Si on demande aux cathos si Jésus était pleinement homme, tout le monde répond unanimement : « OUI, Il est pleinement homme et pleinement Dieu ! Incarnation ! »
MAIS…
Une fois qu’on sort du paradigme de la souffrance (« Il est humain car il a accepté de souffrir pour nous, et ce, jusqu’à la Croix !! ») et de l’exemption du péché (« Il est homme en tout point comme nous, excepté le péché ! » dit saint Paul), jusqu’où Jésus a embrassé l’humanité ? Nous, catholiques, en général, ne répondons pas. Et ne savons pas répondre. Nous sommes même mis de plus en plus en difficulté par les athées et ennemis de l’Église qui font preuve d’un humanisme intégral poussant actuellement l’humain jusqu’à l’animalité, et qui nous met face aux limites de notre conception de l’incarnation de Jésus.
La limite, c’est celle de l’apparent paradoxe de la polarité humanité/divinité condensée en sa personne : Jésus ne savait pas ce qu’il vivait et ce qui l’attendait (comme un Homme) et savait ce qui l’attendait (comme Dieu). Son ignorance, sa limite humaine, était la condition de sa liberté, et la preuve qu’il était aimé du Père. (À noter que pour saint Thomas d’Aquin, Jésus n’avait pas la Foi, puisque Lui voyait/voit Dieu, alors que le propre de la Foi, c’est précisément de croire ce qu’on ne voit pas).
Les gens athées et incrédules connaissent notre difficulté à appréhender le mystère de l’incarnation humaine de Jésus, et n’hésitent pas à verser dans le trivial, l’instinctif, le transgressif, pour nous pousser dans nos retranchements, et aussi dans le but malsain de nous prouver soit que nous ne savons pas de quoi nous parlons, voire que nous n’aimerions ni l’Humain ni Dieu parce que nous nous tromperions sur sa réalité.
Et force est de reconnaître que nous ne savons pas répondre à ces questions concrètes : Est-ce que Jésus pouvait pleurer la nuit, faisait des rototos quand il était bébé ? Est-ce qu’il lui arrivait de se couper, de se blesser, d’être maladroit, d’avoir des problèmes d’équilibre, de tomber, de faire des erreurs, de se tromper, d’avoir des trous de mémoire ? Est-ce qu’il déféquait (faire caca), tombait malade ? Est-ce qu’il lui arrivait de se perdre, d’ignorer des choses ? Avait-il des besoins sexuels, était-il attiré par les femmes ? Lui arrivait-il de chanter, de danser, d’être pompette, de rire (on ne le voit jamais rire dans la Bible), de transpirer (et parfois de puer ! … ou sentait-il toujours la rose ?) ? Est-ce qu’il se rasait et se faisait couper les cheveux ? Est-ce qu’il avait besoin de se couper les ongles ? Est-ce qu’il faisait des cauchemars ? Tout ça tout ça.
L’humanité de Jésus – ou en tout cas le concept même d’« humanité de Jésus » – fait souvent l’unanimité parmi les cathos. Mais en revanche, sur le « comment ? », tout le monde botte en touche ! Ou pire, nous ne sommes pas d’accord. Et nous sommes vus comme des gens qui déshumanisent, désincarnent, non seulement l’Homme mais Dieu.
Quoi qu’il en soit, dans cette affaire, de toute façon, nous sommes piégés. Car il y a une zone grise objective (Par exemple, la Bible nous dit que Jésus pleure, dort, sue, crie, angoisse, se fâche, dessine… mais on ne sait pas s’il rit, fait des blagues, saigne, danse, chante, pète…). Et nous sommes face au mystère d’une humanité divine qui à la fois fonctionne comme nous et ne fonctionne pas comme nous. On sait aussi que Jésus, tout humain qu’il soit, faisait des choses qui défiaient les lois de la nature : marcher sur l’eau, traverser les murs, avoir le don d’ubiquité, ressusciter des morts…
Donc voilà, admettons que l’humanité ou l’incarnation de Jésus/Dieu, même si elle existe (et je le crois), ne relève pas de l’évidence, et qu’on est tous unanimement démunis pour en parler, pour appréhender cette réalité.

