Affaires pédophiles dans l’Église : elles ne sont pas un problème à fuir, ni un « débat piégé » à éviter

Je vais peut-être vous étonner en disant cela, mais les scandales pédophiles qui entachent en ce moment l’Église ne sont pas un « faux » problème à fuir, ni un « piège » à éviter, mais plutôt une formidable occasion de parler enfin de sexualité en Vérité et de tous les sujets que nous catholiques avions évincés lors de notre opposition au « mariage gay » (Non, Barbarin n’est pas un martyr ; Oui, Valls a la légitimité de s’exprimer ; oui, La Manif Pour Tous a fait preuve d’homophobie et beaucoup de gens d’Église aussi ; et oui, cette Année de la Miséricorde ne fait en réalité que commencer)
 
péophilie
 

Une amie m’écrit, concernant l’Affaire Barbarin et mon dernier billet : « Je n’arrive pas à capter un truc. Comment, en se servant de la pédophilie, les LGBT peuvent imposer l’homosexualité ? » Je lui ai répondu : En utilisant le tabou du lien non-causal entre pédophilie et l’homosexualité, ou bien l’homophobie réelle dans l’Église, ou encore l’imprécision du terme « hétérosexualité ».
 

Un autre ami m’a posé aussi cette question : « À l’inverse, si l’Église s’était plus et mieux exprimée sur l’homosexualité, en quoi aurait-elle été moins attaquée sur la pédophilie ? » Parce que l’accusation contre les pédophiles est portée actuellement par les défenseurs de l’homosexualité, et non les défenseurs de la pédophilie.

 

J’invite les catholiques et les prêtres d’une part à examiner la forte imbrication entre différence des générations et la différence des sexes, et d’autre part à comprendre que la violation de la différence des générations (moins évidente et moins justifiable socialement, parce que l’inceste reste le tabou n°1 de toute civilisation, comme le rappelle Lévi-Strauss) émane d’un désir de transgression de la différence des sexes (plus évidente et carrément justifiée socialement par l’adoption du « mariage pour tous » et le soutien ouvert à l’homosexualité). Cela leur éviterait, pendant les débats autour de l’Affaire Barbarin, de jouer de mauvaise foi (« Même pas vrai d’abord ! », « Balaies devant ta porte, Manuel Valls ! », « Y’a pas que nous, d’abord ! », etc.) et de prendre l’accusation mondiale de pédophilie adressée à l’Église catholique au pied de la lettre. Je le redis : contrairement aux apparences et ce qu’ils affichent publiquement, les détracteurs actuels de l’Église ne veulent absolument pas régler à proprement parler les cas de pédophilie, ni rendre justice aux victimes ; ils veulent profiter de la pédophilie pour se venger de l’opposition au « mariage pour tous » et pour défendre tacitement l’homosexualité-l’hétérosexualité. Et plus profondément, ils rêvent d’entendre parler en vérité d’homosexualité.

 

En lien avec ce que je viens de dire, j’ai dit à mes amis que ce qui me navrait actuellement dans cette médiatisation autour de la pédophilie au sein du clergé, c’était le repli de la majorité des catholiques dans une défense du cardinal qui frise l’hystérie. Je n’entends de leur part que des marques d’exagération ironique, de victimisation, de mépris et de colère, ou carrément des fuites en arrière pour refiler le bébé vers des débats parasites qui extériorisent les responsabilités sur les autres (« Manuel Valls a-t-il la légitimité de prendre part au jugement de Barbarin ? » ; « On va attendre que la Curie romaine se prononce… »). Or, le silence des gens d’Église sur la pédophilie et ses mécanismes est pourtant bien réel. Je l’ai bien vu lorsqu’on m’a fermé les portes quand je voulais en parler. L’homophobie (= peur de parler d’homosexualité et des personnes homosexuelles, et parfois attaques envers les personnes homosexuelles) dans l’Église est réelle. L’ignorance sur la sexualité et l’absence totale de dénonciation/d’analyse de l’hétérosexualité, aussi. Le mépris pour l’homophobie, même pas la peine d’en parler !. Donc tout ce qui arrive au cardinal Barbarin, aussi triste soit-il, n’est ni gratuitement méchant, ni illogique. Il existe une vraie brèche dans l’Église catholique, et celle-ci n’est pas le déni des actes pédophiles ecclésiaux : c’est l’incapacité à parler de sexualité avec les mots de notre temps, l’incapacité à affronter correctement le sujet de l’homosexualité et de l’hétérosexualité, et en revanche notre capacité à nous mépriser nous-mêmes sans que nos opposants aient même à le faire (anticléricalisme interne).

 

Nous, catholiques, pouvons bien nous moquer de Roselyne Bachelot qui amalgame scandales pédophiles et Manif Pour Tous et voir cela comme un « piège » (or ce n’est pas un piège !), nous insurger que Manuel Valls se mêle de l’Affaire Barbarin alors que « personne ne l’aurait sonné ». Mais je regrette : encore une fois, ce n’est pas répondre aux questionnements légitimes et aux attentes réelles des gens quant à la sexualité, que de réagir aussi bassement et épidermiquement. Cela revient à nouveau à refouler/encourager les relents d’incompréhension et de révolte suscités par le « mariage homosexuel » puis les Manifs Pour Tous, relents qui reviendront avec d’autant plus de véhémence qu’ils sont à chaque fois moqués/ignorés par l’ensemble des catholiques. « De quoi se mêle Manuel Valls dans l’Affaire Barbarin ? » Eh bien il se mêle « juste » de sexualité, d’hétérosexualité et d’homosexualité, de la souffrance et de la violence. Et il a un peu raison, même s’il le fait mal et pour les mauvaises raisons (car lui non plus, à l’instar de la plupart des catholiques, ne cherche pas à comprendre les mécanismes profonds de la pédophilie et de l’homophobie). Le Peuple a faim d’une Vérité sur l’hétérosexualité, sur l’homosexualité et sur l’homophobie, que les gens d’Église ne leur annoncent pas. Je comprends, d’une certaine manière, les défenseurs des « droits homos ». Ils attendent des réponses claires de nous catholiques. Et en général, nous bottons en touche, fermons le dialogue puis les dédaignons. La révolte grandissante du Peuple à l’égard des gens d’Église n’est donc pas si illégitime que ça. La situation, loin de nous paniquer, de nous énerver et de nous hystériser, doit au contraire faire rentrer les catholiques dans la joie de pouvoir enfin mettre des mots sur la sexualité et d’expliquer enfin des concepts d’aujourd’hui (triptyque « hétérosexualité-homosexualité-homophobie ») pour soulager notre pays d’un rototo qui le gêne depuis longtemps.

 

On peut prendre la défense de Mgr Barbarin (et très bien), mais soyons lucides et ayons conscience d’être fautifs pour d’autres choses que ce que nous reprochent les médias et les athées. Afin que notre mea culpa soit vrai et profondément efficace, nous devrions plutôt demander pardon pour le vrai mal que nous avons fait, et non le mal caricatural qu’on nous impute. Et éprouver le vrai mal que nous avons fait, cela consiste non pas à singer que nous portons les viols pédophiles de nos collègues cathos, mais à reconnaître que nous catholiques avons un réel souci à parler de sexualité au sein de notre Église, nous avons un réel problème à dénoncer l’hétérosexualité, et que cela génère donc de possibles élans pervers chez beaucoup d’entre nous et autour de nous.

 
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Le pire, c’est que l’autoflagellation des catholiques concernant la pédophilie, qui vise à fuir les responsabilités (en feignant de les grossir) et à étouffer les débats pour passer à autre chose, obéit à la grande comédie que nous joue en ce moment les porte-parole des catholiques médiatiques (prêtres et laïcs confondus), prêts à être anticlérical avant que les anticléricaux ++ ne le soient avec eux (parce qu’en réalité, ils le sont en même temps qu’eux !). Et le comble, c’est que ces catholiques « coupables pour les autres catholiques », qui concrètement sont infoutus d’être courageux quand on attaque clairement leur Église (Cf. mon article sur le film « Spotlight ») ou pour dénoncer publiquement « l’amour homo », écrivent sur la nécessité de l’engagement et du courage !
 

Pour éteindre démagogiquement l’incendie du scandale pédophile dans l’Église et reporter le traitement des vrais problèmes (= viol, hétérosexualité, homosexualité, homophobie), pour mimer (tout en amplifiant théâtralement la compassion, quitte à simuler la colère) le chœur des victimes et cautionner même leurs excès, certains prêtres avides de notoriété sont capables de pénétrer les plateaux télés et de nous sortir le grand jeu de la Drama Queen repentie. C’est de la pure propagande démagogique. Ils jouent les offusqués avant que les autres s’offusquent, interprètent sur eux-mêmes la colère pour devancer celle qu’ils redoutent de leurs détracteurs, forcent leurs larmes pour s’apitoyer autant sur les victimes de pédophilie que sur eux-mêmes (pauvres curés et cardinaux « honnêtes et injustement attaqués »), battent excessivement leur coulpe sur leurs collègues pécheurs sans leur proposer justement le pardon, s’identifient excessivement aux victimes et à leur révolte.
 

Ce mime éteint pour un temps très court les ardeurs anticléricales de leurs accusateurs, touchés de se voir imités par un prêtre. Mais ça ne résout absolument pas les futures accusations contre l’Église qui se corseront bien davantage avec l’homosexualité (comme je l’explique dans mon précédent article, la pédophilie et l’avortement ne divisent pas les catholiques entre eux : l’hétérosexualité et l’homosexualité, si !). J’irais même plus loin : cela divise encore plus l’Église. Car non seulement ces prêtres ne demandent pas pardon pour le mal qui a été fait, mais ils le grossissent pour le nier et nier ses mécanismes. Non seulement ils n’aident pas à résoudre le problème de la pédophilie dans l’Église mais ils le cultivent en mettant le couvercle sur le traitement des liens non-causaux entre pédophilie et homosexualité, sur les thématiques brûlantes et cruciales de l’homosexualité et de l’hétérosexualité. Non seulement ces prêtres ne nous aident pas à sortir de la pédophilie, mais ils rentrent dans son jeu en innocentant* totalement les victimes et en tapant/ignorant les bourreaux. Où est le pardon qui répare ? Où est la Miséricorde ? Où est l’analyse des mécanismes de l’acte pédophile ? Nulle part !
 

Malgré le plébiscite massif des nombreux moutons dans l'Église catholique capables de défendre un message qui est sacerdotal mais pas évangélique, à nous de rester fidèle à Jésus et de prier pour nos pasteurs médiatiques

Malgré le plébiscite massif des nombreux moutons dans l’Église catholique capables de défendre un message qui est sacerdotal mais pas évangélique, à nous de rester fidèle à Jésus et de prier pour nos pasteurs médiatiques


 

Ils martèlent devant les caméras « Nous sommes toujours du côté des victimes ! Nous sommes toujours du côté des victimes ! Nous sommes toujours du côté des victimes ! ». Mais en réalité, ce n’est pas du tout ça, le vrai message évangélique. Désolé*. Comme l’expliquait très bien le Pape Benoît XVI, la caractéristique du catholicisme, ce qui le démarque des autres religions, c’était bien l’amour des ennemis. Absolument pas l’amour exclusif des victimes ! Jésus est venu pour tous, aussi bien pour les victimes que pour leurs bourreaux, mais SURTOUT pour leurs bourreaux, SURTOUT pour les pécheurs ! À mon avis, ces hommes en col romain qui cautionnent la victimisation médiatique collaborent avec cette société qui sacralise les victimes des viols et diabolisent les violeurs, sans comprendre que tous les violeurs sont d’anciennes victimes de viol qui avaient jadis été déresponsabilisées de l’horreur qu’elles avaient vécue. Ils dénaturent en plus le véritable message de l’Évangile. C’est très grave. Et leur compassion télévisuelle ne me touche pas du tout. Surtout quand elle cache un marchandage émotionnel avec le monde, et une censure de la Vérité.
 

Père Michel Baute et moi

Père Michel Baute et moi


 

En me rendant à Lourdes le 5 mars dernier, j’avais été particulièrement touché par la verve évangélique du père Michel Baute, le chapelain du sanctuaire de Lourdes, qui avait proposé un chapelet commenté à la grotte, sur le thème de la Miséricorde. C’était de toute beauté car en montrant la Croix du Christ, il avait dit plein de vérités inhabituelles : « C’est déjà difficile de donner sa vie pour ceux qu’on aime. Mais je ne sais pas si vous imaginez : Jésus, lui, il est mort non seulement pour ses amis, mais aussi pour ses ennemis ! » Ça m’avait transpercé le cœur. À la fin du sermon magnifique de ce saint père, une amie et moi étions allés le féliciter et parler un peu avec lui. Et il nous a dit « en off » une chose étonnante, un ressentiment vraiment nouveau, intelligent, que je n’avais jamais entendu de la bouche d’un prêtre jusque-là : le père Baute regrettait fortement que le Pape ait tendance actuellement à trop s’énerver et à trop taper sur les prêtres pédophiles emprisonnés. Il réagit ainsi sans doute dans le but de rassurer les cathos et faire bonne figure auprès des médias, de prouver une autorité paternelle et une légitimité papale qui le dédouanerait de l’accusation de compromission avec le mal dans sa propre maison. Car précisément, en cette année de la Miséricorde, le geste concret le plus fort que le Pape pourrait poser, ce n’est pas seulement un appel à demander pardon à Dieu pour nos péchés envers Lui et envers ceux qui nous ont fait du mal et à qui on a fait du mal. Ça va plus loin : c’est carrément l’appel au pardon des plus grands criminels, des violeurs et des meurtriers, des hommes aux actes les plus impopulaires socialement. Car là, on verrait toute la folie, la grandeur, le risque et le scandale, de la Miséricorde de Jésus ! Le père Michel Baute a rajouté qu’il attendait par exemple du Pape François l’inspiration d’organiser carrément la rencontre entre les victimes des viols pédophiles et leurs bourreaux. Ça, ce serait vraiment fort et très impactant. Beaucoup plus qu’un repentir médiatique sincère pour des fautes que des gens de notre propre famille confessionnelle ont posé au long de l’Histoire. Car le vrai Pardon, la Miséricorde envers les grands pécheurs, c’est une proposition d’une force imparable. « C’est de la bombe atomique qui sanctifie tout le monde et qui dépasse l’entendement. » Le père Michel Baute nous a confié que pour l’instant, franchement, il ne comprenait pas la timidité des propositions papales pour cette année de la Miséricorde, et n’appréciait pas les récentes prises de parole dures à l’égard des prêtres fautifs. La Miséricorde, ça va jusqu’à la folie de l’Amour des pécheurs. Ça ne s’arrête pas à l’admonestation publique ni à la répression des péchés. L’amie qui m’accompagnait et moi-même n’avons pu qu’acquiescer devant tant de sagesse. Et avec le père, nous avons pris encore plus la résolution de prier pour notre pape, un homme inspiré mais en chemin, comme nous tous. Quand rentrerons-nous dans le vif de l’Année de la Miséricorde ? Quand allons-nous vraiment prendre la vraie mesure de la grandeur de cette bombe ? Il me tarde que l’Esprit Saint l’allume. Surtout en France !
 

En conclusion, mon article prouve que le lynchage contre Mgr Barbarin n’est ni « injuste » ni absurde ni gratuitement méchant, même s’il s’exprime mal. Nous devons, catholiques, écouter et comprendre nos agresseurs car ils nous titillent sur nos brèches réelles et nous exercent à la joie de la sainteté. Réjouissons-nous au lieu de râler et de krysser ;-). En plus, bientôt, ce sera à leur tour de pâlir quand ils vont découvrir que ce sont eux qui n’ont pas vu les liens entre homosexualité et viol. Rentrons donc dans la joie des persécutions. C’est une des Béatitudes. Sans ronchonner ni hurler avec les fous.
 
krys

 
 
 
 

* Le viol a toujours lieu dans le cadre d’une relation. Parce que l’être humain est libre, il ne subit jamais un viol, même s’il en est victime : s’il n’est pas libre pendant l’acte, c’est au moins dans la manière de le vivre, et ensuite de lui donner du sens après. Déresponsabiliser les victimes de viol sous prétexte qu’elles ont été forcées et qu’elles étaient non-consentantes, c’est finalement encourager leur mutation en agresseurs.

 

* Suite à cette critique du passage-télé du Père Grosjean, certains esprits vexés que je ne suive pas leur mouvement laudatif ont tenté de me faire taire : « Philippe Ariño et l’Abbé Pierre-Hervé Grosjean : chacun dans son style a sa place. » La question n’est pas là. À un moment donné, il nous faut écouter le Christ et la Bible. Pas le discours victimisant du monde. Que ça m’énerve, les idolâtres de la Complémentarité et de l’Unité pour tout et n’importe quoi. Ce qui compte, c’est l’Unité en Jésus. Pas les oppositions de personnes dès qu’une Vérité ou un recadrage nécessaire a eu lieu. Oui, l’intervention du père Grosjean sur Canal n’a pas été évangélique. Oui, je suis le seul à le dire. Non, vous n’allez pas en faire une jaunisse ni hurler à la « division » et vous hystériser sur la « complémentarité ». On a le droit à l’erreur. Tous les mélanges ne sont pas bons. Tout ne se complète pas et ne s’oppose pas. Tout n’est pas une question de « style » et nous ne sommes pas toujours « à notre place », ce n’est pas vrai. Il faut arrêter les délires de grenouilles de bénitier, et accepter, en adultes, que certaines vérités soient dites.