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Celui qui peace partout

Celui qui peace partout

 

L’Église la propose, je l’ose!

 

 

N.B. : Cet article, qui figure dans la revue Causeur de juillet-août 2011 a été initialement intitulé « La continence, orgasme du catho-homo !« . Je ne l’ai quasiment pas remodelé.

 
 

 

Que faire quand on est à la fois catho, homo, et au printemps de sa vie ? L’Église catholique propose une solution scandaleuse pour notre époque, une grosse blague bien sérieuse qui s’appelle CONTINENCE. Un truc qui ne s’oppose pas strictement au couple homo (le meilleur n’est pas l’ennemi du bien), un choix de vie qui ne ravit pas y compris les couples « hétéros » (qui sont loin d’être des modèles de vertu dans le domaine de la sexualité-engagement, c’est le moins qu’on puisse dire…), une solution à l’homosexualité qui paraît tellement irréaliste que peu d’ecclésiastiques osent seulement en prononcer le nom, de peur de passer une nouvelle fois pour les méchants-réac-ennemis-du-plaisir-et-de-l’Amour. Mais bon, tant pis ! L’Église propose. Le Peuple sanctifié que nous sommes dispose ! Et de toute façon, l’institution vaticane n’est plus actuellement à une « énormité idéologique » près, surtout quand cette énormité, une fois concrètement testée, procure un bonheur inédit et une joie d’exister qu’une vie de couple homo bien rangée ne donnera vraisemblablement jamais. J’en suis la preuve vivante, étant moi-même catholique, homosexuel, et vraiment continent !

 

Continence. Qu’est-ce que c’est que ce mot barbare ? – vous demandez-vous. La nouvelle trouvaille angéliste d’une Église catho soucieuse d’imposer sous une forme plus moderne ses interdits moraux sur la sexualité ? Sûrement pas. Qu’on L’écoute un peu parler de sexe, et on s’aperçoit vite que l’Église aime tellement le corps, les plaisirs, et le cul, qu’Elle leur offre des limites ! Un rapport avec l’incontinence ? On chauffe, on chauffe… Pour faire dans le jeu de mot trivial super illustratif et pédagogique, je dirais que l’incontinent, c’est celui qui pisse partout ; alors que le continent, c’est celui qui « peace » partout… c’est-à-dire qui donne sa sexualité à Dieu et aux autres pour mieux la vivre et lui donner sens, surtout quand il constate que le couple homosexuel, tout capable d’amour qu’il soit, est très limité, bancal, et peu idéal pour trouver le bonheur.

 

J’ose même dire que la continence dont l’Église parle est la Voie Royale proposée à des personnes qui, comme moi, ne se sentent appelées ni au mariage, ni au célibat consacré. Car il n’existe pas une seule et unique voie d’épanouissement sexuel dans ce bas monde. Et le célibat et l’abstinence ne sont pas des non-sexualités, mais au contraire d’autres expériences concrètes de la sexualité humaine, si riche et si diversifiée. Les enfants que nous avons tous été, les vieillards que nous serons peut-être, les célibataires que nous sommes universellement à un moment donné de notre vie, ne me contrediront pas : nous vivons tous de sexualité, 24h/24, de la naissance jusqu’à la tombe. Et même si nous sommes tous appelés à donner notre vie à une personne privilégiée, nous n’avons en revanche pas un destin de Roméo censé remplir avec sa « moitié » les restos les jours de st Valentin, ou les plateaux-télé en forme de camembert, dans l’optique de prouver au monde entier que l’amour-sentiment est plus fort que tout… et que l’Amour-engagement, éternel et unique, n’existe pas. La continence est à mon avis la meilleure façon d’assumer pleinement son désir homosexuel et d’en parler avec une réelle transparence, sans honte. J’ai remarqué qu’à partir du moment où on passait à l’acte homosexuel, à partir du moment où on justifiait son désir homosexuel – en tant qu’identité ou amour –, très vite on le dissimule et on ne cherche plus à le comprendre. On n’a plus la force de parler d’homosexualité. La continence, à l’inverse, nous sort de la justification, de la culpabilité, de l’idéologie, des mascarades, du mutisme, pour nous donner accès à l’explication, à la monstration, à la Vérité, à la liberté, à l’action. C’est en la goûtant qu’on se rend compte qu’elle est un véritable trésor, et qu’avant, l’ennui et l’anesthésie du cerveau nous engluaient dans la superficialité.

 

Alors si monsieur Tout-le-monde vous demande d’un air sceptico-bougon la définition de la continence, ne vous cassez pas trop la tête. Dites-lui d’abord (ça ira plus vite) tout ce qu’elle n’est pas : ni un appel à la chasteté (la chasteté n’est pas réductible à la continence : c’est la juste distance nécessaire à tout type de relation, y compris entre un homme et une femme, un artiste et son œuvre, un individus et ses amis, etc.), ni une sacralisation du célibat (le célibat en soi n’a pas de sens : il n’en trouve un que s’il est un don entier de son être à une autre personne UNIQUE, qu’on appellera Dieu ou individu de l’autre sexe), ni un synonyme d’abstinence (on peut s’abstenir pour tout et n’importe quoi, et pas forcément pour des buts louables). La continence, elle, vise à s’abstenir POUR quelqu’un… qui plus est Quelqu’un avec un « Q » majuscule puisqu’il s’agit de Jésus! Vous pouvez poursuivre en lui disant ce qu’est vraiment la continence : un don entier de sa personne à Dieu. Et si la pilule ne passe toujours pas, il ne vous restera plus qu’à balancer la comparaison pédagogico-vulgos entre continence et incontinence, que j’ai proposée plus haut, comparaison qui a son charme, sa clarté, et vous libèrera peut-être de l’indécrottable soupçon de « coincitude » qui pesait sur vous depuis que vous aviez prononcé le mot « Dieu ».

 

Qu’on se le dise ! La continence, ce n’est pas le bagne, ou une demande impossible. Cela ne devient inhumain que si on ne la vit pas pleinement ! Car ceux qui soi-disant se l’imposent à coup de martinet et de volontarisme de grenouille de bénitier, ne nous leurrons pas, ne la vivent pas : ils l’essaient mal, ou scolairement, et crient contre elle avant d’avoir mal ou de s’être laissé le temps d’y goûter avec leur cœur. Ce n’est pas ce que diront les détracteurs de la continence qui, dans une naïveté confondante, pensent vraiment que la sincérité affichée de ces faux continents vaut pour acte réel et pour preuve indiscutable que la continence est une démarche suicidaire et hypocrite ! Regardons les faits. Laissons de côté les intentions.

 

Vous me croyez si vous voulez. Les prophètes hédonistes de la jouissance sans entrave se foutent le doigt dans l’œil bien profond en pensant que les vrais coincés sont les cathos, que la sexualité-génitalité n’a pas vraiment d’enjeu ni de gravité (c’est vrai que la joie de l’accueil d’un enfant, c’est de la bagatelle…), ou qu’elle est forcément géniale d’être soi-disant proportionnelle au nombre d’expériences amoureuses accumulées dans une vie. Je n’ai jamais vu d’individus plus frustrés sexuellement que ces bêtes de sexe qui enchaînent fiévreusement, sans liberté aucune, les « plans cul » et les aventures de 6 mois avec différents partenaires. Les cathos, continents ou pas, sont à mes yeux, les serial-baiseurs les moins frustrés qu’il existe sur Terre. Il n’y a qu’à voir le nombre d’enfants et d’amis sereins qui gravitent autour d’eux ! C’est parce que les cathos aiment vraiment le sexe qu’ils se privent parfois de cul. Il ne faut jamais abuser des bonnes choses… sinon, on n’y goûte plus à force de s’en goinfrer.