Discussion poignante avec un « homme » transsexuel


 

J’ai discuté hier soir et ce matin sur un site de rencontres gays avec une personne transsexuelle F to M (une femme qui s’est changée en homme, et qui se présente comme « homme trans »). Elle a une trentaine d’années. Elle est d’une étonnante intelligence. Elle est venue vers moi car elle aussi, elle n’est pas « vaccinée » (autant dire que c’est un OVNI sur le site où la majorité des gays se sont faits docilement piquer et sont macronistes…) et a voté « blanc » comme moi aux dernières élections présidentielles (parce qu’elle a compris que Marine Le Pen et Macron étaient tous les deux d’extrême droite… Je pense que la majorité des Français mettront des années avant de capter ça, voire même sont trop stupides pour le capter.).
 

Les mots me manquent pour vous dire mon émotion en lisant cette « femme d’un autre genre ». Voici un extrait de notre échange, prouvant le recul qu’elle a sur elle-même, y compris sur la transidentité (elle me fait penser, à ce titre, à Guillaume/Andréa, le témoin trans M to F de mon documentaire « Les Folles de Dieu », qui ne mâche pas ses mots sur la réalité transsexuelle et transgenre, mais qui malgré ça, n’en reste pas moins prisonnière de cette dernière) :
 

MOI – Je suis sidéré. J’ai l’impression qu’il n’y a pas de personnes normales et bien dans ses pompes et sa tête, ici. (Et en retournant sur ton profil, sans m’y attendre, j’ai vu que tu étais « trans » et que tu es née fille…).
 

ELLE – Je sens un lien de corrélation (dans ton analyse en tout cas) entre tes deux derniers messages (sourire)…
 

MOI – Comment ne pas le faire ? Le monde gay (et trans) est effrayant.
 

ELLE – Oui, sans doute. Mais difficile de ne pas être gay ou trans, quand fondamentalement tu l’es. Je dirais que ça ne se choisit pas et qu’il faut vivre avec.
 

MOI – Oui. J’ai bien conscience qu’il y a une part subie et non choisie dans ces deux conditions.
 

ELLE – Tu ne vas pas te forcer à être hétéro si tu es gay ou te forcer à être une femme si tu te sens instinctivement et primitivement homme, on peut essayer (j’ai essayé) ça ne marche pas. Donc pourquoi se censurer? On ne va pas vivre comme un ermite non plus. Mais je comprends qu’on puisse voir cela comme « effrayant ».
 

MOI – C’est déjà bien que tu admettes cette peur.
 

ELLE – On a parlé un peu politique hier soir : je ne suis pas un militant extrémiste, je trouve ça faux et simpliste…
 

MOI – Tu prêches un converti en disant ça.
 

ELLE – donc j’accepte les critiques sur la transidentité tout en voyant que c’est difficile voire impossible de résister à ce « penchant » quand fondamentalement on l’est.
 

MOI – J’ai un proche ami trans M to F, donc je comprends la difficulté que tu soulèves.
 

ELLE – Après, ça devient vraiment n’importe quoi ce « monde trans » avec toutes ces déclinaisons. Moi franchement je fuis les relations avec des trans, ça m’égare encore plus. Je suis un vrai solitaire, hormis quelques rares amis tous profs d’université (car je les ai rencontrés pendant mes études). Sinon, il y a les gens avec qui je travaille et c’est tout, en gros… Ça me fout le cafard de fréquenter des trans. Ça peut paraître transphobe mais c’est la vérité.
 

MOI – Je comprends complètement.
 

ELLE – Le pire c’est que comme j’ai une vie normale (enfin… par rapport à beaucoup d’entre eux). Beaucoup me prennent comme modèle et veulent me coller, c’est très gênant.
 

MOI – Je comprends ton isolement. Et ça me serre le cœur.
 

ELLE – C’est sûr. Et à mon avis c’est difficilement remédiable.
 

MOI – Et toi, tu es attirée (désolé si je te féminise et t’enferme dans la biologie ou te semble irrespectueux et insultant) par les hommes exclusivement ? tu te dis « homosexuel/gay » ?
 

ELLE – Honnêtement, beaucoup d’homosexuels ne veulent pas de moi (et souvent justement ceux qui me plaisent). Voilà pourquoi je me sens pas trop gay, car non apprécié par cette population. De l’extérieur – et même de l’intérieur – c’est très difficile à comprendre car véritablement contre-nature, quoi qu’on en dise. Et pourtant cela existe. Moi je trouve tous les arguments des détracteurs bons (qu’« on ne peut pas changer la biologie », etc.) mais il n’en demeure pas moins que cela existe et de manière inexorable. Et comme il n’y a pas vraiment de solutions, je vis au mieux comme ça. Mais ça suppose pas mal d’ascèse, en effet. Surtout quand on est lucide. J’adore les amitiés un peu amoureuses avec les personnes sensibles et profondes (les hommes soyons honnête) :). Grand plaisir de l’existence : partager des plaisir raffinés. Il y a de très beaux aphorismes de Nietzsche sur ça, et il dit que l’amitié est supérieure à l’amour. »
 
 

Mon cœur saigne. Pour trois raisons principales, sans doute :

1) parce que je sens face à elle son incroyable isolement, plus grand que le mien, et qu’il me paraît, dans un temps humain, indépassable, insoluble, cruel, abominable ;

2) parce que, en nous pouvant pas être attiré érotiquement et amoureusement par elle comme « il » le souhaiterait, je participe à mon insu, à son rejet. Les trans sont vraiment « les rejetés des rejetés ». Y compris des gays comme moi, et des trans comme eux. Pourtant, beaucoup sont d’une intelligence supérieure. Et d’une étonnante paix et acceptation. La femme trans dont je vous parle ne supporte pas que je pleure sur son sort, et essaie de voir sa situation « impossible » du bon côté. Les bras m’en tombent quand même ;

3) parce qu’égoïstement je suis triste de voir que les seules personnes qui peuvent me comprendre pleinement politiquement, intellectuellement et même spirituellement, ne pourront jamais être mes amants et me révulsent physiquement !