Code n°77 – Folie (sous-code : Sacralisation du fou)

Folie

Folie

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Le Rempart de la folie

 

Pet Shop Boys

Pet Shop Boys


 

Artistiquement, l’esthétique de la folie attire beaucoup les personnes homosexuelles : pour elles, le délire « transgressif » est davantage vecteur de Vérité que la Vérité même. Et la transgression de la différence des sexes qu’elles souhaitent mettre en place dans leurs amours leur apparaît comme une douce folie, qui apprendrait à la société une diversité raffinée, inaudible et rafraîchissante.

 

À d’autres moments, elles simulent le délire, par dérision cynique (quitte à abuser de la féminisation et à singer avec complaisance l’injure « folles ») mais aussi par peur ou désir de devenir vraiment folles. À l’image, elles cultivent l’ambiguïté du psychopathe et la présomption de démence, en chantant des comptines par exemple, ou en s’identifiant à l’ermite donquichottesque mis au ban de la société, mais qui malgré les apparences, dirait au monde les plus profondes vérités : en général, le mythe du vieux fou délirant, du « libre penseur » bohème, du sage étranger et pauvre (et homosexuel !), etc., les séduit intellectuellement beaucoup. Elles aiment ce qu’elles appellent « la littérature de la folie », l’écriture indécidable où on ne distingue plus bien si leurs auteurs ont réellement toute leur tête ou s’ils simulent la folie sous l’effet de drogues ou d’une vérité transcendante offerte uniquement aux simples d’esprit.

 

Mais dans les faits, la « folie » qu’elles promeuvent n’est pas du tout une folie mesurée, une folie libre, car elle est déconnectée du Réel (à commencer par son socle : la différence des sexes) et déconnectée des autres. Elle rime avec isolement narcissique. Certes, dans la Bible, il est marqué noir sur blanc que Dieu ne choisit pas des gens parfaits pour annoncer son Royaume, mais des fous. Et je crois personnellement que ce sont elles, les « folles », qu’Il élit aussi pour Le révéler. « Ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages. » (Paul, 1 Cor. 1, 27) Mais ceci ne devient effectif que dans l’accueil humble du Seigneur et de son ordre naturel.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Reine », « Bobo », « Amour ambigu de l’étranger », « Humour-poignard », « Cirque », « Se prendre pour Dieu », « Pygmalion », « Bourgeoise », « Artiste raté », « Déni », « Faux intellectuels », « Faux révolutionnaires », « Homosexualité noire et glorieuse », « Désir désordonné », « Femme étrangère », « Milieu psychiatrique », « Infirmière », « Milieu homosexuel paradisiaque », « Amoureux », « Emma Bovary « J’ai un amant ! » », « Planeur », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Cour des miracles », « Doubles schizophréniques », « Androgynie Bouffon/Tyran », et à la partie « Carnaval » du code « Clown blanc et Masques », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Folie « géniale » et « vraie » :

Dans les fictions traitant d’homosexualité ou trouvant un fort écho chez le public homo, il est pas mal question de folie : cf. le roman La Folie en tête (1970) de Violette Leduc, le roman The Mad Man (1994) de Samuel R. Delany, le film « Florence est folle » (1944) de Georges Lacombe, la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa, le one-woman-show La Folle Parenthèse (2008) de Liane Foly, le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, la pièce La Cage aux folles (1975) de Jean Poiret, le one-man-show Jefferey Jordan s’affole ! (2013) de Jefferey Jordan, la reprise de la chanson « Crazy » de Seal par Aude Henneville dans The Voice France (première édition, en 2011), la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, le vidéo-clip « Let Your Head Go » de Victoria Beckham, la chanson « Can’t Get You Out Of My Head » de Kylie Minogue, le film « Totò che visse due volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (avec l’éloge bobo de la folie), le film « The Producers » (« Les Producteurs », 1968) de Mel Brooks, la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, la chanson « Loca » de Shakira, le film « Alice In Wonderland » (2010) de Tim Burton (avec le Chapelier dépeint en grande folle), la pièce Une Envie folle (2014) de Fabrice Blind, la chanson « Escargot » d’Éric Mie, etc.

 

Pièce Une Envie folle de Fabrice Blind

Pièce Une Envie folle de Fabrice Blind


 

En général, Le personnage fou est présenté comme un sage qui énonce de grandes vérités : cf. le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec la grand-mère Mathilde), le roman Son Frère (2001) de Philippe Besson (avec le vieux marin), les chansons « Psychiatric » et « Maman a tort » de Mylène Farmer, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec les clowns blancs), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz (avec Leonora qui va révéler de manière codée l’homosexualité de son cousin), le film « Le Placard » (2001) de Francis Veber (avec le personnage de Félix Santini), le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec Madame Alison), le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (avec le facteur déluré), les personnages du Roi Lear (1604) ou de Macbeth (1623) dans William Shakespeare, le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (avec le personnage d’Augustine), la pièce Transes… sexuelles (2007) de Rina Novi, le film « Dernier des fous » (2005) de Laurent Achard, etc.

 

Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, dans ses accès de délires hallucinatoires, confond son lapin en peluche avec Dido son vrai lapin vivant… et il enterre son lapin en peluche avec la même tristesse hystérique que lui aurait causé la mort réelle de Dido. Le spectateur finit par comprendre que Dido a concrètement disparu en même temps que sa doublure-objet. Puis plus tard, dans l’hôtel abandonné, Dany discute, dans une sorte de rêverie éthérée et « poétique », avec le fantôme géant de son lapin Dido. On cherche encore le message caché et « puissant » de ces scènes « délire »… Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Frau Heike Becker est la vieille folle qui a des visions de fantômes mais qui dit la vérité. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare , Mathias Le Goff envoie un texto tendre à sa fille Victoire lui parlant de l’équipe de water-polo gay dont il a la charge : « Ton papa avec les fous. » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, sir Harold Nicolson, le mari-couverture de Vita Sackville-West, lesbienne, traite Virginia Woolf de « folle », et reproche à sa femme de s’enticher de « sa géniale malade ».

 

Selon la théorie inversante de certains créateurs homosexuels, le fou serait le sage (caché) et le savant serait un imbécile. Le génie fou serait même prioritairement homosexuel ! Par exemple, dans le roman Nightwood (Le bois de la nuit, 1936) de Djuna Barnes, Robin Vote, une jeune Américaine à l’allure androgyne, somnambule hantée par une légère folie, fascine son entourage. On retrouve la thématique du « surdoué » inculte et fou dans le roman Le Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig, le film « Nell » (1994) de Michael Apted, le téléfilm « Le Petit Homme » (1991) de Jodie Foster ; ou dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, notamment. Par exemple, dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand se targue d’être à la fois « folle et sensée ». Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon dit qu’elle a intitulé son concert « Folie » puis se corrige en disant que c’est finalement « Free », en associant ainsi la liberté à la folie.

 

Vidéo-clip de la chanson "Désenchantée" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer


 

Dans les fictions homo-érotiques, la folie prend des allures de fête, de méga Gay Pride mondialisée : « Tous les fêlés sont des anges. » (cf. la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer) ; « L’école de la folle sagesse peut sauver le genre humain. » (cf. une réplique dans la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg) ; « Qui a plus de raison qu’un fou ? » (Louis II de Bavière dans la pièce Le Roi Lune (2007) de Thierry Debroux) ; « En moi le sage et fou vont apprendre à ne plus vivre seul. » (cf. la chanson « Dragon de feu » d’Étienne Daho) ; « Vous savez, la folie, parfois c’est charmant ! » (Monsieur Charlie dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Pourquoi se prendre la tête ? Faites comme moi : perdez-la ! » (le héros travesti M to F du one-(wo)man-show Le Jardin des Dindes (2008) de Jean-Philippe Set) ; « Moi, je pense que l’avenir est aux Beurs, aux pédés, aux chômeurs, à tous les défoncés qui sont en train d’inventer une nouvelle culture, une nouvelle spiritualité. » (Nathalie, une des protagonistes lesbiennes du roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, p. 151) ; « La folie est l’humour de l’intelligence. » (Nietzsche dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « En attendant d’être des rois, mes amis et moi sommes les acteurs d’une version de la folie des grandeurs, … sous une pluie de confettis » (cf. la chanson « Mes amis et moi » d’Arnold Turboust) ; « C’est mardi, mais c’est mardi gras. Aujourd’hui, les folles du Continental sont permises de se travestir, elles vont et viennent sans arrêt des galeries Lafayette qui se trouvent tout près, ce soir il y a un grand bal autour de la piscine. » (la voix narrative du roman Copi, Le Bal des Folles (1977), p. 129) ; « Avec tous ces papillons ! Je deviens folle ! » (China dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi) ; « Moi, j’aime les vieux. Ils sont fous. » (Mégane dans la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams) ; « Je suis Foufou ! » (Frankie, bourré, dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson) ; « Il paraît qu’elle est folle. » (Louise, le personnage trans M to F, parlant de lui à la troisième personne, dans la chanson du téléfilm « Louis(e) » (2017) d’Arnaud Mercadier) ; « Depuis tu cueille les fleurs du mâle, heureux de vivre en diagonale comme un fou sur son jeu d’échecs. Allez savoir à quoi ça tient de naître noir, ou blond, ou brun, ou d’être gay. » (c.f. la chanson « À quoi ça tient » de Romain Didier) ; etc.

 

Souvent, les héros homosexuels s’affublent ironiquement du qualificatif de folie (de « folle » ou « grande folle »), comme pour forcer et neutraliser la présomption sociale de folie (et d’homophobie aussi !) qui pèse sur leur homosexualité : « Une folle à lier !!! » (Bernard à propos de son ami gay efféminé Emory, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Cette folle est très amusante, non ? » (Michael par rapport à Harold, son coloc aussi gay que lui) ; « Je croise sur le trottoir de la rue Bonaparte dix, quinze folles de boutique. […] Mon futur public, me dis-je méchamment. Non, ils ne lisent pas. » (le narrateur homosexuel à propos des personnes homosexuelles, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 15) ; « Tu es vraiment complètement folle. » (Mary, un transsexuel M to F s’adressant à Strella, également trans, dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras) ; « Il est barje. » (Alex parlant d’André, son beau-père homosexuel, dans l’épisode 364 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 26 décembre 2018) ; etc. La folie devient alors un féminin autoparodique, un savoureux cynisme, une préciosité de connivence interlope.

 

Par exemple, dans le film « Glückskinder » (« Laissez faire les femmes ! », 1936) de Paul Martin, Frank, le héros homosexuel, se tourne vers son compagnon Stoddard en s’exclamant : « Je viens d’avoir une idée complètement folle ! »… ce à quoi ce dernier lui répond « Venant de toi, ça ne m’étonne guère… ».
 

Chez le héros homosexuel, la folie est plus profondément une posture narcissique, un désir de se rendre intéressant(e) en jouant sa Drama Queen : « Je suis dingue. » (Donato s’adressant à son amant Konrad, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; « Vous allez penser que je suis complètement folle… » (Damien, le héros travesti M to F, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; « Je suis prêt à suivre tous les traitements que vous voulez. La camisole chimique. » (la mère folle dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau) ; « Je suis folle ! Je suis folle ! Je suis folle ! Je suis folle ! Je suis folle ! Je vais me pendre à la vieille poutre apparente ! » (« L. », le héros transgenre M to F, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Promettez-moi que vous ne serez pas méchant avec moi dans votre gazette. On a propagé de telles insanités à propos de mon soi-disant mauvais caractère ! Il paraît que j’ai l’habitude de gifler mes partenaires. » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; etc. Le personnage gay ou lesbien trouve ça beau et drôle d’interpréter la tarée. « Folle n’est pas un emploi. C’est un rôle. » (Gérard, le héros homosexuel de la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; « Je l’ai vue à la télé et ça m’a rendu dingue. […] Notre seul point commun, c’est d’être cinglées. » (Strella, le héros transsexuel M to F parlant de la cantatrice Maria Callas, dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras) ; « Les yeux des filles, ça sert à quoi ? Ça sert à mettre le feu partout. Ça rend fou. » (Charlène Duval, le travesti M to F du one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Mélancolie. Par la porte opposée elle voit sa folie qu’elle va jeter plus loin de toi. […] C’est bien ça, un peu de déraison. Lonely Lisa. Devisée et tous à l’unisson. Lonely Lisa. C’est bien ça, un peu de déraison. » (cf. la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer) ; etc.

 

La folie ferait partie du « processus créateur »… Par exemple, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, le Traducteur-auteur joue au fou qui perd la tête (p. 155).

 

Parfois, le héros envisage son homosexualité et sa folie comme une snobisme victorieux : « Vous pensez que je suis folle, je suis juste sous l’emprise de mes hormones, je veux diriger l’empire des sens, être votre maîtresse à tous ! […] Oui, c’est ça dont on manque, de folie… de folles… Oui, c’est pour ça que moi je suis gay, voilà j’ai réussi à le prouver ! La folie, c’est la seule chose qui ne soit pas mondialisée. La folie c’est la véritable différence entre les gens, c’est la vérité. C’est quand on est fou qu’on est différent. La reine des folles, c’est moi ! Voilà ce qu’il nous faut : Une folle présidente ! » (le narrateur de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, p. 101) Il prétend trouver dans la folie son identité profonde, la quintessence de son être : « Je suis folle donc je suis ! » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 32) ; « La sagesse : qu’est-ce que c’est ? » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc.

 

Dans certaines fictions, le héros homosexuel cherche même à passer pour un fou (pour, par exemple, être exempté du service militaire) : cf. le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, le film « Yves Saint-Laurent » (2013) de Jalil Lespert, etc. « À la toute fin de l’entretien, je redis au psy mon espoir qu’on voudra bien me reconnaître pour fou. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 85)

 
 

b) La folie ma compagne/m’accompagne :

À ce propos, il est étonnant de constater que le protagoniste homosexuel est souvent entouré d’une femme folle (une mère, une sœur, une voisine, une amie, une « fille à pédé », la femme cinématographique, un être imaginaire, etc. ; je vous renvoie à la partie sur la « Mère folle » sur le code « Milieu psychiatrique » du Dictionnaire des Codes homosexuels) qu’il traite comme son bon laquais (qu’il s’autorise à massacrer verbalement ou physiquement) mais dont il ne peut pourtant pas se séparer : cf. le film « Diva Histeria » (2006) de Denis Gueguin, le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo (avec la voisine folle-dingue ricanante de Giulia), etc. « C’est ma voisine Ariane. Elle est folle. » (André dans le film « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; « Ça fait combien de temps que tu la supportes, l’autre folle ? » (Philippe, le héros homosexuel parlant à son compagnon, dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier) ; « Les actrices sont toutes des malades mentales. » (Doris, l’héroïne lesbienne de la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « J’aime une comédienne : Sybil Vane. […] Elle est devenue folle. » (Dorian Gray dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Je savais que tu étais folle. Mais pas à ce point-là. » (Hugo le héros gay s’adressant à Julia sa meilleure amie lesbienne, dans le film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? » (2010) de Malu de Martino) ; « Cette folle perverse rêve depuis des années d’être tuée, elle est à la recherche d’un assassin, voilà : elle l’a trouvé : c’est moi. » (le narrateur homosexuel parlant de Madame Audieu, la voyante, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 110) ; « Je suis folle Karine. Folle. Et c’est follement beau d’être folle ! » (Petra dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Les pathologies – cleptomanes, mythomanes, pyromanes – me fascinent. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc.

 
 

Fred – « T’es complètement folle !

Alice – Non, Fred, c’est toi la folle ! »

(cf. un dialogue entre Fred, le héros homo, et sa meilleure amie hétéro, dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis)

 
 

c) Douce folie de l’amour homo :

Dans la fantasmagorie homosexuelle, c’est également l’amour homosexuel qui est envisagé comme une folie : cf. le film « Folle d’elle » (1998) de Jérôme Cornuau, le film « Le Fou du Roi » (1983) d’Yvan Chiffre, la chanson « Crazy For You » de Madonna, la chanson « Je t’aime » de Lara Fabian, etc. « Vous êtes aussi toquées l’une que l’autre. » (Marie-Louise, une brodeuse, par rapport au « couple » lesbien formé par Sidonie et la Reine Marie-Antoinette, dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot) ; « J’ai passé une nuit de folie, les garçons ! Faut que je vous raconte ! Anna l’actrice, elle s’appelle Anna et pas Vanessa, elle est folle ! » (Polly, l’une des héroïnes lesbiennes du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 34) ; « Je suis fou, mais je t’aime. » (Arsène parlant à Hector dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) ; « La réalité, c’est que nous nous aimons comme des fous. » (Bryan par rapport à son couple avec Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 335) ; « Je suis fou d’amour, fou, fou ! » (Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « J’ai voulu être folle. Avoir un bonheur fou. » (l’héroïne de la pièce La Voix humaine (1959) de Jean Cocteau) ; « T’es dingue. » (Jonas s’adressant à son amant Nathan, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier) ; etc. Parfois, le trouble de la bisexualité est présenté d’ailleurs comme un symptôme de folie : « Je suis roi devenu fou. » (cf. la chanson « Indélébile » de Christophe Wilhem et Zaho)

 

La folie prend des allures de « magnifique passion » (un peu forcée, mais tant pis : la fin justifierait les moyens)… et pas du tout comme une idolâtrie ou un fanatisme qui enfermerait la personne : « J’ai toujours été folle des chaussures. Avec des paillettes. » (Zize, le travesti M to F dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Quand je quittais la scène, elles m’attendaient en coulisse par grappes ! Parfois elles montaient par le trou du souffleur ! Et plus je faisais la folle sur scène, plus elles m’adoraient. » (Cyrille, le héros homo de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Je suis fou des enfants. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 68) ; « Mais vous savez, je l’aime énormément, cette petiiiiiite ! » (Carole Fredericks dans la version live 1989 de « Maman a tort » de Mylène Farmer) ; « Je l’aime comme une dingue. Je pensais pas qu’un jour, j’aimerais quelqu’un comme ça. » (Carole parlant de son amante Delphine, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc.

 

La folie est présentée par certains héros homosexuels comme une naïveté « fleur bleue » hors du commun, idyllique. Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, au collège, s’est occupé de la déco de la fête du lycée, et trouve son immaturité à la fois touchante et ridicule : « Je faisais des étoiles en alu, et des nuages en coton. Il faut une folle pour ce genre de choses. » Celle-ci est mise en lien direct avec le premier émoi homosexuel (non-réciproque) d’Emory pour Peter, un gars hétérosexuel. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Doyler propose à son amant Jim de « sécher » la messe et d’aller se baigner « pour qu’il soit avec lui, pour être fou »… et pour le draguer.

 
 

d) Le doute :

Derrière l’euphorie littéraire, cinématographique et intentionnelle, plane un sérieux doute sur la valeur de cette « folie » homosexuelle, et de son contrôle. Par exemple, dans le roman Los Alegres Muchachos De Atzavará (1988) de Manuel Vázquez Montalbán est remis en doute le délire soi-disant maîtrisé des « faux fous » homosexuels (p. 265). Le lecteur ou le spectateur sent qu’une fois confrontée au Réel, la folie et son pouvoir excitant tombent à plat et manifestent une fuite d’une souffrance/violence, d’une peur, que nous étudierons amplement dans le code « Milieu psychiatrique » du Dictionnaire des Codes homosexuels : « C’était notre seule façon de nous en sortir, la folie. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 89) ; « Le fou, il nous protège. » (cf. une réplique de la pièce musicale dans la pièce Toutes les chansons ont une histoire (2009) de Quentin Lamotta et Frédéric Zeitoun) ; « Tu es fou. » (Giovanna, amusée face au désir de son meilleur homo Léo de partir dans un pays imaginaire où chacun pourrait « se réinventer », dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; « Et ma folie me bouscule en m’éloignant des crépuscules. » (le héros du film « À mon frère » (2010) d’Olivier Ciappa) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Folie « géniale » et « vraie » :

Dans le discours social actuel sur l’homosexualité, ou bien en bouche de beaucoup de célébrités homosexuelles, on entend une louange de la folie, souvent entendue d’ailleurs comme un synonyme d’homosexualité : « Plus ça va, moins je m’intéresse à l’écriture institutionnalisée sous la forme de la littérature. En revanche, tout ce qui peut échapper à cela, le discours anonyme, le discours de tous les jours, […] ce que les fous disent depuis des siècles dans le fond des asiles, ce que les ouvriers n’ont pas cessé de dire, […] ce langage à la fois transitoire et obstiné qui n’a jamais franchi les limites de l’institution littéraire, de l’institution de l’écriture ; c’est ce langage-là qui m’intéresse de plus en plus. » (Michel Foucault, Dits et Écrits I, 1954-1988 (2001), p.1280. Voir également Sa défense du fou p. 1003) ; « Je suis un fou qui aime l’humanité. Ma folie c’est l’amour de l’humanité. » (Vaslav Nijinski, Cahiers (1919), p. 7) ; « J’aurais aimé être une femme. Une vraie femme. J’aurais aimé être un fou. Un vrai fou. C’est ce que j’allais devenir, un jour. Fou comme les pirates de Salé qui ont terrorisé le monde aux XVIIe et XVIIIe siècles. Fou, corsaire, porté par un grand rêve et à la recherche d’un moyen pour le révéler aux autres, le crier, l’écrire. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 28) ; « Étrange tapette, insensée […] Attention, les tapettes deviennent folles. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, parlant de lui-même, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Dans la pensée queer actuelle, on nous offre des délires identitaires ou des travestissements comme de l’Esprit, comme des traits de génie (cf. le documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra, la thèse La « folle » révolution autofictionnelle : Arenas, Copi, Lemebel, Puig, Vallejo (2009) de Lionel Souquet, etc.). Par exemple, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans explique que le « goût du scandale c’est le comportement dit de ‘folle » (p. 291).

 

À titre d’illustrations, dans une émission télévisée en 1983, Laurent Boutonnat avoue que ce qui l’a attiré chez Mylène Farmer, c’était son caractère « névrotique ». L’écrivain français Hervé Guibert se passionne pour Zouc, l’actrice déjantée. Dès l’âge de 9 ans, à l’école, le couturier Jean-Paul Gaultier dessinait des danseuses des Folies Bergère, et a trouvé dans l’univers de sa grand-mère la « liberté » et la folie fantaisiste qu’il recherchait pour fuir l’enfer scolaire. Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Barbara, la femme de Bertrand, joue la folle ou bien se voit définie ainsi : « J’avais envie d’être folle. J’avais envie d’être conne. » dit-elle quand elle s’habille de manière excentrique. Plus tard, elle s’empêtre dans son propre jeu : « Je crois que je deviens dingue. » Et sur scène, elle joue le rôle d’une folle : « Moi, rendue folle par les piqûres de la mouche » Les pseudonymes que se donnent un certain nombre d’internautes sur les sites de rencontres LGBT empruntent énormément au lexique de la folie, et sont quasiment signés « Dingo » : Delireman, Crazyboy, Loco69, Fol Bavard, etc. Certains théâtres parisiens où la programmation est particulièrement gay friendly portent la trace de la folie : par exemple, À la Folie Théâtre. Je pense aussi à l’agence de clubbing gay La Démence. Les témoignages d’auteurs homosexuels aussi : cf. l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias.

 

Chez certaines personnes homosexuelles, la folie est une posture narcissique, un désir de se rendre intéressant(e) en jouant le psychopathe inquiétant ou bien la Drama Queen humoristique qui feint la folie : « Je cherche un mari mais je ne suis pas folle vous savez. Bonsoir. » (cf. une annonce d’un profil lu sur un chat de rencontres gays en mai 2014, et pastichant le sketch de Florence Foresti – l’icône gay par excellence ! – qui parodie l’actrice Isabelle Adjani) ; « Je veux faire des films qui rendent les spectateurs fous, qui les pousse à commettre un meurtre. » (le réalisateur japonais Hisayasu Sato) ; etc. Il n’y a qu’à voir le succès que remportent des chanteuses ou des actrices borderline comme Judy Garland, Jeanne Mas, Mylène Farmer, Dalida, Maria Callas, Lady Gaga, Chantal Goya, Valérie Lemercier, etc., dans la communauté homosexuelle pour le constater !

 

Pensons également à la publicité « Perrier c’est fou ! » popularisée et interprétée par Copi à partir d’un personnage du Frigo, Goliatha, avec ses gros sourcils, et qui prononce la fameuse réplique « C’est fou, non ? ».

 

 

Certains critiques bobos n’hésitent pas à ratifier (d’un rire « jubilatoooire »… bien forcé) la « transcendance » de la « Folie » des « artistes » homosexuels : « Copi nous laisse une pièce d’une gaieté folle, si drôle que les spectateurs, de fou rire en fou rire, n’ont pas le temps de penser à l’incroyable défi de l’auteur. » (cf. l’article de Michel Cournot « Une Visite inopportune de Copi : Java-requiem », dans le journal Le Monde, daté du 22 février 1988)

 
 

b) La folie ma compagne/m’accompagne :

Vidéo-clip de la chanson "Je te rends ton amour" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Je te rends ton amour » de Mylène Farmer


 

Beaucoup d’artistes ou de réalisateurs homosexuels éprouvent une grande tendresse et une forte connivence de sensibilité avec le personnage de la femme hystérique incomprise et excentrique. « Quelle femme singulière ! Ce mélange inextricable de véritable folie créatrice et de coquetterie… » (Klaus Mann en parlant d’Else Lasker-Schüler, dans son Journal 1937-1949, p. 33)

 

C’est le cas par exemple de François Ozon avec le personnage d’Augustine dans le film « Huit Femmes » (2001), de Rainer Werner Fassbinder avec Petra von Kant dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (1972), de Pedro Almodóvar avec Gloria dans « ¿ Qué He Hecho Yo Para Merecer Esto ? » (1984) ou encore « Mujeres Al Borde De Un Ataque De Nervios » (1989), de David Forgit le comédien travesti M to F parodiant uniquement des prostituées hystéros dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) (par exemple Marie-Chantal qui laisse 17 messages sur répondeur, Mémé Huguette qui « simule la démence régressive »), de Didier Bénureau imitant la belle-mère acariâtre et cinglée, de Cyrille Étourneau avec sa Lucie la cruelle amoureuse dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013), de Thibaut de Saint-Pol avec sa Madeleine (surnommée « la vieille folle » ou « la vieille sorcière du Gaou ») dans le roman À mon cœur défendant (2010), etc. Pour eux, la folie est carrément un art, une stratégie géniale, un cri touchant et transperçant l’âme. Ils se refusent à la mépriser. Pire que ça : ils s’y identifient. Je me rappelle par exemple du fort succès, auprès du public homosexuel, qu’a rencontré le personnage de « Madame Foldingue » (interprétée par Claire Nadeau) dans les années 1980 dans l’émission Cocoricocoboy de Stéphane Collaro sur TF1.

 

Madame Foldingue

Madame Foldingue


 
 

c) Douce folie de l’amour homo :

« Quand on aime, on est ffffou… » ; « Grand fffou, va ! » Autant de répliques de films qui font tout de suite efféminées dès qu’elles sont prononcées en « live ».

 

Un certain nombre de personnes homosexuelles affirment vivre la folie en amour. Une passion inénarrable (cf. l’autobiographie Fou de Vincent (1989) d’Hervé Guibert). « J’étais devenu un zombie. Un fou dans la nuit. Un mystique de l’amour. Un amoureux éconduit. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 53) Elles qualifient tout simplement de « folie » l’état amoureux. C’est très fréquent (cf. je vous renvoie aux codes « Amoureux » et « Liaisons dangereuses » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 
 

e) Le doute :

Cependant, et malgré tout, l’éloge homosexuel de la folie laisse se profiler une angoisse, une insatisfaction, une souffrance et une violence qu’on étudiera plus en détails dans le code « Milieu psychiatrique » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels : « À vrai dire, je n’aime que les fous. Et cette folie est difficile à vivre. » (Thérèse, femme lesbienne de 70 ans dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Dans son château, le Marquis de Sade renouvelait ce qu’il appelait ‘les sept jours de Sodome et Gomorrhe’, où il sodomisait ‘en musique’ jusqu’à douze jeunes garçons dans la même matinée. Cette perversion et cette dépravation se terminèrent chez les fous à la suite de l’histoire des bonbons à la cantharide : un jour, Sade distribua aux prostituées et à leurs clients du domaine Ventre (l’un des anciens quartiers réservés de Marseille) des chocolats à la cantharide. Cette ‘blague’ érotique eut pour résultat non seulement une orgie collective qui dura deux jours, mais aussi deux morts. Arrêté, Sade échappa à la prison et à l’échafaud en simulant la folie. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 160) ; « Quand ma mère sent l’odeur de son parfum sur moi, elle me demande si je ne suis pas fou à porter un parfum de femme, celui de ma propre mère. Elle formule la thèse de la folie pour ne pas laisser échapper cet autre mot, ‘pédé’, ne pas penser à l’homosexualité, l’écarter, se convaincre que c’est de la folie qu’il s’agit, préférable au fait d’avoir pour fils une tapette. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 123) ; etc.

 

Au fond, je crois que nous avons affaire – avec les personnes homosexuelles adulant la folie – à de faux fous, qui parodient plutôt la véritable (et bonne) folie en s’enfermant dans l’image réductrice de folie diffusée à la télévision ou au cinéma (l’excentricité, l’exhibition, l’euphorie, le délire bruyant, le culot, l’originalité, etc.). Car la belle folie décrite par saint Paul dans la Bible comprend le Réel et l’Église, reconnaît la transcendance christique. Comme l’a exprimé le philosophe émérite Gérard Leclerc à l’Université d’Été du Printemps Français au Château de Lignière le 29 août 2013, « les plus fous des plus fous, ce sont ceux qui ont le plus le sens de l’absolu ».

 
 

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