L’Hollywoodisation du Vatican (le cas de l’encyclique papale Tutti Fratelli et de la béatification de Carlo Acutis)

« Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon que Dieu seul. » (Jésus, dans Luc 18, 22)
 
 

Le Vatican devient-il l’académie des Oscars à Hollywood ? On est en droit de se le demander et de s’en inquiéter.
 

 

Je trouve que les béatifications récentes décrédibilisent l’Église. Car cette dernière s’aligne sur l’esprit du Monde qui ne sacre plus une oeuvre ou une personne parce qu’elle le mériterait vraiment, mais pour l’intention, la bithématique, la polémique, l’image-réputation, la vitrine, le message démago et rebelle/moderne, bref la CHARGE SYMBOLIQUE, qu’on lui prête. Et là, ça confine au grotesque ou à l’absurde, en tout cas pour ce qui est de la béatification imminente du jeune geek italien Carlo Acutis, et du battage médiatique impressionnant dont il fait l’objet en ce moment. Loin de juger le coeur de Carlo et sa relation à Dieu – relation qui relève du mystère et du secret -, loin de juger de son rayonnement passé-présent-futur (Peut-être est-il justifié ? Je ne sais pas, et je demande à voir; et je ne doute pas que nous ayons besoin de modèles proches et incarnés qui nous rappellent que la sainteté est possible et accessible), je suis quand même d’avis que les canonisations ne devraient – dans l’idéal et à quelques exceptions près – avoir lieu qu’au Ciel. A fortiori quand les terrestres se transforment en kermesses.
 

La fabrique d’idoles – même au nom de Dieu et de sa sainteté – est déjà depuis un certain moment observable dans le 7e Art, surtout depuis que notre Monde médiatique décerne des couronnes, des trophées et des palmes d’héroïsme à des oeuvres médiocres et à des personnalités banales, peu exemplaires, et qui n’ont de mérite que d’être victimisées ou d’être présentées comme de valeureux révolutionnaires. Le cas, par exemple, des navets cinématographiques qui ont reçu la palme du « Meilleur Film » à Hollywood ou à Cannes simplement parce qu’ils promouvaient l’homosexualité ou bien avaient un fort potentiel de scandale et d’impression/réaction, ne manquent pas (je pense par exemple à « Spotlight » , à « Moonlight » , à « Harvey » , à « La Vie d’Adèle » … qui sont objectivement des merdes, merdes qui ont été enjolivées/sauvées in extremis par leur technicité, leur charge émotionnelle et les intentions qui leur étaient attribuées).
 

Dans ce système mondial de plus en plus déconnecté du Réel autant que du Vrai, où une personne ou une oeuvre n’est plus valorisée pour elle-même mais uniquement pour sa charge symbolique et émotionnelle, rien d’étonnant que par exemple des films médiocres soient auréolés de gloire simplement parce qu’ils traitent d’homosexualité et de négritude, rien d’étonnant qu’un candidat à la présidentielle d’une Nation soit élu haut la main parce qu’il est homo ou noir ou handicapé ou femme, et – le plus triste – rien d’étonnant qu’un gars comme Carlo Acutis soit applaudi comme un « grand saint des temps modernes » ou que des encycliques aussi plates – et non moins dangereuses et anodines à cause de cette platitude – que Laudato Si, Amoris Laetitia et Tutti Fratelli soient publiées par un Pape. Et là encore, je n’ai rien contre le Pape François, qui pour moi reste le Pape qu’il nous faut et qui a été désigné par l’Esprit Saint.
 

 

Concernant le cas de l’instrumentalisation béate/béatifique de Carlo Acutis, je remarque qu’on n’aime pas la personne pour ce qu’elle est, ce qu’elle a fait et dit (Vous avez entendu, vous, des phrases-choc et vraiment profondes que le jeune homme aurait dites?), mais pour ce qu’elle représente, pour les clichés-standards ou les concepts dits « opposés » ou « nouveaux » qu’elle incarne (ici, c’est jeunesse et sainteté, ou bien informatique et divinité). Tout comme on m’applaudirait parce que je suis homo et catho : ce serait – et c’est parfois – absurde puisque ça ne me donne aucune valeur ni mérite (je peux être « homo et catho » ou « homo abstinent »… et pourtant très très con ou creux dans mes propos). Et qu’ensuite en présentant mon corps soit-disant « intact », et quelques miracles qui me seraient attribués, ça y est, je rentrerais au panthéon folklorique des « saints exotiques et inattendus des périphéries » qui redoreraient l’image d’une Église universelle et moderne ! Force est de constater qu’on assiste à une « Peopleisation » des saints, à une starification déguisée en béatification/canonisation. C’est le Musée Grévin version catho. Horrible. Avec tout le respect que j’ai pour « le premier saint qui avait une adresse e-mail » (c’est ça, sans déconner, sa spécificité incroyable ?? son « miracle » ?? C’est sur ça – plus que sur son attachement au Christ et sur la force impopulaire de ses paroles et hauts faits – que repose son procès en béatification ??), eh bien désolé mais pas envie d’applaudir. Et quand je cherche auprès des médias « cathos » les preuves concrètes de leur emballement, les journalistes et même la maman de Carlo n’ont pas autre chose à dire que « Jésus était au centre de sa vie » et que Carlo « a passé des heures devant le Saint Sacrement ». Ok… Bonne journée. Next. #Questcequecestquecettemascarade. Le Vatican s’est-il hollywoodisé ?
 

 

Quant à l’Encyclique-bébé du Pape François Tutti Fratelli (rien à voir avec les Goonies, j’espère ?), qu’est-ce que c’est que ce sketch ? Depuis quand la fraternité est-elle une valeur évangélique ? Moi, je la vois surtout comme une valeur républicaniste (la devise française « Liberté, Égalité, Fraternité ») et maçonnique (d’ailleurs, en loges francs-maçonnes, tous les initiés s’appellent « frères »). Je préfère largement au concept démago et humaniste de « fraternité » celui de Charité (amour concret de Dieu pour tout Homme). Pareil que pour Carlo Acutis : avec Tutti Fratelli, on n’apprend quasiment rien. On a rien à en dire de positif ou à se mettre sous la dent. C’est de l’intention plus que de la substance. Il y a peu de profondeur. C’est de la vitrine de solidarité et d’humanisme intégral vaguement christique. Le Pape François ne risque pas d’aller en prison pour ses propos. Et que dire du narcissisme identificatoire pieux et excessif (« Je suis le nouveau François d’Assise ») qu’elle traduit…? (moi, je suis fan de saint Antoine de Padoue : c’est pas pour ça que je vais vivre ma vie par procuration en donnant à croire que je suis son fils spirituel ou pire sa réincarnation). Qu’est-ce que c’est que ce délire et cette usurpation d’identité pour dérober à peu de frais une sainteté/humilité par association de prénom ? Le seul journaliste qui ait osé une critique distancée et un peu intelligente sur cette encyclique, c’est Pierre de Lauzun (même si, malheureusement, je le soupçonne de caricaturer le Pape François en défenseur de la « politique migratoire anti civilisation-chrétienne » qu’il n’est pas).
 

Alors désolé les amis si je passe pour un rabat-joie, un sniper ou un râleur. Car tel n’est pas le cas, même si je conçois que j’en porte l’apparence. Pour moi, la principale preuve qu’une personne est sainte, c’est son impopularité terrestre, parce que ce qu’elle dit et ses oeuvres font risquer sa vie, des vies, et expose à la Croix, au martyre, à la mort aussi bien sociale que physique. Or, je ne vois pas ce que la vie d’un Carlo Acutis ou ce que l’Encyclique déplace ou fait risquer de vital.