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Que penser du documentaire « Sacerdoce » ? (podcast)


 

Ça m’a pris 3 jours ! (piouf ! 😅)
 

Podcast « Quoi penser du documentaire ‘Sacerdoce’? » (cliquez ici).
 

J’y parle de la Franc-Maçonnerie inconsciente, ainsi que du coeur des abus sexuels sacerdotaux.
 

#prêtres #SAJE #CIASE #Pédophilie #Synod #Synode #Sacerdoce #LGBT #Église #Catholiques #Abussexuels #curés #Cinéma
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

N.B. : Pour les pauvres (ou les radins ! lol), pour ceux qui ne sont pas abonnés au podcast Spotify, mais qui veulent lire quand même (même si c’est moins bien que l’audio, et surtout, ça ne m’aide pas financièrement à sortir du RSA ni à valoriser mon travail), voici le texte :
 

En quoi le documentaire « Sacerdoce » (2023) de Damien Boyer, brossant le portraits de 5 prêtres français, pour montrer la beauté de leur célibat et de leur ministère d’hommes engagés au service des autres et du Christ, bascule sans s’en rendre compte dans la Franc-Maçonnerie ?

1) Parce que sa société de production (SAJE) est évangélique.

2) Parce qu’il présente des témoins vantant le sentiment amoureux.

3) Parce qu’il repose entièrement sur la franchise, la sincérité.

4) Parce qu’il développe les champs lexicaux de l’architecture et de la lumière, donc de l’auto-construction.
 

Réponse : 3. Parce qu’il repose entièrement sur la franchise, la sincérité. Au passage, dès les premières images, on peut constater que le film bascule dans l’intention : celle de se défendre contre la présomption de pédophilie et de frustration sexuelle pesant sur les prêtres catholiques, et celle de l’intention de redorer le blason catastrophiquement menacé de la curie mondiale actuelle. Autrement dit, l’intention prend le pas sur l’être, l’image et la réputation prennent le pas sur les gens et leur vie, l’argument ou le but prend le pas sur la personne et sa réalité pécheresse : comme dans le sketch du « Métro » d’Élie et Dieudonné : « Non, nous ne sommes pas des voleurs, non nous ne sommes pas des violeurs. », le documentaire « Sacerdoce » ne commence même pas par un bonjour ou une présentation de soi : c’est direct « Excousez-moi, messieurs dames, de vous déranger. Je ne suis pas ce que vous croyez. Je vais tout vous expliquer ! » Ça démarre mal. C’est la franchise avant la Vérité. Alors, j’ai identifié 3 types de franchise dans « Sacerdoce », sachant que la franchise (le remplacement de la Vérité-Amour par l’intention et l’image de cette Vérité-Amour) est la base de la Franc-Maçonnerie : il y a 1) la franchise de la pseudo « Nature » ; 2) la franchise de la pseudo « Force » ; et enfin 3) la franchise de la pseudo « Justice ». Commençons, comme je viens de vous le proposer, par la franchise de la pseudo « Nature ». « Sacerdoce », c’est vraiment le catholicisme à la sauce Yann Arthus Bertrand ou Nature et Découverte ou Rendez-vous en terre inconnue : on veut nous prouver que les prêtres sont naturels, simples, écolos, en communion avec la Nature autant qu’avec les Hommes, des humains comme les autres (ce qui n’est, en réalité, pas vrai : ils deviennent hommes et Dieu, après leur ordination. Mais bon, bref, passons). On voit ces soi-disant « Messieurs tout le monde » marcher au milieu des champs de blé, sous une averse de neige filmée au ralenti, on les voit aussi à la fête au village (« Du côté de chez vous : Leroy-Merlin »), ou bien, au sommet des cîmes, ou au cœur des bidonvilles (« La Cité de la Joie »). « Ce qui me plaît, c’est cette vie de village, dit le père Paul, vivre des passions et des activités comme les autres, ça me rend humain et accessible pour les personnes. » Okayyy. Leur naturalité est tellement exposée qu’elle en devient, à force, superficielle. Elle vire à la carte postale naturaliste, au folklorisme, à l’exotisme bobo, à la grossièreté même et à la fausse camaraderie bien démago. Il faut absolument prouver qu’un prêtre n’est pas coincé, qu’il est cool, proche des jeunes et des peuples, qu’il parle en verlan ou « djeunes », est mobile et nomade dans sa caravane, fait du skate ou du sport de haut niveau… et tout d’un coup, on bascule dans la posture sincère de coolitude, et une forme de mimétisme hybride – entre Église et loges télévisuelles ou cinématographiques – qui finit par foutre le malaise ou le doute : sortent les « potes », les « Ça roule ? », les tee shirts « Je suis ton père. » de Star Wars (saga complètement maçonnique), le « Yes ! » collectif à l’arrivée au sommet de la troupe des boy scouts, le prêtre qui te tutoie, etc. Le portrait-confidence se veut sans filtre, direct, nature, le curé qui fixe la caméra comme s’il s’adressait à toi, alors qu’en réalité, c’est l’effet selfie narcissique de l’influenceur avec un col romain qui prédomine. Ce culte de la Nature aboutit à une double franchise : celle de la gravité pathos et celle de la joie singée ou de la paix surjouée. En fait, les mecs ne sont pas du tout naturels. On assiste par exemple aux fausses visites improvisées chez l’habitant (alors que tout est scénarisé). Et puis, surtout, ils n’ont aucun humour. Ils sont d’une sincérité froide effrayante. Ce qui m’a marqué, c’est la scène, pourtant digne d’un bêtisier, où le réchaud du père Gaspard se casse la gueule dans la neige en pleine interview. On n’entend même pas de « Oh merde !! » de sa part, ni de fous rires, comme il eût été complètement logique. La séquence laisse les protagonistes de marbre. Super, l’ambiance de tournage et l’esprit du film… Y’a pas d’humour. Seulement des simulacres de joie. Pas de blagues, d’ironie, d’autodérision, y compris de jeu grinçant sur le cliché du prêtre cucul, illuminé, coincé ou du prêtre tradi has been. Tout est filmé au premier degré. Je peux vous dire qu’au tournage de mon documentaire « Les Folles de Dieu », plus artisanal et moins scénarisé, plus dans la spontanéité et le don entier de soi sans fioritures ni désir de bien paraître, presque toutes les séquences avaient leur part de drôlerie, de naturel, et pouvaient figurer dans un bêtisier ! Passons maintenant à la deuxième catégorie de franchise qu’on trouve dans « Sacerdoce » : la franchise de la pseudo « Force ». C’est celle qui fait de l’Église une vitrine d’action sociale, une ONG, une équipe de warriorsOn va en baver ! » dit l’un d’eux) ou de « champions » (« L’objectif, c’est d’être champion de France du clergé. » dit l’autre), bref, une équipe de winners (Dommage pour eux : la vraie équipe de Jésus n’est formée que de losers… mais bon… les réalisateurs de ce documentaire n’ont visiblement rien compris aux vrais prophètes et aux vrais prêtres, et sont à côté de la plaque). Et croyez-moi qu’ils ont l’air d’en faire, des choses et des exploits d’Hercule, les curés d’aujourd’hui ! : de la moto, du skate-board, du tir à l’arc, du rugby, de l’aviation, du cyclisme, du basket… Ils sont trop utiles, trop efficaces, trop actifs, ils sont trop sportifs ! Ils savent même comment on dresse une tente, un bivouac. Ils sont trop fooorts, ces architectes… euh, ces curés 2. 0 !! Euh… y’a comme une confusion inconsciente entre « sainteté » et « héroïsme » (j’dis ça, j’dis rien). Les prêtres triés sur le volet, ils sont surtout bien hétéros ! Il faut absolument qu’ils prouvent à un moment donné dans le documentaire leur désir pour les femmes ! Moi, perso, c’est mon cauchemar. Elle est où, Alizée ? « Sacerdoce » défend tacitement le mythe du « prêtre fort et pur (même s’il est parfois tenté, éprouvé, fragilisé, mais pas trop quand même) ». Ce film, c’est un peu l’Instagram de l’Église. Un miroir embellissant où les protagonistes sont avant tout applaudis pour leur apparence, leurs goûts, leur charisme, leurs actions, leurs performances, leur marque de singularité (le col romain, et leur statut de clergyman des temps modernes), et pas tant par leur sobriété, leurs mots, ni pour la nouveauté et le risque de leurs propos, ni pour Jésus, ni pour leur réalité plus générale, ordinaire et plus ingrate de prêtres. On ne nous montre que des prêtres dans des situations exceptionnelles, des prêtres de l’extrême, des aventuriers certes éprouvés face à une adversité mais pas broyés. On ne nous montre pas des curés représentatifs de tous les curés, ni des curés vieillissants, ou peu sportifs, ou pas gravures de mode, ou peu dynamiques, ou pas mondains, ou en paroisses avec 36 000 clochers, ou isolés, ou vivant une vie activement chiante. Et encore moins des prêtres pécheurs (matant leur porno chez eux, ou bien malades, alcooliques, criblés de dettes, homosexuels en cachette, etc.). Ce film doit d’ailleurs faire beaucoup de mal aux prêtres lambda, ceux qui ne sont pas formatés Instagram, justement, et qui doivent complexer grave face à la vitrine idyllique nommée « Sacerdoce ». Et il ne convertira pas beaucoup de non-cathos. Le curé en mobylette, la démagogie bobo, ça ne convainc que les catholiques convaincus… et encore. Y’a même pas de failles où s’engouffrer, dans lesquelles entrer ou auxquelles s’identifier ! Y compris quand on est catho de naissance. On nous présente un prêtre totem, fétiche ou monument, toujours debout (malgré ses chutes en vélo), symbole de la solidité de la franchise franc-cathonnique. D’ailleurs, les expressions du jargon maçonnique de l’énergie, de l’architecture et du soleil, émaillent çà et là « Sacerdoce » : le père Gaspard parle de « Sommet fraternel », fait chauffer le poêle et appelle ses jeunes « au dépassement de soi », tout en leur faisant ériger un autel en glace (c’est vraiment la publicité Manpower) ou en les soumettant à une Chaîne d’Union digne du « Cercle des Poètes disparus » ; le père Paul nous appelle à « œuvrer ensemble à restaurer la confiance » ; le père Mathieu, lui, nous enjoint à aider les pauvres et à construire un Monde plus fraternel ; et le dieu « Soleil », évidemment, est omniprésent et bénit tous ces chantiers architecturaux symboliques. En fait, dans ce reportage, les prêtres sont toujours finalement montrés comme forts. Ils sont tout juste ébranlés ou affectés par les faiblesses de leurs coreligionnaires, et à peine par leurs propres imperfections et tentations à eux, et surtout jamais par leurs chutes. Certes, ils vont jusqu’à évoquer leurs désirs d’abandon, de rupture du célibat, leurs envies de suicide… mais ça ne va pas plus loin qu’un vertige passager. Ils ne sont pas du tout montrés dans leurs faiblesses graves, leurs péchés. Ils sont montrés avec des faiblesses mais des faiblesses surmontées. Ce ne sont pas les vrais prêtres, ceux qui n’arrivent plus à prier, ceux qui sont à deux doigts de quitter le navire, ceux qui vivent des échecs irréversibles, des menaces de mort, des déceptions sacramentelles énormes, des problèmes apparemment insurmontables ou irréparables. « Je suis pas quelqu’un de parfait. » dit l’un d’entre eux : certes mais tu ne te reconnais pas comme pécheur ni criminel pour autant : le Christ, lui, a eu plus de couilles ! Il est allé jusqu’à s’identifier aux criminels et au diable pour les libérer, pour leur faire croire à la Croix que le premier et le pire des criminels c’était lui (alors que c’était pas vrai). « Il faudrait qu’on puisse voir un homme qui est donné. » affirme le père François : OK. Mais aussi donné dans ses blessures, et laideurs et péchés ! Je cite des aveux de faiblesse égrainés à certains rares moments du film : « Des fois, y’a des douleurs, des frustrations. C’est pas facile à vivre. Ça me fait mal. Y’a des nuits courtes, des tentations de suicide. » C’est un peu comme dans « Robin des Bois » : « Dans la vie, y’a des hauts, y’a des bas »… Ok les gars. Mais à vous entendre, y’a pas de péché. C’est juste des humeurs. Moi, je veux voir un film avec le père Philippe Rittershaus, ou le père Yannick Poligné, ou le père Ronan de Gouvello, ou le père Preynat au micro, sous le feu des projecteurs ! Tous ces curés avec une foi ardente, pris en faute pour homosexualité ou pédophilie ou trafic de drogues ou viol avéré, et piétinés en ce moment en place publique, sans possibilité de s’exprimer, de se défendre et de se rattraper ! En fait, malheureusement, les réalisateurs cathos ne choisissent que les purs, les curés corporate, les beaux (le père Paul, c’est le nouveau Richard Chamberlain), les relativement parfaits, les cools, les peu amochés, les vertueux, les exemplaires. Mais qui ça convainc ? Certes, ça rassure. Mais ça ne convainc et ne convertit quasiment personne ! Vous entendez, les gars hétéros d’Anuncio ? Tu entends, Émile Duport ? Les prêtres pécheurs et criminels ont des choses 100 fois plus belles, poignantes, délicates, subtiles et importantes à dire, y compris sur le sacerdoce et la formation (ou déformation) des futurs prêtres au séminaire ! Un cœur broyé par les péchés et transpercé de glaives saigne plus et irrigue bien plus de monde qu’un cœur intact, fût-il battant et en parfait état de marche ! Les prêtres Mère Teresa sont certes « admirables » mais chiantissimes. On n’a retenu quasiment aucune de leurs phrases (à part celle du renoncement – partagé avec les hommes mariés – à 99% des femmes sauf une. Merci : super…). Au fond, les curés de « Sacerdoce » se donnent à moitié, ou petitement, rationnellement, prudemment, méthodiquement. Ils ne donnent même pas leur nom entier : alors le vrai don, où est-il donc ? On nous parle de « faiblesse », de « combat », de « difficulté » : mais concrètement, on ne la voit pas ; ou en tout cas, pas la faiblesse plus honteuse, dévirilisante et désacerdotalisante. Ex-communiante. À ce propos, c’est le grand tabou de l’homosexualité sacerdotale. En fait, j’ai l’impression que la majorité des catholiques (laïcs, médias et clergé confondus) sélectionne les « épreuves des prêtres » (en focalisant – c’est bien commode – sur les abus sexuels, donc la présomption de pédophilie sur tous les prêtres, ainsi que sur le renoncement au mariage et à la sensualité conjugale), ils sélectionnent aussi les « épreuves des jeunes » (en focalisant sur le harcèlement sexuel, et en ce moment dans les sphères cathos, surtout, sur le porno). Et après, ils se gargarisent, comme le père Mathieu, d’avoir traité courageusement et sans langue de bois des sujets les plus urgents et tabous : « Aujourd’hui, on parle sans problème. » dit-il. Pour résumer, en ce moment, « la merde qui tient chaud » des prêtres, ce sont les abus sexuels (ça ressemble à un mea culpa qui se suffit à lui-même) ; la « merde qui tient chaud » des ados et des hommes pré-adultes, c’est le porno et la masturbation (on nous décrit les dégâts du porno : on nous parle – en cercle de parole – de son aspect culpabilisant, en cercle de parole). Ces merdes servent d’écran à d’autres tentations ou péchés bien plus répandus et urgents qui assaillent les prêtres et les jeunes d’aujourd’hui : homosexualité, addictions aux drogues, libertinage, adultère, vols, viols, prostitution, et même crimes… En fait, les catholiques et le clergé se limitent à traiter de leurs petits problèmes de riches, ou de problèmes secondaires, périphériques, et faussement « impressionnants », ou bien, quand ils se risquent à toucher des sujets graves, s’épanchent sur les problèmes des autres. La monstration de la faiblesse sacerdotale est toujours quand même au final au profit d’un triomphalisme héroïste et viriliste, voire paternaliste bien sûr, en mode « Cercle des Poètes disparus », ou bien « combat et dépassement de soi » (donc « performance »), en mode « victoire épique ». Pas de défaite, d’impureté, d’infamie, au tableau ! On finit même par un « Amen de Gloire ! » Ou on débouche la bouteille de champagne sur le podium ; ou on arrive au sommet de la montagne enneigée gravie ; ou on expose le lumineux Saint Sacrement en mode « Mission » au cœur des favelas du bout du Monde. Sur fond de Epic Music. C’est insupportable. C’est les camps virilistes du père Loiseau, du père Philippe de Maistre, ou le pélé de Chartres. Petits joueurs. Et surtout, grands hypocrites ! J’en peux plus de ces films cathos hétérosexuels ! Voilà. Les prêtres homos ou criminels sont abandonnés, cachés, alors qu’ils constituent quasiment la moitié des troupes cléricales réelles, et finalement la plus prophétique, la pierre d’angle. Et eux, vous les laissez complètement tomber, alors qu’ils pourraient sauver l’Église bien mieux que les prêtres parfaits, tirés à quatre épingles, dans les clous, et filant droit ! Troisième et ultime franchise observée dans le documentaire « Sacerdoce » (sans doute la pire, car elle s’avance sous la bannière de l’amour, de l’humilité et de la compassion pour les victimes) : c’est la franchise de la justice. Justice en général qu’on fait par soi-même et au nom de Dieu. Donc – autant vous dire – une cata. On ne sort pas de la logique binaire victimes/sauveurs. Avec les victimes bien séparées de leurs sauveurs, bien sûr. Et les sauveurs et victimes bien séparés des bourreaux par une frontière étanche. Une véritable absurdité anthropologique et spirituelle ! sans cesse contredite par le terrain ! Dans « Sacerdoce », on nous montre à énormément de reprises la scène du prêtre interprétant le rôle de « l’écoutant », du « psy thérapeute », qui acquiesce systématiquement et de manière un peu trop compassée pour être crédible (c’est ça avec le père Paul, et surtout avec le père Antoine, qui enchaîne les « oui » automatiques : « Mon père, j’ai été violée par mon frère. » « – Oui. » « et violée par mon mari. » « – Oui, tout à fait, je vous écoute. » « et violée par mon curé. » « – Oui, d’accord. C’est très émouvant. Oui oui. »). « Curé : le pouvoir de dire OUI ! » On a même droit au diagnostic du père Mathieu sur les mécanismes psychologiques victimaires du viol et de l’abus sur les enfants, dans son cabinet… pardon, dans son bureau. Ce ne sont plus des prêtres, mais des psys, des maîtres de sagesse de cercle de parole de développement personnel. Et bien sûr, les réels mécanismes du viol ou des abus dont on fait tant cas dans le documentaire, ils ne sont jamais abordés (l’homosexualité, notamment ; mais pas que ; il y a aussi la vraie contrition et idéalement la démarche audacieuse de chacun des prêtres de se reconnaître comme le pire des criminels et des pédophiles que leurs collègues pédophiles et/ou homosexuels officiellement incriminés… et de ça, on en est très loin !). Les gars, ce n’est pas à cause des abus sexuels que les gens ne croient plus au sacerdoce. C’est à cause du fait que vous, les prêtres, ne vous avouez pas pécheurs et criminels vous-mêmes (j’ai bien dit « vous-mêmes » : pas « les autres », ni « vos pairs » P.A.I.R.S., ou « coreligionnaires »). Face à la problématique et au raz-de-marée des abus et des scandales sexuels dans le clergé actuel, le prêtre Mathieu, depuis Manille, affiche à plusieurs reprises sa circonspection sincère : « Je n’ai pas d’explication. » Je je… je ne comprends pas. Les bras m’en tombent ! « Les pauvres ont l’impression qu’ils ne sont pas les bienvenus dans l’Église. » renchérit-il : À qui la faute ? À l’écran, on n’est pas face à des prêtres pauvres, véritablement piteux et honteux, véritablement contrits et salis par leurs propres péchés ! Vraiment piteux et honteux ! Ils sont « salis » par ceux des autres, peut-être, mais qu’est-ce qu’on s’en fout, en fait ! Les autres connaissent leurs péchés. Les pauvres connaissent leurs péchés ! En revanche, ces derniers veulent connaître les péchés des prêtres ! et leur humilité à les reconnaître, à se savoir pécheurs comme eux, voire plus pécheurs qu’eux, puisqu’ils sont prêtres et censés être plus purs qu’eux et purs comme Jésus ! Et alors, le clou du spectacle de cette franchise de la justice, c’est qu’elle se finit lamentablement sur l’accusation justicière, accusation basculant sans crier gare dans l’injure et la récrimination. En effet, les prêtres du documentaire « Sacerdoce » ne se contentent pas d’afficher leur honte et leur affliction face aux dérapages sexuels graves des prêtres de par le Monde : ils devancent la tribunal populaire en frappant eux-mêmes ou en crachant sur leurs collègues prêtres qui ont été accusés d’abus ou de viols, et qui ont eu le « culot » de salir leur propre réputation « sacrée » ! À l’instar du jeune prêtre versaillais Pierre-Hervé Grosjean, qui en conférence publique, a traité les curés pédophiles et ou homosexuels de « salopards », le père Mathieu, en grand justicier nettoyeur et vengeur, se lâche dans « Sacerdoce », en les appelant « les pervers », et en annonçant qu’il sera sans pitié avec ces derniers : « Au moindre truc, on dégaine. On les attend. » Wow… Propos véridiques. C’est dans le film. C’est scandaleux. C’est facile d’aimer les victimes et de maudire les bourreaux. Mais tellement plus difficile, saint et sacerdotal d’aimer les victimes mais de leur préférer leurs bourreaux (parce que eux, à cause de ce qu’ils ont fait, personne ne les aime !). Je suis prêt à parier que ces jeunes prêtres « exemplaires » ne s’entendent pas afficher leur vengeance et leur désir de purge, ne s’entendent même pas maudire les ennemis, et que peu de spectateurs cathos qui auront vu le film les entendent maudire les pécheurs, et s’en offusquent. Dans la franchise, il y a une violence et une entièreté, une intention désespérée, qui séduit les masses, qui est éclatante et faussement victorieuse. Avec moi, désolé, non seulement ça ne prend pas, mais pire, ça m’écœure. Là-Haut, on va avoir des grosses surprises ! Les sacerdoces les plus courageux, les plus humbles et les plus aimants ne seront pas ceux qu’on a crus à l’image. Je termine enfin mon plaidoyer pro-curés-violeurs-et-pédophiles en signalant l’injonction paradoxale qui vient clore le documentaire : celle du chant final « Regardez l’humilité de Dieu », interprétée par les petits chanteurs à la gueule de bois, en grandes pompes, avec orchestre symphonique et musique grandiloquente en renfort, chanson spatiale qui nous casse les oreilles… et qui au bout du compte casse l’humilité de Dieu, justement, alors qu’elle prétend sincèrement illustrer et honorer cette dernière. Voilà, en quelques secondes, tous les paradoxes de la franchise et de ce documentaire ! À trop être franc et bien intentionné, on en devient faux et sincèrement menteurs.

L’alchimie et les nombreuses références auriques francs-maçonnes dans le film « Les Crevettes pailletées »… même si personne ne les aura vues et ne les dénoncera


 

(La lecture de ce billet est à compléter avec mon article sur les « Goûts musicaux homosexuels » ; et vous pouvez retrouver tous les codes homos aperçus dans le film « Les Crevettes pailletées » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels, en particulier le code sur l’attraction des personnes homos pour l’or.)
 

Le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare vient de sortir dans les salles de cinéma françaises. Et il est annoncé comme LE film homo et gay friendly de l’année, teintant les prochaines Gay Pride d’un parfum de délire, de bonne humeur mais aussi de militantisme-bidon intitulé « lutte contre l’homophobie dans le sport » (une priorité nationale… oui, tout à fait…).
 

Je ne me prononcerai pas sur les intentions du film ni sur sa qualité. D’autres journalistes, qui ne savent pas ouvrir leurs yeux ni penser avec leur tête, s’en chargeront à ma place. Personnellement, il n’y a que le factuel qui m’intéresse, et le contenu concret du film. Pas ce que les gens veulent en faire pour applaudir – ou descendre plus bas que terre – les personnes homosexuelles (en l’occurrence nous) et la production « artistique » qui parlent d’elles.
 

 

Et « Les Crevettes pailletées », comme tout film ou émission de télé de propagande franc-maçonne qui se sert de la communauté homosexuelle comme poule aux œufs d’or (sans jamais régler nos réels problèmes et nous considérer) pour construire des carrières et pour briller de mille feux électriques et pailletés, se base sur l’alchimie. L’alchimie, c’est concrètement la (prétention de) transformation du plomb en or (alchimie opérative) ; mais c’est aussi, de manière plus symbolique (alchimie mystique, spéculative), la prétention chez l’Homme, aidé par le diable luciférien et ses entités énergétiques, de se transformer lui-même en (veau d’)or, de convertir son cœur de chair en cœur de pierre dorée (la quête de la Pierre philosophale défendue par les francs-maçons), de se créer soi-même et de créer l’Humanité, la Divinité et l’Amour par sa propre volonté, ses propres moyens et actions, par ses bonnes intentions et sensations.
 

Et le film de Le Gallo et Govare est truffé de références à l’alchimie… même si la brillance éclatante de ce business aurique, électrique et solaire (car le Gouvernement Mondial de l’Antéchrist entend ni plus ni moins remplacer Dieu « Jésus » par le dieu « Électricité » et le dieu « Soleil » – donc un héliocentrisme – comme je le démontrerai abondamment dans mon prochain livre sur la série populaire Joséphine ange gardien) se fait passer pour une pluie magique de confettis scintillants, pour un touchant hommage au kitsch et à la pétillance d’une communauté LGBT colorée, chaleureuse et persécutée.
 
 

Exemples d’alchimiques tirés du film :
 

1 – Le titre et l’affiche du film font clairement référence à l’or.
 

 

2 – Mathias Le Goff porte un tatouage d’une couronne dorée.
 

3 – La piscine est l’espace alchimique, narcissique, par excellence, la bulle hermétique dans laquelle les personnages sont plongés pour être dissouts et transformés en or, pour être soi-disant purifiés de leur impureté « homophobe ». L’un d’un personnage homo, Joël, conseille même symboliquement à Mathias Le Goff d’être immergé dans le bassin rainbowC’est une autre piscine. Différente. »), bien plus efficace que la piscine olympique chlorée hétérosexuelle et macho : « Monsieur Propre a la bouche sale… »
 

4 – Le cri de guerre de l’équipe LGBT (« On va vous décortiquer ! On est les crevettes pailletées ! ») est plutôt un slogan de bouchers ou de savants fous biologistes disséquant froidement leurs cobayes sur une table d’opération qu’un slogan de sportifs…
 

5 – Les personnages homosexuels sont décrits comme dorés. Par exemple, Elsa, la femme de Mathias (et « fille à pédés » par excellence), sermonne son mari en mettant la communauté homo sur un piédestal d’or : « Des amis gays, j’en ai plein. Ce sont des gens brillants et extrêmement raffinés. »
 

 

6 – Certains héros sont transformés en objets. Par exemple, Fred, le transsexuel, est appelé « Frigo » par Alex. Les déménageuses (l’équipe lesbienne) a pour cri de guerre « On va vous déménager ! ».
 

7 – Plusieurs des personnages homosexuels portent un soleil sur leur tee-shirt : Jean, Xavier, etc. Et Fred, le trans, est toujours habillé avec des costumes à paillettes, particulièrement lors de l’enterrement final où il est carrément couvert d’or ; et il chausse des bottes d’or remontant très haut.
 

 

8 – Pour sauver sa réputation et sa « carrière » (… de pierre) de sportif de haut niveau (« Ma carrière est finie… »), Mathias Le Goff entraîne une équipe de nageurs gays et/ou trans.
 

9 – Dans la chorégraphie mise en place par Fred (le trans) pour son équipe, il y a un mouvement qui renvoie à la fameuse étape alchimique de la « poudre de projection » : « Et là, POUSSIÈRE D’ÉTOILE ! » commande-t-il à ses danseurs en maillot de bain.
 

10 – Il est question de la Bête technologique : les bonnets de bain des joueurs des « Crevettes pailletées » (représentant des casques), les surnoms que s’échangent certains personnages (« Tu viens ma puce ? » dit Mathias à sa fille Victoire), etc.
 

11 – Jean, l’un des nageurs gays, prend des cachetons contre son cancer.
 

12 – Le noachisme (idéologie déiste et antéchristique d’un retour de l’Humanité à la première alliance avec Dieu sans en passer par Jésus) est très présent dans le film : Joël à un moment donné fait mention de l’Arche de Noé ; et l’un des deux jumeaux de Cédric se prénomme Noé.
 

13 – Fred (le trans) confectionne des combis de natation ainsi que des porte-clés dorés.
 

La Marque de la Bête


 

14 – La fusion et l’énergie (solaire, électrique, sportive) sont suggérées dans le film comme des processus chimiques et relationnels dont on attend les alliages et les effets inattendus : « Un groupe de pédés, confinés dans un bus, dans la chaleur de l’été… c’est sûr il va se passer des trucs ! » (Vincent). Le voyage (ou road trop) est envisagé comme un rite initiatique et gnostique de transformation : « C’est dingue comme ce voyage nous apprend sur nous-mêmes. » (Cédric). On retrouve la fusion en bouche d’Alex à la fin du film : « Mes amis : Show-Time ! »
 

15 – Xavier se fait teindre les cheveux en blond et tatouer l’anus ; Cédric porte à un moment donné une perruque blonde.
 

 

16 – Fred (le trans) loue sur le chemin vers la Croatie une auberge autrichienne qu’il présente comme une « perle architecturale ».
 

17 – Il y a des animaux empaillés dans le restaurant autrichien dans lequel l’équipe fait une halte. Et dans l’hôtel, Jean s’est endormi avec une tête de cerf serrée contre lui.
 

18 – Dans son play-back sur la chanson « Sous le vent » de Garou et Céline Dion, Jean, l’un des héros homos, chante qu’il a « trouvé son étoile » ; et Vincent, travesti en Céline Dion, porte une robe pailletée.
 

19 – Pendant son rappel des règles de base du water-polo, Mathias emploie le jargon de l’alchimie, comme un chef de chantiers face à ses ouvriers. « C’est quoi la base du water-polo ? » demande-t-il à Alex. Ensuite, il interpelle Vincent agressivement (« Vincent, quand on est à l’attaque et que le demi fait une traversée, les coéquipiers font quoi ? ») ; ce dernier se risque à une réponse interrogative (« Ils collent leurs défenseurs… ? ») et se fait immédiatement casser par Mathias (« Non !! Ils se décalent tous d’un poste pour déstabiliser le bloc ! »). Enfin, l’entraîneur s’en prend à Fred (« Fred, c’est quoi la meilleure façon de faire un pressing ? »), et n’apprécie pas son humour et son amateurisme (« Euh… le nettoyage à sec ?) puisqu’il le gratifie d’un violent jet de ballon. Tout cela pour dire que tous les conseils de l’entraînement sont alchimiques et hermétiques : « Ce qui est compliqué pour vous, c’est de vous concentrer. Il vous fait la concentration d’un joueur d’échecs ! » Il est également question de « diagos », de « lasso », donc du champ lexical lumino-textile, caractéristique de la Franc-Maçonnerie.
 

20 – Les produits chimiques dans le film sont en lien avec la sexualité : l’équipe de joueurs de water-polo s’arrête dans une station d’essence où Vincent manque de se faire violer. Et plus tard, Joël sortira avec un homme étranger en lui parlant d’essence.
 

21 – Fred (le trans) est spécialisé dans les produits cosmétiques : « Les filles comme moi ont appris très tôt à masquer un cocard. » confesse-t-il en maquillant Cédric.
 

22 – On aperçoit beaucoup le soleil, qui est même filmé en gros plan et désigné comme l’origine de l’action.
 

 

23 – Dans le bus, l’équipe des Crevettes pailletées fait brûler des fumigènes colorés roses et bleus.
 

24 – Pendant le trajet en autocar, les personnages traversent des tunnels éclairés par des néons jaunes et orangés.
 

25 – Le présentateur des Gay Games est un homme travesti qui a peint sa barbe en or et qui s’habille avec des robes pailletées de diva vénéneuse.
 

 

26 – La discothèque-piscine où se rendent les protagonistes ressemble à un véritable laboratoire alchimique. Tous portent sur le visage des paillettes dorées. Il y a des salles où la glace et le feu se confrontent, parfois avec des bougies, comme dans un sauna libertin transformé en temple. On voit aussi des bulles sphériques en plastique flottant sur l’eau de la piscine. Autour des piscines, entre personnes homos, ça discute carrière, or et commerce de fluides électriques/spermiques. Par exemple, Vincent prend du poppers. Joël, quant à lui, avoue que sa transphobie remonte à un vieux conflit qu’il a eu avec une personne transsexuelle d’une association pour laquelle ils se disputaient le poste de trésorier. Tout de suite après cet aveu, par l’entremise de Fred qui le fait passer pour un magnat de la finance, il se fait brancher (c’est le cas de le dire !) par un charmant athlète étranger, avec qui il négocie un plan cul sur fond de contrat pétrolier : « On est pareils, lui sussure le Slave, on mise sur le pétrole, sur le gaz. Je veux te sucer. ». Joël et son bel étalon finissent de signer leur contrat alchimique dans une chambre d’hôtel, en s’insultant de « sale capitaliste ».
 

 

 

 

27 – La Nouvelle Religion mondiale héliocentrique (solaire) et aurique s’appuie en général sur deux civilisations antiques en particulier (et c’est très marqué dans Joséphine ange gardien) : l’Égypte antique et l’Empire inca. Eh bien « Les Crevettes pailletées » n’échappe pas à la règle puisque pendant la scène de la beuverie en boîte homo, on aperçoit des personnages déguisés en dieux ou en notables incas. Et dans le générique final du film nous sont montrées des photos de l’équipe historique de la véritable équipe des Crevettes pailletées dans lesquelles ils sont tous costumés en Égyptiens antiques. CQFD… On les voit aussi avec un ballon de water-polo jaune.
 

28 – Toujours dans les scènes de bacchanales homosexuelles, l’expérience de l’immersion dans la piscine par Vincent est électrique : il est tellement shooté au poppers qu’il finit sous l’eau en train d’apercevoir des sirènes, puis ses hallucinations s’achèvent par un flash.
 

29 – Mathias, le personnage central du film, malgré ce qu’il prétend pour salir sa prétention, et malgré la place qui est laissée par les autres personnages à la bonne intention (« Moi, je préfère perdre avec ceux que j’aime plutôt que de gagner tout seul. » affirme son joueur vedette Jean), est jusqu’à la fin (tout comme les réalisateurs) dans une optique carriériste. Il déclare quasiment à l’issue du film que « Gagner, c’est sa vie. ». De plus, sa fille adolescente s’appelle Victoire. Et au bout du compte, l’équipe des Crevettes pailletées finit, sinon par remporter les Gays Games, du moins par remporter soi-disant le cœur des téléspectateurs mais également les prix et les trophées des festivals cinématographiques.
 

30 – Lors des derniers matchs des Gay Games, Fred (le trans) fournit des énergisants à ses camarades nageurs en les biberonnant avec une boisson jaune.
 

31 – Les personnages sont animalisés. Par exemple, ils s’auto-surnomment « les crevettes pailletées ». Et à la fin du film, les nageurs croates sont comparés à « des bestiaux ».
 

 

32 – La traduction anglaise qui a été choisie pour représenter l’équipe des Crevettes pailletées aux Gays Games est non pas affiliée à l’or mais au soleil, preuve que ce film est au service de la Nouvelle Religion mondiale héliocentrique : nos chères crevettes sont appelées les « Shiny Schrimps » (ce sera d’ailleurs le titre anglais du film). No comment.
 

33 – Dans la scène finale de l’enterrement de Jean, le prêtre gay friendly porte en ceinture un cordon doré (… accessoire tout simplement inexistant chez les prêtres catholiques dans la vie réelle).
 

Les Ambassadeurs de la Nouvelle Religion mondiale aurique


 

34 – Au moment de cette cérémonie (je n’ose même pas dire messe) mortuaire païenne grotesque, Fred (le trans) est la grande prêtresse. Il est habillé d’une combinaison « or » et porte un collier ressemblant à une parure égyptienne antique.
 

35 – Comme je le disais un peu plus haut, dans le générique final du film, on nous montre quelques clichés de l’équipe historique des Crevettes pailletées. Il y a effectivement la photo où tous les membres sont déguisés en Égyptiens parés d’or. Mais on les voit aussi poser dans les bassins avec des mannequins en plastique jaune. Et – comble du fétichisme électrico-alchimico-aurique –, la chanson qui clôture le film est celle d’Eddy de Pretto (le chanteur homo bobo qui a la cote en ce moment), « Tu seras viril », où il est question d’« étincelle » et d’un commandement de brillance qui est à la fois décrié et suivi à la lettre (« Tu brilleras par ta posture physique. »).
 

 
 

Voilà voilà. Alors en résumé, au-delà des intentions ou des avis sur le film, je tenais personnellement à en rester au film en lui-même et à vous dire ce que j’avais vu. Les gens gays friendly se font du fric et de l’or sur notre dos, à nous personnes homosexuelles, avec malheureusement, la complicité d’un grand nombre d’entre nous. Et c’est non seulement scandaleux mais homophobe. Une des rares à avoir identifié cette homophobie gay friendly (même si ce n’est pas avec les bons arguments), c’est la youtubeuse Ronde Queer. Merci à elle.
 

Code n°29 – Chevauchement de la fiction sur la Réalité (sous-codes : Fuite ou haine de la Réalité / Crâne en cristal / Ralenti-accéléré / 4 rocs du Réel)

chevauchement

Chevauchement de la fiction sur la Réalité

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Je rejoins la souffrance… parce que je ne la supporte pas et je la fuis !

 

 

Chez la majorité des personnes homosexuelles, la confusion entre les images déréalisées (offertes par le cinéma, la chanson, la littérature, Internet) et la Réalité engendre une perception perturbée du monde. Leur cinéma intérieur finit souvent par prendre le pas sur le monde extérieur. Nombreux sont les auteurs homosexuels à se servir de la métaphore du crâne en cristal « plein d’images de saints et de putes » télévisuels (Manuel Puig, El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) p. 166) pour figurer leur cerveau pollué d’illustrations-poubelle déconnectées de toute humanité. Beaucoup d’artistes mettent fréquemment en scène dans leurs créations des chevauchements de la fiction sur la réalité concrète. Pour eux, le monde est réductible à un roman, à un théâtre d’ombres chinoises, à un diaporama géant, à une bande-dessinée ou un vidéo-clip. Toute leur écriture, mimant le cinéma et son défilement continu de séquences, dit leur conception cinématographique mi-angéliste mi-désenchantée de l’existence humaine. On entend quelquefois des sujets homosexuels confier qu’ils donneraient n’importe quoi pour faire de leur vie un grand film car ils cherchent à fuir leur réalité qu’ils jugent médiocre. Après coup, ils tournent en dérision leur prétention, comme pour se prouver à eux-mêmes qu’ils ne perdent pas la tête, qu’ils ne confondent pas leur théâtre intérieur avec leurs expériences existentielles. Mais s’ils redescendent sur terre, c’est souvent parce que la vie les y oblige, et non véritablement par désir. Leur quotidien est bien plus imprégné de références à un univers virtuel qu’au monde réel.

 

Cela s’explique très bien. Par nature, le désir homosexuel est un désir éloigné du Réel puisqu’il rejette LE socle du Réel qu’est la différence des sexes et sans lequel nous ne pourrions même pas être là pour en parler (d’ailleurs, un certain nombre de personnes homosexuelles passent pour des gens très lunaires, littéraires, inconstants et insaisissables !). Il rejoint ce que j’ai appelé dans mon essai Homosexualité intime (2008) les « réalités fantasmées », celles qui ne s’appuient pas exactement sur le Réel humanisant, mais plutôt sur les fantasmes éphémères, les mythologies narcissiques et les bonnes intentions. Qu’est-ce que le Réel humanisant et relationnel ? Difficile d’en donner une définition figée car c’est quelque chose qui nous dépasse, un fait révélé qui s’accueille humblement, qui est vivant et mouvant, que certains appellent à raison « Dieu » (car Dieu est le plus réel des réels !), dont on ne peut que deviner les contours car Il existe aussi en promesse, en désir, en liberté laissée aux Hommes. Les sciences humaines, tout au long de l’Histoire, ont essayé de mettre des mots sur le Réel pour Le définir et Le protéger, comme une observation/intuition qui transcende les âges, les cultures, les pays. Elles disent qu’Il se base sur trois « rocs » fondamentaux : la différence des sexes, la différence des générations, la différence des espaces (Je vous renvoie à l’analyse de la philosophe Janine Chasseguet-Smirgel, dans la revue La Nef, n°58, 1975, p. 209) ; j’en souligne un quatrième, moins objectif : la différence entre créatures et Créateur. Et elles rajoutent que si ces « piliers » ne sont pas reconnus et respectés, cela aboutit à des violences à plus ou moins long terme, à des fusions incestueuses ne permettant pas aux humains de vivre en paix ensemble et « en bonne distance » : pensons par exemple à l’inceste, la consanguinité, la pédophilie dans le cas de la différence des générations ; au voyeurisme, au vol, aux guerres dans le cas de la différence des espaces ; à la mégalomanie, au totalitarisme, à la jalousie dans le cas de la différence entre l’Homme et Dieu. « Dans son ouvrage fondateur Les Structures élémentaires de la parenté, Claude Lévi-Strauss montre ce qu’est le fonctionnement symbolique dans la société : ce sont les règles qui président aux échanges légitimes, c’est-à-dire considérés comme justes, voire ‘naturels’ par tous les membres d’une société donnée. Sans eux, ce serait la guerre de tous contre tous. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 76) Les quatre « rocs » du Réel sont autrement plus fondateurs et importants que les « petites différences humaines » (pour reprendre l’expression freudienne du « narcissisme des petites différences ») telles que la couleur des yeux, être gaucher ou droitier, la différence de goûts, etc. : ils sont des questions de vie ou de mort, purement et simplement ! Malheureusement, dans notre planète qui se virtualise à vitesse grand V par la voie des bons sentiments médiatiques et « humanistes », on tend à vouloir effacer ces différences du Réel en énonçant, avec les meilleurs intentions du monde, que « l’Amour n’a pas de sexe, pas d’âge, pas de frontière, pas d’origine, ni d’autre maître que la conscience individuelle et le Couple fusionnel ». Or, c’est quand nous prenons peu à peu nos distances avec le Réel (par peur de nos limites humaines, de notre finitude, de la liberté des autres, de la souffrance, etc.) que nous nous éloignons finalement de l’Amour concret, des personnes, des situations humaines, et que nous laissons libre cours à nos pulsions.
 

Aujourd’hui, dans nos sociétés contemporaines, c’est la différence des sexes qui est la plus remise en cause… et le pire, c’est qu’on fait passer cet effacement pour une incroyable prouesse comique (« Je me travestis, c’est drôlissime ! »), scientifique (« Le scalpel donnera raison à ma conscience d’être une femme dans mon corps d’homme ! »), artistique/politique (« Je suis ma propre œuvre d’art : avec les jeux de lumières et de maquillage, je transcende tous les codes de genres ! »), sincère (« L’important, c’est le progrès, l’égalité, et la liberté de choix. »), spirituelle même (« Je suis un ange sans sexe, innocent et pur. »)… alors que concrètement, on fuit l’humain. Le couple homosexuel, pour cette raison, est d’une grande violence et fragilité, en dépit des apparences et des sincérités qui s’y expriment : il est purement et simplement signe de l’exclusion de la différence des sexes, qui n’est pas une « petite différence » puisqu’elle est la condition de la Vie.
 
 

N.B. 1 : Je vous renvoie également aux codes « Inversion », « Télévore et Cinévore », « Bovarysme », « Planeur », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Conteur homo », « Plus que naturel », « Adeptes des pratiques SM », « Pygmalion », « Frankenstein », « Magicien », « Morts-Vivants », « Sommeil », « Vent », « Train », « Bobo », « Drogues », « Folie », « Miroir », « Jeu », « Musique comme instrument de torture », « Actrice-Traîtresse », « Obèses anorexiques », « Violeur homosexuel », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », à la partie « Play-back » du code « Substitut d’identité », à la partie « Enfant dans la galerie » du code « Ombre », à la partie « Filmer sa vie » du code « Photographe », et à la partie « Schizophrénie » du code « Doubles schizophréniques », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 

N.B. 2 : Ce code fonctionne en binôme avec le code « Planeur », et lui est indissociable : les codes « Planeur », « Télévore et Cinévore », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », sont les premières marches ; les codes « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », et « Icare », c’est l’atterrissage.
 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

FICTION

 

a) « La fiction, c’est comme la Réalité, voire plus fort qu’Elle ! » :

Vidéo-clip de la chanson "Take On Me" de A-ha

Vidéo-clip de la chanson « Take On Me » de A-ha


 

Selon le personnage homosexuel, Réalité et fiction (ou bien, ce qui revient au même, Amour et fantasme) sont intimement mêlées, voire équivalentes : « Il [Adrien, le héros homosexuel] entrait dans un monde improbable, à mi-chemin entre fantasme et réalité. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 29) ; « L’important est l’histoire. Se faire une histoire avant de regarder le vrai. Réelle, irréelle, qu’importe ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 11) ; « Apparemment, je ne suis pas la seule à confondre fiction et réalité. » (Carmen, étudiante lesbienne, s’adressant à Julia sa prof de littérature, lesbienne comme elle, dans le film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? » (2010) de Malu de Martino) ; « Je suis cinéphile. […] Oui, je sais bien que je ne suis pas au cinéma. Mais entre nous, si je devais raconter ma vie, je pense qu’on pourrait en faire un film. » (Didier dans la pièce Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé) ; « Ma vie est une comédie musicale. » (Yvette Leglaire dans le one-(wo)man-show musical Je reviendrai (2007) de Dada et Olivier Denizet) ; « Sa vie est un spectacle. » (l’actrice jouant Dalida dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; « Je prends mes rêves mes rêves mes rêves pour des réalités. » (cf. la chanson « Mes Rêves » d’Isa Ferrer) ; « J’ai toujours confondu la vie avec les bandes-dessinées. » (cf. la chanson « S.O.S. d’un terrien en détresse » de Johnny Rockfort dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Tout est si fugitif, irréel et fragile. […] C’est quoi la Réalité ? » (Martin, le héros prétendument homosexuel de la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Un acteur est une vraie personne. » (Santiago dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « C’est ça le couple ? Le Réel ??? Moi, je n’avais pas signé pour ça ! » (Océane Rose-Marie dans son one-woman-show Chatons violents, 2015) ; « C’était comme au cinéma. C’était au bord de la plage. C’est alors qu’il m’est apparu. Un petit air de Ryan Goslin… avec le corps d’Élie Sémoun. » (Benjamin racontant sa première rencontre avec Arnaud, à qui il a fait volontairement un croche-patte, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, Daniel, le héros homosexuel, préconise à tous les êtres humains de « ne faire aucune différence entre imaginaire et réalité ». Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Abbey se prend pour Dorothy dans le magicien d’Oz. Dans le film « Dedans » (1996) de Marion Vernoux, Éric Caracava prend son caméscope pour une personne réelle. Dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, on apprend que Jean-Marc voulait devenir acteur ; il voit d’ailleurs sa vie comme un film. Dans le film « L’Embellie » (2000) de Jean-Baptiste Erreca, à travers la chanson de l’homme transformiste M to F, on constate que contrat d’acteur et contrat d’existence sont confondus : « Que voulez-vous c’est obligé : par mon contrat, je dois changer mes habitudes, car malgré soi, pour s’imposer, il faut savoir se composer une attitude. Je ne suis pas ce que l’on pense. Je ne suis pas ce que l’on dit. Au cinéma pour qu’on vous lance, être soi-même, c’est interdit. » Dans la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le héros travesti M to F parle de « la compilation de son existence », du « disque de sa vie ». Dans le téléfilm « Bobby, seul contre tous » (« Bobby, seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy, Bobby, le jeune héros homosexuel, n’a pas les pieds sur terre : son père lui dit même que ses rêves n’auraient « pas leur place dans le monde réel ». Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Gabriel dit à son amant Philippe qu’« il n’est pas capable d’affronter la réalité ». Dans l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), Yorkie et Kelly, les héroïnes lesbiennes, vivent dans un monde virtuel entre la vie et la mort.
 

Pire encore qu’une équivalence entre Réalité et fiction, le héros homosexuel défend que le mythe et l’intention prévalent sur la réalité concrète : cf. le film « Role/Play » (2010) de Rob Williams, le film « Independence » (« Indépendance », 2011) de Cesar Espada, le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, le film « P.A. » (2010) de Sophie Laly, etc. « Tu connais quelque chose de plus réel qu’un fantôme ? » (Julia, l’héroïne lesbienne du film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? (2010) de Malu de Martino) ; « Entre la fiction et la vraie vie, il a toujours préféré la fiction. » (Lucie concernant son frère homo Lionel, dans le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier) ; « C’est la vie qui est une vaste comédie où on a tous un rôle. » (Bryan s’adressant à sa mère, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 375) ; « Parce que la Réalité frappe, parce que le silence entre les mots disent davantage que les mots. » (cf. la chanson « Madre Amadísima » de Haze et Gala Evora) ; « Dès que j’écris, tout devient réel. » (Tommaso, le héros homosexuel « écrivain », dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek) ; etc.
 

Par exemple, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, les personnages lesbiens croient que les images peuvent s’animer : Sylvia se met à embrasser des photos ; et Laura considère que les icônes du musées sont vivantes (ça s’appelle de l’idolâtrie) : « Les icônes ne sont pas comparables aux fresques ou aux tableaux des églises catholiques. Ce ne sont pas des représentations de saints, ce sont les saints eux-mêmes. » (p. 110) Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria et Valentine prennent la pièce qu’elles répètent (et où elles jouent un couple lesbien) pour réelle : « [Cette fiction que nous interprétons est] littéraire mais non moins vraie » (Maria) ; « C’est une interprétation de la vie, parfois plus vraie que la vraie vie. » (Valentine) ; « J’ai eu un rêve. Le passé et le présent se confondaient. » (Maria) Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, tous les personnages essaient de vivre leur vie par procuration avec une œuvre de fiction : « Je ne vivais que sur scène et je pensais que jouer était vrai. ». (Sibyl Vane) Par exemple, Dorian prend la peinture pour vraie : la détruire pour lui serait « un meurtre ». Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson Zize, travesti M to F, voit le monde à travers ses références télévisuelles : sa vie obéit au JT de Pernaud. Il décide d’habiter le village de la série Plus belle la vie. Dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso, les protagonistes homosexuels calquent leur vie sur la comédie musicale Adam et Steve. Dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, la chambre de Mister Jones, un vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, soigné dans une maison de repos par Bob, un jeune infirmier dont il tombe amoureux, se métamorphose peu à peu en toile. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ted, l’un des héros homos, parle d’un « clown géant » auquel il doit faire face, lors d’un jeu de rôle où il ne distingue pas la réalité de la fiction. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Benjamin se plaint auprès de son amant Arnaud de ne pas avoir de chien. Celui-ci, accro aux jeux vidéos, lui répond : « Si. J’en ai téléchargé un ce matin. » Arnaud confond monde réel et monde virtuel.
 

Souvent dans les fictions homo-érotiques, les héros expérimentent une troublante correspondance entre leur propre vécu et ce qu’ils ont observé auparavant sur une toile, un livre, une chanson ou un film. Le phénomène du « déjà vu » est un leitmotiv homosexuel. Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, la telenovela que Mariela et son mari homo Miguel regardent est un dialogue qu’ils ont déjà eu ensemble en vrai précédemment. Dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, Timofei, le héros bisexuel, appelle par téléphone sa petite amie qu’il s’apprête à quitter, tout en lui récitant mot pour mot la déclaration d’amour qu’il entend dans une sitcom asiatique qui passe devant lui à la télé. Dans les pièces Le Frigo (1983) ou Loretta Strong (1978) de Copi, le téléphone est considéré comme une personne réelle : « Linda, on ne peut pas baiser avec la voix, voyons ! » (Loretta Strong dans la pièce éponyme (1978) de Copi)
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Autre exemple : le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza est un film sur la création de films. La fiction se mêle au Réel, pour le plus grand trouble des personnages. Curieusement, le projet cinématographique proposé par le jeune Danny porte le même titre qu’un film que Zachary, le prof censé l’évaluer dans un jury pour une bourse universitaire, avait tourné quelques années avant. Et au départ, Zachary croit au plagiat.
 

Film "My Own Private Idaho" de Gus Van Sant

Film « My Own Private Idaho » de Gus Van Sant


 

Souvent, le héros homosexuel prend ses désirs pour des réalités, transforme son amant et sa vie en œuvres d’art, ou à l’inverse ses œuvres d’art en êtres animés : cf. la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier (avec le titre de l’Acte 5 : « La Vie comme dans les magazines féminins »), le film « I Love You Philip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa (où les amants homosexuels sont associés aux couples des films en noir et blanc), le poème « Mosaïque » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne (avec la Belle au bois dormant et Albator ressuscités ensemble pour l’occasion), le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant (avec les modèles des magazines gays qui s’animent), le vidéo-clip de la chanson « Like A Prayer » de Madonna (avec la statue du saint qui prend vie), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, le film « Fotostar » (2002) de Michele Andina (où Jonas finit par rencontrer en vrai l’homme dont il devait développer les photos de vacances), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec Rocky, le Monsieur Muscle, qui, d’objet, devient homme), le film « Les Majorettes de l’Espace » (1996) de David Fourier (avec la caricature animée de la photo de Jean-Paul II), le vidéo-clip de la chanson « Take On Me » du groupe A-ha, le vidéo-clip de la chanson « C’est la vie » de Marc Lavoine, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec la scène de play-back entre la réelle Lena et Lena actrice), etc.
 


 

La frontière entre le monde réel et celui des fantasmes n’est généralement pas identifiée. On assiste, en tant que spectateur, à l’envolée lyrique de l’imaginaire du héros homosexuel, où s’enchevêtrent la fiction et le Réel, dans un brouillage « conceptuel » (parfois vintage, psychédélique névrosé, façon Christophe Honoré ou Marco Berger) ou bien comme dans un vidéo-clip en 3D : « Un automobiliste au volant d’une benne de grand luxe allumait et éteignait ses phares à la vitesse d’une mitraillette. […] Mes escarpins anguille… Ils avançaient tout seuls sur la chaussée au rythme saccadé d’un dessin animé ; ils zigzaguaient. » (Violette Leduc, La Bâtarde (1964), p. 219) ; « Si je m’ennuie trop, je contemplerai les fresques de la chapelle Brancacci. La vie de saint Pierre en bande dessinée, tout de même, c’est quelque chose. » (Luca, le héros homosexuel du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 43) ; « Il feuillette un livre de peinture sur Paris, l’hiver. La Seine était encombrée de glaçons ; des chevaux trottaient sur les quais enneigés où brûlaient des feux de bois ; il faisait froid… Nicolas rêve d’un hiver d’autrefois. » (Benoît Duteurtre, Gaieté parisienne (1996), p. 45) ; « Tout est là : Cinéma, Art, Télé… Y’a plus qu’à reproduire ! » (Glenn s’adressant à son amant Becky, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh) ; « Je rêvais d’une immense pièce remplie de livres, d’étagères à n’en plus finir, du sol au plafond, encore et encore, et plus je regardais, plus les limites de ma vision reculaient. Je comprenais que les livres et les mots étaient tout ce qui était, avait été ou serait. Je me mettais à marcher ; mes pas étaient silencieux et, en baissant les yeux, je voyais que je marchais sur des mots, que les murs, le plafond, les tables, les lampes et les chaises étaient des mots. » (Ronit, l’une des héroïnes lesbiennes du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 20) ; « Pour moi, en grandissant, ç’a été les magazines. J’entrais en douce chez WH Smith, en sortant de l’école Sara Rifka Hartog Memorial, et je lisais des magazines, sans distinction. Je prenais une revue au hasard, sur une étagère, et je lisais. Sans vraiment comprendre en quoi elles étaient différentes. J’aurais été incapable de dire à quel public, à quelle catégorie de la population elles s’adressaient. Je lisais Loaded et Vogue, Woman’s Own, et aussi NME, PC World, et The Tablet. Ces fragments d’autres vies finissaient par se mélanger dans mon esprit. Il y avait tant de choses à découvrir : la musique, le cinéma, la télévision, la mode, les stars et le sexe. Encore maintenant, j’adore acheter des magazines ; je vais chez Barnes and Noble, j’en choisi un et je le rapporte chez moi. Il y en a des piles et des piles partout dans l’appartement, ils occupent la moitié de l’espace, je sais bien que je cherche à me prouver quelque chose, mais c’est une chose qui vaut la peine, donc je continue à accumuler des montagnes de papier glacé. » (idem, p. 43) ; « Et puis quelle manie que celle du théâtre dans le théâtre ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; etc.

 

Dans les fictions traitant d’homosexualité nous est souvent montré le cliché du personnage homosexuel enfermé dans une galerie d’art, une chambre tapissée de photos de stars avec une décoration fournie, ou bien face à un défilement d’images d’un diaporama rapide : cf. le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « For The Boys » (1991) de Mark Rydell, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le vidéo-clip de la chanson « Redonne-moi » de Mylène Farmer, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « The Servant » (1963) de Joseph Losey (avec Hugo dans la chambre ornée de posters de bodybuilders), le vidéo-clip de la chanson « Beautiful Life » d’Ace of Base, le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar, la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis (avec la chambre salle de jeux d’Hugo), le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs (avec Erik visitant aux côtés de son amant Paul une expo avec des portraits photos), le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel (avec la chambre de Matthieu couverte de photos aux murs), le film « Komma Ut » (« Coming Out », 2011) de Jerry Carlsson (avec la chambre remplie de chanteurs), le vidéo-clip « City of Love » de Mylène Farmer, la chanson « Bazar » de Flans, etc. Par exemple, dans le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, la chambre de Yali est remplie de photos d’acteurs et de chanteurs placardées sur les murs. Dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, la chambre d’Hélène est pleine de poupées. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, la chambre de Paul et d’Élisabeth est couverte de photos d’acteurs épinglées aux murs. Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno offre à Pablo une visionneuse à diapos. Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Yiorgos rêve des mêmes images que son projecteur à diapos miniature ; et la lampe colorée pour enfant qu’il a fabriquée pour son fils transsexuel M to F Strella, est une frise offrant un défilement d’images qui se projettent sur le mur de sa chambre.

 

Le héros homosexuel semble vivre une « vraie » cinéscénie : « Son film intérieur débutait enfin. » (Ann Scott, Le Pire des mondes (2004), p. 76) ; « Une scène de bande dessinée américaine des années trente ou quarante s’anima dans mon esprit. » (Éric, le héros homosexuel du roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 51) ; « Mon émerveillement ne faisait que commencer. Les salles, ornées de fresques grandioses, auraient mérité la visite à elles seules. » (Éric, le narrateur homosexuel parlant de la Villa Borghese, dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 20) ; « Ah, combien de souvenirs se sont abrités sous ces frondaisons ! Décors de maisons de maîtres, conversations dans un jardin d’hiver, scène de bals masqués, voyages de noces à Baden-Baden ! Sous cette coupole d’images, elle s’était assoupie pour toujours. » (Laura, l’une des deux héroïnes lesbiennes, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 11) ; « Dans mon enfance, j’étais venue ici une fois. À l’époque, il y avait partout de grands fauteuils et des tables ; je ne me rappelle pas les icônes, mais seulement les petits dieux pleins d’allégresse et les pampres qui ornaient le plafond vert céladon. » (idem, p. 109) ; « À peine engagé entre les décors vagues du studio désert, Paul devint un chat prudent auquel rien n’échappe. » (la voix-off de Jean Cocteau dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville) ; « Il traverse la chambre abricot, son regard saute d’une image d’Épinal à l’autre, sous verre, encadrées de noir, en frise autour de la pièce, Vengeance d’une portière, Le Prince Mirliton, Till L’Espiègle, Histoire de Mimi Bon-Cœur. » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 48) ; « Je restai en arrêt, frappé d’admiration, devant les tableaux de Catherine S. Burroughs. » (Jean-Marc, le héros homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 213) ; « Les débris avaient été poussés dans les coins, quelques cartes postales et des photographies de magazines avaient été punaisées sur les murs. Une fresque d’amateur s’épanouissait sur l’un d’eux. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 239) ; etc.

 


 

Dans les œuvres homo-érotiques, on retrouve souvent l’image du crâne en cristal saturé d’images-cinéma, du cœur-caméra projetant sur le Réel une version ralentie ou accélérée de Celui-ci : « Une rêverie de cristal éveillait peu à peu son âme dans un courant de plaisirs. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite en 2003 par un ami angevin, p. 36) ; « J’aurais voulu que la femme du bidonville [Rani] soit à mon entière disposition. Des images de films hindis dans lesquels le brahmin de la caste supérieure s’éprend de la domestique de la caste inférieure et lui fait passionnément l’amour ne cessaient de tournoyer dans ma tête. Ma vie, je voulais qu’elle progresse en avance rapide. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 20) ; « Des images se projetaient dans mon esprit, tels les morceaux d’un miroir fracassé. » (Éric, le héros homosexuel du roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 115) ; « Le cerveau malade de cette idée s’obsède d’une pensée circulaire coupante comme un diamant et tournant sur elle-même jusqu’à une vertigineuse vitesse qui la stabilise en un effet stroboscopique. » (Quentin Lamotta, Vincent Garbo (2010), p. 40) ; « La perruque est comme un casque, qui se greffe à mon cerveau, y’a des cheveux en vinyles qui poussent de l’intérieur. Et si ça transforme mon visage, ça transforme tout… L’artifice prend racine, j’ai plus peur. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; « Oh, merde, j’ai un kaléidoscope dans la tête ! » (Fougère dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; etc.

 

Le ralenti et l’image-mouvement (Deleuze parlerait d’« image-pulsion ») ont tendance à rajouter du pathos esthétisant ou bien à suggérer une lascivité érotique : « Elle rejette en arrière la mèche qui vient lécher son visage d’Albator moderne comme au ralenti et j’ai peur qu’elle veuille que l’on fasse l’amour ensemble. » (Simon, homosexuel, décrivant sa meilleure amie lesbienne Polly, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 14) ; « Nous sommes les adeptes du mouvement. » (« Monsieur Baratin » dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner) ; « Le tableau avait du mouvement, mais lent. C’était sûrement le premier tableau en slow motion que je voyais de ma vie. » (Jean-Marc dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 215) ; etc.

 

Le héros homosexuel prend quelquefois la posture du bobo évoluant dans une toile ou un film d’avant-garde. Il « philosophe » (inconsciemment, il déprime, en fait), attablé à la terrasse d’un café pour observer les passants avec une émotion pseudo « contenue, sobre et grisante ». Et comme il n’a surtout rien à dire d’intéressant et qu’il (s’)ennuie, alors il se masturbe discrètement par une dégoulinade verbale/picturale narcissique qui « fait joli »… et bien sûr, toujours dans un ralenti très étudié, une nonchalance hédoniste : « Écrire, Écrire, c’est faire sa propre exégèse du monde. C’est se plonger dans le coma, une submersion dans l’encre, un ralentissement du pouls, un ralenti du monde. » (LUI, dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier)

 

Dans les fictions, on remarque que l’irréalité conduit souvent à l’inversion sexuelle et à l’homosexualité. « Il [Adrien] avait le sentiment d’entrer dans un état second, d’être attiré de tout son être par des scènes obsédantes. Une sorte de fascination dont on ne se délivre qu’en y succombant. […] Il désirait les garçons. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 25) ; « On ne se voit plus mais pendant que je t’écris ainsi, chaque soir, j’ai l’impression que tu es là, au bout de ce clavier. Non, plus proche encore. Je te parle, tu m’écoutes. J’imagine tes réponses, je vois ton beau sourire… » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 309) ; « Je nous crée une existence. Je veux façonner la tienne, participer à tes joies et à tes surprises. » (idem, p. 311) ; « Je nous invente une vie à deux qui est si loin de la réalité ! J’y crois tellement que je me sens bien. Mon cœur est tout léger, ma poitrine se desserre. Je crains ne plus savoir faire la différence entre la fiction et la réalité. Mon esprit divague. Tu me perturbes trop. » (idem) Par exemple, dans le film « Alice In Wonderland » (« Alice au pays des merveilles », 2010) de Tim Burton, Alice, pendant la danse du quadrille, rêve d’un monde inversé, où les hommes seraient en robe, et les femmes porteraient des pantalons. Dans le film « Separata » (2013) de Miguel Lafuente, c’est à travers le script d’une pièce commerciale et merdique que Marina, la protagoniste comédienne, va se questionner sur sa sexualité et découvrir son homosexualité en se projetant dans son personnage. Dans le roman Deux Garçons (2014) de Philippe Mezescaze, Philippe et Hervé tombent amoureux pendant qu’ils interprètent ensemble dans un atelier théâtre une scène de Caligula. Dans la pièce L’Illuminé (2011) de Marc Hollogne, en passant du réel à la fiction, le Comte de Casignac change de sexe, et se retrouve transformé en femme.

 

L’action homosexuellement amoureuse de l’irréel prend parfois la forme de la projection accidentelle. Je citerai trois exemples. Dans le film « Sancharram » (2004) de Licy J. Pullappally, pendant que les deux héroïnes, Kiran et Delilah, jouent à animer des marionnettes d’un théâtre d’ombres chinoises qui se déclament leur amour, on voit qu’elles confondent leurs discours avec leurs propres personnes… et ainsi naît leur trouble amoureux lesbien : le « Je vous aimerai et vous chérirai à jamais » résonne à leurs oreilles comme une promesse sérieuse, une sentence. Pareil dans le film « Les Amoureux » (1992) de Catherine Corsini. Alors que Marc, le héros homosexuel, fait réciter en plein air au beau Ronan son rôle de théâtre (un monologue amoureux d’un prince dirigé à une princesse), tout d’un coup, il prend son « prince » au pied de la lettre, et le fixe du regard d’un air inquiet et érotisé ; il est tellement plongé dans une rêverie éthérée qu’il en oublie de lui donner immédiatement la réplique et que Marc est obligé de le réveiller : « Ben alors, à toi ! Qu’est-ce que tu fous ? » « Excuse-moi, j’étais dans la lune ! » lui répond-il, tout gêné. Par la suite, il reprend la lecture du rôle de la princesse : « À quels excès d’amour m’avez-vous amenés ? », avec une lenteur suspecte. Ronan, sentant que Marc pense vraiment ce qu’il lit, l’interrompt brutalement : « Oh arrête de jouer ! Tu me déconcentres ! » Dans la pièce Soixante Degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, l’un des héros bisexuels, a été fortement influencé par la carrière de théâtre-amateur de sa mère, fan des planches. Elle lui demandait de jouer sa réplique au théâtre. Plus tard, dans la laverie où il rencontre régulièrement Rémi, secrètement amoureux de lui et comédien de théâtre dans la vie, il doit également lui donner la réplique pour l’aider à apprendre son rôle dans Cyrano de Bergerac. Les deux hommes finissent par se prendre à leur jeu dramatique (Damien joue Roxane, Rémi Cyrano) et à tomber amoureux l’un de l’autre.

 

La frontière entre Réalité et rêverie (amoureuse, esthétique) est régulièrement rendue complètement floue par le héros homosexuel (cf. je vous renvoie au code « Planeur », de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Nous passâmes le reste de la nuit blotties dans les bras l’une de l’autre, dormant à poings fermés. Des phrases entières du Kama Sutra défilaient sur l’écran de mes rêves. L’édition que j’avais lue était imprimée en petits caractères, il y avait en couverture une illustration d’un manuscrit ancien. Dans mes rêves, les phrases servaient de légendes à des photographies, les personnages étaient Linde, Rani, et un brahmin d’une caste supérieure sorti de je ne sais quel film. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 36) ; « Je suis devant lui. Je rêve. […] Il a du charme. Détermination. Cruauté. Tendresse. Tout est là. Je le reconnais. […] Il m’attire, il me domine. Je suis à lui. Il est le Roi. Le roi Hassan II. Il est beau. Je l’aime. Sans douter, je l’aime. On m’a appris à l’aimer. À dire son nom. À le crier. Il est beau. Il est important. Tellement beau, tellement important. » (Khalid, l’un des héros homosexuels appliquant la méthode Coué face à la figure idéalisée du roi marocain Hassan II, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 9) ; « C’est uniquement à lui que j’ai tout raconté. Mon rêve dans la nuit du mardi au mercredi. Ce rêve-réalité. » (Omar, op. cit. , p. 24)
 

Parfois, le personnage homosexuel rajoute un semblant de désir et de liberté au débordement du mythe sur la Réalité, pour sauver la face, pour se prouver qu’il ne devient pas fou et qu’il est au contraire très créatif, maître de lui-même et de ses perceptions. Par exemple, dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi, Jeanne, l’héroïne, distingue nettement sa vie quotidienne de « l’autre vie ».
 

C’est le militantisme « artistique » ou la sentimentalité spiritualiste qui lui servent d’excuses pour laisser la fiction l’emporter sur le Réel : « Être le cinéaste de sa propre vie afin que la caméra de nos sens transcrivent ce qu’on aime ! Pourquoi contempler le mauvais film de sa vie lorsqu’on a un cerveau pour arranger le moindre détail de sa mise en scène ? Comment se contenter du job de figurant que vous impose votre espace sociétal, alors que sans personne l’on peut se donner un rôle d’héroïne ? On l’accusait de faire mentir le réel ! Mais quel réel au juste ? Savoir incarner l’être dont on rêve, rendre les éléments du monde nôtres, voilà la clef du mystère d’un bonheur mythifié à tort. Car comment pourrait-on s’aimer si l’on n’est pas ce que l’on voudrait être ? À quoi servirait le décor si notre imaginaire n’y destinait aucun drame ? » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami angevin en 2003, p. 7) ; « La disjonction entre dedans et dehors ravage toutes les conventions et substitue au vrai pour tous un plus vrai que vrai discernable par soi seul. » (Quentin Lamotta, Vincent Garbo (2010), p. 97) ; « Rien de ce que je vois n’est vrai. » (Hall dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018)

 

Au lieu de reconnaître la Réalité comme une Vérité universelle aussi bien intérieure qu’extérieure à l’être humain, le héros homosexuel, en bon nombriliste relativiste anthropocentré (bref, en bon nominaliste), fait de la Réalité un indiscernable cortège de points de vue, une affaire de création artistique personnelle : « En un sens, nos paroles sont réalité. Elles peuvent créer des mondes et les détruire. Elles ont le tranchant du couteau. » (le Rav dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 17) ; « À sa façon, quelque peu vague et enfantine, Stephen [l’héroïne lesbienne] s’était rebellée contre la vie et cela rétablissait à ses yeux sa dignité personnelle. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 22) ; etc.
 
 

b) Fuyez le bon et exigeant Réel… et Il revient au galop, mais cette fois avec brutalité :

L’interférence de la fiction sur le Réel participe d’une volonté plus ou moins consciente chez le héros homosexuel de déni de souffrances et de liberté, d’une douilletterie, d’une peur/paranoïa : « On s’assied sur le lit, on se caresse, on s’embrasse avec fureur ou grande tendresse, alternativement. Il s’allonge et je le caresse doucement, je découvre son corps avec mes doigts devenus beaucoup plus sensibles. J’arrive à son visage, il murmure ‘J’ai envie de pleurer. C’est comme un rêve, un truc trop beau pour être vrai. Je me demande quand la tuile va nous tomber dessus. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 85) ; « La vie me fait peur. C’est grave, docteur ? » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Dans nos cerveaux ribote un peuple de démons. » (c.f. la chanson « Au lecteur » de Mylène Farmer, reprenant Charles Baudelaire) ; etc. Par exemple, dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa, la mère de Nathalie confond l’exercice de maths qu’elle fait réciter à son fils avec sa propre situation conjugale, en transposant ses craintes d’adultère concernant son mari absent sur ce qu’elle entend dans le manuel scolaire. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, juste après leur première coucherie et leur nuit d’amour, les deux amantes Ziki et Kena partagent leurs impressions… et Ziki a du mal à réaliser la factualité de leur acte génital : « J’aimerais que ce soit vrai. »… « Mais c’est vrai ! » lui répond gentiment Kena, pour la rassurer.
 

En fait, ce que le personnage homosexuel omet de révéler, c’est que non seulement dans son esprit la Réalité et la fiction ne sont pas mêlées à part égale, mais qu’en plus, il se laisse déborder par la fiction/la pulsion et leur fait gagner artificiellement du terrain sur le Réel beaucoup plus involontairement qu’il ne le voudrait. « Pourquoi tant de fictions dans nos réalités ? » (cf. une réplique de la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Ça ne rêve pas plus qu’on ne doit, mais dans un verre d’eau ça se noie. C’est comme ça, une fille comme moi. Elle a des mots maladroits. Va savoir pourquoi. » (cf. la chanson « Une Fille comme moi » de Priscilla) ; « Je roulais sur l’autoroute comme je le faisais depuis des heures – et soudain quelque chose bascula : je m’arrêta, et au même instant ce fut la route qui se mit à défiler sous moi à la vitesse de 130 km/h. […] Quand j’eus fermé à clé la portière et voulus contourner la voiture, je dus immédiatement chercher un appui : je ne marchais pas, je faisais rouler la terre au bout de mes pieds, toute la ville tournait autour de moi. » (Laura, l’une des deux héroïnes lesbiennes du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 173) ; « Je me perds dans mes rôles. » (James Dean dans la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn) ; etc.

 

Il n’est pas rare qu’il soit sujet à des hallucinations : cf. le film « Œdipe (N + 1) » (2003) d’Éric Rognard, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Papa, il faut que j’te parle… » (2000) de Philippe Becq et Jacques Descomps (des images de Dark Wador se superposent au discours du père), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (Timofei a des visions homosexuelles d’agents de la circulation qui lui font/feraient de l’œil), etc.
 

Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, enchaîne les hallucinations : il confond son lapin en peluche avec Dido son vrai lapin blanc vivant : il devient hystérique au moment d’enterrer sa peluche « vivante ». Puis dans l’hôtel abandonné, il voit un renard et le photographie avec son portable, avant qu’il se volatilise. À la fin, pendant la nuit, à l’extérieur de l’hôtel, il revoit le fantôme géant de son lapin Dido revenir le hanter. « Mais t’es pas réel. » « C’est pas grave » lui répond Dido. Ce film est une grosse daube parce qu’il est un téléscopage sincérisé continuel entre le réel et le monde de la télé, du star-system.

 

C’est souvent l’overdose d’images que le héros homosexuel a ingurgitées qui lui fait exploser le cerveau : cf. le film « Augustin » (1994) d’Anne Fontaine, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody (Brad vit sous l’emprise du film « Retour vers le futur »), le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat (avec le crâne en cristal craquelé d’Elton John), la pièce Un train dans la tête (2007) d’Alberto Lombardo, le roman L’Amant pur (2013) de David Plante (avec la tumeur au cerveau de Nikos Stangos, l’un des amants homosexuels), etc. Par exemple, dans les films « L’Attaque de la moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras et « Le Baiser de la Femme-Araignée » (1985) d’Hector Babenco sont filmées des overdoses télévisuelles ou cinématographiques. Dans le film « The Man Who Fell To Earth » (« L’Homme qui venait d’ailleurs », 1976) de Nicolas Roeg, Tommy (David Bowie) supplie ses innombrables postes télévisuels de le laisser tranquille car ils le rendent fou ! Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, Sieger, le héros homosexuel, scotche devant un tourniquet rempli de cartes postales.
 

« Je zappe, je zappe, et du coup, je mélange tout ! » (Jérôme Loïc dans son one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal, 2009) ; « Je suis différente aujourd’hui. J’ai des bruits dans la tête. C’est plus fort que d’habitude mais ce n’est pas insupportable. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 185) ; « Dans la tête, les scènes du roman se superposaient aux ragots que j’avais récoltés au sujet de Varia. Ma propre perception de la fille qui se tenait à côté de moi, tirée à quatre épingles, blonde et blanche, lisse et impénétrable, achevait de semer le trouble dans ma tête. J’avais encore du mal à rassembler les pièces du puzzle. » (Jason, l’un des deux héros homosexuels, décrivant la belle et vénéneuse Varia Andreïevskaïa dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 57) ; « Je la gifle. Je l’attrape par les cheveux, lui cogne le front contre la boule de cristal, elle râle, elle s’affaisse sur sa chaise, elle a une grosse boule bleue sur le front, un filet de sang coule de son oreille. » (le narrateur homosexuel à propos de Madame Audieu dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 89) ; « Je me suis réveillée avec la migraine, ce qui ne m’arrive jamais, et l’impression que quelqu’un m’avait lancé un dictionnaire sur le crâne pendant la nuit. Il a fallu que je prenne une douche particulièrement longue et chaude pour extraire les mots de mon cerveau et chasser la tension de mes épaules. » (Ronit, l’une des héroïnes lesbiennes du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 21) ; « Ma tête est si pleine. Je n’ai pas assez pour tout stocker dedans. […] Mon cerveau a explosé. » (l’un des protagonistes de la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo) ; « Couché dans son lit, il voit défiler ces images, en continu, l’une après l’autre. Il y a quelque chose qui l’effraie dans cette succession de plans différents. » (Jim Grimsley, Dream Boy (1995), p. 41); « Le cerveau creux, le crâne de verre, plein d’images de saints et de putes, quelqu’un lance le cerveau de verre contre le mur, le cerveau de verre se brise, les images tombent par terre. […] Le crâne de verre plein d’images de saints et de putes, de vieilles images jaunies, visages morts dessinés sur du papier froissé, dans ma poitrine des images mortes, de verre, aiguisées, tailladent, infectent, gangrènent la poitrine, les poumons, le cœur. » (Manuel Puig, El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979), pp. 166-170) ; « Ce bruit que fait ce tourniquet en se déplaçant sur son axe, cette espèce de miaulement triste, je l’entends quelquefois quand j’essaie de me recueillir, et je l’entendrai sans doute sur mon lit de mort, à l’heure des tentations dernières. » (Emmanuel Fruges à propos d’un tourniquet rempli de cartes postales, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 150) ; « En regardant autour de lui il avait l’impression d’explorer un coin secret de sa mémoire, de se promener à l’intérieur de son propre cerveau. Les cartes se trouvaient là-bas. […] Il examina une carte ou deux (dans la pénombre on y voyait à peine), puis de l’index il poussa un peu le tourniquet qui fit entendre un espèce de miaulement. À côté de ce tourniquet, il y en avait un autre qui offrait aux regards des portraits d’acteurs et d’actrices. Camille jeta un coup d’œil sur ces visages satisfaits et se sentit tout à coup envahi d’une tristesse profonde. Ce tourniquet miaulait aussi en se déplaçant sur son axe. ‘Qu’est-ce que j’ai donc ? pensa le jeune homme. Ce bruit, ce grincement a quelque chose qui serre le cœur. » (Camille à la papeterie, op. cit. , p. 293) ; « Maman t’a bourré le crâne avec ses salades. » (Sandre parlant à Audric, dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Ils m’ont meublé l’esprit de force, avec des livres. De vieux livres. Tant de poussière dans une tête d’enfant. » (Lacenaire s’adressant à Garance dans le film « Les Enfants du Paradis » (1943-1945) de Marcel Carné) ; « Je me surpris à dérouler dans ma tête un film porno dont je ne faisais plus partie. » (le narrateur homosexuel dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 26) ; « Son visage se tordit tandis qu’il regardait le labyrinthe de livres. Littérature ! Littérature – les Olympiades des nains de jardin ! Bavardage des déments ! Il fit un pas vers l’avant et renversa une étagère de livres par terre. Puis il brisa une étagère, puis une autre. Saccageant toute la boutique, il jeta les livres à gauche et à droite, renversant les étalages, tapant du pied de-ci de-là dans les tas de mots. Des millions et des millions de mots inutiles, des mots regroupés en une série d’illusions, des mots qui promettaient tout et n’apportaient rien. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 176) ; etc.
 

Film "Bobby visite la bibliothèque" d'Eric Krasner

Film « Bobby visite la bibliothèque » d’Eric Krasner

 

À force de ne pas prendre le Réel au sérieux, on voit le héros homosexuel s’enfoncer dans une forme de schizophrénie, de mythomanie, de rêverie étrange, de déprime éthérée, de sentimentalité amoureuse triste : cf. l’album Mythomane d’Étienne Daho, le film « Céline et Julie vont en bateau » (1974) de Jacques Rivette (avec Céline, la magicienne un peu mytho), etc. « C’est beau mais irréel. » (Valentín face au discours planant de son amant Molina, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 71) ; « Je sais pas si c’est la terre qui tourne à l’envers, ou bien si c’est moi qui me fais du cinéma, qui me fais mon cinéma. » (cf. la chanson « Le Monde est stone » de Marie-Jeanne dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Tu vois que la vie n’est pas comme dans les vidéo-clips. » (cf. la chanson « La Légende de Rose la Tulipe » de Cindy et Ronan dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « Je perds mon âme à regarder ces images en elles-mêmes innocentes, innocentes peut-être, mais dont mon esprit a réussi à faire quelque chose de coupable, de vaguement coupable. » (Emmanuel Fruges dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 150) ; « Peut-être dans mon désarroi d’Austerlitz entrait la surprise de constater que les scènes réelles ressemblaient avec une exactitude désolante aux scènes que je m’étais données en représentation très privée dans le secret de mon arrière-boutique. » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 178) ; « Silvano [héros homosexuel recherché pour meurtre par la police] pensa : ce n’est pas possible, je suis en train de vivre une hallucination provoquée par la cocaïne que j’ai prise ce matin. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 88) ; « Hier soir j’étais sorti de mon œuf… Je crois bien que c’était un œuf, alors ils m’ont dit : tu iras à la guerre ! […] Moi, la guerre, je n’en connaissais rien. Je ne savais même pas où ça se passait ! […] Alors je me suis mis à voler. J’y prends un plaisir fou […] moi je planais comme un dingue. […] Mais cette vie-là ça m’a fatigué vite. Je commence à m’arrêter de plus en plus souvent, dès que je vois une branche de libre. Et j’y trouve des gens qui me ressemblent, des camarades qui ont des muscles meurtris à force de voyager. Et je reste avec eux, piailler, sautiller, changer de branche quand le temps nous le concède. Alors il pleut souvent. Nos plumes deviennent grises. Alors, peu à peu, je viens chez vous. » (l’un des facteurs à Jeanne, dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « Je me reproche aujourd’hui d’avoir manqué de courage en me réfugiant dans la sagesse d’une existence imaginaire qui, hélas ! me faisait terriblement souffrir ! » (Ednar dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 166) ;« Jane pensait avoir rêvé de Greta, la mère d’Anna, qui reposait sous le plancher du deuxième étage, mais dans son rêve Greta se mélangait avec des putes d’Alban et la fille assassinée du film ; la façon dont ses yeux s’étaient écarquillés quand le couteau s’était enfoncé. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 79) ; « Jane se glissa sous les bulles, laissant l’eau chaude l’engloutir, tentant d’arrêter le film qui se déroulait derrière ses paupières, un mélange confus de chair et d’ombres. » (idem, p. 100) ; « Je ne sais pas si c’est un rêve, mais je crois qu’on s’est déjà rencontrés. » (Phil s’adressant à son amant Nicholas qui va le trahir, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; etc.
 

Par exemple, dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Xav, l’un des héros homosexuels, est obsédé par un « homme défiguré par une cicatrice » mais il n’a pas la force de lui résister ou de reconnaître son inconsistance : « Il a la gueule coupée en deux, comme dans mon rêve. Mais il est quand même beau. » Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène, en pleine tourmente sentimentale avec son amante Sarah qui la maltraite, étudie, pour le baccalauréat, la Guerre Froide en cours d’histoire (elle commence à lire un de ses cours : « période de tension idéologique… ») ou bien écoute un documentaire sur une plante carnivore en cours de SVT. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Oliver est submergé par des images en négatif, de couleur rouge, de son jeune amant Elio, comme une vision psychédélique et satanique se superposant au réel.
 

Le réveil et la confrontation au Réel sont parfois brutaux aux yeux du dormeur homosexuel fictionnel. Le rêve déconnecté du Réel – ou (ce qui revient au même) confronté à Lui – devient alors vite déception, cauchemar, vision d’horreur : cf. la chanson « Ce n’était qu’un rêve » de Céline Dion, le film « Hubo Un Tiempo En Que Los Sueños Dieron Paso A Largas Noches De Insomnio » (1998) de Julián Hernández, le film « Des jeunes gens mödernes » (2011) de Jérôme de Missolz (avec la fuite du Réel dans la drogue, Internet, et les univers nocturnes), le film « Kemény Csajok Nem Álmodnak » (« Les Dures ne rêvent pas », 2011) de Zsofia Zsemberi, la « performance » Golgotha (2009) de Steven Cohen, le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza (avec le parallèle entre la projection du film « Judas Kiss » réalisé par Jude dans un cinéma – narrant l’histoire d’un père battant son fils – et l’affrontement concret et brutal entre Jude et son propre fils à l’extérieur de la salle), le film « Le Roi de l’évasion » (2009) d’Alain Guiraudie (où Armand, le héros homosexuel, fait des cauchemars glauques et se relève en sursaut tellement il les a cru réels), le film « Grégoire Moulin contre l’Humanité » (2002) d’Artus de Penguern (avec la scène finale où Grégoire se réveille dans une cellule carcérale, nez à nez avec son violeur) ; etc. « Le tableau macabre du rouquin est bien là, il est réel. » (le narrateur homosexuel parlant de son violeur avec qui il accepte de coucher, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 113) ; « Tu as vu comme c’est pas un rêve ? C’est une réalité ! » (Micheline, le travelo M to F, à Jean dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « J’ai pas l’impression d’être ancré dans la réalité ici. J’suis chez les dingos !! » (Mr Alvarez par rapport à l’agence immobilière tenue par Damien, un homme travesti M to F, avec des travelos, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; etc.
 

Film "Orphée" de Jean Cocteau

Film « Orphée » de Jean Cocteau


 

Le Réel rattrape toujours la fièvre des fantasmes. Souvent, le héros homosexuel bute contre son propre souhait orgueilleux de désincarnation et d’amour décorporéisé, contre l’impossibilité de la plénitude de l’amour homosexuel, contre son désir de devenir Dieu : « Cette fois, ce n’est pas un film. C’est la vie. » (Jean Cocteau dans le film « Le Testament d’Orphée » (1959), cité dans le documentaire « Cocteau et compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier) ; « Je ne suis pas un de tes supers-méchants de tes B.D. Je n’ai pas le pouvoir dont tu parles ! » (le père de Danny à son fils homosexuel dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Qu’est-ce qui se passe dans ta caboche ? Dis-le-moi. Mais qu’est-ce qui se passe dans ton cinoche ? Faudrait-il que j’incarne le héros de ton choix pour que tu daignes enfin poser les yeux sur moi ? Être Tarzan la banane ou Robinson dans sa cabane, Bogart, James Dean ou pourquoi pas même Dracula ? » (cf. la chanson « Ton cinoche » d’Étienne Daho) ; « Ce type d’amour ne dure pas. Tu peux fuir la Réalité. Elle te rattrapera. » (le père s’adressant à sa fille lesbienne Claire et à Suzanne la compagne de celle-ci, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; etc. Par exemple, dans le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver, Billy tente de courir rejoindre son bel amant au bord de la plage, mais une vitre invisible freine sa course.
 

La violation des 4 différences fondant le Réel (la différence des sexes, la différence des espaces, la différence des générations, et la différence Créateur/créatures) se fait toujours écho à elle-même à cause des effets réverbérants de la violence. Par exemple, dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, la violation de la différence des espaces (intimité d’un appartement brisée) fait écho à la violation de la différence des sexes (par le mariage homo Ben/George).
 

En plaçant ses fantasmes à des sommets inaccessibles, le héros homosexuel finit par en vouloir à la Réalité de ne pas l’aider à les rejoindre. Il trouve que la vie est un théâtre grotesque et mensonger, l’amour une gigantesque mascarade. « Tout est allé très vite et Olivier ne réalise pas trop ce qui vient de se passer. Il est content que son ami ait pris cette initiative. Plusieurs fois il avait rêvé de ce moment, où il pourrait enfin embrasser son fantasme sur la bouche. Mais la réalité a finalement été bien décevante. Maintenant, il ne sait plus s’il est heureux que ça se soit produit ou non. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 173) ; « Son drame, c’est qu’il se voit comme un personnage, et qu’il voit les autres comme des personnages. C’est pour ça qu’il s’isole. » (une femme-clown-squelette parlant à Vincent de son amant Olivier, dans le film « Les Yeux fermés » (2000) d’Olivier Py) ; « Tanguy conclut que toute sa vie n’avait été qu’un roman : un roman que Jules Verne n’aurait osé signer. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 240) ; « C’est chose terrible, la sentimentalité d’une mère. Parole de Garbo. Et vraie calamité un père lui-même sirupeux tout lâche à l’heure de se coltiner ce primordial mensonge de l’amour maternel qui vous raconte la vie gentil conte de fée, de sa voix doué vous berce de l’illusion jusqu’à profond sommeil plein de rêves, et au réveil, ensorceleur encore, vous console de l’histoire pas vraie en vous minaudant de pires faussetés à l’oreille. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 87) ; « Je gère mal la réalité. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc. Par exemple, dans le film « Morte A Venezia » (« Mort à Venise », 1971) de Luchino Visconti, Aschenbach déclare que « la réalité détourne de l’idéal ».
 

On trouve une défense déçue de la suprématie du rêve sur la Réalité, ou bien la croyance nihiliste selon laquelle la vie serait un songe, dans des films tels que « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar, « Orphée » (1950) de Jean Cocteau, « Le Fabuleux Destin de Perrine Martin » (2003) d’Olivier Ciappa (version-catastrophe d’Amélie Poulain), dans le vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer, etc.
 

Beaucoup de personnages homosexuels affichent ouvertement leur rejet de la Réalité dans une vexation trop agressive pour être le signe d’une détachement et pour ne pas être auto-punitive : « La Vérité dorénavant sort de la bouche de nos écrans… mais ce sera SANS MOI ! » (cf. la chanson « Déconnecter » du groupe L5) ; « J’en ai déduit que la réalité était de la merde et que seule la pensée avait de la valeur. » (Lou Salomé dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Rien n’est plus vulgaire que la réalité. » (Leni Riefenstahl, idem) ; « Combien me semble abject, plat, fatigant, improfitable tout l’ordinaire de cette vie ! » (Hamlet dans la pièce Hamlet, Prince du Danemark (1602) de William Shakespeare) ; « La réalité m’emmerde. » (Sébastien, l’internaute homosexuel du one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien) ; « J’ai suicidé la réalité, j’ai fait une apnée de moi même. […] Mais dès que le rideau tombe, dès que la vie reprend, j’ai peur. […] C’est agressif la vie. C’est agressif la vérité. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; etc. Par exemple, la voix narrative du poème Une Saison en enfer (1873) d’Arthur Rimbaud trouve la réalité « rugueuse ». Dans la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, il est question de « l’objectivité horrible ».
 

Cela peut paraître paradoxal, mais ce mépris du Réel s’accompagne bien souvent chez le personnage homosexuel d’une attraction trop fusionnelle – et pour le coup risquée – vers la réalité concrète, comme le retour de l’élastique excessivement étiré qui annonce un choc violent : « Est-ce qu’il ne faut pas suivre la réalité du monde ? » (Pierre, l’un des protagonistes homosexuels de la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener) ; « J’veux qu’on se trash. Serre fort encore, j’ai rêvé de ça. Trash, trash, trash. » (cf. la chanson « Trash » de Christophe Wilhem) ; etc. Le rêveur homosexuel désire se frotter aux aspérités du Réel qu’il ne ressent plus, au plus irréel des réels, à la plus fantasmée des réalités – à savoir la mort et la souffrance – afin de la défier en orgueilleux dieu, quitte à souffrir et à faire souffrir (cf. Je vous renvoie au code « Adeptes des pratiques SM », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels).
 

B.D. Femme assise de Copi

B.D. Femme assise de Copi


 

Il n’est pas conseillé d’aller jusqu’au bout de ses fantasmes… ou alors on s’expose à rechercher le viol, par manque de Réel. C’est ce qui survient parfois au héros homosexuel qui, en désirant vivre davantage dans le fantasme que dans le monde humain, ouvre la boîte de Pandore où étaient enfermées ses pulsions de possession : « J’ai eu envie de me branler. Je me suis mis sur le dos, j’ai gardé les yeux entrouverts. […] Je voyais se découper sur le ciel des visages, des corps habités, des sexes multiformes et des culs sculptés. » (Claudio, l’un des héros homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 103) ; « Une scène du magazine porno me vint à l’esprit, sauf que cette fois-ci on y voyait Chakra Dev et Sheela. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 20) ; « Mon désir se manifestait dès que le corps d’une autre me paraissait accessible, me souciant seulement du plaisir que j’en espérais. On ne peut pas appeler cela de l’amour. En société, j’imaginais les femmes qui m’entouraient déshabillées et offertes, et très vite, dans un état presque halluciné, je leur prêtais des postures ou des situations que je n’ose décrire, même dans mon carnet… Ma cruauté, dans ces instants, me préparait à l’idée qu’un jour je n’aurais plus vraiment de limite et que mon ‘vice’ m’avalerait entièrement. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 56-57) ; « Des scènes de groupe où entre elles les femmes faisaient des choses que notre morale réprouve. La nuit je m’imagine ayant tout sous les yeux et dans les mains, organisant rien que pour mon plaisir les plus extravagantes situations, et je me découvre capable même des pires cruautés. » (idem, p. 76) ; « Mme Audieu […]. Cette folle perverse rêve depuis des années d’être tuée, elle est à la recherche d’un assassin, voilà : elle l’a trouvé : c’est moi. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 110) ; « Je n’aime pas ce mélange de rêve et de réalité, j’ai peur d’être encore amené à tuer comme dans mes précédents rêves. […] Je sais que même si je ne suis pas un criminel, mon emploi du temps de ces quatre derniers jours m’est complètement sorti de la tête, n’aurais-je pas pendant cette période tué pour de bon ? Est-ce que Marielle ne courra pas un danger restant seule avec moi ? Non, voyons, je suis la personne la plus pacifique du monde. Les gens violents dans leurs rêves sont dans la réalité incapables de tuer une mouche. » (idem, p. 134) ; « J’ai bien fait de le tuer dans mes rêves. » (idem, p. 136) ; « Cody dit ‘Je m’a suis fait voler. Nourdine il a tout volé, l’argent et la caméra de New York University que j’avais empruntée. Oh my god, on habitait ensemble, et cette matin, je m’est levé et tout avait disparu dans l’appartement. ’ Je l’accompagne pour porter plainte. Je lui dis ‘Ça te plaît, hein, que ce mec t’ait volé ? C’est la preuve que tu avais raison d’avoir peur. Maintenant ça te fait jouir d’avoir été une femme violée et volée, c’est comme si ton rêve magique d’être une femme avait été poussé au maximum. ’ Cody, pris en faute, me regarde de travers. » (Mike, le narrateur homosexuel citant son pote gay très efféminé nord-américain Cody, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 111)
 

Ce n’est pas un hasard si certains créateurs homosexuels s’intéressent au passage incontrôlé du fantasme à la réalité fantasmée (par définition une réalité violée et violente) : cf. le film « Elephant » (2003) de Gus Van Sant, le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar, le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, etc.). Par exemple, dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, la mère de Micke tire au revolver sur son mari dans la salle de cinéma en réactualisant un western de John Wayne. Dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le cinéma a le pouvoir de statufier et de tuer le directeur de thèse d’Angela, le professeur Figueroa. Dans sa pièce La Voix humaine (1959), Jean Cocteau veut montrer que les media (le téléphone ici) peuvent agir et tuer. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, revoit à l’opéra le meurtre qu’il a réellement perpétré sur son amant Dick quelques jours auparavant.
 

Oui : fuir le Réel, même si cela paraît touchant de fantaisie et aérien dans l’instant, se révèle très violent et déshumanisant pour le protagoniste homosexuel.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) « La fiction, c’est comme la Réalité, voire plus fort qu’Elle ! » :

Selon beaucoup d’individus homosexuels, y compris ceux qui semblent avoir de l’humour et la tête sur les épaules en temps normal, Réalité et fiction (ou bien, ce qui revient au même, Amour et fantasme) sont intimement mêlées, équivalentes : « Je voulais vivre ma vie comme dans un film de Godard. » (Gaétane, un homme transsexuel M to F, dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan) ; « Ma mère affichait un mépris total pour les films muets que nous allions voir. Elle me disait qu’il n’avait aucun rapport avec la réalité, et que je ne devais pas les prendre au sérieux. Elle avait tort parce que tous les Anglais qui reviennent des États-Unis disent la même chose : ‘Là-bas, c’est comme au cinéma. ’ Et c’est vrai. » (Quentin Crisp dans le documentaire « The Celluloïd Closet » (1995) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman) ; « Je persiste et signe. Ce qui ne se trouve pas dans les media n’existe pas. » (cf. l’article « Orgullo De Informar » de Fernando Olmeda, dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 148) ; « Le monde du film est bien plus vrai que la vraie vie. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 67) ; « J’allais au cinéma, évidemment, à peu près tous les soirs. Elle ne m’accompagnait pas ; les films pour elle ce n’était pas la vérité. J’avais beau lui raconter, tenter de l’intéresser, elle n’en démordait pas, un mensonge même artistique restait un mensonge. » (Frédéric Mitterrand en parlant de son amie Simone, idem, p. 106) ; etc.
 

Pire encore qu’une équivalence entre Réalité et fiction, ils défendent que le mythe et l’intention prévalent sur la réalité concrète : « J’ai vu. Le rêve était plus fort que la vie réelle. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 10) ; « La notion de Réalité est associée à quelque chose de totalement construit, artificiel, qui permet de marquer des points et d’arriver à ses fins. » (Thomas Meinecke, homosexuel, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; etc. Le romancier britannique Oscar Wilde, par exemple, est persuadé que rien n’est plus vrai que l’imaginaire : « Les seules personnes vraies sont celles qui n’ont jamais existé… » (Oscar Wilde cité dans la Correspondance 1945-1970 de Yukio Mishima, p. 17) Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Bertrand Bonello est obsédé par le monde de la peinture : « Pourquoi cette attirance pour les musées ? Il ne l’a jamais su. » (la voix-off de la mère de Bertrand, parlant de son fils) Il rêve de fuir sa réalité pour pénétrer dans les toiles : « C’était comme une maison de poupées. Un théâtre de marionnettes. On passait des heures devant les agneaux à deux têtes. Il était bouleversé. Il voulait vivre là. À côté. Et moi j’étais là, sans savoir quoi faire. » (la voix-off de la mère de Bertrand)
 

One-man-show Chroniques d'un homo ordinaire de Yann Galodé

One-man-show Chroniques d’un homo ordinaire de Yann Galodé


 

Souvent, les personnes homosexuelles expérimentent une troublante correspondance entre leur propre vécu et ce qu’elles ont observé auparavant sur une toile, un livre, une chanson ou un film. J’ai suffisamment vu les comportements des dance floor et des salons « chics » LGBT, assez entendu mes propres amis dire leurs fantasmes de reproduire leurs films, leurs romans, leurs toiles, leurs photos ou leurs chansons préférés, pour savoir de quoi je parle ! (sans m’exclure moi-même du tableau…) Souvent, nous prenons nos désirs pour des réalités, transformons nos amants et notre vie en œuvres d’art, ou à l’inverse nos œuvres d’art en êtres animés. La frontière entre le monde réel et celui des fantasmes n’est généralement pas identifiée. C’est pourquoi, en nous côtoyant, vous avez largement le loisir d’assister, en tant que spectateurs, à l’envolée lyrique de notre imaginaire, où s’enchevêtrent la fiction et le Réel, dans un brouillage « conceptuel » (parfois vintage, psychédélique névrosé, façon Christophe Honoré ou Marco Berger) ou bien comme dans un vidéo-clip en 3D. Nos lieux de vie (la chambre, le salon, l’appartement, etc.) ressemblent souvent à une galerie d’art ou à un panthéon de stars de cinéma et de la chanson : bref, ce sont des microcosmes de notre idolâtrie et de notre fanatisme voué au dieu Irréalité. « Leur imagination est charmée à la vue de beaux jeunes gens, à la vue de statues ou de peintures dont ils aiment à entourer leur chambre. » (J. L. Casper, parlant « des homos », dans son Traité pratique de médecine légale, 1852) ; « Je pénétrai sans bruit dans la chambre décorée de meubles chinois en laque de Coromandel, partout des petits personnages, des fleurs, des oiseaux qui me faisaient rêver de l’Orient. » (Denis Daniel, Mon Théâtre à corps perdu (2006), p. 41) ; « Ma tante, moderne et indépendante, habitat un studio au-dessus de son salon : un grand lit par terre, des photos d’artistes collées au mur, Henri Garat et Mireille Balin, Jean Gabin, Michèle Morgan, Arletty, tout y était un peu bohème. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 19)
 

Vidéo-clip de la chanson "Redonne-moi" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Redonne-moi » de Mylène Farmer


 

Par exemple, François Reichenbach est élevé dans une riche famille de collectionneurs de tableaux. Quant à Yukio Mishima, il comparait la chambre de sa grand-mère à un sanctuaire « plein de kimonos colorés et d’obis garnis de roses afin de se travestir en une magicienne qu’il avait admirée sur une scène de théâtre. » (Yukio Mishima, Confession d’un masque (1971), cité dans sa Correspondance 1945-1970 (1997) de Yukio Mishima, p. 14) Dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger, Oriane, femme lesbienne de 21 ans, décrit humoristiquement sa chambre tapissée de photos de belles actrices et chanteuses comme son « Mur des Lamentations » à elle.
 

Certaines personnes homosexuelles disent vivre une « vraie » cinéscénie : « Le cinéma comme la littérature comme adolescence, c’est s’enfermer dans sa chambre, et ne pas douter que son lit est l’exacte réplique du monde, un territoire crâne et teigneux de désirs. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 32) Par exemple, Francis Bacon se dit fasciné par les successions de photos sérigraphiques en noir et blanc d’Eadweard Muybridge (cf. le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton).
 

La technique de la biopic, c’est-à-dire de la biographie romancée qui reprend la vie d’un personnage célèbre homosexuel pour lui faire porter des messages et des fantasmes contemporains que ce dernier aurait lui-même de son vivant démentit, fait recette en ce moment : cf. la biopic « Truman Capote » (2006) de Bennett Miller, le film « Howl » (2010) de Rob Epstein, le film « Harvey Milk » (2005) de Gus Van Sant, « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, le film « Imitation Game » (2014) de Morten Tyldum, le film « Life » (2015) d’Anton Corbijn, etc. S’enchevêtrent des images d’archives et des dessins animés de manière totalement sauvage et décousue. C’est la « minute difficile » décrite par Jean Cocteau, pendant laquelle les réalisateurs gays friendly, qui s’imaginent rendre hommage historiquement, distordent complètement la réalité et multiplient les anachronismes. Effrayant de contradictions.
 

Elles emploient parfois la métaphore du crâne en cristal saturé d’images-cinéma, du cœur-caméra projetant sur le Réel une version ralentie ou accélérée de Celui-ci (genre les ralentis « Nouveau Roman ») pour, dans l’idée, « aller plus lentement que dans la vie » (comme l’explique pertinemment Philippe Muray dans son essai Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 52), et surtout pour traduire la fantaisie qui les transporte(-rait). Par exemple, aux yeux de réalisateurs comme Pier Paolo Pasolini, François Ozon, Olivier Ducastel, Jacques Martineau, ou encore Jean Cocteau, l’objectif de la caméra ne renvoie plus à un simple objet, mais à une conscience qui voit le monde tel qu’il est. Ils l’ont dit explicitement !
 

 

Le ralenti et l’image-mouvement (Deleuze parlerait d’« image-pulsion ») ont tendance à rajouter du pathos esthétisant ou bien à suggérer une lascivité érotique (… et généralement, c’est bien lent et bien chiant à regarder !) : cf. le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, le film « J’aimerais j’aimerais » (2005) de Jann Halexander, le film « Todo Sobre Mi Madre » (1999) de Pedro Almodóvar, la série Super Jaimie (1976) de Kenneth Johnson, le vidéo-clip de la chanson « Kelly Watch The Stars » du groupe Air, le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan, le vidéo-clip de la chanson « Stranger In Moscow » de Michael Jackson, la chanson « Ouverture » d’Étienne Daho, le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check (« tourné comme si les choses se déroulaient au ralenti »), etc. Les réalisateurs homosexuels actuels adorent matérialiser leurs fantasmes érotiques et esthétiques par le biais du ralenti cinématographique : ce dernier est employé de manière tellement prétentieuse et grossière que, du coup, il donne aussi matière idéale au détournement autoparodique (non moins prétentieux !) visant à montrer que leur naïveté de l’attachement aux images télévisuelles n’est pas complète (je pense notamment aux ralentis surjoués de la pièce musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, du one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, etc.) : « Au moment où elle [Sheela] grimpait dans son car, elle se retourna pour me lancer un grand sourire. On aurait cru un mannequin dans une pub de shampoing. Les femmes s’éloignaient dans le lointain puis virevoltaient pour montrer leur visage au public. J’avais l’impression qu’il y avait du glamour dans ma vie. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, pp. 166-167) ; « J’aime Sébastien à la folie. Le parking de la mairie d’Évreux est facile à trouver, je me gare. Et j’attends. […] J’aperçois la Cooper de mon homme. Il se gare. Je descends à sa rencontre. C’est un film qui se déroule maintenant devant moi. […] Je marche vers lui. Au ralenti. Tout se passe comme si mon corps anticipait ce qui allait arriver. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), pp. 234-235)
 

 

Le ralenti se traduira généralement sur les photographies par l’usage du flou, dans les romans par l’usage de l’homophonie, et dans les pièces de théâtre ou les chansons par des silences singés et des soupirs « à la Philippe Besson » : cf. l’album de photographies Le Chemin des chats (1949) de Claude Cahun (avec ses « images-mouvement »), le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec la caméra tremblante), les photographies « conceptuelles » de Mike Nietomertz, l’écriture homophonique d’un Abdellah Taïa, la nonchalance scénarisée de Steven Cohen ou de François Zabaleta (puante de narcissisme mou et trash), etc. Par exemple, dans son autobiographie Impotens Deus (2006), Michel Bellin dit son attrait pour la sensualité du « ralenti cinématographique » (p. 63).
 

 

La plupart des sujets homosexuels aiment d’habitude prendre la posture du bobo évoluant dans une toile ou un film de la Nouvelle Vague (cf. Je vous renvoie au code « Bobo », de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ils « philosophent » (inconsciemment, ils dépriment, en fait), attablé à la terrasse d’un café pour observer les passants avec une émotion pseudo « contenue, sobre et grisante ». Et comme ils n’ont surtout rien à dire d’intéressant et qu’ils (s’)ennuient, alors ils se masturbent discrètement par une dégoulinade verbale/picturale narcissique qui « fait joli »… et bien sûr, toujours dans un ralenti très étudié, une nonchalance hédoniste : « Je regarde les autres vivre. Je me pose des questions sur eux, qui ils sont… où ils vont… Tu vois, ils deviennent des sortes de héros d’histoires que je m’invente. » (cf. un « post » lu sur le mur d’un contact Facebook, le jeudi 30 août 2012) Les biographies mélancoliques des stars commentées par Frédéric Mitterrand, les films-clips de Gaël Morel, les romans cartes-postales de Philippe Besson, les films musicaux lentissimes de Xavier Dolan, de Gus Van Sant ou d’Andrew Haigh, la sophistication des films-ballade de Jann Halexander, en fournissent de magnifiques exemples.
 

On remarque que l’irréalité conduit souvent à l’inversion sexuelle et à l’homosexualité. C’est un esthétisme très prisé chez les artistes homosexuels que de mélanger dans leurs créations les arts audiovisuels du passé et ceux du futur, ou bien les arts entre eux (théâtre et vidéo par exemple), voire même les documents réalistes et les œuvres fictionnelles (à travers ce qu’on appelle les « docu-fictions », par exemple, ou bien l’insertion de dessins animés, de play-back, dans une intrigue dite « réaliste ») : cf. le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent (avec la présence de dessins animés), le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell, le docu-fiction « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo, la pièce Golgota Picnic (2011) de Rodrigo Garcia, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, la « performance » Golgotha (2009) de Steven Cohen, la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, le film « Autoportrait aux trois filles » (2009) de Nicolas Pleskof, la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo, le film « Peeling » (2002) d’Heidi Anne Bollock (des dessins animés de Beth s’intercalent au film), etc. Le mélange des « genres » artistiques, ou de l’audiovisuel avec le reportage, est une manière à la fois d’esthétiser et d’embellir un quotidien diabolisé, et inversement de donner corps à ses propres fantasmes amoureux irréalistes (= bisexuels) de manière réaliste.
 

Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, on nous montre en parallèle sur un écran un homme efféminé se maquiller en femme, et la narratrice transgenre F to M sur scène se travestissant en homme, en se posant un faux bouc.
 

Il y a dans cette sincérité forcée non pas une hypocrisie (puisque celle-ci ne semble pas volontaire) mais au moins une malhonnêteté intellectuelle, puisqu’on fait passer (par la déformation picturale ou un joli phrasé) l’irréel pour plus réel et puissant que le Réel même ! Comme dans les faux micro-trottoirs publicitaires, où la spontanéité est scénarisée : cf. le faux documentaire « Mockumentary » (2005) de Jo Sol, le documentaire « Hooters ! » (2010) d’Anna Margarita Albelo (film tourné en 6 jours), etc. Par exemple, le film « Elena » (2010) de Nicole Conn, qui est pourtant une fiction, fonctionne comme un docu-fiction, avec des interviews de couples (homos ou présentés comme « hétéros ») soi-disant spontanées et détendues (mais en réalité totalement scénarisées et orientées), intercalées pour prouver l’authenticité de l’amour que sont/seraient en train de vivre les héroïnes lesbiennes de l’intrigue fictionnelle. Quelle malhonnêteté de la sincérité, quand même !
 

À l’inverse, certains documents dits « scientifiques » et distancés, versent l’air de rien dans la sensiblerie et la guimauve. Par exemple, dans le (pourtant supposé « sociologique » !) essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, on constate que les bons sentiments, les idéologies mythologiques pro-homosexualité, et l’imaginaire, l’emportent sur le Réel, la reconnaissance des faits, l’analyse du désir homosexuel et de la pratique homosexuelle. D’ailleurs, il n’est pas anodin que le tout dernier mot de cette étude soit « les imaginaires » !
 

Sur un mode plus militant, mais à prétention tout aussi réaliste et romantisée, le film « The Laramie Project » (« Le Projet Laramie, 2002) de Moisés Kaufman est un docu-fiction retraçant le meurtre « homophobe » du jeune Matthew Sheppard (21 ans) et tout le concert médiatique qu’il a déchaîné aux États-Unis en 1998, de l’agression jusqu’au procès des deux agresseurs : une troupe de théâtre new-yorkaise (Tectonic Theater Project), trois semaines après le meurtre odieux, s’est rendue sur les lieux du crime pour faire pas loin de 200 interviews et récolter des témoignages auprès de la population locale afin d’en faire un reportage scénarisé, « pour la sensibilisation et la lutte contre l’homophobie ». L’objectivité d’apparat de ce documentaire respire en réalité la relecture anachronique et passionnelle des faits, l’instrumentalisation sentimentaliste et condamnatrice de la violence et de la douleur humaine à des fins identitaristes et amoureuses peu solides. C’est puant d’auto-satisfaction et de moralisme bon ton. Effrayant.
 

Parfois, les individus homosexuels rajoutent un semblant de désir et de liberté au débordement du mythe sur la Réalité, pour sauver la face, pour se prouver qu’ils ne deviennent pas fous et qu’ils sont au contraire très créatifs, maîtres d’eux-mêmes et de leurs perceptions. C’est le militantisme « artistique » ou la sentimentalité spiritualiste qui leur servent en général d’excuses pour laisser la fiction l’emporter sur le Réel : « Il n’y a pas de différence entre ce que je dis et ce que j’écris. » (la romancière lesbienne Gertrude Stein)
 

Au lieu de reconnaître la Réalité comme une Vérité universelle aussi bien intérieure qu’extérieure à l’être humain, beaucoup de penseurs homosexuels, en bons nombrilistes relativistes anthropocentrés (bref, en bons nominalistes), font de la Réalité un indiscernable cortège de points de vue, une affaire de création artistique personnelle : « La réalité, c’est une somme des points de vue subjectifs sur la réalité. » (Christophe Bigot, lors de la conférence « Différences et Médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon, à la Mairie du IIIe arrondissement, le 18 novembre 2010) ; « La réalité, écrit Marcel Proust dans son roman Du côté de chez Swann (1913), est un certain rapport entre ses sensations et ces souvenirs qui nous entourent simultanément. » (p. 7) Le nominalisme médiéval n’est pas étranger au basculement progressif de l’Humanité actuelle vers le mythe, dont l’homosexualité n’est qu’un reflet. La philosophie nominaliste (XIIIe siècle), dont notre pensée contemporaine est héritière et particulièrement imprégnée, consiste à penser que l’individu autonome façonne le monde par les mots qu’il crée et par sa propre subjectivité. Selon cette idéologie narcissique et athée, il suffirait de changer les mots pour modifier/créer la réalité à laquelle initialement ils renvoyaient.
 
 

b) Fuyez le bon et exigeant Réel… et Il revient au galop, mais cette fois avec brutalité :

L’interférence de la fiction sur le Réel participe d’une volonté plus ou moins consciente chez les personnes homosexuelles de déni de souffrances et de liberté, d’une douilletterie, d’une peur/paranoïa, d’une misanthropie : « J’aimais me plonger dans un monde imaginaire, c’était ça ; j’étais tout le temps dans les fantasmes, dans l’imaginaire, dans quelque chose qui me sorte de la réalité qui me faisait, moi, énormément souffrir. » (un homme transsexuel M to F cité dans l’essai Le Transsexualisme (2000) d’Henri Frignet, pp. 79-80) ; « J’avais déjà si peu d’affinité avec ma propre existence. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, Un Fils différent (2011), p. 133) ; « Ces lacunes dans le rapport que j’entretiens avec la réalité s’expliquent sans doute par la peur que j’éprouvais enfant en appréhendant le monde extérieur et l’avenir, une peur que j’ai globalement surmontée mais qui a laissé des traces en m’incitant à ignorer ce qui est inquiétant, ce qui menace ma sensibilité et mon équilibre. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 238) ; « Ici, à ces tables qu’occupent des couples d’hommes, vous ne connaîtrez ni les cours de la Bourse ni les fluctuations de la politique. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 24) ; « Moi, je vois mon enfance comme une période qui ne nous a pas du tout armés. Je vais grandir moins vite que les autres. » (Christian, le dandy homo de 50 ans, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Les Mann ne sont pas des personnages de conte de fées. Ils appartiennent à la vraie vie et ce qu’ils font ne te regarde pas. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 119) ; etc.
 

Par exemple, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias décrit son ami homosexuel Copi comme quelqu’un qui en devient excessif parce qu’il n’arrive pas à faire la coupure entre la Réalité et la fiction : « Son seul problème était de parvenir à se démaquiller. » (p. 12)
 

En fait, ce que beaucoup de sujets homosexuels omettent de révéler, c’est que non seulement dans leur esprit la Réalité et la fiction ne sont pas mêlées à part égale, mais qu’en plus, ils se laissent déborder par la fiction/la pulsion et leur fait gagner artificiellement du terrain sur le Réel beaucoup plus involontairement qu’ils ne le voudraient. « J’avais lu trop de livres, vu trop de films. Ma vie et mes sentiments me dépassaient. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 41) ; « Il semble que la parenté entre Mishima et Yourcenar, au-delà des apparences, de l’enracinement commun de leurs œuvres dans l’histoire, pourrait se situer dans la contamination du réel par le rêve. » (cf. l’article « Le Fantôme de Mishima » de Dominique de Gasquet, dans le Magazine littéraire, n°283, décembre 1990, p. 45) ; etc.
 

À force de ne pas prendre le Réel au sérieux, on les voit souvent s’enfoncer dans une forme de schizophrénie, de mythomanie, de déprime éthérée, de sentimentalité amoureuse triste, voire de rêve éveillé cauchemardesque : je parle ici de l’irrationalité du rêve façon « happening brutal », plutôt que du déploiement du désir et de la « liberté I have a dream ». Celle-ci apparaît selon certains médecins comme un point de non-retour : par exemple, pour le psychanalyste Alfred Adler, « la guérison [de l’homosexualité] n’est nullement garantie. Car, en définitive, il s’agit d’amener un être lâche qui, à tout moment, tente de déserter, à accepter sans condition les exigences de la vie. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 200)
 

Le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, par exemple, regorge de références et de mimétismes sincères des séries télévisuelles et du cinéma. Il y a une idéalisation cinématographique (du coup, complètement kitsch) du couple homo : « Bertrand regarde amoureusement son beau Marcel, déjà bien étendu depuis une bonne heure. Ce dernier lève les yeux de son magazine et lui retourne un tendre sourire. » (p. 9) Les amants homos vivent eux-mêmes leur amour comme un film ou une jolie chanson : « Les deux garçons rêvent en couleur, en technicolor, en super son surround. » (Ahmed et Saïd, op.cit. , p. 53) On a l’impression de suivre une série américaine bon marché : à la fois c’est cuculand et le scénario-catastrophe qui brise la romance (exemples : l’accident fatal de tricycle de Marcel, raconté au ralenti ; la séparation subite des amants Saïd et Ahmed à cause d’un coup de tonnerre ; la mort tragique de Patrick présent dans les Tours jumelles le 11 septembre 2001 ; etc.)
 

Le Réel rattrape toujours la fièvre de nos fantasmes. Souvent, les personnes homosexuelles butent contre leur propre souhait orgueilleux de désincarnation et d’amour décorporéisé, contre l’impossibilité de la plénitude de l’amour homosexuel, contre leur désir de devenir Dieu : « Le jeune Carné perçoit la réalité comme une mise en scène, construite et dirigée par lui seul. » (Edward Baron Turk, Marcel Carné et l’âge d’or du cinéma français 1929-1945, 2002) ; « Cette expérience m’était à tel point incroyable que, je préférais me taire, craignant sans doute de passer pour un être anormal et déséquilibré. Mais rien ne pouvait jamais m’ôter l’absolue certitude, que je n’avais pas rêvé ni été victime d’une hallucination. J’étais la victime et le témoin, c’est sûr, la cible d’un amour impossible. » (Berthrand Nguyen Matoko après s’être fait violemment sodomisé pour la première fois par un amant de passage, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 70) ; « Entre moi et elle, à chaque fois, la place de l’imaginaire détermine le degré du désir. Plus l’une me rappelle au réel, plus je la fuis à tire-d’aile, ricanant que tout est possible, en fantasme du moins. Plus l’autre ancre notre amitié dans des discours raisonnables, plus je veux sa déraison, ce qui lui échappe. Obstinément, entre chaque rendez-vous, je défais comme Pénélope les mailles serrées du réel que nous venons de partager pour tisser une tenture de rêve où chacune vient se prendre à son tour. Souvent, leur réalité déchire le voile derrière lequel je les contemple. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 197) ; etc.

 

En plaçant ses fantasmes à des sommets inaccessibles, l’individu homosexuel finit par en vouloir à la Réalité de ne pas l’aider à les rejoindre. Il trouve que la vie est un théâtre grotesque et mensonger, l’amour une gigantesque mascarade. « Même au cours de la vie la plus éclatante et la plus comblée, ce que l’on veut vraiment faire est rarement accompli, et des profondeurs ou des hauteurs du Vide, ce qui a été, et ce qui n’a pas été, semblent également des mirages ou des songes. » (Marguerite Yourcenar, Mishima ou la vision du vide (1980), p. 123) ; « J’ai un ennui profond pour la réalité. » (le chanteur Loïc Nottet dans l’émission Danse avec les stars 6 du 28 novembre 2015) ; etc.
 

En général, on trouve chez presque tous les artistes homosexuels néo-baroques, queer, kitsch, camp et gay, une défense de la suprématie du rêve sur la Réalité, ou bien la croyance nihiliste et désenchantée selon laquelle la vie serait un songe (cf. les mises en abyme, le métathéâtre contemporain, le spectacle dans le spectacle, l’insertion de l’outil multimédia dans des pièces de théâtre contemporain, etc.). « Par mon travail, j’essaie d’exprimer un refus du quotidien. Le quotidien n’est ni joyeux ni magnifique. » (le couturier homosexuel Xavier Delcour cité dans la revue Têtu, novembre 2001, p. 111)
 

Beaucoup de personnes homosexuelles affichent ouvertement leur rejet de la Réalité dans une vexation trop agressive pour être signe d’un détachement ou pour ne pas être auto-punitive : cf. le documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order », 2012) de Jan Soldat (traitant du sadomasochisme par un « couple » d’hommes âgés qui a l’air de planer et de jouer innocemment). « Le sens de la réalité leur échappe parce qu’ils ont fit pour ainsi dire l’économie de l’étape œdipienne et que la séparation entre Moi et non-Moi n’existe pas pour eux. Leur vision du monde est de type fusionnel. […] Le mot d’ordre de la propagande moderne : l’onirique c’est le réel. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 97) ; « Assimilée à la peste brune […] , le réel est le bouc émissaire de Festivus festivus. L’irréel est devenu une commande sociale. » (idem, p. 144) ; « La réalité est douleur. » (le peintre Francis Bacon dans le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton) ; « Carson McCullers est très candide et ne peut pas admettre les difficultés du réel. » (Josyane Savigneau à propos de la liaison lesbienne entre Annemarie Schwarzenbach et Carson McCullers, dans la biographie Carson McCullers (1995), p. 104) ; « Annemarie Schwarzenbach, elle aussi, a du mal à affronter la réalité. » (idem, p. 96) ; etc.
 

Cela peut paraître paradoxal, mais ce mépris homosexuel du Réel ne se manifeste pas nécessairement par des idées planantes. Il s’exprime surtout par une prétention puriste – et souvent désenchantée, pulsionnelle – à la possession de la matière, par la « folie du voir » de l’Homme baroque (cf. l’article « Calderón et l’Emblématique » de Christian Bouzy, dans l’essai Aspects du théâtre de Calderón dans La Vida Es Sueño et El Gran Teatro Del Mundo de Pedro Calderón de la Barca (1999) de Nadine Ly, pp. 17-18). « Celui qui est privé d’accès à la dimension de la métaphore, c’est le psychotique. C’est lui qui ne boira plus jamais dans un verre s’il a entendu dire qu’on peut se noyer dans un verre d’eau ! » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 79). En intentions du moins, beaucoup de personnes homosexuelles sont des rêveuses qui désirent se frotter violemment aux aspérités du Réel, s’approcher du plus irréel des réels, de la plus fantasmée des réalités – à savoir la mort – afin de la défier en orgueilleux dieux, quitte à souffrir et à faire souffrir (cf. Je vous renvoie au code « Adeptes des pratiques SM », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Comme le dit fort justement le psychanalyste Jean-Pierre Winter dans son essai Homoparenté (2010), « le refus du réel » désigne une « violence » larvée et parfois effective (p. 115).
 

L’image du crâne en cristal n’est pas à prendre à la légère. Ce cerveau représente vraiment le projet du transhumanisme, idéologie voyant le monde à travers un « homme augmenté » (comme dirait Bernard Claverie), un être-robot qui, comme une neurone faisant partie d’un immense système cérébral mondialisé gérant les flux d’informations et d’énergies, participerait au transit continuel et à l’activité d’un supra-ordinateur quantique qui organiserait la société à sa place.
 

Il n’est pas conseillé d’aller jusqu’au bout de ses fantasmes… ou alors on s’expose à rechercher le viol, par manque de Réel ! « Supprimez la loi, vous supprimez le sujet. » (Jean Laplanche) C’est ce qui survient parfois à l’individu homosexuel qui, en désirant vivre davantage dans le fantasme que dans le monde humain, ouvre la boîte de Pandore où étaient enfermées ses pulsions de possession, de viol, de mort : « J’attendais. Mieux que ça, je rêvais. Un rêve comme celui du Bon Dieu qui couche avec Satan. » (Berthrand Nguyen Matoko racontant sa première nuit d’« amour » homosexuel, qui s’est révélée catastrophique, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 72) ; « Je ressentais parfois du dépit d’être ainsi désacralisé, parce qu’il [le père Basile, qui le viole] aidait des barrières à s’affranchir de leur idée de la réalité. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 36) ; « J’ai d’abord erré dans ces lieux sombres, ma serviette à la main, je suis passé devant les cabines et j’ai vu des hommes allongés, offerts comme sur un étal de marché. Chacun pouvait choisir le garçon qui lui plaisait. Parfois, bien que la cabine fût plongée dans le noir, je distinguais plusieurs corps agglutinés. A priori, j’aurais dit que mon rêve se réalisait sous mes yeux, mais en fait j’ai très mal vécu cette première incursion dans l’univers homosexuel. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 44) ; « Au fond, depuis l’adolescence, je suis déchiré entre mon rêve romantique et mes fantasmes parfois avilissants. » (idem, p. 46) ; « Pendant de longs jours, j’eus l’impression d’être guéri : la vision ignoble de ce garçon, que je croyais viril, les images de cet homme singeant la femme en présence d’un autre homme tout aussi efféminé, tout cela endormait en moi toute velléité de recommencer. Toutes mes aventures, je les avais eues ou menées sous le signe de cette domination : en un mot, je ne m’étais jamais vu moi-même. Sensible et féminin, désirant d’impossibles caresses, j’eus alors la révélation que l’on n’est pas fait pour cela ; je sus qu’il y avait, en cet individu, quelque chose de détruit, comme en moi-même. Une sorte de timidité sexuelle faisait de nous ‘les invertis’, des monstres, des malades. Ainsi, il m’arrivait parfois de ne pas croire à ma propre homosexualité. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 110) ; etc.
 

Film "Tesis" d'Alejandro Amenábar

Film « Tesis » d’Alejandro Amenábar


 

Ce n’est pas un hasard si certains créateurs homosexuels s’intéressent, à travers leurs fictions et leurs œuvres d’art, au passage incontrôlé et monstrueux du fantasme à la réalité fantasmée (par définition une réalité violée et violente) : la brutalité incontrôlable de l’irrationnalité du rêve, les techniques de l’épouvante (on pensera au fameux « théâtre de la cruauté » d’Antonin Artaud), ont été particulièrement vantées par les surréalistes homosexuels (Andy Warhol, Gregg Araki, Hervé Guibert, David Cronenberg, etc.) Tout l’essai Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005) de Philippe Muray parle justement de la violence surgissant après les carnavals mondains bisexuels : « Le réel refoulé a fait retour, brièvement, dans le processus de festivisation générale. Là aussi, il s’agit d’un coup de réel éclatant dans le ciel bleu des jeux qui sont faits. » (p. 161)
 

 

Beaucoup de réalisateurs homosexuels (Alain Guiraudie, Pedro Almodóvar, Alejandro Amenábar, Gaël Morel, etc.), en omettant volontairement dans leurs films d’annoncer la transition entre la réalité narrative et le rêve, s’amusent à nous faire croire que les horreurs que leur héros voit en songe lui arrivent vraiment. Effet de cauchemar, de film d’épouvante, et de rêve éveillé, garanti !
 

Quand la fiction, le mythe, les fantasmes, prennent le pas sur le Réel, c’est la porte ouverte à l’inconscience, à l’ignorance, à l’éloignement des personnes, à la folie, à l’attaque de l’Amour, au viol, aux envies de meurtre, aux réveils brutaux, aux enfers. C’est tout bonnement la loi de la jungle imposée par les pulsions et les instincts grégaires les plus irréfléchis. Par exemple, lors du salut final de la pièce En ballotage (2012) au théâtre Clavel à Paris en février 2012, Benoît Masocco, le metteur en scène, nous a expliqué à nous public qu’à la fin de l’avant-première, un spectateur s’en était pris physiquement au comédien qui jouait le rôle du père homophobe, en transposant complètement ses fantasmes anti-homophobie sur le Réel.
 

L’évacuation du Réel reste une offense faite à la liberté même, à l’être humain et aussi, paradoxalement, à sa poésie ! Oui : fuir le Réel, même si cela paraît touchant de fantaisie et aérien (voire rigolo) dans l’instant, se révèle très violent et déshumanisant pour la personne homosexuelle. Yukio Mishima, par exemple, en réactualisant le suicide rituel des ancêtres samouraïs, s’est imaginé acteur d’un prodige littéraire sur lui-même : il en paya de sa vie, en se faisant hara-kiri ! D’où l’intérêt et la nécessité de garder au maximum les pieds sur terre…
 
 

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Code n°39 – Couple homosexuel enfermé dans un cinéma

couple enfermé

Couple homosexuel enfermé dans un cinéma

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

L’ « amour » reposant surtout sur un film

 

Pour se persuader que l’union homosexuelle est d’une incroyable force, certaines personnes homosexuelles construisent de belles romances sur pellicule ou sur papier, en filmant des couples homosexuels plus vrais que nature, faisant du cerf-volant ensemble au milieu d’une jolie prairie, s’aspergeant d’eau dans un ruisseau, et vivant heureux à l’intérieur de leur cuisine Mobalpa avec leur labrador. D’ailleurs, plus ça va, et plus les cinéastes actuels arrivent à rendre les histoires d’amour homosexuel particulièrement crédibles, parce que justement pudiques et pas toujours mièvres (le film « Le Secret de Brockeback Mountain » (2006) d’Ang Lee, « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, ainsi que le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, pourraient obtenir à ce jour la palme de la vraisemblance bobo) … mais ils se tendent ainsi leurs propres pièges à eux-mêmes, donnant à croire qu’elles peuvent être transposées à l’identique dans la réalité concrète. Combien de personnes homosexuelles se laissent actuellement berner par leurs mises en scène policées et sympathiques de l’amour… et s’en mordent les doigts dans l’actualisation ratée ! Comme le souligne Wystan H. Auden par rapport à son propre ménage, « le problème dans cette affaire de l’amour est que l’un ou l’autre finit par se sentir mal à l’aise et coupable parce qu’il constate que les choses ne marchent pas telles qu’il les a lues » (cf. l’article « Entrevista A Wystan H. Auden » de Michael Newman, pour le journal Paris Review, 1974).

 

Beaucoup de sujets homosexuels finissent par réaliser inconsciemment que le cinéma ou la littérature les réunit davantage que la Réalité (constat de Roger Stéphane dans son autobiographie Parce que c’était lui (1952), pp. 85-86). Dans leurs créations artistiques, les amants fictionnels se font entre eux la remarque : « C’est comme si tous les films parlaient de nous. » (Berenguer à son amant Juan, dans le film « La Mala Educación », « La Mauvaise Éducation » (2003) de Pedro Almodóvar) Leurs histoires de cœur semblent reposer prioritairement sur la magie d’une carte postale ou d’un film : « C’est comme un film américain. Un putain de film américain… » déclare dans son dernier soupir le Jagger d’Eytan Fox à son amant Yossi (cf. le film « Yossi et Jagger », 2004). Nous retrouvons souvent dans l’iconographie homo-érotique le motif du couple homosexuel enfermé dans un cinéma, un supermarché, une expo, un concert, ou une cellule carcérale faisant office de salle obscure. Cette métaphore peut renvoyer à une certaine réalité fantasmée pas si rose que cela à vivre sur la durée. Un certain nombre de personnes homosexuelles abordent la souffrance que provoque chez elles le fossé d’incommunication existant entre deux spectateurs d’un même film, qui plus est quand ils sont liés par un désir homosexuel. Intellectuellement, elles ont tout à fait conscience de la vanité de ce rêve de communion exacte des perceptions, et se moquent de la naïveté de leur désir de substitution à l’être aimé. Mais l’ironie n’est pas que distance : elle est souffrance, et parfois justification de celle-ci, comme le traduit l’exaspération exprimée par Hervé Guibert dans son roman À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie face à la sensiblerie de son amant Bill lors de la projection du film « L’Empire du Soleil » (Hervé Guibert, A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), pp. 193-194).

 

« Quand les lesbiennes se font leur cinéma » : c’est le slogan ô combien révélateur que s’est attribué le festival de cinéma lesbien Cineffable de Paris ! Comme une signature. Comme une illustration simple que le couple homosexuel est fondé sur une petite imposture, une confusion (pourtant intellectuellement toute bête à déjouer) entre la vraie vie et les salles obscures. À entendre certains personnages de fiction homos, voire même beaucoup de personnes homosexuelles réelles, leurs histoires d’amour se dérouleraient telle une jolie bobine de film, auraient la magie sacrée-sucrée des comédies romantiques ou des musicals nord-américains. Le couple homosexuel (surtout fictionnel, et parfois réel), d’abord rassuré de vivre dans le cocon cossu d’une chambre cinématographique peuplée de souvenirs, dans une vidéothèque où il refait « le monde sans le monde », finit par être envahi petit à petit par une impression désagréable : d’une part un décalage de perceptions entre les deux amants (qui se rendent compte amèrement que le cerveau de l’un n’est pas le cerveau de l’autre), et d’autre part une inaccoutumance au monde extérieur (monde qui sera pour le coup présenté comme désenchanté et sordide).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Substitut d’identité », « Peinture », « Pygmalion », « Bovarysme », « Fan de feuilletons », « Fusion », « Télévore et Cinévore », « Tomber amoureux des personnages de fiction ou du leader de la classe », « Différences culturelles », « Île », « Voyage », à la partie « Enfant dans la galerie d’art » du code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », à la partie « Prison » et « Homosexualité de circonstance » du code « Entre-deux-guerres », à la partie « Mélomane » du code « Musique comme instrument de torture », à la partie « Filmer sa vie » du code « Amant narcissique », et à la partie « Cuculand » du code « Milieu homosexuel paradisiaque » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le cocon amoureux cinéma :

ENFERMÉ Mala Educacion

Film « La Mauvaise Éducation » de Pedro Almodovar


 

Très souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le couple homosexuel se retrouve enfermé dans le cocon chaleureux (et, sur la durée, étouffant) d’un cinéma, d’un supermarché, d’une expo, d’un concert, d’une télé : cf. le film « Premières Neiges » (1999) de Gaël Morel (avec Léa et Éric cloîtrés dans un supermarché), la chanson « Mon Fils » de Nicolas Bacchus, le film « A Safe Place » (1977) d’Amos Gutman, le film « Petite fièvre des 20 ans » (1993) de Ryosuké Hashiguchi (avec Tatsuru et Shin enfermés dans un bar), le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec Molina et Valentín dans leur cellule de prison qu’ils transforment en cinéma), le film « Scandaleusement célèbre » (2007) de Douglas McGrath (avec Truman Capote et Perry), la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer (avec Simone et Janine enfermées dans leur bureau), le film « Paradisco » (2002) de Stéphane Ly-Cuong (avec François et Nicolas), la pièce Le Cri de l’ôtruche (2007) de Claude Gisbert (avec Paul et Bob dans la prison), la pièce Une Nuit au poste (2007) d’Éric Rouquette (avec Diane et Isabelle dans la cellule), le film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot (qui se déroule dans un cinéma porno), le film « Murmur Of Youth » (1997) de Lin Cheng-sheng, le roman Strangers On A Train (1950) de Patricia Highsmith, la pièce Deux Otages (1958) de Brendan Behan, le film « Infernal Affairs » (2003) d’Andrew Lau et Alan Mak (avec Lau et Yan assis l’un à côté de l’autre dans le magasin d’amplis), le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec Bruno et Guy dans le train), la chanson « Les Passagers » d’Étienne Daho, le roman Voyage avec deux enfants (1982) d’Hervé Guibert, le film « Sœurs de scène » (1964) de Xie Jin, le film « En direct sur Ed TV » (1998) de Ron Howard, le film « Amour et mort à Long Island » (1997) de Richard Kwietniowski, le film « Goodbye, Dragon Inn » (2003) de Tsai Ming-liang, etc.

 

Pièce Le Cri de l’ôtruche de Claude Gisbert

Pièce Le Cri de l’ôtruche de Claude Gisbert


 

Par exemple, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., le couple Jonathan/Matthieu regarde pour la énième fois le film « Moulin Rouge ». Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, une maman et ses deux enfants sont enfermés dans un supermarché. Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David et Philibert visitent le Musée du Louvre. Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc, le héros homosexuel, se voit offrir par la peintre Catherine Burroughs une toile représentant deux dames s’avançant de dos dans la mer. Dans le film « Heavenly Creatures » (« Créatures célestes », 1994) de Peter Jackson, Juliet et Pauline s’enferment dans un monde imaginaire et littéraire qui les coupe du monde. Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Pablo et Bruno nourrissent une passion commune pour la série télévisée Blind ; on les voit se draguer devant le petit écran ensemble : « Allons au cinéma. » Dans le film « To The Marriage Of True Minds » (« Au mariage de nos âmes loyales », 2010) d’Andrew Steggal, deux jeunes Irakiens, Hayder et Falah, ayant embarqués illégalement sur un bateau qui les mène de Bagdad à Londres, se murmurent en arabe les vers des sonnets amoureux de Shakespeare. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan reçoit de Kévin dix places de cinéma pour son anniversaire. Dans le film « Infidèles » (2010) de Claude Pérès, un réalisateur et un acteur s’enferment dans un appartement, seuls avec une caméra, toute une nuit, jusqu’au lever du jour, pour mettre à l’épreuve leurs désirs. Dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau raconte qu’il est allé voir avec son copain au cinéma un film de Fassbinder racontant une histoire homosexuelle. Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar et Khalid se racontent amoureusement leurs rêves et les films qu’ils ont vu ensemble (notamment « La Cité des femme » de Fellini) : « Dans la chambre noire, ce jour-là, c’est moi qui voulais parler. De mon rêve avec Hassan II. » (Omar, p. 72) Un peu plus tard, Omar propose à Khalid d’aller au cinéma voir le film d’épouvante, « Re-Animator ». Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Jim et Doyler regarde la mer comme s’ils se trouvaient devant une télé. Dans le roman Deux garçons (2014) de Philippe Mezescaze, deux adolescents, Hervé (Guibert) et Philippe, tombent amoureux pendant une scène de Caligula qu’ils doivent interpréter ensemble dans un cours de théâtre. Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Noémie, la guichetière d’un cinéma porno, dit qu’elle cherche l’amour dans les salles de cinéma. Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, l’acteur jouant Thomas, le héros homosexuel, avoue au prologue qu’il sort avec le guichetier du théâtre où il joue.

 

Film "El Beso De La Mujer-Araña" d'Hector Babenco

Film « El Beso De La Mujer-Araña » d’Hector Babenco


 

Les amants homosexuels fictionnels semblent vivre une vraie cinéscénie, dans un espace clos et confiné qui s’anime grâce à leur imaginaire sentimental : « Les deux garçons [le couple Ahmed/Marcel] rêvent en couleur, en technicolor, en super son surround. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 53) ; « J’aimais bien aller au cinéma avec lui. Lorsqu’il y avait peu de spectateurs, c’était le seul endroit public où je pouvais discrètement lui prendre la main. » (Bryan parlant de son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 445) ; « La chambre est pleine d’ombre ; on entend vaguement de deux enfants le triste et doux chuchotement. Leur front se penche, encore, alourdi par le rêve, sous le long rideau blanc qui tremble et se soulève… » (cf. le poème « Les Étrennes des orphelins » (1869-1872) d’Arthur Rimbaud) ; « Quelques jours plus tard, je montrai à Sylvia les icônes du musée. » (Laura, l’héroïne lesbienne parlant de son amante Laura, dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 107) ; « L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose avec des coussins bleus. Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose dans chaque coin moelleux : tu fermeras l’œil, pour ne point voir, par la glace grimacer les ombres des soirs, ces monstruosités hargneuses, populace de démons noirs et de loups noirs. Puis tu te sentiras la joue égratignée… Un petit baiser, comme une folle araignée, te courra par le cou… Et tu me diras : ‘Cherche !’ en inclinant la tête, et nous prendrons du temps à trouver cette bête qui voyage beaucoup… » (cf. le poème « Rêve pour l’hiver » d’Arthur Rimbaud, écrit en wagon le 7 octobre 1870) ; « J’ai rencontré le Grand Amour. Comme dans les contes de fée. On s’est trouvés dans un plan à trois. Le coup de foudre. Il m’a fait un vrai festival de Cannes » ; « On regarde un film ? » (Arthur s’adressant à son amant Julien juste après leur déclaration, dans le film « Faut pas penser » (2014) de Raphaël Gressier et Sully Ledermann) ; etc.

 

Ils se projettent complètement dans un univers cinématographique, et utilisent les films ou les œuvres d’art comme technique de drague pour se rapprocher l’un de l’autre : « Avec toi j’apprends à aimer être mièvre, à te regarder comme on regarde un film. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Ce n’est qu’un film après tout. On n’a qu’à dire que c’est infime. On n’a qu’à se dire qu’on s’en fout. On n’a qu’à dire que c’est plus doux si la vie ne tient qu’à un film entre nous. » (cf. la chanson « Ce n’est qu’un film » de Daran) ; « Il m’emmène voir La Jetée de Chris Marker à la Maison Européenne de la Photographie. Cette épreuve traversée ensemble nous rapproche, c’est ce que je me dis en laissant défiler les images noires et blanches devant nous. » (Mike par rapport à son « ex » Léo, dans le roman Des chiens (2012) de Mike Nietomertz, p. 115) ; « On se revoit plusieurs fois, on baise, on mange du poulet en regardant des épisodes de Daria dans son appartement foutoir du XIXeme. » (Mike, le héros, parlant de « T. », un amant de passage, dans le roman Des chiens (2012) de Mike Nietomertz, p. 125) ; « Depuis, on chante notre amour comme dans ‘les Parapluies de Cherbourg’. » (les protagonistes homos dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « J’aimerais aller au cinéma. » (Mr Alvarez s’adressant à Damien, après avoir découvert leur passion commune pour le travestissement transgenre, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; « Tu adores les films… et les étudiants sont sûrement mignons. » (Toph s’adressant à Zach, le prof en fac de cinéma, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Voyez comme la scénariste que je suis file la métaphore cinématographique. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 149) ; etc. Par exemple, dans le film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner, Tal dit que sa relation avec Meni se passe « comme dans un film ». Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas et François se sont fait une soirée plateau-télé. Plus tard, pour renouer après leur rupture, ils voient dans leur amour commun pour le dessin animé « Le Roi Lion » un signe qu’ils doivent se remettre ensemble : « Hier soir, j’avais le blues et j’ai voulu regarder le Roi Lion. » dit François. « C’est marrant… Moi aussi. » répond Thomas.

 

Les amants ne voient absolument pas où est le problème dans leur fuite du Réel : « Mais ici, nous sommes tous les deux enfermés, il n’y a aucune lutte, aucun combat à remporter sur personne, tu me suis ? […] Ceux qui nous oppriment sont hors de notre cellule, pas à l’intérieur. Ici, personne n’opprime personne. » (Valentín à son amant Molina, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, pp. 193-194)

 
 

b) Le deuxième effet Kiss-cool : le fossé d’incommunication entre amants

Film "La Mauvaise Éducation" de Pedro Almodovar

Film « La Mauvaise Éducation » de Pedro Almodovar


 

La magie cinématographique homosexuelle, en général, ne dure pas : « Je te préviens : le home-cinéma, c’est moi qui me le garde. » (Claude, l’un des héros gays, à son copain François, dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Tout cela n’a duré qu’un éclair : l’éclair du vendredi dans le hall de la gare (Austerlitz), pétrifiant Pierre et moi devant la carte postale. » (Jean-Louis Bory, La Peau des Zèbres (1969), p. 105) ; « Il était une fois deux enfants qui ne savaient pas où commençaient la vie, où finissait le cinéma. » (cf. la chanson « Le Cinéma » de la Diva, dans le spectacle musical La Légende de Jimmy de Michel Berger)

 

Elle finit par devenir pesante pour les deux membres du couple, même s’ils jouent encore pour un temps la comédie de l’amour : « Mon Dieu, qu’il fait chaud dans ce wagon. » (le couple lesbien Cherry et Ada dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Nous sommes enfermés dans le théâtre ? » (la Comédienne à sa sœur jumelle Vicky Fantomas, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Ces années où nous nous tapions 40 ou 50 films en 10 jours, hagards, blafards, les yeux rouges, l’estomac bourré de cochonneries, le cerveau gelé, le fessier douloureux, morts d’épuisement mais heureux. » (Jean-Marc, le héros homo du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, pp. 50-51) ; « Appelle un taxi. Nous n’avons pas besoin de faire durer plus longtemps ce cinéma. » (Léopold s’adressant à son amant Franz, après 6 mois de vie commune, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « C’est fou : j’ai l’impression que c’étaient d’autres filles. » (Anna parlant à son amante Cassie de leur relation amoureuse virtuelle sur Internet, dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin) ; « Nous nous prenons peut-être pour une projection de ces stupides dessins animés cinématographiques qui leur déformèrent si lamentablement la pensée. » (Gouri, le rat homosexuel parlant des Américains et des Russes, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 108) ; etc.

 

Film "Hable Con Ella" de Pedro Almodovar

Film « Hable Con Ella » de Pedro Almodovar


 

Comme fatalement les amants homosexuels fictionnels se sont « fait des films » et éloignés du réel, ils découvrent très souvent qu’ils ne sont plus faits l’un pour l’autre, qu’ils ne sont pas sur la même longueur d’onde comme l’avaient prédit leurs goûts et les comédies dramatiques du cinéma : « J’avais les larmes aux yeux et je vis qu’il était comme moi. Avions-nous la même sensibilité ? Comment le savoir ? » (Bryan parlant de son copain Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 51) ; « J’aimerais bien être à l’intérieur de ta tête. » (Danny s’adressant à son futur copain Chris, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Qu’est-ce qui se passe dans ta tête ? Quelquefois j’aimerais bien être dans ta tête. […] J’attendrais bien jusqu’à demain, debout ou sur un strapontin. Si tu m’expliques le début du film et la fin. Si j’prends une place pour ton cinoche, rien qu’une fois. Afficher complet ton cinoche, m’en veux pas qu’aussi j’en prenne plein la tête. Et c’est un fauteuil couchette que je verrai la fin du film avec toi. » (cf. la chanson « Ton Cinoche » d’Étienne Daho) ; « Elles étaient allées au Kino International. Petra lui avait assuré que le film serait en anglais, mais il était doublé en allemand, et Jane avait été incapable de suivre l’intrigue qui avait pris une qualité onirique, vaguement cauchemardesque. » (Jane, l’héroïne lesbienne en couple avec Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 76) ; « Je voulais juste te jouer de toi, juste comme on fait ici-bas, un peu comme ci, un peu comme ça, comme dans mes grands films, stars de cinéma, j’ai même pas pu faire mon cinéma. » (c.f. la chanson « Comme ça » d’Eddy de Pretto) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, la voix narrative souffre du décalage de visions entre elle et la personne avec qui elle essaie de communier : « ‘Blutaud ne voit pas le même arbre que moi’, pensa-t-il en se souvenant d’un poète qu’il aimait. Et sans transition il se dit : ‘Mais Blutaud est plus heureux que moi. » (Fabien dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 27) Dans le film « Les Voleurs » (1996) d’André Téchiné, est filmé le décalage des perceptions entre Marie (Catherine Deneuve) et Alex (Daniel Auteuil) à l’Opéra. Dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, on retrouve le choc de cultures entre une Petra cultivée, raffinée, et une Karin qui aime des films à l’eau de rose et qui n’a pas la finesse d’esprit de son amante. Dans la première scène du film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar, Marco pleure face au spectacle de théâtre tragique auquel il assiste avec Benigno, alors que ce dernier reste de marbre. Dans le film « I Love You Baby » (2001) d’Alfonso Albacete et David Menkes, Daniel et Marcos, les deux amants, ne se comprennent absolument pas : quand ils vont voir un match de foot, l’un s’amuse pendant que l’autre s’emmerde prodigieusement ; et c’est l’inverse quand ils assistent à la représentation d’une pièce de théâtre. Leur couple ne survivra pas à ce qui n’était finalement pas qu’une divergence de goûts. Dans le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder, Watson adore le ballet du Lac des Cygnes alors qu’Holmes baille et s’ennuie à mourir. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, George (le mélomane et prof de piano) va voir avec son amant Ben un récital de piano. Ils ne vivent visiblement pas le concert de la même manière : George a été subjugué par la pianiste… alors que Ben semble être passé à côté : « Elle en faisait un peu trop. » Son avis froisse George : « Je ne suis pas comme toi. » Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques et Arthur, amants, se rencontrent pour la première fois au cinéma, pendant la projection du film « La Leçon de piano ». Même si leur jeu de drague prend, ils ne semblent pas d’accord sur la réception du film. Arthur ne l’apprécie pas (« Un peu ‘livre d’images’ pour moi. ») tandis que Jacques le défend (« C’est très bien, ce film. Vous êtes complètement con si vous ne vous en rendez pas compte. »).

 

L’intimité de la salle obscure, en plus de conduire à l’irréalité, n’aide pas les héros homosexuels à être adultes et responsables, à se respecter l’un l’autre, à être chastes : « Ce qu’on a fait au cinéma, ce n’est pas bien. » (les jeunes Enrique et Ignacio parlant de leur masturbation réciproque au cinéma Olympo face à un film des années 1950, dans le film « La Mala Educación », « La Mauvaise Éducation » (2003) de Pedro Almodóvar) ; « Je nous imaginais faisant l’amour dans des attitudes toujours plus osées, toujours plus obscènes, comme celles que j’avais vues dans un film pornographique. » (Éric, le héros homosexuel du romanL’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 146)

 

Le cinéma sert d’alibi esthétique facile pour justifier bien souvent la partie de jambes en l’air : « On a fait une expo, vu deux films, et on a fini par coucher ensemble. » (Matthieu en parlant de son amant Jody, avec qui il trompe son copain Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.)

 

Les amants se retrouvent plutôt autour d’un narcissisme de mort, devant des hommes-objets inertes qui s’animent sous leurs yeux dans des écrans cinématographiques sans profondeur et sans vie réelle. Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, les deux futurs compagnons, Bryan et Kévin, se rencontrent pour la première fois au cimetière, face à la tombe-cinéma de Julien, l’homo du lycée qui s’est suicidé, et entameront une histoire d’amour qui finira dans un bain de sang pour eux aussi : « Nous étions là, figés devant ce cercueil que nous regardions en silence. » (p. 50) Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Franck et Henri passent leurs journées face au lac à se raconter leur vie ainsi que les conclusions d’enquête sur les crimes de l’île où ils draguent. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le héros homosexuel, suit en filature son ami Rettore dans un cinéma porno dans lequel ce dernier se prostitue. Il manque de se prostituer tous les deux à un même adulte. Plus tard, les héros homosexuels vont écouter des vinyles dans une chambre obscure chez un disquaire muet qui leur fait revivre la nostalgie des chanteuses italiennes des années 1960-1970. À la fin du film, on apprend la mort de Rettore : immédiatement, on imagine qu’il a été tué par son client.

 
 

Khalid – « On pleurera cet après-midi alors… tous les deux… en regardant ton film d’horreur…

Omar – Sur l’affiche, l’acteur principal porte des lunettes.

Khalid – Et alors ?

Omar – Comme toi, avant. »

(Abdellah Taïa, Le Jour du Roi (2010), p. 113)

 
 

En général dans les fictions traitant d’homosexualité, le cinéma encourage le couple homosexuel à la consommation anthropophagique, à la prostitution (gratuite), et même parfois au vol, au viol, et au crime. Par exemple, dans le film « Antes Que Anochezca » (« Avant la nuit », 2000) de Julian Schnabel, un automobiliste drague Reinaldo Arenas en lui proposant d’aller au cinéma avec lui. Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Joséphine et Claire sont enfermées dans une cave, et oscillent entre séduction et envie de s’entre-tuer. Dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, la mère de Micke, le héros homosexuel, tire une balle sur son mari dans une salle de cinéma où était projeté un western de John Wayne. Dans le film « Japan Japan » (2007) de Lior Shamriz, Imri drague dans les cinémas. Dans le film « La Mala Educación », « La Mauvaise Éducation » (2003) de Pedro Almodóvar, le cinéma sert pour Juan d’instrument de vengeance du viol pédophile. Dans le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, le cinéma porno est le siège de la drague homo anonyme. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, les deux amants Gabriel et Léo vont au cinéma ensemble voir un film fantastique que Léo, à cause de sa cécité, ne parvient pas à voir, mais que Gabriel lui raconte en simultané (les scènes y sont tellement gore qu’ils sont morts de rire). Dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, c’est au cinéma que les trois sœurs Minias sont accostées par Bacchus, qui les violera.

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, les amants Nathan et Jonas décident d’aller au cinéma ensemble pour fêter leur union : « On s’fait un ciné, samedi, ou quoi ? » (Nathan). Ils ne choisissent pas le film le plus romantique : c’est le film d’horreur « Nowhere » de Gregg Araki. Et à l’issue de cette sortie cinéma, Nathan va être assassiné.
 


 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le cocon amoureux cinéma :

Le 7ème Art occupe une grande place dans le cœur de la communauté homosexuelle (cf. je vous renvoie au code « Télévore et Cinévore » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, à Paris, rares sont les individus homos qui n’ont pas l’abonnement UGC illimité ! Et la communauté LGBT mondiale est une des seules minorités ethniques à s’être créé des festivals de cinéma spécifiquement homosexuels plusieurs fois dans l’année, dans toutes les grandes villes, partout dans le monde (le festival Out In Africa en Afrique du Sud, Fairy Tales à Alberta, Inside Out à Toronto, Reeling à Chicago, Diversa à Buenos Aires, Sundance à Salt Lake City (top bobo-bisexuel), et tant d’autres… La liste est longue !).

 

CINEFFABLE

 

Très souvent, les personnes homosexuelles mettent le cinéma au centre de leur couple. « Juste avant de partir il a dit : ‘Qu’est-ce que tu préfères, l’amour ou le cinéma ?’ Il ne m’a pas laissé le temps de répondre. Il devait savoir mieux que moi ma réponse. » (Abdellah Taïa parlant de son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 109) Je connais énormément d’amis gays dont les unions se sont formées pendant une projection cinéma, ou bien qui amènent leurs amants potentiels/confirmés au cinéma, les gavent d’expos, de salons de mangas, de vernissage d’expos, de parcs d’attraction, de télévision, de concerts, de voyages, etc. Par exemple, Marcel Proust a nourri ses amants aux images : il guidait son amant Lucien Daudet dans les galeries du Louvre.

 

Cette course aux loisirs et à l’art audiovisuel n’est pas simplement à voir comme une technique de drague ou un prétexte facile pour « baiser » : elle dit déjà une sincérité esthétisante, une frustration de ne pas pouvoir fonder une famille et créer (le surinvestissement sur les loisirs est un équilibre compensatoire trouvé par de nombreux couples formés de deux célibataires), un ennui et une fermeture à la vie impulsés par la structure conjugale homosexuelle elle-même, et surtout une confusion entre amour (éthique) et fiction (éthique), caractéristique du désir homosexuel.

 

En général, les amants homosexuels se persuadent qu’ils vivent une vraie cinéscénie ensemble, dans leur petit nid d’amour cinématographique douillet. « Je me souviens que, petit, le danseur espagnol jouait avec son cousin blond. Un petit malin, très musclé pour son âge. La mère du danseur espagnol les a trouvés enfermés dans la chambre à coucher. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 162) ; « Pour tuer le temps, pendant les heures de repos, nous [Ernestino et moi] nous retrouvions dans les endroits où nous étions libres de nous raconter inlassablement les films que nous avions vus le samedi et le dimanche. Nous répétions ainsi pendant la semaine la description d’une même scène, du visage de l’actrice. La lumière éclairait la chambre, quand la jeune héroïne, blonde, sortant de son école de bonnes sœurs, regagnait, hantée par le malheur, sa maison d’Adrogue. » (idem, p. 191) ; « Nous parlons souvent des séries télévisées que nous nous empressons de regarder le soir en rentrant chez nous. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 13) ; « Didier avait l’immense privilège de disposer une fois par semaine de la salle du Rex. Un des deux cinémas de la ville. Accrédité par le théâtre, il y organisait les séances d’une sorte de ciné-club et choisissait les films. Parfois, privilège immense, il les projetait rien que pour moi. […] J’adorais ces séances privées. » (Christophe Tison, Il m’aimait (2004), p. 47) Ils se rassurent eux-mêmes par leurs goûts, projettent les sentiments qu’ils éprouveraient l’un pour l’autre dans les univers cinématographiques, sur leurs écrans réels et symboliques. Ils pourraient dire, comme le slogan des cinémas UGC : « On partage plus que du cinéma. »

 

Par exemple, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), Paula Dumont raconte qu’elle va souvent au cinéma avec ses différentes amantes : « Nous sommes allées au cinéma dans une salle Art et Essai inconfortable à souhait et nous avons regardé le film main dans la main. C’était ‘David et Lisa’, une niaiserie. » (p. 21)

 

Certains couples homosexuels se forcent à rester ensemble pour l’image – sociale, mais surtout publicitaire et cinématographique – qu’ils donnent de l’amour homosexuel : « On ne va pas donner aux autres une image du couple homo qui se sépare sur un coup de tête, quand même… » (cf. le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre)

 

Personnellement, j’ai compris grâce au roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig l’universalité-singularité de mon désir homosexuel, puisque l’aventure cinématographique que le personnage homosexuel de Molina propose à son compagnon de cellule Valentín (Molina, la « grande folle » qui se définit lui-même comme la « femme-araignée », passe son temps à raconter des films en noir et blanc des années 1930 à son camarade de prison), c’est exactement ce que j’ai mis en scène pour mon frère jumeau Jean pendant 4 années entre l’âge de 6 ans et 10 ans (avant que nous ne dormions plus dans la même chambre) avec « Les Aventures de Jean », une sorte de conte oral improvisé et extensible à l’infini, dont Jean était le héros, et qui se construisait selon notre/mon imagination, soir après soir. Quand j’ai découvert en 2002 que le livre de Manuel Puig relatait un des événements-phare de mon enfance (moi aussi, j’ai transformé ma chambre gémellaire en salle de cinéma), je me suis dit intérieurement : « Y’a un truc… C’est pas possible… Et si le désir homosexuel se laissait décoder ? Et s’il existait un Universel homosexuel qui ne soit pas identitaire ni amoureux, mais uniquement désirant ? »

 
 

b) Le deuxième effet Kiss-cool : le fossé d’incommunication entre amants

La magie cinématographique homosexuelle, en général, ne dure pas. Elle finit par devenir pesante pour les deux membres du couple gay ou lesbien, même s’ils jouent encore pour un temps la comédie de l’amour. Comme fatalement ils se sont « fait des films » et éloignés du réel, ils découvrent très souvent qu’ils ne sont plus faits l’un pour l’autre, qu’ils ne sont pas sur la même longueur d’onde comme l’avaient prédit leurs goûts et les comédies dramatiques du cinéma : « Nous décidâmes avec Bill d’aller voir au cinéma ‘L’Empire du soleil’, un navet palpitant qui raconte, à travers son amerloque ribambelle de stéréotypes, le struggle for life d’un enfant projeté dans le monde le plus dur qui soit : la guerre… […] Je sentais dans le noir les déglutitions de Bill en accord avec le pathétisme des images ou son relâchement, en me tournant parfois discrètement vers cette luisance trop accentuée de l’œil, de ce ressort de larmes contenues réfléchi par l’écran, qu’il marchait à bloc, et qu’il s’identifiait, peut-être pas au personnage enfantin, mais au message symbolique du film : que le malheur est le lot commun des hommes mais qu’avec la volonté on s’en sort toujours. Je savais que Bill malgré son intelligence est un extraordinaire spectateur naïf, à qui l’on peut à peu près faire gober n’importe quoi, mais cette naïveté pour l’heure me répugnait… » (Hervé Guibert, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), pp.193-194) ; « J’ai allumé la télévision. Sur Melody Hits, il y avait le clip de la chanson de Sabah. Karabiino [le domestique noir de l’hôtel] connaissait le tube mais ignorait tout de la chanteuse. Il s’est arrêté de travailler. Je l’ai invité à venir s’asseoir sur le lit à côté de moi. Et on a regardé le clip ensemble. C’était joyeux. Triste. Bouleversant. Loin de tout. Sabah [l’actrice] défiait encore et toujours le temps, la mort, c’était son dernier combat. J’avais soudain envie de pleurer, mais je ne savais pas pourquoi. Karabiino, lui, avait les yeux fixés sur l’écran. Était-il heureux ? Avait-il oublié pour un moment son malheur ? À quoi pensait-il ? Qui, au fond, était-il ? Je n’avais pas de réponses. Je n’en avais pas besoin. Karabiino était un garçon offert à mes yeux, à ma mémoire, parfaitement lisible et complètement mystérieux. Je savais un bout de son histoire, de son rêve. Mais là, à côté de moi, il était comme un petit prince, un petit roi. Un petit Sphinx. Insaisissable. Ailleurs. Ailleurs en permanence. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 76-77) Par exemple, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, des spectateurs inconnus d’une salle de cinéma sont filmés de face lors d’une projection d’un film qu’on ne connaît pas. Plus tard, Celia, la conservatrice de musée, reproche à Bertrand de lui envahir son espace psychique : « Je ne vais pas passer ma vie dans votre tête. »

 

L’intimité de la salle obscure, en plus de conduire à l’irréalité, n’aide pas les amants, et plus largement les individus homosexuels, à être adultes et responsables, à se respecter, à être chastes : « Je repérai très rapidement l’existence de cinémas pornos. Les films projetés étaient destinés aux hétérosexuels. En 1984, il n’était pas envisageable qu’un cinéma gay ait pignon sur rue. Mais c’était l’occasion de voir des corps d’hommes nus et excités. L’abstinence maintenue à force de suractivité et de prières depuis le lycée vola en éclats : j’achetai un billet pour une séance. Les toilettes du cinéma étaient couvertes d’inscriptions identiques à celles des carrelettes des toilettes de la gare d’Albertville. Elles servaient de boîte aux lettres, de lieu de rendez-vous et les cabinets permettaient aux couples formés de passer à l’acte. J’y eus ma première véritable expérience sexuelle. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 47)

 

En général, le cinéma encourage le couple homosexuel à la consommation anthropophagique, à la prostitution (gratuite), et même parfois au vol, au viol, et au crime. « Sur le chemin, un cinéma populaire, Royal El-Guidida, s’est présenté devant moi. Sans réfléchir j’ai acheté un billet et j’y suis entré célébrer ma nouvelle vie, au milieu d’une salle remplie d’hommes de tous âges qui se donnaient les uns aux autres sans complexe, sans se cacher, non loin des agents de police qui surveillaient l’entrée. Retrouver ma première religion. Mon rêve de toujours. Le cinéma par la peau. La transgression naturelle. Les corps dans l’intensité sexuelle. Des va-et-vient entre la salle immense avec orchestre et balcon et les toilettes. Un film. Deux films. Des stars. Adil Imam. Yousra. Nour Cherif. Leïla Eloui. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 98-99) À ce titre, le film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot donne bien à humer l’ambiance sordide, dangereuse, et pourtant totalement banale de ce « lieu de baise » qu’est le cinéma porno Le Merri à Paris (on y voit des viols collectifs, des descentes de flics, des prostitués prêts à tailler des pipes à n’importe quel spectateur, des sombres histoires de racket, etc.). D’ailleurs, beaucoup de cinémas (notamment des cinémas pornos hétéros) ont été et sont des lieux de drague homosexuelle (pensons, rien qu’en Espagne, aux cinémas Carretas, Alba, Postas, Europa,El Ideal, ou encore Pleyel de Madrid ; aux cinémas Paz,Valencia Cinema, et Aliatar de Valence ; Arenas, CataluñaLido de Barcelone ; en France, au Grand Rex de Paris). L’écrivain homosexuel espagnol Terenci Moix aime raconter que c’est au cinéma qu’il a perdu l’innocence sexuelle. « J’ai été arrêté au cinéma le Far-West uniquement parce que j’étais dans un cinéma homosexuel. » (Dominique, témoin homosexuel parlant de la répression policière dans les années 1970 en France, dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre)

 
 

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Code n°169 – Télévore et Cinévore

Télévore

Télévore et Cinévore

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Quoi qu’en disent les intellectuels « historiens » homosexuels, et les promoteurs d’une identité homosexuelle transhistorique indiscutable, tout porte à croire que, même s’il est indéniable qu’il a de tout temps existé comme une constante humaine, que le désir homosexuel est surtout un enfant de la modernité. Quand on observe les vecteurs de la révélation du désir homosexuel, ceux qui l’ont révélé ou stimulé, on constate que c’est surtout l’homme-objet, sacralisé dans l’ère moderne par la sculpture, la peinture, la photographie, le cinéma, la médecine légale, la psychanalyse, le théâtre, la mode, les films pornos, le sport…, qui est le messager principal du fantasme homosexuel : rarement les êtres réels de chair et de sang. Ce n’est qu’après avoir flashé sur un être télévisuel sur papier glacé que l’individu homo cherchera dans sa réalité un garçon qui se rapprochera à peu près de sa projection mentale de magazine. Il semblerait bien que si les personnes homosexuelles avaient pu sortir avec leur télé ou leur magnétoscope, elles l’auraient fait ! Il n’y a qu’à voir toutes celles qui considèrent leur vie comme un vrai film ou un vidéo-clip.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Drogues », « Obèses anorexiques », « Actrice-Traîtresse », « Substitut d’identité », « Planeur », « Bergère », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Photographe », « Fan de feuilletons », « Jeu », « Patrons de l’audiovisuel », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », « Don Juan », « Bergère », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Amant modèle photographique », « Musique comme instrument de torture », « Milieu homosexuel paradisiaque », et à la partie « Actrice iconoclaste » du code « Déni » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

a) Télé et ciné, l’adoration homosexuelle :

Film "L'Objet de mon affection" de Nicholas Hytner

Film « L’Objet de mon affection » de Nicholas Hytner


 

Souvent dans les fictions homo-érotiques, le personnage homosexuel adore le cinéma et/ou la télévision : cf. le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick (avec le couple lesbien Rachel et Christine), le film « J’adore le cinéma » (1998) de Vincent Lannoo, le film « Chuck & Buck » (2001) de Miguel Artera (avec Buck), le film « La meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller (avec Philippe, le héros homosexuel passionné des films en noir et blanc), le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec Paul dont la chambre est décorée de photos d’acteurs et d’actrices), le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault (avec le personnage d’Angelo), l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec le personnage de Ziggy), le film « Beautiful Thing » (1995) d’Hettie Macdonald (avec Jamie), le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar (avec Esteban, le jeune cinéphile), le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec Molina, le héros homosexuel connaissant les films des années 1930 par cœur), le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues (avec Rui), la chanson « Ton cinoche » d’Étienne Daho, la chanson « J’aime la pub » de Charles Trénet, la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec Harper), la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec le couple homo David et Philibert), le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra Von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder (avec Petra), le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman (avec Jarry), le roman The Rubyfruit Jungle (1973) de Rita Mae Brown, le roman La Hermana Secreta De Angélica María (1989) de Luis Zapata, le film « Armaguedon » (1976) d’Alain Jessua, le film « La jeune fille assassinée » (1974) de Roger Vadim, le film « À tout prendre » (1963) de Claude Jutra, le film « The Fan » (1981) d’Edward Bianchi, le film « Frisk » (1995) de Todd Verow, le film « Anonymous » (2004) de Todd Verow, le film « Dreamers Of The Day » (1990) de Patricia Spencer et Philip Wood, le film « A Strange Love Affair » (1985) d’Éric De Kuyper et Paul Verstraten, le film « Écran magique » (1982) de Gianfranco Mingozzi, le film « Goodbye, Dragon Inn » (2003) de Tsai Ming-liang, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, le one-woman-show La folle parenthèse (2008) de Liane Foly (avec Pedro le fan de « La Guerre des étoiles »), le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude (avec le couple Claudio et François), le film « Des choses que je ne t’ai jamais dites » (1996) d’Isabel Coixet (avec la lesbienne réparatrice de télés), la pièce Le Gang des potiches (2010) de Karine Dubernet (avec Nina, l’héroïne lesbienne et grande consommatrice de télé), la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson, la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi (avec Yoann, le héros homosexuel), etc.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

« Si la télévision portative sort de la chambre, je sors de la chambre aussi ! » (Léopold, le père, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « T’as pas de télé ??? Sana, mets France Info ! » (Angelo, le héros homosexuel de la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « Petite, je passais ma vie devant les télés. » (Nana, comédienne lesbienne dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au 3ème Festigay de Paris au Théâtre Côté Cour en avril 2009) ; « J’deviens publivore. » (Jérôme Loïc dans son one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal, 2009) ; « J’aime de plus en plus la télévision. » (Hubert dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « J’aimerais aller au cinéma. » (Jacques, l’un des personnages transgenres M to F de la pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; « Tu adores les films… et les étudiants sont sûrement mignons… » (Toph s’adressant à son futur amant Zach qui est prof de cinéma en Université de Cinéma, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Tu ne penses qu’au cinéma. » (la grand-mère de Robbie s’adressant à son petit-fils homo, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; « Je m’écrasais devant la télé, je regardais des vieux films en noir et blanc. » (Jean-Marc, le narrateur homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 155) ; « J’aurais voulu que la femme du bidonville [Rani] soit à mon entière disposition. Des images de films hindis dans lesquels le brahmin de la caste supérieure s’éprend de la domestique de la caste inférieure et lui fait passionnément l’amour ne cessaient de tournoyer dans ma tête. Ma vie, je voulais qu’elle progresse en avance rapide. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 20) ; « J’ai toujours voulu faire des études de cinéma. » (Smith, le héros homosexuel du film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Je le connais, mon p’tit Thomas. Il doit être à la maison en train de se faire les replays de ‘Plus belle la vie’. » (François, parlant nostalgiquement de son amant Thomas, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; « Je le connais, mon p’tit Thomas. Il doit être à la maison en train de se faire les replays de ‘Desperate Housewives’. » (idem) ; etc.

 

TÉLÉVORE Ceci-n-est-pas-un-film-de-cowboys-parent-homosexualite-court-metrage

Film « Ce n’est pas un film de cow-boys » de Benjamin Parent (sur l’impact du « Secret de Brokeback Mountain » sur des jeunes des cités)


 

Dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, Hugo, le héros homosexuel, adore les comédies romantiques au cinéma. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Didier, tout de suite après avoir viré sa cuti, a décidé de s’abonner au câble. Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire a « la passion pour les comédies romantiques débiles ». Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben, l’un des héros homos, est fan de comédies musicales, telles que Bananasplit. Dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Brahim , l’un des héros homos, passe son temps à regarder des conneries à la télé. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, rêve de quitter l’Albanie et de faire de son grand frère Ody la future star de l’émission de télé-crochet Greek Star (en Grèce, donc). C’est exactement le même scénario entre les deux héroïnes lesbiennes Shirin et Atafeh du film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, qui cherchent à quitter Téhéran pour Tel-Aviv afin que l’une d’elle gagne la Star Ac israélienne et que l’autre soit son agent. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., les amants Jonathan et Matthieu regardent pour la énième fois le film « Moulin rouge » à la télévision. Dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, John, le jeune héros homosexuel, est fan des films d’Emma Thompson. Dans le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, la chambre de Yali, héros homosexuel, est remplie de photos d’acteurs et de chanteurs placardées sur les murs. Dans le film « Pourquoi pas moi ? » (1998) de Stéphane Giusti, Camille, l’héroïne lesbienne, est fan de « Star Wars ». Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, le couple homo chante son « amour comme dans ‘Les Parapluies de Cherbourg’. » Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, pour son anniversaire, Bryan reçoit de son amant Kévin dix places de cinéma (p. 169). Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert, le héros homo, va louer des films au Vidéo Club. Dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, Roger, le héros gay, est fan de Hairspray, la série musicale. Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antionetta se rend compte que Gabriele, son ami homosexuel, a l’esprit et le cœur contaminés « d’actrices, de chanteuses, de présentatrices ». Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, est fan des vieux films en noir et blanc. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, l’oncle Samuel de Elio, le héros homosexuel, voue un véritable culte au cinéma, notamment surréaliste : il chante les louanges de Buñuel. Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, jeune héros homo de 10 ans, est hystérique face à la série Hellsome High où joue son acteur vedette John F. Donovan : « Je veux rien rater d’autre ! ». Dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien, Dallas, l’assistant-couturier, s’appelle en réalité Claude-François. Mais il a choisi ce pseudonyme télévisuel en hommage à la série télévisée américaine qu’il adore aussi : « Je connais J.R…. Et Bobby aussi. » (Dallas).

 

La télé ou le cinéma constitue pour le personnage homo un cocon protecteur qui semble le préserver de la « dureté » du Réel et de la société : « Il paraît que le cinéma, c’est pour s’extraire de la Réalité. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Il aimait le cinéma : il s’y sentait bien au chaud et entouré. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 213) ; « La télé est éteinte au lieu d’être allumée. Moi qui rêvais de drames, ceux des autres, pas les miens » (dans la chanson « À table » de Jann Halexander) ; « Quand je rêve, y’a toujours des pubs qui passent dans mes rêves. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « J’espère qu’il y a la télé Là-haut ? » (idem) ; « Ce serait bien que mon nouveau voisin me fasse voler comme dans ‘Titanic’… » (Bernard, le héros homosexuel fantasmant sur Didier son voisin de pallier, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « La vie est plus étonnante que les films. La vie est plus conne que les films. » (Jacques s’adressant à son amant Arthur, au cinéma, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc.

 
 

b) L’idolâtrie vire à la (simulation de) destruction :

La présence de la télévision ou du cinéma dans le quotidien des héros homosexuels semble pourant être démesurée et envahissante. « Le film commande. » (Lena dans le film « Los Abrazos Rotos », « Étreintes brisées » (2009) de Pedro Almodóvar) Par exemple, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, voit le monde à travers le Journal Télévisé de Jean-Pierre Pernaut. Pendant la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, la télé est constamment allumée sur scène. C’est la même chose avec l’ordinateur branché non-stop sur Internet dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche.

 

Film "Das Flüstern Des Mondes" de Michael Satzinger

Film « Das Flüstern Des Mondes » de Michael Satzinger


 

Certains personnages homosexuels adorent tellement la télévision et le cinéma qu’ils cherchent à la détruire, ou plutôt à simuler sa destruction (par la parodie ou le camp) : cf. le film « Blue Velvet » (1986) de David Lynch, le film « Le Fabuleux Destin de Perrine Martin » (2002) d’Olivier Ciappa, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « L’Homme qui venait d’ailleurs » (1976) de Nicolas Roeg (avec David Bowie se révoltant contre ses écrans de télé), le film « Hollywood malgré lui » (2004) de Pascal-Alex Vincent, etc.

 

TÉLÉVORE Kang 2

B.D. « Kang » de Copi


 

Par exemple, sans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc, le héros homosexuel, est lassé des « inévitables reprises de Dynasty ou Dallas qu’on a vues cent fois et dont on voudrait étrangler les personnages tellement ils nous énervent… » (p. 67)

 

« La persistante et douloureuse soif des yeux ! » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 230) ; « J’en ai marre de la télé ! » (Damien dans la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois) ; « Une bande magnétique. Un soupir lui échappe. Sur un écran géant, ses yeux se ferment. Cherchez le garçon, trouvez son nom, cherchez le garçon. Réveil tragique succède. Un sommeil sans rêve. La forme de son corps ne veut rien dire pour moi. Cherchez le garçon, trouvez son nom, cherchez le garçon. Une bande magnétique. Un soupir lui échappe. Sur un écran géant, une goutte de sang. » (cf. la chanson « Cherchez le garçon » du groupe Taxi Girl) ; « I never look the publicity. » (Jules, l’homo dandy bobo adorant le cinéma et jouant pourtant le figurant dans certains films, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Lumière artificielle qui brûle tes rêves. » (la figure de Judy Garland dans la chanson « Une Étoile est née » du spectacle musical Une Étoile et moi (2009) d’Isabelle Georges et Frédéric Steenbrink) ; « Il cinema porta disgrazia. » (Pietro, l’amant du narrateur homo, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 12) ; « Jean-Rémy inculqua aux Boludos l’art du cinéma, tout en sachant qu’il en serait la première victime. » (cf. la nouvelle « La Déification de Jean-Rémy de la Salle » (1983) de Copi, p. 60) ; « Je ne me souviens jamais des titres, même des films. » (Vincent, le jeune héros homosexuel de la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; etc.

 

Ils finissent, à leur contact, par être blessés. Comme quelqu’un qui s’est frotté à une plaque coupante. Par exemple, dans le film « L’Homme d’à côté » (2001) d’Alexandros Loukos, Alkis, le héros homosexuel, affirme subir tous les après-midi un feuilleton grec débile, Elvira, que sa grand-mère suit assidûment. Mais ce qu’il ne dit qu’à demi-mot après, c’est que cela lui plaît : « À force d’être scotché devant la télé, je devenais une Elvira ! » Dans la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick, Éric, en zombie télévisuel, dort les yeux ouverts devant la télé. Dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le professeur d’université d’Angela meurt devant un film d’horreur projeté dans une salle de cinéma déserte. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Matthew, le couturier homo, se fait assassiner dans la salle de projection où il regarde un film porno gay. Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, se retrouve coincé dans une « touze » avec trois mecs qui rêvent de « se taper du rebeu », et qui entre-temps comatent devant leur télévision. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, le 15 juillet 2015, Jonas écoute les infos annonçant la fusillade de Lafayette en Louisiane dans un cinéma.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

 

a) Télé et ciné, l’adoration homosexuelle :

C’est peu de dire que les personnes homosexuelles aiment les images déréalisantes télévisuelles ou cinématographiques : littéralement, elles les adorent. Elles sont, à leurs yeux, une véritable religion : « Aller au cinéma, c’est entrer dans une église et assister à une cérémonie. » (le réalisateur Jean-Daniel Cadinot dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 64) ; « Je courais pour rencontrer le cinéma, entrer la bouche ouverte dans sa religion et ses images. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 31) ; « J’avais lu trop de livres, vu trop de films. Ma vie et mes sentiments me dépassaient. » (idem, p. 41) ; « Il y avait quand même la télé, il y avait le cinéma ! » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 30) ; etc. À titre d’illustration, dix pages sont consacrées au cinéma dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon : il s’agit du chapitre le plus long de tous ! Par exemple, dans le documentaire « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti, Andrea, l’une des témoins homosexuels, a sa chambre tapissée d’affiches de films de ciné. Tout le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand est construit sur la base de souvenir de films du héros homosexuel, héros qui s’auto-proclame cinévore : « Je suis cinéphile. Quand j’ai besoin de me défendre, je me fais une palme. » Les personnes homosexuelles sont souvent des (ex)drogués de télévision, de dessins animés, de jeux vidéo, de cinéma. La grande majorité d’entre elles croient que la Vérité sort de la bouche de leurs écrans : pour elles, il va insciemment de soi que « le monde du film est bien plus vrai que la vraie vie » (Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie (2005), p. 67). Dans leur discours, réalité concrète et réalité cinématographique se mélangent très fréquemment, même si bien entendu elles sont intellectuellement capables de distinguer les deux et qu’elles s’affairent à se prouver à elles-mêmes et aux autres qu’elles sont capables de détruire les images qu’elles continueront d’aduler. Il semble que ce sont prioritairement les icônes cinématographiques qui ont fait l’effet d’électrochoc du désir homosexuel. Beaucoup de personnes homosexuelles ont voulu coucher avec l’archétype de la beauté défini par leur époque et les médias. Leurs personnages de fiction disent eux-mêmes maintenir « des relations très intimes avec leur magnétoscope » (l’ami gay de Charlie dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear) et tomber amoureux des personnages de leurs livres, de leur télévision, de leurs magazines et des publicités. Elles-mêmes semblent préférer le cinéma à leurs amants : « Décidé. Le cinéma serait ma vie. En moi, malgré moi. Il n’y avait plus que cette vérité qui comptait. Qui continuait de parler. De suivre et d’écrire mon histoire. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 32) ; « Juste avant de partir Slimane a dit : ‘Qu’est-ce que tu préfères, l’amour ou le cinéma ?’ Il ne m’a pas laissé le temps de répondre. Il devait savoir mieux que moi ma réponse. » (Abdellah Taïa parlant de sa rupture avec son ex, op. cit., p. 109) ; etc.

 

Si un certain nombre de personnes homosexuelles croient que les estampes offertes par les médias sont fidèles à la Réalité, c’est notamment à cause d’une révolution technique audiovisuelle qui s’est produite à la fin du XIXe siècle et qui a joué et joue encore actuellement un rôle capital dans nos représentations mentales du monde et dans notre sexualité : je veux parler de la transition des images fixes aux images-mouvement, observable notamment dans le cinéma d’animation. La succession de vingt-quatre images par seconde et les images en 3D peuvent nous laisser croire qu’une photo, par essence morte, a le pouvoir de s’animer et d’aimer sans l’intervention humaine, que notre imagination est la Réalité, que ce que nous rêvons arrive à être tel que nous le conceptualisons mentalement, que le désir de celui qui a accès au maniement des nouvelles technologies iconographiques est tout-puissant.

 

L’impression saisissante de vraisemblance, permise par l’image-mouvement, n’est pas sans risque. L’image déréalisée, en déguisant le mythe en Réalité, peut encourager le passage des fantasmes à la pulsion actualisée, autrement dit la création de réalités fantasmées. Les nombreuses limites invisibles que nous impose l’objet cinématographique qui nous promet tout sans rien changer durablement à notre quotidien va réveiller chez certaines personnalités un fort sentiment de trahison et de frustration. Nous pouvons le constater par exemple avec les films pornos. Au bout d’un moment, l’image, même très réaliste et sexuellement excitante, ne suffit plus : elle en appelle d’autres, exige un passage à l’acte, encourage au désenchantement du monde, et à l’autodestruction. Les médias ne provoquent pas ce qu’ils filment : ils l’encouragent, et peuvent agir symboliquement par les effets désirants qu’ils provoquent en l’Homme. Si l’influence des images déréalisantes sur nos modes de vie n’est pas reconnue (car certaines personnes se servent du fait qu’elle est toujours imparfaite et qu’elle mobilise quoi qu’il arrive notre liberté de spectateurs pour ne pas la reconnaître), elle peut conduire à des comportements agressifs. La transition des images fixes aux images-mouvement nous fait souvent préférer le monde virtuel au quotidien, et donc impulse nos désirs de mort et de réification. Le désir homosexuel me semble être un produit de cette révolution picturale puisqu’il tend naturellement vers le matérialisme, l’« être objet » ou « icône vivante ».

 

Série Queer As Folk (version nord-américaine)

Série Queer As Folk (version nord-américaine)


 

Beaucoup de personnes homosexuelles (surtout celles qui, à certains moments, feignent de les rejeter) adorent le cinéma et/ou la télévision : Francis Bacon, Pedro Almodóvar, Jacques Nolot, Andy Warhol, Jean-Louis Bory, Abdellah Taïa, etc. « Dans les ouvrages de Burroughs, l’influence de la technique du cinéma est partout manifeste. » (Susan Sontag, « William Burroughs et le roman », L’Œuvre parle (1968), p. 147) Frédéric Mitterand, par exemple, crée son propre cinéma, l’Olympic. Dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6), on mesure tout l’impact des vidéos Youtube et Instagram dans l’imaginaire des personnes transgenres.

 

« Je suis toujours aussi émerveillé par la magie du cinéma. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 72) ; « J’allais au cinéma, évidemment, à peu près tous les soirs. » (Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie (2005), p. 106) ; « J’ai toujours eu une passion qui est le cinéma. » (Mylène Farmer citée dans la biographie Mylène Farmer, le Mystère (2003) de Mathias Goudeau, p. 60) ; « Je me revois quand j’étais un garçonnet à la peau pâle et aux cheveux blonds cendrés, pas amateur des jeux et de la vie dans la rue pour un sou. […] C’est ainsi que les samedis après-midi je les passais là, dans ma chambre, en regardant sur cette télévision très grande les programmes jeunesse qu’une délicieuse speakerine, María Luisa Seco, annonçait. » (cf. l’article « Entre El Papel Y La Pluma » de Xosé Manuel Buxán, cité dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 173) ; « Je fis une station devant chaque cinéma que je croisai : le Princess, le Palace, le Cinéma de Paris, le Loew’s, le York, pour réchauffer mes pieds autant que pour regarder les affiches. Au York, Sophia Loren et Charlton Heston s’embrassaient passionnément devant un panorama de désert sec et torride, les chanceux ! » (Michel Tremblay dans son roman autobiographique La Nuit des princes charmants (1995), p. 31) ; « La télévision avait de tout temps fait partie de son paysage. Nous en avions quatre dans une maison de petite taille, une par chambre et une dans l’unique pièce commune, et l’apprécier ou ne pas l’apprécier n’était pas une question qui se posait. » (Eddy Bellegueule, parlant de sa mère, dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 63) ; « Vers l’âge de dix ans, je regardais la télévision, comme je le faisais régulièrement toute la nuit quand mes frères et sœurs s’absentaient, partaient dormir chez des amis. » (idem, p. 83) ; « J’appartenais au monde de ces enfants qui regardent la télévision le matin au réveil, […] qui regardent la télévision, encore, l’après-midi, le soir pendant des heures, la regardent entre six et huit heures par jour. » (idem, p. 102) ; « Nous avons bu un verre en regardant des niaiseries à la télévision, occupation pour laquelle Marie-France avait énormément de dispositions. […] Cette Marie-France qui ne s’intéressait qu’aux clés à molette et aux programmes télévisés les plus stupides. » (Paula Dumont décrivant une de ses amies lesbiennes, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), pp. 204-206) ; etc.

 

Dans mon essai Homosexualité intime (2008), j’avais déjà étudié l’attrait des personnes homosexuelles pour la télévision et le cinéma (même si cette idolâtrie se traduit chroniquement par une simulation bobo du rejet de ces derniers). Je n’échappe pas à cette tendance. Dès mon plus jeune âge, je fuyais le Réel à travers la télévision, le cinéma. Non pas que mes parents m’avaient abandonné ou planté devant le poste : au contraire, ils m’avaient inscrit à tout un tas d’activités – foot, scoutisme, dessin, sport… – qui m’écartaient des grands écrans. Mais malgré cela, j’ai quand même réussi à passer mon enfance et mon adolescence devant la télé, si bien que ma mère m’avait surnommé une fois « Monsieur Magnétoscope ». Il suffisait de me demander ce qui passait à la télévision tel jour : j’étais capable de répondre, vu que je connaissais le magazine Télé 7 Jours par cœur !

 
 

 

b) L’idolâtrie vire parfois à la (simulation de) destruction :

Derrière cette idolâtrie homosexuelle, il y a une peur et un manque de confiance en soi qui, poussés à l’excès, se mutent parfois en schizophrénie : « Le cinéma me montrait un monde tellement différent du mien, mystérieux et intrigant ! […] Fasciné par les stars du cinéma, je les imitais. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 48) ; « Vers l’âge de neuf, dix ans, je me suis mis à organiser des émissions fictives de radio et de télévision. Je me prenais pour un animateur […]. Je me prêtais différentes personnalités pour composer mon personnage. Avec une constante : je portais un nom féminin et je parlais, grammaticalement, comme si j’étais une femme. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 28) ; « Ma vie n’était pas si triste mais elle avait ses côtés morbides que je trompais en regardant compulsivement des films. » (Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie (2005), p. 255) ; etc.

 

Film "Todo Sobre Mi Madre" de Pedro Almodovar

Film « Todo Sobre Mi Madre » de Pedro Almodovar


 

Beaucoup de personnes homosexuelles, devinant leur fragilité idolâtre sans pour autant l’affronter et la régler, feignent de détester la télé et le cinéma, pour continuer d’aller les voir (en cachette ou sur Internet ou dans leur salle de projection privée bobo) : « La 17e édition a la couleur de l’audace, de la créativité, et défend une cinéphilie LGBT rigoureuse et plus que jamais au-delà des clichés. » (cf. Pascale Ourbih, homme transsexuel M to F, parrain du 17e Festival Chéries-Chéris du Forum des Images de Paris le 7-16 octobre 2011, s’exprimant sur l’éditorial de la plaquette de l’événement) ; « Télé, plus télé, plus été, plus été. Marre de la télé ! Pourtant elle continue à répandre ses images en couleurs, une bouillie de débats de société, d’enquêtes policières, de reportages bidon. Elle s’impose comme, à la campagne, un feu de bûches dans une cheminée. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 118) ; « Je n’ai pas de télévision. Parce que je l’aime trop. Elle est ensorcelante. » (Julien Green dans l’émission Apostrophe, sur la chaîne Antenne 2 le 20 mai 1983) ; « Le cinéma est le lieu de l’absolue cruauté. […] Le cinéma nous inachève. Il nous apprend que nous ne sommes pas entiers, que notre construction est fragile. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 97) ; « Manuel Puig écrit sur la trahison du cinéma qui, en nous faisant rêver de l’impossible, nous empêche parfois de vivre nos possibles. Il brosse le portrait réaliste et impitoyable d’une société qui pratique toutes les hypocrisies, y compris sexuelle, et dont le cinéma des années 1930 et 40 est l’un des principaux modèles de conduite. […] Il entretient un rapport douloureux avec le cinéma qu’il aime. Expression parfaite de son idéal esthétique fait de kitsch et de glamour, le cinéma américain tout comme son contemporain allemand est, avant tout, cinéma de propagande. » (Lionel Souquet, Le Kitsch de Manuel Puig (1996), p. 174) ; « Le Sida est une maladie de la communication. » (cf. un étonnant slogan d’Act-Up désignant le Sida comme cache-misère médiatique et comme une instrumentalisation des personnes homos et de leurs malheurs) ; « Je ne voulais pas qu’on voie que je venais à peine d’être une nouvelle fois rejeté. Que je m’étais trompé. Je ne voulais pas me donner en spectacle. J’avais envie d’errer, de respirer la nuit seul, de traverser cette ville où, depuis que j’avais quitté le Maroc poursuivant des rêves cinématographiques, je me redécouvrais heureux et triste, debout et à terre. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 45) ; etc. Par exemple, le réalisateur homosexuel Pier Paolo Pasolini, pourtant féru d’images, prétendait haïr la télévision et ne jamais la regarder.

 

Il n’y a pas de causalité directe entre homosexualité et cinéma/télé (la télévision ne crée rien : elle n’est qu’une loupe des fantasmes et des volontés humaines, d’un rapport entre l’Humain et ce qu’il voit) : « Les enfants qui regardent la télévision plus de 4 heures par jour avant l’âge de 6 ans ont 5 fois plus de chances d’adopter des comportements violents pour résoudre les difficultés de leur vie quotidienne une fois devenus adultes. (5% de ceux qui regardent la télévision moins d’une heure par jour adopteront des comportements violents, contre 25% de ceux qui la regardent plus de 4 heures) Cinq fois plus, c’est considérable. Mais si on s’intéresse de plus près aux chiffres, on s’aperçoit que 75% des enfants qui regardent la télévision plus de 4 heures par jour dans leurs premières années… n’adopteront pas plus la violence que ceux qui la regardent moins d’une heure ! Comment se fait-il que la consommation massive d’images n’ait eu chez eux aucun des effets redoutés ? C’est tout simplement parce qu’il n’y a jamais les ‘images’ d’un côté et ‘l’enfant’ de l’autre, mais aussi l’histoire de celui-ci, sa famille, ses copains, son école, et l’ensemble de son environnement. Dans tous les cas, c’est l’intrication des images violentes avec de nombreux facteurs qui est décisive. » (cf. l’article « Les jeunes et les images » de Serge Tisseron, dans l’essai Zoom sur l’image (2004), p. 8)

 
 

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