L’interview censurée de la Péniche (Sciences-Po), qui enflamme le web hier

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Je ne sais pas jusqu’où tout cela va mener…

L’interview que j’ai accordée au journal de Sciences Po La Péniche a été mise en ligne hier (6 mars 2015), juste après la Queer Week. Selon la rédaction, il y a eu plus de 400 visiteurs uniques en 10 minutes et près de 20 commentaires incendiaires publiés immédiatement. Vu la polémique terrible, le bureau a pris la décision de supprimer l’article… ce qui a empiré les choses puisqu’on a accusé les rédacteurs d’avoir censuré l’article. Bref, l’article est magnifique, mais la censure en face est monumentale… La rédaction a déclaré : « Je suis navré de la tournure qu’ont pris les choses et consterné de voir une telle hystérie contre l’article. » L’homosexualité, beaucoup de militants gays friendly se vantent de l’avoir acceptée… mais en réalité, ils sont ses pires censeurs. C’est de la même violence que l’expulsion physique de Béatrice Bourges à la Queer Week il y a un an.

Apparemment, le journaliste qui m’a interviewé, Nicolas Bauer, va essayer de se procurer des captures d’écran de l’interview, pour les envoyer au Salon Beige en communiqué de presse. C’est vrai que ça vaudrait le coup. Il m’a autorisé à publier sur mon blog l’intégralité de l’interview.
 
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Philippe Ariño est un essayiste catholique et homosexuel. En 2012, il prend position contre le « mariage pour tous ». Auteur de plusieurs ouvrages dont L’homosexualité en vérité et un Dictionnaire des Codes homosexuels, il anime aussi le blog « Araignée du désert ». Il réagit aux événements de la « Queer week » et répond aux questions de La Péniche et de Nicolas Bauer sur ses convictions et son engagement.
 

À Sciences Po, la « Queer week » est une semaine consacrée à l’étude et la mise en pratique des théories dites « queers ». Que pensez-vous de ces théories ?

Ces théories sont inutiles et dangereuses puisqu’elles veulent le bien de l’Homme sans l’Homme réel (elles lui préfèrent l’homme-objet angélique asexué), et sur la base d’une vision conflictuelle entre l’homme et la femme ou entre l’individu et sa société. Elles ont choisi l’indéfinition comme définition, l’anticonformisme et le doute nihiliste comme vérités absolues, la violence comme moyen privilégié d’expression.
 

La « Queer week » utilise des sigles du type LGBTQ+ ou même LGBTIQAP+, ce foisonnement de catégories ne va-t-il jamais s’arrêter ?

En effet, les sigles pro-gays deviennent hyper extensibles et ça frise le ridicule. La Gender & Queer Theory met tout au pluriel pour éclater l’identité humaine et pour que les Hommes ne sachent plus qui ils sont, ce qu’ils désirent, vers où ils vont, qui les aime et les a créés (= Dieu), et avec quel sexe. Mais le vrai problème, c’est que cette myriade de fausses identités – nous ne sommes réductibles ni à notre pratique génitale, ni aux personnes qui nous attirent érotiquement, ni à nos fantasmes ou pulsions sexuels – font le lit de l’hétérosexualité, la seule « identité sexuelle » que cache toute cette brochette d’espèces humaines aussi mythiques qu’elle, et qui salit la différence des sexes couronnée par l’amour. C’est la raison pour laquelle j’ai créé le site CUCH (Cathos Unis Contre l’Hétérosexualité). L’hétérosexualité, en caricaturant et en dévoyant la différence des sexes, devrait être notre pire ennemi.
 

Cathos Unis Contre l’Hétérosexualité ? Mais quelle est votre définition d’ « hétérosexualité »?

L’hétérosexualité, c’est l’autre nom de la Queer Theory ou du Gender. Étymologiquement, il s’agit d’un terme hybride gréco-latin désignant toutes les altérités au niveau de la sexualité (bisexualité, homosexualité, transidentité, fétichisme, infidélité, zoophilie, inceste, etc.) et pas spécifiquement la différence des sexes. Quand il se rapporte à la différence des sexes, ce sera juste pour la vider d’amour et la transformer en concept libertin ou nataliste rigide. Ce n’est certainement pas l’idéologie hétéro que nous devons défendre ! Il n’y a que la différence des sexes couronnée par l’amour, qu’on soit célibataire ou marié, qui m’intéresse.
 

Le vendredi 6 mars, la « Queer week » a organisé la conférence « Le chantier linguistique », pour promouvoir la « linguistique queer ». Il faudrait par exemple utiliser des pronoms neutres, comme le « Hen » suédois. Est-ce une « novlangue » ? Cherche-t-on à transformer la réalité en changeant les mots ?

Oui. Par la création de mots nouveaux « neutres », les « déconstructeurs » et « performers » queer prétendent formater le Réel à leurs fantasmes irréalistes les plus fous pour le déconnecter de l’amour sexué et le transformer en amour génital asexué. C’est la dialectique du nominalisme. Ça a l’air créatif et poétique, comme ça. Mais à travers ces néologismes, on essaye à la fois de gommer et de justifier une approche conflictuelle entre les sexes. On pense que le problème c’est l’« homme et la femme », qu’ils ne peuvent pas s’entendre, et l’on fuit ce conflit-là par la recherche d’une neutralité ou d’une asexuation inexistante.
 

Rachele Borghi, maître de conférences à l’université Paris-Sorbonne, a été invitée plusieurs fois à des évènements de la Queer week. Elle avait fait polémique en donnant une conférence nue à l’université publique Bordeaux-Montaigne. En enlevant sa culotte et son soutien-gorge, elle avait expliqué à son auditoire que son anus était un « laboratoire de pratiques démocratiques ». Est-on en pleine décadence ?

Oui. Ou en pleine régression, en tous cas. Ces gens-là n’acceptent pas leur corps et son caractère unique, précieux. Ils se croient donc permis d’en faire n’importe quoi, d’en enlever tout secret, toute sacralité, et d’imposer leur auto-maltraitance aux autres. En psychanalyse, cela s’appelle les « régressions » aux stades infantiles de la sexualité (analité, narcissisme, fétichisme, pédophilie, etc.). Leur démarche est consumériste et capitaliste car ils transforment leur corps en objet de consommation et d’exhibition. Ils disent s’opposer à ces systèmes-là mais ne se voient pas les copier.
 

À la Manif’ pour tous du 13 janvier 2013, vous vous êtes exprimé devant des centaines de milliers de personnes pour expliquer votre opposition au « mariage pour tous ». Vous avez notamment déclaré sur le podium installé au Champ de Mars: « Il n’y a que la différence des sexes qui peut vraiment incarner l’amour ». Cela change des discours habituels sur l’enfant et l’adoption ! Pourquoi avoir choisi une telle approche ?

 

C’est au nom de l’« amour » et de l’« homosexualité » que le « mariage pour tous » s’est imposé. Pour répondre à l’argumentaire du gouvernement, il ne fallait donc pas parler seulement des conséquences du « mariage pour tous » sur la filiation, mais de ce que sont réellement l’amour, l’homosexualité et le couple. Je demande pardon pour le manque de vérité de la Manif’ pour tous dans ses slogans qui passent à côté de l’essentiel. L’équipe d’organisation m’a empêché de parler d’homosexualité, et a fait ainsi preuve d’une « homophobie », d’une peur de l’homosexualité et des personnes homosexuelles.
 

Quels sont aujourd’hui vos liens avec le « milieu LGBT » ?

Soit explosifs, soit excellents. C’est tout l’un ou tout l’autre ! J’ai de véritables frères dans le « milieu homosexuel ». Beaucoup appuient mes écrits car ils ont découvert que j’y décrivais exactement leur vie avant même de la connaître ! J’ai aussi bien sûr des ennemis, qui préfèrent caricaturer ma pensée plutôt que de la comprendre. Ils croient me haïr parce qu’au fond ils ne me lisent pas et ne veulent pas me rencontrer. C’est dommage. Mais le temps et le réel jouent en ma faveur.
 

Vous vivez votre sexualité dans la continence depuis 2011. Que répondez-vous à ceux qui pensent que vous « refoulez » votre homosexualité ?

S’il suffisait de pratiquer son homosexualité pour s’accepter tel qu’on est, on trouverait bien plus de gens heureux et bien dans leurs baskets dans la communauté homo ! Or, ce n’est pas le cas. Et je crois même que la sommation collective à la pratique homo crée bien plus de mal-être et de refoulement que la non-pratique. Je répondrais à ceux qui me jugent « homophobe » ou « frustré » que je connais peu de personnes homosexuelles qui, comme moi, aient étudié et porté autant d’intérêt au désir homosexuel, aient accueilli autant les personnes homosexuelles dans l’amitié vraie et dans ce qu’elles vivaient, aient autant assumé d’afficher sans complexe son orientation sexuelle à tous. Les individus homosexuels qui pratiquent leur homosexualité en couple ou qui se réduisent à leur coming out refusent de comprendre leur désir homosexuel, de le regarder en face et de l’expliquer aux autres. S’ils pensent qu’accepter son homosexualité c’est uniquement la pratiquer en couple, ils écartent quasiment toutes les personnes homosexuelles, y compris les célibataires, les hommes mariés, et les adolescents qui n’ont pas franchi le pas de la pratique. Défendre la pratique homo ou passer à celle-ci, c’est cela la véritable homophobie.
 

Vous aimez beaucoup le cinéma, et vous analysez de nombreux films portant sur les questions d’homosexualité. La Queer week a diffusé cette semaine le film Les Invisibles, de Sébastien Lifshitz, qu’en avez-vous pensé ?

Ce film rassemble des portraits de personnes homosexuelles âgées qui témoignent de leur parcours militant. L’objectif est de montrer le bonheur d’être homosexuel, et la banalité de l’« amour homosexuel ». Pourtant, aucun des témoins ne paraît heureux de sa pratique homosexuelle. Leurs récits sont des drames. Pour moi, c’est un film de propagande.
 

Certains de vos adversaires invoquent publiquement Satan, la « messe noire » de la Queer week de l’année dernière n’étant qu’un exemple parmi d’autres. Votre combat a-t-il aussi une dimension spirituelle ?

Je combats en effet sur le plan spirituel. Beaucoup de personnes homosexuelles se détestent elles-mêmes et se prennent pour le diable. Un des codes de mon Dictionnaire est « Se prendre pour le diable ». J’ai aussi remarqué que de nombreux artistes homosexuels athées décrivent leurs amants comme le diable personnifié. Les premiers à parler du diable ne sont donc pas les croyants, mais les personnes homosexuelles athées. Plus globalement, l’inhumanité et le rejet de la différence des sexes que l’on trouve dans les pratiques homosexuelles relèvent pour moi – comme beaucoup d’autres choses – du combat entre Dieu et Satan. D’où la nécessité de s’engager sur le terrain spirituel.
 

Quelle est la place des homosexuels dans l’Église?

Elle est immense et confortable ! Si on savait ! On est très attendus dans l’Église. Si l’on choisit de ne pas pratiquer son homosexualité et de la donner aux autres et à Dieu, on devient des « évangélisateurs de première classe » ! Ancrés dans la modernité, originaux, drôles… On a une super place !
 

Qu’attendez-vous du Pape François concernant les sujets que nous venons d’aborder?

J’attends qu’il prononce seulement trois mots. Violence, continence et sainteté. L’Église nous demande trop souvent de « gérer » le désir homosexuel, en le mettant au second plan de notre vie. Le Pape François a envie de nous proposer quelque chose de plus grand, qui corresponde à notre désir d’originalité et de don entier de nous-mêmes. Mais j’espère qu’il ne va pas avoir peur d’affronter le réel en disant clairement que les pratiques homosexuelles ne sont pas de l’Amour, et en montrant la beauté de la continence comme chemin vers la sainteté.