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Code n°17 – Bergère (sous-codes : Peau d’âne / Femme-objet / Joconde)

Icône 17

Bergère

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Pourquoi on a du mal à aimer une femme ? (La célébration homosexuelle de la femme-objet idéalisée… au détriment de la femme réelle : sois belle et tais-toi)

 

Rita Hayworth

Rita Hayworth

 

Les individus homosexuels aiment-ils particulièrement la femme ? Non. Ils peuvent la trouver « objectivement » belle, désirable, terriblement forte et attirante… mais en général, ils lui préfèrent la femme-objet (l’actrice, le mannequin, la chanteuse). Leur rapport avec la femme réelle, confondue avec la femme cinématographique, peut être passionnel, charnel, érotique, amoureux… mais en tous cas il n’est pas aimant : là est tout le paradoxe !
 

Même si la majorité des hommes gays n’ont pas d’attirance sexuelle pour les femmes, en revanche, il serait faux de dire qu’ils n’ont aucune attirance du tout, ni surtout aucune projection fantasmatique (voire érotisée) sur elles. Il y a du désir. Un désir idolâtre, peu fiable, misogyne en ses fonds, mais un désir quand même. Disons qu’ils sont fous de la femme-objet qu’ils ont confondue avec la femme réelle… si bien qu’ils méprisent inconsciemment la seconde en la réduisant à une équation esthétique et émotionnelle, à un montage sculptural, à une caricature de féminité, à un moule sur-féminin (qui force les femmes à être plus qu’elles-mêmes ! à être des hommes-objet ou des pères-objet !). Ayant parfois grandi dans des univers très féminins, dans des maisons de poupées bourgeoises, il arrive qu’ils soient à l’âge adulte les constructeurs et les annonciateurs de l’imagerie féminine qui sera adoptée par une société.
 

En général, l’égérie gay représente une vierge maternelle, une grand-mère transfigurée de lumière, la bergère gentillette des romans pastoraux, la Vénus végétale, la jumelle narcissique, l’Ophélie de Millais : Charpini & Brancato « J’aime bien mes dindons » (1933). Elle n’a pas de sexe et n’a jamais « péché » (comprendre « connu la génitalité »). Pour bon nombre de sujets homosexuels, le sexe et le corps des femmes a peu à voir avec « l’être femme », puisque n’importe qui peut être femme : il suffit, comme le recommande Néstor Perlongher, de « se laisser envahir par l’émotion du devenir femme » (Néstor Perlongher, « Sobre Alambres » (1988), p. 140) de se déguiser en star ultra-féminine, ou de faire intervenir la science, pour qu’un être né homme se convertisse en femme. Ce qui préoccupe la majorité des personnes homosexuelles, ce n’est pas tant la femme incarnée que son allégorie divine, scientifique et télévisuelle. « Je suis fascinée par les femmes hétérosexuelles » affirment certaines femmes lesbiennes (cf. le documentaire « Le Bal des chattes sauvages » (2005) de Véronika Minder). Elles ont pris l’exception de femme pour la femme universellement/uniformément exceptionnelle, si bien qu’elles sont tentées de délaisser les femmes réelles.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles s’identifient à la femme-objet, créature appartenant prioritairement au star system et qui se rêve sur-humaine : « J’ai voulu être hors du commun, dit-elle, dépasser la condition humaine. » (l’actrice française Jeanne Moreau citée dans l’essai Les Femmes et les homosexuels : la fausse indifférence (1996) de Virginie Mouseler, p. 166) Elles pensent vraiment qu’elle est l’incarnation de la femme réelle. Par exemple, Julien Green soutient que lorsqu’il voit jouer Brigitte Bardot, il ne peut plus parler de cinéma : « Dans les films d’elle que j’ai vus, elle ne joue pas, elle existe. » (cf. l’article « Julien Green, l’histoire d’un sudiste » de Philippe Vannini dans le Magazine littéraire, n°266, juin 1989, p. 103) Elles préfèrent la femme en photo qu’à table… même si la photo est parfois jolie et flatteuse pour la femme réelle. Ils glorifient la femme étrangère folklorique, l’extra-terrestre autiste et muette, la femme-musée qui fait tout pour ne pas être prise pour une potiche parce que précisément elle en est presque une. Le symbole le plus manifeste de leur désir de pétrifier la femme, de lui clouer le bec sans qu’elle cesse de sourire mystérieusement, c’est leur goût pour la Joconde.
 

Film "Xenia" de Panos H. Koutras

Film « Xenia » de Panos H. Koutras


 

Les personnes gays et lesbiennes (conjointement aux personnes hétérosexuelles machistes) sont souvent les parents de la femme-objet. Tout en rejetant son concept, elles le cautionnent par la photographie, la littérature, le théâtre, les arts plastiques, et le septième art. De nombreux réalisateurs homosexuels réactualisent le mythe de Don Juan en cherchant à s’entourer des plus belles femmes du monde et en les transformant en monstres sacrés du cinéma mondial.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles admirent la femme-objet au point de vouloir prendre sa place. Certaines études scientifiques avancent que 40% des garçons gays ont eu le désir d’être une femme (Jacques Corraze, L’Homosexualité (2000), p. 56). Ils le confessent rarement, car en effet, c’est un peu vrai et un peu faux à la fois. C’est faux dans les faits, puisqu’ils ne désirent pas être la femme réelle, mais la femme imagée qu’ils ont prise pour la femme réelle. C’est vrai en fantasme… et parfois un peu dans les faits, quand les désirs artificiels se sont partiellement actualisés par la chirurgie et l’artifice du travestissement ou des attitudes.

 

La majorité des personnes homosexuelles idéalisent la femme, et cette attitude, contrairement au cliché qui sévit surtout dans le « milieu » homosexuel, n’est pas proprement gay. Beaucoup de femmes lesbiennes croient tellement que la femme de magazine est la femme réelle qu’elles en déduisent, parce qu’elles n’atteindront jamais le degré de « perfection » de l’image, qu’elles ne sont pas de vraies femmes, ou même que la femme n’existe pas : « La féminité me paraissait assortie de tant de contraintes que je n’ai pas mis beaucoup de temps à décider que je ne voulais pas être une femme. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 54)

 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Poupées », « Reine », « Destruction des femmes », « Carmen », « Vierge », « Putain béatifiée », « Femme et homme en statues de cire », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Substitut d’identité », « Mère possessive », « Grand-Mère », « Tante-objet et Mère-objet », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Frankenstein », « Fleurs », « Jardins synthétiques », « FAP ‘fille à pédés’ », « Bourgeoise », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Fan de feuilletons », « Télévore et Cinévore », « Femme allongée », « Actrice-Traîtresse », « Pygmalion », « Innocence » et « Don Juan », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) Le personnage homosexuel grandit dans une ambiance très féminine, et choisit la bergère comme femme idéale :

Tableau La Jeune Bergère de Georges Paul François Laurent Laugée

Tableau La Jeune Bergère de Georges Paul François Laurent Laugée

 

Dans les fictions traitant d’homosexualité apparaît souvent l’image d’Épinal kitsch et sucrée de la bergère de la pastorale : cf. le film « Peau d’âne » (1970) de Jacques Demy, le roman Peau d’âne (2003) de Christine Angot, la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) Philippe Cassand (avec la référence à Peau d’âne), le vidéo-clip de la chanson « Tristana » de Mylène Farmer, le recueil Les Quarante Bergères : Portraits satiriques en vers inédits (1925) de Robert de Montesquiou, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec l’amour de Nietzsche pour les paysannes), le film « La Comtesse aux pieds nus » (1954) de Joseph Mankiewicz, le film d’animation « Toy Story 2 » (1999) de John Lasseter (avec le personnage de Bo Peep), le film « Totò Che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec Sarah, la lesbienne Cacharel), la chanson « Duo des dindons » de Charpini et Brancato, etc. Par exemple, dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Guillaume, le héros homosexuel, passe une heure à regarder une gravure d’une femme aux coquelicots. Et il ne touche pas à sa meilleure amie Mathilde parce qu’il la considère comme un bibelot : « Tu ferais la Madone de je ne sais quel tableau. »
 

« T’as vu ? C’est comme dans Peau d’âne. » (Anne, l’héroïne bisexuelle avalant dans sa bouche un bracelet à la bijouterie pour le voler, dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma) ; « Je les regardais s’engouffrer tous dans l’escalier qui menait au balcon, lorsque je reconnus Perrette Hallery de dos… accompagné d’une magnifique femme en manteau de poil de singe, rousse à mourir sous son chapeau à voilette, la peau laiteuse et la démarche assurée. Le cliché de la belle Irlandaise, Maureen O’Hara descendue de l’écran pour insuffler un peu de splendeur à l’ennuyeuse vie nocturne de Montréal, la Beauté visitant les Affreux. […]La fourrure de singe épousait chacun de ses mouvements et lui donnait un côté ‘flapper’ qui attirait bien des regards admiratifs. Les hommes ne regrettaient plus d’être là, tout à coup. […] Maureen tenait le bras de son fils et je crus d’abord qu’elle était aveugle. Mais elle promenait autour d’elle ce regard curieux de myope qui ne voit pas ce qui l’entoure et qui se fie au flou des contours pour se guider. Mon rouquin n’avait pas menti au guichet, sa mère avait bel et bien un problème de vision ! » (le narrateur homo parlant de la mère de son futur amant rouquin Perette Hallery, à l’opéra, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 44) ; etc.
 

Le héros homosexuel met la féminité sur un piédestal, sous verre ou sous cloche, dans un joli herbier : « Ce que j’aime en une femme, en une vierge, c’est la modestie sainte ; ce qui me fait bondir d’amour, c’est la pudeur et la piété ; c’est ce que j’adorai en toi, jeune bergère ! » (Arthur Rimbaud, Un Cœur sous une soutane (1870), p. 202) ; « Tu es très belle avec ton poncho qui sent l’âne. » (l’héroïne lesbienne s’adressant à Bérénice dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) ; « Lady Anna Gordon est l’archétype de la femme parfaite que Dieu trouva bon de créer. » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, pp. 17-18) ; « Je respecte toutes les femmes hétérosexuelles de la salle. » (Shirley Souagnon s’adressant à toutes les « femmes hétérosexuelles » dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Y’a un proverbe antillais qui dit : ‘Avant d’épouser la bergère, regarde sa mère !’ J’ai regardé… et je me suis barré ! » (Rémi, le héros bisexuel, jadis en couple avec Marie, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; etc.
 

Il n’est pas rare d’ailleurs qu’il cherche à reproduire le paradis de dînette dans lequel il a grandi, le cocon majoritairement féminin et déréalisant de l’enfance. « Je reste presque seul, dans l’évident triomphe de mes seize ans, entouré de femmes qui prennent soin de moi, de leur affection excessive et peureuse. » (Vincent, le jeune héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) Philippe Besson, p. 14) ; « Au fil des ans, je m’étais habituée à la compagnie de personnes beaucoup plus âgées que moi. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 13) ; « Dans mes nuits, j’étais la poupée qu’on habille et qu’on déshabille. Est-ce une maladie ordinaire, un garçon qui aime un garçon ? » (cf. la chanson « Le Privilège » de Michel Sardou)
 

Bo Peep et Woody dans le film d'animation "Toy Story" de Pixar

Bo Peep et Woody dans le film d’animation « Toy Story » de Pixar


 

Beaucoup de personnages homosexuels n’arrivent pas à se détacher du salon de thé de leur(s) mère(s) : cf. le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le film « Morte A Venezia » (« Mort à Venise », 1971) de Luchino Visconti (avec la famille de Tadzio, où les hommes sont inexistants), le roman Du côté de chez Swann (1913) de Marcel Proust, la pièce La Casa De Bernarda Alba (1936) de Federico García Lorca, le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec le camping des femmes esseulées ou lesbiennes), etc. Par exemple, Maurice, le héros du film éponyme (1987) de James Ivory, n’est entouré que de femmes (ses sœurs, sa mère, ses tantes) durant toute sa vie. Dans le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick, Sabu, le personnage homosexuel, a évolué pendant toute son adolescence dans le salon de coiffure de sa tante, en compagnie des clientes. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, dit ironiquement qu’il incarne le cliché parfait du « gay » : « Pas de père. Et entouré de femmes dominantes… ». Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric le héros homo est le seul garçon de sa famille : il est entouré d’une longue lignée de sœurs.
 

L’attachement précoce pour la bergère préfigure parfois une homosexualité. Par exemple, dans la nouvelle « L’Histoire qui finit mal » (2010) d’Essobal Lenoir, un papa raconte à son jeune fils une histoire d’amour anodine entre un prince et une princesse ; mais l’enfant n’y croit pas, et ré-invente complètement le conte de fée pour que le prince ait le choix de renoncer tout d’abord à la princesse, mais aussi à la solution « éthique » de rechange trouvée par son père – à savoir la bergère pour que Roméo finisse dans les bras d’un homme ! « Ah ! alors une bergère. C’est un prince qui veut épouser une bergère. Mais tu sais, à la fin, la bergère c’est toujours une princesse abandonnée par ses parents. » (le père, p. 6) En quelque sorte, la bergère est le stade intermédiaire vers une homosexualité exclusive.
 
 

b) La passion pour la femme-objet folklorique et cinématographique :

B.D. "Kang" de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Le thème de la femme-objet revient extrêmement souvent dans les fictions homosexuelles : cf. le film « Potiche » (2010) de François Ozon, la pièce La Pyramide (1975) de Copi (mise en scène par Adrien Utchanah en 2010, avec la parodie du concours de Miss de Beauté), le film « Little Miss Sunshine » (2006) de Jonathan Dayton (avec le concours de Miss America), la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier (dans laquelle le maquillage féminin est présenté comme une dictature esthétique imposé aux femmes), la chanson « Material Girl » de Madonna, le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec Göran, fan homo de Dolly Parton), le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque (avec le narrateur, fan de chanteuses comme Dorothée, Chantal Goya, Mylène Farmer, Catherine Deneuve, etc.), le film « Miss Congeniality » (« Miss Détective », 2000) de Donald Petrie (avec Vic, le conseiller relookeur des Miss), la comédie musicale Ball Im Berlin (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham (avec Madeleine, un genre de Lili Marleen), « Les filles, c’est des garçons » de Gabaroche, la chanson « Transfert Trottinette » de Bilal Hassani (hommage à Britney Spears), etc.
 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. Kang de Copi


 

En général, les personnages homosexuels entretiennent une relation passionnelle avec une femme-objet médiatique. « J’adore Audrey Hepburn. Audrey Hepburn, c’est la femme de ma vie. » (Nicolas, le héros gay du film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan) ; « Nous adorerons Evita. Son image sera reproduite à l’infini en peinture et en statue pour que son souvenir reste vivant dans chaque école, dans chaque endroit de travail, dans chaque foyer. » (Juan Domingo Perón dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, p. 86) ; « Pour moi sa vie était ma source d’inspiration ! Je n’ai jamais joué qu’un seul personnage : Madame Lucienne ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Je vous aime, Dalida. Je vous adore. Je peux vous embrasser ? » (la figure d’Élie Kakou dans le one-woman-show Sandrine Alexi imite les stars (2001) de Sandrine Alexi) ; « J’aime une comédienne : Sybil Vane. » (Dorian Gray dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Ne trouvez-vous pas que seules les actrices sont dignes d’amour ? » (idem) ; « J’me voyais déjà monter des marches avec des stars. » (Fabien Tucci, homosexuel, originaire de Cannes, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « J’adore toutes les femmes. » (Simon, le héros homo, fan de Whitney Youston, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « J’adore Géraldine Pellas. » (Jacques, le héros homo, en parlant d’une cantatrice qu’il écoute fort chez lui, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc.
 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Par exemple, dans le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, le héros a une photo encadrée de Lady Di dans sa valise. Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Quentin, le héros homo, sort avec Michèle, l’actrice de série B La Vie est plus moche. Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, peint des actrices. Dans le one-man-show Parigot-Brucellois (2009) de Stéphane Cuvelier, le personnage transsexuel M to F est fan de Karen Cheryl et de Simone de Beauvoir. Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain, le coiffeur homosexuel, regarde Julie Lescaut à la télé, et se déguise en Lady Gaga ou en Princesse Sarah dans ses soirées déguisées. Dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée, Rayon, le héros transsexuel M to F, a plein de photos d’actrices autour de sa glace. Dans le faux film « Servir et protéger » à l’intérieur du film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Billy Stevens, un soldat homosexuel, est fan de la B.O. du film « Beaches » avec Bette Midler, et ce signe trahit auprès de sa hiérarchie militaire son homosexualité. Toujours dans le film « In & Out », Howard, le héros central de l’intrigue, est fan de Barbara Streisand et de Gloria Gaynor. Dans le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, Elliot, le héros homosexuel, est fan de Judy Garland. Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, un hommage est rendu continuellement à la chanteuse Jackie Quartz (l’interprète de « Mise au point ») : Benoît, son fan homosexuel, a d’ailleurs placé un portrait d’elle pile au centre de son salon. Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David est fasciné par Catherine Deneuve. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Marcy se compare sans arrêt à Amélie Poulain ; et Sébastien, son meilleur ami gay, se prosterne devant la photo de la chanteuse Madonna, icône qui a remplacé la statuette de la Vierge dans l’appartement. Dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, les deux protagonistes masculins s’identifient à Meg Ryan et à Julia Roberts. Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Esteban voue un véritable culte à l’actrice Huma Rojo. Dans le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar, Benigno regarde Alicia à son cours de danse à travers la fenêtre de son immeuble, comme un inventeur sa ballerine enfermée dans une cloche de verre. On retrouve cette image avec le tableau de Pierre et Gilles dans lequel une femme miniature enfermée dans un sablier est regardée par un homme géant. Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry exprime le désir de devenir majorette et pom-pom girl ; d’ailleurs, il compare la femme à « un beau tableau », « une belle statue ». Dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, Bruno, le héros homosexuel, imite ses idoles Dalida et Mylène Farmer à travers des play-back et des spectacles où il se travestit. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dépeint les différentes catégories d’homos qu’il a identifiées dans la communauté LGBT, dont « les fans de femmes avec un grand F ». Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, « M. », un des héros homos, dit « qu’il est amoureux d’Audrey Hepburn, l’actrice de Breakfast At Tiffany’s […] et fan de Lio » (p. 39). Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Angelo, l’un des héros homos refoulés, après sa tentative de kidnapping de Carla Bruni dont il dit être amoureux, manque de peu d’être interné dans un hôpital psychiatrique, et est activement recherché par la police. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, l’un des héros homosexuels, est fan de l’actrice María Montez, et la défend bec et ongles : « Qu’est-ce que tu reproches à cette femme formidable ? » Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Graziella, l’agent de Tom (le héros homo) qui veut le forcer à paraître hétéro, lui soumet un test de questions pour savoir s’il arrive à rentrer dans la peau de son personnage. Et l’un des questions lui impose un choix cornélien impossible : « Lady Gaga ou Madonna ? » Tom prend sur lui pour répondre une seule des deux… mais le « naturel » ne tarde pas à revenir au galop : « Les deux ! Je les adore ! » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Petra, la femme du neveu de Ben (le héros homosexuel), est surnommée en boutade par Ben et George « Petra von Kant ». Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antionetta se rend compte que Gabriele, son ami homosexuel, a l’esprit et le cœur contaminés « d’actrices, de chanteuses, de présentatrices ». Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en thérapie un couple gay Benjamin/Arnaud parce qu’Arnaud ne s’assume pas comme homo. Il leur propose trois options d’ateliers au choix : une visite au Musée de la Mode, un atelier de création de bougies parfumées, et un atelier Mylène Farmer. Dans le film « Sing » (« Tous en scène », 2016) de Garth Jennings, Gunther, le cochon homosexuel, se prend pour Lady Gaga. Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, Ritchie, le héros homo qui se travestit le temps d’une soirée, est comparée à Nana Mouskouri.
 

Le héros homosexuel a tendance à considérer la star comme sa vraie mère biologique : « Toute l’année j’avais attendu de voir Mary Poppins avec mon idole, en vedette. » (Michael, le héros homosexuel du roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 89) ; « Dalida, ma Dali, mon idole. » (Karine Dubernet dans son one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! , 2011) ; « J’me sens très proche d’elle. » (Philippe Mistral en parlant de Dalida, dans son one-man-show Changez d’air, 2011) ; « Oh ! C’est terrible !!! C’était comme une mère pour moi ! » (Romain, le coiffeur homosexuel, parlant de la cantatrice Isabelle, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « Ma mère, c’est Chantal Goya. » (Claude, le personnage homosexuel de la pièce Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Tu n’aimerais pas être actrice ? Si t’étais actrice, j’écrirais des rôles pour toi. » (Esteban, le héros homosexuel s’adressant à sa mère Manuela, dans le film « Todo Sobre Mi Madre », « Tout sur ma mère » (1998) de Pedro Almodóvar) ; « Le pire, maman, ce serait de devenir comme toi : une potiche. » (Joëlle s’adressant à sa mère Suzanne dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon) ; « C’est quoi le problème ? C’est sa mère, Sophie Marceau ? » (Alex par rapport à Gabriel le héros homosexuel, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le jeune héros homosexuel, délaisse sa vraie mère (il ne pleure même pas sa mort) pour lui préférer la chanteuse Patty Pravo, même si les deux femmes fusionnent : « Ma mère était chanteuse. Elle pouvait chanter. » ; « Patty, c’est mon idole. » Dans une vision onirique, le jeune homme voit sa star sur un paquebot, en rouge, qui s’adresse à lui à distance, d’un bateau à un autre, et qui ne pourra pas le rejoindre. Comme s’il s’agissait de sa mère, elle lui demande de se couvrir pour ne pas prendre froid. « Patty Bravo est mon porte bonheur. » À la fin, la limousine noire de Patty s’arrête au bureau de tabac pour acheter le journal : elle se contente de glisser à Dany un doux « Amore » puis de s’en aller sans en dire plus. Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Matthieu, le héros homosexuel, parle de sa mère en l’imitant comme s’il s’agissait de la mère cinématographique Loréal : « Parce que je le vaux bien. »
 

Pourtant, on l’avait mis en garde que la femme-objet n’est qu’une exception de femme qui n’est absolument pas représentative de toutes les femmes réelles. « Le portrait de votre femme n’est pas votre femme. » (Maria Casarès s’adressant à Orphée, dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau) On l’a aussi prévenu que cette conception de la femme n’honore pas les vraies femmes : « C’est facile de faire la femme, mais être une femme, c’est autre chose. » (Luis à son amant transformiste Paulo, dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron) Mais rien n’y a fait.
 

En général, la femme est regardée comme une star-objet (c’est pour cela qu’elle est représentée parfois de dos) : « L’idéal est une panoplie de majorettes. » (Denis, le héros homo du film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta ; « Hillary pose devant ce photographe qui s’applique pour immortaliser la beauté de la jeune femme. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 10) ; « Maria fait partie du décor, comme un meuble de la pièce. » (Cyril, le héros du roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 28) ; « Catherine D. [sous-entendu Catherine Deneuve] est en chantier. » (le héros homosexuel dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) ; « Eva était incontestablement la plus séduisante dans son ensemble easy-wear Vivienne Wetswood en cachemire vert pâle orné de soieries noires. Elle ressemblait à une égérie des sixties. Ses lèvres avaient le goût du cappuccino. » (Antoine dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, p. 203) ; « Antoine aperçut Eva de dos, dans une splendide robe volantée mauve. » (idem, p. 216) ; « Je lui trouvais une froideur de vamp rétro. Quelque chose d’Eva Marie Saint dans ‘La Mort aux trousses’, l’exotisme slave en plus. […] Quand elle écrivait, elle devait appuyer très fort sur son stylo, car son ongle devenait blanc à l’extrémité, et rosissait à la base, sous l’afflux du sang. Ce détail me prouvait qu’elle n’était pas de marbre. Comme pour me confirmer cette découverte, en réalité sans doute parce que j’avais passé les bornes en la détaillant de manière assez insistante, elle est sortie de son immobilité de statue, a tourné la tête et m’a lancé un regard excédé. » (p. 54) ; « De toute évidence, je n’existais pas à ses yeux. » (Jason, le héros homosexuel décrivant la Russe vénéneuse Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 53-54) ; « Pour moi, Anna Morante est une image immobile, en deux dimensions. Seulement une image. » (Leo, le héros homosexuel du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 106) ; « C’est bien ainsi que tu les préfères : froides, flasques. » (le héros gay s’adressant à Stan à propos des femmes, dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé). Par exemple, dans le film « Morte A Venezia » (« Mort à Venise », 1971) de Luchino Visconti, Aschenbach embrasse des cadres où se trouvent les photos des « femmes de sa vie ».
 

C’est une attitude, une sensation, une posture esthétique, une corporalité sans âme (mais avec du style et de la sensiblerie !), que le héros homosexuel recherche chez les femmes de son entourage : « J’aime l’esprit des femmes, Vincent. J’aime leur esprit avant toute chose. Et puis, bien sûr, je prise leur élégance. » (Marcel Proust s’adressant à son jeune amant Vincent dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 92-93) ; « Je suis une femme par mon odeur. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 185) ; « Ça ne retire rien à l’amour que je porte aux femmes. Que dis-je à l’amour ? Au culte que je leur voue. J’aime la féminité. Je la vénère. Profondément. » (Jason, le héros homo du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 120) ; « Une femme est authentique quand elle ressemble à l’image qu’elle a rêvée d’elle-même. » (Agrado le transsexuel M to F dans le film « Todo Sobre Mi Madre », « Tout sur ma mère » (1998), de Pedro Almodóvar) ; « Aaaaah les femmes… Y’a toujours quelque chose de dérangé dans ces machines compliquées. » (Monsieur de Rênal, le mari efféminé de Louise, dans la comédie musicale Le Rouge et le Noir (2016) d’Alexandre Bonstein) ; « Quelle machine compliquée que la femme. » (idem) ; etc. Par exemple, dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi et Damien, les deux héros bisexuels, prennent la femme pour une machine. Ils se rencontrent dans une laverie, et dès qu’ils percutent une machine à laver, ils s’excusent en l’appelant « Madame ».
 

Dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), le travesti Charlène Duval affirme qu’elle « connaît les femmes par cœur » ; en réalité, elle voit la femme comme « une espèce », une femelle qu’on peut disséquer, et se propose d’opérer « une coupe psychologique de l’intérieur de la femme ». C’est la sur-féminité – une « féminité de laboratoire », pour ainsi dire – plus que la féminité réelle qui est célébrée par le héros homosexuel. Dans l’idée, cette sur-féminité peut donc être tout à fait portée par des hommes. Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, Roberto le transsexuel M to F est défini par Yolanda comme son « idéal féminin ».
 

Le personnage homosexuel trouve dans la femme-objet la puissance de la matière – matière qu’il appellera inconsciemment « caractère » ou « personnalité » (cf. la chanson « Stronger » de Britney Spears, « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun, la chanson « La Reine » de Lorie, etc.). En s’identifiant à elle, il a l’impression d’être une dame de fer (violée et prostituée !), armé(e) contre tous les obstacles du Réel, dur(e) comme du béton : « Nous, les tantes, nous sommes résistantes. » (Gérard, un des personnages homosexuels de la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; « Nina Hagen, c’est nous ! » (Rudolf, le héros homosexuel s’adressant à ses deux amis Gabriel et Nicolas, à qui il offre les vinyles de la chanteuse, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « Je suis sosie d’une chanteuse très très connue : je suis sosie de Mireille Matthieu. Et de Nana Mouskouri. » (Max, le héros homosexuel de la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; « J’ai toujours pensé que comme j’étais une pédé passif, alors je pouvais être un femme belle et désirette, c’est dans moi, comme jouer à la poupée quand j’étais enfant, essayer les robes de ma mother quand j’étais teen et sucer des bites maintenant, quoi ! […] Devant le miroir, Cody lève les cheveux de sa perruque blonde et dit ‘Je souis Catherine Denouve, non, dans une film de Bunuel ? ’ En me regardant, les cheveux toujours maintenus en l’air, il dit ‘Toi, tu es Vanessa ? Ça fait très français, ça, comme nom, quoi. Catherine Denouve et Vanessa de Paris, les putes gratuites qui cherchent les hommes pour leur vagina. » (Cody, le héros homosexuel américain efféminé s’adressant à son pote gay Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 92 puis p. 101) ; « À partir de maintenant, je m’appelle Samantha. » (Shirin, l’une des héroïnes, dans le film « Circumstance » (2011) de Maryam Keshavarz) ; « T’es la première femme qui m’ait attiré… depuis Lary Swan. » (Maurice, le styliste homosexuel, s’adressant à Kate travestie en homme, dans le film « Les Douze Coups de Minuit », « After The Ball » (2015) de Sean Garrity) ; etc.
 

Par exemple, dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa dit qu’elle est le sosie noir de Marilyn Monroe. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, se compare, avec ses 4 amis, aux Desperate Housewives ; il joue à être le sosie de Madonna ; il participe à un concours de Miss France ; et avec son meilleur ami travelo « Annonciade », qui ressemble à une vraie femme-objet, une prostituée avec des bijoux et beau manteau de vison. Dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), le travesti M to F David Forgit à la fois célèbre la femme-objet et la détruit en incarnant trois générations de prostituée : la mère, la grand-mère et la fille. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Nicolas, Gabriel et Rudolf, les trois héros gays, forment le chœur fanatique d’une cantatrice transgenre des montagnes, une sorte de Sissi robotique : « Sissi est de retour !! » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, la cantatrice trans M to F Louvre est fêtée pendant son concert comme une diva divine. Davide, le jeune héros homosexuel, s’y identifie complètement.
 

Le personnage homosexuel préfère l’hyper-féminité (donc en réalité le fantasme de viol, qui peut tout à fait être incarné par un homme ou un personnage transgenre/transsexuel) à la vulnérabilité de la femme réelle : « Les femmes sont plus féminines ici. » (Dai, le père de famille hétérosexuel, parlant des hommes homosexuels du cabaret transformiste où il fait un discours, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « Les filles qui se font violenter sont souvent hyper sexualisées. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 55) ; etc. « Arlette était la fille la plus belle que Silvano eût rencontrée à Paris, elle avait l’air d’un éphèbe. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 104) ; « Je ne sais pas ce que tu lui trouves à Marlène Dietrich. On dirait un vieux travelo. » (Laurent Spielvogel imitant sa mère dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Sidonie, je l’ai tant aimée. Mais les actrices sont des idiotes ingrates. Au fond, je crois que j’ai plus aimé l’actrice que la femme. » (Peter, le héros homo, par rapport à sa meilleure amie actrice Sidonie, dans le film « Peter von Kant » (2022) de François Ozon) ; etc.
 

La réification de la femme n’est pas réservée aux personnages gays masculins. Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen tombe amoureuse d’Angela, la femme-actrice lesbienne. Certaines héroïnes lesbiennes ont une conception de la femme tout aussi imagée et fanatique que leurs homologues homosexuels hommes. Pour elles, une personne ressemble d’autant plus à femme qu’elle devient glaciale et figée : « Elle fait plus femme, plus froide surtout. » (Ann Scott, Le Pire des mondes (2004), p. 77)
 

La femme-objet est même d’ailleurs bisexuelle ou lesbienne (je vous renvoie à la partie « prostituée lesbienne » du code « Putain béatifiée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le vidéo-clip de la chanson « Comment t’appelles-tu ce matin ? » d’Élodie Frégé, la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, le one-woman-show La Folle Parenthèse (2008) de Liane Foly (Jeanne Moreau est imitée en femme lesbienne), etc.
 

Chez les héroïnes lesbiennes, l’adoration de la femme-objet va souvent jusqu’à la (simulation de) destruction de cette dernière… donc jusqu’à l’absorption fusionnelle. La femme-objet hétérosexuelle est une femme lesbienne en devenir. Les héroïnes lesbiennes s’y sont identifiées à l’excès dans le rejet. « Une fois, j’ai vu dans un magazine une femme qui me ressemblait. Je n’arrêtais pas de me demander : Pourquoi cette femme me ressemble ? Pourquoi elle est dans le magazine et pas moi ?!? […] Elle me ressemblait, et ça me rendait malheureuse. Cette femme dans le magazine qui me ressemblait, je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a explosé à la figure. » (la chanteuse Oshen, habituellement la « lesbienne invisible » interprétée par Océane Rose-Marie, en concert à L’Européen de Paris, le 6 juin 2011) Comme je l’explique au sujet de l’homosexualisation de l’homme-objet qui s’hétérosexualise et incarne l’« Éternel Masculin » (dans le code « Don Juan » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), on constate exactement le même phénomène avec la femme-objet : plus une femme s’hétérosexualise et cherche à devenir objet, à représenter l’« Éternel Féminin », plus elle s’homosexualise et prend des traits androgynes, lesbiens.

 

Le héros homosexuel – ou dit homosexuel -, en s’identifiant à la femme-objet ou en étant identifié à elle, se met en danger de viol, car il est parfois pris pour une poupée gonflable à violer. Par exemple, dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Mardonio féminise son pote Secundo après avoir appris que le père de ce dernier, Noé, était homo : « La petite chatte arrive[…]Regardez sa maison de Barbie »

 
 

c) La première femme-objet officiellement mondialisée, Mona Lisa, attire le personnage homosexuel :

Expo Marcel Duchamp au Centre Pompidou (Paris) de septembre 2014 à janvier 2015

Expo Marcel Duchamp au Centre Pompidou (Paris) de septembre 2014 à janvier 2015


 

C’est curieux comme la Muse de Léonard de Vinci fait l’unanimité dans les créations artistiques homosexuelles : on la retrouve dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau (avec le poster de la Joconde dans la chambre de Chance, le héros homosexuel), le film « My Summer Of Love » (2005) de Paul Pavlikovsky (avec Mona, la lesbienne), le film « Miss Mona » (1986) de Medhi Charef, la chanson « Les Liens d’Eros » d’Étienne Daho («Elle est là ma Vénus allongée, […] sourire de Joconde apaisée »), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec la caricature de la Joconde dans l’une des salles du manoir hanté), la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo, le roman Le Sourire de la Joconde (1953) de Jacento et Martinez Benavente, le film « Le Sourire de Mona Lisa » (2003) de Mike Newell, la chanson « La Joconde » de Juliette, le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, le film « Potains mondains et amnésie partielle » (2001) de Peter Chelsom, le film « Mona Lisa » (1986) de Neil Jordan, la chanson « Mona Lisa » dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, la photo Lisa Lyon (1982) de Robert Mapplethorpe, la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd, la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer, le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent, la pièce Da Vinci contre Michel-Ange (2015) d’Alessandro Avellis, le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram (avec le poster de la Joconde dans l’appartement), etc.
 

La référence à Mona Lisa semble pourtant bien anodine. On l’entend parfois au détour d’une réplique, sans trop comprendre ce qu’elle vient faire dans le contexte d’énonciation : « Ne bousculez pas la Joconde. » (Henry dans le roman Les Clochards célestes (1963) de Jack Kerouac, p. 92) ; « La Joconde et les tableaux de Dalí sont très beaux mais ils ne me font pas cet effet-là. » (Bryan parlant de son émoi homosexuel pour son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 210) ; « Mona Lisa sin sonrisa » (Yolanda dans la pièce Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « T’as le sourire de la Joconde sur la figure. » (Mégane dans la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams) ; « Je suis allée la voir, la Joconde. Y’avait une queue. Mais une queue ! » (Mireille, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; « Enlève le soutif : c’est Mona Lisa. » (Riki, homosexuel, s’adressant à son amie Marie à propos de sa tenue, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc.
 

Mais en réalité, il existe souvent une parenté symbolique, désirante, de type amoureux et incestueux, entre la Joconde et le héros homosexuel. Ils ont couché ensemble… au moins spirituellement parlant ! « Romain ressemble au fils qu’aurait pu avoir dans un rêve la Joconde avec le Petit Prince de Saint-Exupéry. » (Dominique en parlant de Romain, le héros gay, dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, p. 16) ; « J’me fais James Bond… et la Joconde. » (un des protagonistes homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je mélange parfois les toiles de l’appartement. Il y a des visages, des Joconde, des objets mystérieux qui me regardent. » (le Comédien de la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Pédé dit que le tableau de la Joconde a été sa « grande passion anale ». Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, Maxence, le peintre-poète « sensible », dit avoir « perdu son idéal féminin » : « De Vénus en Joconde, je ne l’ai pas trouvée. »
 

Dans la pièce Le Clan des Joyeux Désespérés (2011) de Karine de Mo, Mona Lisa indique l’inversion de sexes. En effet, au moment où Lili rentre dans l’appartement de Mona où celle-ci tente de se suicider au gaz et qu’elle repose inanimée, elle lit le pendentif de Mona à l’envers («Anom » = phonétiquement « à n’homme »)… et est tentée de lui faire un bouche-à-bouche lesbien, avant de se rétracter par acquis de conscience…
 

La Joconde est surtout l’être humain figé, empaillé, non-libre, violé… mais qui sourit quand même pour cacher son état. « Mylène Farmer, c’est un peu comme la Joconde. Tout le monde la voit, mais personne ne l’entend. » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? , 2012) ; « If you were the Mona Lisa. You’d be hanging in the Louvre. Everyone would come to see you. You’d be impossible to move. » (cf. la chanson « Masterpiece » de Madonna) ; « Que si fuera un retratista, que si fuera un buen artista, yo sería su Mona Lisa y hasta un tango de Gardel… Y eso no lo trago yo. » (cf. la chanson « No Soy Para Ti » de Fanny Lú) ; « La Joconde, de près, c’est flou ! » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; etc. Elle est le paravent/le symbole du viol. Par exemple, dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, Catherine joue Mona Lisa et Jean-Paul (le héros homo) Léonard de Vinci lui chantant « Ti Homo » à la place de « Ti Amo » : Léonard de Vinci finit par déclarer à Mona Lisa qu’elle est « du caca ».
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) Né dans une dînette et une ambiance féminine:

 

Beaucoup d’hommes gays et de femmes lesbiennes ont grandi dans une ambiance presque exclusivement féminine, un monde de petites filles modèles de la Comtesse de Ségur, entourés de leurs mères réelles et symboliques (les tantes, les cousines, les nourrices, les grands-mères, les sœurs, les voisines, les institutrices, les actrices, etc.). « J’avais 6 sœurs et une mère. J’ai grandi entouré de femmes. » (le chanteur homosexuel Halim Corto dans l’émission Je veux te connaître de la Radio de Nancy RCN, le 25 octobre 2011) ; « Je me sentais étouffer entre ma mère, mes sœurs, la voisine, l’amie de la famille qui était également notre professeur de piano, et ma grand-mère qui passait tous ses dimanches à la maison pour des après-midi de couture. » (Jean Le Bitoux, Citoyen de seconde zone (2003), p. 29) ; « Ma famille maternelle est au courant de mon homosexualité parce que je suis très proche d’eux. Ma mère, ma tante et ma grand-mère qui sont définitivement les femmes de ma vie. » (Maxime, « Mister gay » de juillet 2014 pour la revue Têtu); « À l’école maternelle, j’étais toujours avec les petites filles pour les embrasser et faire des touches pipi en nous cachant de peur que leurs parents ne nous surprennent. […] Dès la maternelle, collé aux instits pendant la récré j’étais en échec scolaire, un élève très sensible instable, ayant peur de tout et du regard des autres. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu juin 2014) ; etc. Ce fut le cas de Pierre Loti, Reinaldo Arenas (très proche de sa grand-mère qui faisait, selon lui, « pipi debout »), Pedro Almodóvar, Costas Taktsis, Miguel de Molina, Hart Crane, Louis II de Bavière (fortement attaché à sa nourrice), Edward Morgan Forster (en 1956, il dédiera un livre à sa tante Marianne Thornton), Marcel Carné, Michel Tremblay, Marcel Proust, André Gide (très proche de son institutrice Anna Schackleton), Edward Carpenter (qui a passé son enfance avec les six dernières filles de sa famille), Wilfred Owen, Edmund White (qui a grandi en compagnie d’une sœur hyper virile), etc.
 

Dans son article « Entre El Papel Y La Pluma » publié dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, Xosé Manuel Buxán, évoque son enfance où il était admiré pour ses mimiques, ses talents d’acteur, sa précocité, par son entourage féminin… et surtout les clientes du salon de coiffure de sa mère, fidèles lectrices de revues people. Le dramaturge argentin Copi fut très attaché à sa grand-mère maternelle (Salvadora Medina Onrubia) ; plus tard, il passera ses dimanches à jouer à la canasta avec elle et son cercle d’amies de 80 ans. L’écrivaine nord-américaine Carson McCullers vit toute sa vie sous les jupes de sa mère, et de toutes les mères de substitution qu’elle trouvera sur son chemin : sa belle-mère, sa prof de piano, etc. ; à son sujet, Janet Flanner parle de l’influence catastrophique de son abusive « abysmal mother ». Dès l’âge de 10 ans, le jeune Cecil Beaton photographie ses sœurs, s’inspirant des portraits d’actrices publiés dans la presse. Charles Trénet a grandi uniquement entouré de femmes.
 
 

b) La femme-objet est confondue avec la femme réelle, quand bien même elle soit BIEN sacralisée:

Lady Gaga pour le défilé de Thierry Mugler

Lady Gaga pour le défilé de Thierry Mugler


 

On entend souvent dire que la communauté homosexuelle est naturellement féministe, véritablement respectueuse de la gent féminine, spontanément du côté des femmes. Des femmes-objets, c’est une évidence ! (… des femmes réelles, je ré-évaluerais fortement à la baisse le lieu commun…) Rien qu’à Paris, dans le Marais, il existe une Boutique Madonna, et une Boutique Mylène Farmer. « Ma vie est un repaire de chanteuses dont personne ne se souvient que moi. » (Pascal Sevran, Tous les bonheurs sont provisoires, 2005) ; « Copi connaissait par cœur le théâtre de Tennessee Williams et s’intéressait aux femmes, à ce qu’est la féminité et aux actrices comme personne. » (Myriam Mezières dans la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, p. 77) ; « Le corps des femmes ne m’excite guère plus que n’importe quel autre objet de première nécessité et d’usage quotidien. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, ayant vécu toute sa vie entouré uniquement d’homme, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « Tout est toujours l’idée d’une fille. » (Pierre Palmade, 7 janvier 2017, France 2, en préambule de la pièce Elles s’aiment depuis 20 ans de Pierre Palmade et Michèle Laroque) ; etc. Plusieurs créations homosexuelles se sont déjà consacrées directement à une actrice en particulier : le film « Callas Forever » (2001) de Franco Zeffirelli, le documentaire « Britney Baby, One More Time » (2001) de Ludi Boeken, les Marilyn Monroe d’Andy Warhol, etc. Je vous renvoie aux documentaires « Amoureuse de Greta Garbo » (2000) de Lena Einhorn, « Jodie : An Icon » (1996) de Pratibha Parmar, etc. Par exemple, Patrick Loiseau, le compagnon du chanteur Dave, vénère Françoise Hardy et se « looke » même comme elle. Lors de son concert à l’Essaïon (décembre 2007), Stéphane Corbin avoue s’identifier à Ally McBeal. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel se met dans la peau de Marlène Dietrich, Edwige Feuillère, Sylvie Vartan, Barbara, toutes ces femmes sophistiquées.
 

Les personnes homosexuelles sont-elles des « hommes à femmes » (à femmes-objets en l’occurrence) ? On est en droit de le croire quand on les voit entourées des monstres sacrés du cinéma. Les réalisateurs dudit « Cinéma de femmes » sont nombreux à être homosexuels : Edmund Goulding, Irving Rapper, Mitchell Leisen, Vincente Minnelli, etc. Par exemple, Werner Schroeter devient ce « Roi des Roses » (1984) chouchouté par Isabelle Huppert, Maria Malibran, Carole Bouquet, etc. Pour son film « Der Tag Der Idioten » (1981), il a travaillé avec 30 femmes dont toutes celles avec qui il a collaboré pendant 13 ans. Pedro Almodóvar, quant à lui, fait jouer ensemble les actrices espagnoles les plus charismatiques du cinéma espagnol (Carmen Maura, Penelope Cruz, Marisa Paredes, Rosi de Palma, Victoria Abril, etc.). Il se fait plaisir en réunissant dans « Volver » (2006) et « Habla Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) toutes les comédiennes qui ont tourné dans ses films. François Ozon dirige les grandes dames du cinéma français (Fanny Ardant, Isabelle Huppert, Catherine Deneuve, Emmanuelle Béart, Charlotte Rampling, etc.). Il se taille la part du lion avec son film « Huit Femmes » en 2002, quand il réunit un casting des actrices françaises les plus fameuses. Pendant sa carrière, le cinéaste George Cukor construit un culte à la gent féminine toute entière (Marilyn Monrœ, Katherine Hepburn, Greta Garbo, Ingrid Bergman, Judy Garland, etc.). Dans le film « The Women » (1939), il met en scène rien moins qu’une centaine d’actrices (pas un seul homme à l’affiche !). Concernant Truman Capote, il fut aussi un homme à femmes (Jerry Hall, Deborah Harry, Bianca Jagger, Lee Radziwill, Marilyn Monroe, etc.). Le réalisateur Rainer Werner Fassbinder regroupe sur un même plateau les plus grandes artistes allemandes (Rosel Zech, Hanna Schygulla, Barbara Sukowa, etc.). Alfred Hitchcock a magnifié la femme – et notamment la femme fatale – à travers une pléiade d’actrices (Grace Kelly, Tippi Hedren, Janet Leigh, etc.). Youssef Chahine a travaillé avec beaucoup de grandes divas camp comme Dalida, Nebila Ebeid, Latifa… Bruce Benderson traduit une autobiographie de Céline Dion. Tout le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras est construit à la gloire des chanteuses italiennes des années 1950 : Patty Pravo, Raffaela Carrà, etc. À l’âge de 6 ans, le dramaturge homosexuel Copi a écrit un roman qui s’appelait Ce que sont les femmes : il dira de celui-ci qu’il est « un titre si génial qu’il n’en trouvera jamais d’aussi bon ». Mais dans son article « Désopilante » sur Le Quotidien de Paris daté du 11 février 1984, le journaliste Jacques Nerson souligne à juste titre que la Femme assise de Copi, le personnage qui a occupé le Nouvel Observateur pendant 10 ans, est « essentiellement passive ». Et ceci est vrai pour toutes les héroïnes copiennes.
 

« Les héroïnes du milieu sont souvent les stars qui symbolisent la femme-objet : cet être apprécié et sollicité pour ses qualités sexuelles tout en revendiquant d’être compris comme un être humain et fragile. » (Michael Pollack, Une Identité blessée (1993), p. 193) ; « Je n’étais pas épargné par l’identification aux stars de cinéma. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 275) ; « Mes goûts aussi, toujours automatiquement tournés vers des goûts féminins sans que je sache ou ne comprenne pourquoi. J’aimais le théâtre, les chanteuses de variétés, les poupées. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 29) ; « Moi. Petit. Adolescent des années 80. […] Je n’ai qu’une seule idée en tête. Une obsession. Une actrice égyptienne ; mythique, belle, plus belle que belle. Souad Hosni. Une réalité. Ma réalité. Je suis pressé d’aller dans mon autre vie, imaginaire, vraie, entrer en communion avec elle, chercher en elle mon âme inconnue. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 10) ; « Ce jour-là, je courais vers une image, une femme. L’actrice égyptienne. Une grande star. Une grande dame. Souad Hosni. Elle passait à la télévision dans un feuilleton que j’adorais. Houa et Hiya : Elle et Lui. Je courais vers elle pour l’embrasser. Être pendant une heure avec elle, amoureux en pleurs, danseur libre, comédien de ma propre vie. » (idem, p. 32) ; « Voilà une belle femme. » (le dramaturge argentin Copi parlant de l’actrice Brigitte Bardot, dans l’article « Au Festival d’Automne : Copi sur le ring » publié dans le journal Le Figaro du 8 octobre 1983) ; « Il y a un nom qui revient sans cesse dans mes livres, c’est celui d’Isabelle Adjani, qui est une sorte de déesse pour moi. » (Abdellah Taïa, interviewé dans l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle, le 25 septembre 2006) ; etc. Par exemple, en 2009, Eytan Fox a dirigé la série musicale Mary Lou, d’après les chansons de la célèbre chanteuse Tzvika Pik, fable moderne où un jeune homosexuel part à la recherche de sa mère.
 

Dans l’esprit de beaucoup de personnes homosexuelles, ce sont les fantasmes esthétiques et les accessoires (déguisements, maquillages, vêtements, images, etc.) qui font la femme ; pas l’être ni le corps sexué. « Être femme c’est seulement cela… s’habiller en femme. » (Copi, cité dans l’essai Habla Copi (1998) d’Osvaldo Tcherkaski, p. 50) ; « Le plus beau vêtement d’une femme, c’est sa nudité. » (Yves Saint Laurent, cité dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 54) Il suffit d’écouter le couturier français Yves Saint Laurent commenter son « invention » de la femme en smoking pour comprendre qu’il prend la femme pour un bibelot… un jolie bibelot, certes… mais un bibelot quand même («Cette femme androgyne, égale à l’homme par son vêtement, bouleverse l’image traditionnelle d’une féminité classique et déploie toutes les armes secrètes qui n’appartiennent qu’à elle. » cf. l’article « Yves Saint Laurent » d’Anne Boulay et Marie Colmant, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 414) Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, le goût du couturier homosexuel pour les femmes-bibelot est manifeste : « Magnifiques, ces bijoux. Le toc, j’adore. » s’exclame-t-il face à son amie Loulou en Algérie, par exemple. Mais dès qu’une femme prouve un peu son libre arbitre et son caractère, il s’en débarrasse. C’est ce qui arriva avec Victoire, son égérie de défilés, qu’il finit par jeter comme une malpropre, sans trop d’explication (à part une vague histoire de jalousie) : « Tu n’es belle que sophistiquée. […] Avec des cheveux comme ça, on dirait une souillon. Tu es d’une vulgarité, ma pauvre, c’est effarant. […] Laissez-la partir. Son style, ce qu’elle est, c’est déjà dépassé. »
 

 

La différence des sexes n’est plus reconnue comme un fondement du Réel, mais envisagée sous le prisme du paraître, de la subjectivité, de l’illusion, de la superficialité : « Qu’est-ce que c’est, un homme ? Qu’est-ce que c’est, une femme ? C’est ce qu’on en voit. » (la femme trans F to M, interviewée dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier)
 

C’est la femme – dans le sens de corporalité, de carcasse en acier, ou à l’extrême inverse, d’esprit – qui est célébrée par les sujets homosexuels, plutôt qu’une personne entière, une entité habitée par une âme et un mystère concret (celui de la sexualité, de l’Amour) : cf. le documentaire « Apparence féminine » (1979) de Richard Rein, les chorégraphes hyper efféminés Mehdi Kerkouche et Stéphane Jarny pour la cérémonie de Miss France 2016, etc. « Le corps de la femme que j’aime éveille en moi le respect et le sentiment du sacré. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 106) ; « Il est de ces hommes qui croient que les comédiennes sont des magiciennes. » (Jeanne Moreau parlant de Jean-Claude Brialy, dans l’autobiographie de ce dernier, Le Ruisseau des singes (2000), p. 9) ; « J’existais, pour ces femmes traditionnelles, fortes quand il le faut, prisonnières malgré elles des règles, comme moi. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 60) ; « En accordant dorénavant beaucoup de temps à mon entourage professionnel notamment féminin, je m’intronisais aussi plus que jamais en femme, au point que les conversations que je tenais ressemblaient aux leurs. En effet, lorsque j’arrivais le matin, c’était pour parler de vêtements ou de cuisine ; de même que pendant les heures de déjeuner, je traînais les magasins avec ce même entourage à la recherche de petits bibelots de décoration. Ma condition était l’archétype voulu d’une vie de femme, mes propos et mes réactions, ceux d’une fille vivant seule. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 130) ; etc.
 

Dans son article « Copi : Le Théâtre exaltant » (1983), Michel Cressole décrit la Madame Lisca de Copi (héroïne de sa toute première pièce) non pas comme une femme de chair et de sang mais comme une « idée de femme, une odalisque ». Dans son biopic « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013), Guillaume Gallienne, le narrateur bisexuel, imite les femmes par cercles concentriques grossissants (d’abord sa mère puis sa grand-mère puis ses tantes puis toutes les femmes) et les réduit toutes à une attitude, à un souffle, à du vent : « Elles ont toutes quelque chose d’unique. Toutes. Chacune de leurs attitudes. […] La plus grande différence des femmes, c’est leur souffle. Il varie tout le temps. »
 

Pourtant, il y a un paradoxe dans cette idolâtrie homosexuelle désincarnante pour la femme-objet. Par rapport à celle-ci, il arrive aux personnes homosexuelles de parler d’excitation sexuelle, comme Werner Schroeter qui assure à propos de la cantatrice Maria Callas qu’« elle est la vision érotique de son enfance, sa passion totale » (cf. l’article « Conversation avec Werner Schroeter » de Michel Foucault, dans Dits et écrits II (2001), p. 1079). « J’ai toujours aimé les femmes. […] J’étais sensible à la séduction du corps féminin et il m’arrivait d’en rêver la nuit. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 274) ; « Ce sont des fans très fidèles. » (Michael Michalsky, homosexuel, parlant de la relation des personnes homosexuelles avec leurs égéries féminines, dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « J’écrivis à Danielle Darrieux. Elle était belle, spirituelle, charmante, drôle, élégante, pleine de talent, j’étais fou amoureux d’elle. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 54) ; « J’avais dix, douze ans, j’étais déjà amoureux d’elle. » (Pascal Sevran à propos de l’actrice Jacqueline Joubert, dans son autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 32) ; etc.
 

Mais elles idolâtrent à ce point son corps qu’elles n’envisagent pas de la toucher. La femme-objet est cette mère symbolique sur laquelle pèse l’interdit de l’inceste fantasmé : « Il m’a fallu beaucoup de temps pour trouver sa tombe. Face à elle, j’ai prié machinalement. J’ai lu des versets du Coran. J’ai dit des mots de ma mère. » (Abdellah Taïa parlant de l’actrice Souad Hosni, dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 91) Elles vivent avec leur actrice une forme de dépucelage à distance, de viol par l’image (qu’elles ré-écrivent souvent en idyllique coucherie symbolique) : « Mon innocence, je l’ai perdue en compagnie de Béatrice Dalle, elle est désormais pour moi ma marraine, ma référence, mon premier amour, […] mon totem. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 131) ; etc. Par exemple, dans la bande dessinée La Femme assise (2002), l’héroïne se fait appeler « Madame Copi » ; Copi, son auteur, a décidé de se marier à sa propre créature.
 

En réalité, les personnes homosexuelles, même si elles sont attirées émotionnellement et fantasmatiquement par les femmes, leur préfèrent la femme-objet et n’ont pas de désir érotique pour elle (c’est bien la seule chose qui manque tant, sur les autre plan, l’adoration, l’affectivité et la sensibilité sont là !) C’est l’hyper-féminité qu’elles célèbrent : « Je me suis souvent demandé pourquoi les gays aimaient autant les femmes hétérosexuelles. Il s’agit moins de la femme hétérosexuelle que de la femme hétérosexuelle au look exubérant. Elles ne ressemblent pas à la plupart des femmes de notre entourage. Elles sont excessives. » (Jan Noll, homosexuel, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Ce n’est pas tant la femme que l’androgyne transgenre condensant à lui seul la différence des sexes, que les individus homosexuels cherchent à devenir. « Beaucoup d’égéries gays jouent avec la sexualité de manière outrancière. Or le sexe occupe une place très importante chez les homos. C’est presque une caricature. Par certains côtés, ça fait un peu penser aux drag-queens. » (Michael Michalsky, homosexuel, idem) Par exemple, toujours dans ce documentaire « Somewhere Over The Rainbow », le fameux chanteur noir homosexuel Sylvester est décrit par Steve Blame comme une « Diva masculine ».
 

La réification de la femme n’est pas propre aux hommes gays. Je connais beaucoup de femmes lesbiennes qui sont tombées amoureuses de la femme-objet cinématographique. On le voit aussi dans les reportages télévisés. Par exemple, dans l’émission Ça se discute (spéciale « l’homosexualité féminine », diffusée sur la chaîne France 2, le 18 février 2004), une des invités lesbiennes dit sa fascination amoureuse pour la beauté de Céline Dion. Dans le documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger, Oriane, une jeune femme lesbienne de 21 ans, présente avec humour aux spectateurs ce qu’elle appelle son « Mur des Lamentations », c’est-à-dire des modèles de mode féminins qui tapissent tous les murs de sa chambre. Toujours dans ce même documentaire, la fameuse série de bandes dessinées Martine est désignée par la réalisatrice comme le déclencheur du désir lesbien.
 

Parfois, beaucoup de femmes-objets venues du cinéma, de la mode, de la chanson, se lesbianisent, d’ailleurs. Par exemple, couronnée Miss Espagne deux fois, en 2008 et 2013, Patricia Yurena Rodríguez a fait son coming out en publiant sur Instagram une photo intitulée « Roméo et Juliette » où l’on peut la voir dans une posture très romantique en compagnie de la DJ et chanteuse espagnole Vanesa Klein.
 

Certaines femmes lesbiennes adoptent une conception de la femme tout aussi imagée, fanatique, et machiste, que leurs homologues homosexuels hommes. Pour elles, une personne ressemble d’autant plus à femme qu’elle devient glaciale et figée. La confusion entre la Femme-objet médiatique et la femme réelle revient fréquemment dans leur discours. « La femme n’existe pas, mais les femmes, bel et bien. » (Hélène Bregani dans le documentaire « Debout ! Une Histoire du Mouvement de Libération des Femmes 1970-1980 » (1999) de Carole Roussopoulos) Beaucoup d’entre elles déifient la femme (Teresa de Lauretis, par exemple, lui met un « F » majuscule) pour finalement mieux la faire disparaître, nier la réalité de la sexuation, et imposer les femmes-objets comme les seules représentantes (méprisables) des femmes réelles. Autre exemple: Stefan Sweig, l’écrivain allemand, a écrit en 1935 un seul opéra dont le titre est signifiant : La Femme silencieuse.
 

Chez elles, l’adoration de la femme-objet va souvent jusqu’à la (simulation de) destruction de cette dernière… donc jusqu’à l’absorption fusionnelle. « La pire faute de goût selon moi : essayer de ressembler à Britney Spears. » (Mylène, une femme lesbienne de 25 ans, dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 191) ; « Qu’en était-il des autres, asservies à leur mari et à leurs enfants, sans ressources personnelles, sans voiture, sans autre nourriture spirituelle que Marie-Claire, Elle ou Femme d’Aujourd’hui ? Bonne Déesse, quel obscurantisme ! » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 242) La femme-objet hétérosexuelle – et cela surprendra sûrement nos amies lesbiennes – est une femme lesbienne en devenir. Les femmes lesbiennes réelles s’y sont identifiées à l’excès dans le rejet. Comme je l’explique au sujet de l’homosexualisation de l’homme-objet qui s’hétérosexualise et incarne l’« Éternel Masculin » (dans le code « Don Juan » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), on constate exactement le même phénomène avec la femme-objet : plus une femme s’hétérosexualise et cherche à devenir objet, à représenter l’« Éternel Féminin », plus elle prend des traits androgynes et lesbiens. Je me faisais encore la remarque en voyant les nombreux clichés de Grace Jones au vernissage de l’Exposition Jean-Paul Goude au Musée des Arts Décoratifs de Paris, le 10 novembre 2011. Il existe des liens très forts entre le monde de la prostitution féminine et le lesbianisme. Par exemple, dans le docu-fiction « Tierra Madre » (2011) de Dylan Verrechia, Aidee, l’héroïne, est lesbienne de jour, et strip-teaseuse de nuit dans une boîte. Je développe plus largement l’idée de la parenté femme-objet/lesbienne dans le code « Putain béatifiée » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

c) Devenir la Joconde :

La Joconde d'Andy Warhol

La Joconde d’Andy Warhol


 

Ce n’est pas un hasard si la Joconde a été récupérée par de nombreux artistes homosexuels. Certains disent qu’elle était en réalité l’amant caché de Léonard de Vinci, Salai. Pour commencer, l’homosexualité de Léonard de Vinci, le père de La Joconde, est passée à la postérité et fut même étudiée par Sigmund Freud. Et ensuite, comme le désir homosexuel dit un désir de devenir objet, et qu’à mon sens, Mona Lisa est la première femme-objet officiellement mondialisée de l’Histoire de l’Humanité, il est logique qu’on la retrouve énormément dans l’univers artistique homosexuel : cf. la sérigraphie Mona Lisa (1963) d’Andy Warhol (on dit d’ailleurs que la Marilyn Monroe de Warhol est la « Mona Lisa du XXe siècle »), la photo La Joconde aux moustaches (1919) de Marcel Duchamp, le tableau photographique Autoportrait à la Mona Lisa (1973) de Salvador Dalí, etc. Pour la petite histoire, le Mona Lisa était une résidence de luxe hébergeant des personnes homosexuelles à Nice. Plus proche de nous, le chroniqueur homosexuel français Steevy Boulay a une représentation de La Joconde dans sa cuisine.
 

Le tableau Autoportrait à la Mona Lisa de Salvador Dalí

Le tableau Autoportrait à la Mona Lisa de Salvador Dalí


 

Si on y réfléchit bien, Mona Lisa est un costume de travelo à elle toute seule : « Et cette Joconde du kabuki qu’est Tamasaburo, le plus célèbre onnagata, ne répond-il pas à un vœu de perfection aussi bien qu’à un désir homosexuel, comme Mishima lui-même le reconnaissait lorsqu’il lui dédiait une nouvelle. » (Georges Banu, « Jeux théâtraux et enjeux de société », dans l’essai Le Corps travesti (2007) de Georges Banu, p. 3) D’ailleurs, elle ne brille pas par sa féminité. Elle a un visage bien à elle, reconnaissable parmi mille, … et pourtant asexué.
 

La Joconde est également l’être humain violé, femme comme homme, figé et utilisé comme un objet : « J’attendis le moment idéal pour réaffirmer au père Basile, mon intention de tout quitter […], avec cet aspect froid que mon regard soutenait, l’ironie de mon sourire ; ce sourire qu’il appréciait à chacune de nos rencontres et qu’il comparait à celui, éternellement figé, de la Joconde. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du prêtre pédophile qui abusait de lui, dans l’autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 47)
 
 

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Code n°68 – Femme allongée (Ophélie / Femme qui tombe / Femme faussement endormie)

femme allongée

Femme allongée

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Couchée, inanimée, panier !

 
 

Film "La Belle et la Bête" de Jean Cocteau

Film « La Belle et la Bête » de Jean Cocteau


 

Elle est là, posée horizontalement, comme une diva sur son canapé en velours, comme une star portée aux nues par ribambelles d’hommes en costard qu’elle a piégés, comme une femme endormie ayant mystérieusement capturé le désir de son fan homosexuel qui l’observe sans la toucher (surtout pas ! la déesse-sphinx ne doit se toucher qu’avec les yeux !). La femme allongée est la momie déifiée mais aussi massacrée par la communauté homosexuelle, car elle est veillée comme une femme-vampire qui peut se réveiller à tout moment et attaquer sans crier gare. Dort-elle vraiment ? Est-elle morte ? On a un gros doute. Pourquoi l’égérie gay tombe-t-elle souvent pour finir comme une sainte reposant dans sa chasse ? Certainement pour magnifier les chutes et pour prouver qu’elle y survivra. En tout cas, elle conserve un grand pouvoir et sex-appeal, même en état de repos. Dans les fictions homo-érotiques, les femmes sont souvent représentées en train de tomber, de dormir, ou à l’horizontal, parce qu’elles sont remplacées par la femme-objet cinématographique inconsciente, évanouie, assassinée, violée, passive, exposée, suspendue, inerte, inaccessible. La femme allongée est la marque esthétisée de l’idolâtrie et de la misogynie homosexuelles à l’égard des femmes réelles. Et aussi, je crois, la preuve que le désir homosexuel est un élan lâche, inhumain, bourgeois, de viol, irréel, matriarcal et peu paternel, endormi.
 

Bette Midler

Bette Midler


 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Dilettante homo », « Eau », « Sommeil », « Regard féminin », « Mort = Épouse », « Bergère », « Matricide », « Vierge », « Femme au balcon », « Sirène », « Femme fellinienne géante et Pantin », « Tante-objet ou Maman-objet », « Oubli et Amnésie », « Grand-mère », « Carmen », « Cercueil en cristal », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Voyeur vu », « Espion gay », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Actrice-Traîtresse », « Femme étrangère », « Mariée », « Viol », « Planeur », « Un Petit Poisson Un Petit Oiseau », « Destruction des femmes », « Talons aiguilles », « Poupées », « Pygmalion », « Femme et homme en statues de cire », à la partie « Chute » du code « Icare », à la partie « Je suis mort » du code « Mort », et à la partie « Catwoman » du code « Femme-Araignée », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Marie, couche-toi là !

Film "Die Ehe Der Maria Braun" de Rainer Werner Fassbinder

Film « Die Ehe Der Maria Braun » de Rainer Werner Fassbinder


 

La femme allongée ou endormie est un cliché homosexuel très présent dans les fictions : cf. le film « Swimming Pool » (2002) de François Ozon, le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce, la chanson « Aurore » de Bruno Bisaro, le film « Ostia » (1970) de Sergio Citti, le film « L’Arrière-Pays » (1997) de Jacques Nolot, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, le vidéo-clip de la chanson « Ma Révolution » de Cassandre, le film « Le Roi Jean » (2009) de Jean-Philippe Labadie, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio (avec Alicia), le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec Julia observant son amante Helena endormie et allongée), le tableau La Blanche et la Noire (1913) de Félix Valotton, le film « Il ou elle » (2012) d’Antoine et Pascale Serre, etc. Par exemple, dans le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier, on ne voit que les héroïnes lesbiennes allongées, en train de comater pendant l’été, de lézarder sur le lit, prenant leur bain. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, les deux héroïnes lesbiennes sont presque tout le temps filmées endormies ou ensommeillées ; d’ailleurs, l’un des tableaux que fait Emma de son amante Adèle est justement une femme allongée. Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil se met en position fœtale dans une baignoire inclinée.
 

Film "Gilda" de  de Charles Vidor

Film « Gilda » de Charles Vidor


 

La femme endormie est souvent la mère du héros homosexuel : cf. le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec la maman de Paul et Élisabeth), le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz (avec la maman de Mathieu endormie), le roman Willowra (2008) de Kadyan (avec le corps allongé de la grand-mère de Gabrielle), etc. « Dans l’un de ces lits gisait sa mère. Le blanc de son visage se fondait dans la blancheur des draps. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 31) Par exemple, dans le film « El Beso De La Mujer-Araña » (« Le Baiser de la Femme-Araignée », 1985) d’Hector Babenco, Molina, le héros homosexuel, parle à sa mère endormie, qui ne lui répond pas. Cette mère n’est pas forcément la génitrice biologique. C’est plutôt la mère cinématographique, fantasmée, l’actrice dans sa vitrine : cf. le film « La Fille dans la vitrine » (1961) de Luciano Emmer. « Si je me lève tôt, suis plus la même : la vie a bon dos. » (c.f. la chanson « Get up Girl » de Mylène Farmer) ;
 

"Angel" de Thierry Mugler

« Angel » de Thierry Mugler


 

La femme adulée par le personnage homosexuel apparaît parfois allongée en lévitation entre terre et eau, comme la fameuse Ophélie : cf. la pièce Sainte Geneviève dans sa baignoire (1966) de Copi, le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne (où est revisité le conte de La Belle au bois dormant), le tableau Ophélie (1852) de John Everett Millais, le poème « Ophélie » d’Arthur Rimbaud, la chanson « Ophélie » de Dave, les toiles d’Ophélie de Gustave Moreau, etc.
 

C’est le fait qu’elle soit allongée qui, aux yeux du héros homosexuel, contribue à la beauté et au charme de la femme : « Et cette nuit, dans ce lit, tu es si jolie. » (cf. la chanson « Les Yeux noirs » du groupe Indochine) ; « Lady Gaga, elle n’a plus qu’à aller se coucher. » (le narrateur homosexuel imitant la chanteuse sur « Bad Romance », dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair) ; « Sentinelle idolâtre et gardien du temple de tes nuits, je monte la garde et tu commences à vivre ton autre vie. » (cf. la chanson « Jalousies » d’Étienne Daho) ; « J’ai comme une envie de voir ma vie au lit. » (cf. la chanson « Je t’aime Mélancolie » de Mylène Farmer) ; « Mme Yank allongée sur son lit… » (Pretorius parlant de Madame Yank, la comptable de 80 ans de l’Hôtel du Transylvania, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « J’aimerais être là à vous regarder dormir. » (Marianne s’adressant à son amante Isabelle, dans le concert d’Oshen – Océane Rose-Marie – à L’Européen, à Paris le 6 juin 2011) ; « Allongé, le corps est mort. Pour des milliers, c’est un homme qui dort. » (cf. la chanson « C’est une belle journée » de Mylène Farmer) ; « Elle dort’, se dit-il. » (Paul Esménard à propos de Berthe, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 112) ; « Tu étais si jolie, couchée, là, les cheveux étalés sur le tapis. » (Rachel s’adressant à son amante Ninette dans la pièce Three Little Affairs (2010) d’Adeline Piketty) ; « Tu es très mignonne couchée là. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 20) ; etc.
 

Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Rosa, la jolie prostituée, a couché avec le jeune Moustique qu’elle a dépucelé sur sa demande, et lui fait un reproche une fois qu’elle s’est réveillée : « Pourquoi tu m’as laissée dormir ? » Le jeunot lui rétorque : « Pour te regarder. Pour mieux me rappeler plus tard. » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Virginia Woolf regarde avec tristesse son amante Vita Sackville-West endormie.
 

Film "Pink Narcissus" de James Bidgood

Film « Pink Narcissus » de James Bidgood


 

Le personnage homosexuel cherche à imiter cette femme allongée et considère son amant pour celle-ci. Visiblement, « faire la planche » (sur l’eau, entre autres), cela revient symboliquement à s’homosexualiser. Par exemple, le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma s’achève par l’image d’Anne et de Marie allongées sur le dos dans l’eau de la piscine déserte. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny a peur de s’abandonner, et donc son amant Romeo lui apprend à faire « la planche » dans la mer : « Pour flotter, il faut lâcher prise et tout oublier. » Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam apprend aussi à Lukacz à faire la planche pour qu’il sache nager.
 
 

b) Le sommeil ambigu et inquiétant :

Film "Les Garçons d'Athènes" de Costantinos Yannaris

Film « Les Garçons d’Athènes » de Costantinos Yannaris


 

L’adoration laisse très vite place au soupçon. La femme allongée a un drôle de sommeil qu’elle a l’air de contrôlé ou qui semble exercer un pouvoir sur ceux qui l’observent : cf. la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi (avec Agathe), la pièce musicale Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro (avec la femme endormie aux yeux mi-clos), le tableau Rolph Panteross… The Drak Cat – Like Mutant de Lorenn le Loki, les films « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq, le film « Le Secret de Veronika Voss » (1982) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat, le film « Lifeboat » (1944) d’Alfred Hitchcock (avec Constance, la bourgeoise, qui fait semblant de dormir), le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot (avec la Duchesse de Polignac contemplée par Sidonie, également lesbienne), etc.
 

Magiquement, le veau d’or féminin s’anime : « Une femme est endormie. Une femme sort du sommeil. » (cf. une réplique du film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver) ; « Laëtitia jouait l’indifférence, mais l’était-elle vraiment ? » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 45) ; « La maîtresse des lieux, Pauline Bonaparte, couchée sur son divan de marbre, vous reçoit, hautaine et secrète, avec l’air de vous susurrer des choses inavouables, tant elle est sensuelle et provocante. » (Éric, l’un des héros homosexuels, en parlant de la statue de Canova à la Villa Borghese, dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 19) ; « Je suis stoïque mais plus pour longtemps. » (cf. la chanson « Pas de doute » de Mylène Farmer) ; « I can’t wake up Daphnée, she is sleeping ! » (Jean, le héros homosexuel s’adressant à John, le mari de Daphnée, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Oh putain, cette fille-là, elle marche pieds nus dans la rue. Elle mord les garçons. C’est là qu’elle m’a convaincu. […] Oh ! Regardez comme elle dort. » (cf. la chanson « Alertez Managua » d’Indochine) ; etc.
 

Par exemple, la première image du film « L’Embellie » (2000) de Jean-Baptiste Erreca montre Saïd, le héros homo, qui dort ; un peu plus tard, Noria, la sœur de Saïd, qui a très bien vu que Karim, l’autre héros homo, rentrait dans sa chambre, simule le sommeil profond. Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Jean-Pierre, face à Catherine (l’héroïne lesbienne) endormie, dit qu’il fait de la narcolepsie. Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, Malik, le héros homosexuel, réveille avec angoisse sa mère qui sommeillait : « Tu m’as fait peur. J’ai cru que t’étais morte. » Dans le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, Williams, le héros homosexuel, passe ses nuits à veiller en secret Leonora endormie : il finira par mourir à cause des rayons oculaires dorés que lui envoie son irradiante idole ensommeillée. Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, Raymond, le personnage homo refoulé, observe Caroline endormie sur son canapé, et exprime son attirance autant que sa crainte : « Elle est mignonne quand elle dort. Dommage qu’elle soit… enfin, passons. » Elle sort de son sommeil et le prend en flagrant délit d’aveu : elle insiste pour qu’il termine sa phrase !
 

La femme allongée homosexualise parfois le héros à son insu, par sa fausse passivité ou parce qu’elle lui fait peur en l’impressionnant (il a peur de la casser !). « Ethan ne sait pas depuis combien de temps il regarde Hillary dormir. Les draps blancs ne recouvrent que la moitié de son corps. Le reste, Ethan le caresse doucement, du bout des doigts, comme une œuvre d’art trop fragile. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 13) Par exemple, dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, Alice fait semblant de dormir et espionne Julien et Fred en train de coucher ensemble. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Marc, le héros homosexuel vivant une liaison homosexuelle secrète, regarde sa femme enceinte Bettina dormir, rester indifférente à sa « mutation » homosexuelle. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara, l’héroïne lesbienne, observe sa meilleure amie Zoé endormie et allongée dans une fascination muette : celle-ci, sortant de son sommeil, s’en inquiète (« Ben pourquoi tu me regardes comme ça ? »).
 
 

Fernand (parlant de Mathilde Cazenave) – « Elle dort.

La mère de Fernand (incestueuse et castratrice) – Elle fait semblant. Viens. »

(cf. les premières lignes du roman Génitrix (1928) de François Mauriac, p. 7)
 
 

La belle vestale qu’est la femme allongée n’est pas tellement une femme : elle est une icône de l’hyperféminité et de l’hypermasculinité confondues, une allégorie de l’androgyne asexué (incarné imparfaitement par le héros transgenre ou transsexuel ou homosexuel) : « Une infirmière apparût. Elle resta immobile quelques secondes, fascinée par le grand sourire de la jeune femme qui se trouvait dans le coma il y avait à peine une demi-heure. […] Maria-José [le héros transsexuel M to F] fit semblant de se rendormir. » » (Copi, « Le Travesti et le Corbeau » (1983), p. 34) La femme allongée est en réalité un leitmotiv de la fantasmagorie sadomasochiste et fétichiste : « Elle est là, ma Vénus allongée, le corps et les poignets sanglés. Dans son imper en latex elle m’observe comme la proie de ses projets. Attitude polaire de surface, sourire de Joconde apaisé. Elle est la main qui me cherche et me frôle du bout de ses ongles laqués. » (cf. la chanson « Les Liens d’Éros » d’Étienne Daho)

 
 

c) Femme couchée = femme violée et à violer :

Inaccessible, indifférente, immatérielle, la femme allongée finit par n’engendrer que frustration chez son fan homosexuel, qui va finir par la détruire pour l’immortaliser encore davantage.
 

On doute encore pour savoir si elle dort ou si elle s’est suicidée, car l’eau de sa baignoire se teinte de rouge : cf. le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec la mère de Romain, le héros homo, dans sa baignoire pleine d’eau rouge), le film « X2000 » (2000) de François Ozon, le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le film « De la chair pour Frankenstein » (1974) d’Antonio Margheriti et Paul Morrissey, le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg (avec Pia, la femme – peut-être morte – dans sa baignoire), le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar, le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon (avec Mousse, la femme peut-être morte dans sa baignoire), etc. « Comme d’un cercueil vert en fer-blanc, une tête de femme à cheveux bruns fortement pommadés d’une vieille baignoire émerge, lente et bête, avec des déficits assez mal ravaudés. » (cf. l’extrait du poème « Vénus Anadyomène » d’Arthur Rimbaud) ; « Ses beaux yeux sont fermés. J’ose pas demander qu’on les ouvre. Et je le regretterai après le trop-tard : c’était ses yeux que je voulais voir. » (le jeune narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 71) ; « Jane s’éveilla en sursaut, son bras droit projetant des éclaboussures en cherchant une prise sur la paroi de la baignoire. Elle avait de l’eau dans le nez et elle s’étouffa, toussa, tandis qu’elle se redressait à grand-peine. Pendant un moment, elle crut que c’était une répétition de son rêve de la nuit précédente qui l’avait réveillée, puis elle entendit les cris, durs et gutturaux, dans la cage d’escalier. L’eau était froide, ses membres s’étaient raidis, et elle eut du mal à sortir de la baignoire. Elle éprouva un bref instant de désarroi en voyant que la bougie avait diminué de plus de deux centimètres. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 42) ; etc. Par exemple, dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara, l’héroïne lesbienne, fait son Ophélie dans l’eau pendant que son groupe de camarades s’éclate vulgairement (le prof de voile, dans un premier temps, s’imagine même qu’elle est morte noyée sur la plage). Dans le film « Le Naufragé » (2012) de Pierre Folliot, à travers une hallucination vraisemblable, la mère d’Adrien, le héros homosexuel suicidé par noyade, voit en vrai son fils mort dans sa baignoire.
 

La femme vénérée par le personnage homosexuel est souvent inerte voire morte : cf. le film « Laura » (1944) d’Otto Preminger, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, le film « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman, le poème « Canción A Una Muchacha Muerta » de Vicente Aleixandre, etc. Le veilleur homosexuel embaume son idole féminine : cf. le film « Habla Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar (avec Benigno s’occupant de sa patiente dans le coma… et qu’il finira par violer dans son sommeil), la nouvelle « Adiós A Mamá » (1981) de Reinaldo Arenas, le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (avec Odetta, inanimée et morte à cause d’une photographie, ou bien encore la servante enterrée vivante), le film « Juste un peu de réconfort » (2004) d’Armand Lameloise (avec la mère à l’hôpital), le film « Les Chansons d’amour » (2007) de Christophe Honoré (avec Julie), le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau (avec Eurydice), les vidéo-clips des chansons « Tristana » et « Fuck Them All » de Mylène Farmer, le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues (avec Odete qui s’allonge sur une tombe), la comédie musicale Fame (2008) de David de Silva (avec l’enterrement de la grande tante de Joe), la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec l’enterrement de la grand-mère de Louis), le roman Un Goûter d’anniversaire (2004) de Jean-Claude Tapie (avec l’enterrement de la mère), la chanson « Dead In The Water » d’Ellie Goulding, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec l’enterrement de la mère de la fleuriste), le film « La Déchirure » (2007) de Mikaël Buch (avec la veillée mortuaire), le film « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar, le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald (avec la mère de Prentice, en phase terminale de cancer), le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek (avec l’enterrement final de la grand-mère), etc.
 

Le personnage homosexuel exerce une forme de violence (incestueuse, ou carrément de l’ordre de la profanation qu’est le viol) sur la femme étendue qui l’a/l’aurait « trahi » : cf. le film « Ma Mère » (2003) de Christophe Honoré (avec la mère sous cercueil), le poème « El Cadáver » de Néstor Perlongher (avec la dépouille caricaturée d’Eva Perón), la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas (avec Léo, le héros homosexuel, croque-mort et embaumeur de femmes mortes), etc. Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Danny, le jeune héros homosexuel, vient de perdre sa mère et n’en semble pas du tout affecté : « Je l’ai trouvée morte il y a 10 jours sur le canapé. Elle avait bu. »
 

Souvent, il la maltraite, la rêve morte. « J’aime voir ce que font les gens qui se croient seuls. Parfois, j’espionne ma sœur dans sa chambre. Je la regarde dormir. » (Tommy dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Son cadavre est couché sur le divan de votre loge. » (Vicky en parlant de Madame Lucienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Mamie nous avait quittés l’an passé pour un cercueil couvert d’exorbitantes fleurs, confectionnées dans la soie laiteuse du lys et le lin chiffonné d’écarlates pavots. » (cf. un extrait d’une nouvelle « L’Encre » (2003) d’un ami angevin, p. 59) ; « C’est beau de sublimer, mais je commence à être pas mal vieux pour rêver que Jean Besré se meurt d’amour pour moi ou que Guy Provost m’enterre sous des tonnes de fleurs coupées parmi les plus rares et les plus odorantes. Ce petit théâtre ne suffit pas à remplir ma vie ni à combler mon besoin d’amour. » (le narrateur homosexuel parlant de l’opéra La Bohème de Puccini, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 19) ; « On sort le cadavre dans le couloir dans un brancard couvert d’un drap. […] Le drap glisse et laisse voir une figure boursouflée qui est celle de Marilyn. Je pousse un cri, je me réveille couvert d’une sueur froide. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 50) ; « Je ne vais pas me faire violer dans une baignoire. » (Micheline, le héros travesti M to F de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Je suis absolument bouleversée, il vient de m’arriver une chose atroce ! Je me suis fait violer par mon chauffeur, c’est le mari de ma gouvernante, ce sont des gens terrifiants, elle s’habille en gitane pour me faire honte lors de mes réceptions. Elle surveille tous mes gestes, je l’ai surprise à me photographier dans ma baignoire ! Et son mari est un colosse qui m’a violée à deux reprises ! » (« L. », le héros transgenre M to F, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Je vous raccompagne chez vous et je vous mets dans votre baignoire ! » (Martin s’adressant à Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Jane pensait avoir rêvé de Greta, la mère d’Anna, qui reposait sous le plancher du deuxième étage, mais dans son rêve Greta se mélangait avec des putes d’Alban et la fille assassinée du film ; la façon dont ses yeux s’étaient écarquillés quand le couteau s’était enfoncé. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 79) ; « L’obscurité commençait à filtrer à l’intérieur de l’église, les ombres des arbres du cimetière entraient par les fenêtres en vitrail et s’allongeaient sur les dalles de pierre. » (idem, p. 204) ; « Greta aimait bien boire l’après-midi et après elle s’endormait sur notre canapé. Elle était très belle quand elle dormait, comme une petite fille. » (Frau Heike Becker parlant de Greta la prostituée-mère, op. cit., p. 247) ; « Je me souviens de la couverture dans laquelle nous l’avons enveloppée, du bruit des planches qui couinaient quand tu les soulevais. Quelqu’un pleurait. Par moments, je crois que c’était moi, mais à d’autres, je crois que c’était toi, ou peut-être Greta/ Peut-être qu’elle n’était pas morte quand tu l’as clouée là-dessous. » (Karl Becker s’adressant à sa femme Heike, qui ont planqué et enterré secrètement le corps de Greta, op. cit., p. 248) ; etc.
 

Le héros homosexuel aime bien faire tomber la femme-objet à la renverse (couchée ! panier !) et la montrer comme prisonnière des carcans de sa féminité d’accessoire (maquillage coulant, talons aiguilles trop hauts, robe moulante, chirurgie esthétique grossière, robe à crinoline, etc.). Elle DOIT chuter : cf. le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec Lena chutant dans les escaliers), le début du vidéo-clip de la chanson « Like A Prayer » de Madonna, la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet (avec Octavia, le sublime transsexuel M to F se cassant la gueule dans les escaliers), Le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, le film « Patrik 1.5 » (« Les Joies de la famille » (2009) d’Ella Lemhagen (avec le générique final), le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot (avec Sidonie, l’héroïne lesbienne trébuchant dans sa robe du XVIIIe siècle), etc. Par exemple, dans le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, les princesses se prennent les pieds dans leur robe. Dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier, Lourdes (sosie obèse de Marilyn Monroe, version hippopotame en tutu), chute sans arrêt : « On n’est pas toujours en équilibre avec son corps. […] Encore un mythe qui s’écroule. » Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Isabelle est en fauteuil depuis qu’elle a eu un dramatique accident de vélo et s’est fait renverser par une voiture.
 

« Tout le restaurant éclata de rire lorsqu’elle trébucha sur le pas de la porte et s’écroula par terre. » (Copi, « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 31) ; « Sans lunettes, à la place des visages elle ne voyait que des taches lumineuses. D’où sa crise de nerfs quand elle tomba à terre. Elle croyait à un coup monté par une actrice rivale pour la ridiculiser en public. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 15) ; « Greta est une pute. Je l’attends. Quand elle descendra l’escalier, je lui ferai un croche-patte et je lui enfoncerai les yeux dans les orbites. » (Frau Becker s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 213) ; « Anna bascula et tomba dans la cage d’escalier. Elle se cogna au mur une fois dans sa chute, puis atterrit sur le sol avec un bruit sourd discret et définitif. » (Jane, op. cit., p. 245) ; « Et là, je me voyais courir dans les champs, cheveux au vent, comme dans la Petite Maison dans la prairie, avec la petite fille qui se cassait la gueule. » (Fabien Tucci, homosexuel, s’identifiant à Laura Ingals, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « J’ai été obligé de laisser Cécile étendue sur le sol. C’est pas grave, c’est qu’une fille. On s’en fiche. » (idem) ; etc.
 

Geri Halliwell dans le vidéo-clip de la chanson "Too Much" des Spice Girls

Geri Halliwell dans le vidéo-clip de la chanson « Too Much » des Spice Girls


 

La femme allongée est cette femme collabo hétérosexuelle qui consent à se faire manipuler par les hommes qui la portent, pour mieux les asservir par son charme et son action statique : cf. le vidéo-clip de la chanson « Too Much » des Spice Girls (avec Geri Halliwell en vamp se laissant porter par des marins), le film « Les Hommes préfèrent les blondes » (« Gentlemen Prefer Blondes », 1953) d’Howard Hoaks, etc. La pute encore à son stade larvé, c’est-à-dire la pin-up, quoi.
 

Film "Certains l'aiment chaud" d'Howard Hoaks

Film « Certains l’aiment chaud » d’Howard Hoaks


 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Marie, couche-toi là !

Une fois ramenée au réel, la femme allongée adulée par les personnes homosexuelles est davantage une posture ou une attitude (asexuée et hypersexualisée) qu’une femme réelle : « Je passe l’essentiel de ma vie allongé. » (Christian Giudicelli dans son autobiographie Parloir (2002), p. 42)
 

La femme allongée (et en particulier dans l’eau), symboliquement, c’est vraiment l’icône narcissique de l’indifférenciation des sexes, de l’immaturité sexuelle (= rester dans le liquide amniotique éternellement, en fusion incestueuse avec maman), du désir hermaphrodite de toute-puissance (d’ailleurs, dans le mythe grecque d’Hermaphrodite, on retrouve vraiment cette idée), de la bisexualité. Bruno Gaccio ne me contredira pas sur ce point.
 

Bruno Gaccio

Bruno Gaccio

 

Je vous renvoie par exemple au film expérimental « Le Sang d’un poète » (1930) de Jean Cocteau (avec l’hermaphrodite allongé sur un sofa).
 

Film "Le Sang d'un poète" de Jean Cocteau

Film « Le Sang d’un poète » de Jean Cocteau


 

La femme allongée est, à mon avis, le témoin d’un complexe d’Œdipe absolument pas géré par les personnes homosexuelles (autrement dit un trouble de l’attachement avec la mère et le père, principalement) : « Nous sommes entrées dans la pièce des consultations, ma mère a été allongée sur la table. […] D’un seul coup, ce fut comme si c’était moi, exhibée ainsi. […] Jamais femme ne sera plus proche de moi, jusqu’à être comme en moi. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), pp. 20-22) ; « Elle était couchée sur un chariot, calme, parfaitement sereine. » (Denis Daniel en parlant de sa mère, dans son autobiographie Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 44) ; etc. Elle est une sublimation fantasmatique du viol ou de l’inceste. Par exemple, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias s’extasie devant sa grand-mère chérie, « une très belle femme vieillissante aux cheveux très longs : une sorte de vieille Mélisande étendue sur un lit voilé de dentelles » (p. 192).
 

Film "Suddenly Last Summer" de Joseph Mankiewicz

Film « Suddenly Last Summer » de Joseph Mankiewicz


 
 

b) Le sommeil ambigu et inquiétant :

Marilyn Monroe

Marilyn Monroe

C’est la raison pour laquelle la femme allongée est un leitmotiv de la fantasmagorie sadomasochiste et fétichiste : cf. les écrits de Léopold Von Sacher-Masoch). Elle représente cette femme maternelle inaccessible, la femme-objet dominatrice et hypnotisante. « Ernestito parvint à ouvrir les yeux, à se décoller du matelas et à récupérer la liberté de ses mouvements. Tiré par un fil invisible, il se retrouva au pied du lit de sa mère. Cecilia [la mère d’Ernestito] dormait, un sourire aux lèvres. Il crut qu’elle ronflait. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 263)
 
 

c) Femme couchée = femme violée et à violer :

Film "Anatomie de l'enfer" de Catherine Breillat

Film « Anatomie de l’enfer » de Catherine Breillat


 

En toile de fond, on lit chez ce fantasme homosexuel d’incarner la femme allongée une phobie de la sexualité, une atrophie du désir, et une réelle misogynie (haine des femmes). Je vous renvoie à l’affiche du concert de Mylène Farmer au Stade de France pour sa tournée 2009 (avec la chanteuse couchée au sol telle une poupée désarticulée et inanimée), aux femmes endormies dans le documentaire « Mamá No Me Lo Dijo » (2003) de Maria Galindo, au récit de la veillée autour du sarcophage de la grand-mère dans l’autobiographie La Mauvaise Vie (2005) de Frédéric Mitterrand (p. 266), aux films du cadavre de Candy Darling réalisés par Andy Warhol, à l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias (avec la femme allongée momifiée), etc. Le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, racontant le parcours affreux de Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, pour changer de sexe, démarre et finit sur des images de lui endormi, mais réveillé doucement par son nouveau prénom « Lara » susurré.
 

Marie-Antoinette, la Reine déchue

Marie-Antoinette, la Reine déchue


 

Un certain nombre de personnes homosexuelles trouvent la chute de la femme-objet drôle et surtout sexy : cf. la chute de Frigide Barjot, de Mylène Farmer, de Madonna, etc. « La Chola [homme transsexuel M to F] avançait d’un pas décidé, malgré le déséquilibre que provoquaient ses talons aiguilles qui s’enfonçaient dans le chemin de terre battue. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 233) Par exemple, dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), le travesti M to F David Forgit se ramasse plusieurs fois sur scène, et ce, dès son entrée en talons hauts. Elle permet de donner une touche glam à leur pulsion de mort et de perdition.
 
 

 

 

 
 
 

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