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Code n°23 – Boxe

boxe

Boxe

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

Film "Garçons d'Athène" de Constantinos Giannaris

Film « Garçons d’Athène » de Constantinos Giannaris


 

Pourquoi y a-t-il tant de boxeurs dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité ? Puisque dans la réalité concrète, on voit bien que les boxeurs ne sont pas spécialement homos ni même efféminés (… peut-être parfois lesbiennes, et encore…). Plutôt le contraire ! Ce code est à prendre dans son sens symbolique, bien sûr, comme beaucoup des codes de ce Dictionnaire des Codes homosexuels (qui ne sont pas des « vérités » et des généralités sur les individus homos réels, mais des contours probables de leur désir homosexuel). La boxe symbolise très bien le désir homosexuel dans la mesure où elle est l’alliance de l’amour et de la violence, de l’esthétique et de la mort (exactement comme pour la corrida). Le corps à corps fusionnel entre les deux boxeurs cinématographiques annonce en général une liaison amoureuse destructrice, ou bien parfois un conflit intérieur passionnel dû à la bisexualité de l’un des protagonistes homosexuels.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Liaisons dangereuses », « Adeptes des pratiques SM », « Fusion », « Don Juan », « Solitude », « Coït homosexuel = viol », et « Corrida amoureuse », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Film "Les Yeux de sa mère" de Thierry Klifa

Film « Les Yeux de sa mère » de Thierry Klifa (avec le boxeur homo)


 

Le personnage homosexuel pratique la boxe, ou bien tombe amoureux d’un boxeur : c’est ce que l’on voit par exemple dans le film « Borstal Boy » (2000) de Peter Sheridan, le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland, le dessin Tijuana Muscle (2006) de Xavier Gicquel, le film « Hazel » (2012) de Tamer Ruggli, la série Hit & Miss (2012) d’Hettie McDonald (Mia, le héros transsexuel M to F pratique la boxe), la chanson « Boxing Club » d’Alizée, le film « Maurice » (1987) de James Ivory, le film « Le Trou aux folles » (1979) de Franco Martinelli, le dessin Boxeurs (2005) de Boris X, le film « Reflection On A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (où Leonora s’intéresse plus au matche de boxe que le major Weldom, davantage occupé à regarder de loin son amoureux…), le conte Papa porte une robe (2004) de Piotr Barsony (dans lequel Jo Cigale, le papa de Gégé, 7 ans, ne peut plus boxer, et se met à danser en se travestissant : « Papa porte une robe… Il est triste, le fils du boxeur… » dit son fils), le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec Ayrton qui simule un combat de boxe dans le vide), le film « Rocco et ses frères » (1960) de Luchino Visconti, le film « Les Nuits fauves » (1991) de Cyril Collard, le vidéo-clip de la chanson « Je t’aime Mélancolie » de Mylène Farmer (avec le combat de boxe sulfureux), le vidéo-clip de la chanson « Et c’est parti ! » de Nâdiya, le vidéo-clip de la chanson « Too Much » des Spice Girls, le film « Rude » (1995) de Clement Virgo, le film « Fighting Tommy Riley » (2005) d’Eddie O’Flaherty, le film « La Ville » (1998) de Yousry Nasrallah, le conte El Laucha Benítez Cantaba Boleros (1995) de Ricardo Piglia (avec le « Viking », le fantasme de l’homosexuel), la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve (avec le personnage de Régis), le film « Kids Return » (1996) de Takeshi Kitano, le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier (avec une scène de boxe entre femmes), le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta (avec la photo d’un boxeur), le film « Ixe » (1982) de Lionel Soukaz, le film « Wild Side » (2004) de Sébastien Lifshitz (avec Jamel et Mikhail), la B.D. (de La P’tite Blan) Coming Soon et Coming Out (2010) de Blan et Galou, le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine (Fabrice pratique la boxe, et il est repéré par son amant homosexuel pour la première fois lors d’une séance d’entraînements), le film « Garçons d’Athènes » (2000) de Giannaris Constantinos, le film « Fils préféré » (1993) de Nicole Garcia (Francis est rejeté par son père qui voulait en faire un boxeur), le film « L’Embellie » (2000) de Jean-Baptiste Erreca (avec Saïd et Karim), le film « Jerking » (2007) de Val Desjardins, le film « Wrestling » (2007) de Grimur Hakonarson (avec les deux lutteurs homos), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, la pièce Ma double vie (2009) de Stéphane Mitchell (avec le judo cette fois), l’album de dessins Un Livre blanc (2002) de Copi (dans lequel le boxeur est féminisé : « La colombe de la paix, un gros pigeon blanchâtre, ex-boxeur », p. 79), le film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton (avec la femme-boxeur), le film « Brüno » (2009) de Larry Charles, le film « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure, la pièce Casimir et Caroline (2009) d’Ödön von Horváth, le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, le roman La Mort difficile (1926) de René Crevel, l’opérette Ketty Boxeur (1927) de Gaston Gabaroche, le film « Beautiful Boxer » (2004) d’Ekachaï Uekrongtham, le roman El Misántropo (1972) de Llorenç Villalonga, le roman A Sodoma En Tren Cobijo (1933) d’Álvaro Retana (avec le personnage de Nemesio), la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, le film « L’Air de Paris » (1954) de Marcel Carné, le film « La Dernière Rafale » (1948) de William Keighley, le film « La Polka des marins » (1951) d’Hal Walker, le film « Adam est… Ève » (1954) de René Gaveau, le film « Hold-up à Londres » (1960) de Basil Dearden, le film « Les Lunettes d’or » (1987) de Giuliano Montaldo, le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, le film « À toute vitesse » (1995) de Gaël Morel, le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte, etc. Par exemple, dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno a accroché un poster d’un boxeur noir chez lui. Dans le vidéo-clip de la chanson « College Boy » d’Indochine, le protagoniste principal, homosexuel, pour se défouler, boxe dans le vide. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le couple des deux « pères » homosexuels de Gatal s’affublent sans cesse de sobriquets à la fois affectueux et machistes : l’un d’un appelle toujours l’autre « mon Boxeur » pour l’un. Dans le téléfilm Under the Christmas Tree (Noël, toi et moi, 2021) de Lisa Rose Snow, Alma, l’héroïne lesbienne, simule quelques coups de poing de boxeuse.

 

Film "Like It Is" de Paul Oremland

Film « Like It Is » de Paul Oremland


 

Dans l’idée, le personnage homosexuel est tenté par les sports de combat : « Si j’abandonne les études, je me mettrai au karaté : ce sport est génial. Ton père trouverait bizarre qu’un jeune homo aime les arts martiaux, mais ma passion est sincère. » (Chris s’adressant à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus (2010), p. 119) ; « Olivier a fait de la boxe. » (Jacques, l’ex d’Olivier, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Y’a de la boxe, si tu veux. » (Juna proposant différents jeux vidéo à son amante Kanojo, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Je boxe pour la liberté d’expression. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, simulant de boxer dans le vide, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Les choses ont bien changé depuis que tu t’es mis à boxer des gens. » (Otis s’adressant à son meilleur ami gay Éric, dans l’épisode 8 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc.

 

Téléfilm "Un Amour à taire" de Christian Faure

Téléfilm « Un Amour à taire » de Christian Faure


 

Le boxeur incarne l’Éternel masculin qui fait fantasmer le personnage homosexuel. « Le Père Benicho, à la boxe, il est champion ! » (Bernard, le héros homo de la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Il a même fait un sermon contre la boxe ! » (Bryan, le héros homosexuel parlant du père Raymond, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; etc. C’est la raison pour laquelle ce combattant est souvent féminisé ou homosexualisé par celui qui rêverait de l’avoir dans ses bras.

 

Dida Diafat

Dida Diafat, l’icône fantasmatique de la boxe médiatisée


 

Le désir de boxe est également présenté par le personnage homosexuel comme l’expression d’un amour passionnel qui conduit à la mort, comme une démarche esthétisée de vengeance à l’encontre de son amant dont il ne supporte plus la domination. « Et j’ai compris. Khalid était mon ennemi. J’étais son ennemi. C’était écrit. Rien ne pouvait plus changer cette fatalité. J’ai fermé les yeux, moi aussi. Pour mieux me préparer au dernier combat. Le dernier round. Le dernier chapitre. L’un contre l’autre. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 163) ; « Petra et elle s’étaient écartées l’une de l’autre et se tenaient à présent face à face sur le canapé, comme si elles s’apprêtaient à entamer un match de boxe ou un jeu de ficelle. » (Jane, l’héroïne lesbienne en couple avec Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 54) ; etc.

 

Les Lunettes d'or (titre original : Gli occhiali d'oro) est un film italien réalisé par Giuliano Montaldo

Film « Les Lunettes d’or » de Giuliano Montaldo


 

La boxe peut être enfin le masque du viol, une manière pour le héros homo de sortir les griffes – ou plutôt les gants, ici… –pour prendre sa revanche sur son agresseur sexuel. Dans le film « Corps à corps » (2009) de Julien Ralanto, par exemple, l’héroïne Raphaëlle se met à la boxe et au lesbianisme pour remonter la pente du viol qu’elle vient de subir (deux hommes l’ont coincée dans une rue isolée), pour sauver la face et jouer la dure. Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, Louis, le héros homosexuel, joue de la boxe. Il semble pratiquer ce sport pour plaire à son père et par homophobie, pour s’endurcir. D’ailleurs, c’est lorsqu’il assume son homosexualité qu’il dira « Je n’ai plus envie de boxer. »… ce à quoi Stéphane, le père de son amant Nathan, lui rétorquera : « Tu boxes pour qui ? Pour ton père ou pour toi ? »

 

La pratique des arts du combat n’est pas sans conséquences fâcheuses. La boxe est la forme sportive que le machisme homophobe et le désir homosexuel se choisissent souvent pour frapper et violer les protagonistes homosexuels. « Je crois que c’est le dernier round. » (Harold, le héros homosexuel capitulant la soirée entre amis homos qui s’entredéchirent, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Polly ferait mieux de devenir hétéro et coucher avec un boxeur italien qui la mettrait sur le trottoir et la tabasserait de temps en temps, chuis sûr que là, et là seulement, elle prendrait son pied ! » (Simon par rapport à sa meilleure amie lesbienne Polly, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 46) ; etc. Par exemple, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri, le héros homosexuel, en cherchant à séduire Jean et lui prouver sa force, se blesse au front en tapant sa tête contre un punching-ball de fêtes foraines. Retour de bâton désirant !

 

Le héros homosexuel est attiré à l’âge adulte par quelque chose qu’il fuit toute son enfance : sa masculinité, sa force. Par exemple, dans le film « No Se Lo Digas A Nadie » (1998) de Francisco Lombardi, le père de Joaquín force son fils homo de 15 ans à s’endurcir, en le faisant jouer à la boxe, mais il finit par le maltraiter. Dans le film « Billy Elliot » (1999) de Stephen Daldry, le monde viril de la boxe est mis nettement en opposition/miroir avec le supposé « monde de tapettes » de la danse. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Sammy et Oliver regardent ensemble des diapositives de statues grecques et de boxeurs : « Des centaines de photos de nos boxeurs sont arrivées hier. » (Sammy, le père homosexuel d’Elio, lui-même homo, s’adressant à Oliver, l’amant secret de son fils). Dans la série 13 Reasons Why, Caleb avoue que la boxe l’a engagé vers l’homosexualité mais également qu’elle a été un rempart contre l’homophobie : « J’étais un boxeur bien avant de réaliser que j’étais gay. Quand j’ai capté que j’étais gay, j’étais bien content d’être boxeur. » (épisode 12, saison 2). Dans le film « Miss » (2020) de Ruben Alves, Alex/Alexandra, le héros transgenre M to F qui candidate pour être Miss France, fait de la boxe en club et se fait exclure par une petite caïllera des cités devant tout leur classe : « Une princesse qui boxe… Il ne manque plus que le tutu et c’est parfait ! ».

 

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Couple lesbien en conflit dans le film "We Have To Stop Now!" de Robyn Dettman

Couple lesbien en conflit dans le film « We Have To Stop Now! » de Robyn Dettman


 

Cette attraction homosexuelle pour la boxe, je l’explique par la recherche d’une force qu’on a jadis fuie (sa force d’homme, celle qui peut effrayer un jeune adolescent notamment) ou que l’on recherche parce qu’on se croit inexistant et qu’on se prend pour un dieu invincible : « Je me faisais toujours gronder aussi pour les jeux turbulents voire dangereux que j’inventais : bataille de feuilles, courses sur les pierres, combat de boxe… » (cf. article-témoignage « Tom Boy à l’affiche » d’Isabelle, une femme qui a voulu dans sa plus tendre enfance devenir un garçon)

 

Certaines personnes homosexuelles sont réellement passionnées par la boxe : c’est le cas de Francis Bacon, Patrick Sarfati, Nicolas Wagner, Jean Cocteau, entre autres… Quand elles ont l’argent, elles s’offrent quelquefois la galante compagnie des athlètes du ring : « Deux boxeurs brésiliens pour moi tout seul. Des garçons de très bonne humeur, disposés à tous les jeux. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV, (2006), p. 155) D’autres exercent carrément ce sport. Par exemple, le boxeur Panama Al Brown, en dehors des terrains de combat, était danseur de claquettes dans La Revue Nègre de Joséphine Baker ; et par ailleurs, il fut l’amant du poète Jean Cocteau il lui baisait même les pieds !). L’histoire d’Emile Griffith, le boxeur gay, restée célèbre dans le monde de la boxe, est racontée dans une bande dessinée Knock Out ! (2020), de Reinhard Kleist. La sportive lesbienne Violette Morris, en 1939, réorganise la boxe en France et se propose de rouvrir toutes les salles, du Central au Palais des Sports. L’ex-manager de Lennox Lewis, Kellie Maloney, ancien boxeur, est maintenant un homme transsexuel M to F. La boxeuse lesbienne April Hunter a fait un coming out très remarqué en 2020. Dans l’émission de speed-dating de la chaîne M6, Et si on se rencontrait ?, Sophia, femme lesbienne de 32 ans, est une ancienne boxeuse.

 

Violette Morris

Violette Morris


 

Dans son essai Le Rose et le Noir (1996), Frédéric Martel relève – sans l’analyser – la mystérieuse fascination esthétique et fantasmatique qu’exerce la boxe sur les sujets homosexuels : « Au cinéma, comme dans le dessin, la chanson, les ballets (et même la boxe et la corrida), les homos ont reconnu une légèreté, une grâce, une élégance qui étaient trop maniérées pour ne pas être équivoques. » (p. 63) On retrouve cette idée de « boxe désirante » dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias : « J’aime le mouvement et la violence. C’est pour ça que je veux te photographier en train de danser le tango. Le tango est une sorte de boxe sentimentale. Tu as remarqué ? Quand les boxeurs s’accrochent l’un à l’autre, il ne manque plus que la musique. » (Florence B. à Angelito, pp. 76-77) L’essayiste Hélène Cixous insiste également sur la dimension affective du combat pugilistique lorsqu’elle commente l’exposition de lutteurs sumos « Les Lutteurs » de la peintre Danièle Heusslein-Gire : « La peinture de Danièle pour moi est une peinture onirique. Ce qui me frappe c’est que le vrai sujet des Lutteurs, ce n’est pas la violence. C’est la danse lente de la lutte, la complicité amoureuse. »

 

Film "Reflet dans un oeil d'or" de John Huston

Film « Reflet dans un oeil d’or » de John Huston (avec l’inversion de « genres »)


 

Autre exemple : le metteur en scène homo Patrice Chéreau a organisé la pièce Dans la solitude des champs de coton (1985) de Bernard-Marie Koltès – racontant une rencontre amoureuse entre un prostitué et son client potentiel – sous forme de combat de boxe. La boxe est envisagée ici comme une danse amoureuse à la fois sensuelle et dangereuse, y compris dans le rapport entre l’artiste et son œuvre : « Construire une œuvre, c’est surtout ‘se découvrir’ comme on le dit à la boxe, c’est-à-dire baisser la garde, se retrouver en état de grande vulnérabilité. » (Patrice Chéreau) Le dramaturge et comédien argentin Copi dit « se préparer comme un boxeur » quand il joue la comédie (cf. l’article « Au Festival d’Automne : Copi sur le ring » dans le journal Le Figaro, le 8 octobre 1983).

 

Film "Billy Elliot" de Stephen Daldry

Film « Billy Elliot » de Stephen Daldry


 

Le goût homosexuel pour la boxe et les rapports corporels de grande proximité (quasi fusionnels) entre personnes de même sexe sont, je pense, probablement le contrecoup d’un vieil éloignement de la juste violence/camaraderie entre adolescents pendant l’enfance. Moins les personnes homosexuelles se sont « frottées » amicalement avec leurs pairs sexués étant jeunes, plus elles désirent les retrouver dans une fusion pour le coup amoureuse plus tard : le phénomène de l’élastique est assez logique. Dans l’histoire des garçons gays notamment, la (peur de la) boxe a pu être, l’élément déclencheur par défaut de l’homosexualité. « Ils [les curés] ont décidé d’en faire un boxeur. Ils le firent boxer avec un enfant plus petit que lui. » (Alfredo Arias parlant d’un danseur espagnol gay, dans son autobiographie Folies-fantômes, op. cit., p. 162) Comme certains individus craintifs et un brin « mauviettes douillettes » ont fui les bagarres, les sports collectifs, et les rapports d’homo-sensualité avec les copains qui se battaient sur la cour d’école, ils en ont déduit un peu rapidement à l’âge adulte qu’ils devaient être attirés par leurs semblables sexués « autrement » (comprendre = amoureusement), loin des sentiers d’une guerre ludique qu’ils craignaient par-dessus tout. La boxe, très peu pour eux !

 

Peter Griggs incarnant Paco, le boxeur gay de la pièce Killer Queen

Peter Griggs incarnant Paco, le boxeur gay de la pièce Killer Queen


 

Concernant les liens de coïncidence entre boxe et homosexualité, je suis tombé dernièrement sur un article du journal L’Express, assez court mais très intéressant (« Dans le coin rose… Boxe et Homosexualité »), où le journaliste Jean-Charles Bares développe l’idée selon laquelle il existe dans le milieu de la boxe – pourtant réputé homophobe – une homosensibilité réelle : « Aucun plaidoyer ne saurait soustraire la boxe à son auto-critique. La boxe professionnelle porte encore aujourd’hui les marques d’une homophobie normée. Peut être le noble art devrait-il ouvrir les yeux sur une partie de son histoire. » Bares se penche sur le cas du boxeur homo nord-américain Émile Griffith, qui faisait secret de son homosexualité alors qu’il vivait en couple : « Dans le New York des années 60, les rumeurs vont bon train sur la sexualité d’Émile Griffith, qui est toujours resté lui même ambigu. Émile Griffith et Benny Paret ne s’apprécient guère. Ce 24 mars 1962, leur troisième combat sent la poudre : ‘Hey pédale, je vais te corriger toi et ton époux.’ Rigolard, Paret provoque, roucoule quand Griffith s’avance pour la pesée. ‘Je n’étais la pédale de personne’ confiera-t-il plus tard dans le documentaire « Ring Of Fire » [(2004) de Ron Berger] qui lui est consacré. L’histoire retiendra qu’au 12e round, Benny Paret, à bout de forces, est acculé dans le coin. Griffith s’acharne alors sur son adversaire. Son corps s’affaisse sur les cordes puis tombe inerte au sol. Plongé dans le coma, le cubain décède dix jours plus tard. Rongé par la culpabilité, Emile Griffith confessera plus tard. ‘J’ai tué un homme et beaucoup de gens comprennent et me pardonnent. J’aime un homme et beaucoup le considèrent comme un péché impardonnable’. » L’article se termine par la mention des clubs de boxe amateurs ou semi-professionnels existant dans le monde entier : « Aujourd’hui encore, la boxe gay est un tabou, à la marge. Pourtant, ces dernières années, des clubs homosexuels se sont crées un peu partout à travers le monde : San Francisco, Londres, Sydney… En France, le projet a ses fans, mais reste au point mort. » D’ailleurs, Peter Griggs, l’un des fondateurs du San Francisco Gay Boxing Club, joue le rôle de Paco, un boxeur homo surnommé « The Pink Pounder », dans la pièce Killer Queen (2011) de Michael Onello. Griggs et ses amis gays boxeurs souhaitent démocratiser la pratique de la boxe en la sortant du carcan « hétérosexuel » dans lequel on l’aurait cantonnée depuis des siècles : « Nous voulons créer une ligue pour que la boxe soit à nouveau pratiquée aux Gay Games, les jeux olympiques homosexuels. Le rêve c’est d’entraîner des compétiteurs pour qu’ils aillent un jour défendre le drapeau arc-en-ciel ! »

 

Emile Griffith, boxeur bisexuel

Emile Griffith, boxeur bisexuel


 

D’autres lutteurs témoignent de leur expérience de boxeur homo, comme par exemple Mitchell Geller : « En 1976, j’avais 25 ans. Je participais au tournoi des Golden Gloves à Lowell, Massachusets. Un cousin de mon adversaire savait que j’étais gay, nous traînions dans les mêmes bars… Les insultes homophobes ont commencé à fuser dans la foule. J’étais fou de rage, j’avais honte pour mon père qui était dans la salle. Lui se moquait que je sois gay. Un boxeur ne doit jamais céder à la colère. Alors j’ai ravalé ma haine et je l’ai dirigé contre mon adversaire. J’étais calme, déterminé, je frappais durement au corps. Au fil des rounds et des coups donnés la foule s’est tue. Quand j’ai été déclaré vainqueur, plus personne ne m’insultait. […] De mon expérience, les boxeurs, les entraîneurs acceptent aisément l’homosexualité. Les personnes les plus homophobes, celles qui ne peuvent tout simplement pas accepter, ce sont les fans de boxe. Ils vivent si intensément à travers les boxeurs qu’ils admirent, un culte un peu érotique en soi, que l’idée qu’un homosexuel puisse avoir le cran de passer les cordes et se battre avec ses poings les rend fous. Car eux ne le peuvent pas. » À travers ces lignes, on peut lire que la boxe, bien plus que l’expression d’une « fierté homosexuelle en action », est surtout l’instrument homosexuel d’une hétérophobie/homophobie sous-jacente, voire d’une réponse vengeresse face au viol. « Quand il s’est fait insulter par les autres élèves sur le ring, il a utilisé la cadence des injures pour exécuter une danse gitane. Quelque temps plus tard, les mêmes élèves, pour l’humilier, ont voulu introduire un morceau de craie dans son anus. Il a tellement crié qu’ils ont arrêté net. Dans ses cris, le danseur a découvert une voix ample que de temps en temps il utilise avec succès dans son répertoire de chansons espagnoles. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 162)

 

 

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Code n°70 – Femme-Araignée (sous-code : Catwoman)

femme-araignée

Femme-Araignée

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Victoria Beckham dans le clip "Too Much" des Spice Girls

Victoria Beckham dans le clip « Too Much » des Spice Girls


 

Pas plus tard qu’en 2010, alors que mon Dictionnaire des Codes homosexuels était déjà paru (décembre 2008), et que j’avais bien étudié la présence de Catwoman dans les fictions homosexuelles, je me suis rendu à une représentation de la pièce Le Gang des Potiches de Karine Dubernet au Théâtre du Petit Gymnase à Paris, une pièce vraiment drôle et efficace, dans laquelle j’avais senti (Dieu seul sait pourquoi…) des indices d’homosexualité. Et en effet, je ne m’étais pas trompé : l’une des trois héroïnes (jouée par Karine Dubernet elle-même) est lesbienne. Et à un moment, j’ai halluciné. Alors qu’à l’évidence l’auteure de cette comédie ne connaissait pas l’existence de mes écrits, j’ai vu débarquer sur scène le personnage lesbien déguisé comme par hasard en Catwoman ! Et ce détail, qui échappe complètement au spectateur lambda, m’a enthousiasmé et surpris car il renvoie au code que je vais traiter longuement avec vous maintenant. Je raconte cette anecdote pour vous montrer combien mon Dictionnaire, même si a priori je le connais bien, me prend encore et toujours par surprise, pour me parler, sans que je l’aie prévu, d’une manière chaque fois différente, du désir homosexuel… élan qu’on n’a jamais fini de décrypter, et dont on ne connaît pas toutes les potentialités !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Vierge », « Putain béatifiée », « Carmen », « Chat », « Super-héros », « Adeptes des pratiques SM », « Reine », « Femme fellinienne géante et pantin », « Actrice-Traîtresse », « Corrida amoureuse », « Destruction des femmes », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Vampirisme », « Araignée », « Boxe », « Sirène », « Regard féminin », à la partie « Veuve » du code « Mort-Épouse », à la partie « Zèbre » du code « Cheval », et à la partie « Caméléon » du code « Homme invisible », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

La sanctification de la pin up par l’adoption/création de sa version vengeresse, Catwoman

 

Roman "Le Baiser de la Femme-Araignée" de Manuel Puig

Roman « Le Baiser de la Femme-Araignée » de Manuel Puig


 

Beaucoup de personnes homosexuelles trouvent la femme violée tellement belle dans la détresse qu’elles ne la désirent pas sexuellement. Elles décident de la sauver du viol cinématographique en s’identifiant à elle par la substitution, ou bien en approuvant/créant sa version vengeresse à l’image : la femme-araignée ou Catwoman.

 

On assiste alors à la curieuse métamorphose de la coquine et innocente pin up en femme-tigresse qui a caractérisé pendant tout le XXe siècle les représentations universelles des femmes. Ce passage n’est pas à proprement parler chronologique, car il existe un constant va-et-vient entre les deux images de la même femme violée. La différence entre la pin up et la femme phallique, c’est celle qui est établie par exemple entre le personnage d’Augustine et celui de Louise dans le film « Huit femmes » (2002) de François Ozon : Augustine (Isabelle Huppert) est l’actrice hollywoodienne des années 1930, encore vierge et frustrée ; Louise (Emmanuelle Béart), au contraire, incarne la vamp dangereuse qui sait ce qu’elle veut, qui n’est pas là pour faire du tricot, et qui n’accepte plus de se laisser marcher sur les pieds !

 

Fini de jouer les figurantes de films d’épouvante. Après avoir été violée à l’écran, la femme-objet va violer à son tour : violer un terrible secret (elle devient un détective privé, habillé en robe de soirée à paillette, qui va ruser pour aller chercher les microfilms cachés dans le bureau du Docteur No), violer un couple (elle joue son rôle de garce à merveille), violer la vie privée des autres (c’est son métier d’espionne qui l’exige), violer ses ennemis (elle en vient à tuer : légitime défense féminine), violer les interdits (elle est courageuse car elle est prête à salir son image de fille sainte devant les caméras du monde entier « pour la bonne cause »), se violer elle-même (elle couche à droite à gauche, elle pose dans des magazines pornos, se suicide). La femme phallique, c’est une professionnelle polyvalente qui sait apparemment « tout faire », comme les candidates de télé-réalité : avoir l’esprit de répartie, répondre aux interviews, chanter, danser, et être sexy. L’idole de la communauté homosexuelle, c’est la catcheuse, l’amazone, la femme-cow-boy, la Drôle de Dame, la digital beauty des manga japonais, la guerrière de Heavy Metal, la Catwoman agile pratiquant les arts martiaux, la femme-araignée sanguine, la croqueuse d’hommes, la working girl entreprenante.

 

Album "Elles et lui" d'Alain Chamfort

Album « Elles et lui » d’Alain Chamfort


 

Beaucoup de personnes homosexuelles se sont mises à aduler l’icône du danger sexuel, la femme géante fellinienne, avec un corps démesurément long et imposant, des jambes interminables, des seins énormes et pointus, et des mains crochues comme celles de la femme-panthère. Leur femme idéale est machiavélique et impérieuse grâce à l’artifice naturalisé. C’est la méchante gothique des dessins animés de Walt Disney, la reine-mère un peu cinglée mais simulant magistralement sa démence, la bourgeoise « facho » incomprise, la « disco queen » aimant le flamenco et par qui le scandale arrive, la femme mûre gardant une classe époustouflante pour son âge, la grande diva au porte-cigarettes et à la voix rauque, la châtelaine cruelle et orgueilleuse, la mégère hystérique qui pique des colères homériques dans le secret de son donjon, la sorcière sophistiquée capable de sacrifier sa beauté pour assouvir une terrible vengeance, la dame de fer aux yeux très maquillés, la Bianca Castafiore lesbienne et suicidaire exigeant que le monde se mobilise pour retrouver son diamant perdu, une espèce de cauchemar de belle-mère portant des talons aiguilles et des cols de duchesse, une synthèse de toutes les stars vieillissantes et méprisantes avec leurs admirateurs, la diseuse de bonne aventure, la cartomancienne tout de mauve vêtue, la dangereuse mante religieuse qui répudie les prétendants sans état d’âme, la grande gamine capricieuse qui refuse de vieillir, l’actrice homophobe et surtout follophobe, la « célibattante » sortant ses griffes à tout moment et prétendant prendre efficacement la place des hommes dans la société… bref, la femme imagée qui se rapproche le plus de la majorité des femmes lesbiennes qui la copient tout en la rejetant.

 

Comme éthiquement cette mutante cinématographique incarne leur idéal esthétique bien avant leur fantasme de viol, beaucoup de personnes homosexuelles vont la convertir en sainte. Elles se plaisent à cracher sur les supposés hommes machos hurlant « Salope ! » à leur femme qu’ils « engrossent » au lit, mais elles ne font guère mieux : la seule différence, c’est qu’elles formulent la même injure à la gent féminine, cette fois avec un sourire béat et les yeux remplis d’étoiles, pour gommer leur offense faite aux femmes réelles par l’idolâtrie pour la femme-objet crucifiée en pin up ou en pétasse gothique.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

Film "El Beso De La Mujer-Araña" d’Héctor Babenco

Film « El Beso De La Mujer-Araña » d’Héctor Babenco


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité apparaît fréquemment la femme-araignée ou Catwoman, celle qui a été violée, et qui sort ses griffes de féline pour se venger de ceux qui ont ou auraient abusé d’elle : cf. la pièce Le Gang des potiches (2010) de Karine Dubernet (avec Nina, la lesbienne, déguisée en Catwoman pour faire le hold-up), le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Batman, le Défi » (1992) de Tim Burton (avec Michelle Pfeiffer en sublime chatte), le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le roman La Lionne (1948) de Yukio Mishima, le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson (dans lequel Zize, le travesti M to F, à la fin de son spectacle, porte une robe noire à lambeaux noirs qui lui donne l’air d’une araignée), le film « Premières Neiges » (1999) de Gaël Morel (avec la femme-tigresse), le film « Une belle tigresse » (1971) de Brian G. Hutton, le vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer (avec Libertine qui retourne le fouet de la sentence contre son bourreau), le film « Cat People » (« La Féline », 1942) de Jacques Tourneur (avec Iréna, la femme-panthère), le roman Tántalo (1919) de Díez de Tejada (avec le personnage de « La Gata »), la comédie musicale Fame (2008) de David de Silva, la pièce String Paradise (2008) de Patrick Hernandez et Marie-Laetitia Bettencourt (avec les quatre vénéneuses call girls), la chanson « Les Mantes religieuses » de Jann Halexander, le film « Ilsa, tigresse du goulag » (1977) de Jean Lafleur, le film « Catwoman » (2005) de Pitof, le film « Dynamite Jones » (1973) de Jack Starrett, le film « Coffy, la Panthère noire de Harlem » (1974) de Jack Hill, le film « Friday Foster » (« La Panthère est de retour », 1975) d’Arthur Marks, le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet, la série de toiles Bêtes humaines (2003) d’Éric Raspaut, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato (avec la figure de l’homme-araignée), le vidéo-clip de la chanson « Shame On U » d’Ophélie Winter, le vidéo-clip de la chanson « Fucking Bitch » de Samy K et Diva Avary, la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne (avec Sharon, l’héroïne lesbienne, en tenue de panthère), la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau (avec Lola la tigresse), le film « Un Tramway nommé Désir » (1950) d’Élia Kazan (avec la prostituée), le film « Tatouage » (1966) de Yasuzo Masumara (avec le personnage d’Otsuya), la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, la chanson « Drôle de Creepie » de Lisa, le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi (avec le Rouquin gay, habillé de « son imperméable imitation panthère », p. 109), le vidéo-clip de la chanson « Too Much » des Spice Girls (avec Victoria Beckham, une icône gay très appréciée, et qui est déguisée en Catwoman), le vidéo-clip de la chanson « Too Funky » de George Michael, le roman Bestiario (1951) de Julio Cortázar (avec le mythe de Circe), la chanson « Miss Paramount » du groupe Indochine, le vidéo-clip de la chanson « Tonight’s The Night » de Gina G., le roman Man And Superman (1903) de Bernard Shaw, le vidéo-clip de la chanson « Danse avec les loops » de Zazie, le film « Mignon à croquer » (1999) de Lionel Baier (avec la maîtresse mangeant ses élèves), les films « Myra Breckinridge » (1970) de Michael Sarne et « Sextette » (1978) de Ken Hughes (avec la femme mangeuse d’hommes), la pièce musicale Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi (avec Rosa en femme-araignée, habillée d’un bustier en guêpière), le film « De Vierde Man » (« Le Quatrième Homme », 1983) de Paul Verhoeven (avec la femme-araignée), le roman La Pantera Vieja (1909) d’Antonio de Hoyos, le film « Casanova » (1976) de Federico Fellini (avec également une femme-araignée), la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias (avec le personnage de Royauté, la fille aux multiples tuyaux futuristes), le one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba (avec « Valérie », la chatte de Mme Suzanne, qui se défenestre et qui est comparée à une pute), la chanson « Line » de Nicolas Bacchus (avec Catwoman), la nouvelle « La Servante » (1978) de Copi (il est question d’« un chat péripatéticien », p. 68), la chanson « À force de retarder le vent » de Jann Halexander (avec la voix narrative qui se fait observer par une femme : « Elle me regarde et murmure à son chat… »), le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011) de Karine Dubernet (avec Simone, la grand-mère-tigresse avec une fourrure de panthère), le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky (avec Veronika, la lesbienne tigresse), la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard (avec Bonnard en costume de panthère), la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone (avec le poster de Lady Gaga au mur), la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan (avec Romain Canard qui aime se déguiser en Lady Gaga), le vidéo-clip de la chanson « What I Feels Like For A Girl » de Madonna (avec, au tout début du clip, la plaque d’immatriculation « PUSSY (devant) CAT (derrière) » sur la voiture jaune de la chanteuse), le vidéo-clip de la chanson « Say You’ll Be There » des Spice Girls, le vidéo-clip de la chanson « Beau Malheur » d’Emmanuel Moire, la pochette de l’album « Elles et lui » d’Alain Chamford, la chanson « Sur le fil » de Jenifer, la chanson « Dans l’escalier » d’Élodie Frégé (avec la femme-tueuse en suspension dans la cage d’escalier, et « qui monte, qui monte, qui monte »), la chanson « L’Espionne lesbienne » d’Ange, l’épisode 5 « Circé » (saison 2) de la série Astrid et Raphaëlle (2020), etc.

 

Publicité de parfum de Gai Mattiolo

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À ce titre, le vidéo-clip de la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer constitue un excellent exemple de révélation de l’identité de femme violée qui se cache derrière la femme-enfant-araignée : le Petit Chaperon rouge, après avoir été violée sur la table d’opération par un Loup-Frankenstein, revient sous la forme d’une vieille femme-araignée en béquilles.

 

Vidéo-clip de la chanson "Monkey Me" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer


 

On retrouve les personnages de Vampirella ou de Morticia dans beaucoup d’œuvres artistiques homos : cf. le film « La Famille Addams » (1991) de Paul Rudnick, le film « Les Valeurs de la famille Addams » (1993) de Barry Sonnenfeld, le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar (avec la Victoria Abril psychopathe habillée en latex), le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau (avec une Maria Casarès gothique et vampiresque), la série nord-américaine Dante’s Cove (2006) (avec le personnage de Grace), le vidéo-clip de la chanson « That Don’t Impress Me Much » de Shania Twain, etc. « Goudron organisait tant de salons et de soirées fréquentées par des centaines de personnes ridicules de toutes sortes. Il les collectionnait, vous savez. Et il y avait nom pour chacune. Cette courtisane communiste, Madame Kortovsky était ‘Le Ballon rouge’ et Francœur, l’éditeur catholique, était ‘La Mante religieuse’. Picasso était ‘Le Minotaure’ et vous ‘Le Prince noir’. » (le pervers Comte Smokrev s’adressant à Pawel Tarnowski, au sujet de son mécène homosexuel Goudron, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 308)

 

La référence à la veuve noire est également omniprésente à travers la fantasmagorie homosexuelle : cf. le film « Un Mariage de rêve » (2009) de Stephan Elliot, le film « Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961), de William Wyler, les chansons « Alice » et « La Veuve noire » de Mylène Farmer, le recueil de poèmes Le Condamné à mort (1942) de Jean Genet, la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan (avec Isabelle, la concertiste, qualifiée de « veuve noire » par Romain Canard, le coiffeur gay), etc. Par exemple, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, Bacchus présente Arachnée comme « spécialiste en broderie ».
 

Film "Elena" de Nicole Conn

Film « Elena » de Nicole Conn


 

Dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien, Dallas, l’assistant-couturier homo de la créatrice Cecilia, veut mettre hors d’état de nuire Hélène, la première d’atelier concurrençant Cecilia, et décrit sa stratégie arachnéenne pour s’en débarrasser proprement : « Je sais ! Je l’intimide avec mes ciseaux crantés, je la saucissonne à la dentelle de Calais, et je la planque dans un rouleau de taffetas noir. Tout ça avec des gants : pour ne pas laisser d’empreintes. »

 

La femme-araignée est parfois la mère symbolique du héros homosexuel : « Ma mère travaille en usine en haut des fils en bobine. Dans les nuages, elle va, elle rêve. » (Rosa dans la pièce musicale Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi) ; « Maman, tout en cuir, des pieds à la tête… » (Michel Hermon dans le spectacle-cabaret Dietrich Hotel (2008) de Michel Hermon) ; « La femme-araignée m’a montré du doigt un chemin dans la forêt… » (Molina, le héros homo du roman Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de Manuel Puig, p. 264) ; « Maquillage de la Mère : de longues rides mauves, très nombreuses comme une toile d’araignée sur la figure. Ou une voilette. » (cf. le commentaire du premier tableau de la pièce Les Paravents (1964) de Jean Genet) ; etc. On retrouve curieusement la même idée dans une des pièces des frères jumeaux Botti, L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) : « Je suis la route qu’elle m’a indiquée. » (Monsieur Charlie) Dans le roman Soie sauvage (2004) de Fabienne leloup, la femme-araignée est en lien avec l’inceste : c’est la sœur de Barbara l’héroïne lesbienne qui ressuscite dans le tatouage de mygale de celle-ci. Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Diane, la mère possessive de Steve (le héros homosexuel), porte le parfum Eau sauvage de Christian Dior, et un tatouage de lion sauvage sur le bras. Elle est présentée comme la réincarnation de Diane chasseresse (« Sècheresse comme elle le dit elle-même). Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Solange, la machiavélique belle-mère porte un pantalon panthère. Elle viole l’un des héros homosexuels, Julien. Plus tard, il est question d’une autre prostituée, cette fois russe, Katouchka, qui est surnommée par Yoann l’amant de Julien « Catouchatte », par jalousie. Celle-ci aurait couché avec Julien, et fait des défilés pour Karl Lagerfeld, à poil, « avec un diamant à la place de la chatte ». Solange finit aussi par violer Yoann et par se faire faire un gosse avec lui.

 

Film d’animation "God, Guns and Queers" de Tom de Pékin

Film d’animation « God, Guns And Queers » de Tom de Pékin


 

Le héros homosexuel, qu’il soit homme ou femme d’ailleurs, se définit très souvent lui-même comme la femme-araignée, une héroïne incapable d’aimer dans le bonheur (c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai d’abord choisi pour titre du site de mon livre L’Araignée du Désert… en hommage à cette conscience du viol homosexuel commémorée inconsciemment par toute la culture homo-érotique) : « Toi, tu es la femme-araignée, qui attrape les hommes dans sa toile. » (Valentín parlant à son amant Molina, dans le roman Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de Manuel Puig, p. 245) ; « Je songeais à ces graciles giclées que j’avais vues un jour sourdre du corps de Sylvia. Je la caressais, et soudain jaillit de son sexe un petit jet arachnéen et limpide. » (Laura s’adressant à sa compagne Sylvia, dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 165) ; « Vous serez à guetter Ashley Hamilton comme une araignée guette sa proie. » (la nourrice noire Mama à Scarlett O’Hara dans le film « Gone With The Wind », « Autant en emporte le vent » (1939) de Victor Fleming) ; « Dalida, l’orchidée noire, la maudite, la veuve noire, le monstre à deux têtes, Luigi, Lucien, Richard, pris dans un lien inextricable. » (l’actrice jouant la chanteuse Dalida, dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; etc.

 

Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, il y en une mention à la Femme-Araignée (icône homosexuelle du danger sexuel) qui est assez incroyable de précision. Frankie, le héros homo, danseur pro qui imite souvent l’araignée dans ses chorégraphies, monte sur un arbre dans un parc urbain, et dit texto à son amant Todd : « Je suis Toile d’Araignée », pour le charmer.
 

Film "Test" de Chris Mason Johnson

Film « Test » de Chris Mason Johnson


 

Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Élisabeth est décrite comme une « araignée nocturne ». Dans le roman Le Garçon sur la Colline (1980) de Claude Brami, l’araignée est à la fois la mère de Pascal (il la définit comme « son ennemi héréditaire », p. 163) et son amant homosexuel (« Pierre Gravepierre, l’araignée », p. 265). Sébastien l’homosexuel est aussi la femme-araignée de la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy. Dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer, Janine est traitée de « mygale » par Simone.

 

Mel B (Spice Girls) dans le clip "Say You'll Be There"

Mel B (Spice Girls) dans le clip « Say You’ll Be There »


 

Très fréquemment dans les fictions, le héros homosexuel semble vouloir incarner la féminité attaquante, « dangereusement belle », la femme rebelle et guerrière défiant l’autorité d’un méchant tyran, pratiquant les arts martiaux : cf. le film « La Revanche d’une Blonde » (2001) de Robert Luketic, le film « Fatale Femme » (1985) de Claudia Schillinger, la pièce Antigone (1922) de Jean Cocteau (avec Antigone s’érigeant contre Créon), le roman Adrienne Mesurat (1927) de Julien Green, « Blonde Cobra » (1959-1963) de Ken Jacobs, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz (avec Shéhérazade en lutte contre un tyran), la pièce Judith et le Tyran (1943) de Pedro Salinas, les chansons « Tristana » et « Désenchantée » de Mylène Farmer, les chansons « Alertez Managua » et « Cao Bang » du groupe Indochine, la pièce Mariana Pineda (1927) de Federico García Lorca (avec Mariana combattant vaillamment l’absolutisme de Ferdinand VII), le film « Les Amants diaboliques » (1943) de Luchino Visconti (avec Giovanna face à son mari tyrannique), la comédie musicale La Périchole : la Chanteuse et le Dictateur (2007) de Jérôme Savary, le film « The Warrior’s Husband » (1932) de Walter Lang, le film « Women In Revolt » (1971) de Paul Morrissey, la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton (avec, à la fin de la pièce, Doris, l’héroïne lesbienne habillée en combinaison noire comme Catwoman), etc.

 

B.D. "Araña Negra"

B.D. « Araña Negra »


 

L’icône du danger sexuel féminin est un leitmotiv de la fantasmagorie homosexuelle. Par exemple, dans la pièce Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, Ariane, le mannequin travesti, opère une marche qu’il baptise « the catwalk » ; ce one-man-show finit en plus sur le générique du manga Cat’s Eyes… Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Katja, la meilleure amie de Phil, le héros homo, est surnommée « Kat » et vampirise ce dernier : « Tu sais que j’ai une sacrée intuition. » (Katya) « Tu ne peux pas manipuler mes pensées. […] Bon, ok, tu peux. » (Phil, s’avouant vaincu) Dans le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues, Pedro est fan d’arts martiaux et a des posters de Bruce Lee dans sa chambre. Dans les films « Willow Springs » (1973) de Werner Schroeter, « Les Diaboliques » (1954) d’Henri Georges Clouzot, ou encore « Huit femmes » (2002) de François Ozon, le thème de la vengeance organisée des femmes contre la gent masculine est repris. Dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, Julie, en Catwoman athlétique, fait une prise de judo à Romain, un automobiliste macho : « Quatre-vingt-dix secondes qui ont suffi à Romain pour être frappé par un coup de foudre. » (p. 92) Dans la pièce La Cage aux folles (1973) de Jean Poiret (dans la version 2009 avec Christian Clavier et Didier Bourdon, Zaza Napoli est comparé(e) à la fée Carabosse, et joue la dangereuse Catwoman sortant ses griffes : « I’m so glamourous, so dangerous… ») Dans le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier, quand César (l’hétéro lourd-dingue) demande à Kim, l’héroïne lesbienne (Muriel Robin), quel parfum elle s’est mis, celle-ci, pour couper court au compliment, lui sort : « C’est MIAOU de chez GOUDOU. » Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, la chatte de Cindy (la fille à pédé), baptisée « Jackie Quartz » comme la chanteuse, a ses humeurs et griffe… Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria va voir au cinéma un film dans lequel Jo-Ann, sa jeune et future partenaire de théâtre avec qui elle joue un couple lesbien, interprète une super-héroïne aux pouvoirs destructeurs (cette héroïne a d’ailleurs été violée par Sargone, et ses pouvoirs s’origineraient donc dans ce fait). Dans le film « Sing » (« Tous en scène », 2016) de Garth Jennings, Rosita fait sa chorégraphie avec Gunther, le cochon homosexuel, déguisée en Catwoman.

 

Lithographie d'une femme-panthère

Lithographie d’une femme-panthère


 

Il est très étonnant de voir la fascination qu’exerce Catwoman ou la mante religieuse mangeuse de mâles dans les fictions homo-érotiques : la gentille pin up innocente a laissé place à sa version vengeresse, et les réalisateurs homosexuels semblent trouver cette métamorphose terriblement excitante, glamour. « Sois féline ! » (Anne-Lise à son amie Marcy, dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim) ; « Assise sur le canapé, elle lisse sous ses doigts les éraflures laissées dans le cuir par les griffes de son vieux chat, mort la veille. » (cf. les toutes premières lignes décrivant Gabrielle, l’un des deux héroïnes lesbiennes du roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 10) ; « La nuit, on éteint la lumière en string panthère. » (Fred en parlant de son couple avec Max, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « À 17 ans, je suis devenu une femme-reptile. » (un des personnages gay de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je suis comme la lionne dans la savane. » (Pretorius, le vampire homosexuel de la pièce-récital Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Derrière la faible femme que tu vois se cache une lionne qui sait se défendre. » (Marina, le travesti M to F, dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud) ; « Des filles contre des filles (connue sous l’appellation de catfighting, ou plus vulgairement de crêpage de chignon). » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 24) ; « Les soirées d’école de commerce, où des dizaines de gazelles attendent désespérément lions et guépards, en tenue de tigresse. » (idem, p. 153) ; « La jeune voleuse sait exactement où elle doit se placer pour trouver la bonne bouche d’égout. […] Experte, elle arrive à entrer sans trop de difficultés au royaume des rats. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 164) ; « Si j’abandonne les études, je me mettrai au karaté : ce sport est génial. Ton père trouverait bizarre qu’un jeune homo aime les arts martiaux, mais ma passion est sincère. » (Chris à Ernest dans le roman de La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 119) ; « Je suis une femme et je vous emmerde. » (Jenny, le héros transsexuel M to F, dans le spectacle musical Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte) ; « Dans sa chambre morbide. Au-dessus de son lit, une affiche sublime. Catwoman y est allongée sur un vieux lit très kitsch, embrassée dans une combinaison noire, frôlant avec ses mains gantées, aux dix doigts affûtés par de fausses griffes en fer, sa chatte obscure miss Kitty. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite en 2003 par un ami) ; « Si Catwoman avait pu sortir de l’affiche, elle aurait égorgé les amants de ses griffes. […] C’eût été fort jouissif. […] Mais Catwoman devait rester idole. Elle n’avait pas le droit de sortir hors de l’affiche, ne pouvait que voir en silence les amants se dégoûter. » (idem, p. 31) ; « Je ferai comme une fille qui se défend, une fille qui perd son sang. » (cf. la chanson « Le Grand Secret » du groupe Indochine) ; « La Veuve Nance m’avait en horreur ; elle me méprisait ; elle aurait préféré rencontrer une armée d’araignées plutôt que de me voir surgir derrière les roses trémières. » (Garnet Montrose, le héros homo du roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 33) ; « Nous sommes les héritières des amazones. Nous, les femmes au cœur de lionnes, les coups de griffes on vous les donne. » (cf. la chanson « Amazones » du groupe L5) ; « Les femmes fatales sont en général narcissiques ou lesbiennes, frigides avec les hommes. Elles ne jouissent que si elles en ont envie, donc pas souvent, c’est ce qui fait leur force. » (Nathalie dans le film « Choses secrètes » (2002) de Jean-Claude Brisseau) ; « Christian vit se confondre devant ses yeux Jacqueline, en tenue sportive, et Linda Davis, habillée en peau de léopard, qui s’acharnaient à coups de canifs sur son visage ; elle lui coupèrent les oreilles, le nez et les lèvres avant de lui arracher la langue et de lui crever les yeux. » (cf. la nouvelle « La Césarienne » (1983) de Copi, p. 73) ; « Elle [Marilyn-Garbo] nous reçoit habillée d’une robe noire tressée avec des cheveux humains. […] Elle fume une cigarette de hasch derrière l’autre dans un fume-cigarette également noir ainsi que sa perruque, on dirait une perruque de la tête aux pieds à part les sabots rouges. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 52) ; « Jolie s’empara d’une brosse d’argent et le frappa sur la tête. Le Sénateur tomba la tête la première dans l’eau. » (Copi, La Vie est un tango (1979), pp. 27-28) ; « C’était Jolie. En robe en soie très décolletée à l’imprimé façon zèbre, un manteau de léopard sur les épaules, le visage en partie dissimulé derrière d’immense lunettes noires. » (idem, pp. 73-74) ; « Tu m’aimes encore après ce que je t’ai fait ce matin ? demanda Jolie à Silvano. Je suis comme ça : quand j’aime un homme à la folie, j’ai envie de le frapper après avoir fait l’amour. » (idem, p. 74) ; « Haut les mains, dit la voix douce mais persuasive de Jolie. Elle avait sorti un pistolet de son sac. Postée dans l’encadrement de la porte, elle menaçait tout le monde. » (idem, p. 77) ; « L’ascenseur s’arrêta encore une fois pour s’ouvrir sur une femme aux épaules carrées, coiffée d’une grossière perruque de guanaco blanchâtre, vêtue d’une tunique noire comme celle des prêtres mais en tissu léger et laissant apparaître un tailleur gris uni de chez Chanel et un foulard rayé gris sur gris de chez Grès, les jambes gainées de bas strictement beiges et chaussée d’escarpins en crocodile noir. Elle ressemblait un peu par l’expression à la mère de Vidvn, en plus absente […]. » (Gouri dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, pp. 79-80) ; « Quand je me réveille, je peux dire que j’ai fait la plus belle trouvaille de ma merdique existence : j’ai rencontré la Vénérable. Une petite vieille toute fripée de rides intelligentes. Avec deux rayons verts dans le regard. Comme depuis toujours, à cette aube elle m’apparaît sur fond noir, assise dans un fauteuil tapissé de velours rouge. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 96) ; « Il me disait aussi, à quoi ça sert d’avoir des ongles si c’est pour ne pas les peindre ? Je lui expliquais que c’était en fait des résidus de griffe… Le jour où il m’a griffé avec sa french, il a bien vu que j’avais raison… » (une femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc devenu homo, dans la pièce La Fesse cachée(2011) de Jérémy Patinier) ; « Le Cheshire Cat, c’est moi. » (cf. la chanson « Cheshire Cat » de Nolwenn Leroy) ; etc.

 

Par exemple, dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral, Paola nous apprend la « technique de la griffe » pour séduire. Dans son one-woman-show Chaton violents (2015), Océane Rose-Marie raconte que Craquinette est l’incarnation d’une actrice fatale qui fait sa star. Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Omar, avec son peignoir léopard, est l’amant-tigre (d’ailleurs, il fera porter ce peignoir à tous ses amants). Dans le film « Camping 2 » (2010) de Fabien Onteniente, Patrick Chirac, avec son débardeur rose, est surnommé « La Panthère rose » par Jean-Pierre. Dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, le baron homosexuel Lovejoy demande à Elliot d’imaginer que Mimi « se change en divine panthère ».

 

Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, accueille dans son avion une drôle de passagère à mobilité réduite, Mme Schmidt : une femme qui, en fait, marche tellement vite et se déplace si discrètement qu’elle ne fait que des cochonneries (elle pisse et défèque partout dans les toilettes de l’avion) et des bêtises sans que le steward puisse la contrôler. Il lui a proposé de voir un film sur une veuve noire, « Autant en emporte le vent », mais rien n’y a fait. Il finit par la traiter de « salope et la décrit comme une dangereuse arachnide : « On aurait dit une araignée qui dansait. »
 

B.D. What A Wonderful World (2014) de Zep (planche : "Le Sexualité compliquée des Super-héros")

B.D. What A Wonderful World (2014) de Zep (planche : « Le Sexualité compliquée des Super-héros »)


 

Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, Groucha est l’incarnation de la féminité fatale qui va engloutir l’unique vrai hétéro mâle de l’histoire, Yvon : « Quand la porte s’est ouverte, je suis resté planté devant elle comme une grosse merde. Elle portait une robe noire moulante et décolletée, qui faisait ressortir sa peau laiteuse, ses seins pareils à deux blocs de beurre frais. Aux pieds, elle avait des mules en soie noire, avec un liseré genre plumes d’autruche de la même couleur. Elle avait des ongles vernis eux aussi de la même couleur, enfin si on considère que le noir est une couleur, aussi bien ceux des mains que ceux des pieds, comme j’ai pu m’en rendre compte quand elle a négligemment fait glisser sa mule gauche pour caresser son mollet droit avec ses orteils. Sa tenue, ça faisait limite pute du quartier rouge à Amsterdam, sauf que sur elle c’était superclasse, je sais pas comment vous dire, elle était superbelle, et superflippante. Je m’assois sur le tabouret en ébène. Elle m’apporte un verre avec une substance un peu trouble dedans, genre sirop d’orgeat ou de gingembre, vous voyez ce que je veux dire ? Je lui demande ce que c’est. Elle me dit de deviner. Je goûte. Un machin indescriptible. Amer, mais avec une note de citron, de sucre, et un arrière-goût un peu fade aussi, limite farineux, sauf que la farine ça a pas de goût, alors je dirais limite lacté, mais plus comme du lait en poudre que comme du vrai lait. Je lui dis que je ne devine pas. Et alors là, véridique, elle me fait : ‘C’est un philtre d’amour.» (pp. 262-263) ; « les aréoles des seins qui pointent sous le tissu, qui ont l’air de vouloir le transpercer […] » (p. 264) ; « Elle me paraît minuscule, et comme en hauteur, au sommet d’une montagne, parmi les neiges éternelles. Pour couronner le tout, elle a beau être assise immobile dans le canapé, j’ai l’impression qu’elle remue ses hanches, qu’elle ondule de droite et de gauche, comme si elle faisait la danse du ventre, avec des oscillations de sirène, des variations régulières de courbe sinusoïdale. Vu d’ici, ça fait plein de petites étoiles scintillantes. L’image se décompose, à travers une sorte de filtre brumeux, un diamant taillé ou un kaléidoscope, comme dans les films psychédéliques ou les premiers épisodes de Columbo. » (p. 264) ; etc.

 

Autre exemple. Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2012) de Christophe et Stéphane Botti, Chloé, la rousse, a une grosse piqûre d’araignée sur la jambe gauche. On découvre au fur et à mesure que celle-ci l’a transformée entièrement en femme-araignée : « J’aimerais tatouer le mot MYSTÈRE… le mot DÉSIR […]. Je suis gymnaste. […] Vais-je à mon tour me transformer en insecte vorace ? […] Je suis encore vierge. Je ne le fais pas exprès. Si j’étais une araignée, je prendrais Martin dans mes fils de soie. » Face à Martin, le héros sur qui pèse pendant toute la pièce une forte présomption d’homosexualité, Chloé incarne la féminité fatale repoussante : « J’te fais peur ? Tu voudrais me tenir dans tes bras pourtant… »

 

Spectacle "Cabaret Brecht Tango Broadway" d'Alfredo Arias

Spectacle « Cabaret Brecht Tango Broadway » d’Alfredo Arias


 

C’est parce que leur acte de vengeance misandre (le viol sur le viol) est avant tout cinématographique et non-effectif que certaines Catwomen homo-érotiques – très lesbiennes d’ailleurs – en arrivent à tourner leur violence en auto-dérision camp ou en éclat de rire à la « What did you expect ? » de Nicole Kidman : « Nous ne sommes pas méchantes, même quand nous faisons des choses terribles. » (Catherine dans le film « Suddenly Last Summer », « Soudain l’été dernier » (1960) de Joseph Mankiewicz)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Brunö

Brunö


 

Il existe un lien fort entre Spider-woman (la classique figure de la Vamp, née au début du XXe siècle) et Catwoman. Par exemple, Albert Bensoussan, lors de la soutenance de thèse H.D.R. La « folle » révolution autofictionnelle : Arenas, Copi, Lemebel, Puig, Vallejo de Lionel Souquet à la Sorbonne (Paris) en 2010, a fait la naturelle analogie femme-araignée/femme-panthère. Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Celia se déguise pour la soirée costumée en souris, mais ressemble finalement à Catwoman, « une espionne volant les bijoux des femmes des beaux quartiers »

 

Je vous renvoie également à l’article « Le Défi d’Arachné ou le féminin réparateur » de l’essayiste lesbienne Marie-Jo Bonnet, dans le catalogue Métamorphoses (2010) de Mireille Honein. Certains articles désignent Catwoman comme bisexuelle.

 

Création de Thierry Mugler

Création de Thierry Mugler


 

Aussi étonnant que cela puisse paraître, beaucoup de personnes homosexuelles rêvent d’incarner la femme-araignée ou la femme-tigresse, soit pour donner corps à un viol qu’elles ont réellement vécu et qu’elles souhaitent venger/camoufler, soit pour rentrer dans la peau d’une héroïne de B.D. toute-puissante au moment où leur identité s’effondre et qu’elles pensent que le statut de victime sublimée par le cinéma va leur permettre de se faire remarquer : « Je ne ferai pas la position de la lionne sur une râpe à fromage. » (Clara, une des femmes lesbiennes du documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau) ; « Robes entièrement pailletées, robes fourreaux en lamé, tailleurs stricts ou ensembles de peau de panthère, à la manière des stars de Hollywood : il y en a vraiment pour tous les goûts. » (Jean-Louis Chardans décrivant les travestis M to F, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 34) ; « J’ai toujours préféré Catwoman avec son ‘Je me sens très miaouwww miaouwww’ ! » (cf. un commentaire lu le 6 novembre 2011 sur le mur Facebook d’un ami homo) ; « Hmmm, là, c’est le passage où Catwoman est en train de se promener dans les rues et griffe les vitres des vitrines, alalalala, qu’est-ce que je ferai pas pour faire un transfert de personnalité, qu’est-ce que je ferai pas pour faire de ma vie un film passionnant, pour faire de moi un personnage exceptionnel, un personnage capable d’aimer quelqu’un et de pleurer la personne qu’il aime et pas pleurer l’image virtuelle de cette personne qu’il avait voulu aimer. » (un mail personnel que m’a écrite un pote gay que j’ai connu à Angers, en 2002) ; « Elle était petite de taille, sans âge et portait des habits noirs. Elle était sans doute une mendiante et elle avait hérité d’un certain pouvoir. Elle savait faire. Elle savait toucher. […] Elle était entrée en moi, dans mon esprit, mon âme lui appartenait, elle la regardait avec douceur, avec brutalité. […] Et enfin, de sa main droite, elle a bouché mes narines. Plus d’air. Le grand sommeil. Le noir paisible. […] La dame en noir a lâché mon nez et de sa bouche a soufflé sur moi. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 93-94) ; « Il voudrait être ce ‘piège à hommes’ qu’est Liz [Taylor], ‘un mélange troublant de force et de détresse’, ‘ces bad girls un peu déséquilibrées’. Il partage d’instinct avec cette femme située entre la réalité et la fiction une certaine douleur d’exister. » (Virginie Mouseler parlant de son ami homo Éric, dans l’essai Les Femmes et les homosexuels (1996), p. 153) ; « Ce jour-là, une envie de meurtre flottait comme un parfum vénéneux chez Concha Bonita. Elle dormait tranquillement sans soupçonner combien ceux qui l’entouraient souhaitaient la voir disparaître à jamais. Ses cheveux dessinaient des arabesques sur l’oreiller argenté. Ses traits étaient parfaitement harmonieux. Elle avait victorieusement résisté aux années. Concha était belle comme un félin sauvage, sans âge, puissant, toujours prêt à bondir. » (Alfredo Arias en parlant du transsexuel M to F Concha Bonita, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 30) ; « Il ne restait plus aucun lien entre l’homme athlétique et la femme féline, douce et diabolique qu’il était devenu. » (Arias en parlant de Jorge Pérez, op. cit., p. 34) ; « Je suis une fan de Sandokan, le tigre du Bengale. » (Mirna, op. cit., p. 209) ; « Elle [Cecilia] contempla sans se lasser la peinture de son fils. Une Mae West pointait entre les feuillages tropicaux, où abondaient fleurs, papillons. À ses pieds, une panthère noire. » (op. cit., p. 229) ; « À la surprise générale, Lola sort de son sac à main un petit revolver et descend le chef de la bande. » (idem, p. 253) ; « Quelques putes aux noms zoologiques, comme la Puce, le Ver, la Panthère, étaient des célébrités sexuelles du coin. » (idem, p. 256) ; « Être homosexuel, être Juif, être Blanc sont les 3 jambes sur lesquelles je marche. J’aime utiliser ma judaïté. » (Steven Cohen, le performer transgenre M to F, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte) ; « Angèle, sculpturale Africaine, ressemble à une lionne avec ses tresses immenses et son collier de dents de tigre : ‘Je suis une prédatrice qui cherche à susciter le vice. Je suis entourée de prédateurs qui ne demandent que cela.’ » (Père Jean-Philippe Chauveau, Que celui qui n’a jamais péché… (2012), p. 255) ; « Elle agit comme un félin qui guette sa proie. Et le moment venu, elle griffe mortellement sa victime. Il ne faut pas que la tigresse rentre dans la maison d’Espagne. » (Pierre Chanut à propos de la reine Christine, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; etc.

 

Film "Batman, le Défi" de Tim Burton (avec Michelle Pfeiffer)

Film « Batman, le Défi » de Tim Burton (avec Michelle Pfeiffer)


 

Il faut déjà savoir que le personnage de Catwoman est né dans la B.D. Batman (1939) de Bruce Wayne, et que celle-ci est particulièrement crypto-gay (elle a d’ailleurs été censurée en temps de maccarthysme aux États-Unis, dans les année 1950, à cause de ses nombreuses allusions homo-érotiques).

 

D’autre part, il est étonnant de remarquer que beaucoup de personnes homosexuelles se prennent de passion pour la figure de l’espionne agile, de Fantômette, de la cavalière en fuite, de la féministe-Courage défiant l’autorité d’un tyran, de la super-héroïne, des magical girls des mangas japonais, de la guerrière-amazone « dangereusement belle », de la femme-araignée pratiquant les arts martiaux, de la James Bond Girl, de Xena la Guerrière (icône lesbienne par excellence). Ce fut mon cas étant petit et adolescent (j’aimais les Cat’s Eyes, She-Ra, Super Jaimie, Fantômette, Alice, les Drôles de Dames, Jeanne et Serge, tous ces dessins animés et ces séries de la féminité conquérante et masquée). Et je ne suis pas le seul. Par exemple, Alex Taylor, dans son autobiographie Journal d’un apprenti pervers (2007), avoue qu’il s’est identifié très jeune à Emma Peel dans la série Chapeau melon et Botte de cuir. Juan Soto, le chanteur espagnol, porte un tatouage de Catwoman. Violette Morris, la sportive lesbienne (1893-1944), est surnommée « la lionne de la Gestapo ». Par ailleurs, l’association LGBT Les Panthères roses a lancé sa première action le 14 décembre 2002 à Paris, lors d’une manifestation contre la guerre en Irak. Je vous renvoie également à la photo de Joseph Caprio avec ses griffes de Catwoman, aux illustrations de Heavy Metal de Boris Vallejo ou de Tonino Liberatore, à la pièce L’Orféo (2009) de Alessandro Striggio (avec la sculpture humaine en forme d’araignée), à la performance Golgotha (2009) de Steven Cohen (avec la femme-araignée), au film d’animation « God, Guns And Queers » (2010) de Tom de Pékin (avec une magnifique araignée à tête de femme, qui sort d’on ne sait où), à la pièce La Pyramide (1975) de Copi (avec la chorégraphie des femmes-panthères dans la mise en scène par Adrien Utchanah en 2010), à l’hallucinante araignée métallique sur laquelle descend la chanteuse Mylène Farmer dans son concert de Bercy en 1996, à toute l’esthétique choisie par Lady Gaga pour se représenter (mais je pourrais vous parler aussi de Rita Hayworth, des Pussycat Dolls, des Spice Girls, de Madonna, de Britney Spears, de Shania Twain, et tant d’autres), ainsi qu’au look très androgyne d’Édouard aux mains d’argent (Johnny Depp) dans le film de Tim Burton (en 1990). « Mes premières héroïnes étaient Catwoman – môme, je la dessinais brandissant son fouet –, Fantômette, Super Jaimie et Wonder Woman. Les ancêtres de Xena, quoi. » (le réalisateur français Julien Magnat dans la revue Têtu, n°69, juillet-août 2002, p. 20)

 

Mylène Farmer, concert Bercy 1996

Mylène Farmer, concert Bercy 1996


 

Il est possible que nous, les personnes homosexuelles, ayons confondu Catwoman avec les femmes réelles. Je vous renvoie à l’étonnant homme transsexuel M to F nommé Baghera. Dans l’émission La Nuit est à vous de France Inter diffusée le 10 mars 2016, André Charbonnier, l’hypno-thérapeute, lie l’arachnophobie avec la peur de se confronter à la mère. Sinon, je vais vous raconter une petite anecdote personnelle. En 2004, lors d’une soirée rennaise où certains de mes amis s’étaient réunis pour se remémorer les dessins animés de notre enfance, une de mes amies bisexuelles, pour rigoler, m’avait susurré à l’oreille, lorsque nous avions entendu par hasard le générique du manga japonais Cat’s Eyes (racontant les aventures de trois athlétiques cambrioleuses) : « Ça, ce sont de vraies femmes ! » Au-delà de la boutade, il y a bien dans ce cliché de Catwoman une confusion (violente) entre fiction et réalité. Autrement dit une affaire très lointaine d’inceste ou de viol, déjà d’un point de vue uniquement fantasmé. D’ailleurs, la femme-araignée ou Catwoman sont parfois considérées comme la mère symbolique : « Minou et elle vivaient en osmose. » (Denis Daniel en parlant de sa mère avec son chat, dans son autobiographie Mon Théâtre à corps perdu (2006), p. 43) ; « Fantômette, Fantômette où es-tu ? J’ai peur… » (Christophe Tison, Il m’aimait (2004), p. 20) Elles peuvent malheureusement être aussi les signes symboliques de l’existence réelle d’une mère biologique incestueuse (ou d’une petite copine peu compréhensive et absorbante), qui instille chez son enfant la peur de la sexualité, autrement dit le désir homosexuel : « Durant ce temps, ma mère ne cesse de tisser autour de ma vie d’enfant un véritable cocon de tendresse mais se garde bien de m’élever en garçon. […] Je n’avais aucune pensée sexuelle à l’égard de l’autre sexe car, pour moi, un être féminin était neutre et je n’aurais su que faire avec lui ; toute femme, pour moi, à cette époque, était une mère. Je surpris néanmoins, un soir, à la campagne, une jeune fille qui se baignait dans un ruisseau, n’ayant pour tout vêtement que sa chemise. Je n’eus pas le courage de regarder bien longtemps et je m’enfuis chez moi pour conter, en toute sincérité mon aventure… à ma mère. C’était la première fois, au cours de mes douze années d’existence, qu’il m’avait été donné d’approcher une femme inconnue… surtout dans une tenue aussi sommaire. Ma mère me fit la morale et brossa pour moi un tel tableau physique et moral des femmes que je n’en dormis pas de la nuit : la femme, la jeune fille… êtres abjects, lâches, sans hygiène ; la nudité… quelle horreur !… surtout chez la femme, cet être perpétuellement maudit… C’est ainsi que, par suite des extraordinaires révélations de ma mère, le sexe féminin me fut à jamais interdit alors que cette même occasion aurait pu doucement me le révéler… […] Tout en me chérissant, ma mère me présentait les relations avec l’autre sexe comme un mal immoral. » (Jean-Luc, homme homosexuel de 27 ans, parlant de ses premières années d’adolescence, à 9-12 ans, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, pp. 76-78) ; « J’avais vite compris que Liane était une fille extrêmement jalouse : une vraie tigresse cette nana ! Sa paranoïa m’excédait ; j’étais constamment épié et cela m’exaspérait. » (Ednar dans le roman semi-autobiographie Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 157) ; etc.

 

Mylène farmer déguisée en araignée maltèque, live 2009

Mylène farmer déguisée en araignée maltèque, live 2009


 

Enfin, certains lieux d’homosociabilité portent des noms de femmes-araignées ou de femmes-panthères : par exemple la boîte parisienne homo La Vénus noire.

 
 

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