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Code n°113 – Maquillage (sous-codes : Décorateur homo / Paravent)

Maquillage

Maquillage

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Le mensonge esthétique appelé beauté, identité et amour

 

Le maquillage est exactement à l’image de l’homosexualité. Il est une réalité mais rarement une Vérité, rarement un outil au service de la Vérité et de la Beauté intérieure. Il efface et est effacé mais, dans son effacement, il (s’)inculpe et se rend visible. Ou au contraire, il veut la visibilité et, dans le même mouvement, il occulte les choses. Il se veut original, naturel, identitaire et amoureux alors qu’il est prioritairement un artifice, un mensonge, une réalité forcée/violée.

 

Je garde en mémoire un ami homosexuel de 26 ans, qui a une véritable passion pour le maquillage. Il est noir de peau, aime se féminiser et créer le trouble sur son identité sexuée en se travestissant par le maquillage. Je suis sûr qu’il se trouve sublime, mystérieux, divin, quand il est maquillé. Ne croyez pas que sa lubie soit intentionnellement humoristique, ou vue comme uniquement fantaisiste. Il est très sérieux quand il est maquillé. Il y a fort à parier qu’il ne se considère même pas maquillé même quand il l’est objectivement. Je sais que, s’il avait pu, il aurait souhaité être maquillé à vie. Et en toile de fond, son idolâtrie du maquillage (il a absolument tenu à me maquiller lors d’une soirée entre amis, et j’ai cédé pour l’exercice tant il m’a tanné : j’ai finalement bien aimé, et ai toléré ma métamorphose en femme-objet tant qu’elle restait dans une démarche ponctuelle, amicale et délirante) indiquait un gros défaut de son caractère : sa tendance au mensonge et à la dissimulation. Ce garçon capricieux et difficile à gérer (en amour comme en amitié) continue d’ailleurs d’en faire voir de toutes les couleurs à ses petits copains… Le maquillage n’a rien de neutre ni d’innocent ni de purement esthétique. C’est moral aussi.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Peinture », « Haine de la beauté », « Ennemi de la Nature », « Poupées », « Animaux empaillés », « Pygmalion », « Talons aiguilles », « Voyante extralucide », « Bourgeoise », « Miroir », « Amant narcissique », « Reine », « Déni », « « Plus que naturel » », « Tante-objet ou Mère-Objet », « Actrice-traîtresse », « Clown blanc et Masques », « Magicien », « Douceur-Poignard », « Homme invisible », à la partie « Kitsch » du code « Fan de feuilletons » et à la partie « Travestissement » du code « Substitut d’identité », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

a) La maquillage-mania :

Film "Head On" d'Ana Kokkinos

Film « Head On » d’Ana Kokkinos


 

Dans beaucoup de fiction homo-érotiques, on observe que le personnage homosexuel adore le maquillage, et parfois se filme en train de se maquiller : cf. le film « Und Gott Erschuf Das Make-Up » (« Et Dieu créa le maquillage », 1997) de Lothar Lambert, le film « The Dresser » (1983) de Peter Yates, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec la maquilleuse lesbienne), le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo (avec le goût d’Éric pour le musc), le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin (avec Patreese Johnson, le maquilleur homo), le roman Paradiso (1967) de José Lezama Lima (avec le musc), la pièce Les Précieux Ridicules (2008) de Damien Poinsard et Guido Reyna (avec l’insistance sur la pommade), le film « Sa meilleure cliente » (1932) de Pierre Colombier, le film « Rêves de femmes » (1955) d’Ingmar Bergman (avec le maquilleur efféminé), le film « Le Signore » (1960) de Turi Vasile, le film « Boulevard » (1960) de Julien Duvivier, le film « Catwoman » (2005) de Pitof, le film « Fatal Beauty » (1987) de Tom Holland (avec le salon de beauté), le film « Le Mystère Silkwood » (1983) de Mike Nichols (avec Angela, la maquilleuse), le film « Ding Dong » (1995) de Todd Hughes, le film « Adieu Forain » (1998) de Daoud Aoulad-Syad, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco (avec Marilyn Lenorman l’esthéticienne), le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti, le film « Bodas De Sangre » (1981) de Carlos Saura, le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées » (2009) de Pedro Almodóvar (avec le maquilleur homo), le roman Mehdi met du rouge à lèvres (2005) de David Dumortier, le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo, le spectacle-cabaret transformiste Écran Total (2014) au Saint Sabastien, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel, le vidéo-clip de la chanson « Todos Me Miran » de Gloria Trevi, le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, etc.

 

Film "Ma vie en rose"

Film « Ma vie en rose » d’Alain Berliner


 

Par exemple, dans le film « Ma vie en rose » (1996) d’Alain Berliner, le jeune Ludovic se prend pour une fille et se maquille secrètement dans sa chambre, et avec les ustensiles de sa mère. Dans le film « Light Sleeper » (1991) de Paul Schrader, David Clennon est amateur de crèmes de beauté. Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Florence, l’héroïne lesbienne, travaille au siège de LORÉAL à New York. Dans le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, Michael fait du maquillage d’effets spéciaux son métier. Dans le film « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch, Chloé, la fille à pédé, est maquilleuse pour des photos de mode. Dans le film « Drool » (2009) de Nancy Kissam, Imogene, la vendeuse en cosmétique est lesbienne. Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Donatienne, la « fille à pédés », veut maquiller des stars et parvient à en faire son métier. Dans le film « Miss Congeniality » (« Miss Détective », 2001) de Donald Petrie, Vic, homosexuel, est le relookeur officiel du concours de Miss États-Unis, le maquilleur et le conseiller des filles ; tacitement homo, il est surnommé « la Follasse bavaroise ». Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, on voit la troupe homosexuelle de ballet se maquiller soigneusement dans les loges. Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, crée des parfums. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol maquille son amante Thérèse pour la féminiser et la draguer : « Il faut du rouge à lèvres. ». Dans ce film, il est fait plusieurs fois mention du pouvoir invisible du parfum de Carol. Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric, le héros homo gay, a l’habitude de se maquiller.

 

« Tante Lill m’a élevé ici, dans ce salon de beauté. » (Sabu, le héros homo du film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick) ; « Son odeur disparut au fil de jours, je ne pus la retenir. Mais je me souviens maintenant d’un mélange d’ambre, de musc et de réglisse. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 59) ; « Chaque mois, j’ai ma semaine ravalement. C’est une espèce de réminiscence de mes journées maquillage avec ma Barbie. » (Jarry dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Chantons ensemble : Jeunesse, jeunesse, jeunesse… ton teint est dû au yaourt… ! » (la Voix dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « Sombra aquí y sombra alla, maquillate, maquillate. » (cf. la chanson « Maquillaje » de Mecano) ; « En quinze jours, j’ai au moins dévalisé deux boutiques de Séphora. » (Thomas, l’un des héros homosexuels, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; etc.

 

Sont souvent conférés au maquillage des pouvoirs magiques d’éternité : « La perruque est comme un casque, qui se greffe à mon cerveau, y’a des cheveux en vinyles qui poussent de l’intérieur. Et si ça transforme mon visage, ça transforme tout… L’artifice prend racine, j’ai plus peur. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier)

 
 

Cyrille – « Est-ce que le maquillage tient ?

Hubert – Impeccable ! »

(Copi, Une Visite inopportune (1988), p. 67)

 
 

Il arrive que le héros homosexuel se prenne lui-même pour le maquillage (genre « Loulou, c’est moi. ») : « Le Hairspray, c’est moi ! » (Corny Collins, le présentateur efféminé ventant les mérites du brumisateur Hairspray et de la laque pour les cheveux, dans la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters)

 

Par exemple, dans son one-man-show Gérard comme le prénom (2011), Laurent Gérard présente tacitement sa métamorphose physique et sa conversion au maquillage comme une preuve visible et implicite de son homosexualité refoulée : avant de faire vraiment son coming out, il se fait blondir les cheveux, met sa crème de nuit, se fait faire un bleaching des dents, fait des UV pour s’assurer un « bronzage naturel », fait de la muscu, etc. « À 18 ans, j’allais me faire des soins en institut de beauté. » Le maquillage est à la fois signe homo-érotique et écran de sa tendance.

 

Dans la fantasmagorie homosexuelle sont souvent tournées de longues scènes de teinture de cheveux : cf. le film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey, le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, le film « Meilleur Espoir Féminin » (1999) de Gérard Jugnot, la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, la chanson « DJay » de Diam’s, etc. « Le matin je passerai chez mon coiffeur me faire teindre en blond platine. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Je faisais les teintures chez les coiffeurs. » (Otho, le héros homosexuel du film « Bettlejuice » (1988) de Tim Burton) ; « Saïd jalouse secrètement les cheveux longs et noir foncé de son compagnon, qui passe au moins une demi-heure tous les matins à placer soigneusement avec des pommades et des gels. » (Saïd par rapport à son amant Ahmed, dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 43) ; etc. Par exemple, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, toutes les comédiennes interprétant un rôle de lesbiennes portent une perruque colorée. La teinture est même parfois vue comme un acte d’amour. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Marie teint en jaune les cheveux de son amante Floriane son amante pour qu’elle soit une merveilleuse reine de la natation synchronisée. Dans le film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma, Lisa maquille Laure (qu’elle pense être Michaël) en fille, en lui disant que ça lui va bien.

 

La teinture est une manière – surtout les protagonistes lesbiennes – de s’habiller d’étrangeté et d’ambiguïté bisexuelle. Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2014) d’Abdellatif Kechiche, Emma, l’une des héroïnes lesbiennes, a les cheveux complètement bleus. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, s’est teint en blond pour ressembler à ses actrices… tout comme son petit copain Stefanos, rencontré dans les toilettes, et qui lui s’est fait des cheveux rouges. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, c’est au moment où Charlène est maquillée par Sarah (qui lui dit : « T’es belle. ») qu’elle commence à tomber amoureuse d’elle.

 

Le maquillage entre amants homosexuels est parfois la marque d’une infantilisation, d’une débauche de bons sentiments, d’un trouble (incestueux) de l’attachement : « Aujourd’hui, après, quelques jours d’interruption ayant expédié au mieux mes obligations, j’ai enfin eu le temps de me faire cajoler par la bonne. J’ai acheté toutes sortes de produits sans regarder à la dépense, notamment une poudre parfumée que l’on indique en cas d’irritation de la peau chez les bébés. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 98) Par exemple, dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, la grand-mère de Rodolphe a toujours espéré que son petit-fils soit homo, et voit le maquillage comme le support de son homosexualité : « On a repris espoir au moment où tu as commencé à te maquiller ! » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le héros homosexuel, maquille sa propre mère dans la salle de bain et lui redonne soi-disant sa féminité. Dans le film « Madame Doubtfire » (1994) de Christ Columbus, Frank, le frère homo de Daniel, secondé par son copain Jack, habitent en couple et sont coiffeurs, maquilleurs et plasticiens. Ils font des masques et maquillent Daniel en vieille gouvernante. « Par contre, j’ai du plâtre. » Le masque est tellement réussie qu’il suscite chez Jack une remarque incestuelle : « Tu ressembles à maman. En mieux. »

 

Le personnage homosexuel pratique l’art du camouflage et de la contrefaçon (y compris sur lui-même par le travestissement) : cf. la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer, le film « Le Secret du Chevalier d’Éon » (1959) de Jacqueline Audry, le film « Un beau Jour, un coiffeur… » (2004) de Gilles Bindi, la chanson « Make Believe » d’Étienne Daho et Vanessa Daou, le roman Off-Side (1968) de Gonzalo Torrente Ballester (avec la contrefaçon de tableaux de Goya), le film « Elle ou Lui ? » (1994) d’Alessandro Benvenuti (avec Leo, le restaurateur de tableaux), la chanson « La Grande Zoa » de Régine ; etc. « Je suis la reine du camouflage. » (Martial dans la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon) ; « Le jeune pirate maîtrise l’art du camouflage. » (cf. la description de Cyrille dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 37) ; etc. Par exemple, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Antoine, le futur « mari » de Jérémie, est titulaire de chirurgie dans un grand hôpital parisien.

 

Il arrive que le héros homo (ou l’un de ses amis) soit aussi décorateur : le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin (avec le personnage de Nate), le film « Syncopation » (1929) de Bert Glennon, le film « Only Yesterday » (1933) de John M. Stahl, le film « The Wedding Of Lili Marlene » (1953) d’Arthur Crabtree, le film « The Side Of Heaven » (1934) de William K. Howard, le film « La Maison de campagne » (1969) de Jean Girault, le film « La Fuga » (1964) de Paolo Spinola, le film « Chaque mercredi » (1966) de Robert Ellis Miller, le film « Footing » (2012) de Damien Gault (Marco, le héros homo, est décorateur), le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic (avec Djordje, le décorateur homosexuel), etc. « Je suis un peu décorateur, un peu styliste. » (cf. la chanson « Comme ils disent… » de Charles Aznavour) ; « Hugo a toujours été très doué pour la décoration. » (Selma dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ?, 2010) de Malu de Martino) ; « C’était surtout la déco de Kai. » (Richard parlant de sa maison partagée avec son amant Kai, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « Cet appartement semble sortir d’un magazine de décoration. » (Jane parlant de l’appart qu’elle prend avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh) ; « Tu aimes la déco. » (Graziella s’adressant à son ami homo Tom d’un ton injonctif, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen) ; « Je m’attendais à trouver quelque chose de plus élaboré au niveau de la décoration. » (le Dr Katzelblum visitant l’appartement de ses deux patients en couple homosexuel Benjamin et Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « On peut la retrouver rue des saint pères. Décorateur et antiquaire. » (cf. la chanson « La Grande Zoa » de Régine) ; etc. Par exemple, dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Vivien, l’un des héros homos, est décorateur. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, aime imiter la relookeuse de M6, Cristina Cordula, « la grosse gouine qui fait la déco à la télé ». Dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Martin, le héros homo, « a toujours été doué en déco » selon Christine, son ex-femme. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Marie, l’une des héroïnes lesbiennes, travaille dans la déco : elle a une boutique.

 
 

b) Le Maquillage : paravent du kitsch, paravent du viol

Vidéo-clip de la chanson "Je suis moi" de Shy'm

Vidéo-clip de la chanson « Je suis moi » de Shy’m


 

Malheureusement, le vernis du maquillage n’est pas éternel et commence à se craqueler, à révéler de tristes intentions chez le héros homosexuel qui a voulu croire en la « Profondeur du paraître ». Le maquillage est à la fois le signe de fierté du personnage homosexuel, mais paradoxalement aussi le signe de sa honte d’être ce qu’il est, d’une homophobie intériorisée : « Elle maquille trop sa pauvre face ! » (c.f. la chanson « Le Garçonne » de Georgel) ; « J’ai mis de l’ordre à mes cheveux, un peu plus de noir sur les yeux. » (cf. la chanson « Il venait d’avoir 18 ans » de Dalida) ; « Viens Sylvie, on va se remaquiller toutes les deux ! » (Benjamin, l’un des héros homos entraînant Sylvie à la salle de bain, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « J’en ai trop mis ! » (Juliette, sur la cour d’école, parlant de son maquillage, dans le téléfilm « Louis(e) » (2017) d’Arnaud Mercadier) ; « À l’heure où naît un jour nouveau, je rentre retrouver mon lot de solitude. J’ôte mes cils et mes cheveux, comme un pauvre clown malheureux de lassitude. » (cf. la chanson « Comme ils disent » de Charles Aznavour) ; « Voir un ami travesti pleurer. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Les yeux fardés jusqu’au mépris. » (Luca, le héros homosexuel du spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; « Tout seul dans mon placard les yeux fardés de noir, à l’abri des regards, je défie le hasard. Dans ce monde qui n’a ni queue ni tête je n’en fais qu’à ma tête. » (cf. la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer) ; « Je me fais des yeux au beurre noir. » (c.f. la chanson « Le Petit Rouquin du Faubourg Saint-Martin » de Fortugé) ; « C’était une bonne époque pour être homo. Le style androgyne était à la mode ; même les garçons hétéros portaient du maquillage et des bijoux, et se teignaient les cheveux. Je crois qu’une partie de Tielo aurait bien voulu être gay. Jusque-là, on avait tout fait ensemble, mais il avait toujours été le plus dévergondé de nous deux. […] Il s’est laissé draguer par des mecs une ou deux fois. » (Petra parlant des années 1980, de son frère hétéro Tielo, et s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 81) ; « Les filles comme moi ont appris très tôt à masquer un coquard. » (Fred, le trans M to F, soignant la plaie de Cédric à l’arcade en le maquillant car il s’est fait agresser par une bande homophobe, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; etc.

 

Planche "Le Miroir" de la B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi

Planche « Le Miroir » de la B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi


 

Par exemple, dans le film « La meilleure façon de marcher » (1976) de Claude Miller, Philippe, le héros bisexuel, se maquille en femme dans le secret de sa chambre, pendant la colo, mais prend comme un drame le fait d’avoir été surpris par Marc en flagrant délit de travestissement. Dans la chanson « Comme ils disent… » de Charles Aznavour, le démaquillage est le moment où le masque tombe, où le travesti contemple sa face de triste-sire-qui-ne-s’aime-pas dans la glace. Dans le film « Je vois déjà le titre » (1998) de Martial Fougeron, Paulo, le héros homo travesti, avec ses faux cils et son fard à paupières dégoulinant, affiche l’amertume amoureuse homosexuelle et sa désespérance existentielle. Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, le Coryphée est un homme travesti M to F avec une perruque tombée, au maquillage coulant. Dans la nouvelle « Kleptophile » (2010) d’Essobal Lenoir, la description des produits cosmétiques exposés dans le grand magasin, aux stands de parfumerie, est associée à la sueur, à la bestialité, est montrée comme délétère. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, présente l’inconvénient de son métier : « Y’a le revers de la médaille : tu vieillis plus vite que d’habitude. » Il se rend chez un chirurgien pratiquant la « médecine esthétique pour rajeunir. Le résultat n’est d’ailleurs pas toujours à la hauteur de ses espérances. Jeanfi parle « des effets mordants du peeling » et des ratés de son médecin qui le bronze de trop : « J’étais pas épanoui totalement. Il me manquait quelque chose. »

 

Le maquillage semble réveiller et exacerber les pulsions sexuelles (= je suis maquillé donc plus facilement baisable et consentant)… en milieu homo qui joue les hétéros : « Petra […] marqua une nouvelle pause, comme pour se souvenir des boîtes de nuit bourrées de garçons maquillés et de filles attendant de se faire draguer. » (Louise Welsh, The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012), p. 82) Le maquillage symbolise souvent le fantasme d’être une prostituée, d’être violé : « Anna s’habille comme une pute. […] Je crois qu’elle aimerait bien. Son maquillage, ses talons hauts qu’elle adore ; ce sont des choses que porterait une prostituée. » (Maria, la prostituée, décrivant la jeune Anna, idem, p. 165)
 

Comme le héros homosexuel finit par se rendre compte que le maquillage ne peut pas régler tous ses problèmes ni gommer toutes ses limites humaines (et pire, que ce dernier les met en valeurs et les fait ressortir !), il finit par se venger de ses masques, de ses bijoux, de ses crèmes, de ses boucles d’oreilles, en les détruisant. La passion pour la contrefaçon et le maquillage va de pair avec celle de sa dénonciation (ou sa destruction, surtout chez les personnages lesbiens) : cf. les romans Les Caves du Vatican (1914) et Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd, le film « Dead Ringers » (« Faux semblants », 1988) de David Cronenberg, le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, le film « Sancharram » (2004) de Ligy J. Pullappally (avec l’une des héroïnes lesbiennes qui s’enlève tous les attributs matériels de sa féminité), etc.

 

« Je pourchasse impitoyablement le maquillage, les talons hauts, les fioritures en tout genre, et cela avec de moins en moins de tolérance. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 223) ; « J’ai mis une perruque et du faux rouge sur mes joues. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Copi, p. 32) ; « Et cette obsession de l’âge ! À 25 ans, s’acheter des patchs anti-poches sous les yeux, des pots de 12 litres de crèmes antirides et de le voir s’emballer pour le moindre gel douche à la papaye, ça finit par me terrifier dans les rayons Sephora ! » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Jolie, crinière au vent, ses dessous dépassant de l’ouverture du fourreau pailleté, boitant sur une seule chaussure, traînant d’une main le renard, de l’autre son sac, suivit Silvano sans rien dire. […] Son maquillage dégoulinait. Jolie de Parma, celle qui l’avait tant ému au cinéma ! réalisa-t-il tout d’un coup. Hier encore, vous étiez mon idole, mon idéal de femme. » (Copi, La Vie est un tango (1979), pp. 22-23) ; « Le vernis se craquèle sous l’idole. » (cf. la chanson « Idéaliser » d’Alizée) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès, le personnage du Rouquin prend un malin plaisir à souligner chez chaque membre de son entourage les moindres défauts, vient apporter une « vérité » destructrice qui vise à montrer que tout n’est qu’illusion, faux-semblants), etc. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, avoue qu’il a « un talent pour contrefaire les signatures, raconter des mensonges ». Dans le film « Devil Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2005) de David Frankel, la vengeance est esthétique, « l’action » est dans le maquillage. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, le maquillage est ominprésen dans le quotidien des personnages, et surtout ceux qui sont intersexes et transsexuels. Par exemple, le film démarre avec Rana qui se maquille les yeux de mascara devant sa glace de rétroviseur de voiture. À la fin, alors qu’Adineh l’héroïne transsexuelle F to M est forcée par son père d’endosser le costume et la robe de mariée, le père de celle-ci demande à la maquilleuse le matin du mariage de ne pas trop forcer sur le maquillage : « Ne maquillez pas autant. » Emad, le frère d’Adineh, finit par libérer sa sœur in extremis et par la conduire à l’aéroport pour qu’elle échappe au mariage et aille en Allemagne se faire changer de sexe : « Enlève ce maquillage. Ça te va pas vraiment. » lui dit-il alors que le mascara noir coule sur les joues de sa sœur.

 

Film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, en général, le maquillage est source de conflits, de disputes homériques. Par exemple, dans le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, Tonia, le héros transsexuel M to F, se pique de jalousie pour Jenny, son camarade noir qui porte « sa » perruque blonde, et s’embrouille avec sa copine trans Irène. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael, le héros gay, se moque de son colocataire homo Harold qui passe son temps à se scruter devant sa glace et à se mettre des crèmes parce qu’il ne s’aime pas : « Tu passes des heures devant ton miroir, passées à mettre des crèmes et des masques. Et on ne voit même pas la différence. » Harold riposte mollement : « Ma peau n’est pas belle. Que veux-tu que je te dise ? » Michael continue de le narguer : « Pas étonnant puisque tu passes des heures à triturer tes pores. Pas étonnant qu’ils soient dilatés, vu ce que tu en fais. Tu n’arrêtes jamais. […] Oui, tu as des cicatrices mais ce n’est pas grave. Ta vie serait plus simple si tu arrêtais de te torturer. »

 

Le maquillage est aussi l’arsenal des dictatures. Par exemple, dans la B.D. La Foire aux Immortels (1980) d’Enki Bilal, Jean-Ferdinand Choublanc, « Gouverneur de la cité autonome de Paris » (dixit Théodule 1er, sorte de Pape catholique sans l’être) est manifestement homosexuel : il s’adresse à ses maquilleurs en les appelant « les filles » et à son intendant en l’appelant « chéri » (intendant avec lequel il partage son bain) ; les adhérents à son parti sont tous sans exception très fortement maquillés.

 

Souvent, dans les fictions homosexuelles, le maquillage sert à masquer un viol ou une réalité jugée désagréable. En cela, il correspond tout à fait à la définition du kitsch qu’a donnée Milan Kundera dans son roman L’Insoutenable légèreté de l’être (1982) : « Le kitsch est un paravent qui dissimule la merde. » Il est le vernis utilisé par tout système totalitaire pour occulter sa violence dans le strass et les paillettes rose-bonbon. « Excusez-moi, il faut que j’aille chier. Pardon… que je me repoudre le nez. » (la mère transgenre dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit)

 

Film "To Live And Die In L.A." (1986) de William Friedkin

Film « To Live And Die In L.A. » (1986) de William Friedkin


 

Par exemple, dès les premières images du film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, le spectateur a droit à une scène de maquillage. En plus, le maquillage du travesti M to F Zé María et le maquillage de guerre pour le camouflage sont directement associés. Dans le one-man-show Yvette Leglaire « Je reviendrai ! »(2007) de Dada et Olivier Denizet, Yvette Leglaire est un travesti M to F ultra-maquillé qui se conduit de manière ironico-odieuse. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, « relooke » sa nièce Claire comme une pute et la laisse sur un parking pour qu’elle fasse son apprentissage de la sexualité (ou plutôt de la prostitution). Dans le film « Tom à la ferme » (2014) de Xavier Dolan, Tom, le héros homosexuel aux cheveux blonds peroxydés, va vivre un véritable cauchemar hitchcokien. Le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier commence par une séance de teinture de cheveux inachevée : la teinture de César est trop rouge parce qu’il part précipitamment de chez le coiffeur (ça fait trop roux). Cette erreur est à l’image du vol d’enfant pour satisfaire l’adoption « homoparentale » du couple lesbien.

 

La mention des paravents – comme maquillage et signe du viol – revient régulièrement dans les œuvres homo-érotiques : « Oh mon Dieu, je suis perdu ! Elvire, je suis devenu comment dire ! Un homme de nuit qui frotte les murs de Paris, pour autant dire un vampire. » (Pédé, le héros homosexuel de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « La porte, c’est moi. » (Marilyn, la videuse lesbienne du Gouine, dans le one-woman-show Charlotte, Paris j’adore ! (2010) de Charlotte des Georges) ; « Moi, je suis la carpette idéale… » (Emmanuel Montier dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 156) ; « C’est là où vous me direz : laisser tomber les chiens, asseyez-vous sur une dune, allumez une cigarette en faisant paravent contre le vent avec vos mains en cornet et pensez à quelque chose d’autre. Je vous soupçonne d’avoir eu un chien dans votre jeunesse, ça c’est une idée typique d’un maître de chien, Maître. Connard. » (le narrateur homosexuel du roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 13) ; « Je l’[l’éventail, la pièce à conviction pour camoufler le meurtre] ai caché non pas dans l’armoire, mais derrière le paravent. » (le Machiniste dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Tu étais caché derrière le paravent quand je me suis disputée avec Madame Lucienne ? Si tu étais cachée derrière le paravent, tu sais que je ne l’ai pas tuée ! C’est toi ! » (la Comédienne à l’Auteur, idem) ; « Portrait-robot du Gronz : tête de hibou, buste de bœuf, arrière-train de dragon. Méfiez-vous, ils sont très excitables à la vue de la couleur verte. Ne portez pas de vert et camouflez votre végétation derrière des paravents. » (idem) ; « Je suis le nouveau Mur de Berlin. » (Hedwig dans le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell) ; « Elvire, je suis devenu un homme de nuit qui frotte les murs de Paris, pour autant dire un vampire. » (Pédé dans le pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Mon projet ? Changer de papier peint. » (Jeanfi, le steward homo présentant son visage au médecin-chirurgien esthétique, dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; etc.

 

Le héros homosexuel s’identifie souvent à un mur ou à une surface plane qui fait écran à la Réalité : cf. la pièce L’Ombre de Venceslao (1992) de Copi, la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi, le roman Les Enfants terribles (1929) de Jean Cocteau, le concert de Jean Guidoni à La Boule Noire (avril 2007), le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes, le film « Behind The Red Door » (2002) de Matia Karrell, le film « Écran magique » (1982) de Gianfranco Mingozzi, le tableau L’Homme à l’oiseau (2000) de Luan Xiaojie, le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau, la chanson « Je fais la planche » de K.D. Lang, la chanson « Derrière la porte » d’Anggun, le film « The Boy Next Door » (2008) d’un réalisateur inconnu, etc. Par exemple, dans la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon, Roger est assimilé à une planche. Dans son one-(wo)man-show Je reviendrai ! (2007), Yvette Leglaire, le travesti M to F ultra-maquillé, se prend pour le Mur de Berlin. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Jonas, le fils de Marie, surprend sa propre mère embrasser Aysla derrière un paravent, le soir du mariage de celle-ci.

 

Il arrive que l’amant homosexuel soit comparé à un mur plat ou un paravent derrière lequel le héros homo peut se cacher et à travers lequel il peut vivre une vie par procuration, incognito : c’est le cas dans le roman Les Paravents (1961) de Jean Genet, le film « Children Of God » (2010) de Kareem Mortimer, le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (avec Robbie, homme qui se fait pénétrer et plaquer contre le mur), le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet (dans lequel les murs de la prison ont des yeux et sont « vivants »), etc. « Je ne vis plus que pour toi et qu’à travers toi. Plus je te vois et plus je devrais être rassasié de toi mais c’est le contraire, plus tu me manques et plus je t’aime. » (Bryan s’adressant à son amant Kevin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 322) ; « Quinze minutes plus tôt, alors qu’il longeait une rue absolument déserte, […] quelqu’un s’était approché de lui. Un homme. Il était venu vers Fabien d’un pas oblique, comme s’il était sorti d’un mur. » (le héros du roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 18) ; « Un homme, c’est comme une pierre à laquelle tu te tiens. C’est robuste. […] Un homme, c’est comme un tremplin. » (Franck dans la pièce Mon amour (2009) d’Emmanuel Adely) ; « Derrière la porte, souriait de toutes sa nacre un garçon enjôleur que n’importe qui d’un peu novice aurait immanquablement trouvé joli. Laurent resta pétrifié sur le seuil de la porte. » (cf. la nouvelle « Cœur de Pierre » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 47) Par exemple, dans la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le corps dénudé du héros travesti sert d’écran de cinéma. Dans le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitman, le dos de l’amant (Hugo) fait office d’écran de cinéma sur lequel est projeté l’ombre du mot « Univers ». Dans le roman Paradiso (1967) de José Lezama Lima, la métaphore de l’amant mural est également employée : « José s’était approché du gros mur pour trouver de la compagnie.[…] Sa marche devenait semblable au mur, pas additionnés aux pas, telles les briques empilées donnant la hauteur du mur. […] Enfin, il appuya la craie comme pour une conversation. » (p. 31) ; « Jane rêvait d’Anna. Elles étaient seules dans le noir, les doux cheveux de la fille retombaient sur le visage de Jane. Elle eut l’impression d’être au lit avec elle et se mit à paniquer ; ce n’était pas ce qu’elle voulait, tout allait de travers. Les lèvres de la fille se posèrent sur les siennes et elles s’embrassèrent, la langue d’Anna frémissante et insistante. Jane comprit à nouveau ce qu’elle était en train de faire et tenta de la repousser mais quelque force supérieure les collait l’une à l’autre. Elle sentait le poids du corps de la fille, la douceur de ses seins, et elle se tortilla pour se dégager, tentant désespérément de s’échapper, mais elle avait beau se tourner dans toutes les directions, elle était piégée. Elle repoussa Anna de toutes ses forces, mais sans résultat, elles étaient verrouillées l’une à l’autre, et brusquement Jane comprit ce qui les retenait là. Elles étaient scellées, l’une au-dessus de l’autre, sous le plancher de l’immeuble de derrière. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 222) ; etc.

 

Devenir mur ou devenir paravent, cela revient à être violé. « Il a trouvé le mur sur lequel il va pouvoir lancer sa baballe. » (le Père 2 parlant de son futur « gendre » avec son fils homo Gatal, gendre qu’il tuera, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) Par exemple, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann, Robbie se fait violemment pénétrer et plaquer contre le mur. Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, le mathématicien homosexuel Alan Turing s’est fait maltraiter au collège par ses camarades de pensionnat. Ils l’ont même séquestré sous un plancher de bois clouté. Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, à la fin, la grand-mère de Tommaso (le héros homosexuel) se maquille pour retrouver la jeunesse de ses vingts ans, face à plusieurs miroirs. Cela, juste avant de se suicider.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

 

a) La maquillage-mania :

Le maquillage occupe une place importante dans la vie des personnes homosexuelles. « Être pédé a quelques avantages : on peut tailler des pipes, et échanger ses fringues avec son chéri. Et surtout se poudrer les jours de fête. » (Luca filmé pendant qu’il se maquille, dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi)Certaines en ont fait leur métier. Par exemple, les maquilleurs Stathis et Hervé sont homosexuels. Dans la huitième édition de l’émission de « télé-réalité » Secret Story (2014) sur la chaîne TF1, Sacha, le candidat homosexuel de 23 ans, est maquilleur de profession. D’autres en restant au loisir et à la sphère semi-privée. Déjà tout petit, certains individus homos sont rentrés dans la chambre de leur mère et se sont maquillés pour savoir ce que ça donnait. Par exemple, à l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle diffusée le 3 mai 2006, Brahim Naït-Balk, l’animateur en chef, raconte qu’à l’âge de 7-8 ans, il se mettait du rouge à lèvres. Dans l’autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, Eddy Bellegueule relate qu’il s’habillait avec les vêtements de sa sœur et son maquillage en cachette de sa famille : « Je rejoignais Amélie. L’un de mes jeux préférés consistait à la maquiller, l’affubler de rouge à lèvres et de tout un tas de poudres différentes. » (p. 105) Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Barbara, la femme de Bertrand, fait tout un topo sur le maquillage, en décrivant ses sensations quand elle s’enduit le visage, les yeux, le corps, de crèmes et de peinture. En février 2019, un lycéen d’Albi, Alexis, défraye la chronique en venant maquillé en classe, et reçoit le soutien de nombreuses associations LGBT.

 

Certaines personnes homosexuelles aiment se maquiller. « Aujourd’hui, si les bijoux et les accessoires manuels ont disparu, le parfum, le fond de teint, la coupe spéciale des vêtements subsistent. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 32)Et il faut reconnaître que c’est agréable – surtout de se faire maquiller – : c’est un peu comme un massage. On vous chouchoute comme une poupée. J’ai des souvenirs d’enfance où, en A.C.E. (Action Catholique des Enfants) ou en Centre Aéré, l’odeur du maquillage qu’on m’appliquait sur le visage me ravissait.

 

Un certain nombre de personnalités homosexuelles, après leur coming out médiatique, se sont senties l’obligation (allez savoir pourquoi) de se teindre les cheveux : Andy Warhol, Xavier Dolan, Clément Borioli, Steevy Boulay, Xavier Bongibault, etc.

 

Andy Warhol

Andy Warhol


 

Le maquillage est le matériau de la bisexualité, très en vogue dans le milieu du show business dans les années 1970-1980. « Au début des années 1980, beaucoup de garçons se baladent avec du khôl dans les yeux et du spray sur les cheveux. Qu’ils soient homos ou hétéros n’a aucune importance. » (la voix-off dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Pensez au chanteur Boy George, Elvis Presley (le modèle des dragkings) ou, dans un tout autre style, Michael Jackson. David Bowie, également, a incarné Ziggy Stardust, un personnage maquillé de façon outrancière. « Je me rappelle. J’adorais Elvis Presley. Mais c’était surtout parce que je le trouvais sexy. Elvis était un personnage artificiel, très maquillé. Et je le trouvais super sexy. Aujourd’hui encore, je suis convaincu qu’il avait une sensibilité gay. Mais comme il était tenu par son manager, il n’a jamais pu l’exprimer, surtout à cette époque. » (Rosa von Prauheim interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte)Les dandys homosexuels ont coutume de se parfumer au musc. Par exemple, dans son interview « 69 Preguntas A Néstor Perlongher » (dans l’essai Prosa Plebeya, 1989), le poète homosexuel argentin Néstor Perlongher déclare que son odeur préférée est celle du musc (p. 18). Ils sont parfois parfumeurs, coiffeurs, et aiment ce qui est parfums car ils ont grandi là-dedans : « J’adorais aller à Brioude. Cela sentait le fer à friser un peu brûlé, les teintures, les parfums sucrés qui se mélangeaient. C’était à la fois étrange et enivrant. » (Jean-Claude Brialy concernant le salon de coiffure de sa tante, dans son autobiographie Le Ruisseau des singes (2000), p. 19) ; « Mes parents ne s’intéressaient qu’à leur salon de coiffure. » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 19) ; etc.

 

Photographies de Herb Schulz

Photographies de Herb Schulz


 

Le maquillage est une technique très prisée dans le monde artistique homosexuel. Par exemple, Pierre et Gilles, ou bien Andy Warhol, font des photos-peintures souvent caricaturales, dans lesquelles ils subliment et sur-maquillent leurs stars favorites. Dans un élan iconoclaste similaire, Herb Ritts trouble l’image des icônes sexuelles qu’il a photographiées. Les artistes s’amusent à manier l’art de la contrefaçon vraisemblable. La fascination pour celle-ci va de pair avec celle de sa dénonciation : par exemple, Bruce Chatwin, spécialiste en peinture, prend un malin plaisir à annoncer aux gens que les tableaux d’art qu’ils possèdent chez eux sont des faux. Beaucoup de personnes homosexuelles croient en la supposée « profondeur des apparences et des maquillages », et aiment cultiver l’ambiguïté sexuelle de leurs modèles ou d’elles-mêmes. Par exemple, le 3 février 2018, comme par hasard, c’est au moment où Ernesto Sevilla et Joaquin Reyes ont présenté la remise du Prix du Goya du meilleur maquillage, qu’ils se sont échangés un baiser.

 

 

Conchita Wurst, gagnant de l'Eurovision 2014

Conchita Wurst, gagnant de l’Eurovision 2014


 

Le maquillage donne l’illusion d’une identité originale, transcendant les sexes (les membres de l’idéologie queer diraient « transcender les genres ») et la Vérité. Un homme qui se maquille, ça fait tout de suite métrosexuel ou homosexuel. Le maquillage se pare des meilleures intentions (la performance artistique, l’engagement militant, le détournement carnavalesque humoristique) pour se faire oublier/remarquer, et occulter sa violence. On peut penser au maquillage très étudié des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence qui est utilisé en réalité comme une arme de censure et d’autocensure particulièrement homophobe. Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, on nous montre en parallèle sur un écran un homme efféminé se maquiller en femme, et la narratrice transgenre F to M sur scène se travestissant en homme, en se posant un faux bouc. Et j’ai remarqué que c’est la nouvelle mode gay de se faire tatouer une marque de bouche rouge féminine de maquillage sur le cou (Matthieu ou encore Pascal hier dans L’Amour est dans le pré)…

 

Au fond, dès qu’il fuit ou force la différence des sexes et qu’il rejoint l’homosexualité, le maquillage devient le signe d’une immaturité (pensons aux lolitas pré-pubères qui se vieillissent et se maquillent comme des prostituées), d’une schizophrénie (qui s’affiche en fierté, comme par exemple aux Gay Pride ou dans les spectacles de travestis), d’une non-acceptation de soi-même. « Les femmes me demandent souvent pourquoi je me maquille. Pour les mêmes raisons qu’elles. Je ne suis pas une femme… mais j’ai l’âme d’une femme ! » (le chanteur Boy George interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Par exemple, on voit Pierre Loti fréquemment poudré, avec du rouge aux joues. Kuno von Moltke (1847-1923) se maquillait beaucoup. Michel Journiac sortait dans la rue toujours maquillé : les gens ont découvert son vrai visage à sa mort. Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte la tendance de son ami homo Copi à ne pas savoir faire la coupure entre la fiction et la Réalité : « Son seul problème était de parvenir à se démaquiller. » (p. 12) Je vous renvoie également au documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra dans lequel le maquillage est pris très au sérieux.

 

Modèle Yves Saint-Laurent

Modèle Yves Saint-Laurent


 

Le maquillage est également ce qui unit hétérosexualité et homosexualité, dans la violence des actes sexuels qu’elles font poser (je pense par exemple, et dans l’extrême, à la sodomie facilité par la vaseline, toutes sortes de crèmes). Mais c’est tout un mode de vie et de pensée qu’il remet en cause. Je vais prendre une anecdote toute bête qui m’est arrivée en décembre 2011. En tant que prof d’espagnol, j’ai été inspecté par une inspectrice de l’Éducation Nazie-onale, Madame Beatriz Beloqui, je pense particulièrement hétérosexuelle, gay friendly, en total désaccord avec mes engagements politiques et religieux, et qui me l’a bien fait comprendre. Et comme par hasard, elle m’a taclé sur une heure de cours où j’avais organisé un faux débat sur le thème du maquillage (elle avait dû se sentir visée par le thème et ne pas identifier son propre statut de poupée maquillée, pour avoir autant dé-théâtralisé cette heure de cours et avoir cru que les élèves exprimaient vraiment leur avis et qu’ils n’interprétaient pas de rôles). L’hétérosexualité pratiquée, tout comme l’homosexualité, ne s’envisagent même pas comme des maquillages sociaux (alors qu’elles le sont !), et n’accèdent absolument pas au second degré. Il n’y a donc rien d’étonnant que ces femmes ou hommes qui vivent dans l’apparence ne supportent pas ma manière d’aborder l’homosexualité !

 

Le maquillage, je le crois, stimule la pulsion. Un jour, un ami homosexuel (qui se maquillait « discrètement ») m’avait dit que lorsqu’un garçon se maquillait en soirée, il couchait plus facilement… C.CUL.F.D.

 
 

b) Le Maquillage : paravent du kitsch, paravent du viol

Derrière le joli vernis du maquillage se cache souvent la misère d’une identité ou d’un amour mal porté(e). Par exemple, le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne débute précisément par une scène d’auto-maquillage de celui qui va se raconter – et raconter ses drames (inceste, viol, dépression, tentative de suicide…) – pendant toute l’intrigue. Le maquillage peut être symptôme d’attachement incestueux maternel : « J’adorais observer ma mère quand elle se maquillait. » (Iris, homme M to F, qui s’appelle initialement Gabriel, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6)

 

Le maquillage sert à masquer un viol ou une réalité jugée désagréable. En cela, il correspond tout à fait à la définition du kitsch qu’a donnée Milan Kundera dans son roman L’Insoutenable légèreté de l’être (1982) : « Le kitsch est un paravent qui dissimule la merde. » Il est le vernis utilisé par tout système totalitaire pour occulter sa violence dans le strass et les paillettes rose-bonbon.

 

Le maquillage peut quelquefois prendre la forme du paravent. Ce paravent sert d’écran et de révélateur d’une action mauvaise, en général. « Il [Don José, le travesti M to F] se faufila derrière un paravent et nous entendîmes une profonde inspiration. Quelques secondes plus tard, il sortit de sa cachette, les narines toutes barbouillées de blanc. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 293)

 

La mention des paravents – comme maquillage et signe du viol – revient parfois dans le discours des personnes homosexuelles : cf. le Journal (1992) de Jean-Luc Lagarce. Le paravent est même parfois l’amant homosexuel lui-même derrière qui il serait possible de cacher son homosexualité et surtout son homophobie ( = sa haine de soi). « Cette union mal assortie, et c’était très malsain, que Martine éprouvait pour moi une admiration sans bornes. D’après ses critères, j’étais celle qui avait réussi, alors qu’elle avait tout raté. Dans cette logique, il était souhaitable pour elle de rester dans mon ombre et de continuer à vivre ainsi, par procuration. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 72) ; « Et lui, mon gossi, il va avec les femmes, il a besoin d’avoir une famille dans l’avenir, et moi je peux être caché derrière lui pour vivre sa vie. » (Laurent en parlant de son amant bisexuel Jean-Jacques, dans le documentaire « Woubi Chéri » (1998) de Philip Brooks et Laurent Bocahut) ; etc.

 
 

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