L’homme révolté de Camus

 

Ce soir, en me rendant à un cercle de philosophes du Boulevard Saint-Germain (cf. annonce sur OVS), où nous avons médité en groupe sur trois pages (pages 326-328) de L’homme révolté d’Albert Camus, je me suis pris les foudres d’un intellectuel gauchiste soixante-huitard (avec collier de barbe de prof de lettres sorbonnard), idolâtre de Camus, tout simplement parce que je ne jurais pas par Julia Kristeva, et que j’ai eu le malheur d’exprimer que je croyais en l’Amour et en la transcendance, alors que lui pas (je me « radicalise » en ce moment, c’est ça, aussi…).
 

Voici les lignes que le texte existentialiste de Camus m’a inspirées :
 
 

Étant donné qu’aux yeux de Camus la subjectivité est limitée et qu’il ne le supporte pas (il commence d’ailleurs par déplorer que la perception humaine soit trompeuse), il en déduit – à mon sens à tort – deux choses. La première : que la transcendance (autrement dit la Vérité universelle, l’Amour) n’existe pas ; la deuxième : que le Réel est décevant… ou en tous cas plus décevant que le monde fictionnel. La seconde croyance est la conséquence de la première. Camus réduit le Réel à un immense océan dont on ne pourra jamais déterminer les contours, dont on ne pourra pas dégager le sens (« La vie est sans style. », les relations humaines sont aléatoires, « les êtres nous échappent », etc.). Donc il finit par se consoler comme il peut dans la création romanesque, l’imaginaire, la prévalence de la forme sur le fond, ou du fond comme forme existentielle. Cette création romanesque est la seule qui fixe/fige/délimite (lui parle de « correction » du monde réel) un peu les choses, donne du sens à l’absurdité de l’existence humaine, à la vie de Sisyphe que nous aurions tous. La posture de Camus n’est certes pas passive, ni démissionnaire, ni totalement désespérée, mais quand même une combattivité (esthétisée) sans Espérance : « Nous désirons que l’amour dure et nous savons qu’il ne dure pas. » (L’homme révolté) Camus est l’un des pères de l’onirisme individualiste et « réaliste » dans lequel notre époque s’englue.