Code n°145 – Planeur (sous-codes : Rêveur / Science-fiction / Steward gay / Papillon)

planeur

Planeur

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La fuite du Réel

 

Pierre et Gilles

Pierre et Gilles

 

Influencées par les images déréalisées du cinéma et des magazines, beaucoup de personnes homosexuelles annoncent la mort de la Réalité et désirent adopter l’irréel pour seule religion. Elles se persuadent, selon la formule consacrée par Arthur Rimbaud, que leur « vraie vie est ailleurs » (… ou que « Je est un autre »), et confirment leur réputation de Jean de la Lune. Les titres de leurs ouvrages sont souvent des signatures (cf. l’autobiographie Pierrot la Lune de Pierre Gripari, le film « Claire Of The Moon » de Nicole Conn, le film « Danny In The Sky » de Dennis Langlois, etc.). Elles célèbrent la figure du papillon, et se réfugient dans la rêverie offerte par les univers fantastiques. Certaines prétendent même « capter la réalité d’un monde invisible » (Severo Sarduy cité dans l’essai El Sexo Peligroso (1994) de Donna J. Guy, p. 23), et détenir un accès très privé (comprendre « homosexuel et homosensible ») à un univers parallèle délivrant des contingences humaines. L’idée selon laquelle il existe un monde invisible au-delà du monde visible est loin d’être sotte. Là où le bât blesse, c’est qu’elles imaginent une rupture radicale entre les deux, parce qu’au fond elles ne croient ni en l’un ni en l’autre, et qu’elles vident cette lucide intuition d’Espérance et de collectif.

 

N.B. 1 : Je vous renvoie également aux codes « Un Petit Poisson Un Petit Oiseau », « Ennemi de la Nature », « Attraction pour la ‘foi’ », « Aigle noir », « Sommeil », « Oubli et Amnésie », « Amoureux », « Fresques historiques », « Conteur homo », « Funambulisme et Somnambulisme », « Lune », « Icare », « Voyage », « Morts-vivants », « Mort », « Se prendre pour Dieu », « Plus que naturel », « Super-héros », « Jeu », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Île », « Bovarysme », « Conteur homo », « Vent », à la partie « films cuculs » du code « Milieu homosexuel paradisiaque », à la partie « Silence impérieux et ennemi de la Vérité » du code « Déni », à la partie « Peter Pan » du code « Parodies de Mômes », et à la partie « Mélodrame » du code « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
 

N.B. 2 : Ce code fonctionne en binôme avec le code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » (beaucoup plus conséquent), et lui est indissociable : le code « Planeur » est la première partie, le code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », c’est l’atterrissage (il traite des effets pervers de l’éloignement du Réel : dépression, mythomanie, violence des fantasmes et des pulsions incontrôlées, schizophrénie, déception amoureuse, etc.).
 
 

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FICTION

 

a) Ça plane pour moi :

Dans les fictions homo-érotiques, il est souvent question de hauteur. Le héros homosexuel se prend pour un oiseau ou un être surélevé (cf. je vous renvoie aux codes « Aigle noir », « Femme au balcon » et « Icare » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le roman En haut des marches (1999) de Joseph Hansen, la chanson « Sur le fil » de Jenifer, la chanson « Je marche à l’envers » d’Ophélie Winter, le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec Freddie volant sur la ville), le vidéo-clip de la chanson « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, le vidéo-clip de la chanson « Beautiful Life » d’Ace of Base, le film « Maurice » (1987) de James Ivory (dès les premières images, des cerfs-volants sont filmés), l’opéra Estamos En El Aire (1991) de Juan Pagán, le vidéo-clip de la chanson « À contre-courants » d’Alizée, la chanson « Un Aviateur » de Véronique Jeannot, la chanson « Saudade » d’Étienne Daho (avec la « valse d’avions »), le film « 510 mètres sous la mer » (2008) de Kerstin Polte (racontant une histoire d’amour lesbien dans un aéroport), la chanson « Planeur » d’Alizée, la chanson « S’envoler jusqu’au bout » de Jeanne Mas, le film « Verde Verde » (2012) d’Enrique Pineda Barnet, le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin (avec des hommes aériens sautant d’un building à un autre), le film « 7e ciel » (2013) de Guillaume Foirest, le vidéo-clip de la chanson « Take Me To Church » d’Hozier, la chanson « Veux-tu danser ? » de Michel Rivard, etc.

 

« Holà là ! Là-haut ! Là ! » (la voix au téléphone dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « J’ai développé une passion viscérale pour le gospel, les bites et les nuages ! Voilà déjà… les nuages… » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Aimer jusqu’à l’aurore, aimer encore, gagner le ciel. » (cf. la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer) ; « Moi aussi, je plane. » (le juge Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 129) ; « Je suis un cerf-volant. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 160) ; « Elle vole en parallèle. » (cf. une réplique de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je plane. Et toi, tu deviens agressif. » (Harold, l’un des héros homos, s’adressant à son colocataire homo Michael, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Il était avant tout un nain, creusant des galeries obscures dans les mines de la littérature, à la recherche d’un filon scintillant. Il était un conservateur de rêves. Oui, le dernier archiviste d’histoires futiles. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 171) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, fait le planeur sur son vélo, sur les routes de campagnes allemandes. Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Khalid demande à son amant Omar de le pousser dans le fleuve, pour qu’il le tue : « Pousse-moi, pousse-moi jusqu’au palais du Roi… pousse-moi… Je veux voler… pousse… Pousse… » (Khalid s’adressant à Omar, p. 165) ; Omar s’exécute et réussit son coup : « Je l’ai poussé. Je lui ai donné des ailes. » (p. 169) Dans le one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba, Faissal, le personnage homosexuel, imite souvent les mouvements des ailes de l’oiseau, et dit qu’il voudrait voler comme une mouette. Dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, Nietzsche est astronome et a la tête dans les étoiles. Dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, Fabien, le héros, a coutume de regarder le ciel étoilé. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Mike, un des élèves d’Howard (son prof de lettres suspecté d’homosexualité) compare (dans les vestiaires) l’homosexualité à un phénomène qui se développe dans l’espace, entre cosmonautes, sous l’effet de l’apesanteur. Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Alex, le héros hétéro, fait une blague (interrompue) sur un « pédé qui fait un saut en parachute ». Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, au collège, s’est occupé de la déco à la fête du lycée, et face à Peter, le lycéen dont il était amoureux (son premier et unique grand « Amour »), il s’est retrouvé un peu bête : « Je lui ai raconté que je faisais des étoiles en alu, et des nuages en coton. Il faut une folle pour ce genre de choses. » Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Arnaud, l’un des héros homos, s’absente pour monter sur un avion de chasse. Dans la pièce Soixante Degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, l’un des personnages bisexuels, dit qu’il est du signe astrologique de l' »Astronaute« , et pour se justifier d’avoir inventé quelque chose qui n’existe pas, il avoue : « Quand j’étais petit, je voulais devenir astronaute. » Quand à Rémi, homosexuel, il décrit son père comme « lunaire ». Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Oliver lit Les Fragments cosmiques d’Héraclite.
 
 

b) Toute ma vie, j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air… :

Film "Les Amants passagers" de Pedro Almodóvar

Film « Les Amants passagers » de Pedro Almodóvar

Le héros homosexuel a parfois fait du ciel son domaine et son métier. Ce n’est pas un hasard si le steward gay est un cliché bien connu de la fantasmagorie homosexuelle : cf. le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi (avec Cherry, hôtesse de l’air lesbienne), le film « L’Alpagueur » (1976) de Philippe Labro, la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand (avec le personnage gay de Xav), le film « Via Appia » (1989) de Jochen Hick, le film « Sobreviveré » (1999) d’Alfonso Albacete et David Menkes (avec la scène fantasmée du strip-tease du steward homosexuel dans l’avion), le film « Quand je serai star » (2004) de Patrick Mimouni, le film « Rice Rhapsody » (2004) de Kenneth Bi, le film « Warm Nights On A Slow Moving Train » (1987) de Bob Ellis, la chanson « L’Hôtesse de l’air » de Jacques Dutronc, le roman policier Homo-Cassand 1 (2002) de Philippe Cassand, le vidéo-clip de la chanson « Dragostea Din Tei » du groupe Ozone, le film « Los Amantes Pasajeros » (« Les Amants passagers », 2013) de Pedro Almodóvar, la pièce La Cuisse du steward (2013) de Jean-Michel Ribes, le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco (avec Greg, le steward gay), l’épisode 2 de la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, etc. « [Je voulais faire] Hôtesse de l’air. Métier on ne peut plus féminin, où on ne rencontre que des homos. » (Camille, l’héroïne lesbienne du one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « J’étais tellement conne, j’ai fini hôtesse de l’air. […] J’ai tout pour être steward. […] Les hôtesses de l’air sont des femmes comme vous et moi. » (Jeanfi, le steward homo dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; « Mon père n’a pas changé. Il joue toujours la fille de l’air. » (Chloé parlant d’André son père homo, dans l’épisode 505 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 11 juillet 2019 sur TF1) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Les Incroyables Aventures de Fusion Man » (2009) de David Halphen, Daniel/Fusion Man, le super-héros homosexuel, doit sauver des griffes d’un « Méchant » très maniéré, un jeune homme qu’on devine tout aussi homosexuel qu’eux, et qui tente de se jeter du haut d’un immeuble ; on apprend par le cruel adversaire de Fusion Man que l’homme suicidaire est steward («Tu lui as appris à voler, peut-être ? Il est steward… » ironise-t-il avec un rire sarcastique). Dans la série Manifest (2018) de Jeff Rake (épisode 4, saison 1), Thomas, le petit ami de Léo, le cousin de Bethany (l’hôtesse de l’air elle-même homosexuelle), embarque sur le vol 828 en tant que passager clandestin et se fait passer pour steward.
 
 

c) Mariposa :

PLANEUR Pink Narcissus
 

Dans le même ordre d’idée, il est incroyable de voir la place prédominante qu’occupe le motif du papillon dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité : cf. le ballet de danse contemporaine El Hombre Que Daba De Beber A Las Mariposas (2010) de Juan-Carlos Zagal, le film « Outing Family » (2001) de Ben McCormack (avec un gros papillon dessiné sur le glory hole de la backroom), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, le film « Antes Que Anochezca » (« Avant la nuit », 2000) de Julian Schnabel (avec la chanson crypto-gay « Mariposa »), le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan (avec la mère d’Hubert, le héros homosexuel, qui collectionne des papillons), le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta (avec les plans fixes sur une collection de papillons), le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, la chanson « Butterfly » de Mariah Carey, le recueil de poèmes El Maleficio De La Mariposa (1919-1920) de Federico García Lorca, le roman El Esplendor De La Mariposa (1993) de Raúl Gómez Jattin, le roman Le Papillon et la chauve-souris (1891) de Robert de Montesquiou, le roman Papillon (1948) de Yukio Mishima, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, la chanson « Papillon de lumière » de Cindy Sander, le roman Le Papillon qui tapait du pied (1983) de Rudyard Kipling, le roman Un Papillon dans la peau (2002) de Virginie Lou, le roman Le Sacrifice du papillon (1997) d’Andrea H. Japp, la chanson « Léopold » des Cowboys Fringants, le tableau Robinson et Vendredi (2007) d’Éric Raspaut, le roman Les Papillons de Makaba (1973) de Jean-Marie Fonteneau, l’affiche du film « Le Silence des agneaux » (1991) de Jonathan Demme, le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le vidéo-clip de la chanson « Viva Forever » des Spice Girls, le vidéo-clip de la chanson « Comme j’ai mal » de Mylène Farmer, le film « Butterfly » (2004) de Yan Yan Mak, le film « The Butterfly Kiss » (1995) de Michael Winterbottom, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Rimbaud Verlaine » (1995) d’Agnieszka Holland, le film « M. Butterfly » (1992) de David Cronenberg, la chanson « Mariposa » du groupe Desmadre 75, la pièce La Mariposa Que Voló Sobre El Mar (1926) de Jacinto Benavente, le film « Papillon » (1973) de Franklin J. Schaffner, la pièce Machine sans cible (2008) de Gildas Milin, le tableau Jason, The Sexiest Of The Supreme Elves de Lorenn le Loki, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, le film « Social Butterfly » (2012) de Lauren Wolkstein, le roman Jours de mûres et de papillons (2014) de Marie Evkine, etc.

 

Par exemple, dans le one-man-show Pareil… mais en mieux (2010) d’Arnaud Ducret, John Breakdown, le chorégraphe homosexuel, met en scène sa nouvelle choré avec l’apparition finale d’un papillon. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, se retrouve face à une psychiatre à devoir identifier un papillon sur un dessin. Au départ, il y reconnaît « deux rats qui se mangent », et une fois qu’on le met sur la piste, il se corrige, résigné : « Va pour le papillon. » Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, l’appartement d’Anna Ross où loge Johnny, le jeune peintre homosexuel, est orné de tableaux de papillons. Dans le film « The Duke Of Burgundy » (2015) de Peter Strickland, Une lépidoptériste (spécialiste des papillons) austère entretient une relation sadomasochiste avec sa femme de ménage, jeune et soumise à tous ses désirs.
 

C’est souvent un papillon mort : cf. la « performance » Golgotha (2009) de Steven Cohen (avec le comédien travesti M to F, déguisé en papillon apocalyptique), le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford (avec le papillon écrabouillé), etc. « Oh, la mouette, là-bas ! Elle tourne autour du feu ! Hé, la mouette ! Connasse ! Elle va se brûler ! Elle est comme un papillon qui va s’écraser contre le feu ! » (cf. une réplique de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « La nuit, je m’imaginais hypnotisé, épinglé dans ses collections, entre un papillon et une mygale. » (le narrateur homosexuel dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 14) ; « Avec lui, j’étais comme un papillon attiré par la flamme de la bougie. » (Fabien à propos de son attitude avec son amant Herbert, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; etc. Dans la pièce Mon amour (2009) d’Emmanuel Adely, Franck, le héros homosexuel, dit que « quand il était petit, il aimait piquer les papillons au centre du corps », et qu’il « rêve d’être crucifié comme un papillon ».
 

Le papillon est parfois un clair indice d’homosexualité (ou, si celle-ci est pratiquée, un indice d’homophobie) : « Avec tous ces papillons ! Je deviens folle ! » (China dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi) ; « Même le papillon, il en pense. » (Rodolphe Sand par rapport à Mike, dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; « On dirait un papillon. » (Nathan regardant une tache sur le pantalon de son amant Ryan, dans le film « Bug Chaser » (2012) de Ian Wolfley) ; « On dirait un papillon en chaleur. » (Alan, gêné par rapport à l’efféminement d’Emory, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Je l’ai entendu dire qu’il fallait souffrir dans un cocon avant de devenir papillon. » (Tom, le héros homosexuel, à propos de l’homme qu’il aime, Dick, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; « Je suis gai gai gai… comme un papillon. » (le cuisinier maniéré du film « Sabrina » (1954) de Billy Wilder) ; « La chrysalide devient papillon. Je pleurerais d’émotion. » (Dallas, l’assistant-couturier homo de la créatrice Cecilia dont il voit la rébellion, dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien) ; etc.
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Par exemple, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, les protagonistes homosexuels proposent à Line, la bourgeoise travestie M to F, de faire un chanson sur les papillons. Lors de son concert Les Murmures du temps (2011) au Théâtre de L’Île Saint-Louis Paul Rey de Paris, le chanteur Stéphane Corbin dit qu’il rêve d’être un papillon. Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, la petite Auriane s’est dessinée elle-même en papillon. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Ahmed compare son sexe à une chrysalide. Dans le film « Túnel Russo » (2008) de Eduardo Cerveira, le couple homo est traité ironiquement de « mariposas », comme un féminisation homophobe et ironiquement dépréciative.
 

Film "Belle de nature" de Maria Beatty

Film « Belle de nature » de Maria Beatty


 

Le papillon est parfois la métaphore de l’amant angélisé… et même de l’amant aussi dangereux, solaire, brûlant, violent, et incestuel Lucifer : « Dès lors, Stephen [l’héroïne lesbienne] pénétra dans un monde complètement nouveau, qui tournait sur l’axe de Collins [son amante] . C’était un monde plein de continuelles et émouvantes aventures : des ivresses, des joies, d’incroyables tristesses, mais aussi un bel endroit pour s’y précipiter, comme un papillon qui courtise une chandelle. Les jours allaient de haut en bas ; ils ressemblaient à une balançoire qui s’élève au-dessus du faîte des arbres, puis retombe dans les profondeurs, mais rarement, sinon jamais, tient le milieu. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 27) ; « Oh my sweet butterfly… » (Oshen – Océane Rose-Marie, alias la « lesbienne invisible » – racontant comme elle s’est fait embrasser par un papillon, lors de son concert à L’Européen à Paris, le 6 juin 2011) ; « Ça doit être mon père qui m’a fait ainsi ! Il était trop beau lui aussi ! Comme un gamin-papillon, j’étais fasciné par sa beauté d’homme solitaire. Peut-être que je m’y suis brûlé les ailes ! Je devrais jeter toutes ces photos que j’ai de lui ! Cesser de penser que j’aurais hérité de lui cette attirance pour les garçons. Un désir refoulé qu’il m’aurait transmis en quelque sorte. Et tout cela, parce qu’il nous prodiguait, à moi et à mon petit frère, la tendresse de la mère perdue. » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 60) ; « Bien sûr, tu n’étais pas un ange, mais je t’ai vu t’envoler. » (c.f. la chanson « Le Lac des brumes » d’Hervé Vilard) ; etc. Par exemple, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, Chris appelle son amant Ernest « mon papillon », et a dédié au poète Wordsworth « un poème aux papillons » (p. 92).
 
 

d) Faux rêveurs :

PLANEUR Homo Pierrot
 

On voit que chez beaucoup de personnages homosexuels, ça plane dur ! Certains ont une réputation de rêveurs, de Jean de la Lune : cf. la chanson « Soñar Y Nada Más » (« Rêver et rien d’autre ») dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, la chanson « Mes rêves » d’Isa Ferrer, la chanson « Rêver » de Mylène Farmer, le film « Nell » (1994) de Michael Apted (avec Jodie Foster, la sauvageonne secrète), la chanson « Le Rêve des filles » de Nolwenn Leroy, la chanson « Voler tes rêves » de Nâdiya, la chanson « Je rêve » de Grégory Lemarchal, la chanson « Dans mes rêves » de Lorie, le film « Alice In Wonderland » (« Alice au pays des merveilles », 2010) de Tim Burton, la pièce Récits morts. Un rêve égaré (1973) de Bernard-Marie Koltès, la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay (avec Manon, la rêveuse), le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet (avec Antoine de Linotte, le héros au nom de famille prédestiné),le film « Claire Of The Moon » (1992) de Nicole Conn, le film « Dis-moi que tu m’aimes, Junie Moon » (1969) d’Otto Preminger, film « Ultra Rêve » (2018) de Bertrand Mandico, le roman Pierrot la Lune (1963) de Pierre Gripari, le roman Denier du rêve (1959) de Marguerite Yourcenar, le film « Dreamers Of The Day » (1990) de Patricia Spencer et Philip Wood, le film « Ma Vie en rose » (1997) d’Alain Berliner (avec Ludovic, le jeune enfant rêveur qui se travestit en fille et vit sa vie en rose), le film « Le Chant des sirènes » (1987) de Patricia Rozema, la chanson « Rose » de Zazie et Dominique Dalcan, le film « El Fuego Y El Soñador » (2001) d’Oskar Aizpeola, le film « Danny In The Sky » (2001) de Denis Langlois, le film « The Man Who Fell To Earth » (« L’Homme qui venait d’ailleurs », 1976) de Nicolas Roeg, le film « Head In The Clouds » (2004) de John Duigan, la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (1650) de Savinien de Cyrano de Bergerac, le film « Happy, Texas » (1999) de Mark Ilsey (avec le shérif lunaire), le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore (avec le père de Steven, le héros homosexuel, déguisé en cosmonaute), le film « Que faisaient les femmes pendant que l’homme marchait sur la Lune ? » (2001) de Chris Vander Stappen, les films « Hedwig And The Angry Inch » (2001) et « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy (avec Maxence, le marin rêveur), la pièce L’Illuminé (2011) de Marc Hollogne, le film « Kemény Csajok Nem Álmodnak » (« Les Dures ne rêvent pas », 2011) de Zsofia Zsemberi, le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, etc.
 

« Toujours à imaginer des choses… » (Ody se désespérant du cas de son petit frère homosexuel Dany, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras) ; « Arrêtez de chanter ‘Au clair de la lune’ à vos enfants. C’est une chanson érotique. Et Pierrot est gay. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « Pourquoi je suis dans ma bulle ? » (James Dean dans la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn) ; « Tu es tellement dans ton monde. Tu n’entends rien. » (Dennis Stock s’adressant à James Dean, idem) ; « Accrochez-vous à vos rêves très fort. Car si les rêves meurent, la vie n’est qu’un oiseau aux ailes cassées qui ne peut pas voler. » (Adam, le héros homo citant Langston Hughes, dans l’épisode 6 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; « Adieu au réalisme ! » (Vita Sackville-West s’adressant à son amante Virginia Woolf, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc.
 

Souvent, le héros homosexuel défend la toute-puissance des rêves et la beauté des mythologies cinématographiques, de ses films intérieurs : « Son film intérieur débutait enfin. » (Ann Scott, Le Pire des mondes (2004), p. 76) ; « Mes rêves me sont aussi familiers que ma propre peau. » (Ronit, l’une des deux héroïnes lesbiennes, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 221) ; « La Princesse adopta l’irréel pour seule religion. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite en 2003 par un ami homosexuel, p. 35) ; « Je me demande souvent si l’unique vérité n’est pas dans le rêve. » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 432) ; « Dalida est une fuite en avant vers nulle part. […] Sa vie est un spectacle. […] Sa vie est un songe, en réalité. Elle n’a jamais fait que rêver. » (l’actrice jouant Dalida dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; « Ma mère travaille en usine en haut des fils en bobine. Dans les nuages, elle va, elle rêve. » (Rosa dans la pièce musicale Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi) ; « Peter Pan et Tom Sawyer m’attendent. » (cf. la chanson « Boulevard des rêves » de Stéphane Corbin) ; « C’est la vie qui est une vaste comédie où on a tous un rôle. Toi, tu joues le rôle de la maman parfaite. […] Moi, je joue le rôle du fils parfait… » (Bryan, le jeune héros homosexuel à sa mère, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 375) ; « Laissez-moi vivre comme je l’entends dans le rose et dans la soie. » (Zaza/Albin dans la pièce La Cage aux folles (1978) de Jean Poiret) ; « Thomas, t’es si naïf… si déconnecté de la réalité… c’est pour ça que je t’aime. » (Cazo s’adressant à son amant Thomas, dans le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard) ; « Si vous dormez, si vous rêvez, acceptez vos rêves. C’est le rôle du dormeur. » (la Mort jouée par Maria Casarès, dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, Europe écrit sur un rocher : « Je veux vivre une histoire. »
 

C’est souvent à sa propre gloire que travaillent les rêves du protagoniste homosexuel : « Je voulais être dieu. Je voulais être une super-héroïne. Une sorte de comics… une sorte de rêve éveillé pour vous, une sorte de muse, d’enchantement pour vos yeux… Ce soir, je suis dieu. » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Cette région de moi-même que je voudrais pouvoir ne jamais quitter : le réconfort du rêve éveillé. » (le narrateur homosexuel dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 18) ; « Elle [Stephen, l’héroïne lesbienne] s’endormit pour rêver que, par quelque étrange transposition, elle était Jésus. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 31) ; etc.
 

Le personnage homosexuel quitte tellement le Réel qu’il se passionne parfois pour la science-fiction et le cinéma fantastique (cf. je vous renvoie à la partie « Futurisme » du code « Fresques historiques » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa (avec Omar et Khalid, fans de ciné, et notamment de films de science-fiction marocains), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec le Copi-Traducteur, qui prétend « adorer un roman de science-fiction de G.H. Wells »), le one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, le film « Pourquoi pas moi ? » (1998) de Stéphane Giusti (avec Camille, l’héroïne lesbienne, fan de « Star Wars »), le film « Papa, il faut que j’te parle… » (2000) de Philippe Becq et Jacques Descomps (avec Dark Vador apparaissant par intermittence dans le champ de vision du protagoniste), le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki (où l’un des enfants violés devient adepte de science-fiction et homosexuel à l’âge adulte), le roman Joyeux animaux de la misère (2014) de Pierre Guyotat, etc. « Willie [le pseudonyme de Guillaume Dustan] aimait beaucoup ‘Star Wars’, ça en devenait une vraie fixation. » (Tristan Garcia, La meilleure part des hommes (2008), p. 15)
 

Il peut même se mettre à croire aux extra-terrestres : « Je crois capter les ondes venues d’un autre monde. » (cf. la chanson « S.O.S. d’un terrien en détresse » de Johnny Rockfort dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Je pense sincèrement qu’ils sont là depuis des milliers d’années. » (David parlant des extra-terrestres dans le film « And Then Came Summer », « Et quand vient l’été », 2000, de Jeff London)

 
 

e) Lévitation amoureuse, avec des cœurs dans les yeux :

 

Chez le héros homosexuel, le côté planant et grisant proviendrait non seulement de son caractère, mais aussi de ce qu’il appelle « amour » (cf. je vous renvoie au code « Amoureux » et à la partie « films cuculs » du code « Milieu homosexuel paradisiaque » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). L’amant lui donnerait des ailes et lui ferait voir la vie en rose. Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Santiago est dépeint comme un rêve, un messager divin de l’homosexualité. Dans le film « Nagisa No Sindbad » (« Grains de sable », 1995) de Ryosuke Hashiguchi, Ito, lycéen rêveur, est secrètement amoureux de son meilleur ami, Yoshida. Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra, l’héroïne lesbienne, voit sa bonne lui faire l’amour en suspension (suce-pension) : « C’était, je crois, un peu de ce que les hommes devaient ressentir avec autre chose, comme une sorte de succion assez délicieuse. Puis elle m’allongea sur le lit et mit sa tête entre mes jambes complètement et, dans une lente et parfaite douceur, elle alla et vint sans s’appuyer sur moi, comme le ferait, j’imagine, quelqu’un qui flotterait dans l’air sans aucune pesanteur, ce qui me surprit beaucoup vu sa forte contrition. » (pp. 123-124)
 

Parfois, le couple homosexuel monte dans un planeur ou fait du cerf-volant ensemble : cf. le film « Une Affaire de goût » (1999) de Bernard Rapp, le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine, le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (Félix fait du cerf-volant avec une de ses amants dans une prairie), le film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné, la chanson « Les Attractions-désastre » d’Étienne Daho («Et tu viens avec moi faire l’avion… »), le film « Mon copain Rachid » (1998) de Philippe Barassat, le roman Les Amants du Spoutnik (2003) d’Haruki Murakami, etc.
 

« Ce serait bien que mon nouveau voisin me fasse voler comme dans Titanic » (Bernard, l’un des héros homos de la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Si ce tapis pouvait voler, et qu’il pouvait nous emmener loin toutes les deux… On serait si heureuses… » (Marie et son amante Aysla, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; etc.
 

En réalité, la rêverie amoureuse aérienne en question mériterait de s’appeler « fantasme », « passion » et « pulsion », plutôt que « désir » et « amour » (libres et durables) : « Il [Adrien] avait le sentiment d’entrer dans un état second, d’être attiré de tout son être par des scènes obsédantes. Une sorte de fascination dont on ne se délivre qu’en y succombant. […] Il désirait les garçons. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 25) ; « Sa passion contre nature pourtant ne s’est précisée que dans des rêves. » (Stefan Zweig, La Confusion des sentiments (1928), p. 117) ; « Je suis aussi fier de toi que si tu avais marché sur la lune. » (Glen s’adressant à son amant Russell, en jouant le rôle d’un père recevant le coming out de son fils, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh) ; « Quand je te vois, j’ai l’impression que tu n’es pas réel. Que je suis dans un rêve. Comme si tu venais d’ailleurs ou que tu étais immortel ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 141) ; « Tu es comme j’aurais voulu être, mais comme je ne suis pas. T’es mon rêve ! » (idem, p. 142) ; « La réalité, c’est que nous nous aimons comme des fous. » (idem, p. 335) ; « On ne se voit plus mais pendant que je t’écris ainsi, chaque soir, j’ai l’impression que tu es là, au bout de ce clavier. Non, plus proche encore. Je te parle, tu m’écoutes. J’imagine tes réponses, je vois ton beau sourire… » (idem, p. 309) ; « Je rêve pour sortir du bois, pour ma toute première fois… » (un des personnages homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je rêve d’un rêveur qui boit mon ardeur. » (cf. la chanson « Je rêve » lors du concert d’Hervé Nahel le 20 novembre 2011) ; « Nous passâmes le reste de la nuit blotties dans les bras l’une de l’autre, dormant à poings fermés. Des phrases entières du Kama Sutra défilaient sur l’écran de mes rêves. L’édition que j’avais lue était imprimée en petits caractères, il y avait en couverture une illustration d’un manuscrit ancien. Dans mes rêves, les phrases servaient de légendes à des photographies, les personnages étaient Linde, Rani, et un brahmin d’une caste supérieure sorti de je ne sais quel film. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 36) ; « Est-ce que tu crois à la réincarnation ou aux rêves prémonitoires ? Moi non, mais aujourd’hui je ne peux que douter. » (Randall à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 239) ; « Bertrand regarde amoureusement son beau Marcel, déjà bien étendu depuis une bonne heure. Ce dernier lève les yeux de son magazine et lui retourne un tendre sourire. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 9) ; « Il [Marcel] passa de plus en plus de temps devant son écran, se créant tout un univers de rêve. Il avait ainsi un père qui ne l’eut pas abandonné et une mère qui ne chercha pas tant à le contrôler en voulant trop le protéger. Son oncle n’hésiterait pas à lui offrir son corps et sa beauté, car Marcel adulait son oncle, homme séduisant toujours entouré de beaux mecs aussi attirants que lui. Il lui arriva souvent de se branler en rêvant à ce type au charme irrésistible qui dormait dans la chambre d’à côté, ou en train de lui faire l’amour. » (idem, p. 19) ; « Le deux garçons rêvent en couleur, en technicolor, en super son surround. » (Ahmed et son amant Saïd, op. cit. , p. 53) ; « Je suis devant lui. Je rêve. […] Il a du charme. Détermination. Cruauté. Tendresse. Tout est là. Je le reconnais. […] Il m’attire, il me domine. Je suis à lui. Il est le Roi. Le roi Hassan II. Il est beau. Je l’aime. Sans douter, je l’aime. On m’a appris à l’aimer. À dire son nom. À le crier. Il est beau. Il est important. Tellement beau, tellement important. » (Khalid, le héros homosexuel racontant son rêve face à Hassan II, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 9) ; etc.
 

Manquant visiblement de consistance et d’ancrage dans le Réel, le couple homosexuel fictionnel se désigne quelquefois lui-même comme aérien, en finissant par esquisser visiblement un doute désagréable sur ce qu’il est en train de vivre : « Dans les escaliers, je demande ‘Mais nous deux, on est quoi ? Des amants ? Un couple ? ’ Il me regarde en levant les yeux au ciel. » (Mike s’adressant à son amant Léo, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 100) ; « Depuis que je te connais, je n’ai vécu que des choses irréelles ! […] Toi, tu es la chose la plus irréelle qui ne me soit jamais arrivée. » (Bryan s’adressant à son amant Kevin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 230) ; etc.
 

Et le vol plané idyllique, une fois confronté aux faits et à l’expérience, vire tout doucement à la soumission au viol, et au cauchemar. « Il est bon de planer. » (Didier, l’un des héros homos, juste au moment de passer à l’acte homo, sur une musique vahiné puis zen-indienne, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Hier soir j’étais sorti de mon œuf… Je crois bien que c’était un œuf, alors ils m’ont dit : tu iras à la guerre ! […] Moi, la guerre, je n’en connaissais rien. Je ne savais même pas où ça se passait ! […] Alors je me suis mis à voler. J’y prends un plaisir fou. […] Moi je planais comme un dingue. […] Mais cette vie-là ça m’a fatigué vite. Je commence à m’arrêter de plus en plus souvent, dès que je vois une branche de libre. Et j’y trouve des gens qui me ressemblent, des camarades qui ont des muscles meurtris à force de voyager. Et je reste avec eux, piailler, sautiller, changer de branche quand le temps nous le concède. Alors il pleut souvent. Nos plumes deviennent grises. Alors, peu à peu, je viens chez vous. » (Copi, La Journée d’une Rêveuse, 1968) ; « Je ne suis pas habillé pour m’envoyer en l’air. » (Jefferey Jordan s’adressant à on père lui proposant un tour en montgolfière, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; etc.
 

Par exemple, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Leopold voit que Franz son jeune amant n’a pas les pieds sur terre : « Tu n’as aucun rapport à la réalité. » Franz veut absolument « rêver »… mais en même temps, il a peur de rentrer dans les rêves des autres et le leur reproche.
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Le récit de l’atterrissage forcé et violent, de la confusion entre théâtre et Réalité, se trouve expliqué dans le code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) Ça plane pour moi :

Le chanteur Mika

Le chanteur Mika


 

Les personnes homosexuelles ne sont en général pas spécialement connues pour avoir les pieds sur terre (cf. je vous renvoie aux codes « Aigle noir », « Femme au balcon » et « Icare » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Elles ne démentent pas leur réputation d’oiseaux : « Un homosexuel est un être aérien, sans attaches, sans lieu fixe qui lui soit propre. […] Nous sommes toujours suspendus en l’air, aux aguets. Notre condition aérienne est parfaite et c’est très bien que l’on nous ait affublés de noms d’oiseaux. Nous sommes des oiseaux parce que nous sommes toujours en l’air, un air qui n’est pas non plus à nous – rien n’est à nous, d’ailleurs – mais au moins il est sans frontières. » (Reinaldo Arenas, El Color Del Verano (1990), p. 480) ; « Je ne vis pas, je flotte. » (Gastón Baquero dans une lettre à Eliseo Diego (1993), cité dans le journal espagnol El País, publié le 18 juin 1997) ; « J’aime pas les atterrissages. Je préfère qu’on reste là-haut. » (Patrick Dupont, le chorégraphe, dans l’émission Prodiges sur la chaîne France 2 le 29 décembre 2016) ; etc.
 

Par exemple, lors de son concert du 26 avril 2010 à Paris-Bercy, le chanteur homosexuel Mika a fait la surprise à son public d’arriver sur scène suspendu dans les airs, déguisé en cosmonaute. Il n’est visiblement pas le seul à se présenter comme un engin humanisé de l’Espace : « Le dernier à faire son apparition fut Paco, dans son uniforme d’astronaute. Ses peintures et sculptures tournaient autour de la planète dans des sphères intersidérales. » (Alfredo Arias, Folies-fantômes (1997), p. 278) ; « En 1969, David Bowie invente le Major Tom, un cosmonaute qui préfère ne pas revenir sur Terre, avant de s’incarner, flamboyant et fragile, en Ziggy Stardust, ce Ziggy ‘poussière d’étoiles’, tout en lamé et Platform boots rouges, un cercle doré au milieu du front, accompagné de ses araignées de Mars. Ziggy est un alien au cube : extraterrestre, rock star et androgyne. » (cf. l’article « Le Rock et les mystères du troisième type » d’Évelyne Pieiller, dans la revue Le Monde diplomatique – Manière de voir, « Mauvais Genres », n°111, juin-juillet 2010, pp. 72-73)
 

Le chanteur Mika en concert

Le chanteur Mika en concert


 

b) Toute ma vie, j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air… :

 

Certaines personnes homosexuelles désirent tellement voler dans les airs qu’elles exercent le métier d’hôtesse de l’air (et assimilés).
 

Ce n’est pas un hasard si le steward gay est un cliché bien connu de la fantasmagorie homosexuelle, en plus des jeux de mots savoureux que celui-ci recèle (« s’envoyer en l’air », « atteindre le septième ciel », « être à la tête et à la queue de l’avion », etc.) : cf. le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, le documentaire « Andréa, née à 35 ans » (2001) de Philippe Baron (cet homme transsexuel M to F se fait appeler Andréa Colliaux, et a écrit une autobiographie intitulée Carnet de bord d’un steward devenu hôtesse de l’air), l’association homosexuelle Personn’Ailes du groupe Air France – KLM. , les « ladyboys » transsexuels M to F en Thaïlande, le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon, etc. « La plupart des lieux de prédilection fréquentés par les homosexuels étaient urbains, civils, sophistiqués. Le scénariste américain Ben Hecht, à l’époque correspondant à Berlin pour une multitude de journaux des États-Unis, se souviendra longtemps d’y avoir croisé un groupe d’aviateurs, élégants, parfumés, monocle à l’œil, bourrés à l’héroïne ou à la cocaïne. » (Philippe Simonnot parlant de la libéralisation des mœurs dans la ville nazie berlinoise des années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 30)
 

Par exemple, lors du concert des Enfoirés en 2000, l’humoriste homosexuel Yves Lecoq entonne, non sans raison, le fameux refrain de la chanson « L’Hôtesse de l’air » de Jacques Dutronc : « Toute ma vie, j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air. Toute ma vie, j’ai rêvé de voir le bas d’en haut. Toute ma vie, j’ai rêvé d’avoir des talons hauts. Toute ma vie, j’ai rêvé d’avoir, d’avoir, les fesses en l’air ! » Celui qu’on surnomme « Ange », et qui était le compagnon de JPé (l’un des participants de l’émission de « télé-réalité » Trompe-moi si tu peux diffusée sur la chaîne M6 en juin 2010, et qui s’est suicidé par pendaison), est steward. J’ai quelques amis non-homosexuels qui sont stewards et qui m’ont assuré qu’il y avait parmi leurs collègues hommes une grande proportion de garçons homosexuels. Et en 2005, alors que je partais en avion avec Air France avec un groupe d’amis homos, j’ai eu le culot de demander aux hôtesses de notre vol intérieur s’il y avait beaucoup de mecs homos parmi les stewards : amusées, elles nous avaient quand même répondu en confidence, qu’au moins un tiers du personnel de la compagnie « en était »…
 

Yves Lecoq

Yves Lecoq


 

À l’émission radiophonique Homo Micro de RFPP le 12 février 2007, quand l’animateur Brahim Naït-Balk interrogeait l’écrivain « Ron l’Infirmier » pour savoir s’il y avait beaucoup de jolis garçons (sous-entendu « de garçons homos ») dans le milieu infirmier, ce dernier lui avait répondu : « Alors infirmier pour les garçons, c’est comme steward, ou coiffeur. Voilà… C’est 90% des infirmiers hommes… […] Mais j’pouvais pas être infirmière, alors, voilà… » Par ailleurs, Michel Govignon, candidat gay dans le jeu Une Famille en Or, diffusé le 30 novembre 2021 sur TF1, est steward.
 
 

c) Mariposa :

Film "Hedwig And The Angry Inch" de John Cameron Mitchell

Film « Hedwig And The Angry Inch » de John Cameron Mitchell


 

Dans le même ordre d’idée, il est incroyable de voir la place prédominante qu’occupe le motif du papillon dans les discours (et parfois la vie) des personnes homosexuelles : « Un papillon s’arrête en plein vol juste à l’instant où nous lisons ces lignes. » (Copi, Un Livre blanc (2002), p. 97)
 

Par exemple, dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, le papillon est un indice clair d’homosexualité : « Elle [Cecilia] contempla sans se lasser la peinture de son fils. Une Mae West pointait entre les feuillages tropicaux, où abondaient fleurs, papillons. À ses pieds, une panthère noire. » (p. 229) ; « Par la porte du studio, entra Pepe, chargé de l’armoire d’Ernestito, don la décoration, de papillons et de chats, ravit aussitôt Nelly. » (p. 278) D’ailleurs, Ernestito, homosexuel, est collectionneur de papillons, et leur ressemble : « Ernestito ressemblait à un papillon, avec sa chemise à manches amples et son pantalon pattes d’éléphant. » (p. 238)
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Dans ses écrits du milieu des années 1870, Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895) insiste sur le « », de l’homosexualité parmi les animaux, particulièrement chez les coléoptères. Je vous renvoie au documentaire « Mariposas En El Andamio » (1996) de Margaret Gilpin et Luis Felipe Bernaza, à la Compagnie théâtrale des Hommes-Papillons créée par les frères Christophe et Stéphane Botti, à la photo Cycliste (1976-1986) d’Andy Warhol (avec un discret papillon), au dessin de Jean Cocteau représentant un marin-papillon dans son livre Maison de santé (1926), à tous les déguisements de papillon choisis par des militants homosexuels défilant aux Marches des Fiertés. Par exemple, sur la couverture de l’affiche du Premier Festival de Gay Pride à San Francisco (États-Unis), le 25 juin 1972, est exposé un grand papillon. Il est intéressant de relever que le terme espagnol « mariposa » (signifiant « papillon » en Espagne et en Amérique latine) désigne communément les personnes homosexuelles. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si on le lit dans l’annuaire de Guy, le psychopathe homosexuel du film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock. Il existe d’ailleurs une association gay Mariposa à San Francisco. L’identification homosexuelle au papillon indique surtout une fragilité et un sentiment de violence. Par exemple, Nicolaus Sombart rencontre Carl Schmitt (beaucoup plus âgé que lui) qui tombe sous son charme : « Comme un papillon, je volai, irrésistiblement attiré dans la toile qu’il avait tissée. » (Nicolaus Sombart, cité dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 272)
 

Film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock


 
B.D. Femme assise de Copi

B.D. Femme assise de Copi


 
 

d) Faux rêveurs :

Certaines personnes homosexuelles sont même attirées par les univers artistiques, les pays fantastiques, les extra-terrestres (qu’elles nommeront « androgynes » ou « pseudonymes internet »), le surréalisme : cf. je vous renvoie au documentaire « Robinson dans l’Espace » (1997) de Patrick Keiller, à l’essai Essays In Feminism And Science-Fiction (1995) de Joanna Russ. « Copi fait exploser un surréalisme tendance argentine. » (cf. l’article « Dessinateur, écrivain, acteur : Copi, l’enfant pornographe » de Gilles Costaz, dans le journal Le Matin de Paris, publié le 15 décembre 1987) Par exemple, le dramaturge français Alfred Jarry s’inventa un monde parallèle, un « univers supplémentaire à celui-ci » que la pataphysique, matière scientifique qu’il a lui-même inventée, se propose d’étudier.
 

Elles semblent s’intéresser de près aux rêves, à l’ésotérisme, et vivre dans une planète onirique : cf. le documentaire « La Domination masculine » (2009) de Patric Jean (avec la référence au motif de la femme « spectatrice, rêveuse »). L’écrivain René Crével, par exemple, pratiquait l’hypnothérapie et l’interprétation des rêves. Quand on demande à la photographe lesbienne Claude Cahun quels ont été les moments les plus heureux de sa vie, elle répond : « Le rêve. Imaginer que je suis autre. Me jouer mon rôle préféré. » (cf. l’exposition « Claude Cahun » au Jeu de Paume du Jardin des Tuileries, Paris, juin 2011) Le chanteur britannique Boy George dit qu’il adorait le groupe ABBA quand il avait 15 ans : « Ils étaient tellement irréels. » (Boy George cité dans la revue Têtu, n°1, juillet 1995) Pour ma part, j’avoue que pendant toute mon enfance et adolescence, j’étais un petit garçon particulièrement rêveur, qui aimait le refuge des paradis virtuels, musicaux et télévisuels.
 

Dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, le « romantisme exagéré ou déplacé » et la « rêverie permanente » (p. 378) sont montrés comme des signes d’homosexualité. « Il y a quelque chose d’abstrait dans l’homosexualité. » (Franco Brusati interviewé par Claude Beylie, dans la revue L’Avant-Scène Cinéma, n°277, 1er décembre 1981)
 

« Soyons à l’image de nos rêves ! » (cf. l’acteur transsexuel M to F Pascale Ourbih, sur l’éditorial de la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, les 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris) ; « Les rêves dont on n’ose rêver deviennent réalité. » (la voix-off du documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; « J’ai montré aux Hommes la vérité des rêves. » (le comédien de la pièce de Barbara, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; « J’étais solitaire et ne désirais aucune autre compagnie que celle des livres, des films et de mon imagination. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 34) ; « Moi. Petit. Adolescent des années 80. […] Je n’ai qu’une seule idée en tête. Une obsession. Une actrice égyptienne ; mythique, belle, plus belle que belle. Souad Hosni. Une réalité. Ma réalité. Je suis pressé d’aller dans mon autre vie, imaginaire, vraie, entrer en communion avec elle, chercher en elle mon âme inconnue. » (Abdellah Taïa dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 10) ; « J’ai vu. Le rêve était plus fort que la vie réelle. » (Abdellah au cinéma, idem, p. 32) ; « Je ne voulais pas qu’on voie que je venais à peine d’être une nouvelle fois rejeté. Que je m’étais trompé. Je ne voulais pas me donner en spectacle. J’avais envie d’errer, de respirer la nuit seul, de traverser cette ville où, depuis que j’avais quitté le Maroc poursuivant des rêves cinématographiques, je me redécouvrais heureux et triste, debout et à terre. » (idem, p. 45) ; « Le jeune Carné perçoit la réalité comme une mise en scène, construite et dirigée par lui seul. » (Edward Baron Turk, Marcel Carné et l’âge d’or du cinéma français 1929-1945, 2002) ; etc.
 

Cette rêverie ressemble parfois à la schizophrénie, à la captation idolâtre, léthargique, et parfois béate, du zombie. « Je me suis senti proche de Joyce, il m’a beaucoup impressionné par cet air qu’il avait d’être à part. » (Julien Green en parlant de James Joyce, cité dans l’article « Julien Green, l’histoire d’un Sudiste » de Philippe Vannini, dans le Magazine littéraire, n°266, juin 1989, p. 102) Par exemple, quand je regarde des individus tels que Renaud Camus, Virginia Woolf, Nina Bouraoui, Brahim Naït-Balk ou Guillaume Dustan, j’ai l’impression de voir des êtres humains hypnotisés, endormis, avec une expression de visage fixement hallucinée : ils ont l’air à côté d’eux-mêmes.
 

Plus que ça. Les cauchemars – ou « mauvais rêves » – sont des symptômes spirituels de possession ou de vexations démoniaques. Beaucoup de stars homos ont des sommeils agités et le disent : Bilal Hassani, Angèle (c.f. sa chanson « Les Mauvais Rêves »), etc.
 
 

e) Lévitation amoureuse, avec des cœurs dans les yeux :

Chez certaines personnes homosexuelles, le côté planant et grisant proviendrait non seulement du caractère, mais aussi de ce qu’elles s’efforcent d’appeler « amour » (cf. je vous renvoie au code « Amoureux » et à la partie « films cuculs » du code « Milieu homosexuel paradisiaque » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).
 

En réalité, la rêverie amoureuse aérienne en question mériterait de s’appeler « fantasme », « passion » et « pulsion », plutôt que « désir » et « amour » (libres et durables) : « Je suis constamment dans le fantasme. C’est un mode d’existence. » (Beatriz Preciado dans le documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra) ; « Les paroles de ces hommes qui exprimaient la même sensibilité que la mienne m’aidaient à mieux rêver du grand amour, alors que la réalité sexuelle m’avait tellement déçu. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), pp. 45-46) ; « J’ai rêvé un instant (puisque tout le monde rêvait, pourquoi aurais-je dû être la seule à coller à des réalités triviales ?) à 8 jours de vacances, en ce lieu, avec Catherine. Je l’ai entrevue, devant son chevalet de peintre, sous le soleil méridional, dans l’odeur du thym, de la menthe et du romarin. Là ou ailleurs, arriverais-je un jour à vivre une semaine entière auprès d’elle ? » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 164) ; « Il s’immobilisa, interloqué devant cette nudité inattendue. ‘C’est un rêve. C’est un ange descendu sur terre’, soupira le vieux couturier. » (Jacques face à Pedro son jeune modèle de 16 ans, dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 261) ; « Mes frissons se cantonnent à la lecture de catalogues de vente par correspondance. Je contemple rêveusement les pages où les mannequins posent en sous-vêtements, admirant leurs torses et fixant leurs slips d’un regard interrogateur. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 20) ; « Pedro était mon copain de pupitre. […] Pendant que le reste de la classe s’affairait sans doute à parfaire leur musculature naissante au football, moi, je n’avais en tête que cette heureuse union de nos esprits prétendument cultivés, ces univers fantastiques fictionnels. » (cf. l’article « Entre El Papel Y La Pluma » de Xosé Manuel Buxán, dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 175) ; etc.
 

Jacques – « Tu peux t’imaginer la surprise que j’ai eue en te découvrant dans l’autobus. On a voyagé au moins une demi-heure collés l’un à l’autre.

Pedro – Je ne m’en suis pas rendu compte. Souvent, dans l’autobus, je ferme les yeux et je rêve.

Jacques – Tu devais rêver à une sirène, parce que, si tu me pardonnes, j’ai senti ton sexe coller à mon dos. La nature t’a bien doté. »
 
(Alfredo Arias, Folies-fantômes (1997), p. 262)

 

Manquant visiblement de consistance et d’ancrage dans le Réel, le couple homosexuel se désigne quelquefois lui-même comme aérien, en finissant par esquisser visiblement un doute désagréable sur ce qu’il est en train de vivre. Et le vol plané idyllique, une fois confronté aux faits et à l’expérience, vire tout doucement au cauchemar. « J’attendais. Mieux que ça, je rêvais. Un rêve comme celui du Bon Dieu qui couche avec Satan. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 72) Le récit de l’atterrissage forcé et violent, de la confusion entre théâtre et Réalité, se trouve expliqué dans le code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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