Décryptage du « Tout Nouveau Testament » de Jaco Van Dormael : Et en plus, ça nous fait la morale !

Nouveau Testament affiche
 

Le problème d’un film comme « Le Tout Nouveau Testament » (2015) de Jaco Van Dormael, pur navet de et pour soixante-huitards attardés, c’est qu’il n’est ni assez qualitatif pour s’en gendarmer (c’est pourtant ce qu’il rêverait de faire : choquer du catho et construire une œuvre blasphématoire hyper dérangeante, iconoclaste, originale et profonde à la fois…), ni assez insignifiant et inoffensif pour mériter notre silence. Alors, bien que le ver bobo (bourgeois-bohème) soit déjà depuis longtemps dans le fruit, et que la dénonciation d’une énième merde cinématographique ne changera apparemment pas la face du monde, si mon insoumission et la lecture de cette critique peuvent déjà faire réfléchir au moins une personne qui tombera sur mon blog et qui n’a pas encore compris le bain bobo dans lequel nos cerveaux sont mondialement ramollis depuis longtemps, ce sera déjà ça de gagné. Allez, on y croix !
 

Jaco Van Dormael, le réalisateur

Jaco Van Dormael, le réalisateur


 

Je ne vais pas m’étendre trop sur le côté énervant de bêtise de ce film rempli de poncifs dégoulinants de bien-pensance et paradoxalement aussi de désespérance. Toujours on y retrouve l’éloge de la désobéissance. Tu n’es vrai que si tu t’opposes, que si tu détruis toutes les règles, et que si tu désobéis. Je pense qu’on a compris le message.
 

Une fois identifié cela, le plus inquiétant reste que « Le Tout Nouveau Testament » récolte étonnamment pas mal de rires (forcés et ricanants) dans les salles de projection où il passe. Soudain, quand tu les entends, tu as l’impression d’être seul au monde, ou d’assister à une profonde amnésie collective. Et les critiques négatives lues çà et là sur internet ou dans les journaux, aussi intuitives soient-elles, sont rarement argumentées. C’est donc pour cette raison que j’ai voulu quand même le décrypter et le passer au tamis de mon futur livre sur les bobos, avec ses 59 codes bobos. Pour qu’au moins les gens qui ne l’aiment sachent un peu mieux exprimer pourquoi ! Jugez par vous-mêmes :
 
 
 
 

Code 1 – Petit-fils de 1968

Dans le film de Dormael, tous les personnages, même celui qui interprète Dieu, ne croient plus en l’Humain, en l’Amour, en la différence des sexes, en leur famille, en eux-mêmes, en Dieu. « Je me déteste ! » avoue Dieu. Ils sont tous porteurs de la même négativité de fond : « On vit dans un monde complètement merdique. » se lamente Willy, le gamin transgenre M to F qui se prend pour une fille.
 

Épris d’une soif de liberté sans limites, et pourtant sans Espérance, ils envoient tout balader, à commencer par leurs racines et leurs parents, puis les représentants du Réel et de l’ordre que sont les pères, les hommes. Dans le film de Dormael, les mâles sont présentés comme des gamins asexués, des assassins, des obsédés, des brutes, des êtres diaboliques, des infidèles. « Le Tout Nouveau Testament » est un film à la gloire du matriarcat. Il veut tuer le père (biologique et spirituel). Un vrai film de soixante-huitards.
 
Nouveau Testament Parricide
 

Code 2 – Je suis original !

L’idéologie bobo érige l’anticonformisme et la désobéissance en valeurs absolues. La Vérité serait dans le « non », dans l’altérité absolue, dans l’orgueil de se croire autre et original. « Le Tout Nouveau Testament » cadre complètement avec celle-ci. Tous les personnages se prennent pour l’Original qu’est Dieu. De plus, même le prénom de la jeune héroïne (Éa… comme tous les prénoms monosyllabiques bobos actuels qui se veulent non-conventionnels – Léo, Ninon, Lilou, Thaïs, etc. – mais qui finissent par être choisis par tout le monde) respire le conformisme du mouton de panurge qui a fait de l’anti-norme la norme mondiale. L’une des actrices-phare du film, Catherine Deneuve, est la quintessence de ce snobisme misanthrope obsédé par ce désir de ne faire absolument pas comme les autres parce qu’on est en réalité complètement mimétique sans s’en rendre compte : « Je ne suis pas conventionnelle. »
 

Code 3 – Haine de la matière et des richesses

Dans le boboïsme, il y a un apparent rejet des richesses matérielles, de la société de consommation, du capitalisme et des moyens de communication (télé, internet). C’est ce qu’on observe chez les héros du « Tout Nouveau Testament ». Par exemple, Martine la bourgeoise tire un trait sur les conventions sociales en vivant avec un gorille ou encore en louant les services d’une racaille escort boy (d’ailleurs, son gorille casse tout dans l’intérieur bourgeois). Jean-Claude, quant à lui, démissionne de son boulot stressant de businessman de bureau. Victor, le SDF-scribe, est présenté comme un sage parce qu’il n’est pas connecté aux nouvelles technologies : « Je sais pas la date de ma mort : j’ai jamais eu de téléphone. » Éa vomit le hamburger qu’elle trouve entier dans une benne à ordures, parce que forcément « McDo c’est dégueulasse » et que la mal-bouffe est composée de « cadavres de baleines » échoués. Et même le personnage de Dieu, joué par Poelvoorde, exprime sa haine contre le monde moderne, les villes et les ordinateurs… alors que c’est quand même lui qui les a créés pour asservir ses créatures et les manipuler à distance.
 
Nouveau Testament haine ordi
 

Code 4 – Le consommateur masqué

Même s’ils se veulent anti-matérialistes et anti-ordinateurs, la vie des personnages du « Tout Nouveau Testament » ne tient qu’à un ordinateur, qu’à une connexion. Ils sont tous suspendus à leur téléphone et programment leur vie en fonction de lui. Le personnage de Marc est totalement soumis au porno, au fric, à la luxure : il consomme du sexe pour le sexe. Martine, quant à elle, a les yeux scotchés devant la télé. Le personnage de Dieu est accro à sa télé et à son ordi. Il communique avec les terriens qu’il a créés par téléphones portables. Les médias sont son interface privilégiée. Et son ordi, tout pourri soit-il, est comme sa propre oxygène. Il supplie sa fille de le lui rendre : « J’t’en supplie ! Redémarre mon ordinateur ! »
 

On observe aussi ce mimétisme consumériste chez le réalisateur, qui régurgite des références ciné (King Kong, Amélie Poulain), journalistiques (images d’archives), musicales (« Il venait d’avoir 18 ans » de Dalida, « La Mer » de Charles Trénet, etc.), à qui mieux mieux.
 

Code 5 – La solidarité d’apparat

Nouveau Testament racisme

Le bobo a coutume de se faire passer pour une Mère Teresa, et au final pour une victime plus à secourir que les pauvres qu’il prétendait initialement aider. C’est exactement ce qui se passe avec le Dieu du « Tout Nouveau Testament », qui fait la queue dans la file de soupe populaire des migrants dans l’église, et qui double tout le monde en provoquant une émeute. Cette xénophobie inattendue du représentant gauchiste de Touche pas à mon pote ! se voit jusque dans le choix final du réalisateur d’envoyer travailler le personnage de Dieu au goulag infernal que serait l’Ouzbékistan.
 
Nouveau Testament sans-papiers
 

Code 6 – Plus bourgeois que bourgeois : l’élite du bon « mauvais goût »

Le comble, c’est que le bobo, même s’il ne renonce pas à ses privilèges, s’imagine être une exception de bourgeois. Y compris dans le mauvais goût. Il est fort probable en effet que les acteurs et les créateurs du film « Le Tout Nouveau Testament » aient l’impression de ne pas être bourgeois, d’avoir composé une œuvre militante non-conventionnelle et ultra-poétique, de ne pas être vulgaires, d’avoir été (même dans leur incorrection) des pourfendeurs « sans prétention » de l’ordre moral. Écoutez la « rebelle » qui croit avoir cassé son image de bourgeoise : « Je pense que ceux qui ne me connaissent pas très bien me voient comme une femme, blonde, élégante, parisienne… Mais les gens ne me connaissent pas vraiment, et je pense que me voir dans des situations un peu étranges et différentes, ça les choque particulièrement. Tous les gens aiment être surpris dans la vie. Même moi, j’aime beaucoup les surprises. » a déclaré cette bobo presque finie de Catherine Deneuve. S’il vous plaît, on ne rigole pas.
 

Code 7 – Jargon vulgos-pédant

Pour cultiver son côté « outsider décontract », le bobo s’illustre souvent par un mélange langagier des genres qu’il rêve naturel : mi-beauf mi-bourgeois, mi-poétique mi-grossier, mi-châtier mi-charretier. On retrouve cette ambiguïté travaillée par exemple dans la manière qu’adopte Éa, l’héroïne, pour décrire la vie de bureau ennuyeuse de Jean-Claude, l’un de ses prophètes : « Jean-Claude avait une petite vie de merde, avec des horaires de merde. »
 

Code 8 – Parler anglais

Habituellement, quand le bobo s’exprime pour faire snob tout en restant cool et connected people, il case des mots d’anglais et de franglais quand il peut. Dans le film, l’anglais est néanmoins remplacé par l’allemand. Et la Belgique, cadre béni de Dieu apparemment, est l’archétype du pays bobo, dans le sens de « plaque tournante du multiculturalisme international sans saveur », « tout-venant des idéologies libertaires » et « no man’s land religieux » : the place to be du libéralisme libertaire.
 

Code 9 – Optimisme et Espoir

Le leitmotiv du boboïsme, c’est le remplacement de l’Espérance (celle qui croit en la victoire de la Vie sur la mort… mais en regardant la mort en face !) par l’optimisme et l’espoir (une positive attitude scolaire et sans fond, qui nie les limites du Réel et la gravité joyeuse de la Résurrection christique). Malgré sa noirceur, le film « Le Nouveau Testament » entre complètement dans cet optimisme téléphoné qui contrebalance de manière forcée une grande désespérance de fond, dans le seul but de sauver la face et surtout de se dresser en donneur de leçons. Le crédit de la positivité boboïsante repose sur un grand renfort de poncifs poétiques, sur des phrases qui font joli mais qui ne veulent rien dire, sur la profusion de fleurs partout (dans le ciel, dans les habits, dans les mains et les cheveux). L’amour, pour le bobo, ce n’est pas compliqué : c’est les fleurs. Celles-ci remplacent encore le côté cucul et naïf des petits cœurs de la culture kitsch. Dormael a foutu des fleurs partout. Ça fait écolo, en plus.
 
Nouveau Testament fleurs
 

Code 10 – Petit

Chez le bobo, le pastiche d’humilité, qui n’est en fait qu’une arrogance démagogique ou une lâcheté déguisée, se traduit par la passion pour la petitesse et le microscopique (les petites gens, les petits plaisirs de la vie, les détails, etc.). « Ta vie est devenue toute petite. » (Éa par rapport à la vie de Jean-Claude) D’ailleurs, dans le film, beaucoup des personnages ont leur doublure d’eux enfants. Selon le boboïsme, le vrai ne surgirait que de l’anodin, du non-programmé, du sans-prétention, de l’insignifiant. Yolande Moreau, jouant toujours le rôle moralisant de l’imbécile-philosophe dans les films (« Amélie Poulain », « Séraphine », etc.) est abonnée à cette petitesse qui n’a au fond rien à dire. Elle bredouille… et c’est si puissant ! #foutagedegueule
 
Nouveau Testament Gens de peu
 

Code 11 – Je ne souffre pas !

Le boboïsme se caractérise pour une surenchère sensibleriste de l’émotionnel pour masquer tout d’abord un vide abyssal de Sens (le Sens est remplacé par les sens), ensuite une absence d’empathie, et un refus de se reconnaître vulnérable. L’angoissé et le complexé de compétition qu’est le bobo a tellement peur de ne pas gérer son débordement d’émotions – encore faudrait-il qu’il ose se montrer vulnérable – qu’il se jette dans l’émotivité des autres pour ne pas aborder la sienne. On pourrait dire que c’est un businessman des sentiments, mais paradoxalement un sans cœur. « Je prends les larmes des gens. Je ne sais pas pleurer. » avoue Éa en récoltant dans un flacon les larmes de ses prophètes qu’elle écoute froidement. Il ne se laisse pas tant toucher que ça par les autres et par le monde, car il capte l’émotion plus qu’il ne la partage.
 

Code 12 – Globe-trotter

Le bobo se veut électron livre, « universal traveller », Citoyen du monde, grand voyageur capable (de temps en temps) de partir en trek au bout de la planète, sur un coup de tête. On en a un beau spécimen dans le film avec Jean-Claude, l’ex-homme d’affaires, qui plaque tout pour rejoindre le Cercle Polaire seul sur son canoë.
 
Nouveau Testament banquise Jean-Claude
 

Code 13 – Canapé

Dans le film de Dormael, on trouve quelques canapés (le canapé est l’autel sacré du bobo !)… même si c’est plutôt le banc public qui les supplante.
 

Code 14 – Scooter

Dans le film, on a surtout le canoë comme moyen de locomotion roots, ou encore le transport le plus « bio » qui soit : à dos d’homme (Éa sur le dos de Victor le clochard).
 

Code 15 – Mosaïque multiculturelle

Le boboïsme propose souvent une vision de diversité humaine très standardisée, sous forme de « minorités visibles » utilisables politiquement et médiatiquement pour défendre des bonnes intentions (l’égalité, la solidarité, la tolérance, le respect, le handicap, la lutte contre les discriminations, les différences… sauf bien sûr la différence des sexes et la différence Créateur-créatures qu’est l’Église). Le film « Le Tout Nouveau Testament » reproduit tout à fait cette humanité-mosaïque publicitaire United Colour of Bande de Cons, avec les portraits individuels filmés façon selfie, avec la brochette de « tranches de vie » de personnages montrés comme autant d’illustres inconnus extraordinaires auxquels on n’aurait pas prêté attention, avec les foules faites de bric et de broc (mêlant parfois monde réel et monde fictif, à l’instar des pubs de téléphonie mobile) comme c’est le cas avec la foule sur la plage à la fin.
 

Code 16 – Fanfare jazzy

Le bobo aime se croire homme d’un peuple pauvre et créatif, s’imaginer entouré d’une fanfare tzigane ou jazz de la Nouvelle-Orléans, d’une cour des miracles qui fait de la vraie musique artisanale avec pas grand-chose. On retrouve cela à deux reprises dans le « Tout Nouveau Testament », avec d’une part l’adulation de Martine et Victor pour les forains du cirque, d’autre part avec la vidéo amateur du joueur de trombone barbu et à poil (typiquement bobo dans le style).
 
Nouveau Testament Cirque et Victor
 

Code 17 – Le vieux marin breton

Pas de vraie œuvre artistique bobo sans la présence d’un vieux papy, en général barbu, marginal et fantasque, qui sert de Maître à penser et de caution moralisante/amusante au protagoniste. Dans le film de Dormael, c’est bien évidemment le personnage de Victor, le clochard-philosophe, qui joue ce rôle (même si cette œuvre regorge de papys « touchants » : Jean-Claude, Marc, et même l’imbuvable Dieu). Éa, en rencontrant Victor, alors qu’elle décrit l’odeur nauséabonde qui se dégage de lui quand elle est sur son dos, décide d’en faire son père biologico-spirituel de substitution : « Le genre que j’aurais aimé avoir comme père. » Victor, au fur et à mesure de l’intrigue, devient l’Évangéliste qui rédige la Bible retraçant la vie de la Fille de Dieu.
 

Code 18 – Vive le vieux !

Dans le boboïsme, le bourgeois-bohème se rachète une virginité en cultivant dans son style de vie le désuet, le rétro-kitsch, le style « vieux », en affichant son goût des choses antiques/usées et en les agençant de manière hyper moderne et novatrice. Ce n’est pas de la part du bobo un vrai retour au passé ni une main tendue à ses parents et grands-parents réels : au contraire, c’est un semblant de retour, pour faire dire au passé qui aurait appartenu à ses aïeux ce qui arrange ses propres fantasmes libertaires. Le film de Dormael rentre tout à fait dans ce paradoxe : les parents et les grands-parents de sang sont méprisés, et pourtant, c’est leur univers artistique, matériel, musical, rétro, qui est récupéré, travesti et reconstitué nostalgiquement pour servir de prétexte à mettre des fleurs partout dans le ciel. Sur un air de disque vinyle… Mettez du Dalida et du Charles Trénet dans votre vie… #OMG
 

Code 19 – Chapeau Charlie Winston

Dans la série chapeaux de bobo, vous avez le bob de Jean-Claude ! Et les couvre-chefs de Dormael !
 

Code 20 – Clope

Benoît Poelvoorde, qui joue (mais est-ce vraiment un rôle de composition ?) son sempiternel numéro de dieu égocentrique, violent, ingérable et invivable, enchaîne les clopes et les binouzes. Mais comme l’acteur est célèbre et qu’il est soi-disant dans l’autoparodie, il est exempté de l’étiquette du beauf ou du bobo. Suprême ruse du boboïsme (ou de la beaufitude : là, on hésite…) que de croire qu’on n’est pas ce qu’on est et qu’on ne fait pas ce qu’on fait sous prétexte qu’on l’est et qu’on le fait « en connaissance de cause », « pour la caméra » et « pour l’intention de le dénoncer » !
 
Nouveau Testament drogues
 

Code 21 – Ville

La ville qui se met au vert est un lieu commun de la bobo attitude. Et c’est exactement ce qui se passe dans « Le Tout Nouveau Testament », quand on voit Adam nu au milieu de Bruxelles, ou encore le ciel urbain se tapisser en jardin de fleurs à la fin du film.
 
Nouveau Testament Ville
 

Code 22 – La Passion pour la Nature, le vent et la mer

Le bourgeois-bohème rêve d’une fusion avec le Ciel, la Nature, le Vent et la Mer, tous ces lieux de l’infini où son existence et sa volonté peuvent s’évaporer, où son narcissisme mélancolico-nostalgique peut s’exprimer, et qui étanchent sa soif d’une authenticité qu’il ne vit plus dans ses rapports humains. Dans le film « Le Tout Nouveau Testament », c’est exactement ça. « On dirait que tout le monde a eu la même idée : aller à la mer pour y mourir. » (Éa) ; « Quitte à mourir dans une semaine, autant mourir à la mer. » (Willy, le gamin transgenre M to F dont les médecins ont diagnostiqué une maladie incurable) ; « Ta musique, c’est ‘la Mer’ de Charles Trénet. » (Éa s’adressant à Willy) ; etc. La déception collective de l’Humain chez les personnages du film se reporte systématiquement sur une idolâtrie mièvre et suicidaire de la Nature. Par exemple, Jean-Claude finit sa vie au souffle du vent, du bruit des feuilles dans les arbres, des rires d’enfants, en contemplant le Ciel, puis en allant ramer dans la mer polaire. Martine (Catherine Deneuve) vit ses derniers instants aux bras d’un gorille (trop décalé et « jubilatoire » d’avoir osé la zoophilie…). Le film s’achève par un pathétique Regarde le ciel : « Je ne peux m’endormir que si je vois le ciel. » déclare Victor, insistant pour coucher à la belle étoile dans le jardin de la maison luxueuse de Martine.
 

Code 23 – « La Nature me domine et prouve ma méchanceté d’être humain. »

Nouveau Testament King Kong
 

Dans la pensée bobo, il y a souvent une inversion réifiante entre humanité et animalité : les animaux sont humanisés en même temps que les humains sont déshumanisés, robotisés et méprisés par cette personnification. Cette inversion s’origine dans une conception conflictuelle (et erronée) entre l’Homme et la Nature, et surtout entre l’Homme et Lui-même. C’est exactement ce qui se passe dans « Le Tout Nouveau Testament ». Par exemple, Éa discute avec un oiseau qui s’adresse au businessman Jean-Claude qui ne le comprend pas. Elle traduit ce que lui raconte l’animal : « L’oiseau dit qu’il se pose la même question pour vous. » Plus tard, Martine, la bourgeoise qui se momifie en femme-objet dans un univers matérialiste étriqué, va vivre un nouvel amour avec un gorille de cirque qui aura des réactions humaines : « C’est la première fois qu’il m’arrive une si belle preuve d’amour. Je suis heureuse. » Selon le bobo misanthrope, les animaux aimeraient tellement mieux et tellement plus fidèlement que les humains ! Quant au personnage de Willy, il a pour conscience ou pour ange-gardien un poisson volant fantôme lumineux qui l’accompagne partout dans ses déplacements.
 
Nouveau Testament nature méchante
 

Mais cette naturomania bobo ne tarde pas à montrer son réel visage. Contre toute attente, « Le Tout Nouveau Testament » non seulement n’énonce aucune règle morale pour le bien de tous, mais traîne en procès toutes les lois physiques naturelles, comme si celles-ci n’étaient que le fruit d’une décision humaine satanique. Il attribue à la Nature une « méchanceté » dès que Celle-ci freine la marche du progrès technologique et les projets des Hommes : par exemple, dans le film, la loi de la gravité (le collier de perles qui se défait, la pluie qui tombe, la tartine de confiture qui se renverse toujours du mauvais côté…) est présentée comme mauvaise et sera abolie par la Déesse Yolande Moreau à la fin. Autre exemple : l’eau du bain de Jean-Claude constitue un obstacle et un imprévu satanique pour répondre immédiatement au téléphone. Dernier exemple : se retrouver sur la file du supermarché qui n’avance pas serait le résultat d’une machination divine et humaine diabolique. Les nouveaux Commandements qu’édicte le « Tout Nouveau Testament » visent finalement à rabaisser l’Homme et la Nature pour laisser place à la « toute-puissance » de la technologie.
 

Je tue des gens, mais c'est pas grave : je suis/c'est écolo...

Je tue des gens, mais c’est pas grave : je suis/c’est écolo…


 

Code 24 – Je ne crois pas en Dieu mais je fais comme si

Le boboïsme tente de copier à l’identique l’Église-Institution catholique, mais en La vidant de sacré, pour se prouver à lui-même qu’il peut faire largement mieux qu’Elle. C’est ce qu’on voit dans le film de Dormael : les vrais cathos sont considérés comme des potes, des gens bien gentils (Éa surnomme son frère Jésus « Jicé »), des doux rêveurs (« Tu planes. » susurre Dieu à l’oreille du père Ludovic, ce jeune clerc pétri de complexes enfouis), des gens faibles qu’il serait facile de dépasser et de renverser. Tous les personnages du « Tout Nouveau Testament » se prennent pour Dieu. Et même s’ils sont ironiquement filmés comme des dieux ordinaires et sans prétention, ils ont quand même au moins la prétention de penser que leur identité cynique d’« anti-prophètes » ou de « dieux ratés » est plus sainte et plus exemplaire que celle des prophètes, des saints et des cathos officiels. « Dieu existe. Il habite à Bruxelles. Il est odieux avec sa femme et sa fille. On a beaucoup parlé de son fils, mais très peu de sa fille. Sa fille, c’est moi. Je m’appelle Éa et j’ai dix ans. » Éa, avec ses 6 prophètes, voudraient réécrire la Bible, faire un meilleur best-seller que son grand frère Jésus, et se venger de Dieu son père.
 
Nouveau Testament Prêtre
 

Et une fois que ces personnages arrogants et planants à la fois se rendent compte que, malgré leurs dires et le second degré, ils pètent quand même plus haut qu’ils n’ont le derrière question religion, ils finissent par nier dans l’expression d’un athéisme convaincu de lui-même leur orgueil de s’être crus « plus croyants dans l’incroyance que les vrais croyants » : « Y’a rien après la mort. » (Éa) ; « Nom de Dieu de merde ! » (Dieu) ; « C’est moi Dieu. C’est moi qui ai inventé tous les malheurs ! » (Dieu)
 
Nouveau Testament Église-maison
 

Code 25 – Nostalgie de la messe du dimanche et de la vie communautaire

Dans le film, Éa et toute son équipe de prophètes se réunit pour aller mourir à la plage et veiller (en même temps qu’écrire leur propre Bible) le futur cadavre de Willy, le gamin transgenre qu’ils vénèrent comme un nouveau dieu innocent et hermaphrodite.
 

Code 26 – Festi-schisme

Les personnages du film créent leurs propres fêtes athées, leurs propres enterrements, leurs propres mariages et accouplements (zoophiles, Gender, fin du monde…).
 

Code 27 – New Age et psychologie

Dans le boboïsme, il y a bien de la place pour une spiritualité, mais celle-ci se cantonne à rester psychologisante et prétentieuse. C’est la soupe capillotractée que nous propose « Le Tout Nouveau Testament », qui se présente sous la forme d’un conte philosophique enfantin « profond », dictée par les questions innocentes de la « psy » en herbes, Éa. Cette dernière questionne le monde (pour tacitement prouver son absurdité), soumet une interview-confidences-intimes à ses 6 prophètes desquels elle fait accoucher la mémoire émotionnelle. Et ça donne un cortège de phrases insipides qui se font passer pour des vérités universelles à la « Forrest Gump » (« La Vie c’est comme une boîte de chocolat : tu ne sais jamais sur quoi tu vas tomber. »). Exemples : « La vie c’est comme une patinoire. Il y a beaucoup de gens qui tombent. » (Aurélie) ; « Comment ils font les poissons pour respirer ? » (Éa) ; « J’ai plein de souvenir, évidemment, de mon enfance. Ce qui est étrange, c’est que dans chacun, il y a un peu de tristesse. » (Marc) ; « Je ne peux m’endormir que si je vois le ciel. » (Victor), etc. Voilà voilà. Démerdez-vous avec ça.
 

Miss Freud Jr, qui te perce jusqu'à l'âme...

Miss Freud Jr, qui te perce jusqu’à l’âme…


 

Code 28 – Ni remords ni péché

Une des caractéristiques du boboïsme, c’est le déni de la culpabilité, le déni de l’existence du bien et du mal, le déni du remord et du regret : faut tout assumer, même si ce « tout » ne doit revêtir aucun caractère moral (le bobo dira « aucun caractère manichéen ») ! Concernant le film de Dormael, il fait table rase de la moralité. La frontière entre le bien et le mal est totalement gommée. Y compris ce qui est censé représenter le bien (= l’héroïne Éa), y compris ce qui devrait être de l’ordre de la réponse de la moralité à l’immoralité – à savoir l’envoi des SMS par Éa pour annoncer aux êtres humains la date de leur mort, et pour punir la brutalité de Dieu son Père – est immoral. En effet, avertir chacun de la date de sa mort, c’est tuer la liberté de tous. L’acte de vengeance de la fille n’est pas plus moral que la condition humaine éprouvante qu’impose Dieu à ses créatures humaines. Le problème, c’est que dans le film, les deux actions sont mises en opposition, comme si la gravité de l’action paternelle innocentait la gravité de l’action de la fille qui lui a succédé. La preuve symbolique la plus parlante de l’absence de morale du film, c’est, à la fin, la suppression de la loi de la gravité : rien n’est grave, tout se vaut, le bien et le mal n’existent pas et ne sont que là où chacun les voit à un moment donné. C’est l’éloge angéliste du chaos.
 
Nouveau Testament Morts
 

Code 29 – L’enterrement bobo

Le bobo a une fascination identificatoire morbide et narcissique pour la mort. C’est le cas, dans le film, avec le personnage de l’Assassin : « François aimait les enterrements. » (la voix-off de Éa)
 

Code 30 – Croisade iconoclaste contre les «clichés»

Comme le boboïsme est une idolâtrie, il cherche à détruire tout ce qu’il vénère, à savoir les objets, les images, les préjugés, les médias, les clichés, et aussi les corps (puisque le corps est également une image). Le film « Le Tout Nouveau Testament » joue à fond sur l’inversion et sur la dénonciation des images, même s’il en est complètement prisonnier : les prophètes sont des anti-prophètes, les gentils sont les méchants, les filles sont des garçons et les garçons sont des filles, les animaux sont des humains et les humains sont des animaux, les pères sont des bébés et leurs enfants les punissent, la femme de Dieu est fan de base-ball (concept hyper queer), etc.
 

Code 31 – Super-Zéro haut perché

Dans le boboïsme, la place des Supers-Héros ratés est omniprésente. On retrouve un parfait écho à cela dans le film de Dormael, avec le personnage de Jean-Claude petit, habillé en Zorro de carnaval raté : « Jean-Claude avait une petite vie de merde. » (la voix-off de Éa) Par ailleurs, ces Supers-Zéros bobos se placent en général en hauteur et philosophent sur les gens qu’ils observent froidement de loin, parfois en se mettant projectivement à leur place, ou en leur prêtant leurs propres pensées existentielles morbides et désabusées : c’est le cas d’Adam et Éve contemplant la ville de Bruxelles, ou encore de Martine observant sa télé d’un œil vitreux. Bienvenue dans le monde de la schizophrénie narcissique !
 
Nouveau Testament feuilletons de début d'aprem
 

Code 32 – La folie pour le blanc (sali)

Le bobo aime bien rejouer la pureté de la vierge ou du prêtre en blanc. Tout ça, bien sûr, dans l’apparat, et sans don de sa personne, sans Croix. Dans « Le Tout Nouveau Testament », par exemple, c’est tout en blanc dans l’intérieur aseptisé et bourgeois de Martine (qui finira par devenir bordélique et sali). Et le lave-linge est le tunnel entre la Maison de Dieu et la Terre. Ça montre bien toute la sécheresse de cœur des bobos qui ne conçoivent le Paradis que comme une blanchisserie sans âme, une usine à gaz…
 
Nouveau Testament blanc
 

Code 33 – Barbu

Le Christ athée des bobos est très souvent un « libre penseur » barbu. On en trouve plein dans le film « Le Tout Nouveau Testament » : Victor, Jean-Claude, et même dans la vraie vie Jaco Van Dormael. C’est le règne des barbus !
 

Code 34 – Silence et Pudeur sacrés

Dans l’idéologie bobo, le silence et la pudeur sont sacralisés à l’extrême. Même quand ceux-ci sont ennemis de la Vérité. Les scènes de silence sont des simulations sensibleristes d’humilité. Celui qui n’a rien à dire, qui balbutie, qui se tait, aurait cent fois plus raison que celui qui ose parler et défendre la Vérité à laquelle il croit. C’est ainsi que, dans le film de Dormael, on nous fait tout un plat sur la profondeur du vide silencieux, on nous montre comment Jean-Claude le businessman reprend goût à la vie en se taisant et en sentant le vent silencieux sur sa peau, on voit des mains s’effleurer (François et Aurélie, Xénia et Marc), on nous présente la vieille femme de ménage limitée intellectuellement et un peu simplette (Yolande Moreau) comme la nouvelle Voix des anges. Sans compter l’emploi réchauffé (et franchement gonflant) de l’acteur Canal + François Damien, abonné au rôle du timide et du maladroit que tout le monde prend pour un benêt parce que ce n’est pas un canon de beauté, mais qui en réalité cacherait un cœur tendre et une intelligence émotionnelle supérieure (#preneznouspourdescons). Pudeur, à force d’être obligatoire, tu en deviens impudique et pleine de vacuité !
 

Code 35 – La voix-off insupportable

Une des techniques les plus employées par la propagande bobo, c’est la voix-off. Cette voix d’outre-tombe ou de l’inconscient, on l’entend partout dans les films et les chansons bobos. Elle est censée philosopher, « penser tout haut », et nous éduquer à la beauté sensorielle et au bien-être (bon, ok, à nous anesthésier le cerveau et le cœur). On en trouve un bel exemple avec la trame narrative du film « Le Tout Nouveau Testament », qui suit les élucubrations orales et pseudo « intellectuelles » d’Éa, la gamine conteuse commentant sa propre vie et celle des autres. Elle nous emmerde prodigieusement avec ses fausses questions existentielles, son lyrisme philosophico-poétique à deux balles, ses incises répétitives ou reformulantes comme dans la série Bref de Canal +. Et le pire, c’est que l’héroïne et surtout le réalisateur y croient et trouvent ça très beau, très pur, très nouveau et puissant, ce verbiage sans direction. Grosse pitié pour eux.
 

Code 36 – Bougies

En général, dans les œuvres bobos, les bougies, les guirlandes colorées, les barrettes d’encens, ne sont pas loin ! Dans le film de Dormael, comme par hasard, on retrouve la salle d’un loft abandonné habité par Éa et Willy ornée de bougies.
 

Code 37 – Le mariage bobo

Rien
 

Code 38 – Le blogueur catho

Dieu, dans le film de Dormael, est bien blogueur !
 

Code 39 – Dandy Queer & Camp

Dans le film « Le Tout Nouveau Testament », Éa joue le rôle de l’enfant « ange noir » gothique, sorte de Petit Prince déchu des temps modernes, spectatrice du monde nihiliste que lui ont laissé les adultes, qui poserait des questions existentielles ultra-profondes avec la fausse candeur de celle qui juge tout en feignant d’interroger sans arrière-pensée : « Et toi, tu sais quand tu vas mourir ? » ; « Que deviennent les adultes ? Que deviennent les enfants ? » ; « Pourquoi est-ce que sur terre tout n’est pas gratuit ? » Le bobo, c’est le précieux qui dit rose pour présenter le noir, et qui dit noir pour présenter le rose.
 

Code 40 – Style littéraire sobre-trash

Le boboïsme, pour se prouver son originalité incorrecte, et en réalité pour exprimer sa fausse liberté, aime mélanger le classique et le baroque, le kitsch et le camp, le politiquement correct et le politiquement incorrect, bref, mélanger les « genres ». Le générique final du film « Le Tout Nouveau Testament », mêlant broderies et rock métal, en constitue une belle illustration. De même, les images de poupées Barbie filmées en stop-motion empruntent à de nombreuses séquences de films bobos queer militants (tendance féministe, performer et LGBT) singeant cyniquement l’artisanal, le sans-concession, l’innocence violée.
 

Code 41 – Pas d’humour

En général, malgré le ton léger et décalé qu’il veut donner à ses œuvres artistiques, le bobo a du mal à être drôle. Car il s’est trop éloigné du Réel pour que son humour noir ne se transforme pas en amertume, en cynisme agressif. Ses créations sont trop noyées dans l’intention idéologique, ou au contraire dans la simulation d’absence d’intentions, pour rejoindre l’humilité de l’humour. C’est ce que j’ai constaté en allant voir « Le tout Nouveau Testament ». Ce film n’est même pas drôle comme l’humour noir, parce qu’il n’y a pas de Vérité, pas de Réalité, pas de respect de l’Humain ni des personnes parodiées. Du coup, l’humour qu’il essaie de déployer s’évanouit en cynisme, en premier degré beauf, en ricanement glauque. On n’a pas envie de décrocher un seul sourire car les thématiques, objectivement graves (par exemple : le mec en voiture qui se mange une autre bagnole parce qu’il reçoit un texto lui annonçant que sa mort est imminente : comment rire de ça ??) sont traitées avec une légèreté qu’elles ne méritent pas. Poelvoorde n’est pas drôle non plus : le spectateur n’apprécie jamais d’être violenté, pas même par une star aux mimiques familières ni « pour de rire ». La promotion de toutes les bassesses humaines (insultes, menaces, addiction à la prostitution et au porno, divorces, adultère, blasphème, meurtres, décès…), c’est notre merde quotidienne : vous croyez franchement que ça fera rire quelqu’un ? que ça ne nous anesthésie pas assez comme ça ?
 

Code 42 – Photolâtrie

Le photographe, c’est le Dieu du bobo. Et la photographie, avec tous les effets spéciaux à la Matrix qui l’accompagnent (timelaps, rayon de soleil, ralenti, etc.), c’est son péché mignon. Le bobo rêve de faire de sa vie un roman-photos seventies ou un clip vintage mythique. Les portraits et interviews selfie (avec leur lumière blanche frigorifique blêmissant les visages) et les effets photographiques au ralenti ne manquent pas dans le film « Le Tout Nouveau Testament ».
 
Nouveau Testament photolâtrie
 

Code 43 – « J’aime / J’aime pas »

L’exposition de ses goûts sous forme de liste, exposition pensée comme une traversée poétique, philosophique et spirituelle ultra-importante à exhiber à tout le monde (alors que les goûts, c’est ce qu’il y a de moins intéressant et de moins universel dans la vie des Hommes, en fait), est un poncif du boboïsme, et l’occasion d’un épanchement nombriliste sur ses petits souvenirs, ses petits rêves, ses petites contrariétés aussi. On retrouve vraiment ce narcissisme nostalgico-plaintif dans le film « Un Tout Nouveau Testament », qui constitue une sorte de « Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » inversé, déniaisé, noirci, beaufisé, sans Espérance. « J’ai plein de souvenir, évidemment, de mon enfance. Ce qui est étrange, c’est que dans chacun, il y a un peu de tristesse. » (Marc) Dans la pensée bobo, je dis ce que j’aime et ce que je n’aime pas, ce dont je me souviens… et je trouve ça hyper profond. Sentir, ça équivaudrait à penser. Pire, ça exempterait de penser ! Et vas-y qu’on nous déroule un bal de sensations et d’événements anecdotiques censé ressusciter en nous un heureux ou un mauvais souvenir oublié, censé décrocher en chacun des spectateurs du film un acquiescement ému et complice « Oui, c’est vrai, c’est bien vu, ça m’arrive souvent et je le remarque intérieurement sans jamais oser le partager ! » : les perles qui tombent au ralenti dans les escaliers, ma file de caisse qui n’avance pas dans le supermarché, la tartine de confiture qui tombe toujours du mauvais côté, le téléphone qui sonne toujours quand on est en train de prendre un bain, etc. Sauf que ces commémorations sont archi nulles, ces « vérités » empiriques archi niaises et peu inspirantes, tant qu’elles ne sont pas connectées à Dieu ni à l’Amour-Vérité. Elles se réduisent à des images d’Épinal sans but, sans message.
 
Nouveau Testament société de consommation
 

Code 44 – Promenade chorégraphique

Le bobo a tendance à confondre sa vie avec un chef-d’œuvre customisé de la « Nouvelle Vague » ou un vidéo-clip musical. C’est la raison pour laquelle le film de Dormael s’organise comme un clip musical géant et convivial, où tout le monde est invité à balancer la tête en fredonnant les tubes de la play-list rétro-classico-kitsch concoctée par la Femme de Dieu (Yolande Moreau) et sa fille christique Éa. D’ailleurs, Éa est venue soutirer à ses 6 prophètes bien plus qu’un simple bilan existentiel : elle approche sa tête du cœur de chacun pour lui révéler « la musique ou la chanson intérieure qui habite son âme et qui lui est propre ». C’est y pas mignon ? « J’écoute la musique des gens. Chacun a sa petite musique. » Notre bobo vit sa vie en chanson. Il pense que l’être humain serait à lui seul une partition vivante ou un juke-box, et que nous aurions tous en nous une chanson rétro cachée, un artiste qui sommeille, un cœur d’artichaut ou une âme d’enfant à réveiller. Ridicule.
 

Code 45 – Sifflotements, xylophones, banjo et piano

Tout comme le bobo, pour paraître cool et proche du Peuple, possède dans son entourage urbain son joueur d’orgue de barbarie (« À vot’ bon cœur, m’ssieurs dames ! ») ou son homme-orchestre baba-cool sifflotant et à la voix écorchée, nous, avec « Le Tout Nouveau Testament », on a droit à DJay Yolande Moreau qui nous lance ses vieux vinyles. C’est teeellement typique…
 

Code 46 – Le monde enfantin désenchanté

Nouveau Testament gothique
 

Souvent, le bobo reprend à son compte le monde des enfants ou le monde de son enfance personnelle, pour y faire passer son idéologie asexuée et athée. Le plus terrible, c’est que cet adulte se venge de sa propre immaturité en utilisant son idée déformée de l’enfance pour pasticher le Petit Prince mais dans une version noire et désenchantée. Pour ce faire, il a coutume de traîner en procès les autres adultes, par le biais d’un personnage (mi-actrice mi-voix-off, parlant face caméra façon selfie) qui revient systématiquement dans les œuvres du boboïsme : la figure de l’Effrontée. En général il s’agit d’une adolescente de dix ans, rebelle, gothique et insolente (c’est le cas de Éa dans le « Tout Nouveau Testament »), fusionnelle et en même temps ennemie avec sa maman, et qui tient le rôle du prophète condamnant le monde adulte, détruisant le mariage, la masculinité et la paternité (cf. le film « Rebelle » (2012) de Mark Andrews, le film « Raiponce » (2010) de Byron Howard, le film « Vice-Versa » (2015) de Pete Docter, le film « Le Petit Prince » (2015) de Mark Osborne, etc.). Le nouveau philosophe en jupons conçu par le bobo nous crache à la gueule et prétend nous apprendre la vie, d’un air béat, nostalgico-capricieux, avec la fausse candeur de celui qui juge rien qu’en posant des questions. Ahurissant. Actuellement, plein d’adultes bobos mettent en scène une enfant adultisée arrogante qui tape sur les adultes à leur place. Et le pire, c’est que cet auto-dénigrement irresponsable se fait passer pour de l’humour, de l’humilité, de la morale, de la beauté, de l’innocence humble, du génie. Le film de Dormael a le culot inconscient de s’annoncer comme un conte philosophique ironico-profond, avec, en générique final, des illustrations en broderies des épisodes du film. C’est « presque beau »…
 
Nouveau Testament effrontée
 

Code 47 – Le divertissement jeunesse confié au bobo

Rien
 

Code 48 – « L’Amour n’existe pas. Les amours (éphémères) oui. »

En règle général, le boboïsme massacre la réalité de l’Amour unique et éternel, incarné uniquement dans la différence des sexes et dans la différence Créateur-créatures (à savoir l’Église). Ce manque de foi en l’Amour réel habite tout le film de Dormael : pas une union amoureuse ne s’annonce durable et fidèle ; l’« amour » ne pourrait être qu’intensément multiple et durablement éphémère ! Par exemple, Martine, le personnage incarné par Catherine Deneuve, mouche son mari qui la découvre au lit avec un gorille (comme ça, il n’a plus rien à redire, ce vieux con !) : « J’aimerais que tu t’en ailles et que tu ne reviennes jamais. »
 

Code 49 – « Je suis vivant » ou « J’ai aimé »

Toute l’idéologie bobo repose sur la sensiblerie amoureuse. L’important, dans l’amour, ce ne serait pas d’aimer, de se battre et de s’engager, de se donner entièrement et une bonne fois pour toutes. Non. L’important pour le bobo, c’est de « vibrer », de profiter de l’instant et de l’étreinte présents, de « se sentir vivant et aimé », de ne pas choisir ni espérer trop, de vivre ses « coups de cœur » quand on le sent, et peu importe si ça dure ou pas. Dans « Le Tout Nouveau Testament », on retrouve cela dans toute les intrigues amoureuses : Éa embrasse Willy, Marc retrouve son amour de jeunesse, François vit son coup de cœur et « sans rien attendre en retour », Martine a un flash pour un gorille, etc.
 

Code 50 – « L’amour s’impose à moi. Je le construis par mon ressenti. »

Dans le film de Dormael, l’amour est présenté comme une rupture de l’ordre et des codes traditionnels : il n’aurait pas d’âge (cf. Marc et Xénia, Martine ; du côté des jeunes, Éa et Willy), pas de frontière (cf. Éa et Willy, Éa et Victor), pas de sexe (cf. Willy, François enceint), pas d’autre maître que la subjectivité individuelle (cf. Aurélie et François, Jean-Claude, la femme de Dieu).
 

Code 51 – « J’aime là où je ne désire pas/ne m’engage pas »

Dans le film « Le Tout Nouveau Testament », par exemple, François découvre « l’amour » parce qu’il a tiré au pistolet automatique sur sa future compagne Aurélie sans la tuer, sans la connaître, et en visant cette passante au hasard. Le grand message du film, c’est que l’amour n’est pas volontaire : il ferait partie à la fois du hasard et du destin. Autant dire que ce n’est pas le véritable Amour qui rend libre et qui veut le bien de l’être aimé !
 

Code 52 – «Je t’embrasse… Prends soin de toi…»

Dans le film de Dormael, une grande place est laissée à l’effleurement des mains, à la retenue des gestes amoureux. Même les queutards se rachètent une vertu en jouant les vierges effarouchées ou les grands adolescents allongés transis de peur au lit.
 

Code 53 – «Je ne drague pas. Et c’est pas sexuel.»

Nouveau Testament Marc nudisme
 

Le bobo, en vrai néo-cathare qui se respecte, sépare (ou fait fusionner) complètement l’âme et le corps. C’est pourquoi, par exemple, il encourage la bisexualité, les amours platoniques, la confusion entre amour et amitié, l’adultère, les viols, etc. Ce qui compte à ses yeux, c’est la fidélité à soi et la liberté sans borne ! Puisqu’il diabolise la sexualité – et en particulier les sentiments et la génitalité –, il part du principe (faux) que « l’amour ce serait pas sexuel » ou « ce ne serait pas que du sexe ». On trouve un bel exemple de cette schizophrénie et de cette promotion du libertinage asexué dans le film « Le Tout Nouveau Testament » avec le personnage de Marc. Les nombreuses frasques sexuelles que ce dernier vit avec les prostituées sont totalement banalisées puisqu’il finit par retomber par hasard, pendant une séance de doublage de film porno, sur son amour de jeunesse, Xénia (comme par hasard, le nom de l’icône lesbienne et féministe par excellence !). Et cet amour est montré comme évident et fort juste à cause de son improbabilité, à cause de la référence culturelle (Xénia lit du Marcel Proust dans la cabine d’enregistrement pendant le temps de pause : c’est trop une libertine-philosophe qui a du goût et qui cachait son jeu !!!), du rationnalisme, et de la concordance des goûts et des souvenirs. On est bien là dans une conception désincarnée, égoïste, adulescente et purement rationnaliste du couple et de la sexualité.
 
Nouveau Testament adultère
 

Code 54 – Mademoiselle

Sainte Yolande Moreau, mère des humbles d'esprits, priez pour nous

Sainte Yolande Moreau, mère des humbles d’esprits, priez pour nous


 

La grande prêtresse du bobo, c’est Mademoiselle. Une femme non-mariée, bafouée par les hommes, libre (comprendre « indépendante », « insoumise », « désobéissante »), déjantée voire lunaire, portant une nuisette blanche, une couronne de fleurs autour de la tête et des tenues printanières. Yolande Moreau, ça a toujours été la mascotte des bobos, celle qui ne paye pas de mine, l’imbécile heureuse, le Ravi de la Crèche (… mais qui a quitté depuis bien longtemps la crèche, la différence des sexes, le mariage et l’Église !). Dans le film de Dormael, le personnage Aurélie occupe la deuxième place, avec ses robes fleuries, son bras en plastique, son statut insoupçonné de vierge végétale à la beauté triste et fragile, sa fausse innocence (elle accepte quand même sans trop de résistance de coucher avec un homme marié, François, puis de lui faire un gosse, comme si c’était elle le père…). Et la troisième Reine des bobos, c’est Éa, la femme-enfant, le p’tit mec dans un corps de femme, la Fille de Dieu (rien que ça !), l’allégorie de la Justice impitoyable. Les demoiselles bobos font tout pour ne pas correspondre au cliché archaïque de la vieille fille !
 
Nouveau Testament la folle qui est sage
 

Code 55 – Trio bisexuel (en plein déménagement…)

Dans les œuvres bobos apparaît souvent le triolisme, c’est-à-dire le « poly-amour » ou l’amour à trois, sur fond de colocation ambiguë et de déménagement. On retrouve cela dans « Le Nouveau Testament » avec François qui décampe pour habiter chez Aurélie, ou encore Martine qui héberge chez elle un gorille qui a mis sa maison bourgeoise sans dessus dessous.
 

Code 56 – Le mariage (ou pas)

Le bobo, en général, même s’il revendique d’avoir le « droit de se marier », méprise concrètement le mariage qu’il voit comme un terrible et hypocrite carcan bourgeois dont il faudrait à tout pris se défaire. Émancipation, émancipation ! Et dans le film de Dormael, le grand massacre, après celui de la paternité, c’est bien celui du mariage. Pas un des couples représentés ne tient. Et les autres personnages sont des célibataires endurcis. Il y est fait ouvertement l’éloge de l’adultère. Par exemple, Martine quitte son mari et l’envoie balader pour un gorille. François quitte sa femme et son fils pour partir avec Aurélie… qu’il cueille par une déclaration-fleuve présentée comme humble et pudique : « J’suis marié. J’aime pas ma femme, j’aime pas mon fils. Si vous ne m’aimez pas, j’attendrai la mort en pensant à vous tous les jours. » Jaco Van Dormael ose nous vendre cette adultère sur un joli air de piano à la Yann Thiersen, comme s’il s’agissait de la pureté d’un premier amour authentique. Pas de problème, voyons ! Les réalisateurs bobos sont vraiment des cas cliniques, en fait.
 

Code 57 – Famille, tu me saoules

Dans le boboïsme, la famille de sang traditionnelle en prend bien sûr pour son grade : le bobo ne supporte pas tout ce qui lui est imposé et qu’il n’a pas choisi ! Tout héritage est à ses yeux « liberticide ». On retrouve cette rupture immature et capricieuse avec ses racines dans le film « Le Tout Nouveau Testament » : toutes les familles sans exception sont représentées comme des tablées ennuyeuses, où ça ne communique pas, voire même où ça se gueule dessus sans arrêt. La famille de Éa, l’héroïne, en première ligne. C’est le parricide généralisé : « Les parents, c’est des connards ! » conclut Willy, le gamin transgenre M to F qui se prend pour une fille, et qui ne fait pas de secret de sa jalousie incestuelle inconsciente avec sa propre maman qu’il présente comme la grande Méchante : « Je savais que quelque chose clochait avec ses piqûres. » Toute l’intrigue du film repose sur la vengeance des enfants contre leurs parents. Et après, Jaco Van Dormael et ses suiveurs s’étonnent qu’on trouve son film violent et choquant ?
 
Nouveau Testament famille
 

Code 58 – L’enfant : mon projet et mon pote

Dans l’idéologie bobo, la frontière entre les sexes, entre les générations, est totalement gommée, inversée : « Que deviennent les adultes ? Que deviennent les enfants ? » se questionne à un moment Éa. Finalement, une fois cette frontière dénigrée, la violence de la confusion du rapport enfant/parent arrive bien vite. Le rapport d’inversion des pouvoirs de soumission/domination entre les générations s’applique aussi bien humainement que spirituellement : dans le film, c’est Éa qui tient tête à Dieu son père (« Tu ne me fais pas peur ! »), qui lui donne des ordres, qui peut même faire des choses que lui ne peut pas faire (comme marcher sur l’eau, par exemple). Le père est complètement dévirilisé, à la merci de sa fille qui lui a pris tout ses pouvoirs. La Fille est plus grande que le Père. Ce n’est absolument pas biblique ni respectueux, ces rapports intergénérationnels.
 

Code 59 – Bobo homo

Le coup de grâce de la destruction des limites orchestrée par le bobo, c’est le déni de la différence des sexes… un déni qui se traduit généralement par une promotion molle et indifférente de l’homosexualité, et plus largement d’une asexualité libertine, d’une bisexualité universelle, d’une indifférenciation des sexes et de l’identité (chacun est ce qu’il croit être et aime qui il veut !), d’une confusion/inversion des genres sexués. The Gender is back !. Le film « Le Tout Nouveau Testament » rejoint tout à fait la grande mouvance de la confusion identitaire et amoureuse qu’est l’hétérosexualité (hétérosexualité = toutes les altérités au niveau de la sexualité). La transidentité est portée aux nues par toute la communauté de prophètes de l’héroïne : « Willy, c’était mon miracle à moi. » déclare Éa parlant de Willy, le gamin transgenre M to F qui se prend pour une fille. François finit même par être mis en cloque par sa compagne Aurélie. Le boboïsme/l’hétérosexualité est bien l’autre nom du transhumanisme, autrement appelé le Gender.
 
Nouveau Testament Willy