La liberté de l’homme marié homosexuel contre la liberté du témoin public homosexuel continent

FRANCE-POLITICS-GAYS-MARRIAGE
 

C’est troublant. De plus en plus d’hommes mariés catholiques, très heureux avec leur femme et leur(s) enfant(s), me contactent personnellement, à la fois pour me dire leur joie de me rencontrer et leur admiration de voir quelqu’un comme moi aborder ouvertement et solitairement leur secret dans les médias, pour me rappeler que leur blessure homosexuelle n’est pas un frein à leur bonheur/à la possibilité d’être mariés, mais qu’il ne faut pas non plus laisser croire qu’elle est totalement refermée ou inexistante. Au contraire, il restera selon eux toujours “quelque chose” de leur passé homo, et ils ne veulent pas que ce tiraillement soit gommé, qu’on hurle trop vite au miracle, qu’on idéalise leur situation, qu’on leur enlève leur couronne ou leur croix homosexuelle, qu’on oublie leur courage et leur permanent combat (personnel et en couple).
 

J’ai compris cela un peu mieux ce soir grâce à une discussion Skype avec un ami homo d’Amérique Latine – marié 3 enfants – dont je ne soupçonnais pas l’homosexualité.
 

Entre ces hommes mariés homosexuels (ou ces célibataires consacrés homosexuels) qui ont choisi de ne pas dévoiler publiquement leur désir homosexuel mais qui, grâce à leur foi catholique, s’en tirent malgré tout super bien, et moi, il y a une admiration croisée, admiration qui n’est pas jalousie. Qui ne peut pas être jalousie. Car l’homosexualité en Vérité ne génère que de la fraternité joyeuse, de la complémentarité inédite.
 

Mais nous nous trouvons tout de même face à un apparent paradoxe, une vitre de verre qui nous sépare. En même temps que nous partageons la même condition, nous vivons chacun deux libertés, deux héroïsmes, deux saintetés, deux modes de vie qui, sans s’opposer, sont radicalement différentes. Si elles se font joyeusement écho, ce sera uniquement dans la confidence amicale, dans la discrétion. En fait, ces deux libertés pourront difficilement s’agencer. (À ce titre, Andrew Comiskey est une exception… et encore, pas tellement que ça, vu que son mariage et ses enfants l’empêchent de crier son homosexualité sur tous les toits et de proposer une analyse fouillée et publique de l’homosexualité. En tant que père de famille, il garde une réserve, et s’arrange pour noyer l’homosexualité dans la problématique des « blessures universelles et dépassables par Dieu ».)

 

Deux libertés se font étonnamment miroir mais marcheront (toujours ?) en parallèle.
 

L’homme qui s’est marié force en moi l’admiration : il est héroïque dans le sens où il a surmonté sa peur de l’autre sexe par pur amour, il a été capable de sacrifier une grande part de ses désirs et plaisirs, il a construit une famille, il a fait l’effort d’obéir à Dieu, il a eu la liberté dingue de s’engager à vie pour le mariage fidèle, il est parti à la recherche de sa virilité perdue. Cette liberté, j’ai l’impression que je ne la connaîtrai jamais. Cette joie de transmettre la vie, de me sentir bien avec la femme que j’aime, de ne plus me sentir dépassé ou envahi par une peur ou une indifférence ou un dégoût qui me submergent malgré ma foi en Dieu, malgré la transparence des échanges, malgré la lucidité des constats sur l’homosexualité, elle me paraît inaccessible.

 

Mais en revanche, lui, l’homme marié homo ou le prêtre homo, a l’impression qu’il ne connaîtra jamais la liberté du témoin homosexuel catholique que moi je vis, l’exaltation du pourfendeur des hypocrisies les plus bobos et les plus sataniques, la joie de l’évangélisateur par l’homosexualité, la libération du courage, la fougue du chevalier-exorciste quasi unique en son genre, qui peut se permettre de parler du Secret ouvertement, de démystifier la Honte, de démasquer le diable, de décrypter l’un des plus grands tabous au monde. Il a l’impression qu’il ne connaîtra jamais le soulagement de la frustration du silence. Car oui, j’en suis témoin, comme il se retient ! Comme il ronge son frein. Il est d’ailleurs halluciné de voir combien moi je ne me retiens pas ! Combien je suis insolent et libre, combien je suis fou et vrai, combien je joue un rôle tout en restant profondément moi-même. Il n’en revient pas que j’aie réussi (grâce à Dieu) à renverser la honte homosexuelle en fierté humble et sainte.

 

Il aimerait parfois, face à ceux qui le prennent pour un « hétéro lisse et soumis » et un « bon petit catho coincé », faire tomber le masque, dire aux personnes homos ou « gays friendly » qui l’excluent de leurs souffrances : « Hey ho, arrête de créer un faux conflit entre nous : je suis comme toi ! ». Il rêve de leur montrer qu’il n’est non seulement pas différent d’eux mais qu’au contraire il est l’exemple incarné de leur propre liberté qu’ils bafouent, de leur probable délivrance future. Ça le démange de crier au monde sa blessure (dépassée et pourtant persistante) ! Il voudrait tellement – parce que c’est en son pouvoir et c’est si concret/quotidien dans sa vie – montrer aux adolescents troublés dans leur sexualité ou aux libertins enchaînés à un mode de vie homosexuel qui les détruit, combien le ressenti homosexuel n’est pas une fatalité, combien la propagande médiatique et politique pro-gay est souvent une immense arnaque. De même, et pourtant dans un autre registre, face à sa communauté paroissiale et à sa famille politique, il aurait envie de dire à toutes ces familles cathos bienpensantes qui s’opposent au « mariage gay » avec lui mais pour les mauvaises raisons (parce qu’elles ne respectent pas les personnes homosexuelles) : « Vous ne comprenez rien à rien et vous agissez en homophobes ! C’est contre moi et mes frères que vous vous attaquez en vous opposant ainsi au mariage pour tous ! » Sa liberté dans le mariage, la paternité, dans le dépassement et la sublimation de sa tendance homosexuelle, le sacerdoce, le diaconat, contient aussi son revers, son cadre, sa prison, sa part de renoncement et de souffrance, son amertume.

 

Il lui sera extrêmement difficile de témoigner ouvertement de son homosexualité comme moi je le fais, parce que sa situation d’homme marié, ou son statut de célibataire consacré (voire de prêtre), n’embarque pas que lui, mais un foyer, une institution, une communauté, la réputation d’autres personnes (parfois en construction et fragiles, comme par exemple ses jeunes ados), son boulot, ses amis. Elle l’oblige à une nécessaire discrétion. De plus, il se sent un peu mal placé pour révéler qu’il est homo dans un monde comme le nôtre où l’homosexualité n’est valorisée que si elle rime avec « couple homo », « pratique génitale homosexuelle », « pacte d’identité homosexuelle définitive » ( = le coming out), « célibat non-consacré », « sexualité figée et débordante ». La dualité de sa situation (homme marié et homo ; catho et homo ; père de famille et homo ; prêtre et homo ; etc.) le rend suspect aux yeux du monde, traître, au mieux bisexuel (donc insignifiant), au pire homophobe ou homosexuel refoulé. Il se dit à raison qu’à choisir entre la liberté de l’évangélisateur, et la liberté du fidèle serviteur discret, le jeu du dévoilement de son homosexualité, tendance qu’il a réussi après bien des épreuves à dompter et à reléguer à une honnête place secondaire, n’en vaut pas la chandelle, ne mérite pas le risque d’une éclatante révolution ou d’une grande déclaration publique qui, au mieux ne sera pas comprise et soutenue, au pire l’isolera et le stigmatisera davantage, même aux yeux de ses amis, de son épouse, et de ceux qui connaissent ces deux mondes qu’il incarne.

 

Bref, au final, on rigole bien ! Moi, face à l’homme marié homo, je me trouve lâche, moins courageux et moins saint que lui ; lui, face à moi, il se trouve lâche, moins courageux et moins saint que moi. Et au bout du compte, on admire chez l’autre et chez soi-même ces deux grandes libertés quasi inconciliables que nous incarnons, nos limites reflétées par l’autre et pourtant ô combien réunies, partagées et réconciliées fraternellement par notre tendance sexuelle commune et surtout par notre Dieu commun. L’homosexualité vécue dans la continence nous prouve bien une chose : que le mariage et le célibat consacré (sacerdotalement ou pas) sont les deux seules vocations humaines proposées par Jésus et son Église.
 
 
 
 
 

N.B. de précision : Suite à ce papier, une amie m’a donné son témoignage : « J’ai deux connaissances avec un passé homo, cathos mariés avec épouse et enfants, une petite famille aimante, qui ont fini par se suicider… J’ai un troisième copain dans la même situation qui a choisi de se mettre en couple avec une femme (une amie de sa « meilleure amie »), aujourd’hui ils ont un bébé… Il a choisi cette voie parce que le regard des autres était trop lourd à porter quand il était en couple avec des hommes… Je veux dire que malgré le mariage youpi on forme une vraie famille etc., les apparences peuvent comme souvent être trompeuses. (Dans le cas de ce 3e copain, sa femme connaissait son passé homo.) » Je lui ai répondu : « Absolument. C’est pour ça que la prudence casuistique est de mise et qu’il ne faut pas idealiser le mariage catho dans le cas de l’homosexualité. Il est à double tranchant. Parfois, privilégier le célibat continent est un devoir. Moi aussi, quand je me suis fiancé, ma fiancée connaissait tout. Mais parfois, la foi et la sincérité aveuglent. On peut se servir de Dieu et d’une forme de « transparence »… pour ne pas être vrai. Là le discernement est délicat. Mais je crois que c’est le soulagement qui guide le mieux. C’est l’Esprit Saint. D’ailleurs, il ne s’agit pas de jouer au héros, ni du côté du mariage, ni du côté du célibat continent. Il s’agit de voir que, dans un cas comme dans l’autre, un bonheur plein est possible pour toute personne homo. Mon ami marié d’Amérique Latine me racontait la paix que lui avait apporté des méthodes comme Nicolosi qui, loin de l’éloigner de lui et de l’étouffer, lui avait donné plein de clés pour se réconcilier avec lui-même. Je crois qu’il faut reconnaître les résultats concrets et les dépassements réels quand ils sont là… sans pour autant en faire une « méthode assimile qui marche à tous les coups ». Mon ami me parlait également du cas connu dans son entourage d’une femme qui, aux bras de son mari homosexuel, non seulement disait qu’elle ne se sentait pas en danger, mais qu’au contraire elle se sentait doublement privilégiée, doublement choisie : ‘Je mesure combien il lui en coûte encore ; je sais que je ne peux rien lui imposer et que ce choix unique ne peut venir que de lui/Lui, ne peut être que libre ; et je sais aussi que je suis choisie par mon mari parmi toutes les femmes mais également parmi tous les hommes, donc parmi toute l’Humanité! C’est un truc de dingue.’ Celui qui choisit le célibat continent sait qu’il est aussi choisi parmi toute l’Humanité ; et il lui est permis par Dieu de conserver sa blessure homo, son écharde, sa honte, pour refroidir et briser l’orgueil que pourrait constituer en lui la conscience de son élection divine particulière. La Gloire + l’Humiliation ! ».

 

N.B. 2 : Je vous assure qu’il n’y a aucun lien entre satanisme et Islam, ou entre satanisme et homosexualité, ou entre satanisme et hétérosexualité, ni entre Islam et la bipolarité hétéro/homosexualité. Absolument aucun… lol
 
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(Message d’insulte reçu à l’instant sur le mur de CUCH – Cathos Unis Contre l’Hétérosexualité – en réaction à mon article ci-dessus, message écrit apparemment par un jeune Musulman qui part en croisade contre les catholiques, et veut, entre les lignes, justifier la banalisation de l’homosexualité et de l’hétérosexualité, … d’où son homophobie « gay friendly » latente et son refoulement de sexualité. Ceux qui justifient l’Islam justifient aussi l’hétérosexualité et l’indifférence à l’homosexualité, et s’attaquent tôt ou tard au catholicisme. Tout est lié.)