Code n°78 – Frankenstein (sous-code : Homme nouveau)

Frankenstein

Frankenstein

 
 

NOTICE EXPLICATIVE

Le transhumanisme et la création de cet être d’apparence humaine affranchi des limites de notre condition humaine (sexuation, procréation, souffrance, mort…) et baptisé Cyborg empruntent bien le chemin de l’homosexualité puisqu’on voit souvent, dans le discours des personnes homosexuelles et dans leurs oeuvres de fiction, la référence à Frankenstein.

 

Que dit la résurgence du personnage de Frankenstein (créé en 1818 par Mary Sheller) dans la fantasmagorie homosexuelle ? Une impression, chez certaines personnes homosexuelles, d’être un monstre ou un objet sacré : sûrement. Une envie de posséder et de réifier son amant : également. Une idolâtrie, surtout. Pour un Homme invisible, un Superman asexué (ou hyper-féminisé et hyper-masculinisé à la fois) qui libèrerait l’Humanité de toutes ses contraintes.

 

L’homosexualité est une forme d’eugénisme new look : elle célèbre l’existence d’un mythique « Homme nouveau » (inconsciemment, l’androgyne asexué ou pluri-sexué ; « consciemment », son actualisation humaine imparfaite, c’est-à-dire « la personne bisexuelle ») reposant sur la diabolisation d’un autre Homme nouveau présenté comme préhistorique (« l’hétérosexuel » ou « l’homophobe »).

 

L’homosexualité masculine semble émerger d’un sentiment de non-conformité par rapport à l’image masculine imposée par les médias, d’une peur fondée avant tout sur certaines images faussées de l’homme réel. « J’avais l’impression que d’être homosexuel faisait de moi un sous-homme. C’est pour ça que j’ai longtemps été mal parce que je courais après une espèce d’image masculine, qui est un archétype social, mais qui n’est pas une réalité en définitive. Je courais après ça… et moi, je suis pas comme ça. » (Olivier, témoin homosexuel de 37 ans, dans le documentaire « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) La même chose semble s’être produite pour l’homosexualité féminine : la comparaison excessive à la femme-objet a certainement été décisive. « Je n’étais pas bien belle. Je n’étais pas une pin up. J’étais toujours un peu rondouillarde… » (Micheline, femme lesbienne citée dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 50)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles croient avoir échappé à l’identification à l’image idéalisée de l’homme-objet en la rejetant intellectuellement bien après l’avoir adulée. Mais ce processus d’intellectualisation arrive souvent trop tard. Ce n’est qu’après avoir intégré l’idée que l’image médiatique de la masculinité était leur réalité profonde qu’elles disent ensuite que rationnellement, elle ne doit pas l’être, qu’elles sont pleinement elles-mêmes sans les médias et en dehors de tout modèle humain marchand. C’est pour cela qu’elles tentent ensuite de reproduire, à coup de sincérité, de clichés photographiques, de maquillage (et parfois de scalpel !), le miracle du Frankenstein, sur elles-mêmes ou sur leurs partenaires sexuels.

 

Les créateurs de l’homme-objet, de « l’hétérosexuel », ce sont souvent les personnes homosexuelles elles-mêmes. C’est déjà le cas historiquement (le terme « homosexuel » est apparu en 1869, et a précédé celui d’« hétérosexuel », survenu un an après) ; c’est aussi le cas en image – avec toutes les représentations d’un Frankenstein fabriqué par un savant fou homosexuel – et parfois dans la réalité : nombreux sont par exemple les photographes gay qui ont réifié l’homme-objet en estampe sacrée, et lui prépare une place confortable dans l’espace public. Difficile maintenant, quand on se ballade dans une ville de France, ou quand on surfe sur Internet, d’échapper visuellement aux couvertures aguicheuses de la presse gay où s’étalent les mannequins Ken et des Frankenstein athlétiques, stoïques, antipathiques, et au regard « de braise »/éteint.

 
 

N.B. : Voir également les codes « Homme invisible », « Don Juan », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Morts-vivants », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Milieu homosexuel infernal », « Médecin tué », « Femme et homme en statues de cire », « Femme allongée », « Clonage », « « Je suis différent » », « « Plus que naturel » », « Pygmalion », « Amant modèle photographique », « Se prendre pour Dieu », « Femme fellinienne géante et pantin », « Différences culturelles », la partie « amant-objet » du code « Poupées », la partie sur le « corps morcelé » du code « Ennemi de la Nature » et la partie « mise en scène de son enterrement » du code « Mort », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le personnage homosexuel se prend pour Frankenstein ou le docteur qui l’a créé :

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Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

Régulièrement dans les fictions traitant d’homosexualité, le mythe de Frankenstein apparaît : cf. le film « Frankenstein » (1931) de James Whale (dans lequel le monstre est créé par un couple d’hommes gay), la comédie musicale Big Manoir (2007) d’Ida Gordon et d’Aurélien Berda, le film « De la chair pour Frankenstein » (1974) d’Antonio Margheriti et Paul Morrissey, la B.D. Anarcoma (1983) de Nazario (avec la création du Frankenstein macho), le roman El Anarquista Desnudo (1979) de Luis Fernández, le film « Frankenstein Monster » (1974) de Rossani Brazzi (avec notamment des bains entre femmes), le film « La Fiancée de Frankenstein » (1935) de James Whale (avec les docteurs Frankenstein et Prétorius), le film « Island Of Lost Souls » (1933) d’Erle C. Kenton, le film « I Was A Teenage Frankenstein » (1957) d’Herbert L. Strock, le film « House Of Horrors » (1946) de Jean Yarbrough, le film « Le Fils de Frankenstein » (1939) de Rowland V. Lee, le film « Frankenstein créa la femme » (1967) de Terence Fisher, le film « Insatisfaites poupées érotiques du professeur Hitchcock » (1971) de Fernando Di Leo, le film « The Making Of Monsters » (1990) de John Greyson, le spectacle musical Créatures (2008) d’Alexandre Bonstein et Lee Maddeford, la pièce Asseyez-vous sur le canapé, j’aiguise mon couteau (2013) d’Alexandre Delimoges (avec une Comtesse Frankenstein qui crée une créature gay), le vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer, la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander (avec le vampire nommé Prétorius, exactement comme le créateur de Frankenstein), le film « Young Frankenstein » (« Frankenstein Junior », 1974) de Mel Brooks (Dr Frankenstein Junior et Frankenstein jouent au couple), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec le Docteur aux faux airs de Frankenstein), le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec l’effrayant Docteur Lebrun), la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo, le film « Lust For Frankenstein » (1998) de Jesus Franco (film érotique), le film « Tras El Cristal » (1987) d’Agustí Villaronga, le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys (avec Bryan dans le comas juste après son accident de moto), le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman (avec la scène d’embaumement du corps du Rav), le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard (avec le héros « instancé », pris pour un Dieu par sa mère), le film « Brüno » (2009) de Larry Charles, la chanson « Sensiblement modifiés » de Stanislas et Béatrice Rosen, le film « Smooth » (2009) de Catherine Corringer, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec Vera sur le billot, recevant des décharges électriques pour obéir aux diktats de la chirurgie esthétique), la performance Golgotha (2009) de Steven Cohen (avec la scène d’électrocution sur la chaise électrique), le film « La Piel Que Habito » (2011) de Pedro Almodóvar, le film « Opération d’un discours » (2008) de Camille Ducellier (avec les deux chirurgiens travaillent la plastique des corps), le vidéo-clip de la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer (avec le Petit Chaperon Rouge sur la table d’opération, et se transformant en femme-araignée), etc.

 

FRANKENSTEIN 2

Clip « Dégénération » de Mylène Farmer


 

Régulièrement, le héros homosexuel crée l’homme-objet (= Frankenstein), c’est-à-dire l’hétérosexuel, l’homosexuel-le, le transsexuel ; ou bien est considéré comme un être bionique qui va être construit de toute pièce et téléguidé par son amant-savant fou : « J’ai créé un monstre : j’ai pris un transsexuel, j’en ai fait une lesbienne. Gniarc gniarc gniarc ! » (Édouard à Jenny, dans le spectacle musical Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte) ; « María-José n’en était pas à sa première expérience chirurgicale. » (le transsexuel de la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, pp. 29-30) ; « Jane avait allumé les lampes pour repousser l’obscurité et le salon renvoyait un éclat blanc sous l’éclairage soigneusement réglé, si stérile qu’il n’aurait pu appartenir à la clinique de quelconque chirurgien esthétique. Il était facile d’imaginer un chariot entrant dans cet espace presque vide, poussé par des chirurgiens masqués, prêts à sculpter une beauté. Elle se les représenta un instant, leurs mains gantées s’activant profondément dans le sang. L’image évoquait trop la naissance venir et elle la chassa. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 135) ; etc. Par exemple, pendant toute la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, Frank et son amant Jonathan surnomment le Dr Apsey (le psy de Frank) « Frankenstein » : l’homonymie entre le patient et son soignant laisse entendre la fusion amoureuse et identitaire des deux protagonistes. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, le médecin qui va opérer la narratrice transgenre F to M pour son changement de sexe se montre particulièrement cruel, despotique et infantilisant : « Il va falloir perdre cette habitude de s’excuser ou de remercier tout le temps. ‘Masque neutre’, vous vous rappelez ? Ça va venir. Une déconstruction, ça prend du temps. » Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le docteur Blaise Poppyx, homosexuel, va implanter des faux pectoraux et des poils sur le fiancé de Gatal.

 

Très souvent, les amants homosexuels fictionnels veulent s’opérer l’un l’autre… pour généralement ne faire plus qu’Un et se greffer ensemble : « J’vais te recoudre. » (Saint Loup à son compagnon Casta dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot) ; « J’ai toujours aimé expérimenter. Observer jusqu’à quel point je pouvais transformer les gens. C’est mon côté docteur Frankenstein. » (Amande dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 95) Par exemple, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel et son futur amant Léo se rapprochent en allant voir ensemble au cinéma un film où un robot monstrueux tient dans sa main un marié et une mariée qu’il écrabouille.
 

Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien homosexuel, tombe amoureux de Christopher, son camarade de classe au pensionnat britannique, son unique ami qu’il perdra brutalement. Plus tard, quand Turing crée une machine à décoder les messages nazis, il la baptise « Christopher », en hommage à son amant disparu. Il a la prétention d’humaniser les robots, d’être le père (incompris) d’un « Electrical Brain » qui réagirait « comme le ferait une personne » : « Vous ne comprendrez jamais ce que je suis en train de créer ! » Même si intellectuellement il sait encore faire la différence entre un Homme et une machine, il pense néanmoins que la machine « pense »… et mérite d’être aimée.

 

FRANKENSTEIN 6

Film « Frankenstein Monster » de Rossani Brazzi


 

Bien évidemment, le mythe de Frankenstein rappelle le désir de se prendre pour Dieu. Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar propose à Khalid, son amant, d’aller au cinéma voir le film « Re-Animator », relatant l’histoire d’« un homme qui réveille les morts » (p. 111) ; et à la fin de l’histoire, il le tuera pour mieux le posséder/ressusciter. Dans le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le Docteur Frank-N-Furter, le dieu transsexuel, crée Rocky, un parfait Monsieur Muscle ; il est la parfaite résurgence queer de Frankenstein. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la pièce commence par une femme sur scène (la narratrice transgenre F to M) qui se met en position fœtale, comme un monstre difforme sur une table d’opération : elle exprime en quelque sorte que son corps lui appartient et qu’elle serait son propre matériau.

 

FRANKENSTEIN 3

Film « The Raven » de Lew Landers


 

En général, la mégalomanie du Docteur Frankenstein aboutit à une hybridité machine-Homme monstrueuse : « Le laboratoire du corps humain transforme toute la beauté du monde en dégoût. » (le comédien prononçant son slam sur la sodomie, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) Le mythe de Frankenstein renvoie à une conception réifiante, violente, et marchande du corps humain : « Ça se ressoude tout seul. » (Irina parlant de son doigt cassé, dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « Quelqu’un est déjà entré là-dedans. Ou c’est un petit Frankenstein ? » (le skinhead gay s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne enceinte, en l’agressant, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 96) ; etc. Par exemple, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, le Docteur Frankenstein est d’ailleurs clairement la figure du Pygmalion violeur : « Je viens de greffer un cerveau artificiel de mon invention ! » (le Professeur Vertudeau évoquant la lobotomie opérée sur la cantatrice Regina Morti) ; « Cette dame est ma créature. » (idem) « Je t’ai vu la violer sur la table d’opération ! » (l’Infirmière s’adressant au professeur Vertudeau à propos de Regina Morti) ; « Vous avez détruit mon chef-d’œuvre ! » (le Professeur s’adressant à l’Infirmière, idem) ; « Son regard croisa celui de Mann et elle eut un aperçu du professionnel qu’il était, un médecin qui connaissait les rouages secrets du corps féminin, un homme capable de vous démonter. » (Jane dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 175) ; etc.

 

Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, présente l’inconvénient de son métier : « Y’a le revers de la médaille : tu vieillis plus vite que d’habitude. » Il se rend chez un chirurgien pratiquant la « médecine esthétique pour rajeunir. Le résultat n’est d’ailleurs pas toujours à la hauteur de ses espérances. « T’as l’impression d’être un monstre et qu’il faut refaire toute ta gueule. ». Jeanfi parle « des effets mordants du peeling » et des ratés de son médecin qui le bronze de trop.
 
 

b) Le mythe eugéniste de l’Homme nouveau :

L’homosexuel fictionnel croit au mythe de l’Homme nouveau, auto-créé (sans Dieu) ou parfait comme une race tout juste sortie de sa table d’opération : cf. le film « The New Man » (1992) de Mike Hoolbloom, le film « The New Women » (2001) de Todd Hughes, le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, le film « Nouveaux Mecs » (1994) de Sonke Wörtman, le roman Borderlands/La Frontera : The New Mestiza (1987) de Gloria Anzaldúa, le film « Desi’s Looking For A New Girl » (2000) de Mary Guzmán, le film « Twee Vrouwen » (« Deux fois femme », 1985) de George Sluizer, le film « Un Homme un vrai » (2002) de Jean-Marie et Arnaud Larrieu, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, le film « Best Men » (1997) de Tamra Davis, le roman Un Garçon parfait (2008) d’Alain Claude Sulzer, la B.D. En Italie, il n’y a que des vrais hommes (2008) de Luca de Santis et Sara Colaone (au titre si ironique que cela ?), la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, etc.

 

La défense de l’Homme Nouveau s’engendrant lui-même suit en général une logique esthétique (et donc consumériste, marchande, conquérante, homosexuellement/minoritairement universaliste, pulsionnelle, pornographique) plus qu’une noble quête éthique : « Sébastien évoquait un dieu du stade. Il aurait pu symboliser la beauté aryenne la plus pure. » (Jean-Paul Tapie, Dix Petits Phoques (2003), p. 12) ; « Ce n’est rien, trois points de suture dans le prépuce et quatre dans le testicule et vous serez un homme neuf ! » (le lieutenant Kling au narrateur dans la nouvelle « La Mort d’un phoque » (1983) de Copi, p. 22) ; « Je me ressaisis avec énervement, on est gay, on a le devoir d’être plus fort que soi, d’être puissant, de bander dur et d’avoir un désir infaillible. C’est dans les films porno qu’on apprend cela, les seuls endroits où l’homosexualité existe de plein droit. Je lui fais l’amour avec autorité, sans déroger sous ses plaintes. » (Mike, le narrateur homosexuel, dans le roman Des Chiens (2011), p. 69) ; « Couchons-nous et demain, lesbiennes et pédales seront le genre humain. » (Cf. la reprise parodique de l’Internationale, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc. Je vous renvoie au chapitre « Un vrai mec » dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin (p. 63) : « Jake a fouillé dans la poche de son jean et m’a remis une carte chiffonnée, de couleur kaki, avec son numéro de portable. Dessus, JAKE GREENLEAF se détachait en lettres vert foncé entrelacées de lierre. En dessous, en minuscules, il était marqué : New Man. Cette référence à un homme nouveau m’a paru géniale et je le lui ai dit. » (p. 73) Par exemple, le voix narrative du roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig fait l’éloge des Élisabéthains, cette « race anglo-saxonne » présentée comme supérieure. Le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet traite justement de l’idéologie sectaire de l’Homme nouveau, à travers l’exemple du monde lisse et inhumain du monde de l’entreprise qui construit des « nouveaux aristocrates » (p. 179), « une race d’hommes » (p. 180).

 

Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, l’être humain est mesuré comme un cheval : il doit correspondre exactement à l’idéal physique des eugénistes homosexuels, obnubilés par la « pureté » et le « pedigree » des couples homos qu’ils veulent former à tous prix pour assurer leur descendance. Toute la pièce tourne autour du culte de la Virilité, du couple homosexué, de la Fertilité de la semence des Mâles.
 

Par ailleurs, il est intéressant de noter que la prise de conscience du statut d’« Homme nouveau » arrive généralement après un viol : cf. la nouvelle El Lobo, El Bosque Y El Nuevo Hombre et Fresa Y Chocolate (1992) de Senel Paz, le film « Théorème » (1968) de Pier Paolo Pasolini, etc. L’Homme nouveau, c’est l’Homme violé, qui a vécu l’épreuve traumatisante du viol qu’il présente comme un rite initiatique merveilleux et révélateur d’une homosexualité « profonde », pour ne pas s’écrouler identitairement.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) L’importance du mythe de Frankenstein dans le désir homosexuel :

FRANKENSTEIN 4

Sourire pour la photo?


 

Commençons par ce beau clin d’œil : James Whale, le réalisateur du fameux premier film « Frankenstein » (1931), est comme par hasard homosexuel !

 

Je vous renvoie également au documentaire « Creature » (1998) de Parris Patton, aux nombreux croisements entre l’univers queer de la série La Famille Addams (avec le personnage de Lurch, notamment) et celui de Frankenstein. Dans le film « Gods And Monsters » (1998), Ian McKellen (acteur homosexuel) interprète le rôle de James Whale. Dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, on apprend que José Luis Amarilla va voir « El Jovencito Frankenstein » au cinéma (p. 30).

 

On décèle une parenté incestueuse dans cette affaire de Frankenstein homosexuel. Tout donne à penser que symboliquement la personne homosexuelle est le fils ou le père improbable de l’homme-objet (cf. le code « Tante-objet ou maman-objet » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, certains drag-king lesbiens copient Elvis Presley, le symbole de l’Éternel Masculin. Le père de l’écrivain Malcolm Lowry gagna un concours du meilleur Monsieur Muscles de sa région (cf. le documentaire « Le Volcan » (1976) de Donald Brittain). Le père de Gore Vidal était une star de l’athlétisme ayant représenté les États-Unis aux Jeux olympiques d’Anvers (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 64). Jean-Claude Brialy, dans son autobiographie Le Ruisseau des singes (2000), présente son père comme un homme-objet séduisant, beau et sportif.

 

Régulièrement, par le cinéma, la photographie, l’outil Internet, la danse, la psychanalyse, la chirurgie, certains artistes et intellectuels homosexuels créent l’homme-objet (= Frankenstein), c’est-à-dire l’hétérosexuel, l’homosexuel-le, le transsexuel ; ou bien se considèrent comme des êtres bioniques qui vont être construits de toute pièce et téléguidés par leur amant-savant fou : « J’aimerais changer de corps, le faire refaire au complet pour pouvoir me dire que je recommence ma vie à zéro. » (Jean-Philippe, un témoin homosexuel, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 88) ; « Quand on est trans, on sait qu’on doit se réaliser. » (Marie, homme M to F, pendant le débat « Transgenres, la fin d’un tabou ? » diffusé sur la chaîne France 2 le 22 novembre 2017) ; etc. Par exemple, on doit à l’écrivaine lesbienne Cathy Bernheim une version « au féminin » de Frankenstein, Cobaye Baby (1987), ainsi que la biographie de l’auteur de Frankenstein, Mary Shelley (1987) et Mary Shelley – La jeune fille et le monstre (1997). L’Homme qui s’identifie à Frankenstein essaie, par ses propres moyens et par la science, de donner corps à ses fantasmes amoureux, à pulsions homosexuelles, à ses désirs narcissiques de mort/toute-puissance : « Je cherche Mister Perfection. » (Brüno dans le film « Brüno » (2009) de Larry Charles)

 

Par rapport au mythe de Frankenstein, les personnes homosexuelles adoptent très souvent une attitude de déni idolâtre : elle critique le Frankensteinisme chez les autres (cf. la parodie des dégâts de la chirurgie esthétique dans le one-woman-show Nana vend la mèche (2009) de Frédérique Quelven, avec l’agence fictive « Relooking Extrem ») pour mieux s’y soumettre dans les faits.

 
Concrètement, le mythe de Frankenstein, en des termes plus réalistes, instaure une dichotomie corps/âme : il s’agit du fantasme humain de mettre l’âme de quelqu’un dans le corps de quelqu’un d’autre. C’est du transfert de personnalités, ou plutôt de personne. C’est de la violation d’unicité du corps, et donc de la violation de personnes.
 
 

b) L’idéologie eugéniste de l’Homme nouveau (transhumanisme) :

FRANKENSTEIN 5

Film « Œdipe (N + 1) » d’Éric Rognard


 

Revient souvent dans les discours des personnes homosexuelles le complexe d’adolescence de ne pas être un « vrai garçon » et « une vraie fille » (et, pour le coup, de devenir un « vrai homme » ou une « vraie femme » avec le coming out ou le passage à l’acte homosexuel), ou bien chez les personnes transsexuelles ce désir de devenir « une vraie femme » ou « un vrai garçon » par la chirurgie : je vous renvoie aux documentaires « Enough Man » (2004) de Luke Woodward, « Glamazon : A Different Kind Of Girl » (1993) de Rico Martinez, « 100% Woman » (2004) de Karen Duthie, etc. « Comment une vie bascule à travers une main qui s’aventure… Je suis devenue une vraie femme. » (Thérèse par rapport à sa toute première fois lesbienne, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Et beaucoup plus tard, j’ai reconstitué ce que j’avais vécu naïvement, sans la moindre arrière-pensée, le schéma relationnel de cette communauté liée par un pacte dont le secret était l’érotisme masculin ou, pour m’exprimer sans voile, les relations homosexuelles qu’entretenaient les membres de son équipe de base, au centre de laquelle se trouvait le guide charismatique de base, le Männerheld – le héros des hommes. » (Nicolaus Sombart par rapport aux Wandervogel allemands, dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 124) ; etc. Dans le premier numéro du premier journal homosexuel en Allemagne nazie Der Eigene, Adolf Brandt dédie le journal aux « individus forts » qui organisent leur vie selon leurs propres codes et refusent de se conformer à la morale des masses.

 

Même si cette conscience identitaire prend au départ l’apparence d’une enthousiasmante Renaissance, de l’« Orgueil », du « Progrès », de la « Beauté », du « Droit », de l’« Égalité », du jeu, elle dit en réalité une haine de soi et une honte injustifiée ; et les moyens employés pour les camoufler sont beaucoup moins poétiques. La croyance en l’Homme nouveau a été, rappelons-le, le centre névralgique de l’idéologie nazie pendant la Seconde Guerre mondiale ; elle est déplacée aujourd’hui vers le mythe du self-made man individualiste, hédoniste, athée, bisexuel : « Ainsi certains n’hésitent-ils plus aujourd’hui à laisser entendre qu’ils seraient de ‘pure condition homosexuelle’. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), pp. 111-112)

 

Le mythe de l’Homme nouveau auto-créé est défendu par de nombreuses personnalités homosexuelles : André Gide (cf. Corydon, en 1923), Stefan Sweig, William Burroughs, Monique Wittig (cf. Les Guerrillères en 1969), tous les défenseurs zélés du coming out (présentant l’annonce de l’homosexualité ou la rencontre avec leur « moitié » comme une résurrection), la grande majorité des personnes homosexuelles qui pensent que tous les couples femme-homme seraient « les hétérosexuels » et que « les homos » seraient tous des « victimes d’homophobie », etc. « L’homophobie qui peut exister, les inégalités hommes/femmes qui demeurent ne sont, en définitive, que des prétextes pour construire une nouvelle humanité, affranchie de toutes normes et de toutes références à un ordre quelconque. Une société où chaque individu dans la force de son vouloir est un nouveau dieu puisqu’il se définit lui-même dans un déni de la réalité. » (Élizabeth Montfort, Le Genre démasqué (2011), p. 82) Par exemple, dans l’Angleterre de la fin du XIXe siècle, le groupe d’intellectuels formé par Bertrand Russell, Lytton Strachey, E. M. Forster ou J. M. Keynes, faisait l’éloge des invertis, ceux qui pratiquent des plaisirs interdits et soi-disant « supérieurs » (« Higher Sodomy ») à la « banale » sexualité femme-homme.

 

Des penseurs comme Fabrice Hadjadj, ou encore Tony Anatrella, nous avertissent de l’inquiétant chemin qu’est en train de prendre notre monde social et scientifique de plus en plus techniciste, qui, obnubilé par son idée de progrès, transforme peu à peu l’Homme en machine asexuée et désincarnée, et vise un « post-humain » concrètement inhumain et activement bisexuel/asexuel : « On a séparé la sexualité de la procréation, puis la procréation de la conjugalité, ensuite la procréation de la parenté ; et si l’on veut à présent dissocier la procréation de la différence sexuelle en laissant entendre qu’un enfant peut se concevoir et être éduqué en dehors de cette différence fondamentale. La prochaine étape consistera à déshumaniser la conception d’un enfant en dehors de toute union sexuelle, du portage maternel et de l’accouchement. Certains se réjouissent déjà que la femme soit un jour libérée de la maternité grâce à la machine à ‘fabriquer’ des bébés. » (Tony Anatrella, Le Règne de Narcisse (2005), p. 113) La mutilation du corps que s’imposent les personnes transsexuelles en fournit l’exemple le plus extrême. Mais les couples homosexuels, en rejetant ce bloc fondamental du Réel qu’est la différence des sexes, rejoignent, au moins au niveau du désir, la même réification monstrueuse de Frankenstein.

 

Il existe toute une confrérie scientifique de chirurgiens qui exploitent le mal-être des personnes transgenres pour se faire du fric sur leur dos. C’est le cas du docteur Jean Chambry, visiblement homo, qui promeut la transition des transgenres (cf. l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6).
 
 

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