Interview (inexploitée) sur la WorldPride de Madrid


 

Interview que j’ai accordée au journaliste espagnol Juan Bosco Martín Algarra qui aurait dû être publiée (à l’occasion de la World Pride à Madrid) :
 

1 – De manière générale, la célébration du jour de l’orgueil gay vous semble positive ou négative ?
 

Selon moi, c’est une fausse question. Elle nous enferme dans la réaction, au lieu de nous conduire vers la réflexion. Focaliser la question de l’homosexualité sur la Gay Pride, c’est éviter de parler de l’homosexualité en elle-même. C’est remplacer l’homosexualité par son image médiatique, et finalement rentrer dans le jeu qu’on dénonce. L’homosexualité n’est pas la Gay Pride. Mais la Gay Pride réunit des personnes homosexuelles, et dit énormément de choses sur l’homosexualité : nous y mimons notre vie amoureuse. Parfois même nous scénarisons notre souffrance, notre insatisfaction en amour, nos viols, de manière exagérée et parodique. Au lieu de mépriser l’événement et de nous demander de nous plaindre, vous devriez plutôt analyser les messages qui y sont diffusés et écouter ce que nous, personnes homosexuelles, avons à vous dire sur la société, la sexualité, le mariage femme-homme, la politique, l’Église. C’est peut-être le seul moment où vous pouvez nous entendre, où nous sortons dans la rue.
 

2 – Si cette célébration vous paraît positive, est-ce que vous changeriez quelque chose ? Pourquoi ? Si elle vous paraît négative, pourquoi croyez-vous qu’il ne doit pas être célébré ?
 

J’ai déjà fait plusieurs marches. C’est un moment entre amis, où j’ai pris à chaque fois beaucoup de plaisir. J’ai même dansé sur des chars. C’est aussi agréable qu’un carnaval. C’est l’occasion pour y croiser beaucoup de monde : j’y retrouve pas mal de mes élèves. C’est même un peu mieux qu’un simple carnaval car il y a dans les Gay Pride une convivialité inédite entre personnes homosexuelles (c’est le seul moment où nous ne nous draguons pas !), il y a un mélange incroyable de provocation et de sophistication qui est souvent drôlissime. Rien à voir avec la vision d’horreur ou de vulgarité que nous dépeignent les opposants à cet événement. En plus, quand on fait la Gay Pride, on se rend compte que les ¾ des chars ne sont pas choquants visuellement, et que ce que filment les télés n’est pas le reflet de la fraternité et de l’amitié vécues lors de cette marche.
 

3 – Vous croyez que cette fête donne une bonne image des personnes homosexuelles, c’est-à-dire qu’elle contribue à ce que la société respecte davantage les personnes homosexuelles ? Expliquez pourquoi.
 

Je pourrais vous sortir le discours râleur appris de la majorité des personnes homosexuelles, qui ne se reconnaissent pas dans la Gay Pride et qui trouvent qu’elle ne donne pas une image fidèle et respectueuse d’elles. Et beaucoup de personnes homophobes attendent de nous, personnes homosexuelles, que nous exprimions leur mécontentement de l’homosexualité et leur homophobie à leur place. Mais ça ne m’intéresse pas. Cette question incite à la haine et veut créer de la division entre personnes homosexuelles. Comme si cette division n’était pas déjà assez grande ! Je préfère vous dire que les Gay Pride auraient toute leur raison d’être si nous, personnes homos, expliquions notre tendance homosexuelle et les raisons pour lesquelles nous devrions nous opposer aux lois qui passent en notre nom. Au lieu de cracher sur la Gay Pride, vous devriez aimer, comme nous, les personnes qui la font. L’homosexualité n’est pas d’abord une affaire de bonne ou de mauvaise image. Elle est une affaire de personnes. Arrêtez de nous demander ce que nous pensons de la Gay Pride. Demandez-nous plutôt ce que nous pensons de notre homosexualité !