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Code n°102 – « Je suis un Blanc-Noir »

Icône 101

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 
 

OREO’S

 

L’homosexualité est à la différence des sexes ce que le racisme ou le déni de la réalité des races est à la différence des espaces : une honte de soi et des autres, un refus de nos limites et des différences à force de sublimer celles-ci. Tout ça sublimé par un semblant de militantisme LGBT anti-homophobie et anti-racisme.
 

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Bien des personnages homosexuels de fictions traitant d’homosexualité expriment le souhait d’être à eux seuls la synthèse raciale de l’Homme blanc et de l’Homme noir, l’allégorie séduisante et humaniste du Métissage. Ils traduisent généralement une fuite du Réel, un désir de toute-puissance, et un élan de fusion mi-aimant mi-violent, présents chez certaines personnes homosexuelles réelles qui, à force de sacraliser les individus de la race supposée « totalement opposée » à la leur, finissent par les mépriser et par chercher à leur dérober leur place de puissants/victimes.

 

À l’heure actuelle, on assiste effectivement à un revival néo-colonialiste via l’homosexualité, revival dont Noirs comme Blancs sont complices.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Noir », « Orphelins », « Homosexualité noire et glorieuse », « Méchant pauvre », « Doubles schizophréniques » et « Amour ambigu de l’étranger » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Vidéo-clip "United Colours Of Bande de Cons" de la chanson "Lo Mejor De Mi Vida Eres Tu" de Ricky Martin

Vidéo-clip « United Colours Of Bande de Cons » de la chanson « Lo Mejor De Mi Vida Eres Tu » de Ricky Martin


 

Certaines personnes homosexuelles ont un rapport mi-passionnel mi-méprisant à la négritude. Non seulement elles adorent les Noirs, et surtout leurs images, mais en plus, elles prétendent les avoir absorbés. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’entre elles se revendiquent colored men alors qu’elles sont pourtant nées blanches. « Dieu est une lesbienne noire » pouvons-nous lire encore aujourd’hui sur les pancartes de certaines Gay Pride. Dans les années 1970 aux États-Unis, prétendre qu’on aime les Noirs ou qu’on est homosexuel, cela revient souvent au même : le slogan « Gay Power ! » se marie très bien avec la défense du Girl Power et du Black Power. Plus qu’une histoire de race précise, le désir homosexuel fait vouloir changer radicalement de peau : par exemple, James Baldwin, Bill T. Jones, ou Michael Jackson, qui sont Noirs, rêvent de devenir Blancs. Ce qui au départ se présente comme un métissage plutôt rigolo vire souvent au racisme primaire et à la haine de sa propre race. Beaucoup de personnes homosexuelles s’approprient des combats pour l’égalité des races et de sexes qui ne sont pas exactement les leurs, tout cela pour légitimer leurs propres intérêts particuliers. Elles ne supportent pas leur propre couleur de peau et prétendent très sérieusement qu’elles sont de la race de ceux qu’elles considèrent faire partie de la « race maudite » ou de la « race bénie ». « Je ne suis pas des vôtres, je suis éternellement de la race inférieure, je suis une bête, un nègre. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972), p. 125 et p. 329)

 

Photographie par Robert Mapplethorpe

Photographie par Robert Mapplethorpe


 

La demande d’inversion entre le masque du Noir et celui du Blanc n’a rien de révolutionnaire, d’émouvant, ou de comique, puisque les différences de couleurs de peau sont des réalités. Au contraire, elle est réactionnaire et eugéniste. Au Noir réel, certaines personnes homosexuelles lui préfèrent ce qu’il représente pour elles. À leurs yeux, il ne suffit pas qu’il ait la peau noire pour être Noir. Il faut qu’il traîne avec lui l’image stéréotypée et misérabiliste qu’elles s’en font : « Pour moi, l’Afrique, c’est une découverte essentielle ! Parce que c’est un continent perdu. Absolument condamné. Je n’écrirais pas s’il n’y avait pas ça. » (Bernard-Marie Koltès cité sur l’article « Bernard-Marie Koltès » de Jean-Philippe Renouard, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2002) de Didier Éribon, p. 277) Elles demandent au Noir de coller en acte, en identité et en mode de vie, à son étiquette médiatico-romantique. « Cultive (l’image de) ta différence ! » serait l’ordre qui lui est implicitement donné. C’est pour cette raison que Jean Genet dit qu’« il faut que les Nègres se nègrent », tout comme Michel Foucault soutient que les personnes homosexuelles doivent « s’acharner à être gay » (Michel Foucault, « De l’amitié comme mode de vie » (1981), dans Dits et Écrits II, p. 982). La communauté homosexuelle n’est pas vraiment attachée aux Noirs mais à un « certain Noir », c’est-à-dire à une allégorie exotique de négritude qui lui barre l’accès au vrai Noir. « Ce que nous aimons, c’est toujours un certain mulâtre, une certaine mulâtresse. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe, op. cit., p. 377) C’est parce que le Noir ne correspond pas parfaitement à son image d’Épinal que certaines personnes homosexuelles finissent, comme Duane Michals, par le traiter intérieurement de « vilain ».

 

La majorité d’entre elles aiment le Noir dans la mesure où il peut les transformer en Hommes maudits. Elles adoptent une curieuse philosophie du métissage puisqu’elles l’associent souvent à l’union sadomasochiste ou bien à la féminité diabolique. C’est la raison pour laquelle, dans leurs films, et parfois dans la réalité concrète, la race noire et la race blanche ne s’unissent que dans la prostitution, l’adversité, ou la mort. Le fantasme homosexuel par excellence semble être de vivre une sorte d’apartheid à distance. Un monstrueux « black or white » digne de Michael Jackson.

 
NOIR-BLANC homophobie
 

Ce qui me semble éthiquement malhonnête dans cette histoire, c’est de faire croire que la différence de couleurs de peau est de la même importance, et de même nature que la différence des sexes, qui elle, concerne la Vie. On peut être de race noire ou de race blanche, cela ne change rien à notre dignité humaine commune, et cela n’a pas d’incidence sur la vie d’un être humain. En revanche, la différence des sexes, quant à elle, est LE facteur déterminant de notre présence sur Terre (… en plus de l’existence de Dieu). Dans le cadre des revendications des « droits des homos » dans lesquelles le respect des Noirs est placé au diapason des revendications d’ordre sexuel, on se sert d’une différence physique qui n’a pas d’enjeu sur la Vie, qui n’est qu’une valeur ajoutée à la Vie, pour la mettre sur le même plan anthropologique que la différence des sexes, et ainsi mieux nier cette dernière… voire même la différence des espaces du coup, car je ne suis pas sûr qu’à trop vouloir se servir de la race noire comme faire-valoir d’un métissage bisexuel universel, on la respecte vraiment.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

Le mixage fusionnel des couleurs de peau noire et blanche est traité dans beaucoup d’œuvres fictionnelles traitant d’homosexualité : c’est le cas de la chanson « Black Or White » de Michael Jackson, la chanson « Soy De La Raza Calé » de Miguel Frías Molina, le film « Black Mama, White Mama » (1972) d’Eddie Romero, le film « Black And White » (2000) de James Toback, le film « Madagascar Skin » (1995) de Chris Newby, le film « Frantz Fanon, peau noire masque blanc » (1996) d’Isaac Julien, le film « Noir et Blanc » (1986) de Claire Devers, la chanson « Je voudrais être blanche » de Joséphine Baker, la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters (on y voit une pancarte « Black and White Unite »), l’affiche du spectacle Calamity Jane : Lettres à sa fille (2009) de Dominique Birien (avec le cheval blanc et le cheval noir), le tableau La Blanche et la Noire (1913) de Félix Valotton, le vidéo-clip de la chanson « Lo Mejor De Mi Vida Eres Tú » de Ricky Martin, la série Orange Is The New Black (2013) de Jenji Kohan, le vidéo-clip de la chanson « How Well I Know » de Whitney Houston, la chanson « Clairvoyant » de Nakhane, la chanson « Oh Lord » d’Aude Henneville, etc.

 

Tableau "La Blanche et la Noire" de Félix Valotton

Tableau « La Blanche et la Noire » de Félix Valotton


 

Certaines créations artistiques racontent la rencontre amoureuse entre un Blanc et un amant Noir, dessinent en quelque sorte les « Couleurs de l’Amour » : cf. le film « Children Of God » (2010) de Kareem Mortimer (avec Roméo, un beau jeune homme noir, et son copain le blondinet Johnny), le vidéo-clip de la chanson « Les Mots » de Mylène Farmer et Seal, la B.D. Pressions & Impressions (2007) de Didier Eberlé (avec Clotilde et sa compagne noire), le film « Loin du Paradis » (2002) de Todd Haynes, le film « The Watermelon Woman » (1996) de Cheryl Dunye, la série nord-américaine Six Feet Under (David, le cadet de la famille est en couple avec un Noir), le film « The Family Stone » (« Esprit de famille », 2005) de Thomas Bezucha (dans lequel Ben a un copain noir), le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier (avec le couple homo Claude Rich/Dieudonné), le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie MacDonald (notamment avec la danse saphique finale entre la mère blanche de Jamie et la voisine noire Leah), le roman Un Amor Fora Ciutat (1959) de Manuel de Pedrolo (avec Miquel, l’amant noir), etc.

 

Certains personnages changent magiquement de couleur : « Il n’est plus un serviteur blanc. Il est devenu un serviteur noir. » (Khalid en parlant d’un domestique noir du Roi Hassan II, dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 14) ; « Ainsi, d’individu de couleur, je devins blanc. » (Pretorius dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Sa vue se brouillait. Il tenta de fixer son regard sur Lacour-Farotte. Ce n’était plus le Président qui s’exprimait mais un masque africain, primitif et impressionnant, qui grimaçait, posé sur le corps de Lacour-Farotte. » (Vincent Petitet, Les Nettoyeurs (2006), p. 241) ; « Il éteignit la lumière, puis tenta de faire une mise au point sur la fenêtre d’en face. […] Il lâcha les jumelles. Il les ramassa et regarda de nouveau. Dans une pièce aux murs couverts de masques africains, Martine Van Decker, immobile, murmurait d’interminables borborygmes en l’observant. » (idem, p. 248) ; « Je m’appelle Jamie Mitchell. J’étais un enfant acteur. Je jouais dans une séré télé, One of the Family. Vous avez déjà vu l’épisode où un riche couple de Noirs adopte un petit prolo blanc à qui ils cachent qu’il est blanc ? [Il se lève pour interpréter à nouveau son rôle de faux Noir]Je suis albinos !!!’. » (Jamie avec son amant Jamie pendant la consultation devant la psy, dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell) ; « La vie est bien étrange. J’ai connu cette fille rue du docteur blanche, une peau noire qui brille. » (cf. le poème « Noire et Blanche » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, p. 35) ; « Je t’adore, ma beauté nègre. » (Prior à son amant blanc, dans la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner) ; « George Washington était une lesbienne noire. » (le professeur d’histoire souhaitant une grande liberté de ton dans ses cours, dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller) ; etc.

 

Tableau de Michel Giliberti

Tableau de Michel Giliberti

 

Le personnage homosexuel blanc exprime le désir d’être Noir : « Un lien entre nous deux, nos origines, existait quelque part dans ce monde, sur cette terre. Un lien où son sang rejoignait le mien, où ma peau et la sienne n’en faisaient qu’une. Une peau noire, forcément. Contrairement à tant d’autres au Maroc, les Noirs ne me dérangeaient pas. » (Omar, le héros homo parlant d’Hadda sa bonne/mère noire, le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 79-80) ; « Je suis l’Afrique où seule la chair déborde. » (Lourdes dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « Je ne suis pas blanc ! » (Johnny, le héros homosexuel blanc s’adressant à son copain noir-ébène Romeo qui le traite de « Blanc maigre », dans le film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer) ; « Avant, sur Terre, on était tous des Re-nois. » (Steeve, l’un des héros homos – le Blanc – dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays) ; « Le Jésus noir est beaucoup plus sexy que le Jésus blanc. » (Lily s’adressant à Éric le héros homo noir possédant un cadre du Christ noir au-dessus de son lit, dans l’épisode 3 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc. Il est fréquent de voir des personnages homosexuels blancs s’arranger physiquement pour ressembler à des Noirs : par exemple, dans la pièce La Tour de la Défense de Copi (mise en scène en 2010 de Florian Pautasso et Maya Peillon), les comédiens s’enduisent de maquillage noir. Dans le film « L’Orpheline » (2011) de Jacques Richard, Eléonore, manchote, va se faire greffer un bras de Noire. Dans le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, la chanson « Tout doucement » de Bibi est play-backée par un travesti blanc. Dans la pièce Guantanamour (2008) de Gérard Gelas, Billy est décrit comme un Blanc « noir », un « fils du blues », un « Noir américain passé au Décap’Four ». Dans l’adaptation théâtrale d’Une Saison en enfer (1873) d’Arthur Rimbaud, par Nâzim Boudjenah en 2008, le protagoniste se peint en noir, et proclame fièrement : « Je suis de race inférieure de toute éternité. » Il se considère même comme plus Noir que les vrais Noirs : « Je suis une bête, un Nègre. […] Vous, vous êtes de faux Nègres ! » Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas, l’un des deux héros homos (blancs), porte un tablier de cuisine représentant un corps nu et musclé d’un homme noir. Quand il s’absente, son copain François l’enfile également. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, s’entend dire : « Vous êtes comme un Nègre. » ; et affirme ensuite : « Je pense que je suis Noir, en plus de Juif. » Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, John, le héros homo, interprète dans la série Hellsome High le personnage d’Adam White qui, pour disparaître de la série, est envoyé par les scénaristes en voyage spirituel en Afrique.

 

Dans son one-woman-show Chatons violents (2015) d’Océane Rose-Marie, Océane, l’héroïne lesbienne bobo blanche, va visiter l’exposition Exhibit B à Paris, expo réalisée en 2014 par un artiste blanc sud-africain mettant des noirs en cages pour symboliser et soi-disant « dénoncer » le racisme… mais sans comprendre que son mimétisme du racisme est en réalité un nouveau racisme puisqu’il a simulé un « zoo humain » avec des vraies personnes noires dedans. Plus tard, quand Océane raconte les années scolaires dures où elle se sentait étrangère aux autres parce que lesbienne, il déclare : « Mon adolescence : un Grand Moment de Solitude. J’étais la Renoi du lycée. »
 

À l’inverse, du Noir vers le Blanc, ça marche aussi ! Le personnage homosexuel noir se grime en Blanc, se blanchit la peau. « C’était mon rôle! » (une femme noire jalousant le chanteur gay blanc présent sur scène, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Quelle chance, mon amour ! Il est blanc ? » (China s’adressant à Rogelio au moment de la naissance de leur fils, dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1992) de Copi ; « Archiblanc ! » lui répond Rogelio) ; « Me mange pas. Tu vas être malade. » (Shirley Souagnon se décrivant comme un « yaourt périmé » face aux hommes, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « J’vais t’en faire bouffer, du produit blanchissant, tu vas voir ! » (Laurent Spielvogel imitant Marie-Louise la femme de ménage noire lesbienne en parlant de lui, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, l’homosexuel noir s’applique un « maquillage pour peau exotique ». Leah, la Noire du film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald, porte des masques de beauté blancs pour ressembler à une actrice blanche. Dans le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, Omar, le Pakistanais noir, monte une blanchisserie. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Ruzy, le footballeur d’origine africaine noire, nie qu’il soit Noir : il soutient qu’il est Brésilien. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, l’hétérosexualité est associée à la race blanche, et l’homosexualité à (la marginalité de) la race noire. En effet, Bernard, le héros homo, raconte son seul et premier vrai émoi homosexuel pour Peter, un jeune homme blanc bourgeois chez qui il servait : « Il ne m’a jamais remarqué. Et il est hétéro… » Dans le vidéo-clip de la chanson « Symphony » (2017) de Clean Bandit, le couple homo formé par deux Noirs fait de la peinture blanche et s’en badigeonne un peu le visage. Se peindre en blanc semble ici signifier « s’homosexualiser » et revêtir sur sa peau noir le sentimentalisme occidental, les bons sentiments des Blancs transposés sur les Noirs.

 

Le personnage homosexuel noir exprime parfois le désir d’être Blanc : cf. le film « J’aimerais, j’aimerais… ou la triste histoire d’Antoine Blanchard » (2006) de Jann Halexander.

 

« Je suis un Blanc-Noir » est exactement le discours du prostitué (celui qui joue au Blanc tout en souhaitant garder son charme exotique de Noir, son identité vengeresse d’autochtone anti-Occidentaux) : « Mon amour pour votre nation / se fait par ma prostitution / Je prends des Blancs de classe moyenne / Question d’amour et d’argent, Maman / Et le luxe est mon meilleur amant / C’est une question harassante, que l’or. » (cf. la chanson « Question d’amour et d’argent » de Jann Halexander) L’homme noir se prend pour un caméléon, un Homme invisible sans couleur attitrée : « Ça va du noir jusqu’au très blanc. » (cf. la chanson « Les gens de couleur n’ont rien d’extraordinaire… » de Jann Halexander) ; « Invisibles, c’est mieux de goûter au luxe de l’indifférence. » (idem) ; « Je suis une photographie en noir et blanc. » (cf. la chanson « Mélancolie toujours » de Jann Halexander) ; etc.

 

Film "The Watermelon Woman" de Cheryl Dunye

Film « The Watermelon Woman » de Cheryl Dunye


 

La croyance raciste qu’une race peut en contaminer une autre par fusion au point de dénaturer les deux couleurs de peau en même temps, dans l’amour comme dans la maladie, est parfois véhiculée. « C’est horrible d’avoir faim. Il y a des gens qui en deviennent tout blancs et qui meurent dans d’atroces souffrances. » (Kanojo, l’héroïne lesbienne noire, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Il aimait ce corps d’homme métis. […] Adrien eut le sentiment étrange de n’être pas le seul à aimer un pareil corps. Il éprouva même une certaine gêne à l’idée que son regard s’inscrivît dans une longue chaîne de regards portés sur l’homme ébène. Désirs de Blancs fascinés par la puissance du corps du Noir, au point de vouloir la lui dérober, la posséder pour eux. N’était-il pas dans son regard comme un fils de colon, fier de tenir pour lui ce corps endormi ? » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), pp. 50) ; etc.

 

Le mélange racial proposé à plus à voir avec la peinture qu’avec le sang (= le Réel), autrement dit avec l’ART d’inversion d’un apprenti sorcier plutôt qu’avec les réalités de la procréation, de la rencontre d’Amour effective, du métissage concret entre deux êtres humains différents et complémentaires : « Et si je mettais une cape en singe noir ? Le singe noir et le cygne blanc c’est très intéressant ensemble. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986), p. 260) ; « Tu t’es toujours demandé si les zèbres étaient blancs à rayures noires, ou noirs à rayures blanches. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 124) ; « Je suis un Nègre-Blanc qui se fait chier à bouffer du cirage. » (un personnage blanc de la pièce Le Cabaret des utopies (2008) du Groupe Incognito) ; etc.

 

La fusion entre le Blanc et le Noir exprime très souvent chez les héros homosexuels l’impression de ne pas exister, d’être invisible. « Moi, maintenant, dans l’obscurité, on me voit. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Je suis en noir et blanc toute la journée. » (le père Raymond gay friendly, avouant son « inhumanité », dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; etc. Par exemple, dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa, de race noire, dit qu’elle se fond dans le fond noir de la scène.

 

Quand le personnage homosexuel change de visage, cela indique en général un mensonge, une imposture anthropologique. Dans le film « Sexe, gombo et beurre » (2007) de Mahamat-Saleh Haroun, par exemple, Dany, l’homosexuel noir, doit se faire passer pour le papa blanc d’un « enfant café au lait ». Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, ce mélange dit la virtualité internétique entre les deux amants Simon (héros blanc) et Bram (héros noir juif). Bram arrive à se signaler amoureusement à son futur amant Simon grâce aux biscuits de la marque Oréo (face blanche, face noire). Et par ailleurs, Madame Albright, la prof de théâtre du lycée noire au nom de famille brillant, est lesbienne et « n’aime pas les hommes ». Dans la série Bref, mon frère est gay d’Anal +, le frère du héros lui roule sur le pied avec sa voiture, et met cela sur le dos de sa négritude alors qu’il est Blanc : « Désolé. Parfois, je conduis vraiment comme un Noir. »
 

Ce désir d’être Blanc-Noir renvoie également à une envie (typiquement bisexuelle/transsexuelle) d’incarner égocentriquement la différence des sexes, d’être Dieu tout seul. « Vincent McDoom, il est métisse : moitié homme, moitié femme. » (Anthony Kavanagh dans son one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out, 2010) ; « Moi, j’suis Africain. J’suis un Rasta-Blanc. » (le fumeur de bédault blanc et bisexuel dans la pièce Bang, Bang, (2009) des Lascars Gays) ; « Sera-t-il fille ou garçon ? Albinos ou maricón ? » (Ahmed en parlant de son fils arrivant au monde dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, p. 359) Dans la pièce La Pyramide (1975) de Copi (mise en scène par Adrien Utchanah en 2010), par exemple, le vendeur d’eau est déguisé en moitié-homme, moitié-femme, chacune des parties étant attribuée soit au maquillage noir, soit au maquillage noir.

 

Souvent, le personnage homosexuel prend la position de l’inter-racé, du marginal sans couleur de peau, situé dans un intermédiaire presque angélique. « Les Noirs, s’ils devenaient blonds, ça deviendrait plus correct. » (Arnold, l’un des héros homos de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; « Depuis tu cueille les fleurs du mâle, heureux de vivre en diagonale comme un fou sur son jeu d’échecs. Allez savoir à quoi ça tient de naître noir, ou blond, ou brun, ou d’être gay. » (c.f. la chanson « À quoi ça tient » de Romain Didier). Il se comporte exactement comme la bourgeoise raciste ET anti-raciste de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier. Il est la figure par excellence de la haine de soi, celle qui nous fait désirer disparaître, être invisible. En effet, le transfert identitaire de races ne se fait pas sans violence. Par exemple, dans le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, Tonia, le travesti, se pique de jalousie pour Jenny, le trans noir, qui porte « sa » perruque blonde. Dans le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, David Bowie est retrouvé cramé dans sa machine à UV. Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel dit qu’il s’est lié d’amitié à l’école avec un certain Julien : « Un Africain blond aux yeux bleus, c’est bizarre, je vous l’accorde. »

 

Le souhait d’être un Blanc-Noir, de condenser en sa propre personne deux races physiquement très différentes, d’incarner solitairement le métissage (alors que celui-ci n’est beau que s’il est le fruit d’un partage d’amour entre deux personnes distinctes), traduit souvent une schizophrénie : je pense par exemple à Nina, l’héroïne lesbienne du film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, qui est mi-ange mi-démon, mi-cygne blanc, mi-cygne noir, et qui résout cette dualité dans la mort. « Si le noir et blanc me fait frissonner, c’est la couleur qui me fait peur. C’est grave Docteur ? » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012)

 

Avoir la peau blanche, ou bien la peau noire, on le voit bien, n’est pas en soi le vrai problème. Ce qui est réellement violent, c’est le désir de changer de peau, de se désincarner, de se déshumaniser, c’est la haine de soi donnant envie au personnage homosexuel de devenir quelqu’un d’autre. Dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, Hadda, la servante noire, souhaite changer de race en couchant avec Sidi, son maître blanc : « Laisse-moi faire revenir mon corps au centre de mon monde. Au contact de la peau blanche de Sidi Hamid. […] Mon corps, il m’a trahie. » (p. 197) On comprend que cette démarche, même si elle est présentée comme de l’Amour, traduit en toile de fond une honte existentielle. Le désir de devenir Blanc/Noir est la marque du viol, ou bien d’un désir de viol, qu’il soit exprimé par la victime ou par le bourreau : « Petit Maître m’a violenté. Nègre Blanc, il m’appelle Nègre Blanc. » (l’homo noir de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel)

 

Par exemple, dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander, le métissage de la race blanche et de la race noire est vu comme une monstruosité : « Les métisses, c’est des bâtards. » ; « Chapitre III : Vaguement noir, vaguement blanc » On y entend à la fois un racisme anti-Noirs voilé, et surtout un racisme anti-Blancs qui sera amorti par la promotion d’une bisexualité matinée de lutte contre l’homophobie.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

BLANC-NOIR The Reception

Film « The Reception » de John G. Young


 

Je vous renvoie à la biographie Un Rajah blanc à Bornéo (2002) de Nigel Barley, au documentaire « Out In Africa » (1994) de Johnny Symons, etc. Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Bertrand s’extasie devant la « monstruosité » d’une toile de Sarriaco représentant un jeune homme noir albinos au « regard furibard ». Celia, la critique d’art qui l’accompagne, voit dans ces Noirs albinos qu’on exhibait dans les cours royales toutes les qualités.

 

Il est assez fréquent de voir des personnes homosexuelles, nées métisses ou se sentant ainsi, vivent en général assez mal le métissage (cf. je vous renvoie à la partie sur les « enfants adoptés » dans le code « Orphelins » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « J’appartenais à ma mère, selon la logique matriarcale. À mon père, d’après ses préceptes, qui d’ailleurs, commentait non sans ironie, que la filiation matrilinéaire n’avait pas de sens pour un garçon, et que le raisonnement de ma mère [blanche et française] était un désastre pour la société africaine. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 14) ; « J’étais, ainsi dit, le ‘moundélé’ du collège, pour ne pas dire ‘blanc’. » (idem, p. 27) ; « Toi, t’es comme un blanc. C’est honteux pour un noir, me répondait-on. L’homme est fait pour la femme, et les enfants pour la continuité du monde… » (idem, p. 62) ; « Ne crois pas que tu fais partie de la race blanche, même si ta mère l’est ! » (Yoro s’adressant à Bertrand Nguyen Matoko dans l’autobiographie de ce dernier, Le Flamant noir (2004), p. 139)

 

Le désir d’être Blanc (quand on est né Noir), ou Noirs (quand on est né Blanc) est plus répandu qu’on ne le croit parmi les membres de la communauté homosexuelle. Parmi mes amis homos blancs, certains m’ont avoué que dans leur enfance, ils avaient souhaité être noirs. Après, du côté des célébrités homosexuelles/bisexuelles, le cas se présente aussi. Par exemple, l’écrivain nord-américain James Baldwin se met dans la peau d’un Blanc pour écrire son roman Giovanni’s Room (1961). Fabrice Emaer, le créateur du Palace, se décrit comme « une blondasse qui travaille comme une négresse » (cf. la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 73). Le rappeur noir gay Mykki Blanco s’est choisi un pseudonyme scénique éloquent ! Le désir d’être une Noire est exprimée par Beatriz Preciado dans le documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra. Dans les années 1930, l’écrivaine Colette tient une rubrique qu’elle baptise « La Jumelle noire » dans une revue appelée Le Journal. Des femmes féministes noires (Gloria Hull, Patricia Bell Scott, Barbara Smith, etc.) ont rédigé en 1982 un essai don’t le titre parle de lui-même : All The Women Are White, All The Blacks Are Men, But Some Of Us Are Brave. Le militant gay Pierre Vallières écrit Les Nègres blancs d’Amérique en 1968. La philosophe Simone de Beauvoir (qui ne dément pas éprouver une attraction charnelle pour les femmes) déclare que « Dieu est noir ». Dans son article « Donner aux morts » (dans la revue Magazine littéraire, n°313, septembre 1993), Paule Thévenin fait allusion chez l’écrivain français Jean Genet à « cet entêtement, à partir d’une certaine époque, à se déclarer non Blanc, à se vouloir à tout prix Colored Man » (p. 36). Le chanteur bisexuel Michael Jackson se fait réellement blanchir la peau. Dans le documentaire « Metamorphosis : The Remarkable Journey Of Granny Lee » (2001) de Luiz Debarros, Granny Lee est un Noir homosexuel qui veut devenir Blanc. Dans le documentaire « Boy I Am » (2006) de Sam Feder et Julie Hollar, Nicco, un homme M to F transsexuel né blanc déclare qu’elle ne veut plus être un « homme blanc ». Dans La Beauté du Métis. Réflexions d’un Franco-phobe (1979), Guy Hocquenghem dit sa haine de « l’homosexualité blanche » embourgeoisée, et se demande s’il n’est pas « né homosexuel […] comme une manière d’être à l’étranger, de lui appartenir et d’être chez lui ».

 

Les noms de scène et les pseudonymes que se choisissent certaines personnes homosexuelles évoquent l’inversion raciale Blanc/Noir, voire la fusion des deux couleurs de peau : par exemple l’écrivain blanc Essobal Lenoir, ou bien le photographe montpelliérain Chocolat Poire, etc.

 

Film "Brother To Brother" de Rodney Evans

Film « Brother To Brother » de Rodney Evans


 

Beaucoup de personnes homosexuelles blanches expriment le désir d’être noires, ou inversement, des personnes homos noires veulent être blanches : « Déjà, petit, je me disais : ‘Je veux être comme mes copains français, j’aimerais être blond. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 119) ; « James Baldwin est homosexuel parce qu’il a toujours désiré être blanc. » (le Roi Jones concernant son ami noir James Baldwin, cité dans le Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997) de Michel Larivière, p. 55) ; « Être trans, c’est un truc de Blanc. » (Norie, un homme M to F transsexuel noir souhaitant devenir un Blanc, dans le documentaire « Boy I Am » (2006) de Sam Feder et Julie Hollar) ; « Cette fascination du Blanc pour le Noir, c’est chez moi de l’ordre du désir, comme l’écriture, profond, mystérieux, fascinant. Souvent je m’interroge sur cette attirance pour l’homme noir. Et mes amis blacks ne m’ont jamais vraiment éclairé là-dessus, pas plus que les Blancs d’ailleurs ! » (le romancier français Hugues Pouyé dans le site Les Toiles roses en 2009) ; « Je me dis – romanesque ! – que je suis un peu métis. Mes ancêtres auraient-ils jeté quelque semence de blanc dans le ventre d’une femme noire, ou l’inverse peut-être. » (idem) ; « Je suis originaire d’un pays qui n’existe plus : le Sud. » (Julien Green à propos de la Guerre de Sécession nord-américaine, cité dans l’article « Julien Green, l’Histoire d’un Sudiste » de Philippe Vannini, Magazine littéraire, n°266, juin 1989, p. 96) ; « Les lesbiennes sont des femmes marron, des échappées de leur classe. » (Monique Wittig, La Pensée Straight, 1979-1992) ; « Ce qui est remarquable, c’est que l’égalité entre Noirs et Blancs, hommes et femmes, semble avoir été générée par l’homosexualité. » (Colin Spencer, « La Politique à l’Âge du Jazz », dans Histoire de l’homosexualité de l’Antiquité à nos jours (1998), pp. 394-397) ; « Dans 30 000 ans, quand ils verront ça, ils ne sauront pas si c’est des mains de Blancs ou des mains de Noirs. C’est un joli symbole. » (Frédéric Lopez face à la pierre où il a imprimé sa main, dans l’émission Rendez-vous en terre inconnue, invitée Cristiana Reali en Australie, diffusée sur France 2 le 18 avril 2017); etc. À la question « Qu’est-ce que vous aimeriez être ? », le poète argentin Néstor Perlongher répond : « J’aimerais être Noir. Être un traître à la race blanche. Être, c’est devenir : devenir Noir, devenir femme, devenir enfant. » (cf. l’article « 69 Preguntas A Néstor Perlongher », 1997, p. 21) Interviewé dans un radio martiniquaise en 2004, l’écrivain congolais Bertrand N’Guyen Matoko, mi-martiniquais mi-vietnamien, dit qu’il est attiré par les Blancs, et regrette que les Blancs le voient comme un Noir, alors que les Noirs le voient comme un Blanc.

 

Campagne anti-Sida

Campagne anti-Sida


 

Le brouillage de la frontière entre Noirs et Blancs est une manœuvre pour se victimiser, pour promouvoir l’homosexualité discrètement et en donnant à cette dernière une apparence de diversité, de solidarité et de lutte contre les discriminations. « Je trouve le nom de ma psy sur internet associé à la Manif Pour Tous, je suis choquée, ces gens sont mon pire cauchemar. Je lui écris. Et elle finit par m’avouer à la séance suivante que oui… Nonnnnnn!!!!!! Je suis choquée, comme chaos sur le ring de boxe. J’y retourne, je veux savoir. Comment est-ce possible? ‘Si elle fait partie de la Manif Pour Tous, ce qui serait invraisemblable, j’arrête !’, avais-je dit à ma sœur. C’est comme être juif et être en face d’un nazi, ou être noir et être en face du Ku Klux Klan. » (une femme lesbienne témoignant dans l’article « Ma psy est ‘Manif Pour Tous’ ») Par exemple, dans le docu-fiction « Elena » (2010) de Nicole Conn, la banalité ET la beauté de l’homosexualité pratiquée est prônée à travers les interview de couples mixtes Noir/Blanc (hétéros ou homos, peu importe).

 
fatus affiche
 

Dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015), Pierre Fatus se prend carrément pour un Noir (l’affiche du spectacle illustre d’ailleurs parfaitement cette schizophrénie spaciale), sous prétexte que les races n’existent pas et qu’il rêve d’un monde sans frontières, sans communautarismes, sans étiquettes, qu’il se prend pour un jazzman : « Avec les lunettes Megachrome, vous pouvez voir les gens de couleur en blanc ! » ; « Moi, mon fantasme, ce serait d’être Noir. Ils ont trop la classe, les Noirs. Ils ont bercé toute mon enfance : Billie, Ella, Charlie. Et à la trompette [se désignant lui-même] : le Nègre blanc ! » ; « Mesdames et Messieurs, ce soir, je suis fier d’être Noir ! ». Ce qui ressemble à un hommage transracial, à une belle déclaration d’amour universel se mute très vite en racisme : « Les races n’existent pas. Y’a l’espèce humaine. C’est tout. » ; « Je connais un clown noir qui déteste les Juifs. Il s’est maqué avec un groupe de clowns blancs qui détestent la Shoah. » Fatus joue d’ailleurs le raciste xénophobe avec son assistant Zoran : « Je te rendrai tes papiers à la fin de la tournée. On avait dit ‘Pas de Noirs’ sur la tournée ! De toute façon, comment veux-tu qu’on s’entende ? on est trop différents ! » Il met également en scène un concept de jeu télévisé raciste, intitulé Qui nique qui ?. Mais il noie ensuite le poisson dans la désinvolture et le déni relativiste : « Le racisme, la xénophobie, c’est tellement gluant comme sujets. Si je devait en parler devant 500 personnes, je serais bien emmerdé. » ; « Un clown, noir, pédé, d’extrême gauche… J’en ai marre des étiquettes. » ; etc. Au bout du compte, il n’aime du « Noir » que le fantasme cinématographique qu’il s’en est fait. Il dit d’ailleurs qu’il est suivi par une ombre. Son goût pour la négritude, et son déni des différentes couleurs de peau par son mépris du mot « race », cachent chez ce comédien bisexuel, en plus d’un délire identificatoire sincère, une véritable francophobie, un violent anti-patriotisme, un meurtre programmé de la différence des espaces. C’est effrayant de voir des gens qui détestent comme ça la France, ces désirs de guerre civile explicitement et inconsciemment exprimés. (N.B. : Je ne justifie pas pour autant Morano ^^)
 

Lors du débat intitulé « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s » organisé par l’association David et Jonathan à la Mairie du XIe arrondissement de Paris le 10 octobre 2009, Patrick Bloch, un intervenant blanc venu témoigner de sa « joie » d’être, avec son compagnon (blanc aussi), les « parents » de plusieurs enfants noirs adoptés avec qui ils formeraient une « famille heureuse et unie » (désolé pour les nombreuses guillemets, c’est plus fort que moi…) a employé des mots qui, mine de rien, derrière le ton rigolard et bien intentionné du propos, distribuaient des rôles et des couleurs à tout le monde sans prendre en compte la réalité concrète des personnes concernées : « Je suis Noir aussi, faute de le sentir sur ma peau, parce que mes deux enfants le sont. » ; « Je suis né dans une famille black, blanc et rainbow. »

 

Jama Stark, en 1987, avec sa « Vanitas, robe de chair pour albinos anorexique »

Jama Stark, en 1987, avec sa « Vanitas, robe de chair pour albinos anorexique »


 

On entend certaines personnes homosexuelles ré-écrire leur vie et leur identité raciale avec des « si », se mettre à la place des Noirs pour les animer comme des marionnettes (ou se faire parler eux-mêmes), avec les meilleures intentions du monde, en plus : « Si j’avais été Noire, j’aurais peut-être fait un film sur les Noirs. » (Jeanne Broyon dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger) ; « Je ne peux pas m’empêcher de me demander comment je réagirais à ces difficultés si ma peau était noire et si je vivais aux Antilles. » (Lionel Vallet cité dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 54) ; « Avec la neige, j’ai toujours les idées noires. » (André, l’un des deux hommes homosexuels du docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; etc.

 

La démarche de vouloir « transcender/déconstruire » les races paraît séduisante et poétique, intellectuellement parlant : le rouleau compresseur de la déesse Égalité voudrait effacer les frontières, les différences, les conflits entre les Hommes, pour que la communion universelle soit complète… mais à trop chercher le bien des personnes sans reconnaître leur unicité, on finit par porter atteinte au Réel, par ne plus reconnaître l’Autre dans sa BELLE et SOLITAIRE différence. Les termes employés par ces prosélytes de l’Égalité sont paradoxalement d’une violence inouïe. Par exemple, sur son article « Pourquoi et comment notre vision du monde se ‘racialise’ ? » publié dans le journal Le Monde du 4-5 mai 2007, le sociologue émérite Éric Fassin défend « un devenir-noir qui fait exploser le concept de race » (p. 15). Les races sont-elles si diaboliques et mauvaises pour qu’on souhaite à ce point les faire « exploser », les neutraliser, sous couvert de défense des différences ?

 

Ce n’est pas un hasard si, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko constate que la pratique de l’homosexualité ou de l’homophobie est identique en Occident et en Afrique. Les deux hémisphères fusionnent et s’imitent dans la violence dès qu’il s’agit d’actualiser et de justifier/banaliser/diaboliser le désir homosexuel : « Évidemment, de même que mes copains de Brazzaville, je retrouvais l’identique raisonnement. D’un continent à un autre, les vues d’esprit étaient donc les mêmes. » (p. 102)

 

La recherche trop fiévreuse du Noir ressemble chez certaines personnes homosexuelles à une démarche narcissique, quand bien même ce reflet soit obscurcissant : « À côté des maisons anglaises construites par la compagnie des chemins de fer anglais, il y a longtemps, s’étendait une mare de pétrole noir ou d’huile noire, déchet de locomotives. Nous aimions nous en approcher ensemble, et nous contempler dans ce miroir noir. » (Alfredo Arias, Folies-fantômes (1997), pp. 156-157) Comme l’explique par exemple Stuart concernant Frantz Fanon, le rapport au peuple noir de l’auteur du bien nommé roman Peaux noires, masques blancs (1952) est de type incestueux : « On est très près du complexe d’Œdipe. »… ou, dit autrement, du paternalisme/de l’infantilisme. Pareil du côté des Noirs réels qui désirent être des Blancs. Ce désir de fusionner avec l’Homme blanc n’est pas à entendre uniquement comme un amour fou, mais d’abord comme un narcissisme mortifère, un rêve d’invisibilité.

 

B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi (cf. planche "Le Roman")

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi (cf. planche « Le Roman »)


 

À mon avis, l’identification au Blanc-Noir montre que l’homosexualité est un désir de devenir objet. On le voit très bien par exemple à travers les personnes transgenres de couleur, à travers l’obsession chez certains Noirs de se convertir en Blancs, sous l’influence des diktats de la mode et de la télévision. Actuellement, l’éclaircissement ou la dépigmentation de la peau connaît un essor important sur le continent africain. Pour entrer dans les canons de beauté des Occidentaux, certaines personnes ont recours à des produits dangereux (L’eau de javel est mélangée à des laits de corps pour accélérer le processus ; l’hydroquinone et ses dérivés sous forme de lait, crème, savon sont aussi très prisés).

 

Par exemple, dans le documentaire Et ta sœur (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin, Sœur Belphégor – sœur de la Perpétuelle Indulgence – est peinturlurée de blanc sur sa peau noire. Dans le docu-fiction « Miwa : à la recherche du Lézard noir » (2010) de Pascal-Alex Vincent, l’acteur Akihiro Miwa se convainc de n’être ni homme ni femme, ni hétéro ni homo, ni blanc ni noir. Le documentaire « Jenny Bel’Air » (2008) de Régine Abadia, retrace la vie de Jenny Bel’Air, le travesti M to F est connu pour avoir été dans les années 1980 le physionomiste excentrique et redouté du sulfureux Palace. Il est décrit comme une synthèse raciale : « Transgenre, ni Blanche ni noire, une violence à faire peur et une douceur attendrissante, Jenny a le port d’une reine et l’âme d’une clocharde à moins que ce ne soit l’inverse. » (cf. le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 80)

 

Je voudrais terminer ce code par un témoignage personnel. Le 16 août 2016 dernier, j’ai eu une longue conversation téléphonique avec une femme de 30 ans, lesbienne mais qui n’est jamais passée à l’acte homo (son attraction pour les femmes reste de l’ordre purement pulsionnel et fantasmé), et qui a été heureuse de lire mon livre L’homosexualité en Vérité parce que pour une fois, m’a-t-elle dit, elle a pu entendre que l’homosexualité était un mal et une tendance à ne pas pratiquer, et que c’est ce que sa foi catholique et son intuition lui ont toujours inspiré. Son discours était très posé, très serein, et j’ai senti qu’elle était allée très loin dans sa réflexion sur l’homosexualité. Ça fait plaisir de tomber sur des filles (et des sœurs homosexuelles) comme ça ! Elle m’a recontacté le lendemain car elle a farfouillé dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Et en lisant le présent code « Je suis un Blanc-Noir », voilà ce qu’elle m’a révélé, et que je peux publier, avec son autorisation. Ça me réconforte. J’ai un peu moins l’impression d’être un OVNI ou un fou ou un méchant. « Salut Philippe, Je suis tombée sur ton article ‘Je suis un Blanc-Noir’. J’ai des origines africaines et françaises, donc forcément ça m’a intriguée. Je l’ai trouvé très intéressant. J’ai déjà fait le parallèle entre l’homosexualité et la différence noirs/blancs avec tous les problèmes identitaires qui peuvent en découler. Tes analyses pour mieux comprendre le désir homosexuel sont très justes ;-). En tant que femme noire (ou métisse peu importe) je suis choquée de toutes les représentations qu’on peut mettre sur ma couleur de peau. Et oui souvent j’ai voulu être blanche pour être « neutre » ou invisible. Que l’on considère qui je suis, ma personnalité, ma beauté sans faire de moi un objet. Il y a une vraie représentation négative des femmes noires, qui serait moins féminines ou séduisantes que les femmes blanches (c’est le même problème avec la femme lesbienne d’ailleurs). Certains blancs ne voient les noirs que comme des corps comme si toute leur identité était dans leur apparence (peut-être en lien avec l’esclavage, la marchandisation des corps). J’ai un ami (blanc) qui n’est attiré que par les femmes noires et qui ne ressent absolument rien pour les femmes blanches, il m’a dit : ‘Quand tu te l’avoues, c’est comme un gay qui fait sont coming out…’ Enfin voilà je pourrais en parler pendant des heures…Juste pour te dire que c’est un très bon article qui dit beaucoup de choses. »
 
 

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