Visite divine chez ma dentiste

dentiste
 

Ce matin, je me suis rendu chez ma dentiste à Paris. Elle ne me voit pas souvent (ma dernière visite datait de janvier 2011 : c’est dire !). Et je lui ai annoncé d’emblée qu’elle ne me reverrait plus étant donné que ma visite de contrôle était motivée par un départ durable sur les routes, sans argent, sans toit, et pour évangéliser. J’ai senti que ma démarche l’interpellait (« Vous êtes très croyant, n’est-ce pas ? »), même si cette jeune femme quarantenaire m’a avoué, en présence de son assistante, qu’elle était « croyante mais non pratiquante ». Je n’ai pas commenté (j’avais la bouche pleine haha).

 

Après une si longue absence de la salle de torture des dentistes, je craignais le pire pour mes dents. Mais ça va : c’est allé vite. Ma dentiste n’a pas arrêté de s’extasier sur la qualité de mes dents, de me dire que j’avais une très belle dentition, que je me brossais efficacement les dents, et que j’avais un « excellent capital ». Ouf ! Un simple détartrage un chouia douloureux, mais rien de grave (j’ai vu à la fin sur la serviette blanche en papier en-dessous de mon menton des mini éclats de sang… mais apparemment, m’a certifié ma dentiste, « ce n’était rien comparé à d’autres patients »… le Monde magique des soins dentaires…). En boutade, j’ai avoué à la fin à ma dentiste que la plus grande torture n’était pas de se faire charcuter la bouche par elle, mais de l’écouter parler de foi, la bouche ouverte, et de ne pas être en capacité de lui répondre !

 

Car oui, il a suffi que je parle de mon projet pour que le cœur de cette femme soit travaillé et se dilate. Pendant qu’elle me soignait, elle s’est mise à me raconter que la mère (qu’elle aime beaucoup) d’un de ses amis croyants était en train de mourir (celle-ci a 92 ans) et qu’au téléphone avec lui, elle a senti qu’au regard de son fils, il y avait l’espérance que la vie de sa maman ne se finissait pas là. Cette foi de son ami semblait la questionner. De même, ma dentiste est d’origine polonaise. Et elle m’a parlé de son amour pour la Pologne (qui, à priori, n’est pas la destination la plus sexy de la planète), et m’a demandé si j’allais aux Journées Mondiales de la Jeunesse. Intérieurement, ça m’a interpellé, son attraction pour la Pologne. Car cela ne peut qu’être une motion de l’Esprit Saint. Peu de personnes savent que les prochaines JMJ auront lieu à Cracovie et peu s’y intéressent, surtout pas les non-pratiquants. J’entendais en elle un déchirement (très bobo) entre foi et raison, entre son éducation et son idée d’elle-même, de ce qu’elle est devenue. Et j’ai trouvé ça incroyable qu’elle se livre ainsi, avec le si peu que je lui avais dit. La mâchoire béante, je l’entendais prendre sa voix de bobo (proche de celle d’une de mes grandes sœurs, ou à la Audrey Pulvar), à la fois châtiée, à la fois charretière, pour se donner un air faussement « cool », et je me disais en moi-même : « Philippe, tu vas trouver le courage, avant de quitter son cabinet, de lui parler en Vérité, et de lui proposer, sans qu’elle se vexe, la lecture de ton livre sur les Bobos. Subtilement et joyeusement. » Ça n’a pas loupé. Après une longue écoute, j’ai réussi à son bureau à lui glisser quatre Vérités :
 

1) Je voyais que, depuis le début, elle n’attribuait la foi en Dieu qu’à une affaire d’« éducation » et de « culture », pour en faire un destin individuel (donc non-universalisable à elle) et une valeur relative. Alors je lui dis : « Vous savez, si la foi n’était qu’une affaire d’éducation, ça se saurait. Surtout en ce moment où le dogme mondial est la désobéissance et la rupture avec sa culture d’origine, avec sa tradition religieuse. La foi survivant après l’éducation, c’est rare. La foi vraie est avant tout une rencontre personnelle d’amour avec le Christ. ».

2) Je sentais également dans son discours que ma dentiste mettait arbitrairement des points finaux à la vie, en décrétant la « mort de la mort », ou bien la « finitude de la vie » (« Tout a une fin. » répétait-elle), dans un fatalisme et un déterminisme qui se veulent « philosophiques » et « humbles » (vieux restes d’un stoïcisme hédoniste) mais qui sont en réalité plein de désespérance. Et j’ai dit à ma dentiste et à son assistante, en insistant bien par le regard : « Notre corps est certes mortel et passager, mais pas notre âme. Notre âme est immortelle ! Même celle qui va en enfer. On ne nous le dit pas assez. Si on savait que l’âme de tout être humain est immortelle, et qu’on va soit en chier soit jubiler ad vitam aeternam, chaque Homme prendrait davantage soin de son âme ! ».

3) Pendant que ma dentiste remplissait ma feuille de soins (que je ne donnerai même pas à ma mutuelle : sécu de mes deux !), j’ai glissé que le plus important dans la foi, c’était de pratiquer, et non pas de simplement croire. « Car même les démons croient en Dieu… Ils savent qu’Il existe, comme l’explique très bien Fabrice Hadjadj dans son livre ‘La Foi des démons’. En revanche, ils ne L’aiment pas en dépit de leur croyance. C’est le croyant pratiquant qui aime vraiment le Christ. Les démons, eux, se disent ‘croyants mais non-pratiquants’. ». Je n’ai pas rajouté « … comme vous ». Mais je crois qu’elle a pu deviner, sans s’en formaliser, combien j’avais à cœur la pratique religieuse, l’Église-Institution, la foi incarnée.

4) Enfin, j’ai réussi à lui indiquer le chemin vers mon blog L’Araignée du Désert (elle était demandeuse pour le prendre en note) et surtout vers mon livre Les Bobos en Vérité, sans lui faire comprendre que je la trouvais hyper bobo (lol). En revanche, j’ai bien insisté pour exprimer la beauté des bobos qui, pour certains, sont des ouvriers de la dernière heure, comme je l’explique en conclusion de mon livre. J’ai même eu le temps d’évoquer la fin des temps, et l’importance d’aimer notre époque et de se passionner pour le boboïsme, dont j’ai donné une très courte définition.

 

Tout ça en cinq minutes ! Merci Seigneur !
 

Nous nous sommes laissés. Elle m’a raccompagné jusqu’au pallier. Elle m’a dit avec un sourire : « À bientôt ». Je lui ai répondu « Je pense que c’est la dernière fois. Mais je prierai bien pour vous ! » (Pas insistant et pas lourd du tout, le mec ^^). Pourtant, je peux vous assurer que je n’ai fait aucun forcing. Sous le vernis bobo, il y a en général une grande soif de Jésus qui ne demande qu’à être étanchée, une belle foi qui ne demande qu’à éclore, une grande angoisse et un complexe qui ne demandent qu’à se lever, une fausse indifférence et un petit orgueil qui ne demandent qu’à être vaincus par Jésus. Je te rends grâce, Jésus, pour ma dentiste. Et je te prie pour que tu te fasses connaître à elle et à sa famille, et que tu continues de la conduire sur ton Chemin de Vie !