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Certains évêques actuels muselés à cause du Sida


 

Ça paraît dingue qu’un sujet aussi invisible, apparemment révolu et historiquement lointain, ait encore autant d’influence et parvienne à imposer une telle omerta aujourd’hui, surtout dans les plus hautes instances décisionnelles de l’Église. Et pourtant, c’est ce qui se passe.
 

Connaissant des cas concrets, je vois qu’un certain nombre d’évêques, du fait d’être tenus au secret de confession, du fait d’avoir été sensibilisés par un parcours douloureux d’une personne homo de leur entourage, du fait d’avoir été mis au courant d’un secret qui accompagne l’homosexualité et qui est lié à une énorme souffrance (pour les hommes homos, ce sera en général une séropositivité, une agonie accompagnée dans le cadre d’un « couple », l’expérience d’un deuil ; pour les femmes lesbiennes, ce sera soit un viol, soit un désir de maternité ou une maternité menée à terme), du fait d’avoir été marqués par les « années Sida », du fait aussi de leur éloignement des réalités parfois effrayantes du monde (les fidèles catholiques n’osent pas souvent déballer le plus trash de leur vie à un évêque), ont tendance à se laisser impressionner, noyauter et intimider par l’homosexualité au point de la valider (sous forme d’« identité » ou d’« amour ») en comparaison à cette souffrance avouée censée la dépasser. Par un subtil chantage aux sentiments, basé sur des faits et des situations dramatiques réelles, on leur a acheté leur silence, ils se sont sentis flattés d’avoir été introduits dans le secret inconnu du diable ou du mal, ils sont tentés de s’enorgueillir ou de s’effrayer des souffrances et des violences humaines mondiales cachées derrière le rideau rose de l’homosexualité. Et je crois que beaucoup d’évêques sont tenus au silence rien qu’à cause du Sida. Ils ont troqué l’homosexualité contre le Sida, et plus fondamentalement la Vérité contre la confidence taboue grave. Aussi incroyable que cela puisse paraître, dans bien des cas concernant l’homosexualité, la séropositivité est le secret additionnel qui achète le silence des évêques sur l’homosexualité et transforme cette dernière en pratique/identité tacitement validée comme un lot de consolation, une complicité d’éprouvés invisibles. Ma main à couper que les situations de tragédie et de grandes souffrances en lien avec l’homosexualité (Sida en tête) court-circuitent le discernement de beaucoup de prélats. C’est pour ça que je dis aux quelques évêques qui me lisent ou me liraient : « Ne vous laissez pas impressionner/embobiner/corrompre par le Sida ! Y compris et a fortiori en 2018 ! L’homosexualité n’est pas le VIH ! Et un mal plus impressionnant ne valide pas un mal moins impressionnant. Ne ménagez pas les personnes séropos et parfois homos-séropos ! Ne jouez pas à la marchande ni aux confidentes flattées de connaître l’Horreur ! Ayez un cœur, mais à la bonne place. Sortez du marché de la compassion ou au contraire de la réaction dépassionnée. »

Documentaire « Vivant ! » de Vincent Boujon : la timide évasion

Vivant 2

 

Je suis allé voir le film « Vivant ! » de Vincent Boujon, tout juste sorti en salle, et racontant le saut en parachute de cinq hommes homosexuels séropositifs. Un film qu’on nous présente comme une expérience de « courage » extraordinaire et poétique, de dépassement de soi, de retrouvaille du « goût de la vie ». En réalité, quelle pauvreté dans les idées et les échanges !
 

Je savais déjà, avant de le voir, que j’allais y retrouver les messages indigents que je tente de décrypter dans mon prochain livre sur les bobos (dans celui-ci, j’ai d’ailleurs tout un chapitre sur la phrase « Je suis vivant », qui est un leitmotiv du boboïsme : « Je suis vivant », pour le bobo, c’est « j’ai vibré », et non pas « j’ai aimé pleinement ».) Mais voilà : dans « Vivant ! », tous les ingrédients du boboïsme y étaient : la promotion de l’expérience sensitive sur la raison, la promotion de l’homosexualité, le remplacement de l’amour par l’amitié, la référence à la Nature et les rayons de soleil, les messages creux sur l’estime de soi et la fidélité à soi-même, la déculpabilisation sans la reconnaissance de la faute, etc. Pour le bobo, la liberté est extériorisation et oubli de soi, pur processus d’extase et de fuite de soi : « Il faut tout lâcher, il faut lâcher prise, il faut accepter ses limites, il faut que ça sorte, il faut communiquer, il faut vivre les choses. » C’est du Anthony de Mello frelaté. Mais si on ne dit pas comment ni pour qui il faut faire tout ça, je vous assure tout de suite qu’on ne sort pas de la carte postale peu nourrissante.

 

Mon exigence passera aux yeux de certains pour une arrogance odieuse. Car au final, le film est assez prenant, n’a pas de longueurs, raconte une belle « aventure humaine » qui a permis à de belles amitiés de se tisser. Il porte en plus un message de combativité et d’optimisme dans l’épreuve de la séropositivité et de l’homosexualité. Il comporte de l’humour, en plus, et fait sourire parfois. Il propose de la confidence, de la convivialité, de l’effort (du « challenge », comme on dit à tout bout de champ dans le jargon bobo). Le critiquer, ce serait, aux yeux de certains, aussi injuste que de tacler un reportage sur les personnes handicapées ou sur les enfants des cités qu’on amènerait en vacances à la mer.
 

Mon exigence passera même pour un procès d’intentions. Alors que les bonnes intentions, la sincérité, d’un tel documentaire, c’est peut-être la dernière chose que je traînerais en procès.
 

Non, ce qui pose problème, c’est qu’on nous vend du faux rêve, de l’amitié à moitié, du faux amour, de l’aventure gentillette, de l’effort sans réel autre but que lui-même et une réflexion peu poussée sur le « vivre avec le VIH ». On nous fait croire que la vraie liberté, ça se limite à témoigner de ce qu’on ressent, à prendre un risque (mortel), à vivre une sensation forte (de préférence inédite et collectivement individuelle), à faire ses expériences jusqu’au bout et à tester le maximum de choses, expériences qui te font sentir « vivant » et qui t’arrachent quelques secondes à ton humanité et à tes soucis. Mais la vraie liberté, ce n’est pas ça. La vraie liberté est liée à l’accueil de la différence des sexes et à l’accueil de Dieu.
 

La pseudo « liberté » que promeut le documentaire, c’est la philosophie de l’individualisme-émotionnel-à-plusieurs, où la seule conclusion « profonde », c’est qu’« on a partagé quelque chose de FORT » et d’indicible, qui nous a rendu « vivant » et heureux l’espace d’un stage. Super… Et des films comme « Vivant ! » essaient de muscler ce message hédoniste sans fond par une comparaison doloriste « saut en parachute = découverte de sa séropositivité », comparaison qui n’apporte pas grand-chose, qui ne donne pas plus de sens au reportage, et qui n’aide pas à vivre l’amour, l’homosexualité ni la maladie, sur la durée. Une vague poésie, un semblant de « positive attitude ». Mais quoi ??? Si on ne parle pas de la différence des sexes, si on ne parle pas de Dieu, comment on avance ? Comment on décolle vraiment ? Comment on aide vraiment les gens à trouver le sens plénier de leur existence et des épreuves qu’ils vivent ??? Autant je ne déconseillerai pas ce film, autant je ne peux pas dire qu’il répond à beaucoup d’attentes et qu’il assure une véritable évasion. C’est un pansement sur une plaie ouverte. C’est de la fausse évasion, enrobée d’un narcissisme « vert ». C’est un mensonge de plus et une fausse tribune verbale laissée aux personnes homosexuelles. C’est d’autant plus rageant, cruel, ces essais ratés de main tendue, qu’ils sont pourtant urgents pour elles.
 

La quintessence du bobo (= la fuite)

La quintessence du bobo (= la fuite)

Venez adorer saint Sida !

Venez adorer saint Sida !


 
 

I – Y a-t-il un lien entre Sida et homosexualité ? Concrètement et causalement NON ; coïncidentiellement OUI

 

Y a-t-il un lien entre Sida et homosexualité ? Causalement, non. Une maladie ne s’attaque pas à une personne selon son orientation sexuelle. Le contraire se saurait ! Si un lien entre eux existe, il est indirect, non-causal, fantasmé, pictural, voulu et forcé par certaines personnes. Il est de l’ordre de la coïncidence. Nous devons en tenir compte, mais il ne peut en aucun cas être généralisé, systématisé, personnalisé, homosexualisé, y compris pour le bien des personnes homosexuelles, y compris par les militants LGBT qui veulent apitoyer l’opinion publique et qui se servent du Sida pour donner une visibilité et une justification à l’homosexualité.

 

Ceux qui veulent imposer le lien causal se sont révélés historiquement pétris à la fois de bonnes intentions (« Nous/Ils sommes/sont des victimes et vous n’avez rien à nous/leur dire ! ») et d’homophobie (« Ne nous/les approchons/approchez pas ! »). Le Sida, en soi, n’a rien à voir avec l’homosexualité en tant que désir homosexuel non-acté. C’est pour ça qu’il n’y aurait même pas lieu que j’en parle sur un site comme le mien, dédié à l’homosexualité-désir. S’il y a un lien (probable mais non-causal) avec l’homosexualité, c’est uniquement avec l’homosexualité pratiquée et crue comme fondamentalement identitaire/amoureuse/vraie. Pas l’homosexualité uniquement ressentie !

 

Néanmoins, on ne peut pas dire non plus qu’il n’y a aucun lien entre Sida et homosexualité, au moins en pratique(s), au moins dans la sphère des croyances, des images, des représentations sociales, dans les mémoires, dans l’inconscient collectif mondial, dans l’histoire et le contexte de la communauté homosexuelle. En effet, on ne peut pas nier que c’est précisément dans les années 1970/1980 (« quand ça baisait de tous les côtés » nous rapportent les survivants), pile au moment où la mode du coming out et de la décomplexion/banalisation des actes homosexuels, des sentiments homos et du couple homo, émergeaient avec force, que le Sida est apparu. Et à l’évidence, même s’il n’avait rien d’une conséquence de l’homosexualité ou d’une maladie spécifiquement homosexuelle (d’où les sarcasmes indignés de quelques tenants LGBT autour de l’expression « cancer gay »), le Sida avait tout du signe ou de l’indice d’homosexualité. Il a touché en premier les personnes homosexuelles (c’est statistique : en 1983, 80 % des personnes infectées étaient homos) et a correspondu à une période de climax de débauche jamais enregistré auparavant. D’ailleurs, presque une génération entière de personnes homosexuelles a disparu dans les années 1980-1990 (certains de mes amis disent « 8 amis sur 10 »). Littéralement rayée de la carte ! Hallucinant. Autant on ne peut pas prétendre que le Sida est homosexuel, autant on peut reconnaître, sans blesser personne, qu’il est signe d’une pratique particulièrement bisexuelle/homosexuelle. Bref, qu’il est signe d’infidélité sexuelle, d’imprudence ou d’inconséquence des actes génitaux. Quand l’Abbé Pierre, pendant le Sidaction, avait sorti que le meilleur moyen pour lutter contre le Sida était la fidélité, il s’était fait huer par la salle. Mais il avait pourtant raison.

 

Le lien de coïncidence entre Sida et homosexualité est peu évident à comprendre et à recevoir. Comme le lien entre homosexualité et viol, d’ailleurs. Finalement comme tout phénomène mauvais qui surgit d’une pratique. Car l’Homme est toujours libre de ne pas pratiquer et n’est pas réductible à ses actes.

 
 

II – Le Sida n’est pas un signe d’homosexualité ; il est le signe d’une pratique bisexuelle désordonnée UNIVERSELLE :

 
 

 

Comme on vient de le voir, le Sida n’est pas un indice d’homosexualité. Il n’est que le signe d’un mode de vie universellement humain qui n’est pas le meilleur ni le plus structurant, qui ne touche pas spécifiquement au désir homosexuel, mais qui en revanche touche spécifiquement à la pratique bisexuelle libertine. Le vrai problème du Sida, c’est bien l’infidélité et une pratique sexuelle violente, dégradante, déshumanisée, consumériste : ça n’a rien à voir avec la personne qui se ressent homosexuelle mais qui garde quand même une vie équilibrée.

 

Le Sida n’appartient pas à la communauté homosexuelle : il incombe à notre responsabilité à tous. Au fond, il n’est que le reflet des actes sexuels du monde entier. Il dit un excès de l’Humanité, une débauche généralisée, dépassant largement les frontières et la responsabilité de la communauté homosexuelle. L’homosexualité n’a pas créé le Sida. Mais incontestablement elle lui a servi de première loupe ; et la pratique libertine/bisexuelle, de support. Il ne faut pas se leurrer. Il y a dans le monde homosexuel une plus forte pratique de la génitalité, une sexualité particulièrement débridée, parce que le désir homosexuel est, par essence, un élan qui fuit la structure apaisante de complémentarité de la différence des sexes.

 

Si le Sida n’illustrait pas un mode de vie mauvais, jamais il ne serait caché par les communautaires homosexuels et par les personnes bisexuelles comme une honte, jamais il ne serait interprété comme une matraque céleste punissant Sodome et Gomorrhe, jamais il ne se serait propagé à la vitesse avec laquelle il s’est propagé. Si le Sida ne posait pas un questionnement moral aux personnes par rapport à leurs pratiques sexuelles intimes, jamais il ne ferait encore l’objet d’un tel tabou encore aujourd’hui. Par exemple, dans mon cas personnel, si j’avais eu un passé génital exemplaire, jamais je n’aurais fait un dépistage à l’été 2012. Celui-ci s’est révélé heureusement « négatif ». Je n’ai pas eu de grosse surprise. Mais avant d’avoir la réponse, dans mon esprit, il y a eu l’ombre du doute qui a pesé sur certains de mes actes génitaux passés. J’ai donc fait le test car je vivais encore avec les petits démons des dernières relations sexuelles négligées que j’avais eues dans la période qui s’étale de janvier 2009 à janvier 2011.

 

Par ailleurs, le Sida concerne une pratique en rapport avec certaines parties du corps humain particulièrement contagieuses et malsaines. Il est indéniable qu’il y a du corporel, du biologique, dans ce virus, quand bien même on ne pourra jamais le personnifier ni l’incarner sous forme d’espèce (« les » homosexuels, « les » sidéens, « les » malades du Sida, etc.). Par exemple, la pénétration anale, uniquement pratiquée par les couples homos, bisexuels et hétéros, et non par les couples femme-homme aimants ni les célibataires consacrés, est une conduite à risques. Qu’on le veuille ou non. Et les lieux corporels de pratique bisexuelle (bouche, anus, etc…) sont aussi plus risqués et infectieux que les zones sexuelles choisies par les couples femme-homme aimants. Le contact entre l’appareil génital et les lieux de déjections comme l’anus sont plus susceptibles que le contact sexuel avec les trous corporels faits naturellement pour les pénétrations de vie, de propager des maladies, des microbes et des cochonneries (syphilis, blennorragie, herpès, chlamydia, morpions, etc.). Ce sont des faits et des constats scientifiques indéniables.

 

À sa décharge, le Sida est bénéfiquement choquant dans la mesure où il met chacun de nous devant la responsabilité de ses actes. Il est le miroir de notre propre pratique sexuelle et de notre fidélité. Nous ne devrions absolument pas avoir peur d’en parler. Ceux qui n’ont que le mot « Sida » en bouche (pour, par leur concert, empêcher toute analyse du sens de leurs pratiques génitales) ou qui au contraire n’ont pas envie d’en parler, passent inconsciemment aux aveux qu’ils utilisent le sexe pour ne pas aimer !

 

 
 

III – L’utilisation homophobe du Sida par certains militants LGBT et par beaucoup de personnes souhaitant pratiquer leur bisexualité sans en assumer la responsabilité :

 
 

 

Le Sida ne parle que du mauvais usage de la sexualité (dans l’infidélité et la consommation, il va sans dire), et en particulier du mauvais usage du désir homosexuel. Il ne parle pas du bon usage. C’est en cela qu’il est malhonnête, et même homophobe, de le mêler à des débats de réflexion sur l’homosexualité. Quand on mélange le Sida à l’homosexualité, en général, on ne reconnaît ni le désir homosexuel tel qu’il est, ni les personnes homosexuelles (elles sont transformées en victimes innocentes, en pestiférés, ou en dangereux transmetteurs de mort), ni la gravité des actes homosexuels, ni les belles manières de vivre son désir homosexuel en conformité avec le message d’amour de l’Église catholique. Cela est particulièrement visible lors des Gay Pride, dans lesquelles les discours préventifs politisés anti-Sida servent de cache-misère et de caution morale à un laisser-aller collectif, à une drague compulsive, à la réclamation de droits qui n’ont rien à voir avec la choucroute ( = le Sida), voire même, le pire, à la souffrance réelle des personnes infectées par le virus.

 

La plupart des militants anti-Sida se servent du Sida pour cacher et nier la gravité de la violence des actes homosexuels. Pour eux, le mal absolu, le diable, ce n’est pas de pratiquer l’homosexualité. Ce n’est même pas de tromper son copain avec un autre. Ce n’est pas l’adultère, l’infidélité. Ce n’est même pas de fréquenter assidument les backrooms ou les saunas. Non ! Le mal absolu, à leurs yeux, c’est juste de prendre des risques au lit ; c’est l’ignorance des statistiques qui disent qu’« on meurt encore du Sida aujourd’hui » ; c’est la banalisation ou l’indifférence par rapport au Sida, maladie qu’ils voudraient toute-puissante (et malheur à celui qui la relativise et qui dit qu’on vit mieux avec le Sida maintenant qu’au début des années 1980 !!! … alors que c’est pourtant objectivement vrai avec les trithérapies). Le mal absolu, selon eux, c’est de ne pas mettre systématiquement un préservatif à chaque rapport sexuel avec son partenaire régulier. Le mal absolu, c’est de ne pas faire du Sida et du safe sex une paranoïa… pardon… un mode de vie, une préoccupation de couple, une preuve supplémentaire d’amour responsable, une priorité internationale. Il faut se préserver de tout !… même de la conséquence de ses actes d’« amour » ! La diabolisation du Sida suffirait à blanchir, à accréditer l’homosexualité ! Nan mais allô, quoi…

 

L’hypocrisie de ce discours sécuritaire homosexuellement correct, appris et convenu, réside dans le fait que l’indifférence par rapport aux actes homosexuels – qui favorisent concrètement la contagion du Sida – se mute en justification du bare-backing (rarement dénoncé), du mythe du prince charmant homosexuel (jamais égratigné), en promotion des actes homosexuels et de l’identité homosexuelle (alors que ceux-ci n’ont causalement rien à voir avec le Sida). La dénonciation du Sida est devenue un slogan qui « fait bien », pour se donner une image clean de mec sérieux, engagé, militant et solidaire, qui va dire « Je suis contre le Sida » comme il di(rai)t « Je suis contre la guerre, contre l’homophobie, contre le racisme ». Pire, les militants dénonçant le Sida ont fait de la maladie une matraque pour condamner toute personne qui ne serait pas d’accord avec eux et qui remet en cause leurs actes amoureux. Certains en font une cause mondiale qui dépasserait toutes les autres grandes causes (lutte contre la pauvreté, contre les guerres, contre le chômage, contre les maladies, contre les familles disloquées et les divorces, contre les avortements abusifs, contre la pollution, etc.). Les plus lucides savent qu’en réalité, le Sida, même s’il n’est pas proprement homosexuel, remet prioritairement en cause leur propre pratique homosexuelle, pratique minoritaire qu’ils peuvent difficilement généraliser à l’ensemble de leur société… donc ils ont la décence de se taire. Mais d’autres n’ont pas ce recul. Certains militants anti-Sida sont d’autant plus violents et prosélytes qu’ils ferment les yeux sur leur souffrance, leur déception et leur culpabilité de pratiquer les actes homosexuels. Ils mettent le paquet sur la campagne de prévention pour éviter de regarder le précipice de leur malheur en amour (homo ou hétéro). Ça fait diversion. En se servant du Sida comme un alibi et un étendard dans l’unique but de ne pas voir qu’il est le reflet d’une grande part du déni des désastres de leur propre pratique amoureuse et sexuelle, ils encouragent inconsciemment sa propagation. Et cela ne trompe finalement personne, pas même eux-mêmes. C’est pour ça que la lutte contre le Sida fait aussi peu d’émules dans les rangs LGBT, que les gens se protègent de moins en moins, et que la bête continue de courir, de manière d’autant plus efficace et féroce qu’elle a pris la forme de l’ascétisme scientifique, de la routine (« Allez, mets ton ruban rouge tous les 1ers décembre. »), du militantisme télévisuel, du romantisme gay friendly.

 

Afficher le Sida de manière décomplexée, festive et clinique, sans l’expliquer ou lui donner un diagnostic moral nécessaire, c’est se donner finalement la caution morale de son libertinage, de sa déprime amoureuse, d’une pratique sexuelle qui encourage paradoxalement la pandémie du vrai Sida. Pour l’illustrer, j’ai recopié texto un article du journal Direct Matin Lyon +, daté du mercredi 15 mai 2013, « Sida : ORGAM’S WEEK : SEXE, PLAISIRS ET DÉPLAISIRS » (p. 2) sur lequel j’étais tombé par hasard, et qui illustre tout à fait les paradoxes de la campagne mondiale contre le Sida. « Débats, performances d’artistes, soirées clubbing, bal des débutantes ou encore ateliers de prévention : la première édition de l’Orgasm’ Week s’annonce riche en événements. Organisé par l’Association française de lutte contre le VIH et les hépatites virales du 18 au 26 mai au cœur de Lyon, ce nouveau rendez-vous, qui a vocation à devenir annuel, se donne pour objectif d’aborder le sexe, ses plaisirs et déplaisirs sous un angle festif et décalé. Si le public visé est d’abord la communauté homosexuelle, les hétéros seront les bienvenus sur toutes les manifestations. Et pour cause : si AIDES a souhaité cette opération festive, elle n’en oublie pas pour autant son fer de lance : la prévention et sensibilisation au dépistage du Sida. » On nique, on déprime, on s’auto-détruit… ok… mais PROPREMENT, et dans la DÉLIRE ! Ouf ! Ça va mieux ! On se crée les sécurités (les « préservatifs » sont des excellents exemples de sécurités lâches : on se préserve d’aimer et de donner la vie, on se préserve de l’autre et des conséquences de ses actes) contre les dangers que l’on prétend combattre, au lieu de déjà se prémunir des actions dangereuses qui nous dispenseraient de créer ces sécurités coûteuses et insuffisantes.

 

La sommation à l’usage systématique du préservatif est même, je le crois, un encouragement à la propagation du Sida. Le pape Benoît XVI, dans son avion pour l’Afrique en 2009, s’était fait taper sur les doigts, voire traiter de criminel, parce qu’il avait osé nommer les choses. Et pourtant, il disait vrai. Les associations de lutte contre le Sida de par le monde (dont la plupart sont catholiques et connaissent la réalité de terrain) le confirment. Ce n’est pas en forçant tout le monde à mettre un préservatif, en hurlant qu’il est la seule et la meilleure solution possible face à la pandémie de Sida, qu’on réduit le Sida. Croire le contraire relève de la même connerie et du même fondamentalisme que de soutenir que le port du casque est la seule façon de lutter contre le fléau des accidents de moto (mieux que la connaissance du code de la route, mieux que le comportement du conducteur, mieux que la consommation d’alcool, etc.). Se focaliser sur les petites solutions soulagent mais ne colmatent pas les brèches d’un problème plus profond. L’effet placebo du préservatif ne remplacera pas la conversion entière à laquelle nous appelle le Sida. Depuis le temps qu’on apprend aux jeunes comment on enfile une capote, et qu’il faut absolument mettre un préservatif à chaque rapport sexuel (sinon, gare à l’accusation de complot ou de Crime contre l’Humanité !), ça se saurait si c’était efficace ! La contamination par le Sida a même augmenté chez les jeunes. Pourquoi ? Pour une raison très simple : les militants anti-Sida expliquent à un jeune de 14 ans le Sida, le préservatif, la fellation, la grossesse, la nécessité de l’avortement, l’éjaculation faciale, toussa toussa. Quel est le premier message qu’il reçoit ? Tout simplement qu’il est censé être sexuellement actif, que la sexualité n’aura plus aucun secret pour lui (chose fausse : la sexualité est un chemin libre et mystérieux, avec des hauts et des bats, qu’on maîtrise très peu), qu’il va commander sa sexualité (quelle place alors à la confiance, à l’amour, à l’abandon, à la démaîtrise, à l’expérience d’une vraie sexualité épanouie ?), qu’il est dominateur sexuellement, que son corps et son identité sexuelle lui appartiennent, que la sexualité est réductible à la génitalité, que la sexualité est un marché personnel (rarement à deux ; encore plus rarement à plus de deux) où faire fructifier son bien-être, son orgasme, son « capital jouissance », sa performance corporelle, sa rentabilité de séduction. Donc il s’y met. Machisme et déni de la fragilité de la sexualité assurés !

 

Il ne fait aucun doute que l’oppression des « anti-Sida-et-pro-préservatifs » ne fait qu’aggraver le problème du Sida qu’ils prétendent combattre, ne fait qu’accentuer la culpabilité des jeunes, la peur de l’engagement chez eux, la banalisation du partenaire sexuel (réduit à l’état d’objet de consommation). À l’image de la manière dont le Sidaction ne fait qu’inciter à la fornication tout en prétendant lutter contre le Sida.

 

 
 

IV – Ce qui est fait du Sida : un sceptre-matraque, un sanctuaire clos et sacré, en l’honneur de l’extermination de soi et de ses ennemis

 
 

 

Mais est-ce que ceux qui parlent du Sida et qui se montrent comme ses pires pourfendeurs la dénoncent ? Absolument pas. Ils l’affichent en slogan : « Je suis contre le VIH. Il n’y a que nous qui avons le droit d’en parler, et ne comptez pas sur nous pour le faire. Respectez nos morts ! » Ils hurlent pour ne pas en parler, et dans un même mouvement, ils se taisent. Ils refusent de parler de souffrance ou de responsabilité en lien avec le Sida. Et ils découragent toute personne de le faire (attention au dolorisme homophobe !). Ils n’abordent le Sida que sous un jour universitaire, publicitaire, aseptisé, lisse, ou, dans l’extrême inverse, sous la bannière de la culpabilisation, de l’accusation des indifférents, de la violence militante révoltée, de la sensiblerie ultra-émotionnelle et victimisante. Parler d’amour, du sens de l’acte homosexuel, du choc des pratiques dans le « milieu homo », de ce que cache le préservatif, jamais de la vie ! Espace sacré et privé ! Leur usage et compréhension du préservatif, ce sont ceux de la censure, en réalité. Le préservatif préserve de dire la vérité et de donner du sens à la sexualité. Et peut-être pire encore : il est une preuve qu’on ne fait plus confiance aux gens. On les prévient tellement qu’ils sont responsables de tout dans leur sexualité qu’ils se sentent enserrés dans un discours préventif qui ne promeut pas l’essentiel : la liberté. On ne leur parle plus d’Amour et de fidélité. C’est très grave.

 

De manière pernicieuse, le Sida est même devenu un instrument d’État pour accéder à l’intimité des gens (et en particulier des jeunes), pour violer leur jardin secret, contrôler leurs relations privées, s’introduire dans leur univers fantasmatique, de manière « éducative », discrète voire même « progressiste » et capitaliste. Le Sida a fini par transformer les nouvelles générations en parfaits consommateurs, qui se médicalisent eux-mêmes. Il arrive comme un prince, un label marketing jouant sur notre corde sensible et qu’on ne pourrait plus refuser, puisqu’il serait à la source de notre bien-être, de notre civisme, du bien-vivre ensemble, à la pointe de la solidarité sociale idéale.

 

Les anti-Sida instrumentalisent les malades invisibles qui les entourent, disent que seuls le personnel qui les soignent et ceux qui les côtoient ont voix au chapitre, peuvent les connaître en vérité. Il faut leur montrer le badge d’AIDES pour qu’ils nous donnent le droit de parler du Sida, alors qu’eux n’en parlent pas mieux : les malades ne leur appartiennent pas, que je sache. Ces bons samaritains auto-proclamés ont transformé la maladie et le discours sur celle-ci en trophée et en propriétés privées, pour bâillonner les explications et la souffrance autour d’eux. Moyen de s’auto-victimiser, d’apitoyer, de museler, de culpabiliser, de condamner, de terroriser les autres. Savent-ils que la souffrance, même si elle explique beaucoup de choses, est injustifiable, ne justifie rien (surtout pas la violence) et qu’elle ne fournit aucun passe-droits ??

 

Tandis que le Sida doit, selon ces idéologues-pleureurs anti-Sida, être l’horreur absolue, l’aile Ouest interdite, il est transformé en divinité sans laquelle il serait impossible de vivre des « moments forts », en bénédiction. Le Sida : Il faudrait dire « merci » et « adorer » ! ; dire que c’est lui qui aurait donné aux jeunes générations homosexuelles leur liberté de vivre leur « bonheur d’être homo ». Ils exercent un véritable chantage aux sentiments que j’ai pu constater lors d’une conférence que je donnais début 2013 à Reims. En effet, alors que je répondais aux questions posées sur papier par l’assistance, un papier d’un homme homo du public me demandait de remercier l’ensemble des militants homosexuels des année1980-1990 qui avaient/auraient lutté pour mes droits de m’exprimer sur l’homosexualité en 2013. Je l’ai fait sans rechigner. Mais cette demande résonnait comme un avertissement-menace à justifier ma légitimité à parler. En filigrane, je comprenais qu’on me disait que, parce que je n’aurais pas connu directement d’amis homos morts du Sida ou seulement malades du Sida (ce qui, dans les faits, est faux, en plus ! J’en vois personnellement un certain nombre dans mon entourage), parce que j’ai pour seul défaut de ne pas être né à la bonne époque (c’est alors un défaut partagé par beaucoup de personnes homosexuelles !), je n’aurais pas le droit de parler d’homosexualité, n’ayant pas connu la « décennie noire ». Je serais un enfant pourri gâté. Qu’est-ce que c’était que cette censure ?!? Je n’ai pas relevé, et ai même remercié poliment celui qui avait écrit cette question qui n’en était pas une (plutôt un cri de souffrance censurant).

 

 

Rien qu’en voyant le piédestal (d’indifférence) sur lequel le sujet du Sida a été posé socialement et médiatiquement, rien qu’en regardant le traitement esthético-politique dont cette maladie bénéficie dans mon ancien établissement scolaire de Longjumeau (préservatif géant au centre de la cour du lycée Jacques Prévert chaque 1er décembre, pour « sensibiliser », « prévenir » et rendre hommage aux victimes qu’on ne connaît pas et qu’on ne rencontre pas : agenouillez-vous devant le préservatif géant ! Il ne manque plus que l’autel…), je me permets de parler d’un culte païen au « Dieu-Sida », sans pour autant minorer la souffrance qu’engendre le Sida dans certaines vies.

 

On nous fait croire que parler du Sida, c’est « aimer », ça revient à « parler d’amour profondément », à « respecter l’autre », à « s’engager vraiment ». C’est faux : personne ne parle d’amour, du sens de la sexualité, lors de ces journées mondiales commémoratives, dans ces associations de « prévention Sida », dans ces interventions en milieu scolaire. On prévient, au contraire, que l’acte génital, qui peut « à de rares occasions » dire l’amour, est dangereux, et que ce qui sauve de ce danger, c’est le préservatif et la présence au Grand Carnaval anti-Sida (Gay Pride et Journée Mondiale Contre l’Homophobie). On nous fait défiler à des pèlerinages (avec des bougies : accessoires indispensables). On remplace les croix christiques à accrocher à la boutonnière par des rubans rouges jetables. On nous somme d’écouter sagement les hommes maquillés consacrés à Saint Sida – les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence – qui ont fait de la lutte contre le Sida le paravent de leur anticléricalisme et de leur déprime amoureuse. Attention : il faut les applaudir et trouver leurs caricatures anticléricales super drôles, super engagées, super culotées. Et celui qui ne va pas à la messe de saint Sida, on s’en fout et on le traite d’ignoble « homophobe » !

 

 

Le préservatif est véritablement devenu l’instrument/le cache de l’idolâtrie sociale pour le Sida et pour la mort. Tout le monde s’en fout, et ils ont bien raison. Les gens ne s’intéressent qu’à l’importance de la fidélité pour être heureux. Ils ne s’intéressent qu’aux personnes malades du Sida, à la souffrance qui entoure le sujet du Sida. Et de la souffrance liée au Sida, il y en a ! Autrement, et peut-être même plus qu’en 1980. Sauf qu’elle est encore moins dénoncée, car elle est moins visible, elle est sclérosée de bons sentiments et de catastrophisme publicitaire.

 

 
 

V – Une souffrance pas prête de se refermer :

 

 

Un jour en 2004, alors que je vivais à Rennes, j’avais invité Bernard, un ami homo angevin de 20 ans de plus que moi, à assister à une soirée-débat dans un bar gay (le Bon Accord) où était diffusé le documentaire Bleu, Blanc, Rose (2002) d’Yves Jeuland, retraçant l’histoire du militantisme homosexuel des années 1970 à nos jours. La projection se passait normalement. Quand soudain, au moment où ont retenti les premières notes du générique « effrayant » des Dossiers de l’Écran (émission-phare des années 1980-1990), j’ai senti tous les membres de Bernard se crisper d’un seul coup. Il m’a avoué après la soirée que le documentaire que nous avions regardé lui avait flanqué le cafard. Le souvenir de cette période noire, que j’étais trop jeune pour comprendre, lui était revenu à la figure, et il avait passé un très mauvais moment. Le Sida n’a pas fait l’objet d’un véritable débat social autour du sens de la sexualité. Il est donc logique que les plaies qu’il a laissées soient encore à vif.

 

Le Sida fait beaucoup de mal : non seulement parce qu’il a fait mourir, mais parce qu’il continue de faire un autre type de mal : maintenant qu’il se soigne relativement bien (en Occident et avec de l’argent) et qu’on vit mieux avec, il met les personnes homosexuelles nez à nez avec l’insatisfaction et le non-sens de leur propre pratique amoureuse. Dans les premiers temps de l’émergence de la maladie, où celle-ci était moins maîtrisée, il a empêché les personnes homosexuelles de toute une génération de se voir vieillir, et de tirer les conclusions positives de leur vieillissement, conclusions qui sont possibles maintenant, et qui pourraient les conduire aujourd’hui à la continence. Il fait beaucoup de mal parce qu’il est soumis à la même censure, à la même banalisation, et pour le coup, le discours sur le Sida provoque le même rejet des personnes (dites « plombées »), encourage à une pratique sexuelle qui rend malheureux – et parfois même, dans le pire des cas, malade.

 

À nous de désacraliser le Sida, pour mieux lui reconnaître sa gravité réelle et son rôle de révélateur du caractère mauvais de la pratique bisexuelle/homosexuelle. Ainsi, le Sida, même si nous regrettons sa présence, peut nous rappeler, en positif, l’importance d’aimer véritablement dans la fidélité et dans la différence des sexes aimante.