Gratuité

SIGNIFICATION SOCIALE, MONDIALE ET ESCHATOLOGIQUE DU CODE

 

La gratuité, pour faire court et aller droit au but, je pense que c’est le signe de la Bête (de l’Apocalypse) dont personne ne se méfiera car elle prend la forme d’un cadeau désintéressé et optionnel.
 

Or la gratuité, il faut le savoir, est un mythe (en plus d’être sa propre antithèse !). Rien n’est gratuit, à plus forte raison la gratuité, puisque tout à une valeur, tout a de l’importance, tout est relié à une intention (voire à une convoitise), même ce qui est donné et apparemment « offert » généreusement sans attente d’une réciprocité parfaite ou d’un retour équivalent. Même Dieu, quand Il donne (par exemple, la parabole des talents dans Mt 25 ; ou bien quand Il permet et veut notre existence), Il ne donne pas vraiment. Il prête ! Il nous prête vie ! Et il prête sans attendre de nous une rétribution égale à la sienne (car Il sait bien qu’on ne peut pas Lui rendre autant qu’Il nous donne ou autre chose que ce qu’Il nous donne)… mais Il attend quand même notre contribution ! Il y a du désir et de l’intérêt dans son don. Et il y a aussi de la privation, de la retenue, du combat, de la souffrance, du sang et de l’eau ! Ça lui coûte son Fils, ça lui coûte le respect de notre liberté qui met un frein à sa connaissance et à sa toute-puissance, ça lui coûte le supplice de la Croix ! Donc le don de Dieu n’est ni « gratuit » ni « désintéressé » !
 

Et en général, quand quelque chose s’annonce « gratuit », vous remarquerez que ça sent le cadeau empoisonné, le faux don, l’arnaque, le simulacre d’humilité et d’Amour ! Ce n’est pas parce qu’on nous « offre » quelque chose que forcément c’est un cadeau ou un bien pour nous, déjà ! Et la plupart du temps, c’est plutôt une dette masquée ou un esclavage sur le long terme qui va se retourner contre nous. Par exemple, si une soirée privée affiche « gratuit pour les filles », c’est qu’en contrepartie « c’est payant (voire très cher) pour les garçons ». Si une chaîne annonce que « c’est gratuit et sans engagement pour les 3 premiers mois d’essai », c’est que tacitement « l’abonnement deviendra payant passé ce délai ou l’offre d’entrée avantageuse ». Si un pays propose « l’enseignement gratuit et obligatoire pour tous », ça sent le contrôle d’État, l’usurpation du droit des parents à éduquer eux-mêmes leurs enfants selon les valeurs culturelles et religieuses qui leur sont chères, ça sent la propagande communiste (et on voit bien qu’en France, l’école « gratuite » de Jules Ferry a sacrifié le catholicisme – et finalement aussi le vrai savoir – sur l’autel de la « laïcité pour tous » et de la soi-disant « gratuité »). Et si le Monde actuel se dirige non pas vers une suppression de la monnaie mais vers une dématérialisation/numérisation de celle-ci qui s’apparente à une « gratuité » (les Bitcoin, la Blockchain, Internet et l’Intelligence Artificielle nous sont clairement présentés comme des richesses gratuites, à notre service, et appartenant à tout le monde et à personne), ce n’est pas pour nos beaux yeux et par pur altruisme philanthrope ! On y voit clairement la main mise invisible de l’Antéchrist, des GAFA et du Gouvernement Mondial, sur nos vies.
 

 

Comme dit si bien le dicton concernant Facebook et les réseaux sociaux affichant leur supposée « gratuité », « si c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit » ! Par exemple, la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers français voulue par Emmanuel Macron, impôt que ce dernier présente comme indiscutablement « injuste », est-elle un vrai geste pour les pauvres ? Pas du tout ! Un cadeau a toujours un prix. Déjà, sur la facture, le coût de la mesure « solidaire » macronienne s’élève à 10 milliards d’euros. Mais surtout, il y a derrière une volonté de centralisation du pouvoir et d’emprise de la technologie sur la vie réelle, cette dernière étant matérialisée par les impôts. L’État supprime une ressource des communes dont une fraction des bases est déterminée par les collectivités locales. Autre exemple : on parle beaucoup en ce moment de rendre les transports en commun gratuits dans toutes les grandes mégapoles occidentalisées. Anne Hidalgo, pour Paris, étudie la question, et trouve – je cite – cette option très « inspirante ». Mais à la clé, il y a une contrepartie tacite : l’enchaînement de la population à la Blockchain et à la « mobilité/activité » de celle-ci ! La gratuité n’est que la carotte pour faire de nous des ânes serviles suivant un circuit bien tracé !
 

Au niveau économique, on assiste actuellement à un paradoxe : à la fois on sent que c’est l’argent (et non plus l’Amour) qui dirige la Planète (mais ça, ça commence à faire un bout de temps qu’on s’en était rendu compte !), et en même temps que ce dernier instaure son hégémonie au nom de l’Amour en se faisant passer lui-même pour « gratuit », « inexistant » et « solidaire » (et ça, c’est nouveau ! le concept d’« argent gratuit et facile », de « chèque-cadeau », de « richesse inépuisable qui ne coûte rien et dont on aurait tous droit »). Bien entendu, notre consentement à cette « gratuité » est conditionné à notre asservissement marchand – mais invisible, apparemment « libre » et « affranchi de tout engagement et de toute contrainte » – à la technologie. Par exemple, Emmanuel Macron (encore lui !) et les autres puissants de la Terre réclament l’accès gratuit du numérique à tous et veulent lutter contre « l’exclusion numérique » comme d’autres lutteraient contre la faim dans le Monde. La gratuité vantée par les start-up de la Blockchain cache en réalité leur conquête de l’or de la connaissance/visibilité, et surtout l’or de la foi et des âmes : pour bénéficier de leurs services « gratuits », notre devoir est d’aller à la pêche aux croyants : « La promesse de nos événements, c’est d’être gratuits. La seule contrepartie, c’est de les faire connaître et de faire du bruit. » (c.f. le discours d’introduction des Up Conférences entendu à la Bellevilloise de Paris, le 27 février 2017, juste avant la table ronde intitulée « L’Intelligence Artificielle va-t-elle hacker l’Humanité ? »). Notre devoir implicite est aussi notre sujétion au monde technologique, à ce que les technocrates appellent pompeusement la « tribu », la « communauté », le « club », la « fraternité », la « meute », la « team ».
 

Idriss Aberkane : Entrez, c’est gratuit ! (* Il faut juste s’inscrire…)


 

Rien n’est gratuit dans ce bas Monde. Tout simplement parce qu’il y a du désir (mais aussi du sens, de l’intention) derrière tout (Par exemple, quand on parle de « méchanceté gratuite », c’est qu’on enlève de la conscience, du désir, de l’intention, de la liberté, de la volonté, à l’acte mauvais commis… alors qu’il y a bien une volonté exprimée dans cet acte). Rien n’est gratuit car notre vie et notre liberté ont un prix. Certes, pas un prix au sens financier et comptable, mais un prix quand même, au sens aimant, divin et insondable du terme (Mt 6, 25-26). Et si certains, du fait que ce prix ne puisse être fixé et estimé que par Dieu, pensent qu’il n’existe pas, qu’il existe par exemple des « soins gratuits », des « droits sans devoirs », que les dons et les richesses dont nous jouissons sont des dus sans valeur et sans rétribution, ils paieront un jour (donc Là-Haut, au moment de leur mort) la facture de leur ingratitude et de leur non-conscience de l’importance des choses et de la sacralité des êtres. Comme l’affirmait très justement Oscar Wilde, « Aujourd’hui les gens savent le prix de tout mais ne connaissent la valeur de rien. ».
 

Comme je le disais d’entrée de jeu dans mon article, la gratuité est la Marque de la Bête : avec cette marque décrite par saint Jean, c’est vraiment la « gratuité pour tous » ! Sans elle, « on ne pourra rien acheter, rien vendre » (Ap 13, 17). C’est ça, concrètement, la gratuité ! En plus d’être un esclavage. La gratuité, c’est par exemple la surveillance omniprésente, le traçage : bientôt, il n’y aura plus besoin de payer ni d’avoir de ticket dans les transports. Tout sera en « libre » accès, car nous serons notre propre billet, pucés, et pourrons bénéficiés de la gratuité et de la « mobilité ».
 

Je me souviens d’un jour où, avec mes amis, nous sommes allés fêter l’anniversaire de l’un d’entre eux qui bossait dans une pizzéria à Paris. À l’issue de la soirée, au moment de régler la note, son patron, une espèce de pizzaïolo véreux et mafieux qui ne déclarait pas ses revenus et payait de manière irrégulière (et au noir !) ses employés, nous a dit à tous que « c’était cadeau ». La dizaine d’invités qu’on était a été super surprise en même temps que reconnaissante. Mais qu’y avait-il derrière le « beau geste » du restaurateur ? Il y avait la Blockchain. Le mec ne voulait pas qu’on paye par carte et donc ne voulait pas être contrôlé. Parce qu’il était déjà « tracé ». Qui dit « gratuité » dit « traçage ».
 

En parfait esclavage (ou marque d’esclavage), la gratuité impose toujours sa loi. Une loi du vide en même temps qu’une loi de la destruction. Bien qu’elle se présente au premier abord comme une « option », une « proposition » ou un partage universaliste, humaniste et altruiste. Par exemple, le « mariage » gay, en optionnalisant et en universalisant le mariage, a dénaturé ce dernier en même temps qu’il l’a désacralisé, puisque le mariage n’est pas qu’une « option pour ceux qui le voudraient », un « contrat sentimental(asexué) » (il a ses lois et règles, ses fruits et une fonction sociale : il n’est pas un chèque en bois où chacun mettrait la somme qu’il voudrait ou déchirerait à sa guise !), il ne se brade pas (comme si on s’en débarrassait, comme s’il ne valait rien ou était usé), et il ne correspond pas à « tous les couples » (mais uniquement au couple intégrant la différence des sexes homme-femme et biologiquement capables de procréer à deux). Après, une fois cette dénaturation imposée légalement et symboliquement, les promoteurs du « mariage » gay (qui n’ont que mépris et indifférence pour le vrai mariage, à savoir le mariage civil et religieux scellant l’union d’amour entre un homme et une femme) nous sortent, avec une réelle mauvaise foi : « Le mariage gay, ça ne vous change rien ! Ça ne vous empêche pas de vous marier traditionnellement comme avant. On l’a juste amélioré en ouvrant sa définition et en l’ouvrant à d’autres personnes différentes de vous ! » Mais en réalité, en ouvrant sa définition et en le transformant en option universelle, ils ont imposé À TOUS qu’il soit une option, ils lui ont fait perdre sa valeur, ils l’ont dénaturé en même temps que désacralisé. Ils lui ont enlevé la primauté du lien d’amour entre l’homme et la femme. Qu’on le veuille ou non, la gratuité ou l’optionnalisation d’une réalité dévalorise celle-ci, lui enlève ses limites, ses contours, sa substance. En l’occurrence, ici, la différence des sexes est la substance du mariage. Et un mariage qui n’a plus comme condition et comme essence la différence des sexes n’est plus un mariage. C’est un mariage au rabais distribué à tous, donc quasi « gratuit ». Alors oui, ça nous impacte tous ! Et oui, cette « ouverture gratuite » ou « open-bar » au mariage a des incidences sur l’ambiance du bar et sur l’expérience concrète et universelle du mariage !
 

Autre exemple montrant le pouvoir soit destructeur soit simplement anihilant de la gratuité (idée pourtant intellectuellement séduisante et généreuse) : je pense à cette initiative très bobo de la distribution de « câlins gratuits et universels » – le Free Hug – que proposent certains néo-hippies aux passants volontaires pour « lutter contre la morosité ambiante et apporter de la tendresse aux autres ». On voit aussi dans ce cas-là que l’optionnalisation/gratuité/universalisation d’une pratique comme le câlin (qui n’est réellement bon et n’a de sens que s’il s’inscrit dans une histoire, une incarnation amicale ou familiale, une intimité et une préférence) vide l’étreinte de toute sa beauté, sa quintessence, sa substance, sa raison d’être. Si je me mets à embrasser tout le monde, même avec son consentement, c’est que je n’aime personne. Car l’Amour présuppose une préférence, une exclusivité, une connaissance de qui j’étreins, un accompagnement sur la durée. La gratuité banalise au lieu d’honorer. Et sans doute même qu’elle traduit autant qu’elle renforce – en donnant l’illusion d’atténuer ou de combattre – le mal (ici la misère affective) qu’elle prétend éradiquer. D’où sa perversion. Donc ne soyons jamais gratuits !
 
 

DANS LA SÉRIE JOSÉPHINE ANGE GARDIEN

 

En règle générale, les missions joséphiniennes s’habillent hypocritement d’une gratuité et d’une absence de but, de raison : « Pourquoi vous faites tout ça pour moi Joséphine ? » (Gabrielle) « Votre histoire me touche. » (Joséphine, dans l’épisode 80 « Le Secret de Gabrielle »). L’acharnement de Joséphine à aider les autres n’aurait aucune autre raison que celle de les aider et de leur faire connaître le bonheur. Il serait pur désintérêt et gratuité : « Pourquoi tu fais tout ça pour moi ? » (Chloé) « Je sais pas. Peut-être parce que c’est le rôle d’une grande chef d’aider une future grande chef qui fait n’importe quoi. » (Joséphine, dans l’épisode 89 « Graines de chef »).
 

Selon les concepteurs de la série, ce qu’on aime faire (« nos passions ») ne mérite pas d’être rémunéré et d’être qualifié de « travail » puisqu’on serait capable de le faire gratuitement, sans compter, par pur plaisir, sans demander de salaire. La notion de « gratuité » est nécessairement associée à celle de « plaisir ». Par exemple, dans l’épisode 82 « La Parenthèse enchantée », Joséphine suggère à Olivier qu’il se consacre au jardinage plutôt qu’à l’ingrat métier alimentaire de figurant mal payé déguisé en ours en peluche dans un magasin de jouets : « Pourquoi tu ne ferais pas du jardinage ton métier ? » (Joséphine) « Parce que c’est une passion. Je ne vais pas en faire un métier. Je vais pas vendre ma force de travail pour quelque chose que je pourrais faire gratuitement. Ça n’a pas de sens. » (Olivier).
 

En réalité, l’aide de Joséphine est une assistance intéressée, pour que la personne aidée « gratuitement » rentre ensuite dans un circuit bien délimité de profits, comme un bon petit soldat suivant le sillon de la République laïciste, du Système : « Bon, d’accord, tu peux m’aider. Mais après, tu retournes à l’école ! » (Joséphine s’adressant à Gabriel, dans l’épisode 20 « Le Stagiaire »). La gratuité en question est un investissement, un parrainage, un partenariat, une sorte de crowdfounding (financement participatif). Il n’y a pas de réelle gratuité derrière. Tacitement, il y a de une dette, un commerce (celui du donnant-donnant), un retour sur investissements souhaité : « Non mais je rêve, là. Moi, je vous ai aidé pour votre urgence ! Vous pouvez peut-être m’aider pour la mienne ! » (Joséphine s’adressant à Louis, dans l’épisode 68 « Restons zen ») À la base, ce qui différencie une aide d’un service, c’est que la première est gratuite et le second est payant. Mais dans Joséphine, ils sont confondus car l’aide induit un ascendant ne serait-ce qu’affectif. Le but de Joséphine, c’est d’obtenir d’une manière ou d’une autre un « droit à aider » : « Tu le diras à personne ? » (Jules) « Promis. Mais en échange, tu me donnes la permission de vous aider un peu. » (Joséphine dans l’épisode 87 « Un pour tous ») C’est le deal !
 

Épisode 36 – « Remue-Ménage »


 

Joséphine se présente comme un bouquet numérique et un service « gratuits ». En réalité, la contrepartie demandée aux autres, c’est l’acceptation de sa présence et de son action. Par exemple, dans l’épisode 36 « Remue-ménage », elle s’incruste comme aide-ménagère chez une vieille retraitée vivant seule dans un immeuble, sans lui laisser véritablement le choix : « C’est le bureau d’aides sociales qui m’envoie parce que la mairie lance une grande campagne pour aider les personnes seules. Mon salaire est entièrement pris en charge par la mairie. » (Joséphine) « C’est gratuit ? » (Tania) « Oui. Et beaucoup de personnes seules bénéficient déjà de cette aide. » (Joséphine). Autre exemple : dans l’épisode 35 « Coupée du Monde », pour faire venir Lise dans la maison de campagne de sa mère Geneviève, notre ange gardien lui fait croire qu’elle a « gagné » un séjour pour Gameville. La gratuité, c’est bien ça le plus gros problème de Joséphine ! C’est qu’il n’y a pas d’autre objet de mission que la gratuité ! Et ça, déjà, ce n’est pas « gratuit » !
 

Il y a souvent, derrière l’apparente gratuité joséphinienne et la quête désintéressée du bonheur des autres, une dette, un intérêt avoué à mi-mot. Par exemple, dans l’épisode 12 « Jamila », notre héroïne ne semble rien demander en retour pour ses bons et loyaux services, ce qui étonne ses bénéficiaires : « Joséphine, dis-moi comment je peux te remercier. » (Jamila) « Alors, d’habitude, je te dirais : ‘En étant heureuse, en profitant de ta vie, de ton bonheur…’ mais là, si tu veux vraiment me faire plaisir, c’est… » Et finalement, Joséphine cède et réclame une séance de massage au hammam ! Derrière la « gratuité » affichée de l’héroïne, il y a aussi du trafic, de la fraude fiscale, des pots de vin, du marché noir ou du blanchiment d’argent. Par exemple, dans l’épisode 28 « Robe noire pour un ange », Joséphine, déguisée en avocate dans son propre cabinet, règle le cas litigieux de demande de divorce d’un couple (Bénédicte et Étienne Jacquet) en annonçant à ce dernier que « c’est gratuit » et qu’elle ne prend aucun honoraire. « Ah bon ? C’est gratuit ?? » s’étonnent les intéressés. « Ben oui. Parce que ‘l’argent’, ça veut dire ‘les impôts’. ‘Les impôts’, ça veut dire ‘le redressement fiscal’. ‘Le redressement fiscal’, ça veut dire ‘la prison’. Donc non merci ! ». Et puis au-delà de la fiction, on constate que derrière la série Joséphine et sa réputation de bienfaitrice, il y a pas mal d’argent brassé et de la recherche d’audimat… (Dois-je rappeler que l’actrice Mimie Mathy touche, pour chaque épisode tourné, la bagatelle de 250 000 € (même si, en 2019, elle a apparemment divisé son salaire en deux pour permettre aux équipes de tournage de survivre), et qu’elle ne tourne pas cette série par pur altruisme et gratuité ?).
 

Épisode 28 – « Robe noire pour un ange »


 

Et pour revenir au personnage de Joséphine, on peut voir que sa gratuité n’est pas seulement intéressée et vénale. C’est pire que ça : la gratuité de Joséphine a un caractère impérieux et dictatorial. À l’entendre, son aide sera gratuite ET obligatoire, que les gens la veuillent ou non ! et a fortiori pour ceux qui la lui refusent ! : « Mes conseils, je les donne gratuitement, et principalement aux personnes qui ne veulent pas les écouter. » (c.f. épisode 48 « Les Majorettes »). On voit bien, à travers cette série, que la gratuité, ce n’est pas « cool » du tout, en fait. Et c’est tout sauf gratuit !
 
 

DANS D’AUTRES ŒUVRES DE FICTION

 

J’ai cherché dans les fictions et le répertoire musical international les mentions de la « gratuité ». À dire vrai, je n’ai pas trouvé de chanson avec le mot « gratuit », et j’ai identifié très peu de films le comprenant. Pour une raison à mon avis bien logique : ces œuvres servent toutes une démarche intéressée et carriériste… donc pas gratuite !
 

Et les paroles de la chanson « Cadeau » (1976) de Marie Laforêt prouvent que le vrai don n’est jamais gratuit, même si ce qui est donné, en revanche, est invisible, non-quantifiable, non-imposé. Ce n’est pas parce qu’en Amour on ne compte pas et on ne peut pas comptabilisé que c’est « gratuit », « sans engagement » et « sans condition ». Bien au contraire !
 

« Hier soir, dans la cuisine, je préparais le dîner.

Quand mon petit garçon est entré.

Il m’a tendu un morceau de papier griffonné.

J’ai essuyé mes mains sur mon tablier.

Je l’ai lu, et voici ce qu’il disait :

’Pour avoir fait mon lit toute la semaine = 3 francs.

Pour avoir été aux commissions = 1 franc.

Pour avoir surveillé le bébé pendant que toi tu allais aux commissions = 1 franc 25.

Pour avoir descendu la corbeille à papiers = 75 centimes.

Pour avoir remonté la corbeille à papiers = 1 franc et 10 centimes.

Pour avoir arrosé les fleurs sur le balcon = 25 centimes.

Total = 9 francs et 85 centimes.’
 

Je l’ai regardé, il se tortillait en mâchant son crayon.

Et une foule de souvenirs sont revenus à ma mémoire.

Alors j’ai pris son crayon, j’ai retourné la feuille,

et voilà ce que j’ai écrit :

’Pour neuf mois de patience et douze heures de souffrance = Cadeau.

Pour tant de nuits de veille, surveillant ton sommeil = Cadeau.

Pour les tours de manège, les jouets, le collège = Cadeau.

Et quand on fait le tour, le total de mon amour, c’est cadeau.’
 

Quand il a eu fini de lire, il avait un gros chagrin dans les yeux, Il a levé la tête et a dit :

’M’man, je t’aime très beaucoup.’

Il a repris son papier, l’a retourné,

et en grosses, grosses lettres a marqué :

’Cadeau’.
 

Et quand on fait le tour, le total de l’Amour,

c’est, c’est cadeau. »
 
 

Tout cadeau – a fortiori de Dieu ou souffrant – a un prix et n’est pas gratuit. Même si ce prix n’est pas à connaître (ce n’est pas humble de le calculer ou de le qualifier démagogiquement de « gratuit », et c’est pas poli de regarder l’étiquette). Même si ce prix n’est pas quantifiable et dépasse largement notre entendement et notre budget.
 
 

LE CATHO-CON (progressiste ou conservateur) FAIT PAREIL…

 

 

L’idée de l’Amour sans limite, sans attente, sans condition, gratuité pure (comme s’il n’y avait pas un prix : la Croix), tout-puissant, est une pure invention de la société païenne. Car sachez-le : avec Dieu, tout n’est pas possible. La limite de l’Amour, c’est précisément l’Amour lui-même, c’est la préservation de la liberté de l’Homme (c’est pour ça que l’enfer existe !), et c’est le Corps du Christ.
 

Le mythe de la « gratuité » de l’Amour (« donner sans compter, sans rien attendre en retour », le blabla pascalobispaïen), c’est comme celui de l’« amour inconditionnel ». On ne sait pas d’où ça sort, ces sornettes. Mais la plupart de nos contemporains y croit désormais dur comme fer, y compris les cathos, et vont jusqu’à s’imaginer que c’est biblique ! Moi, tout ce que je sais, c’est que c’est une pâle imitation voire un total détournement du catholicisme. Et que l’Amour – fût-il divin – n’a rien de gratuit ni d’inconditionnel. On n’a rien sans rien dans la vie. Rien n’est gratuit… à part peut-être l’Amour du Christ. Et encore… celui-ci a un sacré prix : la Croix ! Le renoncement à sa divinité et à sa vie humaine !
 

Les catholiques – progressistes ou conservateurs – qui vous parlent de « gratuité » n’ont rien compris, à mon avis, de l’Amour de Dieu. Dans la Bible, on n’a pas affaire à de la gratuité, mais à une profusion désirée, un don aimant certes abondant mais quand même conditionné à notre liberté et à la Croix (car l’Amour vrai ne s’impose pas et réclame notre liberté). Ces noces de Cana, c’est mieux que des gamins qui jouent à la dînette ou à la marchande, car c’est à la fois généreux, surréalistement généreux, et pourtant concret, réglementé, mesuré, délimité par l’Amour et le partage. Rien à voir avec la débauche ou le buffet à volonté : « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer. Pourquoi dépenser votre argent pour ce qui ne nourrit pas, vous fatiguer pour ce qui ne rassasie pas ? Écoutez-moi bien, et vous mangerez de bonnes choses, vous vous régalerez de viandes savoureuses ! » (Isaïe 55, 1-2). Quand j’entends par exemple le Cardinal Sarah parler de « gratuité », je me dis qu’il adopte une conception comptable de l’Amour et de Dieu : « Communier n’est pas un droit, c’est une grâce gratuite que Dieu nous offre. » (ses propos sont sans doute à resitués dans le contexte de la réclamation des messes en temps de confinement) ; « Les actes le plus profondément humains sont marqués par la gratuité. Elle est la condition de l’amitié, de la beauté, de l’étude, de la contemplation et de la prière. Un monde sans gratuité est un monde inhumain. » (Cardinal Sarah, 21 juin 2019)
 

J’ai remarqué que le Monde (et maintenant l’Église Catholique) avait tendance à qualifier de « gratuit » tout ce qui est invisible : le service, la santé (la « santé gratuite », les « soins et l’accès gratuits »), les déplacements (« les transport gratuits »), l’eau ou le vent, l’amitié, la prière, le travail, le temps, etc. Même la Grâce divine. Même Dieu. What ??? Vous croyez que, parce qu’une réalité (telle que l’Esprit Saint) ne se voit pas ou ne se sonde pas, elle n’existerait pas ou n’aurait pas de poids, de valeur, de prix, de limites ?? Que c’est open bar ? Que c’est illimité ? Mais pas du tout ! C’est délicat, c’est précis, ça élit domicile et, comme la colombe, ça se pose là où ça veut, et pas n’importe où ni universellement ni gratuitement ni au petit bonheur la chance. Dites aux prêtres qui attendent des heures dans les confessionnaux, aux fidèles qui s’y rendent et qui trouvent ça super coûteux ou qui prennent sur eux pour aller à la messe, aux croyants pour qui l’oraison est aride et laborieuse, aux moines et moniales qui doivent travailler pour nourrir leur corps et leur âme, aux visiteurs qui accompagnent ou soignent des malades ou des prisonniers, à Jésus sur la Croix, que l’Amour de Dieu est « gratuit » : ils vous riront au nez ! Dieu a une limite : et c’est l’Amour.
 

Le problème, c’est que du côté des catholiques-pharisiens, ils ont tellement pris conscience que l’Amour de Dieu et le Salut qu’Il nous donne n’étaient pas gratuits que, du coup, pour conjurer l’illusion de la gratuité, ils pensent que l’Amour de Dieu ou le Salut serait une question d’argent à fournir (les indulgences, les messes à acheter et à faire dire, etc.), d’actions rituelles à faire scrupuleusement (les sacrements à bien recevoir pour rendre ces derniers « valides », etc.) ou aussi une question de « mérite », et plus du tout de Miséricorde ou de bonté. Ils s’opposent à la générosité et à la démesure du Salut (racontées pourtant dans la parabole du Fils prodigue : Lc 15) sous prétexte que – et c’est pourtant vrai – le Salut et le Paradis ne sont pas gratuits. Ils ne sont – c’est bien là toute leur subtilité – ni une question de mérite ni une question de gratuité : ils sont soumis à un entre-deux qu’on pourrait appelé « générosité dingue (incommensurable, insondable) conditionnelle » offerte par Dieu.
 
 

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