Archives par mot-clé : homophobes

Code n°119 – Mère gay friendly (sous-codes : Homoparents exemplaires / Homophobes repentants)

Mère gay friendly

Mère gay friendly

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 
 

Si tu es heureux comme ça / Moi ce que je veux, c’est le bonheur de mon fils / Ça ne change rien pour moi / Je crois que je t’aime encore plus

 

Il existe quelqu’un qui a tout comprendu de l’homosexualité avant tout le monde : c’est la mère gay friendly. Elle est portée aux nues par la communauté homosexuelle, et utilisée comme caution morale. Elle existe parfois en vrai, mais on la voit surtout sur nos écrans de télé (les premières mères gays friendly étaient d’ailleurs des actrices : Elizabeth Taylor, Barbara Streisand, Alice Sapritch, Lisa Minnelli, Madonna, Eva Darlan, etc.). Elle se targue d’être la militante de la première heure en faveur des droits-des-homos, et défend bec et ongles son titre d’« hétérosexuelle désintéressée » qui n’aurait aucune couverture à tirer à elle dans la défense de l’homosexualité (sauf celle qui recouvre son divorce ou le viol qu’elle a subi…),  et qui n’aurait pour seule motivation que l’amour inconditionnel/gratuit de son fils. Visiblement, elle incarne la fulgurante Conversion sociale vers la Tolérance à laquelle toute personne « hétéro » (et donc, fatalement, « homophobe », logique) est appelée à vivre pour sortir de son ignorance. Cette femme « miraculée », très soucieuse de se montrer souriante/révoltée/débordante d’émotions devant les caméras, en utilisant l’homosexualité de son fils comme faire-valoir personnel et comme pièce à conviction de son « incroyable ouverture d’esprit », joue la pasionaria s’offrant en holocauste pour le pardon des péchés « des » homophobes qui ne se repentiront jamais (les pauvres : ils ne savent même pas qu’ils sont homophobes…) et pour le Salut de l’Humanité. On y croit…

 

MÈRE MG 1

Mère de « Queer As Folk » (« My Gay Son Makes Me So Proud »)


 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « S’homosexualiser par le matriarcat », « Tante-objet ou maman-objet », « Duo totalitaire lesbienne/gay », « FAP la « fille à pédé(s) » », « Mère possessive », à la partie « Applaudissements » du code « Milieu homosexuel paradisiaque », et à la partie « L’homo combatif face à l’homo lâche » du code « Faux révolutionnaires », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

FICTION

 
 

a) Les mamans bonnes copines qui ont tout comprendu :

Film "Jamais sans toi" (2009) d'Aluizio Abranches

Film « Jamais sans toi » (2009) d’Aluizio Abranches


 

La figure de la maman militante pour les droits homosexuels est désormais un classique des œuvres de fiction homosexuelles (elle nous prouve que le ridicule ne tue pas) : cf. la pièce Ma Double Vie (2009) de Stéphane Mitchell (avec la mère de Tania), le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare (avec la mère de Jean, le héros homo décédé), le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan (dans lequel la maman d’Antonin joue parfois à la mère-copine), le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec Catherine, la « Mère-Courage »), le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier (avec Colette, la maman-copine de Marc), le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron (avec les mamans « en avance » par rapport aux pères question tolérance gay friendly), le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure (avec Emma, la maman culotée qui va débloquer la situation : ce rôle transformera à jamais la comédienne Éva Darlan en icône gay), le film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka (avec la maman de « X »), le film « Drôle de Félix » (2000) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec Isabelle, la mère de famille compréhensive, prenant Félix le fugitif sous son aile), la série Queer As Folk (avec les mères gay friendly surexcitées, telles que Debbie Novotny), le film « Un Soupçon de rose » (2004) d’Ian Iqbal Rashid, le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (la mère adulescente de Charlène l’héroïne lesbienne), le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker (avec Mrs Webster, la maman de Luce l’héroïne lesbienne), etc. Par exemple, dans le vidéo-clip de la chanson « Pointer du doigt » de Bruno Roy, la mère du protagoniste homosexuel est filmée comme la seule qui comprend l’homosexualité de son fils. Dans la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan, Cyrano présente Roxane comme une femme « gaiement maternelle ». Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Emma, l’héroïne lesbienne dont les parents sont divorcés, a une mère très « open » question homosexualité. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer), Lena, la femme bafouée, est celle qui voit tout et qui comprend dès le départ l’émoi homo-érotique que ressent Johnny pour Romeo sur le bateau qui les conduit sur l’île des Bahamas. Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, la maman de Marco (Hélène) et celle de Sean s’engagent dans la lutte contre le Sida et pour l’homosexualité de leurs fils gays.

 

« J’ai envie pour mon fils d’être sa meilleure amie. » (Sylvie projetant sa relation avec son fils hypothétique, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « J’aime beaucoup ma mère. Je l’aime davantage comme une camarade ou comme une amie. » (Franz, l’un des héros homos de la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Ta mère serait ravie ! » (le père s’adressant à sa fille lesbienne Claire, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « Je suis contente. Je suis contente. On est de nouveau amis. » (la mère d’Antoine s’adressant à son fils homosexuel, à propos de son homosexualité, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin) ; etc.

 

MÈRE GF 2 Sarandon prayer for bobby

Téléfilm « Prayers For Bobby » de Russell Mulcahy

 

La mère gay friendly entraîne avec elle toute une foule d’« homoparents » qui, comme elle, deviennent d’exemplaires partisans de la Cause homosexuelle, des modèles du « Progrès social » : cf. le téléfilm « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve, le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault, « Pourquoi pas moi ? » (1999) de Stéphane Giusti, « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun, « Eating Out » (2004) de Q. Allan Brocka, etc.

 

Par exemple, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015), la mère de Jefferey Jordan s’annonce comme une femme complice de l’homosexualité de son fils : « Ma mère a voulu que je l’emmène en boîte gay. Elle voulait découvrir mon univers. Elle n’a pas été déçue du voyage. » Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, la mère de Nathan, le héros homosexuel, prend les devants dès qu’elle est au courant que son fils sort avec Jonas, et décide d’inviter chez elle la maman de celui-ci.
 

La particularité de la mère (réelle ou symbolique) du héros homosexuel, c’est qu’elle est dotée d’une intuition quasi surnaturelle (« l’intuition féminine », on appelle ça ?) : « Une femme est beaucoup plus intuitive. » (une réplique du one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « S’il ne le sait pas, moi, je le sais ! » (Sibylle par rapport à l’homosexualité de Nelligan Bougandrapeau, le héros secrètement homo, dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay) ; « Moi les homos, je les repère en un clin d’œil. » (Luce – Marthe Villalonga – dans la série Y’a pas d’âge diffusée sur France 2 le mardi 15 octobre 2013) ; « Martine avait déjà tout compris. » (Martine, le mère de Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 17) ; « On ne trompe pas une mère. » (Sara à son fils homo Malik à qui elle veut arracher le secret de son homosexualité, dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « Je crois que j’ai su qu’il était tombé amoureux de vous avant que lui-même ne le sache. Une mère devine ces choses-là. […] Je connaissais mon fils mieux que moi-même. » (la mère d’Arthur à Vincent, l’amant de ce dernier, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 194) ; « Mon fils était un héros. Moi, je le savais. Il est des dispositions que seule une mère perçoit. » (la psychiatre dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 220) ; « Quand il y a de l’amour, on peut tout comprendre. » (la mère de Paulo dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron) ; « C’est fou, les mères, on a un sixième sens ! » (Grany dans le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte) ; « Je dois avoir un sixième sens, comme maman ! » (le héros de la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, p. 41) ; « Pourtant, j’ai l’impression qu’elle sait déjà. » (Chris, le héros homosexuel par rapport à l’intuition de son amie gay friendly « psychologue » Marie-Ange, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « L’intuition féminine… Ben tu peux pas comprendre. Je suis une femme, moi. » (Benjamin, le héros homosexuel jouant l’ironie, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Tu sais que j’ai une sacrée intuition. » (Katja, la meilleure amie de Phil, le héros homo du film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) « Tu ne peux pas manipuler mes pensées. […] Bon, ok, tu peux. » (Phil, s’avouant vaincu, idem) ; etc. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, dit que sa maman avait deviné très vite son homosexualité : « Maman, elle sent ces choses-là. » ; etc. Par exemple, dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, Maya la lesbienne défend « l’intuition féminine ». Dans la série homo Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, l’épisode 2 est intitulé comme par hasard « Intuition féminine ». Dans le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent, Vincent, sur le point de s’homosexualiser, croit au « sixième sens féminin ». Dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, la mère de Santiago se met au diapason de l’homosexualité de son fils : elle s’habille en violet (la couleur du lesbianisme), et c’est paraît-il grâce à elle qu’il a eu une « sensibilité artistique ». Dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, Sophie (la nana pas subtile du tout, en réalité) dit qu’elle « a le don pour cerner les gens ». Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Adèle, la sœur du héros homosexuel William, est celle qui devine tout (elle est voyante, d’ailleurs) et qui a compris l’homosexualité de son frère avant tout le monde : « Je savais même que tu savais que je savais. » (William) Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, un des messages forts, c’est que celui qui ne sait rien en sait plus que celui qui sait, et que l’intuition serait féminine : on le voit avec le personnage de Joan Clarke, cette femme néophyte et apparemment sans formation scientifique, qui se retrouve propulsée au rang de grande espionne.

 

La maman gay friendly est une sainte visionnaire qui comprend tout et qui a même le pouvoir de blanchir tout ce qu’on lui annonce : on lui dit qu’on est homo, et on repart avec sa bienveillante bénédiction. Il y a chez cette mère gay friendly un désir puéril et sexiste de parfaire son image d’éternelle adolescente séductrice ; elle se sert de l’homosexualité de son fils pour revivre une seconde jeunesse, pour mettre en place son plan de vengeance contre le temps, les hommes, ses erreurs et ses viols passés, ses limites humaines, et finalement son propre sexe : « Déjà que nous piquez tous les beaux mecs, laissez-moi au moins notre intuition. » (Alice s’adressant à Fred son ami gay, dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis) Par exemple, dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Camille aide son fils Matthieu à se travestir en le maquillant ; elle refuse de se faire appeler « grand-mère » ou « mamie » par son petit-fils, et veut garder son prénom. Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, la mère de Kévin, le héros homo, s’habille comme une jeune, surfe sur Facebook, etc.

 

Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, la grand-mère d’Antonio et de Tommaso, les deux frères homos, a tout de la femme soumise-insoumise, qui s’est mariée par devoir, mais qui ensuite envoie tous ses carcans balader avec l’âge : elle mange sucré, ne se médicamente pas toujours, boit plus que de raison, et finit même par se suicider en se goinfrant de gâteaux. Elle est présentée dans ce film gay friendly comme la conscience visionnaire, la sagesse incarnée qui valide la « justesse » de l’homosexualité de ses petits-fils : « Antonio me l’a dit. Mais je l’aurais compris sans ça. » dit-elle à Tommaso qui lui demande si elle savais pour l’homosexualité d’Antonio.
 

MÈRE GF 3 Pourquoi pas moi Giusti

Josepha dans le film « Pourquoi pas moi? » de Stéphane Giusti


 

La mère gay friendly est la reine des bons sentiments conformistes, des slogans publicitaires sans fond, et des morales débiles (du style « L’important, c’est d’aimer et d’être soi-même », « Il n’y a rien de plus naturel que l’amour » ; « Ce qui compte, c’est ton bonheur », « C’est génial, aime et fais ce que tu veux… mais attention au Sida : protège-toi et aie toujours des capotes sur toi ») : « L’important, c’est que tu sois heureux. » (la mère face à son fils qui fait son coming out, dans un sketch « Coming out du dimanche midi » de l’émission Tout le monde il est beau sur la chaîne Canal +, 2011) ; « J’ai toujours été fière d’avoir un fils homo. » (la mère de Pablo dans le film « Mi-fugue mi-raisin » (1994) de Fernando Colomo) ; « Malik, moi, je ne veux que ton bonheur. » (Sara à son fils homo, dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « Oui, j’approuve. Tu fais ce que tu veux, et puis c’est honnête, et puis c’est à la mode. » (la mère à son fils homosexuel, dans le film « Johan, Carnet intime d’un homosexuel » (1975) de Philippe Vallois) ; « Vous êtes magnifiques tous les deux. » (Eugenia s’adressant à Ben et George, dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs) ; « Vous êtes un exemple pour nous. » (le discours larmoyant de Petra, idem) ; « Mi hija es lesbiana y estoy muy orgullosa de ella. » (Mme Chapiro, présidente de l’Association des mères de lesbiennes latino-américaines new-yorkaises, dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner) ; « Ta mère est très contente de tes progrès chez le psy. » (Benjamin s’adressant à son amant Arnaud qui ne s’assume pas homo et qui consulte pour se guérir de se croire hétérosexuel, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Ma mère va m’aider pour le bébé. » (Irène parlant du bébé qu’elle va élever avec son frère homo Bryan, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; etc. Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, la mère de Bryan nous sert le laïus bien connu du « L’important, c’est la communication » (il faut bien qu’elle montre qu’elle a des rudiments en psychologie et que c’est une grande communicante qui a le pouvoir de régler tout type de problème affectif, … comme Mimi Mathy dans Joséphine Ange-gardien) : « Discutons, on ne le fait jamais assez. » (p. 358) ; et son fils entonne le même refrain adolescent et niais (je dis niais car en vrai, l’important n’est pas en soi de « communiquer », mais plutôt ce qu’on communique et comment on le fait) : « On est là pour s’expliquer… Il faut tout se dire. » (p. 358) Ici, c’est la prétention à la transparence – alors qu’en réalité rien n’est dit de l’homosexualité – qui ferait presque sourire.

 

La sympathie maternelle gay friendly arrive avec des gros sabots, quitte à être gentiment brusque. Par exemple, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, la mère de Guillaume, le héros bisexuel, sort une phrase suffisamment explicite et apprise pour forcer son fils à se dire homosexuel sans que celui-ci puisse se sentir enfermé dans une identité qui n’est au fond pas la sienne : « Tu sais, y’en a plein qui vivent très heureux. » Mais comme elle voit qu’il ne comprend toujours pas l’implicite de la formule de politesse gay friendly qu’elle vient d’employer, elle finit par s’énerver tendrement sur lui avant de s’éclipser : « Enfin, les pédés, les homos, quoi ! »

 

Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Adèle, la soeur de William (le héros homo), fait des leçons à Georges, le copain de William, sur le fait qu’il n’assumerait pas totalement son couple avec William. C’est elle à qui revient la tache de débusquer et de mater l’homophobie intériorisée qui traîne chez l’homme marié bisexuel. Et cette inquisitrice gay friendly fait la leçon aux hétéros qui ne la suivraient pas immédiatement dans son grand élan de solidarité pro-gays et qui esquisseraient l’ombre d’un doute sur la véracité de l’amour homosexuel : « Deux hommes ensemble, ça vous dérange ? » menace-t-elle Pierre, l’hétéro pas très assuré ni très expert sur l’homosexualité. La gentillesse écrasante de la Miss France autoritaire, un chouïa gestapo arc-en-ciel.

 

On lit derrière ce nouveau rapprochement post-coming out entre mère et fils homo un nouveau prétexte à l’inceste, à la fusion adolescente annulant la différence des générations : « Je vais attendre que tu me dises que tu m’aimes tel que je suis. » (Fabien Tucci, homosexuel, faisant du chantage à son père au moment du coming out, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Ma mère me prenait pour sa meilleure amie. » (Claire dans la pièce Une heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat) Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Diane est la mère rebelle, impertinente, mâchant son chewing-gum, se conduisant comme une gamine, faisant des conneries comme son fils homo Steve. Dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, la mère de Bruno garde jalousement la nouvelle de l’homosexualité de celui-ci, comme une manière de le posséder encore davantage comme un mari de substitution : « C’est notre secret. […] Il n’est pas désagréable pour une mère de sentir qu’elle est la seule femme qui compte dans le cœur de son fils. […] Je suis l’amie de mon fils… euh, la mère de mon fils, bien sûr. » Dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, le fils aîné de la bourgeoise Marie-Muriel, Matthieu-Alexandre, est homosexuel et elle ne s’en rend même pas compte… même si elle donne au public toutes les preuves flagrantes de son homosexualité : il fait partie d’un club très fermé d’art, est présenté comme « très sensible », et lui a offert une sculpture en forme de bite.

 

MÈRE MG 5 Beautiful thing

Film « Beautiful Thing » d’Hettie Macdonald


 

Derrière leur joie de l’homosexualité de leur fils ou de leur fille, beaucoup de mères d’homosexuel ont du mal à cacher leur opportunisme. Par exemple, la maman de Rachel, dans le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, en intégrant l’association P Flag et en passant fiévreusement à la télé en tant que « mère de lesbienne », fait un peu honte à sa fille parce qu’elle en fait trop dans l’acceptation de l’homosexualité de celle-ci… Dans le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, Mrs Hunter, la maman incestueuse de Nico (qui finira d’ailleurs lesbienne, tout comme la mère du film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald) embrasse son fils gay sur la bouche.

 

Grâce à un coming out sans vague et souriant, la mère gay friendly établit avec son fils chéri un pacte d’adoration mutuelle et de non-agression. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, par exemple, on voit Bryan, le héros homosexuel, complimenter sa mère comme une actrice qui aurait parfaitement rempli son contrat : « T’es trop cool, maman… » (p. 406) ; « C’est la vie qui est une vaste comédie où on a tous un rôle. Toi, tu joues le rôle de la maman parfaite. […] Moi, je joue le rôle du fils parfait… » (idem, p. 375) À son tour, celle-ci corrobore narcissiquement les flatteries en les retournant à l’identique à son fiston : « Je t’aime et je suis fière de toi ! Bien sûr que t’es parfait ! » (p. 376) La mère comme le fils se confortent dans le mirage de la relation filiale fusionnelle parfaite, dans le mensonge du coming out, pour évacuer tous les drames qu’il cache. L’éloge infantilisant permet en plus au personnage homosexuel de museler ses parents pour qu’à l’avenir ils ne lui opposent aucune résistance dès qu’il s’agira de ses choix conjugaux homosexuels : ses géniteurs se transforment en bonnes poires bien dressées, et, en plus, dans un consentement total. « Merci maman ! Je suis sûr que tu ne me comprends pas, mais tu fais comme si, c’est cool. » (idem, p. 370)

 
 

b) L’hétéro homophobe fait son mea culpa larmoyant devant les homosexuels :

Cela démarre timidement avec l’expression d’une sympathie et d’une tolérance hétérosexuelle (qui, aux yeux de certains militants homosexuels pressés, résonne maintenant comme de l’homophobie) : l’hétéro fictionnel, même s’il ne dit pas encore qu’il est « pour l’homosexualité », admet au moins qu’il n’est « pas contre ». Son appui ressemble à de l’indifférence, mais il est quand même fréquemment montré comme exemple dans les fictions homo-érotiques : « J’ai rien contre eux. J’ai l’esprit ouvert. » (Charles Newman à propos de l’homosexualité, dans le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano) ; « J’me fiche de ce que vous pouvez être. » (Amalia par rapport à l’homosexualité de Saint Loup, dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot) ; etc.

 

Souvent, la défense de l’homosexualité ne vient pas du personnage homo lui-même mais d’un hétéro qui raconte l’histoire de sa poignante et coûteuse découverte de l’amour homo : cf. le film « Pourquoi pas moi ? » (1999) de Stéphane Giusti (avec Josepha, la mère qui réunit tous les homoparents des amis de sa fille lesbienne le temps d’un week-end champêtre, pour leur ouvrir les yeux sur la « beauté banale de l’homosexualité »), le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron (avec Grany, la grand-mère courageuse, qui vient clouer le bec aux homophobes), la pièce Ma Double Vie (2009) de Stéphane Mitchell (avec la figure de l’hétéro gay friendly très « open »), etc. Par exemple, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, c’est Prentice, le jeune et bel auto-stoppeur, super roots et super hétéro, pris en stop par le vieux couple de lesbiennes âgées, qui à la fin du film, devant un public ému et qui l’applaudira, nous fait son laïus bobo et pro-gay : « Je n’ai jamais vu un amour comme Stella et Dotty. […] Si l’amour est votre idéal, prenez exemple sur ces deux vieilles gouines. »

 

L’homoparent fictionnel a tendance à s’inventer des excuses-bidon pour étouffer sa juste culpabilité concernant l’homosexualité de son fils/de sa fille : il se croit excessivement attaché au paraître, aux petits-enfants, à l’image sociale, à ses croyances religieuses. « Peut-être que je pense trop aux gens… au qu’en dira-t-on. » (Sara face à son fils homo Malik, dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « En fait, je sais très bien ce qui te choque. C’est de savoir que je suis avec une fille. C’est ça ? » (Romane, l’héroïne lesbienne s’adressant à son père, dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) « Mais non. Mais non. Tu fais ta vie avec qui tu veux. Tu sais très bien que je n’ai jamais rien eu contre les… » (Alain, le père, idem) « Les quoi ? C’est quoi, le mot que tu cherches ? Lesbiennes ? » (Romane, idem) ; « Ça te dérange pas de savoir que je vais vivre avec une fille ? » (Romane, idem) « Mais non ! Bon, j’te dis pas que ça me fait plaisir, bien sûr. Mais j’m’y ferai. C’est ta vie. L’essentiel, c’est que tu sois heureuse. » (Alain, idem) « Merci papa. » (Romane, idem)

 

MÈRE GF 6 Ariane Ascaride

Ariane Ascaride


 

Le témoignage de ce nouveau converti a d’autant plus de force que ce dernier se présente comme un hétérosexuel pur jus et totalement désintéressé par les droits des homos, un simple humaniste qui s’est laissé surprendre par la compassion, un ex-homophobe (en général, son discours pro-gay se fait devant une assemblée nombreuse, larmoyante et penaude, dans un tribunal, une High School nord-américaine, ou un plateau télé) : cf. le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore (avec la maman de Steven, jadis homophobe, qui va finalement défendre son fils), la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand (avec la maman de JP, dont la conversion à l’acceptation de l’homosexualité de son fils est très rapide), le film « Prayers for Bobby » (« Bobby : seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy (avec Mary, la maman ex-homophobe qui va parler courageusement devant les caméras de télévision), la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval (avec Marina, la mère de Fred, qui n’est pas aussi « fermée » que prévu), le film « Prom Queen » (« La Reine du bal », 2004) de John l’Ecuyer (avec le tour à 90° de la rigide Emily Hall), le film « When Night Is Falling » (1995) de Patricia Rozema (avec le révérend qui demande pardon pour son propre aveuglement homophobe et celui de ses ouailles), le film « Boat Trip » (2003) de Mort Nathan (avec le plaidoyer tolérance de Nick, l’hétéro), etc. Par exemple, dans la pièce Le Projet Laramie (2012) de Moisés Kaufman, le père Steeven (un prêtre… donc attention : supposé « gros con ») prend la défense de la communauté homo, et se montre devant les caméras très affecté/compassé par la mort de Matthew Shepard (jeune homosexuel de 19 ans, assassiné sauvagement). Dans le film « Le Naufragé » (2012) de Pierre Folliot, la dernière réplique du film est la formulation d’un « Pardon » de Marie, la mère endeuillée par le suicide de son fils homo Adrien : même si ce n’est pas dit, le spectateur finit par comprendre que c’est l’homophobie des parents qui a conduit Adrien à mettre fin à ses jours. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, la mère d’Howard (le protagoniste homosexuel), qui au départ était homophobe, organise de manière improvisée le jour du mariage hétéro de son fils, une sorte de cercle d’Alcooliques Anonymes avec les petites vieilles qui l’entourent, pour mieux sourire à la nouvelle du coming out de son fils. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, le père beauf de Johnny (le héros homo), à la fin de l’histoire, fait un irrationnel turn-over, et encourage même son fils à retrouver son copain Romeo. Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, Corinne, la mère du jeune Louis, homosexuel, passe d’homophobe à gay friendly, et fait la morale à son mari : « C’est à nous de changer, c’est pas à lui. »

 

« Je suis désolée d’avoir voulu te changer. Tu nous pardonneras ? On s’est trompé. Pardon. » (Patty, la mère-speakerine s’adressant à Steve dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Ma fille couche avec des femmes. Ça ne me dérange pas. » (le père s’adressant à sa fille lesbienne Claire, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « Je t’en prie ma chérie, écoute ton cœur. » (Ned, le père de Rachel, l’héroïne lesbienne lui faisant son coming out, dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; etc.

 

Certains ex-homophobes hétérosexuels font leur mea culpa au nom de la « honteuse et aveugle communauté hétérosexiste et patriarcale » dont ils font malheureusement partie : c’est le cas par exemple du frère Antoine dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, religieux demandant pardon au jeune Malcolm pour la « fermeture homophobe » de son Église catholique, et encourageant ce dernier à revenir dans les bras de son amant Adrien.

 

L’hommage des hétéros sympathisants se veut émouvant. Ils s’inclinent devant les « héros » homosexuels : « Ce sont des personnes comme vous qui me font aimer ce métier, qui me donnent envie de soigner, de ne jamais désespérer. » (l’infirmière à Adrien, idem, p. 132) ; « Tu sais, en tant que père, je suis capable de t’aimer comme tu es. Même à moitié nu, sur un char de la Gay Pride. » (Eddy le « père » gay friendly s’adressant à son « fils » Édouard, dans la pièce Moi aussi, je voudrais avoir des traumas familiaux… comme tout le monde (2012) de Philippe Beheydt) ; « Je vais dire une banalité. Mais ce qui compte, c’est d’aimer. » (Tommaso, un père de famille qui croit que son fils Andrea est gay, et qui affiche une tolérance ++, dans le film « Tout mais pas ça », « Se Dio vuole » (2015) d’Edoardo Falcone) ; « C’est le courage de mon fils qui me donne des leçons. » (père d’Éric à son fils homo) (le père d’Éric le héros homo dans l’épisode 7 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; « Merci de m’avoir fait grandir malgré mon grand âge. » (Richard, le père homophobe d’Antoine son fils homo, s’adressant aux « mariés » Antoine et Christophe le jour de leur « mariage », dans le téléfilm « Le Mari de mon mari » (2016) de Charles Nemes) ; etc.

 

Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, c’est un défilé de personnages bien-pensants, soit très méchants, soit très gentils (= comprendre « pro-gays »), soit des méchants qui deviennent spectaculairement gentils (parce qu’en réalité, l’homosexualité leur permet de laisser exprimer en eux un désir bisexuel secrètement refoulé). Par exemple, la vieille Gwen, hétérosexuelle, se laisse enseigner l’homosexualité par ses amis militants LGBT, puis, émue de sa propre capacité à changer d’avis sur la question, elle joue les miraculées ayant vu la Vierge : « Vous m’avez ouvert les yeux, les filles. » dit-elle à ses nouvelles amies lesbiennes, les yeux pleins de larmes. Quant à Hefina, la villageoise gay friendly (et secrètement lesbienne), elle engueule vertement tous les gens de son village s’ils ne sont pas assez enthousiastes et accueillants vis à vis du groupe LGBT qui s’est incrusté dans leur contrée. Nan mais ho ! On va vous apprendre ce c’est que la tolérance ! Et pour finir, le couple hétérosexuel Martin/Sian (avec Sian, la femme bien en chair) est montré comme un exemple d’ignorance homophobe bien dressé à la « gay friendly attitude ». Il en devient même, à la fin, agressivement gay friendly, genre « chien de garde ».

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, la mère de Bryan défend l’homosexualité son fils, et son plaidoyer gay friendly final a d’autant plus d’impact qu’elle s’était montrée particulièrement homophobe au début de l’histoire : « Ma mère se sentit fière d’elle. Elle avait le sentiment que cette discussion lui avait vraiment fait comprendre son fils, qu’en me défendant de la sorte, elle n’avait jamais été aussi proche de moi. » (Bryan, p. 400) La dramatisation autour du coming out, même si elle apparaît comme pro-gay, est en réalité déplacée, irréaliste et homophobe : en effet, la mère de Bryan change soudain d’avis sur l’homosexualité de son fils qu’elle n’acceptait pas, en faisant un amalgame abusif entre deux réalités qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre : l’avortement d’une part et le rejet de l’homosexualité d’autre part (comme si toute résistance à la « vérité homosexuelle » était criminelle ; comme si le coming out était à la fois un événement extraordinairement joyeux et un cataclysme irréparable) : « Elle avait changé de ton et sa voix était plus douce. Elle avait presque les larmes aux yeux […] : ‘J’ai réalisé que si mes parents m’avaient dit, comme moi : ‘‘Tu ne peux pas le garder’’ lorsque j’étais enceinte de toi, et si je les avais écoutés, tu serais mort, il y a dix-sept ans. » (idem, p. 353) Dans une naïveté et un totalitarisme effarants, les auteurs vont jusqu’à associer le refus de l’homosexualité à l’infanticide, même si cet excès catastrophiste, ce chantage aux sentiments, seront ensuite noyés dans la formulation-bateau de jolis sentiments. « Tu n’es coupable de rien du tout. Tu es comme on t’a fait. Je suis désolée d’avoir si mal réagi hier. Ça ne sert à rien de pleurer et de crier. Je ne te ferai pas changer et je n’en ai pas l’intention. Si tu trouves ton bonheur avec Kévin, si c’est ton choix, à moi de m’adapter même si ce n’est pas évident. J’ai toujours été très fière de toi. Il n’y a pas de raison que ça change. […] La seule chose que j’ai comprise, c’est que quoi que tu fasses, je t’aimerai toujours. » (la mère de Bryan, op. cit., pp. 354-355) ; « Je t’aime comme tu es et quoi que tu fasses, je t’aimerai toujours. Tu es toute ma vie ! » (idem, p. 356)

 

En général, ces conversions de parents hétéros sont trop rapides, spectaculaires, et dénuées de réflexion, pour être réellement effectives. Il existe encore malheureusement des rebelles au dressage idéologique pro-gay. La mère gay friendly n’est pas toujours si gay friendly que cela : une fois qu’elle a joué la comédie de l’amour parental inconditionnel devant les caméras, se profilent très vite chez elle la jalousie, la possessivité, l’intérêt castrateur, l’homophobie. Elle se place en faveur de l’homosexualité de son fils tant qu’il reste éternellement sous ses jupons, bien célibataire, et qu’il ne ramène pas d’homme à la maison. Une fois qu’une tierce personne vient menacer l’équilibre incestueux qu’elle a construit avec son chérubin de fils, elle nous fait une crise ! « Je t’ai consacré toute ma vie. Je t’ai donné tout mon amour, et t’es prêt à me laisser tomber une semaine sur deux ! » (la mère de Bryan à son fils, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 367) Dans le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou, ça a l’air d’être la parfaite entente et les fous rires complices entre Kai le héros homosexuel et sa mère Junn (qui a tout deviné en secret de son homosexualité)… mais en réalité, la maman n’accueille son fils que s’il accepte d’être tout à elle. Elle jalouse Richard, l’amant de ce dernier : « Il a beau être ton ami, je ne l’ai jamais aimé. » Elle le rend responsable de sa mise en quarantaine dans une maison de retraite. « Elle est jalouse. Je suis le fils unique. » (Kai s’adressant à Richard). Junn passe aux aveux avec Richard après la mort accidentelle de son fils : « J’étais si jalouse de vous. […]Comme toutes les mamans du monde, je voulais que Kai soit à mes côtés. » Dans le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gendrault, c’est finalement le personnage le plus gay friendly de l’histoire qui se montrera aussi le plus hostile au couple homo : dès qu’Angelo, le héros gay, trouve chaussure à son pied, rien ne va plus du côté de sa mère ! Comme si on essayait de nous montrer que c’est précisément lorsqu’on essaie d’être le plus « tolérant » possible envers l’homosexualité que l’on prépare le mieux l’homophobie sociale…

 

D’ailleurs, l’homophobie du maternalisme gay friendly peut très bien être endossée par le héros homosexuel lui-même. Par exemple, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov (cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1), Shane, le héros homo, fait tout pour outer, ou plutôt forcer Amy et Karma à être homosexuelles comme lui : « Je suis tellement fier de mes petites ! »

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Les mamans bonnes copines compréhensives :

Il est une tradition particulièrement hypocrite et savoureuse qui sévit actuellement dans la grande majorité des émissions télévisuelles traitant du coming out : on fait venir, pour la « Minute Émotion », la fameuse mère gay friendly à des talk shows afin de la présenter comme le modèle à suivre en matière d’avancée de la tolérance pro-homos. Cette reine du carnaval, qui maintenant est même disposée à défiler aux Gay Pride, se prête au jeu de l’exhibition, sans en mesurer vraiment les conséquences pour sa propre vie intime future. Elle parle du coming out de son fils dans une optique de guérison, comme on étale ses états d’âme chez un psy, mais avec la seule différence qu’elle le fait avec un narcissisme beauf (qui la désigne à son insu comme la complice opportuniste de sa détresse), pour le plaisir de se raconter, d’expier ses fautes et sa culpabilité, de se montrer sous son meilleur jour. Car c’est bien connu : une mère est naturellement douce, psychologue, accueillante, forte, compatissante, sensible… Pas mal de personnes homosexuelles sont prêtes à avaler cette couleuvre : « Au fond d’elle-même, ma mère savait que j’étais gay. J’étais un gay précoce. » (le chanteur homo Jake Shears interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Ma mère devient militante elle aussi. Elle aimerait qu’on parle de l’intersexuation autant que des Vegan ou des vacances en Grèce. » (Déborah, personne intersexe élevée en fille, dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018)

 

MÈRE GF 7 Au-delà de la haine

Documentaire « Au-delà de la haine » d’Olivier Meyrou (avec la soeur de François)

 

Les exemples de mères gays friendly impudiques ne manquent pas. Je garde en mémoire l’intervention grotesque – et pourtant sincère – de la comédienne française Chantal Lauby, venue en tant que mère « hétérosexuelle » pleurer pour les personnes homosexuelles devant les caméras de Jean-Luc Delarue à l’émission Jour après Jour, sur France 2, en novembre 2000. Je pense aussi actuellement au rôle de mère très concernée par la lutte contre l’homophobie que prend la chroniqueuse Frigide Barjot en France. De son côté, Ariane Ascaride défend la cause homosexuelle en maman-actrice « ouverte » dans le film-fiction « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau. Dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, on nous montre un repas de famille autour de la mère, Thérèse, lesbienne, et ses enfants déjà grands… et tout le monde rigole. Dans le documentaire « Yang + Yin : Gender in Chinese Cinema » (1997) de Stanley Kwan, la mère du réalisateur est invitée à parler ouvertement de l’homosexualité de son fils. En général, les interventions médiatiques de l’association Contact en France (association des « parents d’homos ») sont menées par des mères (les papas sont minoritaires) ; et lors des émissions télévisuelles traitant d’homosexualité, on nous ressert toujours la même « maman d’homo », Christiane (à croire que les programmateurs n’en ont qu’un seul modèle !), qui raconte 36 000 fois le même coming out depuis des années… et qui promet à chaque fois que ce sera son dernier passage-télé. Dans l’émission Infra-Rouge intitulée « Souffre-douleurs : ils se manifestent » diffusée sur la chaîne France 2 le 10 février 2015, le jeune Lucas Letellier, lycéen se disant « homosexuel », témoigne du harcèlement scolaire qu’il a subi, aux côtés de sa mère, une femme agressivement gay friendly, qui, derrière un soutien expansif, marque bien son territoire (et le fils ne s’en révolte même pas !) : « T’es toujours mon grand bébé quand même ! » Il est frappant de voir dans le discours de ces mamans gays friendly réelles la revendication de la pseudo « intuition féminine » et de leur exceptionnelle et naturelle « douceur de mères ».

 

Cette mère gay friendly n’est pas d’abord la « mère de sang » mais bien l’actrice, donc la mère symbolique : « C’est un grand plaisir pour moi de participer au festival Chéries-Chéris, où je compte tant d’amis. » (Blanca Li, lors du 18e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2012)

 

MÈRE GF 7 Évelyne et Christiane

Évelyne et Christiane dans « Y’a une solution à tout » sur Direct 8


 
 

b) Les parents de fils ou fille homosexuel(-le) exemplaires :

Je vous renvoie aux témoignages de parents collectés dans l’essai Mort ou Fif (2001) de Michel Dorais, aux reportages sur l’association Contact en France, au documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy dans l’émission Tel Quel diffusée le 14 mai 2012 sur la chaîne France 4 (avec notamment les parents de Sarah), ainsi qu’au documentaire italien « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti sur les parents d’enfants homos.

 

Les premières victimes du coming out sont souvent les parents – les « homoparents », comme les baptise Fabrice Pradas (dans son essai Cinéma gay (2005), p. 41). Dans la majorité des cas, ils sont pris entre deux feux. Tandis qu’on leur demande de parler d’homosexualité de toute urgence à leurs enfants, on les avertit que tout ce qu’ils diront porte déjà contre eux et que leur discours est de toute manière stéréotypé et réactionnaire, voire criminel puisque le rejet de l’homosexualité constituerait la première cause de suicide chez les jeunes. L’ultimatum lancé est terrible quand la proposition de dialogue autour de l’homosexualité n’est qu’une demande tacite de consentement silencieux.

 

Il arrive souvent que les personnes homosexuelles tapent sur la nuque de leurs parents par moyens détournés. Plutôt que de se donner la peine d’argumenter et de discuter, elles les invitent à s’éloigner d’elles pour qu’ils se soignent tout seuls comme des grands et aillent propager la Bonne Nouvelle de leur guérison aux autres homoparents malades d’homophobie. À la télévision, un nombre important de reportages sur l’homosexualité sont destinés à éduquer les parents afin que ceux-ci choisissent le droit chemin. Le mot « éducation » sera la plupart du temps remplacé par un jargon scientifique ou émotionnel : il est question d’« information », de « sensibilisation », de « prévention », de « solidarité », de « dialogue »… « Les droits et les libertés des personnes homosexuelles n’ont cessé d’évoluer durant ces quarante dernières années. […] Immersion au cœur de l’association Contact, dont les bénévoles : parents, homos, membres de la famille ou amis se démènent autour d’un mot qui manque bien souvent au sein de nos familles aujourd’hui : le dialogue. Au travers de cette mixité intergénérationnelle, regard sur des histoires de vie, d’acceptation ; de fierté, de honte et surtout d’amour. » (cf. le résumé du documentaire « 20 ans de Contact » (2013) d’Héloïse Lester, dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 89) On nous montre des images de coming out très réussis, de conversions de parents coûteuses mais ultra-rapides, de géniteurs durs à cuire miraculeusement conquis à la cause homosexuelle, de parents gays friendly bien dressés qui tapent du poing sur la table et clouent le bec aux ennemis de leurs enfants à leur place. La mère ouverte et compréhensive, qui pleure d’émotion pour les personnes homosexuelles, est un personnage connu des films et des talk shows. Évidemment, le « père-bourrin-comprend-rien » est écarté de la scène idyllique de complicité filiale (voire amicale !)… même si, de plus en plus, il ose pénétrer timidement dans le champ de vision des caméras.

 

Après la mère gay friendly, on a aussi droit aux pères gay friendly ! : par exemple, dans son one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out (2010), Kavanagh avoue très sérieusement au public que si son propre fils, une fois adulte, lui annonçait qu’il était homo, il se dirait : « Je m’en fous. J’veux qu’il soit heureux. » Quel courage. C’est magnifique. Il en faut, du panache pour oser soutenir ce genre de discours… parce que de nos jours, on risque la prison…

 

MÈRE GF 7 - I'm proud of my gay son

« I’m proud of my gay son » (Gay Pride aux USA)


 

Certains parents se piquent au jeu de l’auto-analyse repentante, pour regagner la sympathie de leur progéniture par l’autoflagellation. Tout le monde s’y met : on n’arrête pas la chaîne de la moralisation pédagogique en si bon chemin ! Lors des réunions dans les associations homosexuelles (par exemple Contact en France), les « parents d’enfant homosexuel » qui ont « assumé » l’homosexualité de leur fils ou de leur fille (comme si c’était la leur…), vont à leur tour endosser le rôle gratifiant des donneurs de leçons pour les autres, en les regardant droit dans les yeux et en simulant la complicité des victimes : « Être homoparents n’est pas une fatalité. Nous sommes tous passés par là, nous savons ce que c’est… Il n’y a pas de raisons de culpabiliser ni de douter. Il faut juste accepter notre fils tel qu’il est, et non tel que nous voudrions qu’il soit. Soyons fiers de lui et de son homosexualité, par amour pour lui. Ne souhaitons-nous pas plus que tout au monde son bonheur ? »

 

À l’heure actuelle, beaucoup de parents battent leur coulpe avec le sourire, se font la morale tout seuls ou bien entre eux, sans qu’on ait besoin d’intervenir. « Il était à deux doigts de leur tomber dessus’ a conclu ma mère. » (la mère parlant de son mari prêt à défendre son fils Eddy Bellegueule traité de « pédale », dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 119) On écoute leur « litanie de la honte du réactionnaire », qui paradoxalement ne demande pas pardon pour ce qui mériterait précisément réparation (inceste, divorce, instrumentalisation des enfants, trop-plein d’amour, etc.). Maintenant, certains en sont rendus à un point où ils réclament leur étiquette de « vieux cons » que leurs enfants homosexuels ne pensaient même pas leur coller. Les homoparents étaient jadis cons dans l’opposition à l’homosexualité ; ils le deviennent maintenant tout autant dans l’accueil désarmé !

 

Par exemple, dans le documentaire « Les Femmes entre elles » de l’émission Dans les yeux d’Olivier (réalisé par Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusé sur la chaîne France 2 le 12 avril 2011), les parents de Fanny, une jeune lesbienne, se présentent comme des malades cheminant progressivement vers l’acceptation de l’homosexualité de leur fille : « C’est en voie de guérison. » Mais à quoi cela sert de s’affaiblir, si c’est en plus pour alimenter les non-dits ?

 

Il ne me semble pas abusif du tout de parler de harcèlement moral à propos de la politique de « sensibilisation » des parents d’enfant homosexuel à l’acceptation de l’homosexualité. On fait comprendre aux homoparents encore récalcitrants qu’ils jouent avec le feu s’ils n’assument pas l’homosexualité de leur enfant à sa place : « Ne pas aider les jeunes gays et lesbiennes à accepter (leur homosexualité), c’est les livrer à l’homophobie de leurs copains, à l’angoisse d’être différents, voire à la tentation du suicide… C’est surtout manquer gravement à l’éducation affective et sexuelle des adultes de demain. Il y a urgence : les récents actes homophobes nous rappellent que l’enjeu n’est pas seulement individuel mais aussi social, tant il est vrai que la reconnaissance des différences doit se faire très tôt. » (cf. la revue DJ Actu, « L’Homosexualité à l’École : Faut-il en parler ? », n°109, avril 2004, p. 3) Mais c’est ni plus ni moins du chantage aux sentiments et du déni de souffrance.

 

L’éventuelle critique parentale du caricatural coming out est souvent diabolisée dans le catastrophisme émotionnel. Par exemple, dans le film « Prayers For Bobby » (« Bobby : seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy, inspiré d’une histoire vraie, Mary Griffith, une mère « homophobe » va, à cause du suicide de son fils, faire partie de l’association d’homoparents PFLAG, et associer son ancestral refus de l’homosexualité à un meurtre, pour ne pas comprendre que ce refus n’est ni aussi absurde ni aussi violent qu’une mort volontaire.

 

Or je crois que les réticences des parents face au coming out sont en partie justifiées. Mis bien souvent au pied du mur au moment du coming out, ils ne réagissent pas toujours finement. Leurs arguments parfois simplistes et maladroits ne sont cependant pas à prendre au pied de la lettre, mais plutôt à retraduire en peur justifiée que leur enfant soit malheureux, qu’il ne construise pas sa vie sur du solide, qu’il ne soit pas bien entouré, qu’il ne puisse pas se passer du bonheur de fonder une famille. Certes, la bonne intention n’excuse pas tout ce qui est proféré, mais elle explique, atténue, appelle à la clémence, et est parfois recevable. En effet, comme je l’explique plus longuement dans mon traitement du code « Mort » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels, annoncer son homosexualité, cela revient aussi à faire jour sur son désir de mourir, ce qui est objectivement violent à entendre. Beaucoup de personnes homosexuelles reçoivent comme des coups de poignard des questions parentales parfois gênantes, et pourtant essentielles, existentielles.

 
 

c) Les personnes « homophobes » repentantes :

La conversion de l’indécrottable hétérosexuel homophobe est présentée comme un héroïsme spectaculaire. « Je suis reconnaissant à ma mère, non seulement de m’avoir accepté tel que je suis, mais de me manifester encore plus d’affection depuis qu’elle sait. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 11) D’ailleurs, on l’applaudit plus au mérite que pour la valeur même de son acte (car au fond, il n’y a rien de noble à se taire et à se soumettre à l’homosexuellement correct).

 

La communauté homosexuelle, aussi surprenant que cela puisse paraître, court après les personnes qu’elles jugent les plus homophobes, pour ensuite y dénicher ses meilleurs représentants gay friendly : c’est une manière pour elle de s’auto-attribuer le rôle de la Prêtresse-guériseuse qui, dans sa grande bonté, absout les péchés d’une exception d’homophobe qu’elle va gentiment gracier (mais une fois n’est pas coutume : le reste « des » homophobes sera sévèrement puni !), et d’authentifier les rares miracles de tolérance qui existent encore sur cette Terre hétéro-patriarcale hostile…

 

Pour devenir un « héros d’un quart d’heure » gay friendly, rien de plus simple ! Si vous êtes mère, vous avez toutes les chances. Si vous êtes une femme lesbienne noire, aussi. Mais le top du top, c’est quand même si vous êtes homophobe. Il suffit de défendre l’identité et les amours homosexuelles tout en gardant sagement son statut « d’homophobe hétérosexuel », de « vieux », d’homme politique « de droite », etc., pour être porté aux nues par la communauté homosexuelle : pensons par exemple à l’enseignante « hétérosexuelle » nord-américaine Penny Culliton qui s’est battue pour faire étudier des livres mettant en scène des héros ouvertement homos à ses élèves ; ou bien à une femme ministre de droite comme Roselyne Bachelot, qui a pleuré au micro de l’Assemblée Nationale en faveur de l’adoption du PaCS ; ou encore à l’essai Iglesia Católica Y Homosexualidad (2006) de Raúl Lugo Rodríguez, qui s’annonce comme le pamphlet du pardon demandé par un ecclésiastique à la communauté homosexuelle. Que c’est gay friendly, l’homophobie !

 

D’ailleurs, les applaudissements des proches et leur tolérance gay friendly sont tellement puants et lâches qu’en réalité, ils ne font pas plaisir aux personnes homosexuelles, qui finissent par se rendre compte qu’elles sont utilisées : « Je ne voulais pas d’une mère comme ça. Pourquoi ? Je ne saurai pas dire… […] J’en voulais pas ! Est-ce qu’on peut imaginer un tel paradoxe ? » (une témoin lesbienne racontant sa gêne par rapport au soutien excessif de la mère d’une de ses ex-compagnes vis à vis de leur couple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Les gens intolérants qui me jugent sont les gens ouverts qui croient bien faire en pensant que je suis né ainsi alors que je sais que c’est pas vrai, et qu’ils veulent absolument me rendre gay. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, juin 2014) ; etc. Par exemple, dans son film autobiographique « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013), Guillaume Gallienne dit qu’il veut écrire une pièce racontant l’histoire d’« un garçon qui doit assumer son hétérosexualité dans une famille qui a décrété qu’il était homosexuel ».

 

Pour ma part – et je conclurai ainsi –, je me suis toujours méfié des élans euphoriques d’acceptation sociale de l’homosexualité. Dans mon parcours personnel, j’ai souvent remarqué que ce sont les personnes en théorie les plus gay friendly de mon entourage familial, celles qui ont applaudi des deux mains à mon coming out et qui ont banalisé mon désir homosexuel dans un relativisme bon ton (alors que je ne leur demandais justement pas une telle effusion de jubilation), qui contre toute attente se sont révélées sur la durée le plus homophobes à mon encontre et qui ont pathologisé/instrumentalisé mon homosexualité pour me clouer le bec quand je faisais lumière sur leurs blessures. Beaucoup de personnes soi-disant « hétérosexuelles » sautent trop précipitamment sur l’essentialisation du désir homosexuel pour avoir les mains propres dans cette histoire : le coming out est la cloche qui recouvre les problèmes de l’individu homosexuel comme ceux de l’individu hétéro qui ne sait pas aimer. Les personnes les plus véritablement respectueuses de mon homosexualité que je connais sont finalement celles qui ont eu l’audace de me reconnaître en tant que personne et non en tant qu’homo, qui ont reconnu mon désir homosexuel tout en le laissant au second plan.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

La mort de Jacques

Pendant l’été 2002, je suis allé à un week-end aux bords de la mer – à Préfailles, plus exactement – organisé par l’association gay Tonic’s. Réservé exclusivement aux hommes gay ! Nous étions une cinquantaine dans un grand gîte. L’ambiance était donc forcément propice à l’ennui et au baisodrome… Ça ne m’a pas empêché d’y venir : j’étais entouré de ma bande d’amis, et nous étions la vitrine de jeunes beaux garçons encore inaccessibles. Parmi les participants, il y avait un homme d’une soixantaine d’années, assez isolé. Je me suis donc mis en face de lui pour le premier repas, et ai entamé la conversation. Il s’appelait Jacques. Nous avons discuté un petit moment tous les deux. Nous partagions un point commun : la foi catholique. Mais lui me confiait, un peu angoissé, qu’il souffrait d’un écartèlement entre ses convictions religieuses et ses pulsions, entre ses idéaux profonds et une sexualité qu’il qualifiait lui-même de « compulsive ». C’était un homme très crispé dans sa manière de s’exprimer, qui souriait difficilement. Quelques mois après notre courte entrevue, j’ai appris que Jacques était mort. Il a été retrouvé assassiné chez lui, dans son appartement à Angers. La nouvelle de sa mort, évidemment, m’a fait froid dans le dos… mais c’est le vent de panique qui a soufflé dans le « milieu homosexuel » angevin que j’ai trouvé risible et instructif. J’ai appris beaucoup sur ce qu’est la réelle homophobie à ce moment-là. En effet, au départ, comme personne ne connaissait le fin mot de l’enquête, toutes les hypothèses, même les plus abracadabrantes, sont devenues plausibles. Jacques, qui de son vivant n’intéressait pas grand monde, est soudain devenu, une fois mort, digne de porter la palme du martyre parce qu’il se transformait, sans qu’on n’ait eu aucune preuve pour appuyer la thèse du crime homophobe, en « Parfaite Victime de l’Homophobie ». La police s’est rendue au local de Tonic’s pour interroger quelques adhérents. La nouvelle de cette mort macabre insoluble commençait à se propager comme une traînée de poudre. Quand ils m’annonçaient la nouvelle, mes propres amis gay me regardaient droit dans les yeux, avec une inquiétude presque drôle vue de l’extérieur, l’air de dire : « Tu te rends compte, Philippe… Il y a un tueur en série qui s’attaque spécifiquement aux homos dans Angers… C’est horrible… On va tous mourir… » Issue de l’enquête : il a été prouvé que Jacques a été étranglé par un de ses amants qui voulait le délivrer de son désespoir. Bizarrement, une fois le crime élucidé, plus personne n’a reparlé de cette histoire. Aucune réflexion sur l’homophobie en tant que processus typiquement homosexuel et hétérosexuel n’en est sortie. Ce qui comptait, c’était de se faire peur et d’extérioriser l’homophobie, de l’altériser pour ne pas la comprendre et la reconnaître comme possiblement nôtre. Dans l’indifférence quasi générale, Jacques a été manifestement instrumentalisé pour nourrir des peurs, satisfaire des egos … et pour finir jeté dans l’oubli. J’écris ces quelques lignes afin qu’il ne soit pas totalement mort pour rien.