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Code n°114 – Mariée (sous-codes : Robe blanche tachée de rouge / Règles / Sang / Laverie)

mariée

Mariée

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La Mariée lesbienne ou célibataire, témoin sanguinolent du viol de la pureté

 

Film "La Reine Margot" de Patrice Chéreau

Film « La Reine Margot » de Patrice Chéreau


 

« Vive la Mariée ! » exultent les personnes homosexuelles pratiquant leur homosexualité. Évidemment, pas la mariée réelle, c’est-à-dire celle qui aime la différence des sexes, mais bien ce personnage cinématographique de comédie romantique ou de films d’horreur qui va nier la vraie féminité, nier la différence des sexes, et qui se réduit à un costume de travelo. Le problème, c’est que ce mythe asexué et androgynique de la femme-objet meringuée rentre en conflit et se voit menacé par l’incarnation de chair et de sang de la véritable femme en costume de noces. C’est le sang humain (présent notamment dans les règles/menstruations féminines) qui désigne la « Mariée-Veau d’or » que la communauté LGBT a érigée, comme un monstre de pacotille. Rien d’étonnant, donc, que la mariée soit à la fois adulée (imitée, même, dans les cas de « mariages gays ») et salie (au moins par la dérision et l’injure) par les personnes homosexuelles, et que le sang (pourtant naturel et vital) des couches ou des règles soit rendu coupable de meurtre.
 

Vidéo-clip de la chanson "Heart" des Pet Shop Boys

Vidéo-clip de la chanson « Heart » des Pet Shop Boys


 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Lune », « Blasphème », « Maquillage », « Ennemi de la Nature », « Plus que naturel », « Bergère », « Vierge », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « L’hétérosexuel = L’homosexuel », « Femme et homme en statues de cire », « Reine », « Actrice-Traîtresse », « Destruction des femmes », « Haine de la beauté », « Femme allongée », « Vampirisme », « Main coupée », « Regard féminin », « Tante-objet ou Mère-objet », « Mère possessive », « Désir désordonné », « Moitié », « Cour des miracles homosexuelle », « Sirène », « Corrida amoureuse », « Clown blanc et Masques », « Ombre », « Adeptes des pratiques SM », « Prostitution », « Parricide la bonne soupe », à la partie « Bourgeoise prostituée rentrant dans une église » du code « Bourgeoise », à la partie « Homme voilé », du code « Homme invisible », à la partie « Femme en rouge » du code « Carmen », à la partie « Veuve » du code « Mort = Épouse », et à la partie « Maniaque de la propreté » du code « Homosexuels psychorigides », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) Vive la mariée (meringuée !) :

Film "Muriel" de P.J. Hogan

Film « Muriel » de P.J. Hogan


 

Dans les fictions homo-érotiques, le personnage de la mariée occupe une grande place : cf. la pièce Nationale 666 (2009) de Lilian Lloyd, le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret (avec la sœur de Clara l’héroïne lesbienne), la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi (avec Jeanne en robe de mariée), le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza (avec la reprise de la chanson « Pénélope » de Georges Brassens, et la mention de la mariée), le film « La Robe de mariée » (2009) de Viktoria Dzurenkova, le film « Corazones De Mujer » (2008) de Davide Sordella et Pablo Benedetti, la pièce La Tragi-comédie de Don Cristóbal et Doña Rosita (1936) de Federico García Lorca, le vidéo-clip de la chanson « Empire » de Shakira, l’installation La Mariée mise à nu par ses célibataires même (1915-1923) de Marcel Duchamp, le film « Rachel se marie » (2009) de Jonathan Demme, le vidéo-clip de la chanson « Lawn Ayounak » de Nancy Ajram, la pièce Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou, le concert du chanteur Mika à Paris-Bercy le 26 avril 2010, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, le film « Le Mariage de mon meilleur ami » (1997) de P. J. Hogan, le film « Un Mariage » (1977) de Robert Altman, le film « Les Roseaux sauvages » (1994) d’André Téchiné, le film « April’s Shower » (2003) de Trish Doolan, le poème « Oda A Walt Whitman » (1940) de Federico García Lorca, la pièce Open Bed (2008) de David Serrano et Roberto Santiago, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, le film « Brigade des mœurs » (1958) de Maurice Boutel, le film « A Noi Piace Freddo » (1960) de Steno, le film « That Tender Touch » (1969) de Vincent Russel, le film « Tricia’s Wedding » (1971) de Mark Lester, etc. Par exemple, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros bisexuel, tombe amoureux d’une belle Suédoise, Ana, qui est déguisée en femme mariée pour sa fête costumée. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Marie couche avec son amante Aysla, le soir du mariage hétéro de celle-ci, et alors qu’elle est encore en robe de mariée. Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil, dans la peau de Valmont, est déguisée en femme mariée trônant sur sa chaise haute géante. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann, le héros homosexuel, apparaît, au moment du salut final, avec un voile de mariée sur la tête. Au moment du salut final de son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel arrive en mariée, avec son voile sur la tête. Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, pour le délire, Fripounet, l’un des serveurs excentriques de la boîte gay Chez Eva, se déguise en mariée.
 

Le vidéo-clip de la chanson "Heroes" de Conchita Wurst

Le vidéo-clip de la chanson « Heroes » de Conchita Wurst


 

Elle est quelquefois une réminiscence de la figure maternelle idéalisée : « Je décide d’attendre sans bouger un long et profond sommeil qui ressemble à la mort comme je l’imagine. J’y vois maman dans une grande robe blanche. Elle me sourit, court dans un champ de fleurs bleues. On dirait qu’elle vole. » (le jeune narrateur du roman Le Crabaudeur (2010) de Quentin Lamotta, p. 88)
 

B.D. Le Livre blanc de Copi

B.D. Le Livre blanc de Copi


 

La mariée adulée par le héros homosexuel n’est pas tellement une personne réelle, ni même nécessaire une femme : c’est plutôt un costume de travelo, un concept asexué, un rôle dans un bal costumé ou une cour des miracles interlope. D’ailleurs, la mariée peut très bien être l’amant homosexuel, l’allégorie de l’asexuation et de l’homosexualité : cf. l’autoportrait Les Mariés (1992) de Pierre et Gilles, le concert Météor Tour du groupe Indochine à Paris Bercy le 16 septembre 2010 (avec le mec déguisé en mariée), le vidéo-clip de la chanson « No Man’s Woman » de Sinead O’Connor, le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (avec « un hermaphrodite en voile de mariage »), la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim (avec Sébastien, le héros homo déguisé en mariée), etc. « Je la mets, moi, la robe, si vous voulez ! » (Dallas, l’assistant-couturier homosexuel, se dévouant parce qu’il manque une mannequin pour porter la robe de mariée du défilé haute couture de Cecilia, dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien).
 

Vidéo-clip de la chanson "Only Gay In The World"

Vidéo-clip de la chanson « Only Gay In The World »


 
 

b) La mariée détruite :

Photo "Crying Free Girl" de Dark Taz

Photo « Crying Free Girl » de Dark Taz


 

Parce que l’idéal de pureté et la différence des sexes que la mariée représente sont l’objet de déception chez le héros homosexuel, ce dernier va se mettre à détruire la femme réelle se destinant au mariage, princesse qu’il a confondue avec la poupée Barbie cucul des photos de mariage ou avec la mariée violée sanguinolente des films d’horreur. « Quand j’arrivai dans le dernier couloir menant à la tour Nord, j’eus la certitude d’apercevoir de nouveau un morceau de robe blanche et les rubans d’une robe de mariée flotter un instant à l’autre bout du lugubre corridor, avant de disparaître dans l’ombre. » (Bathilde parlant du fantôme de Lady Philippa, la femme violée, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 304) ; « On n’en voyait de là que sa blancheur suprême, plutôt la pâleur maladive d’une reine violée. » (cf. un extrait de la nouvelle « L’Encre » écrite par un ami angevin en 2003, p. 22) ; « Une sorcière en robe de mariée, voilà ce qu’il en est de ce fabuleux cygne. » (idem, p. 43) ; « Monsieur de la Torre, dites à votre épouse que la robe de mariée de votre femme nous a tous émerveillés ! » (Carlos, un ami homo du club gay clandestin de Ignacio, ironisant sur le mariage hétéro de ce dernier, dans le film « Le Bal des 41 » (« El Baile de los 41 », 2020) de David Pablos) ; etc. Par exemple, dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, la jeune Hache, la petite sœur de Rachel l’héroïne lesbienne qui va se forcer à se marier avec un homme, se moque de l’accoutrement de sa grande sœur : « T’as l’air d’une meringue. »
 

Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Emily est la femme mariée bafouée le jour de son mariage qui aurait dû être un conte de fée de petite fille et qui se transforme en cauchemar à cause du coming out de son presque-mari, Howard. Avec cet archétype de la « fille à pédé », le spectateur assiste à la destruction parodique de tous les clichés de la mariée-carte-postale : Emily (la pauvre godiche) part en courant de l’église, coince sa robe dans sa voiture décapotable, se prend les pieds dans ses voiles, pleure sa féminité humiliée, se paye une cuite le soir de son mariage, cherche à se suicider, le tout en gardant H24 sa robe de mariée clownesque.
 

Film "In & Out" de Frank Oz

Film « In & Out » de Frank Oz


MARIÉE Humiliation
MARIÉE humiliation 2
MARIÉE humiliation 2
 

On pourrait distinguer deux grands types de destructions de la mariée dans les fictions homo-érotiques : la destruction kitsch (mignonne et parodique) et la destruction camp (parodique aussi, mais trash). Pour la kitsch, on a par exemple le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, le film « Ma mère préfère les femmes » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman (avec les figurines des mariées lesbiennes sur le gâteau de mariage), le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache, etc. Pour la camp, on a le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud (avec les fiancés homos en voile-burka), le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan (avec le fils incestueux pourchassant sa mère en robe de mariée dans une forêt), la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, le film « Serial Noceurs » (2005) de David Dobkin, etc.
 

Film "Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma" de Pier Paolo Pasolini

Film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » de Pier Paolo Pasolini


 

Par exemple, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, les deux mamies en couple lesbien, Dotty et Stella, décident, avant que Dotty ne meure, de se marier. Mais pour la cérémonie et les costumes, elles se disputent pour être le marié. Aucune des deux ne veut être la mariée de leur mariage. C’est Stella, la plus camionneuse, qui finit par gagner. Dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, Marie-Solène, la mariée, est comparée à une prostituée sur qui tous les invités de l’église sont passés. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, les didascalies montrent une héroïne lesbienne en costume de noces mais en état de péché : « Lou, enceinte, en robe de mariée. » Dans le film « Daniel Y Ana » (2009) de Michel Franco, Daniel feuillette le catalogue de robes de mariée pour sa sœur… sœur qu’il sera obliger de violer sous la contrainte plus tard. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, dès le début on voit l’idolâtrie nationale iranienne pour le costume de mariée. À la fin, Adineh l’héroïne transsexuelle F to M est forcée par son père à se marier et à porter le carcan et le maquillage du costume de mariée. Le mascara noir coule sur ses joues. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine, la femme de Nicolas le héros homosexuel, est contrainte d’assister au mariage d’inconnus, Laurence et Martin, qu’elle cherche à détruire de son regard critique assassin : « On ne peut pas se concentrer avec deux obus pareils ! Une pute ! Avec des seins énormes ! »
 

"Quatre mariages et un enterrement" de Mike Newell

« Quatre mariages et un enterrement » de Mike Newell


 

Parfois, c’est plus grave : la mariée est en noir et ressemble à une veuve (donnant une piètre image du mariage) : cf. le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, la pièce Bodas De Sangre (1931) de Federico García Lorca, la pièce Veuve la mariée ! (2011) de David Sauvage (avec Priscilla), la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le film « Kill Bill » (2004) de Quentin Tarantino, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, le film « Quatre mariages et un enterrement » (1993) de Mike Newell, etc. Par exemple, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel et Léo vont au cinéma ensemble voir un film où un robot monstrueux tient dans sa main un marié et une mariée qu’il écrabouille. Dans la pièce Non, je ne danse pas ! (2010) de Lydie Agaesse, une femme en robe de mariée se suicide en sautant et « en flottant » par la fenêtre de l’immeuble : elle atterrit, toute cassée, sur une Volvo verte. Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, au début, on voit la grand-mère de Tommaso (le héros homosexuel), en flash-back, le jour de son mariage, en robe de mariée, qui manque de se tirer une balle de révolver dans la poitrine, face à l’homme qu’elle aime, parce qu’elle est forcée d’en épouser un autre qu’elle n’aime pas. C’est la figure romancée de la fugitive qui court au ralenti.
 

Film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman

 

La robe de mariée est enfin, me semble-t-il, la quintessence d’un totalitarisme puriste déçu. Par exemple, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum, psychanalyste suivant en thérapie un couple gay, Arnaud et Benjamin, s’extasie au Musée de la Mode sur une robe de mariée : « Oh ! Regardez là-bas ! Une robe de mariée des années 1920 ! » Cette robe réveille chez Arnaud une hystérie homophobe inattendue : « Parce que c’est la guerre !! Une fois que tonton Adolf a fini ces conneries, les Chinois ils sont revenus ! Et la robe avec ! » ; « Des vêtements moitié hybrides… c’était horrible. »
 
 

c) La robe tachée et le « problème » des règles/menstruations féminines :

La robe de mariée est en général considérée par le héros homosexuel comme une prison, le symbole du carcan pesant sur la féminité hétérosexualisée et soumise au machisme : cf. le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems. « Je déteste cette robe blanche et je vais la brûler… elle me rend idiote ! » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 50)
 

Film "My Beautiful Laundrette" de Stephen Frears

Film « My Beautiful Laundrette » de Stephen Frears


 

Le héros homosexuel n’accepte pas que la mariée soit fragile, vulnérable, qu’elle ne soit pas l’incarnation de la totalité de la différence des sexes. Il est obsédé par la blancheur des vêtements et passe parfois son temps dans les laveries automatiques : cf. le film « Nettoyage à sec » (1997) de Gilles Taurand, la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora (avec le pressing), le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears (avec Omar et Johnny, le couple homo ouvrant un pressing), le film « Odd Sock » (2000) de Colette Cullen (avec le coming out entre le fils et la mère face à la machine à laver), le film « Car Wash » (1976) de Michael Schultz, le film « When Night Is Falling » (1995) de Patricia Rozema, le film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné, le film « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » (1984) de Pedro Almodóvar, le poème Howlin’ (1956) d’Allen Ginsberg, le film « Les Chattes » (1964) d’Henning Carlsen (avec la blanchisserie), le film « Mondo Trasho » (1970) de John Waters, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau (avec les détergents), etc.

 

Par exemple, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, les amants Jean et Henri se rendent dans une laverie-pressing pour y piquer du fric. Dans la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters, Edna Turnblad, la mère de Tracy, est interprétée par un homme travesti, et passe son temps à « laver et repasser les vêtements des autres ». Dans le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes, Andrea, la mère de José le héros homosexuel (qui la tuera pour en faire une œuvre d’art), travaille dans un pressing. Dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, Antoine, le héros, se voit forcé de travailler pour Euroclean, une entreprise inhumaine dans le secteur du nettoyage. Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, Goliatha a « envoyé au pressing » la corde de sa patronne transgenre M to F « L. » avec laquelle celle-ci voulait se pendre. Dans le film « Sing » (« Tous en scène », 2016) de Garth Jennings, Gunther, le cochon homosexuel, se retrouve enfermé dans une machine à laver pendant sa chorégraphie avec Rosita.
 

Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, toute l’intrigue bisexuelle entre Rémi et Damien se déroule dans une laverie. Celle-ci est montrée comme le lieu par excellence de la drague amoureuse homosexuelle : « C’est calme, le soir, la laverie… » (Rémi) ; « Ça va devenir une habitude. La prochaine fois, on peut se filer directement rancard. » (Damien) ; etc. Rémi, qui ne se présente pas comme « homo », commence à s’enticher de Damien, l’hétérosexuel qui écoute « Take On Me » de A-ha dans la laverie et lave son linge avec la lessive OMO : « Je crois qu’il vaut mieux que tu restes encore mon pote de laverie… que tu ne restes que mon pote de laverie. » dit-il à Damien qui lui propose un dîner. Rémi, comédien au théâtre, en boutade, déclare à son ami qu’il se prend pour une machine à laver : « Je suis en train de passer une audition pour le rôle d’une machine à laver. » La laverie n’est pas qu’un lieu aseptisé et magique : dès sa première rencontre avec Damien, Rémi manque de s’étrangler avec son écharpe coincée dans une des machines ; et Damien se prend une décharge électrique, également à cause d’une machine à laver.
 

« Tu n’aurais pas un peu d’eau de javel ? » (Balthasar s’adressant à Louis, dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone) ; « You wash it, you wash it, you rince… you smell. It smells like a flower! » (Élie Kakou, dans son spectacle comique Élie Kakou au Point Virgule, en 1992) ; « On nettoie tout, tout, tout. C’est notre projet : ouvrir une laverie automatique. » (le couple homo déguisé en femmes de ménage maniaques de la propreté, les « Blues Brosseuses », dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « J’étais en train de laver à la main les chemises blanches de Sidi. […] Il fallait vraiment les laver avec soin. C’était ma principale fonction dans cette villa. Rendre aux très nombreuses chemises de Sidi leur blancheur originelle. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 186) ; « Personne n’a une porte de vestiaire aussi nickel que toi, Romain ! » (Martial s’adressant ironiquement à Romain le héros homosexuel, dans la B.D. Pressions & Impressions (2007) de Didier Eberlé, p. 11) ; « C’est là le problème ! Aujourd’hui il y a des hommes qui se sont posés sur mon arbre. Tu te rends compte ? Justement mon jour de lessive ! » (Jeanne s’adressant à son amie Louise, dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « La douche, c’était le grand moment. » (Eloy, le prostitué homosexuel, passionné de la douche, dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre) ; « Moi je suis très forte pour la lessive. » (Fougère dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « C’est alors que trois de tes petits cousins que je ne connaissais pas arrivèrent. Ils avaient une dizaine d’années et venaient à la maison pour laver ton vélo blanc ! Complètement absurde ! Je leur jetais de l’eau ! » (Bryan racontant le rêve qu’il a fait sur/à Kévin, son amant, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 372) ; etc.

 

Il n’est pas rare que les réalisateurs ou écrivains homosexuels illustrent la « trahison » de la mariée à la pureté de son engagement d’amour par la mise en scène de la souillure de la blancheur immaculée de sa robe sacramentelle (avec du sang, une sauce, de la boue, de la pluie, etc.), souillure qui serait parfois plus blanche que le blanc officiel : cf. la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (avec le cosmopolitain renversé sur le pantalon), la chanson « Question d’amour et d’argent » de Jann Halexander (avec « la blanche soie de Raymonde » tachée par la souillure du gigolo), le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky (avec robe blanche de Nina, l’héroïne lesbienne, tachée de sang), le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (avec la tache de cirage sur le visage de l’écolière agressée par sa camarade sous la douche, ou encore la femme-enfant en nuisette et béquilles, encadrée par une gouvernante sadique), le tableau Les Deux Frida (1939) de Frida Kahlo, le film « La Mariée sanglante » (1972) de Vicente Aranda, le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta (avec le sang sur le drap blanc), le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat (la robe blanche tâchée de sang d’Amira Casar), la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec Harper), le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec la robe blanche de Leonora tachée de sang), l’affiche du film « La Reine Margot » (1994) de Patrice Chéreau (avec la robe blanche ensanglantée d’Isabelle Adjani), le film « Flying With One Wing » (2004) d’Asoka Handagama (avec la robe blanche tachée de sang de l’héroïne), la chanson « Désolé » d’Arnold Turboust (avec la tache de ketchup sur la robe verte de Sofia Loren), le poème Le Condamné à mort (1942) de Jean Genet (avec le mur blanc de chaux maculé de sang), le vidéo-clip de la chanson « Tainted Love » du groupe Soft Cell, l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), etc.
 

« On sait que la blancheur ne reviendra jamais, que la mère orpheline possèdera toujours ce visage, dorénavant, qu’il ne se modifiera plus, qu’il est figé dans la grisaille. » (Vincent en parlant de la mère de son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 190) ; « Elle était toute sale… la nappe. » (Laurent Spielvogel feignant de parler de la Princesse Anne, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « La vierge devient pute. » (« X », le héros homo du film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka) ; « Je voyais son cou à quelques centimètres de mon visage, car elle avait relevé ses cheveux. Au-dessus de son chemisier en satin noir, il était d’une blancheur vraiment immaculée. J’ai eu envie d’y planter les crocs. » (Jason, le héros homosexuel décrivant la vénéneuse Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p.63) ; « … Le cœur chromé se fend et le sang rouge jaillit, déborde et teint de rouge le satin blanc, la faille blanche, les plumes blanches. » (Manuel Puig, Boquitas Pintadas, Le plus beau tango du monde (1972), p. 74) ; « Je me suis rendu compte que j’étais là, dans l’encadrement de la porte, en pantalon de jogging, avec un tee-shirt taché de sauce tomate sur lequel était écrit ‘Loud Woman’. » (Ronit, la narratrice lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 188) ; « Je vis tout de suite qu’elle était morte. […]Sa robe blanche, déchirée, était devenue rouge. » (Laura décrivant son amante Sylvia, dans le roman Deux femmes (1975) de Harry Muslisch, p. 198) ; « Plongée dans une soudaine et profonde mélancolie, je gardais en permanence le linge taché de sang, dérisoire barrière face au désir qu’il avait de me posséder. » (Alexandra, la narratrice lesbienne parlant de son mari, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 169) ; « La robe rouge du passé t’enserre, t’étouffe. » (l’actrice jouant Dalida dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; « Regardez ma robe ! Vous m’avez tachée de sang ! En plus, je vous ai dit du noir. » (Evita s’adressant à l’infirmière, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Bathilde renversa une bouteille de vin. […] Jason regardait avec stupéfaction la nappe blanche qui buvait avidement la coulée pourpre. » (Jason, le héros homosexuel du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 448-449) ; « Quand tu as aperçu du sang sur les draps, j’ai vu des larmes dans ton regard. » (cf. la chanson « Fille du Soleil » de Candela, la prostituée, dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « À son réveil, – minuit, – la fenêtre était blanche. Devant le sommeil bleu des rideaux illunés, la vision la prit des candeurs du dimanche. Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez. » (cf. le poème « Les Premières Communions » d’Arthur Rimbaud) ; « La flaque de sang s’étendait vers elle sur le carrelage, tachant le bout de ses pantoufles. Jane recula, cherchant à tout prix à l’éviter, et elle s’aperçut tout à coup que sa robe de chambre et sa chemise de nuit étaient déjà trempées. Elle se mit à frotter son corps avec frénésie pour tenter d’ôter les taches rouges, mais ses mains étaient elles aussi couvertes de sang. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 235) ; « Le sang parle. » (Dominique, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; etc.

 

Le sang, symbole de vie, de Réel, de la famille, occupe une place très importante dans les fictions homo-érotiques, mais prend une connotation négative (cf. je vous renvoie aux codes « Main coupée » et « Vampirisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, le film « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) d’Alfred Hitchcock, le film « Le Sang du poète » (1930) de Jean Cocteau, le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (avec les parents du Gros, le Singe, et le Sénateur, tous morts de tuberculose ; Silvano saignant continuellement du nez et ayant perdu sa mère à deux ans, morte de tuberculose), la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi, la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983) de Copi, le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch (avec le sang qui gicle de la tête coupée du dindon dans « une vraie fontaine de sang » dira Laura, l’héroïne lesbienne, p. 167), la pièce Ubu Roi (1896) d’Alfred Jarry, le film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey, la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, le film « Happy Together » (1997) de Wong Kar-Wai, le film « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar, le film « Psychose » (1960) d’Alfred Hitchcock, le roman Le Sang des dieux (1882) de Jean Lorrain, le film « Du sang, de la volupté et de la mort » (1947-1948) de Gregory J. Markopoulos, etc.
 

Par exemple, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Ronit et Esti, les deux amantes, veulent mélanger leur sang. Elles se répètent plusieurs fois l’expression « sans contre sang » (p. 215) : « On pourrait devenir des sœurs de sang. […] Si on mélange notre sang, on sera sœurs pour toujours. » (pp. 214-215) Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, Jézabel lèche le sang du prêtre (son amant décédé) laissé sur le mur de son appartement. La première image du film « Odd Sock » (2000) de Colette Cullen est celle d’une machine à laver. Pendant ce court-métrage, Stephen, le héros homosexuel, oubliera une chaussette rouge qui va déteindre sur tout son linge blanc… et qui est à l’image de l’homosexualité de sa mère.
 

La sang devient un symbole de mort, de contamination, de maladie, de parricide ou d’infanticide, de meurtre, de péché, de viol : « J’ai la gueule en sang. » (Léopold, le père, décrit aussi comme un « fantôme », dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Christian Bordeleau) ; « Elle roule son corps nerveux dans la piscine. Il urine du sang par l’épigastre transpercé. Son corps convulse dans une agonie affreuse. Mon Dieu ! Le voilà flottant sur l’eau pure. » (cf. un extrait de la nouvelle « L’Encre » écrite par un ami angevin en 2003, p. 29) ; « Un jour, en cuisant un steak, la vue du sang qui dégoulinait dans la poêle m’a fait vomir. » (Cécile, la narratrice lesbienne du roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 80) ; « Voilà. Il faut retrouver cette terreur, désormais presque familière. Il faut vivre avec cela, la peur que tout d’arrête, en une minute, que l’hémorragie survienne et l’emporte. » (Lucas, le héros homosexuel du roman Son Frère (2001) de Philippe Besson, p. 56) ; « J’y prends le rasoir jetable de Marcel et dans le cagibi à bricolage, d’un coup de marteau le brise en miettes contondantes ; du plus gros bout de lame récupéré je me taillade le visage aussi profondément que je peux, ne m’épargnant pas lèvres et paupières, et retourne tout sanguinolent me coucher sur le ventre, la tête dans mon oreiller buvardant larmes et sang. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 59) ; « L’encre sur le papier si blanc. Je la vois rouge. Je sais qu’elle est noire mais je la vois rouge. Ce rouge, tout ce rouge, c’est un peu de mon sang, on dirait. Sang d’encre. Se demander pourquoi l’expression signifie si couramment la noirceur. » (idem, p. 11) ; « Tu bois mon sang. » (Valentine s’adressant à Katia dans la pièce Le Jour de Valentin (2009) d’Ivan Viripaev) ; « Ayez pitié d’une pauvre femme par-dessus vieille ! J’allume la boule. Vous la voyez votre petite Delphine pendue ? Monsieur, me dit-elle, je me sens mal. Mes sels ! Je la gifle. Je l’attrape par les cheveux, lui cogne le front contre la boule de cristal, elle râle, elle s’affaisse sur sa chaise, elle a une grosse boule bleue sur le front, un filet de sang coule de son oreille. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 89) ; « Mon nez se mit à saigner abondamment. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Mort d’un phoque » (1983) de Copi, p. 21) ; « Les rouleaux de papier étaient rouges de sang. Une jambe se retrouvait coincée dans un engrenage. » (le narrateur décrivant Silberman, l’homosexuel déchiqueté par une rotative de maison d’impression, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 51) ; « Ma mère est debout devant moi. J’ai horriblement mal. Je la regarde, je m’accroche à elle. À son corps nu. Je souffre. Je n’ai pas peur. Elle s’apprête à partir. À m’abandonner. Je crie : ‘Maman… Le sang… Le sang…’ Elle se retourne. Me jette un regard dur. Elle me tue. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 145-146) ; « Le rouge avait atteint son apogée. Il était fort, d’une puissance majestueuse, un océan de rouge retenu par la volonté de Dovid. Bientôt, très bientôt, il pulvériserait toutes les défenses, déferlerait sur Dovid en une marée brûlante, l’anéantirait. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), p. 236) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] avait erré jusqu’à un vieux hangar où l’on rangeait les outils de jardinage et y vit Collins et le valet de pied qui semblaient se parler avec véhémence, avec tant de véhémence qu’ils ne l’entendirent point. Puis une véritable catastrophe survint, car Henry prit rudement Collins par les poignets, l’attira à lui, puis, la maintenant toujours rudement, l’embrassa à pleines lèvres. Stephen se sentit soudain la tête chaude et comme si elle était prise de vertige, puis une aveugle et incompréhensible rage l’envahit, elle voulut crier, mais la voix lui manqua complètement et elle ne put que bredouiller. Une seconde après, elle saisissait un pot de fleurs cassé et le lançait avec force dans la direction d’Henry. Il l’atteignit en plein figure, lui ouvrant la joue d’où le sang se mit à dégoutter lentement. Il était étourdi, essayant doucement la blessure, tandis que Collins regardait fixement Stephen sans parler. Aucun d’eux ne prononça une parole ; ils se sentaient trop coupables. Ils étaient aussi très étonnés. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 38-39) ; « Votre nez, il saigne. » (Léonard) « Ah pardon… Ça arrive tout le temps. » (Jonas, le héros homosexuel, parlant au standardiste de l’Hôtel Arthémis, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier), etc.

 

Film "Le Chant des Mariées" de Karin Albou

Film « Le Chant des Mariées » de Karin Albou


 

Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, le héros homosexuel, a peur d’embrasser sa meilleure amie Laëtitia sur la bouche : « Ainsi de jour-là, était-ce dû à la chaleur ? À une pression artérielle trop élevée ? À une faiblesse nasale ? Ou peut-être les trois à la fois… Je me mis à saigner du nez. Une vraie hémorragie ! N’ayant pas de mouchoir et sentant mon nez couler, je m’essuyai discrètement d’un revers de main. Le liquide rouge que j’en ramenais était sans équivoque. Laëtitia, qui avait toujours tout, me donna ses mouchoirs. Je saignais tant que je vidais le paquet. Lorsqu’enfin les vannes se fermèrent, je n’étais plus en état d’embrasser qui que ce soit. Fini la frime, je me sentais très piteux. J’eus souvent peur de récidiver les fois suivantes, mais non, ce fut la première mais aussi la dernière. » (pp. 27-28) ; etc.
 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Tex, le jeune et beau prostitué homosexuel, observe ses camarades gays danser à travers un filtre en papier transparent rouge. Dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin, Anna veut offrir un cadeau d’anniversaire à son amante Cassie, et le lui envoyer par colis. Par discussion Skype, elle essaie de le lui faire deviner (elle lui dit que c’est « rouge et visqueux » ; Cassie croit qu’il s’agit d’un poisson rouge, ce qui fait rire Anna : « Comment veux-tu que je t’envoie un poisson rouge par la Poste ? »)… mais le jeu de devinette s’envenime vite. On ne saura pas quel est ce cadeau, mais l’une des deux filles se suicident en direct. Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, la découverte du sang dans les urines du père, signalant un cancer, arrive en même temps que la révélation de l’homosexualité du fils Malik. Dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, le père de Félix (le héros homo) a la tuberculose. Dans la biopic « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh, le pianiste virtuose homo Liberace menace son partenaire de scène Billy, habillé lui aussi en costume blanc et à paillettes : « Tu n’as pas intérêt à venir sur scène avec une tache de ketchup ! »

 

Le personnage homosexuel contracte souvent des maladies liées au sang : le Sida (cf. le film « Philadelphia » (1993) de Jonathan Demme, le film « Love ! Valour ! Compassion ! » (1997) de Joe Mantello, etc.), la tuberculose (cf. le film « Sonate d’automne » (1978) d’Ingmar Bergman, le roman Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, les romans Le Visionnaire (1934) et Adrienne Mesurat (1927) de Julien Green, le roman Boquitas Pintadas (1972) de Manuel Puig, un film « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure, le film « Le Trio infernal » (1974) de Francis Girod, le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, etc.), l’hémorragie (cf. la passion « Passion » (1964) de Yasuzo Masumara, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « Chacun sa nuit » (2008) de Pascal Arnold et Jean-Marc Barr, la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, etc.), la rupture d’anévrisme ou les saignements de nez (cf. le roman L’Inceste (1999) de Christine Angot, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, etc.).
 

Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, juste après que Elio (17 ans) et Oliver (la trentaine) sortent ensemble en cachette, cela se traduit par des saignements de nez chez le jeune Elio. Oliver va le rejoindre et fait directement le lien : « C’est de ma faute, hein ? » Lorsque Elio retrouve Oliver dans leur chambre, ils font d’abord « l’amour » avec les pieds, et Oliver, pour blaguer, demande à Elio : « Ça te rend heureux ? Tu ne vas pas me faire un saignement de nez ? » Ce saignement de nez ressemble fortement à la métaphore d’une violation de la virginité.
 

Le sperme et le sang sont constamment confondus dans le discours du personnage homosexuel (c’est très marqué chez Néstor Perlongher, Pier Paolo Pasolini, Pierre Molinier, Jean Genet, Félix Guattari, etc.) : « Son sang n’est pas du lait. » (cf. la chanson « J.B.G. » d’Alizée) ; « Je pense : le sperme plutôt que le sang. » (Vincent, le héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 101) ; « Pourvu que jamais rien ne les freine, laves de sperme et de sang. » (cf. la chanson « Les Torrents défendus » d’Étienne Daho) ; « Toute écriture est cette simulation, sperme et excrément. » (Gilles Deleuze, Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972/1973), p. 250) ; etc.
 

On retrouve plusieurs films avec une femme allongée dans une baignoire qui se teinte peu à peu de rouge (et qui suggère soit un suicide, soit un meurtre, soit l’évacuation du sang des règles) : cf. le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec la mère de Romain, le héros homo, dans sa baignoire pleine d’eau rouge), le film « X2000 » (2000) de François Ozon, le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le film « De la chair pour Frankenstein » (1974) d’Antonio Margheriti et Paul Morrissey, le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg (avec Pia, la femme – peut-être morte – dans sa baignoire), le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar, le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon (avec Mousse, la femme peut-être morte dans sa baignoire), etc. « Mon poisson rouge, dans mon bain de mousse, je l’emmitoufle. » (cf. la chanson « J’en ai marre » d’Alizée)

 

Le sang, et en particulier les règles/menstruations féminines (rappelant la respiration naturelle des femmes, leur disposition à donner la vie, la réalité incontournable de la différence des sexes), sont jugés problématiques par le héros homosexuel. Soit ce dernier nie leur existence (dans une forme de misogynie), soit il les célèbre à l’excès par le biais d’une ironie camp atroce (les règles seraient la gloire de l’hyperféminité cinématographique et de l’érotisation libertine de la société), soit il les conspue (comme un événement diabolique)… tout ça pour ne pas affronter calmement le phénomène naturel des règles, ne pas écouter les femmes réelles, et surtout pour justifier en douce le gâchis qu’est la pratique de l’homosexualité, et le fantasme machiste de toute-puissance qu’est le désir homosexuel : cf. le film « Emporte-moi » (1999) de Léa Pool, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, la chanson « Le Grand Secret » du groupe Indochine (« Je te remplacerai. Je ferai comme une fille qui se défend, une fille qui perd son sang. »), etc.
 

Film "Die Eher Der Maria Braun" de Rainer Werner Fassbinder

Film « Die Eher Der Maria Braun » de Rainer Werner Fassbinder


 

« Oui, je suis passionné de la serviette hygiénique depuis mon enfance. Je viens même de créer un Musée de la Serviette Hygiénique. Et dans la vie, je suis applicateur. » (Max, le héros homosexuel se moquant de la naïveté de Nana, dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; « Adolescentes. […]Pures trop impures ! Franchement vous ne faites pas le poids ! Pensez au lourd fardeau du temps qui entraîne inlassablement dans son cycle infernal des torrents de règles, de coutumes, de souvenirs, de réflexes, d’habitudes, des torrents de boue dans lesquels s’ensevelit votre sexe déjà coupable à la naissance. […] Toi drap maculé de sang et d’honneur ? Dans ton tissu se dessine à l’encre carmin l’espoir et la crainte des mères, des pères, de l’homme, de la patrie, de l’histoire ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, pp. 13-14) ; « J’entourais mes cuisses avec mon drap qui, très vite, fut cloqué de rouge. Tout mon corps bavait. Un étranger me tailladait le sexe de l’intérieur, je me transformais en une monstrueuse insulte et priais Dieu de toutes mes forces pour qu’il arrêtât cet écoulement ignoble et ignominieux ! » (idem, p. 32) ; « Ayant grandi avec trois sœurs, ayant connu leurs règles, j’ai été dégoûté de coucher une seule fois avec une fille. » (Matthieu, le héros homosexuel de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « La flaque entre ses pieds qui l’éloigne de l’enfance… » (Franck, le héros homosexuel de la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely) ; « Elle n’arrête pas de s’évanouir, cette idiote ! Encore une victime de la ménopause ! » (Goliatha, le majordome du héros transgenre M to F « L. », dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Jane avait détesté la puberté, l’intrusion du sang et des seins, les messes basses entre filles et les invitations des hommes qui les suivaient en voiture en roulant au pas. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 29) ; « Mon chat, est-ce que tu peux acheter des tampons une fois dans ta vie ? » (Océane Rose-Marie parlant à sa compagne, dans son one-woman-show Chaton violents, 2015) ; « Je peux pas : j’ai mes règles. » (Jérémy Lorca se refusant à un amant monstrueux, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; « Il réagit seulement comme ça quand il est contrarié. Et encore, là, il n’a pas ses règles. » (Arnaud, le héros homo parlant de son amant Benjamin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Léo, t’as l’air perdu… T’as tes règles ou quoi ? » (un camarade de classe homophobe soupçonnant Léo d’être homo avec Rémi, dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont) ; etc. Par exemple, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avelli, Jean-Jacques, l’un des deux héros homosexuels, raconte comment le fait d’avoir entendu parler, en cours de biologie au collège, « de l’utérus et des histoires de règles », et du traumatisme misogyne qui s’en est suivi : « Ce jour-là, j’ai ressenti une sorte de nausée. » Dans le film « Action ou Vérité » (1994) de François Ozon, le jeu et les rires cessent immédiatement dès que Rose sort sa main ensanglantée du sexe de sa copine Hélène qui a ses règles. Dans l’épisode 3 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric, le héros homosexuel, chante spontanément, en plein amphi devant ses camarades de lycée, la grandeur des menstruations féminines : « C’est génial !! Les trucs hygiéniques ! La menstruation, c’est quelque chose d’excellent ! C’est bien de temps en temps de faire un bon nettoyage ! »
 

Le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat tourne en dérision le symbolisme monstrueux des règles menstruelles adopté par certains individus homosexuels, renvoyant chez eux au fantasme de castration. « À cause des menstruations, ils nous disent impures. » (Amira Casar s’adressant au protagoniste homo interprété par Rocco Siffredi) Parce qu’ils ont cru au mythe de la géante fellinienne castratrice « pure », ils finissent par penser que « la femme est source de mutilation » (Rocco Siffredi).
 

Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, se fait maltraiter physiquement et verbalement par un camarade de classe, Terell, qui le féminise pour mieux se justifier de le redresser « comme un homme » : « Il a oublié de changer son tampon. ».
 

Film "Meilleures ennemies" de Gary Winick

Film « Meilleures ennemies » de Gary Winick


 

Le sang diabolisé des règles prend aussi la forme soit du dépucelage féminin (la jeune fille vierge ayant son premier rapport sexuel voit la rupture de son hymen signalée par une perte de sang) soit des sécrétions vaginales d’excitation érotique… qui ne sont pas plus valorisées (c’est la sexualité dans tous ses aspects qui est crainte dans l’homosexualité) : « Marie jouait l’intelligente, mais en réalité elle ignorait tout de ce qu’une femme fait avec un homme. Chez ses parents, bien sûr, on n’en parlait jamais. Dans ce domaine, elle en était réduite aux suppositions. […] Elle sentait bien qu’elle était mouillée entre les jambes, mais sans en savoir le comment. Souvent, dans ces moments-là, elle craignait que ce fût une petite maladie. […] Je compris que, sur ce plan-là, tout était maintenant changé. Comme si une digue s’était rompue en elle. » (Alexandra, la narratrice lesbienne parlant de son amante/domestique Marie, qu’elle initie aux plaisirs lesbiens, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 184-186)
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Vive la mariée (meringuée !) :

Scène de Gay Pride

Scène de Gay Pride


 

Un certain nombre de personnes homosexuelles, pour le délire ou très sérieusement, se sont mis dans la peau de la femme mariée déguisée en bonbonnière : cf. je vous renvoie à la photo de la mariée à la Gay Pride parisienne de 2004 (p. 164) dans la revue Triangul’Ère 7 (2007) de Christophe Gendron, à François Zabaleta habillée en robe de mariée, au documentaire « Mamá No Me Lo Dijo » (2003) de Maria Galindo, aux albums-photos souvenirs des « mariages homos » (kitsch à souhait). En 1908, selon Weindel et Fischer, les adeptes de l’homosexuels « se recrutent dans le monde des théâtres, ou dans les classes élevées de la société » (p. 91). Nos auteurs ont aussi assisté à une parodie de noces : le fiancé en grand uniforme de général prussien, la fiancée en robe de soie blanche.
 

Mariage homo en Chine

Mariage homo en Chine


 
 

b) La mariée détruite :

La revendication du mariage religieux

La revendication du mariage religieux


 

Parce que l’idéal de pureté et la différence des sexes que la mariée représente sont l’objet de déception chez l’individu homosexuel (il se rend inconsciemment compte que le mariage ne peut être que la différence des sexes), ce dernier va se mettre à détruire la femme réelle se destinant au mariage, princesse qu’il a confondue avec la poupée Barbie cucul des photos de mariage ou avec la mariée sanguinolente des films d’horreur. On pourrait distinguer deux grands types de destructions : la destruction kitsch (mignonne et parodique) et la destruction camp (parodique aussi, mais trash). Pour la kitsch, on a par exemple le faux couple de Coluche et Thierry Le Luron. Pour la camp, on a tous les « mariages pour tous » politisés et agressifs, dont la plupart va s’achever pour une revendication du « droit au divorce ». On a aussi droit un troisième type de destruction, celle par le pathos sincère : cf. la photo Le Fiancé qu’Hervé Guibert a fait de son partenaire Thierry, enveloppé d’un tulle blanc.
 
MARIÉE Ségo
 
 

c) La robe tachée et le « problème » des règles/menstruations féminines :

La robe de mariée est en général considérée par l’individu homosexuel comme une prison, le symbole du carcan pesant sur la féminité hétérosexualisée et soumise au machisme : « Les mariées, c’est très ennuyeux dans une collection. C’est le symbole de l’éternel féminin, couverte de fleurs et de cheveux. » (le couturier homosexuel Yves Saint-Laurent dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton)
 
MARIÉE Lavomatique
 

Les personnes homosexuelles, en général, ont du mal à accepter que la mariée (autrement dit l’incarnation de la différence des sexes, ou de la féminité, ou de la maternité, ou de la vierge consacrée) soit fragile, vulnérable, qu’elle ne se laisse pas faire, qu’elle ne soit pas un dû (= un droit), que le rôle de la mariée (= ou le droit de se marier) ne soit pas la totalité de la différence des sexes mais uniquement son décorum. Elles sont obsédées par la blancheur des vêtements et passent symboliquement leur temps dans les lavomatiques de l’amour asexué/hyperérotisé (= les labos chirurgicaux, les mairies, les carnavals, les salons de maquillage, etc.), pour nettoyer leurs atteintes concrètes à la différence des sexes et au mariage femme-homme aimant : cf. je vous renvoie aux soirées intitulées « La Laverie » à la discothèque parisienne Klub, à la séquence de la machine à laver dans le Journal (2002) de Jean-Luc Lagarce. « Je l’ai rencontré dans un rétroviseur. J’allais à un pressing à Vanosque. » (Pierre en parlant de son amant Yann, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz).
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

À plus large échelle, le meurtre symbolique de la mariée par les militants homosexuels pro-mariage-gay peut se traduire en politique par le rouleau-compresseur aseptisé et uniformisant de la blanche « Égalité » et par l’idéologie individualiste et conformiste de l’anticonformisme victimisant. Par exemple, dans le documentaire « Act Up – On ne tue pas que le temps » (1996) de Christian Poveda, la fameuse association activiste homosexuelle Act Up est accusée de « totalitarisme intellectuel » par le ministre de la santé Hervé Gaymard… ce que ses militants ne semblent pas démentir en actes et en discours : « Act Up, c’est une société de nettoyage en quelque sorte. »
 

"Mariage pour tous"

« Mariage pour tous »


 

Il n’est pas rare que les réalisateurs ou écrivains homosexuels illustrent la « trahison » de la mariée à la pureté de son engagement d’amour par la mise en scène de la souillure de la blancheur immaculée de sa robe sacramentelle (avec du sang, une sauce, de la boue, de la pluie, etc.), souillure qui serait parfois plus blanche que le blanc officiel : cf. je vous renvoie à l’article « El Síndrome De La Sala » (1988) de Néstor Perlongher, à la photo Vanitas, robe de chair pour albinos anorexique (1987) de Jama Stark. « On dit qu’un habitué assis sur le dernier siège de la dernière rangée se chargeait de baptiser le nouvel arrivant avec une fellation gratuite. Cette zone était connue sous le nom de ‘la lavadora (traduction française : « la machine à laver »). » (Fernando Maldonado évoquant le Cinéma Carretas de Madrid, dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 139)
 

Le sang occupe une grande importance dans la vie et l’œuvre des artistes homosexuels : on peut penser à Francis Bacon (cf. le documentaire « Francis Bacon » (1985) de David Hinton), Yukio Mishima, Hervé Guibert, Patrice Chéreau, Valentine Penrose, Laurent Boutonnat, ou bien encore Frida Kahlo, qui se disent fascinés par le sang.
 

Documentaire "Godday Mit Navn Er Lesbisk" de Minna Grooss

Documentaire « Godday Mit Navn Er Lesbisk » de Minna Grooss


 

Le sang, symbole de vie, de Réel, de la famille, prend dans leur bouche une connotation beaucoup plus négative (cf. je vous renvoie aux codes « Main coupée » et « Vampirisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), surtout depuis le traumatisme du Sida. Il devient un symbole de mort, de maladie, de meurtre, de péché. « Dès que ma mère a appris qu’elle était enceinte de moi elle a hésité à me garder. Viens ensuite la naissance où l’accouchement fut une boucherie tant pour elle en perfusion de sang et moi avec l’oreille déchiré, je suis arrivé dès le départ dans la souffrance. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu le juin 2014) ; « Mon premier contact avec la maternité, c’est ma mère qui tombe inanimée et qui baigne dans son sang. C’est mon premier souvenir, le plus blessant et le plus percutant. Pour moi qui ne sait rien de la vie, d’un seul coup, la maternité c’est la mort. […] C’est pour toutes ces raisons que je suis persuadée aujourd’hui que, bien que me sachant et me revendiquant de sexe féminin, j’ai refusé cette intrusion de l’enfant dans mon ventre. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), pp. 54-55) ; etc.
 

Le sang, et en particulier les règles/menstruations des femmes (rappelant leur respiration, leur disposition à donner la vie, la réalité incontournable de la différence des sexes), sont jugés problématiques par l’individu homosexuel. Soit ce dernier nie leur existence (dans une forme de misogynie), soit il les célèbre à l’excès dans une forme d’ironie camp atroce (les règles seraient la gloire de l’hyperféminité cinématographique et de l’érotisation libertine de la société), soit il les conspue (comme un événement diabolique)… tout ça pour ne pas affronter calmement le phénomène naturel des règles, ne pas écouter les femmes réelles, et surtout pour justifier en douce le gâchis qu’est la pratique de l’homosexualité, et le fantasme machiste de toute-puissance qu’est le désir homosexuel. « Cette nuit, j’ai pensé à ses culottes pleine de sang qu’elle enfouissait sous la pile de linge sale dans le grenier jusqu’au jour de la lessive. J’avais sept ans environ, je les regardais, fascinée. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), p. 18) ; « Ernestito et Nacho entrèrent dans la caravane des putes. Des journaux traînaient par terre, des photos pornos étaient accrochées aux murs, au plafond était pendue une bougie rouge, sur le lit vide se distinguait une tache écarlate. Nacho se précipita pour toucher le drap : ‘Merde, du sang ! s’écria-t-il. Elle avait ses règles. Qu’il est con, le Zèbre. ’ Il eut envie de vomir et s’essuya la bouche au drap. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 259) ; « Avoir mes règles a été un traumatisme. Tu te dis que ton corps te trahit. » (Isaac, femme F to M qui s’appelle initialement Taïla, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; etc. Le sang est parfois employé comme une arme. Par exemple, dans le docu-fiction « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, les militants Act-Up lancent des poches de faux sang sur les gens qu’ils cherchent à violenter.
 

Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Thérèse, femme lesbienne de 70 ans, raconte que dans son adolescence, elle a été affolée de voir ses premières règles : « Je me suis sentie coupable dans la sexualité. » Dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, Félix Sierra raconte qu’à l’âge de 11 ans, en entrant aux toilettes, il a vu une serviette hygiénique pleine de sang qui le choqua à jamais (p. 185). Pour ma part, je me souviens de l’attrait irrationnel que j’avais, à l’âge de 7-8 ans, pour les publicités de serviettes hygiéniques (j’adorais la publicité « Confetti » pour les tampons) : rapport identificatoire et esthétique fort.
 

 

Je vois dans la crispation homosexuelle sur les règles/menstruations féminines une angoisse de la pratique homosexuelle, pratique qui concrètement ferme au don de la vie et qui contient une grande part de stérilité. Les règles, quelque part, rappellent les personnes homosexuelles ou transsexuelles à leur finitude, au temps qui passe, à la vanité de leurs « couples » et à l’infécondité biologique de leurs coïts, à l’inhumanité de leur fuite de la différence des sexes. Universellement, les règles sont les manifestations cycliques de la non-fécondité ; et dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan, on apprend que lorsque les personnes transsexuelles prennent des hormones, elles ont les symptômes de la femme enceinte ou en règles.
 

Je crois que cette haine des règles peut provenir d’un deuil mal cicatrisé d’infécondité, souvent expérimenté par les personnes intersexes (qui n’ont pas de menstruations et ne peuvent pas avoir d’enfants) : « J’en avais marre, marre de tout. Des filles qui parlent de leurs règles pendant des heures. » (personne intersexe qui se fait appeler « M », dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018) ; « Elle est faite pour saigner. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, parlant de lui-même et se croyant l’incarnation « du Féminin », dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla).
 
 

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