Je voudrais vous partager mes réflexions face à la série Netflix nord-coréenne qui emballe le Monde entier en ce moment : « Squid Game ». J’ai voulu comprendre le phénomène, en regardant les 3 premières saisons. Et j’ai d’emblée été étonné d’une part par l’efficacité addictive du concept (cette série est honnêtement super bien faite et très bien écrite, le scénario est brillant), et d’autre part par l’amplitude de son impact (c’est la série de la plate-forme la plus regardée de l’histoire de Netflix). Par ailleurs, j’ai été involontairement témoin du « 1, 2, 3… Soleil ! » géant organisé en décembre 2024 sur les Champs-Élysées, privatisés carrément pour l’occasion !
Plus je parle de « Squid Game » autour de moi, plus je me rends compte qu’un nombre anormalement massif de gens l’a vue ! Y compris des très jeunes. Ça m’a choqué. Car ce programme est interdit aux moins de 16 ans. Alors comment diable revêt-il un caractère aussi universel, un succès aussi intergénérationnel, récolte-t-il un tel suffrage, vu sa violence ? C’est inquiétant. Nos contemporains voient des trucs vraiment pas cool en ce moment ; ils sont violentés, agressés et traumatisés, de manière apparemment consentie ; et ça se passe sous nos yeux, sans susciter la moindre résistance.
Je prends la mesure du voyeurisme morbide généralisé, de la stimulation des instincts grégaires par les mass médias, du profil toxico-dépendant d’une majeure part de la population mondiale. Où les gens (qui ne vivent pas, comme moi, au RSA, qui ne sont pas désœuvrés, mais qui pourtant jouent les débordés) trouvent le temps pour s’avaler « en scred » les 3 saisons de « Squid Game » ? Est-ce que la plupart d’entre eux sont des menteurs, des gros mythos et des voyeurs pervers en germe ? En tout cas, je prends la mesure de l’ennui gourmand de nos contemporains, étant donné que cette série est très addictive : comme des néo-Hansel-et-Gretel, tu rentres dans un grand parc d’attractions de Pinocchio, tu es invité à te gaver, et tu peux difficilement arrêter la frénésie. Tu ne souhaites pas sortir de la prison. Les gens ont beaucoup plus de temps qu’on et qu’ils ne l’imagine(nt). C’est juste qu’ils l’occupent de plus en plus mal, le gaspillent et le livrent à des idoles qui tentent de les transformer en ce qu’elles « dénoncent »/dépeignent.
D’une certaine manière, « Squid Game » réveille en nous le pire, les questionnements et les décisions les plus vils, les plus désespérés : « Et toi, tu ferais quoi si tu étais dans ces conditions de survie ? Serais-tu capable de tuer ? d’être une crapule ? de te sacrifier ou de sauver ta peau ? » Réponse induite : « Non. Tu ferais à peine mieux, voire pire, que ceux que tu vois. Tu ne sais pas de quoi ton instinct de survie serait capable… It’s a Man’s Man’s Man’s World… » Dans cette série, le mal est presque toujours vainqueur, et ce, dans quasiment toutes les circonstances, et de manière cyclique, implacable et sempiternelle (comme le mythe de Sisyphe, ou celui de la mauvaise herbe qui ne meurt jamais et qui repousse ailleurs sous une forme encore plus perverse). L’Homme serait pire qu’un animal. Et comme le scénario est génial, brillamment ficelé, intelligent, cette idée a de grandes chances d’être adoptée, acceptée, crue vraie, par la majorité des spectateurs. « Joueur 456, as-tu toujours autant foi en l’être humain ? » demande cyniquement le Grand Maître au héros Seong Gi-Hun, à la fin de l’épisode 4 de la saison 3. Et le silence de ce dernier vaut acquiescement.
Au bout du compte, les téléspectateurs assistent à une Murder Party collective, à un snuff movie démocratisé, vulgarisé, globalisé, à une véritable hécatombe, à un génocide (…qui les attend tous, car nous sommes potentiellement tous des débiteurs, croulant sous les dettes que nous aura infligées Netflix!), à un massacre semi-autorisé (…par le cinéma : ce n’est que de la fiction, après tout… donc ce n’est pas si grave !). C’est la loi de la jungle. Il y a zéro morale. Tous les coups sont permis. Le seul interdit moral appliqué, c’est la loi dramaturgique instaurée par Alfred Hitchcock, et finalement l’interdit inconscient de toute société : l’infanticide, c’est-à-dire le meurtre de l’innocent (Hitchcock, bien que maître du macabre et de l’humour noir, disait qu’aucun de ses films ne démarrerait ou ne mettrait à mort un bébé dès son début, car sinon, ça flinguerait son film et ce dernier perdrait l’adhésion et l’intérêt de son public : les spectateurs ne supporteraient pas l’Injustice de l’infanticide et ne paieraient jamais leur place pour cautionner ça).
L’objectif principal (ou les effets) de la série est le suivant : elle tente de nous rendre paranoïaques, puisqu’elle repose sur le mythe de l’ennemi interne, du traître inattendu. C’est le ressort dramaturgique de quasiment tous les épisodes. Il s’agit de nous faire douter de tout et de tout le monde. Il n’y a pas de héros gentil. Y compris le héros principal se conduit comme un lâche et un criminel. En clair, « Squid Game » entend briser notre foi en l’être humain. On y voit une claire tentative de faire haïr l’Homme par l’Homme (« L’homme serait un loup pour l’homme. »). Le but tacite de cette série, c’est de nous faire croire que l’être humain est un crevard (dans des conditions extrêmes). Et à ce titre, je serais curieux de savoir comment était l’ambiance de tournage. Ça n’a pas dû être brillant ni joyeux ni bienveillant. Car la fiction a toujours un impact sur la réalité.
Le seul truc qui moralement m’aurait semblé juste, utile, solide et pédagogique, c’est le portrait dressé de la démocratie (cette dernière étant basée sur le consentement, donc le libre arbitre, ainsi que sur la notion d’« égalité des chances », sur le pouvoir du nombre, le triomphe de la majorité numérique, par le vote : en effet, étymologiquement, « démocratie » signifie « le pouvoir du peuple », donc de la masse). Malheureusement, illustration n’équivaut pas à dénonciation. Pire que ça : elle peut être, dans le pire des cas, une incitation invisible. Car le modèle que constitue le mauvais exemple a ceci d’ambigu qu’il demeure tout de même un modèle, au final. Est-ce que les spectateurs de « Squid Game », après le visionnage, iront jusqu’à désidéaliser/démystifier la démocratie, le « droit de vote » (tyrannie des sondages, des calculs, des statistiques, des algorithmes, des probas, de l’« « aléatoire logique » – en mode « pierre-feuille-ciseau » -, du numérique majoritaire…), et le concept de consentement ? Je ne crois absolument pas, malheureusement. Au sortir de cette série, les Occidentaux continueront d’idéaliser la démocratie, le vote, la majorité surnommé « Peuple », la notion de « consentement » ou d’« égalité ». Ils continueront de penser que la démocratie est le meilleur régime étatique qui soit. Ils ne tireront pas les leçons de ce qu’ils auront vu.
J’irais même plus loin : je pense que « Squid Game » est une initiation à la Franc-Maçonnerie et à l’occultisme à échelle mondiale, grandeur nature ! Et ses initiés ne s’en rendront même pas compte, puisque cette entrée s’habille de « divertissement ». Vous me croyez si vous voulez, mais en visionnant les épisodes, j’ai remarqué qu’ils étaient truffés de références maçonniques : le passage sous le bandeau, l’œil d’Horus, le Grand Maître, le Pavé Mosaïque, le triangle, la prévalence du Secret, le fil à plomb et la verticalité, la voûte étoilée (par exemple, dans la saison 2, le cache-cache s’intitule « Nuit étoilée » et se déroule dans un espace qui ressemble aux reconstitutions de voûte céleste des temples maçonniques), etc. Quand aux personnages, beaucoup sont ensorcelés, envoûtés, ou bien carrément des chamans. La série entière est fondée sur la Marque de la Bête (le 666, décrit par saint Jean dans l’Apocalypse) : en effet, « Squid Game » signifie « le Jeu du Calamar », et il est composé de 6 manches, et 3 saisons (donc 6.6.6.) ; la grande gagnante du jeu est le dossard n°666 (à savoir le bébé issu de l’union du joueur 333 et de la joueuse 222) ; les participants du jeu sont tous tracés/pucés derrière l’oreille…
Alors je suis quand même déçu : je n’ai pas entendu parler de « Singularité ». Mais j’attends avec impatience la sortie de la saison 4, qui se déroulera très probablement aux États-Unis…