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Code n°1 – Actrice-Traîtresse (sous-codes : Star vieillissante et cruelle / Photo chiffonnée dans une main fermée et crispée)

Actrice-traîtresseActrice-traîtresse

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Traîtresse, je t’adore !

 

Film "The Raspberry Reich" de Bruce LaBruce

Film « The Raspberry Reich » de Bruce LaBruce


 

Le désir homosexuel, c’est l’histoire d’une idolâtrie. On remarque dans les œuvres homosexuelles (et parfois dans la réalité) que la féminité fatale agit comme un fantasme identificatoire puissant : le personnage homosexuel se prend pour la femme-objet qu’il considère comme sa mère – ou sa grand-mère –, et auquel il rêve de ravir l’identité immortelle. L’idole cinématographique, parce qu’elle n’arrive pas à devenir complètement réalité (elle vieillit, elle jaunit, elle n’est pas éternelle, elle a ses humeurs et son humanité), ou bien tout simplement parce qu’elle ne tient pas sa promesse de fusion à la personne qui rêve de s’identifier à elle, finit par être considérée comme une traîtresse. Il arrive que cet attachement souffrant soit figuré par l’image d’un personnage gay tenant dans sa main fermée une photo chiffonnée, signe du déni de son acte iconoclaste vengeur.
 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Douceur-poignard », « Destruction des femmes », « Regard féminin », « Reine », « Femme-Araignée », « Haine de la beauté », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Sirène », « Bourgeoise », « Prostitution », « Matricide », « Femme vierge se faisant violer un soir d’été ou de carnaval à l’orée d’un bois », « Grand-Mère », « Femme étrangère », « Duo totalitaire lesbienne/gay », « Bergère », « Mort = Épouse », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Pygmalion », « Tante-objet ou Mère-objet », « Putain béatifiée », « Mère gay friendly », « FAP la ‘fille à pédés’ », « Tomber amoureux des personnages de fiction ou du leader de la classe », « Télévore et Cinévore », « Mariée », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Défense du tyran », « Musique comme instrument de torture », « Carmen », à la partie « Monstres » du code « Morts-vivants », à la partie « Traître » du code « Homosexualité noire et glorieuse », à la partie « Scène de répudiation » du code « Femme et homme en statues de cire », et à la partie « Espionne » du code « Espion homo », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) La femme-objet médiatique représente la mort et la trahison :

Betty Boop

Betty Boop


 

En général, dans les fictions traitant d’homosexualité, la femme-objet n’est pas une enfant de chœur. Elle est messagère de mort et incarne la figure de la trahison. C’est le cas dans le roman La Traición De Rita Hayworth (La Trahison de Rita Hayworth, 1968) de Manuel Puig, le tableau Le Spectre du sex-appeal (1932) de Salvador Dalí, la pièce La Reine morte (1942) d’Henri de Montherlant, le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau (avec Maria Casarès interprétant la Mort), la chanson « Miss Paramount » du groupe Indochine, le film « Doña Macabra » (1970) d’Hugo Argüelles, le roman Las Cortes De La Muerte (1911) d’Antonio de Hoyos, le film « The Wild Party » (1975) de James Ivory, le vidéo-clip de la chanson « I Wanna Go » de Britney Spears (avec la bimbo qui se venge des journalistes qui abusent d’elle), la chanson « Paparazzi » de Lady Gaga (où le personnage de la femme trahie devient elle-même meurtrière), la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983) de Copi, le vidéo-clip « Timebomb » de Kylie Minogue (qui vole le portable des passants, fonce sur des hommes, etc.), la comédie musicale Ball Im Berlin (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham, la chanson « Beaucoup trop jolies » de Véronique Rivière, le film « Potiche » (2010) de François Ozon (avec Joëlle, la figure de la femme traîtresse), la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen (avec Graziella, la présentatrice folle-dingue dirigeant l’émission de télé-réalité Stars chez eux), le one-man-show Les Bijoux de famille (2015) de Laurent Spielvogel (avec le play-back de Marlène Dietrich en entrée et en sortie), le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso (avec le poster de la pochette de disque d’une chanteuse-vampire), etc.
 

L’actrice déçoit et violente ET ne déçoit pas parce qu’elle est violente sur nos écrans. « Je suis pute. » (Julie Duchâtel, la metteur en scène acariâtre dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) Par exemple, dans la pièce Confidences entre frères (2008) de Kévin Champenois, Amélie, une des héroïnes lesbiennes, qualifie la « femme idéale » de « traîtresse ». Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, Dorian Gray tombe amoureux d’une belle comédienne, mais à partir du moment où elle a fait une représentation médiocre de Roméo et Juliette, il se pense trahi, rompt avec elle et l’entraîne au suicide : « C’était tout simplement du mauvais art. Tu as tué mon amour. Tu me laisses indifférent. Tu as tout gâché. Tu es vaine et stupide. » Dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier, les stars grabataires, détruites et auréolées d’un caractère tyrannique exécrable, sont mises à l’honneur. La comédienne, Marilyn Monroe, version moche et obèse, surnommée « Lourdes », danse en tutu comme l’hippopotame de « Fantasia ». Elle se présente comme une femme despotique, une bimbo faisant un discours politique anti-moches et pro-moches. Elle se plait à s’auto-détruire (« Eh oui ! Même Marilyn faisait caca. Ça casse le mythe. ») et demande au public qu’il l’aide à cela (« Fouettez-moi, battez-moi ! »).
 

L’actrice qui trahit est souvent collabo : « Pendant la guerre, on a souffert. Enfin… surtout à la Libération. Moi, j’ai été tondue. Moi qui ai connu les Allemands de près, je peux vous dire que je les connus de près, de très très près. Surtout Hans. Des Allemands, des aristocrates… d’une classe foooolle. Des gens qui gagnaient à être connus. » (la femme collabo dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau)
 

Elle a quelque chose de diabolique. Par exemple, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, considère la chanteuse Madonna comme un démon qui la possède : « Madonna, quand elle rentre, pour la faire sortir… » Il la vénère autant qu’il la jalouse : « Quand je vous dis qu’elle est mauvaise… » Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Norbert, le héros homosexuel, après avoir entonné une chanson d’Édith Piaf, la supplie de le quitter : « Édith, sors de ce corps ! »
 

L’actrice chérie par le héros homosexuel invite à une forme de damnation, d’oubli de soi, comme l’indique Fabien dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green : « Je cède à cette tentation un peu comique de contempler le visage banal d’une actrice en vogue. J’oscille perpétuellement entre la nostalgie de la vertu et le désir de péchés que je n’ose point commettre, et je me sens à la fois profondément malheureux. » (p. 150)
 

La machine médiatique féminisée broie parfois le personnage homosexuel. Par exemple, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Silberman est déchiqueté par une rotative dans la rédaction du journal où il travaille : « Les rouleaux de papier étaient rouges de sang. Une jambe se retrouvait coincée dans un engrenage. » (p. 51) Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homo, a mis un poster d’une chanteuse femme fatale avec des empreintes de mains ensanglantées sur elle (les mains de son fan, en l’occurrence…). Dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet, les actrices d’un hôpital psychiatrique sylvestre finissent par tuer l’unique homme de l’histoire, celui qui est désigné comme le « Prince charmant ». Dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Élisabeth, une femme de fer à la tête d’un empire industriel important, a conduit son fils Nicolas au suicide en lui imposant la succession de l’entreprise familiale.
 

Martine Superstar dans la pièce Quand les belles-mères s’invitent !  de Stéphane Henriaut

Martine Superstar dans la pièce Quand les belles-mères s’invitent ! de Stéphane Henriaut


 

Fifi (le travesti M to F) – « Elle me poignarde !

Lou (l’héroïne lesbienne) – Et tu t’attendais à moins ? C’est toi la seule assassine ? »

(Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi)
 

L’actrice est parfois qualifiée de monstre : « Nous savons que vous êtes un monstre. » (l’Auteur s’adressant à Vicky Fantômas dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, p. 251) Elle a le pouvoir de vampiriser et de tuer psychiquement son fan à distance. « Je suis mort. Yolanda m’a suicidée. » (Sor Estiércol dans le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar) ; « Cette Barbara Streisand, elle t’a pas un peu déformé le cerveau ? » (le père d’Howard s’adressant à son fils homosexuel suite à son coming out, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Tatiana Debon est une blonde tout en rondeurs, mais couverte d’épines comme un de ces cactus rebondis qu’on voit sur les bouteilles de tequila. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 385) ; « Vestale de la Beauté monstrueuse. » (Warda dans le roman Hawa (2010) de Mohamed Leftah) ; « On dit que les actrices peuvent tuer pour un rôle. » (Sylvie s’adressant à l’actrice Isabelle, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Il y a une fille dans mon lit !! Qu’est-ce que je vais faire avec ça ?? J’espère qu’elle ne va pas me toucher, la vicieuse ! Je ne suis pas un sex-toy, Mademoiselle ! » (Fabien Tucci, homosexuel, s’adressant à une femme qu’il surnomme comme la chanteuse Rihanna, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Je la supporte pas, celle-là. Je peux pas l’encadrer. » (Benjamin, le héros homosexuel, à propos de la chanteuse Lady Gaga, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.
 

Par exemple, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque imite Catherine Deneuve en momie, Mylène Farmer en poupée muette (« Mylène Farmer, c’est un peu comme la Joconde. Tout le monde la voit, mais personne ne l’entend. »), Liliane Bettencourt en hideuse créature (elle est qualifiée d’« Horreur Loréale ») et Dalida en monstre (« Moi, je faisais la Belle et Dalida la Bête. »).
 

Le personnage homosexuel s’avoue assassiné par les mots de son actrice-amante : « J’ai adoré vous retrouver sous ses traits de vieille dame indigne, d’aristocrate aux mots qui tuent et au cœur en compote. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 58) ; « Je ne savais même pas ce que je cherchais alors, mais, la voyant, reine en haillons, marquise hautaine, vieille petite fille ridée, elle, la Dame de Bois-Rouge, puisqu’il faut dire son nom, je suis restée fascinée au centre de sa toile et je n’en suis sortie qu’éreintée, pourfendue, achevée par ses coups de pioche dans le cœur. » (idem, p. 129) ; « Une femme s’approche de moi. Elle souffle sur mon visage un chant en berbère. Elle me relève. Je me laisse faire. Elle s’arrête de chanter. Elle est douce. Elle me dit, en arabe, dans l’oreille gauche : ‘Va vers lui, va vers le Roi, c’est comme ton père. C’est ton père. ’ Et elle me pousse, violemment, dans sa direction. Je ne m’attendais pas à cette violence, à cette trahison. Je ne suis plus rien. » (Khalid, l’un des héros homosexuels du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 12) ; « Cantatrice, castratrice, ah ben une lettre ça peut tout changer hein… » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homosexuel, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; etc.
 

La « pin-up du soldat », celle qui vient au front et conduit les Hommes à la mort, est souvent une icône gay : Bette Midler dans le film « For The Boys » (1991) de Mark Rydell, Marlene Dietrich dans le poème « Canción De Amor A Los Nazis En Baviera » de Néstor Perlongher, Lady Diana dans l’article « Todo El Poder A Lady Di » du même auteur, etc. Par exemple, pendant le concert Météor Tour d’Indochine à Paris-Bercy le 16 septembre 2010, sont intercalées sur les écrans géants des images de guerre avec des archives filmées de majorettes, de Reines de Beauté.
 

Parfois, cette actrice-traîtesse représente globalement tous les acteurs, qu’ils soient hommes ou femmes, qui peuplent les écrans des salles de ciné. Dans le film « Murder By Death » (« Un Cadavre au dessert », 1976) de Robert Moore, la femme de Sam Spade demande à son mari pourquoi il cache des magazines pleins d’hommes musclés et nus dans son bureau. Celui-ci lui répond : « Ce sont des suspects ! » Il les considère comme responsables de sa propre soumission à eux.
 

Cette rancœur nourrie par le personnage homosexuel envers ses idoles (hypersexualisées) de papier peut déboucher sur une vengeance ou un meurtre iconoclaste. Par exemple, dans le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, et encore dans la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco, les stars du show business sont tour à tour assassinées. « Nous pendouillerons Cher ! » affirment les protagonistes homos de la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy en parlant de la chanteuse Cher. Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel danse sur des tubes des chanteuses qu’il adore et qu’il insulte en même temps : « Ah la feignasse ! » s’insurge-t-il contre Kylie Minogue ; « Qu’est-ce qu’elle fait cette connasse ? » crie-t-il contre Lady Gaga. Quand le démon de la danse s’empare de lui, il s’adresse à la chorégraphe noire « Mia Frye, sors de ce corps ! ».
 

Vidéo-clip de la chanson "C'est dans l'air" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer


 

Du fait d’appartenir à un monde onirique que les humains ne peuvent pas rejoindre, l’actrice est considérée comme une mère cruelle et démissionnaire : « La grande dame nous laisse tous orphelins, c’est un malheur incommensurable pour l’humanité. » (Monsieur Charlie dans la pièce L’Héritage de la Femme-araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, p. 17) Sa puissance ne dure que le temps d’une chanson ou d’un film : « Björk avait terminé depuis longtemps. Sa voix malicieuse avait cessé de nous envoûter et le sortilège prenait fin avec le disque. » (la voix narrative du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 187) ; « Jolie, crinière au vent, ses dessous dépassant de l’ouverture du fourreau pailleté, boitant sur une seule chaussure, traînant d’une main le renard, de l’autre son sac, suivit Silvano sans rien dire. […] Son maquillage dégoulinait. Jolie de Parma, celle qui l’avait tant ému au cinéma ! réalisa-t-il tout d’un coup. Hier encore, vous étiez mon idole, mon idéal de femme. » (le narrateur homosexuel du roman La Vie est un tango (1979) de Copi, pp. 22-23) ; etc.
 

Le héros homosexuel rêve de se venger de l’actrice-traîtresse, et dénigre sa reine : « Même la mort n’en veut plus. » (Léo, le héros homosexuel à propos de Loana, dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas) ; « Son vrai nom à Victoria Abril, c’est Victoria Merda ! » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; « Surtout, ne jamais aimer Mylène. […] Aimer Carla Bruni, à moins d’être coiffeur, c’est direct le bûcher ! » (Jonathan, le héros homosexuel de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Avoir rencontré Jolie d’une façon aussi hasardeuse que désagréable le remplissait d’une confusion que Silvano dissimula en adoptant une attitude méprisante. Pour se donner du courage, il se dit : ‘Quand je raconterai à Dorita que la célèbre Jolie de Parma n’est que la putain d’un sénateur… » (Copi, La Vie est un tango (1979), pp. 14-15) ; « Mon illusion, c’est le monde des femmes telles qu’elles sont : plus animales que l’homme mais dont personne ne peut les accuser de passion ! » (Lou, l’héroïne lesbienne s’adressant à sa mère Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (2014) de Copi) ; « Une actrice. Oui. Une pute, c’est bien ce que je dis. » (Benjamin, l’un des héros homos de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Vous êtes une sangsue. Une hyène ! » (Philippe s’adressant à Elisabeth, la présentatrice-télé qui l’a traîné médiatiquement dans la boue, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; etc.
 

Planche "Le Miroir" de la B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi

Planche « Le Miroir » de la B.D. Le Monde fantastique des gays de Copi


 

Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne, présentatrice télé, détruit le milieu audiovisuel dans lequel elle gravite : « Les actrices sont toutes des malades mentales. » Elle se qualifie elle-même de « peau de vache ». Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Strella, le héros transsexuel M to F, imite parodiquement la Callas qui se shoote, alors que, pourtant, elle l’adore : « Je l’ai vue à la télé et ça m’a rendu dingue. […] Notre seul point commun, c’est d’être cinglées. » Dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, le rapport entre Cyrille, le héros homosexuel, et la cantatrice Regina Morti est passionnel : « Je garde encore ce mot que vous m’avez envoyé lors de la première de la Tosca à la Scala di Milano, le voici : ‘Regina, ti amo ! Regina, ti amo ! ’. » (Regina) ; « Je ne peux pas vous épouser, ma chère Regina. » (Cyrille) ; « Je ne vous ai jamais envoyé ce billet ridicule ! » (idem) ; « Je déteste les cantatrices d’opéra, il est impossible de les faire taire. » (idem) ; etc. Cyrille finit par traiter Regina d’« espèce de vieille truie ».
 

L’actrice est détestée de ne pas parvenir à arracher celui qui s’identifie à elle de sa soi-disant misérable existence : « La Négresse du tableau ne m’aimait pas. Elle avait raison. Elle était devenue, au fil du temps, ma rivale. Mon ennemie. Des yeux qui ne se fermaient jamais. Elle avait, elle aussi, le don de voir. » (Hadda à propos du tableau du Louvre, Portrait d’une négresse de Marie-Guillemine Benoist, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 196)
 

Lors du concert d’Oshen à l’Européen de Paris, le 6 juin 2011, Océane Rose-Marie a tout à fait illustré la jalousie des personnes homosexuelles envers la star de magazine, ce reflet narcissique qui fait souffrir et qui fait scandale, précisément parce qu’il n’arrive pas à nous transformer complètement en objet comme lui : « Une fois, j’ai vu dans un magazine une femme qui me ressemblait. Je n’arrêtais pas de me demander : pourquoi cette femme me ressemble ? Pourquoi elle est dans le magazine et pas moi ?!? […] Elle me ressemblait, et ça me rendait malheureuse. Cette femme dans le magazine qui me ressemblait, je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a explosé à la figure. » Cette femme-objet sur papier glacé ne parvient pas à nous entraîner avec elle dans son univers de paillettes ; elle nous abandonne ; elle ne peut pas concrètement nous diviniser par contamination visuelle. Et ça, les personnes homosexuelles ne l’ont pas avalé.
 

L’actrice étant aussi par définition le piège-à-hommes, il est donc logique qu’elle apparaisse aux yeux du héros homosexuel comme LA rivale à neutraliser, la pimbêche qui vient lui voler son/ses amant(s). Par exemple, dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, Lucilla, la copine de Mr Carter, est considérée comme une traîtresse par le jeune héros homosexuel, John, secrètement amoureux de Mr Carter, justement.
 
 

b) La star ridicule et dégradée, ou la vedette vieillissante défiant héroïquement le temps, est célébrée par le personnage homosexuel :

Alice Sapritch

Alice Sapritch

 

L’acte de destruction de la star – soit parce que c’est elle qui détruit, soit parce qu’elle est détruite par son fan homosexuel – est souvent envisagé comme un acte d’amour. Le héros homosexuel rêve son actrice à la fois morte et toute-puissante, éternellement vieille… pour continuer de la haïr pour toujours ! « Cette vieille, la Vénérable, vraiment je lui en voulais, j’y avais cru plus qu’à tout le reste, et voilà, j’étais baisé. » (Vincent Garbo, le héros homosexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 109) ; « Ayez pitié d’une pauvre femme par-dessus vieille ! J’allume la boule. Vous la voyez votre petite Delphine pendue ? Monsieur, me dit-elle, je me sens mal. Mes sels ! Je la gifle. Je l’attrape par les cheveux, lui cogne le front contre la boule de cristal, elle râle, elle s’affaisse sur sa chaise, elle a une grosse boule bleue sur le front, un filet de sang coule de son oreille. En bas on entend le bruit régulier de la caisse, je regarde par la fenêtre, le boulevard Magenta est toujours le même. La vieille continue de râler, je l’étrangle, elle meurt assise. Je me recoiffe de mon peigne de poche, j’enfile mon imperméable. » (le narrateur homosexuel assassinant Madame Audieu, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 89) ; « C’était une dame que j’appréciais beaucoup. Je n’aurais jamais pu lui faire du mal. Ça aurait été comme si je tuais ma propre mère. » (Pretorius, le vampire homosexuel parlant de Mme Yank, la comptable de 80 ans de l’Hôtel du Transylvania, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Marlène Dietrich : une idiote ! » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc.
 

Planche "La Doyenne" de la B.D. Le Monde fantastique des gays de Copi

Planche « La Doyenne » de la B.D. Le Monde fantastique des gays de Copi


ACTRICE-TRAÎTRESSE Doyenne 2
 

On retrouve la star vieillissante par exemple dans les spectacles d’Élie Kakou (avec l’ancienne claudette Mongola), le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie MacDonald (avec la diva à la retraite), l’album Le Monde fantastique des gays (1986) de Copi (avec la Doyenne), la pièce Quand les belles-mères s’invitent ! (2014) de Stéphane Henriaut, la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon (avec la Palma « has been »), le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek (avec la grand-mère de Tommaso, le héros homosexuel), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec les quatre vieilles divas), la comédie musicale Le Cabaret des hommes perdus (2006) de Christian Siméon (avec la vieille star de music-hall handicapée), le film « The Devil Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2006) de David Frankel (avec la diabolique Miranda), le film « Höstsonaten » (« Sonate d’Automne », 1978) d’Ingmar Bergman (avec Charlotte la mère pianiste retraitée), la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier (avec la figure de Marilyn Monroe grabataire et obèse), le film « The Fan » (1981) d’Edward Bianchi, le film « Il était une fois dans l’est » (1974) d’André Brassard, le film « Women » (1939) de George Cukor, la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec Jenny), le one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval (avec la star à la carrière finissante, parodiant les Marlène Dietrich et Zizi Jeanmaire qui n’ont pas su s’arrêter à temps), le one-(wo)man-show Lady Raymonde (2014) de Denis D’Archangelo, la chanson « Et si vieillir m’était conté » de Mylène Farmer, le film « Tan de Repente » (« Tout à coup », 2002) de Diego Lerman (avec la grand-mère chanteuse), le film « Die Bitteren Tränen der Petra von Kant » (« Les Larmes amères de Petra Von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Sunset Boulevard » (« Boulevard du Crépuscule », 1950) de Billy Wilder (avec la Norma Desmond), le spectacle musical Yvette Leglaire « Je reviendrai ! » (2007) de Dada et Olivier Denizet, le film « Le Clair de terre » (1969) de Guy Gilles, les films « Femmes Femmes » (1974), « Corps à Cœur » (1978), et « En haut des marches » (1983) de Paul Vecchiali, le film « Heat » (1972) de Paul Morrissey (avec Sylvia Miles), le film « Best in Show » (« Bêtes de Scène », 2000) de Christopher Guest, le film « Beverly Kills » (2005) de Damion Dietz, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, le roman L’Autre (1971) de Julien Green (avec Mademoiselle Ott), le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec Junn, la mère en maison de retraite), le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan (avec Kate, la mère vieillissante démissionnaire, gangster et indépendante : « Jamais personne ne me dira ce que je dois faire ! »), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears (avec Léa, la star à la retraite), la comédie musicale Une Étoile et moi (2009) d’Isabelle Georges et Frédéric Steenbrink (avec Leslie Caron, la vieille actrice accueillie et ovationnée comme une diva), le film « Un autre homme » (2008) de Lionel Baier (avec la vieille fumeuse), le one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba (avec les vieilles grands-mères), le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras (avec Mary, le vieux transsexuel M to F ayant un cancer mais fumant quand même comme un pompier), la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec Paulette Poussin, l’arrière-grande-tante de Jean-Paul, complètement grabataire, imité par son petit-neveu homo), le sketch de la « Belle-mère » de Didier Bénureau, etc. Par exemple, dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, l’amant diplomate de Roscoe, au moment de recevoir Margaret Thatcher en personne, bande concrètement à cause d’elle. Et Roscoe, par vengeance, dit qu’il a vraiment pissé dans le thé qui sera servi à la première ministre.
 

Les stars adulées par le personnage homosexuel sont en général à l’article de la mort. Par exemple, dans la chanson « Les Adieux d’un sex-symbol » de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger, l’actrice déclassée Stella Spotlight symbolise le déni du statut mortel des Hommes. Elle se définit elle-même comme la mort en personne : « Voulez-vous voir la mort en face ? Elle s’habille en technicolor. » Dans le film « The Curiosity of Chance » (« Saisir sa chance », 2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, a une tendance à « l’imitation de chanteuses mélodramatiques décédées comme Rosemary Clooney, Dionne Warwick, Ethel Merman ». Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, se présente comme une Miss France à la retraite. Dans la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim, le lieutenant Kalachnikov homosexuel avoue qu’il est attiré par les vieilles. Dans son one-man-show Gérard comme le prénom (2011), Laurent Gérard rentre dans la peau de sa grand-mère Mamita, anti-socialiste, raciste, acariâtre, bourgeoise. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, se moque des hôtesses de l’air vieillissantes et acariâtres avec leurs plus jeunes collègues, qui utilisent le chariot de victuailles comme des déambulateurs : « Les vieilles hôtesses, elles, elles ne nous aiment pas, elles nous parlent mal. » Dans la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, Claude est la vieille femme infréquentable, anti-conformiste, inflexible, peu docile, « chieuse », rebelle, vulgaire, volage, solide comme un roc… bref, immortelle. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca rentre dans la peau d’une actrice vieillissante qui fait des publicités, Marie-Astrid : « Dans ‘Autant en emporte le vent’, en 1939, c’est moi qui faisais le vent. » Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Kyril, le dandy maniéré avec son monocle, se gausse méchamment de Marguerite en feignant de l’aduler : « Je vous adore ! »
 

« Je travaille à mon grand come-back. » (la mère transgenre M to F se rétamant plusieurs fois sur scène, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti David Forgit) ; « Je n’ai pas le temps d’aller faire le mannequin en Australie, d’ailleurs, je suis trop vieille. » (« L. », le personnage transgenre M to F de la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Le fait de s’habiller en jumelles leur conservait une certaine clientèle d’amateurs malgré leur soixantaine bien entamée. » (Mimi et Gigi, les deux travestis M to F de la nouvelle « Les vieux travelos » (1978) de Copi, p. 87) ; « La Solitaire entre par en haut de l’escalier. C’est une belle femme de quarante ans, habillée luxueusement. » (Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Catherine D. est en chantier. » (Philippe Mistral évoquant l’actrice Catherine Deneuve, dans son one-man-show Changez d’air, 2011) ; « Quand je serai vieux, j’aimerais tellement être comme vous. » (Romain, le coiffeur homosexuel s’adressant à Isabelle la concertiste, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « Ophélie, si tu nous entends, là-haut, on t’embrasse. » (Jérémy Lorca s’adressant à la chanteuse déclassée Ophélie Winter, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc.
 

Généralement, cette star hautaine expulse son fan. C’est le cas de la méchante vieille dans le film « Tatie Danielle » (1989) d’Étienne Chatiliez (le petit-neveu gay Jean-Marie est rebaptisé de « Jeanne-Marie » par elle), de Lena horrible avec son fan Ernesto dans le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, de l’odieuse Grany dans le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte, de Mrs Whittaker dans le film « Easy Virtue » (« Un Mariage de rêve », 2009) de Stephan Elliott, de Margo méprisant ses fans dans le film « All About Eve » (« Ève », 1950) de Joseph Mankiewicz, de Victoria dans le film « Madame Satã » (2001) de Karim Aïnouz, de la bourgeoise maléfique (dont on ne voit que la main) qui tient le téléphone à Steven mourant dans son lit d’hôpital dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, de toutes les stars méprisantes vis-à-vis des fans masculins dans les vidéo-clips des chansons « I Outta Love » d’Anastacia, « My Love Don’t Cost A Thing » de Jennifer Lopez, « J’envoie valser » de Zazie, « Moi… Lolita » d’Alizée, « He Wasn’t Man Enough For Me » de Toni Braxton, « I Never Loved You Anyway » des Corrs, etc.
 

Par exemple, dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Uma Rojo refuse un autographe à son fan Esteban qui, à cause de cela, mourra dans un accident de voiture. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, toutes les actrices sont à la fois idéalisées et maltraitées parce qu’elles ignorent ou maltraitent leur fan homosexuel. En effet, Dany, le héros homo, cherche à atteindre son inaccessible idole, la chanteuse-actrice Patty Pravo (« Patty, c’est mon idole, mon porte-bonheur. ») qui le salue de loin depuis un bateau de croisière, qui à la fin du film ne lui adressera qu’un furtif « Amore » depuis sa limousine noire, avant de disparaître à tout jamais. Frustré par cette relation puissante et distante à la fois, Dany se venge d’une des doublures de Patty nommée Vivi. Vivi est la belle-mère de Dany, la poupée par excellence (habillée en rouge comme Patty, et blonde décolorée aussi comme Patty), vivant dans une villa en parfaite femme au foyer soumise… Dany débarque chez elle avec un flingue et la considère comme une rivale qui lui a piqué son père.
 
 

c) Le personnage homosexuel garde dans sa main une photo déchirée ou chiffonnée:

Le fan homosexuel vit une vie par procuration avec « sa » star : « Quand je touchais un salaire de misère pour payer ma chambre de bonne, j’avais toujours épinglée votre photo sur mon miroir. J’ai suivi avec grande attention votre carrière. » (Vicky s’adressant à la Comédienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) Voyant que cette actrice ne partage pas son quotidien, il finit par détruire l’effigie de son idole pour mieux prouver qu’elle est immortelle et qu’elle survivra à sa destruction iconographique/symbolique. C’est le cas dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, le film « Gunman In The Streets » (« Le Traqué », 1950) de Frank Tuttle et Boris Lewin, le film « Le Foto Di Gioia » (« Delirium », 1987) de Lamberto Bava, le film « Fotos » (1996) d’Elio Quiroga, le film « La Tour Montparnasse infernale » (2000) de Charles Némès, le film « Le Testament d’Orphée » (1959) de Jean Cocteau, le film « Spring Fever » (« Nuits d’ivresse printanière », 2009) de Lou Ye, le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh (avec la photo de Petra et sa collègue, déchirée par Jane la compagne de Petra), la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir (avec la destruction des photos, jetées au feu), le film « Plan B » (2010) de Marco Berger (avec la photo du sosie de Bruno jetée par Laura), le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec la photo brûlée, serrée au poing), etc.
 

Par exemple, dans la pièce El Vals De Los Buitres (1996) d’Hugo Argüelles, Lionel détruit un poster de Bette Davis avec un couteau. Dans le film « ¡ Harka ! » (1941) de Carlos Arévalo, Herrera déchire la photo de sa fiancée Amparo. Dans le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, une fille se fait arrêter par les bourreaux parce qu’elle possède une photo sous son oreiller : elle est assassinée pour crime d’idolâtrie. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, jette les photos des footballeurs qu’il a utilisées pour faire son article sur l’équipe de foot de son lycée.
 

La photo cristallise et mythifie autant qu’elle fige le modèle féminin dans la mort et l’horreur : « Il faut que je t’explique pourquoi j’ai peur de la photographie. Pour moi, c’est la mort. Je me rappelle Maman presque tous les jours. Je me souviens d’un après-midi en particulier. Nous étions sur les rives de la Sunshine Coast, dans le golfe d’Alaska. Partout il y avait de la neige, c’était blanc à perte de vue. Papa avait acheté un Polaroïd, Maman s’était assise sur un tas de neige. Son visage ce jour-là sera son visage pour toujours. J’entends tout à coup le clic de l’appareil, le zzz de la photo qui sort – petit à petit, le portrait se révèle… Je trouve ça magique. Et pourtant, lorsque les traits de Maman deviennent tout à fait nets sur le papier glacé, je ne la reconnais plus… Elle a déjà changé. Je la regarde, je regarde la photo, je la regarde, je reviens à la photo : ma mère s’enfuit ! Je pleure énormément. La photo tombe sur la neige. Quand mon père la ramasse, les couleurs ont suinté, le visage de ma mère n’est plus qu’une traînée rose. » (Chris, l’un des héros homos du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 44) ; « Dans un dernier flash, elle [Truddy] vit le visage de sa mère, morte à sa naissance et qu’elle n’avait connue que par des photos. » (Copi, « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 40) ; « J’ai été la victime du rouleau compresseur médiatique. » (Cindy, l’héroïne hétérosexuelle qui joue la lesbienne pour ses besoins de célébrité, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen) ; etc.
 

Vidéo-clip de la chanson "Libertine" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer


 

Le personnage homosexuel est sous la dépendance d’un cliché photographique qu’il ne veut pas lâcher. On retrouve souvent dans les fictions homo-érotiques le motif de la main serrant un papier chiffonné : cf. le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec le mouchoir froissé dans la main, aux toilettes), le poème « Lugar » (1980) de Néstor Perlongher, le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye, etc.
 

Main d'Odetta dans le film "Teorema" de Pier Paolo Pasolini

Main d’Odetta dans le film « Teorema » de Pier Paolo Pasolini


 

Par exemple, dans le film « Rebel Without A Cause » (« La Fureur de vivre », 1955) de Nicholas Ray, Platon cache une photo du bel acteur Alan Ladd dans son vestiaire. Dans le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, Odetta, qui prenait sans arrêt les autres personnages en photo, finit mystérieusement pétrifiée sur le lit familial, à l’image de ses clichés. Elle garde une main crispée qui renferme le symbole de son idolâtrie… On ne saura jamais ce que c’est. L’arroseur arrosé apparaît également avec le professeur Figueroa dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, tué par le film qu’il était en train de voir.
 

Marilyn Monroe

Marilyn Monroe


 

De nombreux écrits traitant d’homosexualité nous présentent des personnages gardant dans leur main une icône dont ils ont du mal à se détacher, et qu’ils détruisent pour mieux effacer leur idolâtrie : « Chloé avait du sang entre les dents quand on l’a retrouvée inanimée dans la forêt de Sénart, un papier avec mon nom dans son poing serré. » (Cécile parlant de sa compagne, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 136) ; « Ma main crispée sur une carte postale, la plus banale la plus vulgaire La Place du Tertre tandis que je retiens une espèce de plainte, un grognement dont je m’affole de ne pas reconnaître la nature, je serre les dents, mon corps légèrement incliné au-dessus de la carte vers le guichet. » (le narrateur homosexuel dans le roman La Peau des Zèbres (1969) de Jean-Louis Bory, p. 173) ; « Il sentit sous sa paume le papier lisse d’un exemplaire de l’Imitation que sa mère lui avait donné pour son vingt-deuxième anniversaire, et tout à coup il fut repris par un monde qui lui parut aussi étroit qu’une geôle. » (le héros homosexuel du roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 16) ; « Alors, par un mouvement de révolte qui lui rendit toute sa vigueur, il se leva, arracha cette image pieuse fixée avec une punaise et d’un geste rageur la déchira en quatre morceaux, puis, ouvrant la fenêtre, il lança dans le vide ces petits fragments de papier bariolés de couleurs naïves. » (Emmanuel Fruges, idem, p. 185) ; « Alors elle serre ce papier tout froissé sur son cœur, son cœur peut-être aussi froissé que le papier, autant… ou davantage. » (Molina, le personnage homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 218)
 

Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony vit toujours dans la nostalgie de son « amour » impossible avec Scrotes : « L’amour est comme un phare. Adieu, Scrotes… » dit-il en froissant un papier.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) La femme-objet médiatique représente la mort et la trahison :

Lady Gaga

Lady Gaga


 

En règle générale, les égéries LGBT ne sont pas des enfants de chœur. Par exemple, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » (diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte), il est question de danser de manière « férocement glamour ». Les icônes gays incarnent la quintessence de la trahison et de la violence sophistiquées. Les personnes homos aiment soutenir des femmes machistes, mégalos, ridicules dans leur prétention à être absolument stars, mais sincères dans leur mégalomanie, des êtres qui transcendent la différence des sexes et qui font la nique à tout le monde : on peut penser à Madonna, Lady Gaga, Afida Turner (cf. interview avec Jeremstar), Cindy Sander, Mylène Farmer, Nabilla Benattia, Lady Gaga, Jeanne Moreau, Judy Garland, etc. Ces actrices jouent le rôle de l’homme-objet conquérant et indépendant. Par exemple, sur la chaîne NRJ 12, le 5 février 2011, Afida Turner dit qu’elle « est un mec dans un corps d’homme. » Pour la chaîne TF1, Thomas Vergara, le petit copain de la bimbo Nabilla Benattia qui l’a poignardé, avoue qu’elle n’est pas vraiment un homme : « C’est un garçon, en fait, Nabilla. »
 

Et en même temps, les personnes homosexuelles se retournent contre ces femmes cinématographiques qui les maltraitent, les méprisent (dans leur virilité ou leur féminité) et ne les aiment pas d’un amour réciproque à celles qu’elles imaginent leur donner. « Elle [Katia Leonsky] aimait appeler ses jeunes admirateurs ses ‘nains’. Pour combler son narcissisme, il fallait la présence d’au moins sept admirateurs. Ernestito lui offrit une Vénus de Milo miniature en fromage. En la mangeant, elle ressemblait à un rat. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 297) Par exemple, le retournement inattendu du public gay contre son égérie Madonna (qui n’a fait que 45 minutes de concert à l’Olympia à Paris en 2012) laisse songeur.
 

 

L’actrice est détestée par la communauté homosexuelle de ne pas parvenir à arracher celui qui s’identifie à elle de sa soi-disant misérable existence : « Quand j’étais petit, je jouais à la diva pop dans ma cuisine. Donc je peux comprendre qu’on admire une chanteuse au point qu’on a envie non seulement d’être son meilleur ami et de vivre sa vie, mais aussi d’être à sa place. » (Mykki Blanco, homosexuel, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Chacun d’entre eux avait quelque chose à reprocher à Concha. Ils voulaient tous être son unique amant ou son amante exclusive. L’esclave de cette déesse toute-puissante. Chacun exigeait Concha pour soi seul. Raimundo l’accusait d’indifférence, parce que Concha acceptait ses faveurs à condition qu’un autre homme, souvent racolé par Carlo le coiffeur, le possède d’abord. Raimundo se sentait humilié par cette femme qu’il vénérait. Il estimait que sa virilité partait en lambeaux. Il ne pouvait plus s’expliquer de façon cohérente qu’il eût accepté à regret les conditions mortifiantes de Concha. Il ne pouvait plus revenir dessus. Mais si, il le pouvait : en assassinant Concha. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 31) ; etc.
 

Dans cette émission de Touche pas à mon poste! (2022 sur D8), le présentateur Matthieu Delormeau étrille la chanteuse Beyoncé – grande icône gay et porte-drapeau de la communauté LGBT mondiale – en la traîtant de traîtresse parce qu’elle a accepté de faire un concert à Dubaï, fief de « la plus grande homophobie ».
 

 

Dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel, Lea Delaria, femme lesbienne, dit qu’elle est fan de l’actrice Sigourney Weaver jouant Ellen Ripley dans le film « Alien », parce qu’elle s’y identifie. Mais lorsque dans le scénario de la série de film, l’héroïne finit par coucher avec des mecs, la déception arrive : « J’étais dégoûtée qu’elle couche avec des hommes. J’étais dégoûtée qu’elle couche tout court ! »
 

Miss California

Miss California


 

Dans la réalité, les bimbos les plus célébrées par la communauté homosexuelle ont pu être aussi les plus taxées d’« homophobes » : rappelons-nous d’Anita Bryant (ancienne Miss Oklahoma dans les années 1970), de Brigitte Bardot (et de Frigide Barjot aussi !), de la soprano Élisabeth Schwarzkopf, de Carrie Prejean (Miss California qui a perdu sa couronne de Miss USA en 2009 pour avoir soutenu que le mariage n’était souhaitable qu’entre un homme et une femme), etc. On peut penser également à Judy Garland, icône gay par excellence, et qui à la fin de sa vie insultait ses fans (« J’en ai rien à foutre du public ! ») ; ou bien à Mylène Farmer qui se montre depuis toujours d’une grande froideur à l’égard de la communauté homo.
 

C’est la raison pour laquelle il n’est pas étonnant d’entendre dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant à la fois l’exaltation («Anita Bryant nous a unis ! ») et la diabolisation («Anita, sorcière ! ») de l’actrice. Jean-Luc Lagarce, dans son journal intime (tenu de 1977 à 1995), ne fait pas secret du rêve d’immortalité déçu qu’il partage avec son idole Marlene Dietrich : « Je pensais qu’elle et moi, nous étions immortels. » Dans ses mémoires Palimpsestes (1995), Gore Vidal explique les dégâts de sa confusion entre réalité et fiction : « Malheureusement, je pris le cinéma au sérieux, et s’il ne me fit aucun mal, il mit néanmoins mon sang-froid à rude épreuve. » (p. 418) Quant à Alberto Mira, il reproche à Madonna son irréalité et sa bonté majoritairement de façade : « Madonna est bonne, Madonna est, comme Evita, une sainte, et comme Evita, une révolutionnaire. Comme Evita, elle donne beaucoup d’argent aux associations caritatives, et comme Evita, elle est inimitable. Bref, Madonna est comme Evita, un point c’est tout. C’est justement ça le problème… » (cf. la dernière phrase de l’article « Madonna », dans l’essai Para Entendernos (1999) d’Alberto Mira, p. 483)
 
 

b) La ridicule star dégradée ou la star vieillissante défiant héroïquement le temps est célébrée par beaucoup de personnes homosexuelles :

Il se tisse souvent un lien étrange, à la fois fidèle, passionnel et haineux, entre le fan homosexuel et la femme-objet, lien où la star féminine finit par l’emporter : « Mes fans gays ne m’ont jamais laissé tomber. Même dans les moments difficiles. Les homos sont étranges. Ou ils t’adorent, ou ils ne savent même plus que tu existes… » (la chanteuse Cher interviewée dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Marlene Dietrich savait qu’elle avait un following gay. Elle jouait avec. » (Michel Gaubert, homosexuel, idem)
 

C’est le vieux chêne indétrônable que la communauté homosexuelle célèbre en l’actrice. Beaucoup de personnes homosexuelles aiment les stars vieillissantes, les comédiennes déclassées ou au contraire défiant le temps et les modes : Pascal Sevran, François Ozon, Frédéric Mitterrand, Panos H. Koutras, Marcel Proust, Denis D’Archangelo, etc.
 

« Les deux copines [Jacques et Luisito] prirent le chemin du retour, en récitant alternativement les noms d’actrices françaises et argentines. Ginette Leclerc, Mona Maris, Martine Carol, Olga Zubarry, Arletty, Tita Merello, Leslie Caron, Elsa Daniel, Elvire Popesco…

Ah non, celle-là n’est pas française, protesta Luisito avec force.

Oui, elle est polaque ou roumaine, dit Jacques.

Ou juive, comme toi. »

(Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 227-228)
 

Je vous renvoie au documentaire « Poussières d’Amour » (1996) de Werner Schroeter, au livre d’essais Miss Media (1997) de Ricardo Llamas, etc. Certaines personnes homosexuelles admirent la femme à la soixantaine séduisante et possédant encore une classe époustouflante pour son âge : par exemple, Laura (Jeanne Moreau) dans le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, Victoria (Julie Andrews) dans le film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards, Camille (Catherine Deneuve) dans le film « Après lui » (2007) de Gaël Morel, Catarina (Géraldine Chaplin) dans le film « Hable Con ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar, Blanche (Vivien Leigh) dans le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Elia Kazan, etc. « Il mettait très bien en scène les dames âgées. » (Jean Cocteau par rapport à son amant Jean Marais, dans le documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) d’Yves Riou et Philippe Pouchain)
 

Un certain nombre de personnes homosexuelles célèbrent l’actrice vieillissante tant qu’elles peuvent s’identifier à elle : « C’est notre côté vieilles taties. » (une Sœur de la Perpétuelle Indulgence, dans le documentaire « Et ta sœur » (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin) ; « C’était une très belle femme vieillissante aux cheveux très longs : une sorte de vieille Mélisande étendue sur un lit voilé de dentelles. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 192) ; etc.
 

Par exemple, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), Abdellah Taïa vénère la vieille Sabah : « Sabah faisait son come-back. Cette chanteuse libanaise mythique de plus de 80 ans qui était devenue, à force de liftings, une statue, une momie, une icône, une petite fille étrange à la chevelure flamboyante et très blonde. Une femme à la voix un peu rauque qui défie le monde et le monde arabe. » (p. 66) Mais la déception ne tarde pas à arriver et, avec elle, la dénonciation de la mort-réalité : « Sabah y était plus blonde et plus figée que jamais. Sa voix n’avait miraculeusement pas changé mais son visage blanc était devenu un masque, celui de la mort peut-être. […] Mais ce retour-événement était, au fond, lui-même triste. Sabah n’était plus Sabah. L’âge d’or cinématographique et musical que je connaissais très bien et auquel elle avait contribué était révolu depuis au moins trois décennies déjà. » (idem, p. 67)
 

De son côté, Thierry Le Luron aimait particulièrement imiter les vieilles divas : Line Renaud, Alice Sapritch, Chantal Goya, etc. … pour mieux les croquer. « Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours aimé les vieilles dames » avoue Frédéric Mitterrand dans son autobiographie La Mauvaise Vie (2005). Quant à Jean-Philippe, travesti M to F, concernant son personnage de Charlène Duval, il dit d’elle qu’« elle est une synthèse de toutes les stars vieillissantes » (cf. l’article « Charlène Duval » de David Lelait, sur ce site consulté en juillet 2005).
 
 

c) Certaines personnes homosexuelles gardent dans leur main une photo déchirée ou chiffonnée:

B.D. Femme assise de Copi

B.D. Femme assise de Copi


 

La relation entre les personnes homosexuelles et l’actrice est d’ordre idolâtre, c’est-à-dire qu’elle repose sur une passion jalouse, un fétichisme, une destruction d’image désirée comme une résurrection et un acte magique. Nous retrouvons cette idée de l’estampe détruite dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias : « J’imaginais Lola couchée dans le petit lit, regardant le plafond et les murs où étaient accrochées les photos et les affiches de sa fille Clara, chanteuse folklorique argentine. Elle devait regretter la beauté de Clara, la beauté radieuse de ces photos. Elle devait serrer les poings pour retenir ses larmes. » (p. 71) On comprend que cette photo chiffonnée est un cliché sur lequel certaines personnes ont pu crisper leur désir, ont pu jouir, pas génitalement mais fantasmatiquement parlant (ou par procuration avec un homme « hétéro » qui les attirait…) : « Ernestino [homosexuel] se promit de ne jamais raconter ce qu’il avait vu. Nacho [l’homme « hétérosexuel » espionné] , entre-temps, avait joui sur une photo de Gina Lollobrigida, qu’il avait serrée fortement entre ses mains, faisant une boule de papier engluée dans son sperme. » (idem, p. 199)
 

Par ailleurs, de nombreux artistes homosexuels pratiquent un art fondé sur l’iconoclastie des stars vieillissantes : cf. la photo « Apparition du fantôme du sex-appeal » (1936) de Claude Cahun. Ils détruisent par la parodie les genres musicaux, théâtraux, littéraires qu’ils aiment le plus et qui sont tous très féminins (exemples : Francis Bacon, François Ozon, Christian Siméon, Marcel Proust, Andy Warhol, Yvette Leglaire, Jérémy Patinier, etc.). Je me souviendrai longtemps du passage de la chanteuse Cindy Sander (petite starlette de la télé-crochet qui s’était fait connaître par sa chanson cheap « Papillon de lumière ») à la soirée des Follivores au Bataclan le soir de la Gay Pride 2008 : l’hystérie des gens qui m’entouraient confinait à la sincérité-foutage-de-gueule…
 
 

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Code n°171 – Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe

Tomber amoureux

Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

L’idolâtrie jalouse et sentimentale pour l’acteur convoité ou le Don Juan des cours de récré

 

Quand on voit toutes les fois (quasi toutes) où l’homosexualité est apparue rien qu’à cause de la vue d’un acteur excitant, ou par complexe/admiration jalouse par rapport au beau gosse du lycée, plutôt qu’elle serait venue par le Réel ou par un être de chair et de sang aimant (même si, après, bien évidemment, l’icône du bellâtre cinématographique a pu être projetée sur des personnes réelles proches), on se dit : « Si l’homosexualité ne repose principalement que sur ce stimulus de merde là, elle est ballote, quand même ! »

 

C’est peu de dire que les personnes homosexuelles aiment les images : littéralement, elles les adorent ! Ce n’est pas de l’amour, mais bien de l’adoration. Quelque chose de possessif, d’inconscient, d’hypnotique, de « ravissant » (dans tous les sens du terme !). La caractéristique de ces images qui ôtent aux sujets homosexuels leur désir sexuel et leur liberté, c’est que même si elles peuvent être portées ou incarnées par des êtres humains de chair et de sang, elles sont quand même éloignées/éloignantes du Réel, retouchées, sublimées/déformées par les spots, les montages, le souvenir.

 

Sur les écrans et dans les fictions littéraires, rares sont les protagonistes homosexuels qui ne sont pas tombés amoureux d’un personnage de fiction, un bel acteur, une grande chanteuse, ou un être humain connu dans l’enfance et qui attire à lui un grand nombre de regards, genre le meilleur élève de la classe, le Don Juan sur qui toute l’attention se concentre. Ils disent eux-mêmes maintenir « des relations très intimes avec leur magnétoscope » (l’ami gay de Charlie dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear) et tomber amoureux des figurines de leurs livres, de leur télévision et de leurs magazines.

 

Ça n’arrive pas qu’au cinéma. Parfois, ça arrive par le cinéma au réel, et aux individus homosexuels bien existants ! Il semblerait que ce sont prioritairement les icônes cinématographiques qui ont fait l’effet d’électrochoc du désir homosexuel. Beaucoup de personnes homosexuelles ont voulu coucher avec l’archétype de la beauté défini par leur époque et les médias… même les moins midinettes d’entre elles. L’homosexualité masculine, par exemple, a souvent émergé d’un sentiment de non-conformité par rapport à l’image masculine imposée par les médias, d’une peur fondée avant tout sur certaines images faussées de l’homme réel : « J’avais l’impression que d’être homosexuel faisait de moi un sous-homme. C’est pour ça que j’ai longtemps été mal parce que je courais après une espèce d’image masculine, qui est un archétype social, mais qui n’est pas une réalité en définitive. Je courais après ça… et moi, je suis pas comme ça. » (Olivier, témoin homosexuel interviewé dans l’émission « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) La même chose semble s’être produite pour l’homosexualité féminine : la comparaison excessive à la femme-objet a certainement été décisive. « Je n’étais pas bien belle. Je n’étais pas une pin-up. J’étais toujours un peu rondouillarde… » (Micheline, femme lesbienne citée dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 50) L’homosexualité est le nom donné à une crainte d’incarner une anormalité sexuelle personnifiée. Elle procède très certainement d’une peur d’être un adulte, un homme, une femme, un individu unique, différent et libre, de côtoyer le mystère de l’autre et son propre mystère, d’aimer et d’être aimé, d’être vivant ou objet. Le désir homosexuel paraît être motivé à la fois par un éloignement du Réel (donc le devenir-objet, la mort), et surtout la peur d’être unique (donc la jalousie et la non-acceptation de soi).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Télévore et Cinévore », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Super-héros », « Défense du tyran », « Fan de feuilletons », « Élève/Prof », « Don Juan », « Musique comme instrument de torture », « Bergère », « Éternelle jeunesse », « Actrice-Traîtresse », « Pygmalion », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Substitut d’identité », « Peinture », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Amant modèle photographique », « Amant narcissique », « Solitude », à la partie « Fixette sur un amant perdu et déifié » du code « Clonage », à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran », et à la partie « Nécrophagie » du code « Cannibalisme », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Acteur, mon amour :

Opéra-Rock La Légende de Jimmy de Michel Berger

Opéra-Rock La Légende de Jimmy de Michel Berger


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel tombe souvent amoureux d’un être de papier, d’un chanteur, ou d’un acteur (même si intellectuellement, il se rend compte de sa chimère) : cf. le film « Dottie Gets Spanked » (1993) de Todd Haynes, le film « Emporte-moi » (1998) de Léa Pool, le film « Irma Vep » (1996) d’Olivier Assayas, la chanson « Corto » de David Jean, la B.D. Journal (1) (1996) de Fabrice Neaud, la chanson « La Fan de sa vie » de Zazie, le vidéo-clip de la chanson « Outta Love », le film « Toto Che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (dans le rapport de Fefe à Pietrino), le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan (avec Francis, le héros homo portant une photo de James Dean dans sa main), etc.

 

« Bobby la science, c’était mon premier vrai p’tit copain. » (Hugo parlant d’un personnage de revue scientifique d’adolescence à son futur amant Patrick, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills) ; « Je n’ai pas encore aimé – j’ai failli mourir d’amour quand Marlon Brando s’est déchiré le t-shirt sale en hurlant : ‘Stella ! Stella !’ et j’ai eu une flambée pour Burst Lancaster dans ‘Trapeze’, mais je n’ai pas encore vraiment aimé – et je me demande souvent, sourcils froncés et le trac au cœur, quand ça va se déclencher, où est-ce que je serai, avec qui ce sera et comment ça va se passer… » (le narrateur homosexuel dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 18) ; « C’est beau de sublimer, mais je commence à être pas mal vieux pour rêver que Jean Besré se meurt d’amour pour moi ou que Guy Provost m’enterre sous des tonnes de fleurs coupées parmi les plus rares et les plus odorantes. Ce petit théâtre ne suffit pas à remplir ma vie ni à combler mon besoin d’amour. » (idem, p. 19) ; « Comment j’ai su que j’étais gay ? Par exemple, je faisais sans arrêt le même rêve avec Daniel Radcliffe. » (Simon s’adressant à son amant Bram, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « Moi, j’ai compris que j’aimais les mecs en regardant ‘Games of Thrones’. Je kiffais grave John Snow. » (Bram à Simon, idem) ; « Je suis déçu : t’es pas Ryan Gosling… » (Victor, le héros gay, ironique, s’adressant à son amant Raul qu’il désir beaucoup, dans le film « Plus on est de fous », « Donde caben dos » (2021) de Paco Caballero) ; etc.

 

C’est en général cet acteur qui lui apprend qu’il est homo : « Nous commencerons par cet acteur pornographique. Ça commence toujours par là… » (Samuel Ganes dans son one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle, 2009) ; « Je l’ai aimé. C’était une grande vedette de cinéma. […] Tant qu’il y a de la pellicule, y’a de l’espoir. J’la manipule tous les soirs. » (Charlène Duval, le comédien travesti M to F parlant d’un de ses amants, dans son one-(wo)men-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Je suis sorti avec un chanteur… et il travaille à Disney maintenant. » (Matthieu dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « C’est pas facile, le plaisir. Apprivoiser ton corps glacé. » (cf. la chanson « Que mon cœur lâche » de Mylène Farmer) ; « Merci La Redoute et Les 3 Suisses ! » (Nathalie, lesbienne, en train de se branler avec son gode, dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa) ; « Vous me faites penser aux gens qui regardent des photos d’art de modèles nus en ayant la gaule. Tous ces gens qui n’ont pas encore compris que l’art ne servait pas à bander lamentablement. » (Polly, l’héroïne lesbienne s’adressant à ses deux potes homos Mike et Simon, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 36) ; « Le grand secret de ta vie… Le seul homme que t’as aimé en photo : Rudolph Valentino. » (Charlène Duval, le travesti M to F, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « J’adore Mimi Mathy. Elle a tout d’une grande. […] J’adore Jean-Paul Belmondo. » (le coiffeur homosexuel du one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Bois-Rouge respire le fin d’un monde et ce n’est pas fait pour me déplaire. On y oscille entre un aujourd’hui naufragé et un hier mythique ou pour le moins littéraire dont vous êtes à mes yeux le personnage central. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 143) ; « C’est ce jour-là que j’ai rencontré le premier amour de ma vie, il s’appelait David Bowie. Sa musique a changé ma vie. Moi j’ai changé mon nom pour lui. » (cf. « La Chanson de Ziggy » de Marie-Jeanne et Ziggy, dans l’opéra-rock Starmania de Michel) ; « Quand Brad Pitt est rentré, j’me suis transformé en gonzesse. » (un des comédiens parlant de l’acteur Brad Pitt débarquant dans un bar où il se trouvait, dans le spectacle « stand-up » Desperate Housemen (2010) de Stéphane Murat) ; « Depuis que je t’ai vu sur scène, j’en avais le souffle coupé. » (Un spectateur faisant sa déclaration en chanson à Paul, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Faudrait pas me pousser pour me marier avec KD Lang. » (Stella, une des héroïnes lesbiennes du film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « J’ai passé une nuit de folie, les garçons ! Faut que je vous raconte ! Anna l’actrice, elle s’appelle Anna et pas Vanessa, elle est folle ! » (Polly, l’héroïne lesbienne du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 34) ; « On se parle par écrans interposés. » (Daniel s’adressant à son amant-internaute adoré, Luther, qui vit à l’autre bout du planisphère, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « The Fluffer » (2001), Sean, étudiant en cinéma, tombe amoureux d’une star du porno gay. Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, tous les personnages, homos ou hétéros, fantasment sur le film « Ben-Hur » : « Charlton Heston est trop craquant… » s’extasie Mirko, l’amant de Radmilo. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane, romancier célèbre, et Stéphane, celui qui fut son jeune amant, racontent leur première rencontre : Vincent accompagnait un ami qui venait faire signer son livre auprès de Stéphane à une séance de dédicaces. Dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, Bruno tombe amoureux du fameux joueur de tennis Guy Haines qu’il rencontre dans un train. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adam, le prêtre homo, danse la valse, complètement bourré, avec le portrait de Benoît XVI, son pape chéri qu’il est sur le point de tromper. Dans le film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards, King succombe au charme de Victor quand il le/la voit interpréter la chanson « The Jazz Hot » sur scène. Dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la voix narrative tombe amoureuse de Mathilde, une star de la chanson. Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, « M. », un des héros homos, dit « qu’il est amoureux d’Audrey Hepburn, l’actrice de ‘Breakfast At Tiffany’s » et « fan de Lio » (p. 39). Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, Claude regarde avec envie à la TV le patineur artistique. Dans le film « Amour et mort à Long Island » (1996) de Richard Kwietniowski, un romancier s’amourache d’un jeune acteur qu’il va poursuivre. Dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, l’un des deux amants avoue à son copain que durant son enfance, il est tombé amoureux du personnage fantastique « le Mounime » dans le livre de contes qu’ils sont en train de feuilleter amoureusement. Dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, Loïc tombe amoureux d’un joueur de football, Rui, dont il a seulement vu la photo dans le journal. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Patou, un des « ex » de Bernard, adorait le chanteur Étienne Daho. Dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Bea, Alex s’amourache de la star Mitchell Green. Dans le film « Comme un frère » (2005) de Bernard Alapetite et Cyril Legann, Sébastien change de nom et se fait appeler Zack en référence à un héros de série télé qu’il a adulé dans son adolescence (Zack de Sauvez par le Gong). Dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, Dean est amoureux de Luc Alphin, un comédien de la série Flipper le Dauphin. Dans le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler, Beni, un adolescent, vit une histoire d’amour avec Fugi, un chanteur de rock. Dans son one-woman-show La Lesbienne invisible (2009), Océane Rose Marie dit en plaisantant qu’elle a eu le coup de cœur pour Hélène Rolles, l’héroïne de la série Hélène et les garçons. Dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Sébastien est attiré par Filip du groupe des 2BE3, et par ailleurs, appelle son petit copain « J.R. » (= Jean-René), comme le personnage de Dallas ; quant à Marcy, sa meilleure amie lesbienne, elle tombe amoureuse d’Anne-Lise, l’ex-Miss-Tee-Shirt-Mouillé de son camping de vacances. Dans le film « Backstage » (2005) d’Emmanuelle Bercot, on observe une réelle fascination de la part de Lucie pour la chanteuse de variétés Lauren Waks. Même processus dans le film « Le Rôle de sa vie » (2004) de François Favrat, dans lequel Claire Rocher, pigiste dans la mode, rencontre Élisabeth Becker, une actrice connue dont elle devient l’assistante personnelle. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, dit avoir eu son premier émoi homosexuel à 4 ans, quand sa mère l’a amené voir le ballet Casse-Noisette (1892) de Tchaïkovski, et qu’il a été fasciné par le danseur. Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Kévin, le héros homosexuel, a des posters de 2BE3 au mur de sa chambre d’adolescent. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glenn avoue qu’adolescent, il « se branlait » devant son poste de télévisuel face à l’acteur Rupert Graves. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel post-pubère, est attiré par les hommes poilus et matures : il commence à se masturber avec des photos d’hommes dans les magazines. Dans le film « Fotostar » (2004) de Michèle Andina, Konrad travaille dans un magasin de développement de photos, et « flashe » sur un inconnu posant sur l’une d’elles, qu’il va chercher à draguer (… déjà, au tout début de l’histoire, on l’avait vu, « se rincer l’œil » devant des photos de magazines de lutteurs olympiques qu’il matait dans les cabinets, en cachette…). Dans le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan, la jeune Sibylle Ashby passe son temps à consulter ou à lire des ouvrages érotiques qu’elle vole dans la librairie genevoise d’Axel Thorpe. Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella, l’un des deux héroïnes lesbiennes, regarde régulièrement des films pornos lesbiens pour s’exciter toute seule. Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria découvre sa partenaire de scène Jo-Ann (avec qui elle doit jouer une liaison lesbienne) à travers internet et le cinéma, et ça vire à l’obsession par écrans interposés. Jo-Ann produit la même fascination chez Valentine, l’assistante de Maria, qui est fan de la jeune actrice depuis bien plus longtemps encore que sa patronne. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris, le blond, tombe amoureux d’une star du football, Ruzy Dagneau, joueur noir. Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Mona, l’héroïne lesbienne, s’entraîne à danser la danse orientale devant une danseuse du ventre, Samia Kamaal (la plus grande danseuse d’Égypte), diffusée à la télé. Dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil, Arnaud, le fan de Johnny Hallyday, regrette que son chanteur-fétiche ne s’offre à lui comme il le voudrait : « Avec Johnny, je suis pas sûr que je pourrais avoir des relations sexuelles. » Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, héros homo de 10 ans, anglais, maintient avec John F. Donovan, un acteur de série B nord-américain, trentenaire homosexuel, une relation épistolaire passionnelle à distance pendant 5 années. Rupert idolâtre sa star fétiche, et regarde tous les épisodes de la série (Hellsome High) où joue John, vit sa vie par procuration à travers lui : « C’était mon seul lien avec la vie dont je rêvais. ». Ils échangent une centaine de lettres… et John finit par trahir le garçonnet pour que son homosexualité ne soit pas dévoilée au grand jour. Suite à ce « drame », Rupert déchire tous les posters de son acteur vedette qu’il avait accrochés dans sa chambre.

 

Film "House Of Boys" de Jean-Claude Schlim

Film « House Of Boys » de Jean-Claude Schlim


 

Le référent fantasmatique, le prisme à travers lequel le héros homosexuel envisage les personnes réelles qui l’entourent, et notamment son partenaire amoureux, est en général une créature mythique, littéraire, télévisuelle : « J’avais lu La Citadelle de A.J. Cronin, qui décrivait l’héroïne sous les traits d’une femme particulièrement belle. J’imaginai un moment que c’était elle. » (Anamika face à Linde, sa future amante, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 10) ; « Mourad [l’un des deux héros homosexuels] finit par s’emparer d’un mensuel culturiste acheté à la gare, cacha la tête d’un modèle herculéen et s’efforça de la remplacer imaginairement par celle de Jason. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 244) ; « J’ai adoré les photos de vacances que tu m’as envoyées. Les poissons que tu as capturés sont énormes ! On distingue ton torse à travers le vêtement mouillé : tu deviens un une homme charmant. Si tu as d’autres photos après une baignade nudiste… je suis preneur ! » (Randall s’adressant à Ernest, le copain de son fils, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 235) ; « Tu ressemblais à un acteur de bollywood. » (un des protagonistes homos à son amant, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Ronit était là. Telle qu’Esti en avait gardé le souvenir, et plus encore. Dès le premier coup d’œil, on voyait qu’elle ne vivait plus ici ; elle ressemblait à une fleur exotique qui aurait poussé de façon inopinée entre les pavés. Rose et somptueuse, elle était habillée comme les femmes des magazines ou sur les affiches. » (Ronit, l’héroïne lesbienne observant goulûment son amante Esti, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 85) ; « Il y a entre eux [Denis et son amant Luther] une intimité sensuelle comparable, à la relation entre un spectateur et son chanteur. » (la voix-off du film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; etc. Par exemple, dans la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, le narrateur homosexuel rencontre un joli garçon pendant qu’il visite Le Louvre, et s’imagine qu’il « baise » avec lui comme s’il copulait avec un des personnages du tableau qu’ils observent : « J’entrepris de comparer ostensiblement la paire de fesses de marbre noir du Cupidon qui patinait Psyché à celle de jean noir du garçon figé par l’admiration. » (p. 108)

 

La passion violente pour l’homme-objet ou la femme-objet hétérosexuel(-le) a tout l’air d’une idolâtrie, une traversée de miroir qui rend amnésique : « Alors je l’ai vu. J’en avais entendu parler à la télévision comme tout le monde et j’avais suivi ses exploits. Il est apparu. […] Écran noir. Plus rien ne passe. C’est comme si le stade s’était habillé d’un voile noir mais un peu transparent. » (le narrateur homosexuel du roman Comment j’ai couché avec Roger Federer (2012) de Philippe Roi, p. 4) Elle est proche du fanatisme, de la folie, de la fusion-rupture, car bien évidemment, elle instaure un rapport relationnel inégalitaire dominé/dominant. Par exemple, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Angelo, l’un des héros homos refoulés, après sa tentative de kidnapping de Carla Bruni dont il dit être amoureux, manque de peu d’être interné dans un hôpital psychiatrique, et est activement recherché par la police. Dans l’incipit de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Georges regarde à la télévision son « mec » Édouard faire sa campagne électorale, en le critiquant sévèrement comme s’il était un spectateur lambda, parce qu’il n’épouse pas du tout les mêmes opinions politiques que lui (… mais le public n’apprend qu’après-coup la nature amoureuse, ou plutôt passionnelle, de leur relation… une relation vouée à l’échec).

 

Parfois, l’homme télévisuel occupe une place plus importante dans le cœur du héros homosexuel que l’amant réel : « Je te préviens : le home-cinéma, c’est moi qui me le garde. » (Claude à son copain François, au moment de leur rupture, dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « C’était comme au cinéma. C’était au bord de la plage. C’est alors qu’il m’est apparu. Un petit air de Ryan Goslin… avec le corps d’Élie Sémoun. » (Benjamin racontant sa première rencontre avec Arnaud, à qui il a fait volontairement un croche-patte, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 
 

b) Le beau gosse du lycée :

Je vous renvoie également à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Vidéo-clip de la chanson "Popular" de Nada Surf

Vidéo-clip de la chanson « Popular » de Nada Surf


 

Dans le même registre, mais à une échelle un peu plus accessible, le héros homosexuel se choisit un autre écran humain sur lequel projeter ses fantasmes sexuels naissants. En général, l’heureux élu est le garçon le plus populaire du lycée, celui qui a toutes les filles à ses pieds, qui est super bon en sport, qui a tous les copains qu’il veut, bref, l’homme qui représente la « coolitude » hétérosexuelle la plus naturelle : cf. le film « To Play Or To Die » (1990) de Frank Krom, le film « Little Black Boot » (2004) de Colette Burson, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, le vidéo-clip de la chanson « Popular » du groupe Nada Surf, le film « Le Grand Alibi » (2007) de Pascal Bonitzer, le film « Winter Kept Us Warm » (1965) de David Secter, le film « Oi ! Warning ! » (1999) de Dominik et Benjamin Reding, le film « Venner For Altid » (« Amis pour toujours », 1986) de Stefan Christian Henszelman, la pièce Missing (2008) de Nick Hamm, etc.

 

C’est quand même assez flagrant comme dans beaucoup de cas fictionnels, les réalisateurs ou les romanciers projettent leurs fantasmes inassouvis et adolescents de midinette se faisant courtiser par l’inaccessible Don Juan de leur lycée d’adolescence. Par exemple, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Hugo, le héros gay adulte, retrouve Patrick un ancien camarade de lycée (de 2 ans son aîné) dont il tombe amoureux : « Il est toujours aussi mignon. Voire encore plus qu’avant. Tout le monde adorait Patrick. En plus d’être super intelligent, il était ultra populaire et sûr de lui. Les profs disaient qu’ils seraient président. » (Hugo). ans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, Suzanne tombe amoureuse de la fille la plus convoitée du lycée, Jacqueline : « Elle était populaire et n’avait évidemment pas besoin de moi. » (p. 37) Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara, l’héroïne lesbienne, scotche sur Sonia, une jeune chanteuse bisexuelle qui prépare un disque et qui a un franc succès avec les garçons : « Attends, Sonia, elle peut pas être lesbienne. Elle est trop belle. Tous les garçons, ils craquent sur elle. […] T’as une de ces cotes avec les mecs, toi. » Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo tombe sous le charme du beau Gabriel, le beau gosse du lycée : « Le nouveau est super mignon. » (Giovanna, la « fille à pédés » s’adressant à son meilleur ami homo Léo) Au début de la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes, Hitler tombe amoureux du premier de la classe, Ludwig. Dans le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair, Ernest a le béguin pour Raoul, le Don Juan de son école. Dans le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, Texor, à 7 ans, est fasciné par Franck, le garçon le plus beau de sa classe. Dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Ernst tombe amoureux de la photo de son correspondant allemand Rolf avant de le rencontrer en vrai. Dans le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, la jeune Juliette, secrètement amoureuse de sa prof de français, est jalouse du Don Juan de son collège, le bel Antoine : elle a peur qu’il lui fasse concurrence. Dans le film « Basket et Maths » (2007) de Rodolphe Marconi, Jérôme tombe amoureux de Cédric, le leader de la classe. Dans le roman Avec Bastien (2010) de Mathieu Riboulet, Bastien tombe amoureux à 8 ans de Nicolas, un de ses camarades de classe, qui disparaît peu après dans un accident de voiture. Dans le film « Cappuccino » (2010) de Tamer Ruggli, Jérémie s’éprend de Damien, le leader de sa classe, et s’imagine, parce que celui-ci accepte de se faire sucer par lui, que c’est le « grand amour ». Dans le film « Contra-corriente » (2011 de Javier Fuentes-León, Santiago craque totalement pour son amant Miguel qu’il voit diriger une célébration funéraire, et qu’il photographie de loin : « Tu avais tout d’un leader ! » Dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau se dit, dans son adolescence, captivé par « Pierre et Stanislas, les premiers de la classe ». Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, essuie son premier râteau avec Jeremy, le beau gosse de sa High School en Angleterre, qu’il a cru aimer et qu’il a attendu comme une femme attend un homme. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Marie est fascinée par Floriane, le capitaine de l’équipe de natation synchronisée… et sa future amante. Dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, Amy et Karma essaient absolument d’être populaires dans leur lycée en faisant courir la rumeur qu’elles sont lesbiennes. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène tombe amoureuse de Sarah, la Don Juane du lycée. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), la langue de Laurent Spielvogel, le héros homosexuel, est fasciné par un camarade de lycée, le beau Stanislas : « Il est super chic. » Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, lors d’une intervention en milieu scolaire de l’association Act-Up, un élève de terminale, sans doute homo en herbe, flashe sur le beau Nathan, militant venu faire de la prévention. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, voit débarquer (au ralenti) le beau Nicholas dans sa salle de classe, et c’est tout de suite le coup de foudre. Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies), Ritchie tombe amoureux de Ash, le beau gosse musclé de la fac.

 
Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, tous les héros de la bande de potes gays évoquent en fin de soirée leur premier grand coup de cœur homosexuel. Emory, par exemple, a vécu sa plus forte (et plus décevante) histoire d’amour au collège, quand il est tombé en amour pour un élève plus âgé que lui, Peter : « Il est absolument beau. » dit-il, les yeux fixés dans le vide ; « Je l’ai aimé dès que mes yeux se sont posés sur lui. J’étais au collège et lui au lycée. […] Peter était fiancé à cette conne de Loraine, dont la mère était une vraie salope. »

 

Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel dit qu’il s’est lié d’amitié à l’école avec un certain Julien, un gars avec qui il a vécu ses premières expériences sexuelles dans les cabinets de toilettes (ils se sont comparés les zizis), et qui ressemblait au chanteur Steeven du groupe de Boys Band Alliage. Jefferey dit être attiré toujours par le même type d’hommes : des grands blonds aux yeux bleus. Et Julien correspond à cet archétype, même s’il est africain : « Un Africain blond aux yeux bleus, c’est bizarre, je vous l’accorde. »
 

« Je lui montrais comment faire une explication pour le bac en français. On avait un groupement de textes tiré des Fleurs du mal. Quand je relisais avec lui Parfum exotique, j’avais des frissons des pieds à la tête. J’avais l’impression que ça parlait de lui, de nous. » (Mourad, l’un des personnages homosexuels, parlant d’Esteban, un camarade de classe, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 339) ; « Je suis sûr qu’adolescent, tu étais élu élève le plus populaire. » (Denis en extase devant son amant Luther, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « À 17 ans, j’me rendais pas compte. J’le trouvais beau, brillant, talentueux, intelligent. J’crois qu’on était toutes amoureuses de lui. » (Sandrine, pourtant lesbienne, parlant de Raphaël, dans l’épisode 261 de la série Demain Nous Appartient, diffusé sur TF1 le 3 août 2018) ; « C’était le plus beau mec de la ville. » (Sandrine Lazzari, pourtant lesbienne, se justifiant d’être tombée amoureuse de son amour de jeunesse Guillaume, dans l’épisode 509 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 17 juillet 2019 sur TF1) ; etc.

 

En remontant le fil d’Ariane, on découvre que c’est souvent la comparaison auto-dévalorisante aux autres et surrévaluante par rapport à une exception d’entre eux, qui construit la fascination idolâtre du héros homosexuel. Par exemple, dans le roman Papa a tort (1999) de Frédéric Huet, Julien tombe amoureux de son voisin de pupitre, le bel et sculptural Antoine : « J’ai remarqué qu’Antoine, il est beaucoup plus musclé que moi. […] Il est drôlement bien foutu. » Dans la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Francis, le personnage homosexuel, avoue, tout admiratif, à Tom, un ancien ami d’enfance du club de foot qu’ils fréquentaient ensemble, qu’il était à l’époque déjà amoureux de lui : « Avec ton âme de leader… »

 

À la base, c’est la jalousie qui explique l’adulation pour le chef de la classe. Par exemple, dans le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi, Lukas, l’héroïne trans F to M, tombe amoureuse de Fabio, le beau gosse le plus populaire du lycée ; mais cet amour n’est en réalité qu’un désir de fusion égoïste : « Je suis jaloux de sa dégaine ! » Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, Laurent scotche complètement sur Patrick, l’homme le mieux « gaulé » de sa salle de sport, parce qu’il rêve de fusionner avec lui : « Envie de lui… envie de lui ressembler, tout simplement. » Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar tombe amoureux de Khalid, le meilleur élève de la classe, qui aura le privilège de rencontrer le Roi Hassan II du Maroc à sa place (c’est d’ailleurs pour cette raison qu’il assassinera son amant plus tard).

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Acteur, mon amour :

Dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel tombe souvent amoureux d’un être de papier, d’un chanteur, ou d’un acteur. Je vous renvoie aux documentaires « Amoureuse de Greta Garbo » (2000) de Lena Einhorn, « Jodie : An Icon » (1996) de Pratibha Parmar, aux nombreux calendriers des Dieux du Stade achetés par un public LGBT, aux couvertures de la presse gay, à « l’excitation de groupies attardées » des journalistes de Têtu pour les beaux gosses de la planète (David Beyckam, Enrique Iglesias, Brad Pitt, George Clooney, etc.) et pour les coming out surprise des célébrités (Zakary Quinto, Jim Parsons, Ricky Martin, Jodie Foster, M. Pokora, etc.). Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar, le personnage homosexuel, est amoureusement fasciné par le Roi Hassan II du Maroc qu’il voit à la télé… ce qui se trouve être une réalité autobiographique de l’auteur lui-même. Dans l’émission Ça se discute consacrée le 18 février 2004 à l’homosexualité féminine, Sophie dit être amoureuse de Céline Dion. Le film « Scandaleusement célèbre » (2007) de Douglas McGrath retrace l’histoire vraie de Truman Capote qui, en lisant les journaux, tomba amoureux d’un serial killer. Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte comment son ami Ernestino aime admirer la musculature des sportifs.

 

Je connais dans mon entourage énormément d’amis homosexuels qui ont vécu leurs premiers émois homosexuels par le biais d’un mannequin, d’un acteur, d’un beau chanteur, ou d’un sportif. Par exemple, une de mes amies me dit qu’elle a su qu’elle était lesbienne en regardant la patineuse Katarina Witt.

 

« Je fantasme souvent sur des gars… souvent inaccessibles. […] Je tombe amoureux des hétéros et des stars (ex : M. Pokora depuis son nouvel album et depuis que je suis ses interviews). » (Galopeur, internaute s’exprimant sur le site Doctissimo, le 11 mai 2008) ; « L’impact de la fiction sur un jeune homosexuel, il est colossal. C’est rompre la solitude. Et celui qui n’a que le film homo pour s’identifier, il partage ce secret. Et ce secret, c’est un personnage de fiction. » (Céline Sciamma, réalisatrice lesbienne, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; « Ce garçon est Cinéma. » (Christophe Honoré, parlant d’un acteur dont il est amoureux, dans son autobiographie Le Livre pour enfants (2005), p. 97) ; « J’aime vous lire à peu près comme on aime un amant. […] J’ai voulu vous écrire quand je suis tombé amoureux de Stéphane, le vôtre, en lisant La Vie sans lui. » (cf. un extrait d’une lettre de Florian, un fan lecteur de Pascal Sevran, dans l’autobiographie de ce dernier, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 85) ; « Quand on regarde une série, on se dit : ‘Celle-là, elle est mignonne…’, ‘Celle-là, elle est mignonne…’, etc. » (Fanny, une femme lesbienne s’exprimant dans l’émission Dans les yeux d’Olivier, « Les Femmes entre elles » d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011) ; « Un beau jour, mon regard croisa celui d’un garçon qui ne cessait de cocher, je ne sais quoi, dans son journal. […] Tantôt souriant, tantôt faisant la moue, ses mimiques très drôles lui donnaient cette familiarité, si sympathique, des personnages de bandes dessinées. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 99) ; etc.

 

Dans l’équipe de chroniqueurs de l’émission Homo Micro, sur Radio Paris Plurielle, Fabien, le spécialiste de la « Chronique Santé », avoue qu’il a flashé très jeune sur l’acteur de la série L’Homme de l’Atlantique, Patrick Duffy.

 

Patrick Duffy

Patrick Duffy


 

Les sentiments pour un acteur ou une actrice de cinéma pointe souvent en toile de fond une jalousie et une schizophrénie mal gérées : « J’étais en adoration devant un animateur d’Europe 1, Jean-Louis Lafont, dont la voix et l’allure d’éternel adolescent me ravissaient. Je collectionnais les autocollants avec sa photo et passais tout mon argent de poche en achat de 45 tours. Europe 1 réalisait certaines de ses émissions en direct dans différentes villes de France, le fameux ‘Podium’. En prévision de son passage dans notre région, je me préparais donc à cet événement en endossant le rôle de sa femme imaginaire dans mes jeux. J’avais choisi un prénom de fée : je m’appelais Viviane Lafont. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 29) ; « À l’adolescence, j’ai commencé à regarder les films autrement. Je craquais pour les acteurs, mais au lieu de m’imaginer vivre une histoire très romantique avec eux, je m’imaginais dans leur peau, je m’imaginais eux. C’est un peu bizarre, mais je pense quand même que c’était bien du craquage adolescent. » (Isabelle dans son article « Tom Boy à l’affiche »); etc.

 

Dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), le bel Alexandre Delmar avoue être tombé amoureux du personnage d’Esteban dans le dessin animé franco-japonais Les Mystérieuses Cités d’Or : « Oui, on peut trouver un personnage de dessin animé infiniment beau ! Absolument ! Je ne trouve pas ce concept du tout surprenant. » Puis il le compare à l’acteur principal d’une série nord-américaine de son adolescence : « Bon, d’accord, je dois quand même reconnaître qu’il n’est pas aussi beau qu’un garçon de mon âge qui joue dans une autre série, Sauvés par le Gong, et qui répond au doux prénom de Zach. Tout me plaît chez lui. De la tête aux pieds, sans la moindre exception. Sa coupe de cheveux, sa blondeur, son visage fin, son teint hâlé, son look décontracté, sa popularité, son succès auprès des filles… Je voudrais tellement lui ressembler, même un tout petit peu. Mais il approche de la perfection faite ‘garçon’, ou du moins de l’image que je peux m’en faire, que je ne vois pas comment je pourrais lui arriver à la cheville. » (pp. 13-14) À l’âge adulte, Alexandre Delmar continue à se faire des films avec des acteurs de ses fictions : « Je tombe littéralement amoureux d’un acteur de film prénommé Johan et son image hante chacune de mes nuits. » (idem, p. 110)

 

En règle générale, cela vexe un peu les membres de la communauté homosexuelle de découvrir que leur premier émoi sexuel est d’abord télévisuel et non réel… car quoi de plus naïf, adolescent, et immature, que de prêter des sentiments à une idole de papier, à un écran de télé, ou à un chanteur inaccessible ? Quoi de plus obsessionnel, schizophrénique, et pathétique que de projeter sincèrement sur de beaux acteurs retouchés de partout ses propres fantasmes d’homosexualité (… pour, la plupart du temps, ne pas assumer la sienne…) ?

 

Dans mon parcours personnel, je peux attester que mon désir homosexuel n’est pas venu d’abord pour une personne de mon entourage réel (mon frère, mon grand-frère, mon père, mon cousin, un prof, un camarade de classe, un ami de la famille, que sais-je encore), mais m’a été annoncé par des êtres plus lisses : les illustrations de la Grèce Antique par le dessinateur homosexuel Roger Payne sur des livres pédagogiques, les catalogues par correspondance La Redoute ou Les 3 Suisses, les manuels de biologie du collège ou les livres d’éducation sexuelle de la maison, des acteurs – pas forcément dénudés d’ailleurs – des séries télévisées et des films que je regardais : Sean Connery, Alex Corretja, Pete Sempras, Alec Baldwin, les hommes des films de la Movida espagnole. Ce n’était même pas des images érotiques à proprement parler. Il suffit d’un bout de bras, d’une chemise échancrée, d’un beau visage, d’une publicité suggestive, un bidou qui dépasse, etc., pour que le charme agisse. Par conséquent, nul besoin de partir en croisade contre le porno, de traquer la moindre nudité, ou de s’offusquer des hommes-objets s’affichant en slip sur les affiches publicitaires urbaines ; pas de quoi jeter un voile pudique sur les photos de Gay Pride, les couvertures de Têtu, et d’enfermer ses enfants chez soi. Certes, plus les corps perdent de leur intimité, plus ils appellent à la pulsion homosexuelle, poétiquement appelée « sentiment » ou « amour ». Mais je crois qu’elle arrive aussi par des voies très innocentes, anodines, et belles.

 

Sean Connery

Sean Connery


 
 

b) Le beau gosse du lycée :

Pour pallier à un effondrement identitaire, à un manque d’assurance et de confiance en soi, ou plus fondamentalement à un complexe de vivre, certaines personnalités – qui se révèleront parfois homosexuelles à l’âge adulte –, choisissent de s’identifier à des supers-héros télévisuels, ou bien à des personnes de leur entourage (scolaire) présentées extérieurement comme fortes (fortes par la beauté, l’intellect, le charisme, la séduction, la direction, les attributs sexuels et physiques, etc.) : ce fut le cas de Yukio Mishima, d’Arturo Arnalte, et de tant d’autres. « Je crois bien me souvenir d’avoir envié, en mon for intérieur, ceux de mes camarades qui connaissaient des jeunes filles. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 78) ; « On a tous été traumatisés, à des degrés divers, par les cours de foot au collège. Ce moment cruel où les plus populaires de la classe, de gros beaufs hétéros que vous aimiez en secret, choisissaient un à un les membres de leur équipe, et durant lequel, évidemment, ils vous choisissaient en dernier… » (cf. la revue Têtu, n°127, novembre 2007, p. 107) ; « Il me fascinait et j’aspirais à lui ressembler. Et je me suis mis à parler, moi aussi, de Godard, dont je n’avais rien vu, et de Beckett, dont je n’avais rien lu. Il était évidemment bon élève et ne manquait jamais une occasion d’afficher une distance dilettante avec le monde scolaire. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 175) ; « En sixième, j’ai oublié mademoiselle Levreau pour tomber amoureuse de la première de la classe, moi qui n’étais que deuxième, une certaine Marie-Joëlle. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 47) ; « Déjà j’adorais Gabrielle, quand j’étais jeune, parce qu’elle était super brillante, brillante à l’école, brillante partout j’adorais Gabrielle. » (Catherine, femme lesbienne de 32 ans, s’exprimant dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 58) ; « J’ai été traité de fille très jeune (6/8 ans) par un beau-frère assez tyrannique, avec le recul je m’aperçois que je ne m’en suis jamais vraiment remis… tout du moins ma construction en tant qu’homme a été très compliqué, j’ai toujours eu du mal à me sentir viril (pour résumer)… et avec du recul, je me rend compte que j’ai passé mon enfance à essayé de copier les mimique des gars que j’admirais (le profil hétéro, chef de bande, bagarreur, sportif, drôle, avec du succès avec les filles). Même si je ne suis pas devenu comme eux, j’essayai du moins de me faire accepter par eux, je voulais, en fait, être eux (en lisant les 1ères page de Confession d’un Masque de Mishima, j’ai vu que c’était le cas de certains homos)… Malgré tout cela, je ne me sentais jamais légitime dans ma virilité, toujours mal dans ma peau, et un peu escroc sur les bords… » (cf. le mail d’un de amis homosexuels, de 23 ans, qui m’a écrit en novembre 2011) ; « Je sens pourtant que Charles-Henri tend à m’échapper. Il s’amuse bien mieux avec les autres garçons, ceux qui font du sport eux aussi, depuis toujours, qui font de la musique, comme lui, qui parlent sûrement mieux des filles. C’est un combat pour garder son amitié. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 219) ; « C’est pour un ami de collège que j’ai éprouvé le premier sentiment. » (un témoin homo suisse dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; « Quelqu’un me plaît dans ma classe. Il est l’un des seuls à avoir pris ma défense face aux hyènes moqueuse qui déversent leur fiel sous le préau et dans la cour. Il s’appelle Fabien, je l’admire… Un peu mon héros. Il est fort en foot. Il a un joli sourire qui s’ouvre sur les dents du bonheur et le visage criblé de taches de rousseur. Il rigole tout le temps. C’est la première fois qu’un garçon est gentil avec moi. Grâce à lui, de la catégorie ‘innocente victime’, je passe à celle de petit favori du garçon le plus populaire de la classe. Lui, il me défend, il me protège. Il leur dit d’arrêter. Alors forcément, mon coeur lui est acquis ! » (c.f. l’autobiographie Fils à papa(s) (2021) de Christophe Beaugrand, Éd. Broché, Paris, p. 20) ; etc.

 

J’ai connu dans mon entourage amical homosexuel des hommes qui, à l’école primaire ou dans leur enfance, m’ont avoué qu’ils avaient fortement admiré les chefs de bande de la cour. En filigrane derrière les sentiments, on peut lire une rivalité et une jalousie mal gérées : « Ayant cherché à comprendre vers la quarantaine ce qui pourrait être à l’origine de mon désir homosexuel – et éclairé alors, ou peut-être dirigé, par les pistes que donnait René Girard dans Des choses cachées depuis la fondation du monde – j’ai pensé repérer, en relisant mon histoire, un premier symptôme vers 8/10 ans dans une relation de rivalité dont l’objet était le ‘prestige intellectuel’ d’être le premier de la classe (bien que je sois loin d’être un intellectuel – je suis agriculteur – j’ai eu une scolarité facile, notamment à l’école primaire), et que le rival est devenu malignement objet du désir, pas encore réellement sexuel à cet âge, mais cela en avait l’avant-goût. Cette année-là donc, un autre Philippe me grillait la première place, et ma jalousie fut telle que j’en faisais ma tête de turc et ma victime allant jusqu’à des gestes obscènes sur sa personne. Tout de suite après – ou bien l’année suivante ? – je découvrais qu’il était mon meilleur et seul ami, bien que je doute aujourd’hui que la réciproque ait été vraie. Nous nous sommes perdus de vue, âgés de 12 ans, dans la dislocation de notre société (nous sommes des Français d’Algérie). Je l’ai revu 10 ans plus tard à l’occasion d’un mariage, et compris alors qu’il avait été mon premier amour. Tous mes désirs de garçons par la suite dans la pré-adolescence, l’adolescence et le début de l’âge adulte ont suivi le même schéma. Innommés d’abord, j’ai compris assez tard, vers 18 ans, qu’ils étaient un désir homosexuel exclusif. Mon hypothèse est-elle loufoque, ou avez-vous également rencontré ce type de construction ? » (cf. un mail d’un ami que j’ai reçu en décembre 2012)

 

Pour ma part, je dois avouer très franchement que je ne suis jamais tombé d’un camarade de classe ni même été attiré par les garçons populaires de mon lycée… mis à part peut-être une fascination pour un certain Bertrand, en terminale, mais je ne rêvais pas de lui la nuit pour autant, et n’avais pas de photo de lui cachée dans mon cahier de textes ^^.

 
 

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