) d’André Cayatte (avec le personnage de Jean Ozenne), le film « La Maison de campagne » (1969) de Jean Girault (avec le personnage de Jacques Maury), le film « La Souris » (1997) de Gore Verbinski, le film « Misteria » (1993) de Lamberto Bava, le film « Augustin » (1994) d’Anne Fontaine, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli (avec Théron et ses collections d’oiseaux), le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart (avec Arnold, le collectionneur de lapins), le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta (avec les collections de papillons sous verre), la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi (avec Louis du Corbeau, un richissime collectionneur d’art), le film « Die Jungfrauen Maschine » (« Virgin Machine », 1988) de Monique Treut (avec Susie et sa collection de godemichés), le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens (avec la collection de canards de la mère de Jeanfi, le steward homo), le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville (avec Alex, l’héroïne lesbienne, et sa collection de baskets), le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec Lili le Petit Chat), la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi (avec Solitaire voulant faire collection de momies et l’exposer dans sa galerie), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (avec le collectionneur de poupées), la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier (avec la Comtesse Conule de la Tronchade nous faisant visiter sa collection de bites dans son Musée des Bites), le film « Cancer mon amour » (2007) de François Zabaleta (traitant des collectionneurs d’art contemporain), la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes (avec Frank, le héros homo, et sa collection de photos érotiques), le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson (avec Zize, travesti M to F, et sa meilleure amie Annonciade, travestie aussi, avec leurs collections de bijoux, de beaux manteaux de vison, de quincailleries, de pierres précieuses, de lunettes), le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz (avec Roger, le héros homosexuel très sympa et très frivole, habillé à la dernière mode : vêtements Gucci, Dolce & Gabanna, Versace, etc.), le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (le père d’Horacio Silberman est le directeur du Musée des Beaux-Arts de Buenos Aires), le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes (avec Mr Mosk, le conservateur du musée), le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet (avec Ruth, une des héroïnes lesbiennes, qui possède une grande collection de chapeaux), etc.

 

 

« Monsieur est collectionneur ! » (Mimil à son colocataire et futur amant homosexuel Jeff, dans la pièce Les Babas Cadres (2008) de Christian Dob) ; « J’suis un vrai collector dans ce domaine. » (Jarry en évoquant ses anecdotes de vie, dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Vous n’avez pas de chance. Je conserve tout. » (Pierrette l’héroïne lesbienne du film « Huit femmes » (2002) de François Ozon) ; « Je passai les premiers jours à redisposer les meubles de mon appartement […], avec cette joie enfantine qui vous prend dès que vous vous trouvez devant de beaux et rares objets ressemblant à d’antiques jouets. Car tout ici était d’époque : chaises, fauteuils, canapés, buffets, armoires, la bibliothèque du salon… […] Entendre ces objets vivants, aux matières si nobles, bruire et crisser, m’emplissait de ravissement. » (le narrateur homosexuel du roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, pp. 15-16) ; « Je ne voulais pas me l’avouer, mais, tandis que mon regard se portait négligemment à travers la vitrine d’un magasin, sur un service de porcelaine, je commençais à entrevoir, à l’horizon, l’esquisse du bonheur. » (idem, p. 140) ; « Maria-José [le héros transsexuel M to F] était la seule héritière de Louis du Corbeau, propriétaire de la plus complète collection au monde d’art précolombien, sans compter les Rubens et les Géricaults qui tapissaient son château du Berry. Elle se demanda ce qu’elle allait faire de sa fortune. » (cf. la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, p. 33) ; « Les objets comme des collections de sable, témoins de nos escales dans le monde amoureux. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Harold fait une collection de barbituriques qu’il prépare pour anticiper le long hiver qu’est la mort. » (Michael se moquant de son colocataire homo, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Tu le connais, le coup de la collection… » (Jerry travesti en Daphnée s’adressant à Joe travesti en Joséphine, dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder) ; « Je collectionne des trucs. Toutes ces choses qui ont appartenues à quelqu’un qui les avait perdues ou jetées. » (Nicholas, le héros homosexuel, présentant son cabanon-musée à son amant Phil, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, Damien, le héros homosexuel, possède une collection de 75 paires de chaussures qu’il ne met jamais. Dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura, l’héroïne lesbienne, exerce le métier de conservatrice de musée. Dans le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Didier collectionne les serviettes de bain. Dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, Jeanjean fait la collection des « mies de pain peint ». Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, un des personnages du quatuor homosexuel, qui a des collections de vaisselle, de tapis, passe aux aveux : « Je possède beaucoup. » Dans le roman Du côté de chez Swann (1913) de Marcel Proust, il est dit de Swann qu’« il entassait ses collections » (p. 24). Dans la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne, France la bourgeoise lesbienne collectionne des « Prousteries » Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Georges, le héros homo, possède dans son appartement des statuettes, des tableaux de maîtres. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien, le héros bisexuel, collectionne autant les tableaux de peinture que les conquêtes : « Je collectionne aussi les nanas. » Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, se rend dans « son club de collectionneurs de pipes » avec son ami Carter.

 

Cette « collectionnite » homosexuelle peut s’expliquer par une éducation (incestuelle/incestueuse) ou une enfance tournée vers les collections, l’opulence et le matériel. « Ma sœur me reproche d’être trop gâtée. Mais elle n’arrête pas de m’offrir des cadeaux. » (Kanojo, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) Par exemple, dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, la mère d’Hubert, le héros homosexuel, collectionne des papillons. « J’ai tout. Tu me demandes n’importe quoi. Je l’ai ! […] Alors c’était ça, la vie ? Des cadeaux à ras bord ? » (Didier Bénureau dans son one-man-show Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « J’essayais de ne pas exagérer dans mes dépenses, mais mes goûts pour tout ce qui est culturel – le cinéma, les livres, le théâtre, les disques – finissaient par coûter cher à ma mère qui tenait les cordons de la bourse comme une grande ourse veille sur ses petits. » (le narrateur homosexuel parlant de sa mère qui ne sait plus où entreposer les collections de son fils, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 28) ; etc.

 

Film "Fashion Victims" d'Ingo Rasper

Film « Fashion Victims » d’Ingo Rasper


 

Les héros homosexuels sont présentés comme des individus matérialistes, peu détachés du matériel et de l’image : « Vous serez les témoins du profond attachement que j’ai professé de mon vivant aux objets quotidiens ! » (« L. », le héros travesti M to F, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Tu aimais les jouets et autres gadgets. » (Cécile parlant à son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 48) ; « J’suis un agent de consommation. Quand j’ai l’argent, je consomme à fond. Je m’endette, je m’achète tout ce qui me passe par la tête. Je me jette comme une bête sur le dernier gadget. Je vis mon p’tit train-train de citoyen moyen. » (cf. la chanson « L’Enfant de la pollution » de Ziggy, le héros homosexuel de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Je prends mon petit vanity de… 23 kg. » (le narrateur homosexuel racontant son voyage vers New York, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; « Mes adieux au pavillon furent difficiles. J’ai un grand sens de la propriété et j’avais l’impression que tout, le lit, la télé, la salle de bains, avait fini par m’appartenir. » (Jean-Marc, le narrateur homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 307) ; « Tu t’démerdes plutôt bien, le glam, le décor, le goût de l’image et du confort. » (cf. la chanson « La Vie continuera » d’Étienne Daho) ; « Nos p’tites sorties, nos p’tits restos, j’en ai marre ! » (Manu s’adressant à son amant Philippe dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq) ; « Elle doit me prendre pour un antiquaire, elle me dit que les seules folles qu’elle a comme clientes sont plus ou moins brocanteuses Porte-Clignancourt. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 87) ; « Je me replongeai satisfait et crâneur dans le flot majestueux des gais consommateurs. » (le narrateur homosexuel décrivant un magasin assailli par une clientèle gay, dans la nouvelle « Kleptophile » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 79) ; « Ils [les homos] font des tas d’emplettes aux Galeries Lafayette. » (cf. une réplique de la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; etc. Par exemple, dans la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, Claude dit de sa compagne Margot qu’« elle n’a jamais pu se priver du superflu ». Dans le film « The Adventures Of Iron Pussy » (2003) d’Apichatpong Weerasethakul, le protagoniste homo fonde sa vie sur les vêtements. Dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque, les « Maraisiennes » sont présentées comme d’insupportables consommateurs de sacs, de magasins, de Smart-phone. Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, François et son copain Claude vont toujours faire du shopping (ce qui rase passablement le second…). Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, « les homos font des tas d’emplettes aux Galeries Lafayette ». Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, les trois potes gays Nicolas, Rudolf et Gabriel ont vraiment du mal à quitter leurs petites habitudes de citadins parisiens, et ont du mal à s’adapter à leur nouveau train de vie montagnard en Autriche. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le jeune héros homo de 30 ans, est présenté comme un gars inculte, oisif, peu travailleur (il est d’ailleurs au chômage), ne lisant pas (alors qu’il sort pourtant avec un célèbre romancier, pour la gloire et le matériel). Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Franck reproche à son beau-frère Nicolas (secrètement homosexuel) d’être « surtout occupé à dépenser son fric ». Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel s’ennuie à la campagne, sans portable et sans réseau sur son téléphone. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca est un amoureux des fringues et des objets. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François, l’un des héros homos, est hyper dépensier… surtout avec la carte bleue de son copain, Thomas.

 

Film "Xenia" de Panos H. Koutras

Film « Xenia » de Panos H. Koutras


 

On retrouve le collectionneur fétichiste homosexuel vivant dans un intérieur design très fourni (ou carrément épuré façon « déco acajou asiat’ ») dans les films « Urbania » (2004) de Jon Shear, « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud, « Le Bon Coup » (2005) d’Arnault Labaronne, « Madame Édouard » (2004) de Nadine Monfils, le film « The Bridge » (2005) de George Barbakadze (où ça transpire l’ennui dans l’appartement de Niko et Luka), la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H. (où le couple homo Matthieu/Jonathan, vivant dans un très bel appartement, va finir par s’y enterrer vivant), le film « Rue des roses » (2012) de Patrick Fabre (Medhi et son amant Axel vivant dans un superbe Loft bobo), le film « Bug Chaser » (2012) de Ian Wolfley (avec le copain homo black possédant un super appart’), la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder (avec l’appartement-musée de Léopold), le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec la belle maison bobo de Richard et Kai, décorée aux bons soins de Kai), etc. « Cet appartement semble sortir d’un magazine de décoration. L’endroit lui évoquait une galerie d’art moderne, vaste et impersonnel. » (Jane parlant de l’appart qu’elle partage avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 21)

 

Parfois, l’attachement homosexuel aux objets se décline hypocritement et chroniquement en mise en scène « bobo » de rejet du matérialisme, en destruction iconoclaste (trop violente pour traduire une libération du matériel) : « Simon raconte avec pudeur que le matin même, il est allé dans l’appartement de Gilberto détruire chacune de ses affaires. Il a déchiré les chemises de Gilberto, consciencieusement, les unes après les autres, il a brisé le joli cendrier chiné ensemble contre la table du salon (Gilberto ne fume pas). Il a aussi déchiqueté les billets d’avion des vacances qu’ils avaient passés ensemble en Hollande, et tout un tas de papiers officiels. Simon dit ‘J’ai déchiqueté ces billets parce que c’est une manière de lui dire qu’il ne peut rien garder, même pas le souvenir heureux de ce voyage.’ Il a jeté par terre dans la salle de bain toutes les affaires de toilettes de Gilberto qui se sont cassées, parfum, rasoir, eau de toilette, etc., et sur le bureau, il a shooté son Mac, allant jusqu’à enfoncer complètement son pied dans l’écran. Il a écrasé des clopes sur le tapis en prenant soin de bien le cramer. Il a fermé les rideaux, parce que le soleil qui éclaboussait l’appartement le minait. Il est allé chercher un rasoir, et il a lacéré les rideaux. Il a fait le tour de l’appartement, et a trouvé à tout ce bazar quelque chose de touchant. Comme si sa rupture était enfin matérialisée par tous les morceaux éclatés de la vie de Gilberto, la leur depuis quelques mois. Il est allé chercher sa caméra chez lui. De retour dans l’appartement de Gilberto, il a filmé en laissant la caméra caresser ce champ de bataille de sa colère, en racontant (voix off) tout ce qu’il avait brisé. Il a terminé en filmant la boîte aux lettres dans laquelle il a laissé sa clef et y a donné un énorme coup de poing qui l’a complètement déformé. ‘Voilà. J’ai monté le film toute la journée, je l’ai appelé a-mor(t). Et c’est tout.’ » (Simon, par vengeance, détruit l’appartement de son « ex » Gilberto, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 109-110) ; « Les survivantes [les folles] en peignoir bleu ciel et capeline sanglotent sur le trottoir pour leurs affaires perdues. » (la voix narrative racontant l’incendie-attentat dans une boîte gay parisienne, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 133) ; « Il serait pas un petit peu gay, ton mec ? ll a un chat, il kiffe les vieilles, il aime bien le shopping. » (Sonia s’adressant à sa pote Joëlle par rapport à Philippe le mari de celle-ci, dans le film « L’Embarras du choix » (2016) d’Éric Lavaine) ; etc.

 

Le plus pathétique dans la vie cloisonnée et « plan-plan » des personnages homosexuels collectionneurs, c’est qu’ils n’emmagasinent pas que les objets. Ils entassent aussi les êtres humains, les amants. Dans leur tableau de chasse s’étalent des collections de partenaires sexuels. « Je me suis tapé quelques-uns des types les plus canons de la planète. Je t’ajouterais bien à ma collection. » (Rick, l’un des personnages homos, s’adressant à Sébastien, dans le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, p. 119) ; « Il y a de nombreuses choses qu’un homme peut se permettre de collectionner : des porcelaines et des verres anciens, des tableaux, des montres, des bibelots, des éditions rares, des tapisseries, des bijoux précieux. M. Pujol se moquait de telles choses, elles manquaient de vie : M. Pujol collectionnait des invertis. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), 1932, p. 499) ; etc. Par exemple, dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, le protagoniste homo rêve d’un vieillard qui le fixe du regard comme s’il faisait partie d’une collection d’animaux empaillés : « La nuit, je m’imaginais hypnotisé, épinglé dans ses collections, entre un papillon et une mygale. » (p. 14) Dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, l’oncle homosexuel du jeune Marcel, lui aussi homo, collectionne les ruptures amoureuses.

 

La collection peut être une manière de soudoyer et de violer l’autre. Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent envahit son amant Jacques de cadeaux. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le monde où la différence des sexes a été totalement rejetée se trouve être un espace totalement mécanisé, où les personnages homos sont des robots qui se clonent entre eux et ne vivent que pour leur travail, leur image, leur production, le matériel : par exemple, le Père 2 de Gatal, le héros homosexuel, est fan de voitures ; lui et son mari habite une belle maison bourgeoise où tout est blanc et millimétré.

 

Un certain nombre de héros homosexuels vivent leur libertinage (et s’en excusent) par une schizophrénie paranoïaques qui consiste à prendre les objets pour des êtres vivants, à faire parler les objets et à s’y identifier. Par exemple, dans son one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011), Raphaël Beaumont fait parler un gode, se met dans la « peau » d’une vitre, etc. Dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, ce sont des chiottes qui racontent l’histoire… ou plutôt les histoires de cul homosexuelles ou leurs fantasmes homo-érotiques qu’elles voient défiler chez elles. « Je mélange parfois les toiles de l’appartement. Il y a des visages, des Jocondes, des objets mystérieux qui me regardent. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Jean, le téléphone est toujours mort ? » (cf. une réplique de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Il était avant tout un nain, creusant des galeries obscures dans les mines de la littérature, à la recherche d’un filon scintillant. Il était un conservateur de rêves. Oui, le dernier archiviste d’histoires futiles. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 171) ; « Smokrev ! C’est un collectionneur. » (Haftmann à propos du Comte Smokrev, idem, p. 292) ; « Smokrev revint fréquemment dans la boutique. Il achetait toujours quelque chose : un jour une collection de gravures sur l’architecture viennoise, le lendemain, une biographie des compositeurs d’opéras italiens, etc. » (idem, p. 299) ; « Goudron organisait tant de salons et de soirées fréquentées par des centaines de personnes ridicules de toutes sortes. Il les collectionnait, vous savez. Et il y avait nom pour chacune. » (le pervers Comte Smokrev s’adressant à Pawel Tarnowski, au sujet de son mécène homosexuel Goudron, idem, p. 308) ; etc. Je vous renvoie à l’article « Prenez garde aux objets domestiques » de Claude Cahun, spécial « L’Objet », publié dans la revue Cahiers d’art le février 1936.

 

Photographie Autoportrait (1932) de Claude Cahun

Photographie Autoportrait (1932) de Claude Cahun


 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Jean-Claude Dreyfus

Jean-Claude Dreyfus et ses cochons


 

Aujourd’hui, les personnes homosexuelles ont la réputation d’être des antiquaires, des collectionneurs (d’art). Même s’il y a de nombreuses exceptions à cette tendance, il n’y a pas de cliché sans feu : Gertrude Stein, Philippe Jullian, Oscar Wilde, Elton John (avec ses milliers de paires de lunettes et ses centaines de paires de chaussures), Jean Boullet, Jean-Claude Dreyfus (avec ses cochons), Gustave Caillebotte, Henri III, James Dean, Jean Cocteau, Johann Joachim Winckelmann, Pierre Loti, Marcel Proust, Andy Warhol, Yves Saint-Laurent, Jean-Claude Dreyfus, furent et sont de grands collectionneurs.

 

Par exemple, dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent maintiennent une relation affective avec leurs collections et objets : « Je crois en rien. Alors raison de plus pour croire aux choses, à ses objets inanimés. » (Pierre Bergé) Ils compensent par le matériel leur manque d’amour. Tout leur univers est centré sur le fric, les objets et la possession, à tel point que Pierre Bergé avoue que si, de son vivant, Yves Saint-Laurent avait dû connaître la vente aux enchères de leur collection, « il aurait été saisi de vertiges ». Pauvre chaton…

 

Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent

Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent


 

« Leur imagination est charmée à la vue de beaux jeunes gens, à la vue de statues ou de peintures dont ils aiment à entourer leur chambre. » (J. L. Casper, parlant « des homos », dans son Traité pratique de Médecine légale, 1852) ; « J’étais en adoration devant un animateur d’Europe1, Jean-Louis Lafont, dont la voix et l’allure d’éternel adolescent me ravissaient. Je collectionnais les autocollants avec sa photo et passais tout mon argent de poche en achat de 45 tours. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29) ; « Une collection d’art, c’est un moment de la vie. Nos objets, nous les avons choisis, aimés à deux. » (Pierre Bergé parlant de sa vie commune avec Yves saint-Laurent, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert ; « Je suis un collectionneur d’œuvres d’art et il est un artiste. Je lui ai écrit et ensuite, nous avons parlé pendant six mois sans que j’entende sa voix. Nous parlions d’art, rien de sexy, rien de ça je le jure ! Un jour, je suis allé à Londres et je l’ai rencontré, fin de la partie. Nous sommes ensemble depuis plus d’un an maintenant. » (le chanteur Ricky Martin parlant de son amant Jwan Yosef, artiste londonien d’origine syrienne, mars 2017) ; « J’étais à un poil près de devenir homosexuel. Des hommes me poursuivaient et me proposaient de venir avec eux voir leurs timbres. » (Werner Loertscher, cité dans l’essai Dieu est amour (2019) de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Éd. Flammarion, Paris, p. 94) ; etc.

 

Par exemple, dans le documentaire « L’Atelier d’écriture de Renaud Camus » (1997) de Pascal Bouhénic, l’écrivain français Renaud Camus avoue trouver une « grande jouissance à la classification ». Dans sa pièce autobiographie Ébauche d’un portrait (1992), le dramaturge Jean-Luc Lagarce raconte sa liaison avec un antiquaire collectionneur. Dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, il est question des collections de papillons et de photos d’hommes musclés appartenant à Ernestito. Par ailleurs, l’essai La Petite Collection : Écrits sur l’homosexualité (2004) de Jeremy Bentham porte plutôt bien son nom !

 

Pour ma part, quand j’étais petit, j’étais aussi très collectionneurs. Je démarrais des collections que je ne terminais jamais : les B.D., les porte-clés, les épices, les marionnettes, les films de Disney, les jeux de 7 Familles, etc. Plus tard, dans ma vie d’adulte, à force d’être invité dans des demeures appartenant à des amis homosexuels, j’ai parfois pu voir combien la vie de certains était sclérosée par le matériel, par les collections d’objets insolites ou rares (collection d’armes, de peluches, de DVD, de fringues, de livres…). Une vie réglée comme du papier à musique.

 

Cette « collectionnite » homosexuelle peut s’expliquer par une éducation ou une enfance tournée vers les collections et le matériel : ce fut le cas de Louis II de Bavière, de François Reichenbach (élevé dans une riche famille de collectionneurs de tableaux), de Yukio Mishima, etc.

 

COLLECTION vrai Mylène

Produits dérivés de Mylène Farmer


 

Certains sujets homosexuels aiment posséder en séries. Les chanteuses icônes gays (Lady Gaga, Mylène Farmer, Madonna, etc.) ne s’y sont pas trompées. Elles ont su exploiter leur fétichisme et leur tendance à collectionner en leur proposant toute leur camelote. En France par exemple, Mylène Farmer est l’une des artistes françaises dont la gamme de produits dérivés est la plus étendue. On ne compte plus les remix des vieux « tubes » et les éditions collector (vendus et échangés à prix d’or sur Internet) que l’artiste propose à ses groupies homos. La « chanteuse-machine-à-sous » Björk fait de même. Les artistes vénérés par la communauté gay sont d’ailleurs connus autant pour leur personne que pour leurs accessoires collectionnés (exemple : la petite culotte ou le soutien-gorge de Madonna, la « Robe du Scandale » de Marilyn Monroe, l’araignée métallique du concert de Mylène Farmer, etc.).

 

Les personnes homosexuelles sont présentées ou se présentent parfois d’elles-mêmes comme des individus matérialistes, peu détachés du matériel et de l’image : « Oh la la, j’ai envie de tout acheter ! » (Laura, homme M to F, parti en shopping à Londres, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; « Je suis assez matérialiste, à tous points de vue. J’aime la beauté, un peu comme si je goûtais l’essence des choses. » (Jean-Philippe, homosexuel interrogé dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 88) ; « C’est un de mes travers, je ne sais pas le quitter. […] C’est pour cela que je traîne avec moi tant de petites affaires qui n’ont plus aucun sens. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 161) ; « Je suis un obsédé des fringues de designer. » (le chanteur Sam Sparro dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 62) ; « J’aime les fringues, j’aime sortir du lot. Pas question de m’habiller dans des magasins bon marché et de passer inaperçu dans la foule compacte. Tout petit, maman m’achetait déjà des vêtements haut de gamme, de marque, et c’est une faiblesse qui ne m’a jamais quitté. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 67) ; « La communauté gay a souvent, dans la société contemporaine, un cran d’avance sur le reste de la population. Comme le disent crûment les spécialistes de marketing, les gays sont les meilleurs prescripteurs ; ils devancent les attentes du marché puis les modèlent. Dans la mode, la musique, la publicité, les goûts, les valeurs consuméristes, ils tiennent le haut du pavé. […] Le Marais se veut le lieu le plus branché de France. » (Alain Minc, Épîtres à nos nouveaux maîtres (2002), pp. 72-73) ; « J’ai toujours eu une relation particulière avec les supermarchés, qui sont pour moi comme des cavernes d’Ali Baba. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 216) ; « Tous les métiers en ‘eur’ s’adaptent à la vie gay : vendeur, concepteur, décorateur, designer, etc. Les carrières gays sont étonnamment tournées vers les services et le commerce. » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 111) ; « Vous avez un sacré pouvoir d’achat, vous, les couples gays ! Ça part dans les relais-châteaux… » (Dominique de Souza Pinto, à la conférence « Le Lobby gay… Un bruit de couloir » à l’Amphithéâtre Érignac à Sciences Po Paris, le mardi 22 février 2011) ; « En accordant dorénavant beaucoup de temps à mon entourage professionnel notamment féminin, je m’intronisais aussi plus que jamais en femme, au point que les conversations que je tenais ressemblaient aux leurs. En effet, lorsque j’arrivais le matin, c’était pour parler de vêtements ou de cuisine ; de même que pendant les heures de déjeuner, je traînais les magasins avec ce même entourage à la recherche de petits bibelots de décoration. Ma condition était l’archétype voulu d’une vie de femme, mes propos et mes réactions, ceux d’une fille vivant seule. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 130) ; etc.

 

Les habitations de beaucoup de personnes homosexuelles ressemblent davantage à des musées qu’à des maisons fonctionnelles. Dans le style « maison-gadget » inhabitable, surchargée ou au contraire trop épurée, on trouve par exemple la Villa Sospir de Jean Cocteau, la maison de Salvador Dalí, le palais de Pierre Loti, les châteaux disneylandiens de Louis II de Bavière, la Tour de Chia de Pier Paolo Pasolini, la maison d’Antonio de Hoyos, etc.

 

Parfois, l’attachement homosexuel aux objets se décline hypocritement et chroniquement en mise en scène « bobo » de rejet du matérialisme : « Je suis très peu attaché aux objets. » (André Gide dans le documentaire « Avec André Gide » (1952) de Marc Allégret) ; « Dieu sait si nous autres, les invertis, nous sommes prudents en matière d’argent, quoi qu’en dise la légende ! » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, interrogé dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 87) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check, Rilene, femme homosexuelle, raconte qu’elle est restée 25 années avec sa compagne Margo, et que tout leur quotidien était fondé sur le matériel : les vêtements, les voyages, les maisons : « L’argent était devenu quelque chose de très important pour moi. Le matériel était ce qui me maintenait dans la relation. » Paul, un autre témoin homosexuel du documentaire, était dans le même « trip bobo » avec son compagnon Jeff, avec qui il a vécu 24 ans dans diverses résidences à la campagne aux États-Unis.

 

Le plus pathétique dans la vie cloisonnée et « plan-plan » d’un certain nombre de personnes homosexuels collectionneuses, c’est qu’elles n’emmagasinent pas que les objets. Elles entassent aussi les êtres humains, les amant(-e)s. La collection de conquêtes sexuelles avait déjà été conceptualisée par le Marquis de Sade : « Sade imaginait une utopie sexuelle où chacun avait le droit de posséder n’importe qui ; des êtres humains, réduits à leurs organes sexuels, deviennent alors rigoureusement anonymes et interchangeables. Sa société idéale réaffirmait ainsi le principe capitaliste selon lequel hommes et femmes ne sont, en dernière analyse, que des objets d’échange. Elle incorporait également et poussait jusqu’à une surprenante et nouvelle conclusion la découverte de Hobbes, qui affirmait que la destruction du paternalisme et la subordination de toutes les relations sociales aux lois du marché avaient balayé les dernières restrictions à la guerre de tous contre tous, ainsi que les illusions apaisantes qui masquaient celles-ci. Dans l’état d’anarchie qui en résultait, le plaisir devenait la seule activité vitale, comme Sade fut le premier à le comprendre – un plaisir qui se confond avec le viol, le meurtre et l’agression sans freins. Dans une société qui réduirait la raison à un simple calcul, celle-ci ne saurait imposer aucune limite à la poursuite du plaisir, ni à la satisfaction immédiate de n’importe quel désir, aussi pervers, fou, criminel ou simplement immoral qu’il fût. En effet, comment condamner le crime ou la cruauté, sinon à partir de normes ou de critères qui trouvent leurs origines dans la religion, la compassion ou dans une conception de la raison qui rejette des pratiques purement instrumentales ? Or, aucune de ces formes de pensée ou de sentiment n’a de place logique dans une société fondée sur la production de marchandises. » (Christopher Lash, La Culture du narcissisme (1979), pp. 105-106)

 

De nos jours, l’idée qu’on peut collectionner les amants passe très bien dans les cercles d’homosociabilité fréquentés par la plupart des personnes homosexuelles qui se disent pourtant « hors milieu ». Dans leur tableau de chasse s’étalent des collections de partenaires sexuels : « Au lieu d’étudiants ou d’artistes en herbe, j’ai collectionné un nombre impressionnant de paumés en crise de croissance auprès desquels je me sentais embarqué dans un voyage salutaire loin du monde des lettres. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 21)

 

COLLECTIONNEUR Cochons

Collection de Dreyfus


 

Xavier Rinaldi – « Le ‘marché de la viande[sous-entendu les cercles de drague] est-il plus développé chez les gays que chez les ‘normaux’, comme vous dites ?

Henry Chapier – Oui, évidemment. Ce marché est entretenu par le marketing, mais pas seulement. Les gays ont, c’est vrai, un peu moins d’obligations qu’une famille. Les publicitaires ont compris qu’ils constituaient une proie facile. Mais le marketing n’est pas le seul responsable. »

(Henri Chapier interviewé par Xavier Rinaldi dans l’essai Christine Boutin, Henry Chapier, Franck Chaumont : Les homosexuels font-ils encore peur ?, (2010), p. 64)

 
 

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