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Code n°27 – Chat (sous-codes : Chatte / Tigre)

chat

Chat

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

 

« Chat alors ! » s’exclamait Mylène Farmer dans une publicité de l’année 1984 pour la lessive Le Chat Machine. Je ne peux pas être plus explicite… Tout ce que je peux rajouter comme complément d’enquête, c’est que chat peut faire mal/mâle !

 

Jean Cocteau et son chat

Jean Cocteau et son chat


 
 

P.S. 1 : Ce code est indissociable de mon étude sur « Catwoman » dans le code « Femme-Araignée », ainsi que du chapitre dédié à « la langue au chat » du code « Amant diabolique » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

P.S. 2 : Je précise que je n’aime pas les chats. J’ai toujours eu beaucoup de mal à me faire à leur imprévisibilité, à leur sauvagerie, et en général, ils ne m’attirent pas du tout. Donc vous voyez : je n’instaure aucune règle ni généralité sur « les » homos, ou bien sur les amoureux des chats.

 

P. S. 3 : Ce code est l’exemple parfait du bon usage et de la valeur des codes de mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Le goût des chats n’est pas une cause de l’homosexualité. Celui qui lirait ce code comme une réalité ou une vérité typiquement homosexuelle (= « Les homos aiment tous les chats » ; « Si tu aimes les chats, c’est sans doute que tu es homo »), qui prendrait mes codes au pied de la lettre comme si j’en faisais un indice d’homosexualité ( = « Le con… Il pense ou donne à penser que tous les homos aiment les chats ! »), n’aurait rien compris, adopterait une conception magique, essentialiste, et homophobe de mon discours et de l’homosexualité. On peut aimer les chats sans être homosexuel, même si, à l’inverse, on ne peut pas dire que la présence des chats dans la fantasmagorie, et parfois dans la vie des personnes homosexuelles, soit anodine et insensée. Ce ne sont pas des vérités sur le désir homosexuel et des tendances particulièrement marquées chez lui qui font les homos, et qui séparent les personnes homosexuelles des personnes hétérosexuelles.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Aigle noir », « Araignée », « Corrida amoureuse », « Quatuor », « Chiens », « Moitié », « Extase », « Vampirisme », « Doubles schizophréniques », « Douceur-poignard », « Animaux empaillés », « Se prendre pour le diable », à la partie « Langue au chat » d’« Amant diabolique » et à la partie « Catwoman » du code « Femme-Araignée », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le chat, le meilleur ami de l’homo… ou l’homo lui-même :

Docu-fiction "Butch Jamie" de Michelle Ehlen

Docu-fiction « Butch Jamie » de Michelle Ehlen


 

Dans les œuvres de fiction homosexuelles, le chat apparaît régulièrement, sans qu’on comprenne trop pourquoi au départ : cf. la pièce Tu m’aimes comment ? (2009) de Sophie Cadalen, le film « À corps perdu » (1988) de Léa Pool, le film « Le Traqué » (1950) de Frank Tuttle et Boris Lewin, la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann, le film « Pauline » (2009) de Daphné Charbonneau, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (et le chat noir avec une tache rousse sur le museau), le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose-Marie (avec « Lili le Petit Chat »), le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville, le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant (avec le chat empaillé), la pièce Chatte sur un toit brûlant (1955) de Tennessee Williams, le film « Cat People » (« La Féline », 1942) de Jacques Tourneur, le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, la chanson « Cool Cat » de la Groupie dans le spectacle musical La Légende de Jimmy de Michel Berger, la chanson « Cool Cat » du groupe Queen, le film « Les Chattes » (1964) d’Henning Carlsen, le film « Ixe » (1982) de Lionel Soukaz, le film « Inspecteur Gadget » (1999) de David Kellogg, le film « Catfish In Black Bean Sauce » (2000) de Chi Muoi Lo, la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, le film « Un Amour de Swann » (1983) de Volker Schlöndorff, le film « Cat Swallows Parakeet And Speaks ! » (1996) d’Ileana Pietrobruno, le film « Alice au pays des merveilles » (1951) de Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske, le dessin The Cat (1957) d’Andy Warhol et Julia Warhola, le tableau Osman (1972) de Jacques Sultana, la pièce La Cage aux folles (1973) de Jean Poiret, la chanson « Où est le chat? » de Christophe Madrolle, la chanson « Dis-le-nous » d’Archimède, etc. Par exemple, dans le film « Partisane » (2012) de Jule Japher Chiari, il y a la sculpture d’un chat dans la chambre de la protagoniste lesbienne Mnesya. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Louis et Arthur (le héros homo) s’amusent avec des chatons. Nadine, l’ex petite amie d’Arthur, possède dans sa bibliothèque le livre intitulé Comment vivre avec votre chat.

 

"Le Club des Amis des Chats" de Jean Cocteau

« Le Club des Amis des Chats » de Jean Cocteau


 

Le chat apparaît comme l’« accessoire vivant » classique du vieux garçon ou de la vieille fille bourgeoise. La mère Michèle qui a perdu son chat. Il rentre parfaitement dans le tableau pathétique de l’adolescente attardée ou du trentenaire incasable et perturbé. « J’habite seul avec maman, dans un très vieil appartement rue Sarasate. J’ai pour me tenir compagnie une tortue, deux canaris et une chatte. » (cf. la chanson « Comme ils disent » de Charles Aznavour) ; « M. de Coëtquidan jouissait d’un grand prestige auprès des chats. » (Henry de Montherlant, Les Célibataires, 1934) ; « Hum, je fredonne, dans la chambre vide ma voix résonne. À mes côtés un chat qui déconne et un électrophone. » (cf. la chanson « Encore cette chanson » d’Étienne Daho) ; « Quoi de pire qu’une vieille folle avec un chat… dans la gorge ! » (Toddy, le héros homosexuel de la comédie musicale Victor, Victoria (1982) de Blake Edward) ; « Il serait pas un petit peu gay, ton mec ? ll a un chat, il kiffe les vieilles, il aime bien le shopping. » (Sonia s’adressant à sa pote Joëlle par rapport à Philippe le mari de celle-ci, dans le film « L’Embarras du choix » (2016) d’Éric Lavaine) ; etc. Par exemple, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Dotty, l’une des deux héroïnes lesbiennes âgées, joue avec son chat. Dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, le producteur homosexuel, porte une écharpe avec des pattes de chat. Un peu plus tard, on le voit draguer un assistant dans les couloirs de tournage, avec qui on lui devine une liaison : « Salut mon chat ! »

 

B.D. "Le Monde fantastique des Gays" de Copi

B.D. « Le Monde fantastique des Gays » de Copi


 

Des traits humains sont généralement prêtés au chat : « J’ignorais qu’un chat pouvait sourire. » (le père d’Alice dans le film « Alice In Wonderland » (2010) de Tim Burton) Par exemple, dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio, Aurora, l’une des héroïnes lesbiennes, déclare aimer particulièrement le chat d’Alice au pays des merveilles. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, le chat de Jean-Loup (le héros homo) est décrit comme un animal humain. Dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, Prior demande à Louis si « le chat n’est pas revenu » ; et celui-ci lui répond : « Les chats ont de l’intuition. » Dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine, Damien, le transgenre M to F, a baptisé son chat (mâle) « Patricia ».

 

Le héros homosexuel se prend lui-même pour un chat : « Je suis un chat. » (Sherlock Holmes dans le film « Sherlock Holmes II : Jeu d’ombres » (2011) de Guy Ritchie)
 
 

b) Chat va faire mal :

Le chat semble être une symbolisation de la conscience ou du désir : cf. le film « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch, la pièce Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet (avec le chat maltraité), la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat (avec Pepita, la chatte morte), le one-woman-show Chatons violents d’Océane Rose-Marie, etc. Par exemple, dans le film « Le Placard » (2001) de Francis Veber, Jean-Pierre Belone, le retraité homosexuel habitant à côté de l’appartement du héros François Pignon, passe tout son temps à chercher son chat : « C’est le chat de gouttière le plus anonyme du monde. » Dans le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, une gamine cherche son chat.

 

Ce matou est la conscience individuelle que le héros homosexuel croit morte (cf. le film « Qui a tué le chat ? » (1977) de Luigi Comencini) ou qu’il évacue (et qui revient sous forme de subconscient violent) : « Votre passé, donnez-le à votre chat ! » (Cyrille, le héros homosexuel à Regina Morti, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Debout, je tenais un chat en bois sculpté qu’il m’avait offert, sans savoir ce que j’allais en faire. » (Ronit, l’héroïne lesbienne à propos de son amant Scott, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 49) ; « Le Docteur Feingold [le psychanalyste de Ronit] a prétendu que cette obsession vestimentaire trahissait une activité de substitution. Elle m’a dit que j’avais besoin de ritualiser mon chagrin et que cette manie de choisir des vêtements remplaçait dans mon esprit une expression plus profonde de la perte. J’ai eu envie de lui demander : ‘Et vous, docteur Feingold, vous vous êtes déjà interrogée sur ce que cela signifie, pour vous, de vivre seule dans un appartement blanc immaculé, avec un chat impeccable que vous appelez Bébé ?’ Bien sûr, je me suis contentée de l’écouter et d’acquiescer, car je n’avais aucune envie d’entamer de nouveau une conversation sur mon agressivité, mes limites et ma tendance à ‘résister au processus’, comme elle dit. Ce qu’elle ignore, c’est que ma vie est bâtie sur cette résistance au processus. » (idem, p. 67) ; « On se les partage [les tranches de saumon], mais il y a un chat. Dès le début il ne m’aime pas, il n’aime pas non plus Marielle, on ne sait pas d’où il est sorti, il se précipite sur nos tranches de saumon, il nous griffe, je le tiens à distance avec ma canne, Marielle ouvre la porte, on le chasse. C’est un chat noir énormes à moustaches blanches. Il a dû rentrer avec toi, me dit Marielle. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 135) ; « J’arrive mon chat. » (Maurice, le styliste homosexuel, s’adressant à son ami-e Nate, dans le film « Les Douze Coups de Minuit », « After The Ball » (2015) de Sean Garrity) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, les chats sont le retour du refoulé de la conscience du personnage homosexuel Matthieu, ses doubles schizophréniques : au moment de son accident qui lui coûtera la vie, les chats se battent et sont super nerveux ; Franck, son meilleur ami/amant, chante « Albator » au chat de Matthieu, nommé Stelly (Stelly était le nom de la protégée d’Albator).

 

Souvent, le héros homosexuel est lui-même comparé à un chat, à un animal de compagnie, infantilisé, étouffé, réifié. La chat-chat à sa mémère : cf. le roman Une Vie de chat (1988) d’Yves Navarre, le film « Gatos Viejos » (« Les Vieux Chats », 2010) de Sebastián Silva et Pedro Peirano, le film « Giallo Samba » (2003) de Cecilia Pagliarani (avec Mónica, l’héroïne lesbienne, vivant avec son chat, et appelant son meilleur ami ainsi), le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec le personnage de Paul, comparé à un chat), etc. « J’ai retrouvé ma mère. Le problème, c’est qu’elle m’a oublié. Pour rester avec elle, j’ai pris la place du chat. » (Bill, le héros de la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut) ; « Je confonds toujours le nom du petit avec le nom des chats. » (la grand-mère à propos de son petit-fils, dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) Par exemple, dans la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Francis, le héros homosexuel, est surnommé « chaton ». Dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut, la mère de Bill veut castrer son fils en même temps que son chat. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William, le héros homo, se fait surnommer « mon p’tit chat » par sa sœur Adèle. Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Vlad surnomme tendrement son amant Anton « chaton ».

 

Le personnage homo finit même par s’identifier complètement à son chat. Par exemple, dans le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo, Giulia, l’une des héroïnes lesbiennes, se donne le surnom de « Pussycat ».

 

Dans son one-woman-show Chaton violents (2015), Océane Rose-Marie tente de s’évader de sa vie de couple ennuyeuse à travers ses deux chats, Froustinette et Craquinette, qu’elle a commandés sur LOLCat. Le problème, c’est qu’elle semble les confondre avec sa compagne, qu’elle appelle aussi « mon chat ». Mais également, que les chatons prennent une place démesurée dans leur couple : « C’est comme si David et Katy Guetta avaient pris possession de nos cerveaux. » Froustinette, le félin, fait cinq fois la taille de Craquinette, la chatte fatale qui fait sa star. Océane pense même que sa « femme » lui a greffé dans le cerveau une application « Je veux un chaton ». On voit bien ici que les chats traduisent une schizophrénie, en même temps qu’ils sont le baromètre de la vie (orageuse et violente) lesbienne, et de la souffrance homosexuelle cachée : à un moment, Océane raconte la vie désastreuse de Ricky Chaton, un petit chat vendu sur internet, à qui il est arrivé les pires sévices sexuels (violé par son père, son grand-père…), et qui boit du sang humain.
 

À maintes reprises, le chat est présenté comme un symbole typique du désir homosexuel et de la passivité sexuelle (contrairement au chien, qui serait plutôt la métaphore du désir hétérosexuel, bisexuel, « actif ») : cf. le roman La Sombra Del Humo En El Espejo (1924) d’Augusto d’Halmar (avec le passage descriptif sur la félinité explicitement homosexuelle du jeune Zahir). « Tu as vu la vidéo du chat qui rentre dans la machine ? » (Gabriel essayant d’initier son amant aveugle Léo aux délires des vidéos Youtube sur Internet, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; « Alors que les hommes acceptent petit à petit d’être de petites chattes, nous ne revendiquons pas encore d’être de vrais loups… » (un des personnages féminins de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Papa… J’ai un chat ! Un chat ! C’est comme un chien… mais gay ! » (Anthony Kavanagh imaginant qu’il annonce à son père son homosexualité alors que celui-ci refuse de se faire à l’idée, dans le one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out, 2010) ; « Le chat est dans la gorge. » (les deux cordes vocales – figurées par les deux comédiens – au moment où elles rentrent en contact homosexuel, dans la pièce Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou) ; etc. Par exemple, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), Charlène Duval lit avec délectation des extraits (qu’il force à être « ambigus » et salaces) de Oui-Oui chauffeur de taxi, avec l’histoire de la queue du chat coincée dans la porte du taxi. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony MacMurrough met sur le même plan la sodomie qu’il a infligée au jeune Doyler et le fait de donner à boire à son chat : « Reste mon chaton, j’ai encore du lait. » Plus tard, Kettle, un ancien camarade de classe d’Anthony, connaissant les affaires de mœurs pédophiles dans lesquelles Anthony a trempé, fait discrètement allusion à l’homosexualité de ce dernier, à travers la métaphore du chat : « Peut-être avez-vous raison. Il ne faut pas réveiller le chat qui dort… » Plus tard, le chat s’immisce dans la relation amoureuse entre les deux jeunes héros du roman, Jim et Doyler : « C’est toi le chat. » (Doyler)

 

Le félin accompagne souvent le personnage homosexuel, et est homosexualisé. Par exemple, dans le film « Valentine’s Day » (2009) de Garry Marshall, Eddie, un des personnages gays, a un chat qui s’appelle Barbara. Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain, le coiffeur homosexuel, possède deux chats, qu’il surnomme « David et Jonathan ». Le film « Le Baiser de la lune » (2010) de Sébastien Watel raconte l’histoire d’amour entre Félix, un poisson-chat, et Léon un poisson-lune.

 

Le chat est régulièrement la métaphore de l’amant homosexuel ou du désir homosexuel : cf. la chanson « Hey ! Amigo » d’Alizée (« Elle est comme toi, un chat qui ondule, qui fait le dos rond, elle manipule celui qui dit non… »), la pièce Los Gatos (1992) d’Agustín Gómez Arcos, etc. Il représente la moitié androgynique avec laquelle le héros homosexuel va fusionner et devenir complet : cf. le vidéo-clip de la chanson « Redonne-moi » de Mylène Farmer, le film « Le Chat à neuf queues » (1971) de Dario Argento, etc. Je vous renvoie au code « Quatuor » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Par exemple, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, quand Mathan demande à Jacques « s’il n’a personne dans sa vie », ce dernier lui répond que si : « Il s’appelle Narcisse. […] C’est mon chat angora. Un peu comme un amant. » Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, la première chose qu’on voit à l’écran, en même temps que la bisexualité du héros Jérémie, c’est un chat.

 

L’animalisation en chat se fait passer pour affectueuse ou aimante. Le héros minaude, séduit, se montre caressant, ou bien se fait baptiser « chaton » par son amant : « Toutes petites, déjà, on jouait avec les chats. » (la Religieuse et Preciosa dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen) ; « Plus fort, mon p’tit chat ! » (Bernard, le héros homosexuel s’adressant à son amant Didier, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Mais oui mon chaton, je t’aime comme une folle. » (une femme à son mari homosexuel, dans la pièce Tu m’aimes comment ? (2009) de Sophie Cadalen) ; « Exactement comme les chats portent leurs chatons, tu t’occupes de moi comme un animal de compagnie. » (Judy Minx dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au 3e Festigay au Théâtre Côté Cour de Paris, en avril 2009) ; « Il est comme un chat… à marquer son territoire. » (Matthieu par rapport à son amant Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « C’était au chat que je parlais. Tu mélanges tout. » (Frank, le frère gay de Daniel, s’excusant au téléphone auprès de sa mère de s’adresser à son copain maquilleur Jack, dans le film « Madame Doubtfire » (1994) de Christ Columbus) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage, Jean-Charles (travesti en Jessica) surnomme son meilleur ami Jean-Louis « chaton ». Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Jean-Luc donne à son amant Romuald le sobriquet « mon gros chat ». Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, Chloé est constamment comparée à un chat par son amante Cécile. Dans le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, Mathieu (Jérémie Elkaïm), le héros homosexuel, fuit son amant Cédric pour s’isoler dans une maison de campagne familiale, où il retrouve son chat qu’il désigne comme son seul et unique « prince charmant ». Dès le début du film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno, le tentateur homosexuel, joue avec son chat.

 

Plus encore que le kitsch – assumé ou carrément sincère – du gentil surnom « chaton », plus encore que l’allusion peu discrète et un peu graveleuse à l’appareil génital masculin ou féminin, il y a plus profondément derrière l’icône du chat une métaphore d’un désir amoureux en général non-rassasié, en baisse et violent (ça va ensemble : la force est douceur, et la faiblesse est potentiellement violence) : « Je me plie en quatre, et elle m’engueule parce que j’oublie de nourrir le chat. » (Polly parlant de son amante Claude, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 116)

 

Par exemple, dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Vivi appelle Norbert, son amant, « Minou » ; et son pote Stef, au moment où Vivi veut quitter Norbert parce qu’il lui a été infidèle, déclare « Le petit chat est mort… » comme il aurait dit « Le désir entre vous deux est mort ».
 

Comme en général le chat homosexuel n’est pas doux ou n’est pas vivant, il arrive que le héros homosexuel se venge de lui. Dans les fictions homo-érotiques, le chat peut être l’allégorie animalière de la déception/violence du couple homosexuel, ou de la violence du réveil de conscience qu’expérimente le héros homosexuel s’adonnant aux sentiments ou aux actes homosexuel. C’est la raison pour laquelle il est souvent maltraité : « Le petit chat était si bien caché que la voiture de maman en a fait du steak haché. » (Shirley Souagnon s’imaginant en train de raconter un conte à son enfant, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) Par exemple, dans la pièce String Paradise (2008) de Patrick Hernandez et Marie-Laetitia Bettencourt, Frisette, la chatte de Marilou, se suicide en se jetant du haut d’un immeuble. Dans le one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba, Valérie, la chatte de Mme Suzanne, se défenestre, et est traitée de « pute ». On peut penser au « chat qui s’défenestre » de Mylène Farmer dans la chanson « L’Instant X ».

 

Comme je le disais plus haut concernant l’analogie entre le chat et la conscience intérieure jetée extatiquement dehors, le chat dont il est question dans les fictions homo-érotiques n’est pas toujours un chat réel : il habite le corps sous forme de désir sombre, schizoïde, comme on peut le voir avec le film « Le Chat noir » (1934) d’Edgar G. Ulmer, le one-woman-show Chatons violents (2014) d’Océane Rose-Marie, le film « Katter » (« Tomcat », 2016) de Klaus Händl (avec le chat maléfique qui bousille le couple Stefan/Andreas), etc.

 

Le chat homosexuel est tout simplement l’autre nom du désir de viol, narcissique, incestueux, d’un mal intérieur sauvage et qui divise : « Je rêvai que j’étais moi-même mais que ma queue finissait en une tête de chat qui essayait de m’attraper le museau, et je tournais en cercles sur moi-même de plus en plus vite pour lui échapper. Puis une énorme mouette à tête d’aigle avalait la tête de chat […]. » (Gouri dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 68) ; « Il [Franck] a un truc à l’estomac qui lui fait mal, qui le griffe. » (Emmanuel Adely, Mon Amour, 2009) ; « Comme j’utilise le mot ‘chatte’, j’passe par un violeur en puissance. » (Max, l’un des héros homosexuels de la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) ; « On voit tout de suite qu’elle a quelque chose de bizarre, que ce n’est pas une femme comme les autres. Comme les chats. » (Molina, le héros homosexuel parlant d’Irena la Féline, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de Manuel Puig, p. 9) ; « Je t’amène là où je veux. J’ai toutes les cartes du jeu. » (cf. la chanson « Chatte » de Mauvais Genre) ; etc.

 

Roman "Comment j'ai couché avec Roger Fédérer" de Philippe Roi

Roman « Comment j’ai couché avec Roger Federer » de Philippe Roi


 
 

La mère – « Paulo… Il faudrait que tu viennes reprendre ton chat. Moi j’en ai assez. Il ne mange plus. Je le rends malheureuse.

Paulo – T’aurais pu l’emmener voir un véto, quand même.

La mère – J’ai accepté de garder un animal en bonne santé. Pas une bête malade.

Paulo – Ah oui ? Et c’est quoi la différence ?

La mère – Il a un problème ce chat. Un problème de dents, c’est sûr !

Paulo – C’est bon, je vais venir le reprendre.

La mère – Faudrait qu’il voit le dentiste. Ça existe, les dentistes pour chats !

Paulo – Ça va, j’te dis, je vais venir le reprendre.

La mère – Quand ?

Paulo – Samedi.

La mère – Bon ben alors je l’enfermerai dans la pièce du fond, et je cacherai sa boîte.

Paulo – Ah non, tu ne fais rien du tout.

La mère – Mais je ne veux pas qu’il voit sa boîte. Sinon, tu ne pourras pas l’attraper.

Paulo – Tu laisses la boîte où elle est. Tu ne l’enfermes pas !

La mère – Mais tu sais qu’il comprend tout, ce chat ! Dès qu’il te verra, il aura compris !

Paulo – TU NE FAIS RIEN !

La mère – Il reste caché. Tu ne pourras pas l’attraper. »

(cf. dialogue dans la voiture entre Paulo, le héros homosexuel, et sa mère, particulièrement possessive, dans le film « Une Voix d’homme » de Martial Fougeron)

 
 

B.D. "El Caso Pasolini" de Gianluca Maconi

B.D. « El Caso Pasolini » de Gianluca Maconi (Pasolini dans la gueule du tigre)


 

Quelquefois, le tigre ou la panthère remplacent symboliquement le chat, désignant ainsi ce dernier comme un animal-désir potentiellement méchant, agressif, immature et incontrôlable : cf. le film « Tigerstreifenbaby Warter Auf Tarzan » (1998) de Rudolf Thome, le film « The Politics Of Fur » (2002) de Laura Nix, le film « Les Larmes du tigre noir » (2001) de Wisit Sasanatieng, le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar (avec carrément l’élevage de tigres dans le couvent !), le film « Aimée et Jaguar » (1999) de Max Färberböck, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « Embrasser les tigres » (2004) de Teddi Lussi Modeste, le roman La Course au tigre (2002) d’Emmanuel Pierrat, le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « Jaguar » (1979) de Lino Brocka, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « The Leopard Man » (1943) de Jacques Tourneur et Val Lewton, l’album Bijoux et Babioles de la chanteuse Juliette, le film « Der Tiger Von Schnapur » (1959) de Fritz Lang, les romans El Crimen Del Fauno (1909) et La Pantera Vieja (1916) d’Antonio de Hoyos, le film « L’Homme qui en savait trop » (1955) d’Alfred Hitchcock, le film « Rosatigre » (2000) de Tonino De Bernardi, le film « Tropical Malady » (2004) d’Apichatpong Weerasethakul, certains dessins de Roger Payne, la photo Tigres en grand péril d’Orion Delain, le tableau Signe du Tigre (1990) de Charles-Louis La Salle, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, le vidéo-clip de la chanson « Relax » du groupe britannique Frankie Goes to Hollywood (avec le Néron homosexuel et son tigre), la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard (avec les lions gays, et Bonnard en costume de panthère), le ballet L’Après-midi d’un faune (1912) de Vaslav Nijinski, le film « La Panthère est de retour » (1975) d’Arthur Marks, le film « Coffy, la Panthère noire de Harlem » (1974) de Jack Hill, les films « Quand la Panthère rose s’emmêle » (1976) et « La Malédiction de la Panthère rose » (1978) de Blake Edwards, la pièce El Tigre (2014) d’Alfredo Arias (avec Arielle Dombasle), le vidéo-clip de la chanson « No Big Deal » de Lara Fabian (avec Lara enfermée dans une cage de fauve de cirque), etc.

 

Film "Dans les ténèbres" de Pedro Almodovar

Film « Dans les ténèbres » de Pedro Almodovar


 

Par exemple, dans le film « Les Infidèles » (2011) de Jean Dujardin, le couple homosexuel Fred et Greg montent ensemble un spectacle de magiciens avec un tigre blanc. Dans le roman La Mort difficile (1926) de René Crevel, le personnage d’Arthur Bruggle, le danseur, est associé à une panthère. Dans le film « Camping 2 » (2010) de Fabien Onteniente, Patrick Chirac, avec son petit débardeur rose très « seyant », est surnommé « la Panthère rose » par Jean-Pierre. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Benji imite le « puma dans la savane, version George Clooney ». Dans l’épisode 3 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric le héros homo porte un pull avec un tigre, ainsi que des vêtements en peau de léopard. Dans l’épisode 5 de la saison 1, il porte un manteau tigré.

 

L’image du tigre dans les contextes homosexuels exprime en général un désir possessif et incestuel : « J’ai dû te tirer des griffes du hobbit. » (Russell s’adressant à son amant Glen, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh) ; « Passablement, je suis lion, gggrrrrrrr…. Ascendant lion…. Miaaaaaooouuu ! » (Jarry dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « En général, quand on est petit, on veut devenir un pompier, une infirmière… un tigre. » (Ali Bougheraba dans son one-man-show Ali au pays des merveilles, 2011) ; « J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides, mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux d’hommes ! » (Arthur Rimbaud, « Le Bateau ivre », Poésies 1869-1872, p. 87) ; « Je veux bien que tu sois libre mais, Lou, tu n’es pas un tigre dans le vent de l’aventure ni dans le sens du destin ! » (Solitaire à sa fille lesbienne Lou, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « La nuit, on éteint la lumière en string panthère. » (Fred en parlant de son couple avec Max, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Nous devrions faire jouer nos rôles par des tigres. L’art dramatique des bêtes féroces. » (Valmont s’adressant à Merteuil, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller) ; « Attention, ça va saigner parce que je peux être méchant comme un tigre. » (Jerry travesti en Daphnée, dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder) ; « Mais parmi les chacals, les panthères, les lices, les singes, les scorpions, les vautours, les serpents, les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants, dans la ménagerie infâme de nos vices, il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde : c’est l’ennui. » (c.f. la chanson « Au lecteur » de Mylène Farmer, reprenant Charles Baudelaire) ; « Dans votre milieu, il n’y a que des gays…pards. » (Caroline s’adressant à Dominique et Marcel, couple « marié », dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, le Rouquin sadique qui s’apprête à violer sauvagement le narrateur homosexuel est habillé d’un « imperméable imitation panthère » (p. 109). Dans la bande dessinée La Foire aux Immortels (1980) d’Enki Bilal, le chat télépathe d’Aurélien (l’intendant de Choublanc – et sans aucun doute son amant) est tigré vert et blanc et toujours à deux doigts d’attaquer Jean-Ferdinand Choublanc. Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, les amants d’Emmanuel qui défilent dans son appartement « après la nuit d’amour » portent tous le même peignoir tigre, et attisent chez lui les instincts de viol les plus inattendus. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Jean-Luc saute sur son amant Romuald « comme un tigre ».

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Le chat renvoie le plus souvent à un désir errant, violent, diabolique, nocturne ; au cadre sombre de la prostitution et du viol : cf. la comédie musicale Cabaret (2011) de Sam Mendes et Rob Marshall (avec le Kit Cat Club), le film « Your Vice Is A Locked Room And Only I Have The Key » (1972) de Sergio Martino, le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec le diable et son chat nommé « Chacha »), le film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot (se déroulant dans un cinéma porno parisien), le film « Le Chat croque les diamants » (1968) de Bryan Forbes, etc. « Comment vont vos chats, madame Choyeuse (c’est son vrai nom) ? Je lui demande remontant mon décolleté. Mes chats ? Mes chats ? me dit-elle, qu’est-ce que vous avez à dire de mes chats ? Elle sort un poireau de son filet et me flagelle. J’essaie de la tenir à distance, elle redouble de coups, elle miaule. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977), Copi, p. 45) ; « Il y a des soirs où il faut que je baise avec un gars. À la limite, avec n’importe qui. Comme un chat de ruelle qui rôde. » (Claude dans le film « Déclin de l’Empire américain » (1985) de Denys Arcand) ; « Notre vie est un chiffon de papier que le chat promène en jouant. » (Laura, une des héroïnes lesbiennes du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 195) ; « Assise sur le canapé, elle lisse sous ses doigts les éraflures laissées dans le cuir par les griffes de son vieux chat, mort la veille. » (cf. la description de Gabrielle, l’héroïne lesbienne, dans les toutes premières lignes du roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 10) ; « Jane gratouilla le chat entre les oreilles. L’animal se retourna et cracha, babines retroussées. Jane sentit son souffle, chaud et vivant sur sa peau, tandis qu’elle retirait vivement sa main. ‘Je suis désolé. L’âge a donné mauvais caractère à Albert.’ […] Son haleine effleura son visage, aussi chaude et malvenue que le souffle du chat. » (Jane, l’héroïne lesbienne face au chat « Albert » de Karl Becker, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 66) ; etc.

 

Par exemple, dans la nouvelle « La Servante » (1978) de Copi, il est question d’un « chat péripatéticien » (p. 68). Dans sa chanson « À force de retarder le vent », Jann Halexander décrit une femme fatale qui le fixe des yeux et « murmure à son chat ». Dans le film « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » (2000) de Jean-Pierre Jeunet, Amélie se fait surnommer « chaton » par une lesbienne garçonne qu’elle croise par erreur sur le pallier d’un immeuble chic parisien, et qui est disposée à la croquer. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, la mère-prostituée se décrit comme une « chatte brûlante » : « C’est moi la panthère rose. » En complément, je vous renvoie bien évidemment à la figure de la féminité fatale particulièrement célébrée en tant qu’icône identificatoire par la communauté homosexuelle : je veux parler de Catwoman, la prostituée tueuse (cf. le code prostitution et la partie « Catwoman » du code « Femme-Araignée » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Le chat homosexuel, en plus de violer, peut aussi tuer. Par exemple, dans le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1942) de Luchino Visconti, les chats surexcités le soir d’orage sont la symbolisation des envies de meurtre de Giovanna. Dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, le diable agit « avec la rapidité d’un chat » (p. 51).

 

Film "L'Inconnu du Nord-Express" d'Alfred Hitchcock

Film « L’Inconnu du Nord-Express » d’Alfred Hitchcock


 

Mais il fait le mal en montrant le plus souvent patte blanche. Le désir homosexuel est un désir duel et violent, qui s’annonce sous les hospices de l’innocence, de la pureté, de l’Amour, mais qui va quelquefois frapper. Le symbole du chat noir aux pattes blanches (« Ce chat est mon ami. » avouera Silvano à propos du chat blanc, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 151), ou bien du personnage portant des chaussures noires maculées de blanc, revient de temps en temps dans la fantasmagorie homosexuelle : cf. le film « Pattes blanches » (1949) de Jean Grémillon, le film « Huit femmes » (2002) de François Ozon (avec les chaussures de Louise, couverte de poudreuse blanche… la neige de l’adultère), le film « Reflections In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec William, le héros homosexuel allant silencieusement violer Eleonora dans sa chambre, avec ses chaussures noires aux extrémités blanches), le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec Bruno, le psychopathe qui va s’ingérer de manière violente dans la vie d’un tennisman célèbre), le film « Toto Che Visse Duo Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (avec les chaussures blanches de Pietrino), le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder, etc.

 

Film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock

« J’ai toujours été folle des chaussures. Avec des paillettes. » (Zize, le travesti M to F dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Il portait des chaussures différentes, des espadrilles vertes simples et très jolies. Je les ai tout de suite adorées. Je voulais les mêmes. […] Je voulais de toute façon avoir exactement les mêmes espadrilles que lui. » (Abdellah Taïa parlant d’un domestique noir, Karabiino, sur qui il craque et qu’il essaie d’approcher comme un félin, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 76) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Mon chat, c’est Quelqu’un (c’est même moi !) :

Yves Navarre et ses chats

Yves Navarre et ses chats


 

Dans les reportages traitant d’homosexualité, il arrive que le chat apparaisse, sans qu’on comprenne trop pourquoi au départ : cf. le documentaire « Beyond The Catwalk » (2000) de Grant Gilluley, le documentaire « Le Bal des chattes sauvages » (2005) de Véronika Minder (les chattes sauvages étant ici les femmes lesbiennes interviewées), le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein » (« Tu ne seras pas gay », 2015) de Marco Giacopuzzi (Alexander et son chat), etc.

 

Certains nous apprennent même que les chats peuvent avoir des comportements « homosexuels ». Première nouvelle ! : « On a observé un comportement homosexuel chez 13 espèces appartenant à 5 ordres de Mammifères (Beach, 1968). En voici quelques exemples. Il se produit chez la truie, la vache, la chienne, la chatte, la lionne et les femmes du singe Rhesus et du Chimpanzé. » (cf. l’article « Les Facteurs neuro-hormonaux » de Claude Aron, Bisexualité et différence des sexes (1973), pp. 161-162) ; « Aux côtés de Christine Bakke, Max, son chat tigré, lui réclame des caresses. ‘C’est un homme âgé, plaisante-t-elle. Il est très attaché à ses habitudes, donc attaché à sa maîtresse. Sur l’écran, Max le chat miaule doucement, comme s’il approuvait la prise de conscience [homosexuelle] de sa maîtresse. » » (Christine Bakke, ex-ex-lesbienne, interviewée à Denver, dans le Colorado, fin 2018, dans l’essai Dieu est amour (2019) de Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Éd. Flammarion, Paris, p. 77)

 

Salvador Dali et son chaton

Salvador Dali et son chaton


 

Et si l’on observe notre entourage amical homosexuel, on ne peut que constater que le félin occupe une place importante dans sa vie (artistique, esthétique, fantasmatique, et quotidienne). Certains établissements spécialisés dans la clientèle interlope choisissent de s’appeler Le Chat noir.

 

Les personnes homosexuelles ont parfois été nommées « catamini » (chattemites = « ceux qui jouaient les innocents ») (cf. Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 126).

 

Il n’est pas exagéré de parler, pour un grand nombre d’entre elles, d’une sincère adulation pour cet animal domestique : « J’adore les chats. » (Yukio Mishima dans sa Correspondance 1945-1970 avec Yasunari Kawabata, p. 104) ; « Par la porte du studio, entra Pepe, chargé de l’armoire d’Ernestito, dont la décoration, de papillons et de chats, ravit aussitôt Nelly. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 278) ; « Vous ne pouvez parler de rien. Si. À la rigueur de votre chat. » (un témoin homosexuel breton avouant qu’il dissimule sa vie privée homosexuel au travail, dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre) ; etc. La passion de Jean Cocteau, de Sacha Zaliouk, de Carson McCullers, d’Yves Navarre, de Salvador Dalí, Cathy Bernheim, ou de Colette (elle habitait dans une maison peuplée de mistigris), pour les chats est de notoriété publique (cf. ce festival photographique du kitsch). Par exemple, dans son autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), Pascal Sevran décrit son amant Philippe comme « un homme qui craque pour les chats, qui les adore même » (p. 197). Pierre Loti aimait tellement ses chats qu’il leur a même fait faire des cartes de visite personnalisées ! La photographe lesbienne Claude Cahun voue un vrai culte aux chats : elle se photographie avec (cf. Autoportrait, 1939), ou bien s’en sert pour illustrer ses « images-mouvement » dans Le Chemin des chats (1949). Dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check, Rilene, femme lesbienne, dit en blaguant qu’elle a comblé le manque d’une relation de 25 ans avec sa compagne Margo par la présence de ses deux chats. Dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture » (« Inside », 2014) de Maxime Donzel, on nous dit que « les chats des icônes gays s’appellent tous Ripley ».

 

Photo "Lucie et Kid" par Claude Cahun

Photo « Lucie et Kid » par Claude Cahun


 

Le fanatisme pour les chats va parfois jusqu’à la fusion identitaire : « Si Cocteau était un animal, déclare Raymond Moretti, évidemment il serait un chat. » (cf. l’article « Cocteau était un dictionnaire » de Valérie Marin La Meslée, dans le Magazine littéraire, n°423, septembre 2003, p. 42) ; « J’étais un chat sauvage débordant de tendresses et de peurs. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 52) ; etc. Il peut mal finir. Par exemple dans son autobiographie Il m’aimait (2004), Christophe Tison nous raconte la séance de torture qu’il inflige à un chat. Quant au réalisateur italien Pier Paolo Pasolini, avec ses œuvres provocatrices, il a cherché à se faire des ennemis partout et se découvre chat : « Je suis comme un chat brûlé vif. » (cf. le documentaire « L’Affaire Pasolini » (2013) d’Andreas Pichler)

 
 

b) Chat va faire mal :

Au niveau du sens, le chat semble être une symbolisation de la conscience ou d’un certain désir. À maintes reprises, il est présenté comme un symbole typique du désir homosexuel et de la passivité sexuelle (contrairement au chien, qui serait plutôt la métaphore du désir hétérosexuel, bisexuel, « actif »). Par exemple, sur le dessin (à l’époque, jugé raciste) de Copi publié dans le journal Libération du 5-6 juillet 1979, on retrouve cette idée de l’homosexualité féline quand un chien, sodomisant un chat, s’écrie : « J’aime les races inférieures ! » La félinité homosexuelle est donc un cliché misogyne, machiste, et homophobe, qui dit le viol et qui appelle à celui-ci ; parfois de manière très caressante, paradoxalement.

 

Mylène Farmer

Mylène Farmer


 

Les femmes lesbiennes sont parfois qualifiées vulgairement (par elles-mêmes !) de « broute-minou ».

 

Souvent, dans les discours des personnes homosexuelles, le chat est la métaphore de l’amant homosexuel ou du désir homosexuel (un désir compliqué, inconstant, étouffant) : « J’ai trouvé l’amour. J’ai trouvé un chat… Comme toute bonne lesbienne qui se respecte, j’ai un chat ! » (Blandine Lacour à l’émission Homo Micro de radio Paris Plurielle, le lundi 11 avril 2011) ; « Plus aucune nouvelle de Julien depuis quinze jours. Que fait-il, mon grand garçon ? […] Il me reviendra, comme rentre un chat de gouttière, se faufiler entre mes jambes, c’est le plus probable. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 154) Par exemple, dans le documentaire « Homos : et alors ? » de l’émission Tel Quel, diffusée sur la chaîne France 4 le 14 mai 2012, Marion appelle sa copine Charlotte « chaton ». Dans le sketch de la fausse publicité « Shebon » du trio comique des Inconnus, Bernard Campan, travesti en femme, entretient avec son chat « Hervé » une relation totalement fusionnelle.

 

Plus encore que le kitsch – assumé ou carrément sincère – du gentil surnom « chaton », plus encore que l’allusion peu discrète et un peu graveleuse à l’appareil génital masculin ou féminin, il y a plus profondément derrière l’icône du chat une métaphore d’un désir amoureux en général non-rassasié, en baisse et violent (ça va ensemble : la force est douceur, et la faiblesse est potentiellement violence). Ceci est constamment visible dans l’autobiographie L’Amour presque parfait (2003) de Cathy Bernheim, par exemple. Le chat homosexuel est tout simplement l’autre nom du désir de viol, du désir incestueux, d’un mal intérieur sauvage et qui divise.

 

Quelquefois, le tigre ou la panthère remplacent symboliquement le chat, désignant ainsi ce dernier comme un animal-élan potentiellement méchant, agressif, et incontrôlable. « Vaslav était comme l’une de ces créatures irrésistibles et indomptables, comme un tigre échappé de la jungle, capable de nous anéantir d’un instant à l’autre. » (Romola Nijinski, la femme du fameux danseur-étoile homosexuel, dans la biographie Nijinski, 1934) Par exemple, la guétapiste lesbienne Violette Morris (1893-1944) est surnommée « la Lionne de la Gestapo ». Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, mise en scène par Érika Guillouzouic en 2011, le comédien principal, pour jouer le rôle d’un schizophrène, se déguise en tigre sur scène.

 

Juliette et son tigre

Juliette et son tigre


 

Quelques personnes homosexuelles se prennent effectivement pour des fauves aux griffes crochues (et pas qu’aux Gay Pride) : « Je suis une fan de Sandokan, le tigre du Bengale. » (Mirna dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 209). Par exemple, « le Tigre » est le nom d’un groupe de punk rock que se sont choisi trois femmes lesbiennes féministes.

 

Ou bien certains individus homosexuels se comportent comme des tigres dès qu’ils obéissent à leur désir homosexuel : « La vie en couple est affreuse. Nous nous aimons comme des tigres. » (Paul Verlaine à son amant Arthur Rimbaud, cité par l’officier Lombard, Rapport de la Police française, 1873, dans l’exposition « Vida Y Hechos De Arthur Rimbaud », La Casa Encendida, à Madrid, visitée le 30 décembre 2007)

 

Le tigre indique l’existence d’un désir possessif et incestuel : « Mon premier patient a raconté d’abord le rêve du tigre sous la forme suivante : ‘Je veux aller avec ma mère au Jardin zoologique ; à la porte un tigre furieux bondit avec nous ; il veut mordre ma mère ; je tends ma jambe au tigre, pour qu’il ne morde pas ma mère ; le tigre me mord violemment la jambe…’ La dernière phrase du récit : ‘… et nous laisse libres d’entrer dans le zoo’ n’a été prononcée que beaucoup plus tard. C’est pourtant sur elle qu’il convient d’insister : elle montre que si le patient voulait être traité en femme par le père, c’était pour que le père lui laisse la voie libre vers la mère. » (un patient homo dans l’article « Le complexe de féminité chez l’homme » de Félix Boehm, Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 465)

 

En écoutant les discours d’un certain nombre de personnes homosexuelles, le chat renvoie souvent à un désir violent, diabolique, nocturne, à un contexte sombre de prostitution ou de viol : « Il a alors attrapé ma tête, m’a tiré les cheveux et a dit, autoritaire, vulgaire : ‘ouvre tes fesses, j’ai dit… Ouvre-les ou bien je te viole… Je le jure que je vais te violer, petite Leïla… […] Je m’étais transformé en petit tigre enragé. Il aimait ça. La bagarre. Les défis. Les offensives. Il était de plus en plus excité. Moi aussi. En colère et excité. On se donnait des coups, pour de vrai, pour de faux. Il m’insultait. Zamel. Salope. Petite Leïla. Je le mordais, au bras, aux cuisses. On se poussait. » (Abdellah Taïa, par rapport à son cousin Chouaïb dont il est amoureux, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), pp. 22-23) ; « Lui, allongé sur son lit, nu comme au premier jour de sa naissance, me reluquait à la manière d’un tigre qui guette sa proie. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 112) ; etc.

 

Par exemple, dans le film pornographique « New York City Infierno » (1978) de Jacques Scandelari, chaque séquence de coït homosexuel est observée et célébrée par un chat. Et quand on demande au réalisateur François About le pourquoi (c’était le 15 octobre 2011, juste après la projection du film, lors du 17e Festival de cinéma LGBT Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris), celui-ci s’explique avec facétie et un amusement flou qui n’entre pas dans les détails : « À chaque fois que je fais une scène porno, j’aime bien mettre un chat dans le champ de la caméra. Parce que j’adore les chats. » Le captif des idolâtries violentes est bien en peine de mettre des mots derrière elles…

 

 

Dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, Déborah, personne intersexe élevée en fille, et son amie Audrey, elle aussi intersexe, se baladent au Muséum d’Histoires Naturelles de Lausanne (en Suisse), et y observent les animaux empaillés, et notamment un « Chat : Monstre à tête double ».
 
 

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Décryptage des « chats » internet gay

 

 
 

INTERNET,

LE NOUVEAU « MILIEU HOMOSEXUEL »

QUI N’OSE PAS DIRE SON NOM

 
 
 

On entend dire de plus en plus que la communauté homosexuelle a du mal à faire bloc, à ne pas se disperser, que la convivialité des lieux de drague est en perte de vitesse parce que « les » homos ne sortent plus. En France, elle aurait les espaces de sociabilité suffisants pour accueillir tous ses membres, mais ceux-ci, en bons enfants gâtés, déserteraient les locaux associatifs, les bars de tous les Marais du monde, et les endroits étiquetés gay friendly ; ils ne se déplaceraient plus (ce qui est assez vrai) dans les festivals culturels qui leur sont dédiés ; ils privilégieraient les rencontres inter-personnelles plutôt que les rassemblements en grand groupe, et fuiraient au plus vite leurs semblables une fois qu’ils auraient trouvé chaussure à leur pied ; les centres LGBT n’attireraient pas foule (on y voit les bottes de foin rouler… Il ne manque plus que le miaulement du chat de gouttière et l’harmonica des films de western pour que le tableau soit complet !). La Gay-Pride, jugée « trop caricaturale et communautariste » est fuie comme la peste (d’ailleurs, elle s’hétérosexualise à grand pas !). Le « milieu homosexuel » est-il donc en train de mourir alors même qu’il vient à peine d’être reconnu ? Où sont donc passés « les momosexuels » ? Et surtout, si ces derniers n’ont pas disparu par l’opération du Saint-Esprit, quels sont ces nouveaux lieux où ils entrent en contact ? Comment les définissent-ils, et quel rapport entretiennent-ils avec eux ? Car je ne suis pas loin de penser que toutes ces personnes homos, qui se définissent à l’unisson « hors milieu » alors qu’elles ont pourtant les deux pieds dedans puisqu’elles ont majoritairement élu domicile dans l’espace faussement virtuel, faussement éclaté, et faussement mouvant, qu’est Internet (que je définirais volontiers comme le « Petit Milieu » homo), ont construit un nouveau milieu homosexuel qui ne veut pas en porter le nom, l’endroit le plus homophobe et donc le plus homosexuel qui soit : les sites de rencontres homosexuels. GayRomeo, Citegay, Gboy, Gaypax, Gayvox, etc. : la gamme des supermarchés de l’amour homo est étendue… sachant que, pour multiplier leurs chances, beaucoup d’utilisateurs s’inscrivent simultanément sur plusieurs d’entre eux, et surfent de l’un à l’autre, … comme des caméléons schizophrènes agents doubles.

 
 

 

Je me permets d’insister sur l’importance qu’occupe Internet dans la vie de nombreuses personnes homosexuelles. Parce que, même si leur présence derrière les écrans n’est pas assumée (elles diront souvent qu’elles y vont en dilettante) et qu’elle peut être très épisodique, la fréquentation des sites de rencontres reste une pratique très courue dans les sphères relationnelles homosexuelles. Internet est à l’heure actuelle l’outil n° 1 choisi pour la recherche d’amour. Il est plébiscité par la grande majorité des communautaires. Il mobilise énormément de leur énergie et de leur temps, et génère beaucoup de mal-être en eux, en dépit de l’aspect ludique et interactif qu’il présente.

 

Alors certains me rétorqueront : « Ouais, mais ce que tu dis sur le milieu homo sur Internet, c’est pareil pour les hétéros. C’est pas propre aux homos ! » Cependant, je maintiens que même s’il y a des points communs indéniables entre les sites de rencontres amoureux dits « hétéros » et les sites homos, il existe néanmoins une attraction plus marquée du désir homosexuel et des personnes homos pour l’outil virtuel. Je citerais volontiers l’Enquête sur la Sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon pour appuyer cette idée : « Les femmes et les hommes homo-bisexuel-le-s rencontrent plus fréquemment des partenaires par Internet que les femmes et les hommes hétérosexuel-le-s : 24,5 % des femmes homo-bisexuelles et 41,6 % des hommes déclarent ainsi avoir déjà eu un partenaire rencontré par Internet contre 2,7 % et 4,3 % chez les femmes et hommes hétérosexuels. » Que cette attraction pour le virtuel s’explique par un phénomène d’oppression sociale due à un statut minoritaire ou à une invisibilité de survie ne change rien à la donne. Internet séduit particulièrement les personnes homos. Et c’est pourquoi j’ai eu envie, dans ce nouveau Phil de l’Araignée, d’aborder le monde virtuel comme une métaphore de la communauté homosexuelle, et, pourquoi pas, du désir homosexuel aussi.

 

Les sites de rencontre homos sont en train d’évoluer à la vitesse de l’éclair. En gros, on va vers plus d’immédiateté et de consommation. Je pense notamment à l’influence croissante de Facebook, de MSN, des I-Pad, des webcams, d’autres sites de rencontres généralistes tels que Meetics, ainsi qu’aux applications I-Phone (comme Aka-Aki, GrindR, No Pic No Dial, etc.) qui sont très courues par les personnes homos (ces applications permettent à leurs utilisateurs de se rencontrer très vite dans leur champ géographique le plus proche. Elles les transforment mine de rien en prostitués, avec une chaîne autour du coup ou une puce électronique greffée dans la peau, prêts à l’emploi, à consommer sur place, détectables et joignables à tout moment…) Tous ces médias parallèles servent de relais « bonne conscience » aux sites de rencontres communautaires connus, et élargissent considérablement les frontières du « milieu homo ». C’est pour cela que la définition du « milieu gay » que j’ai donnée dans mon livre il y a quelques années se vérifie : il est finalement réductible à tout lieu où une personne ressent un désir homosexuel, qu’elle se retrouve dans la solitude d’une discothèque bondée à Paris ou dans le calme d’une maison campagnarde de province.

 

 
 

CODES ET SYMBOLISME DES « CHAT » GAY

 
 

Je vais vous proposer maintenant un petit tour symbolique des sites de rencontres Internet gay, à travers la grille de lecture des codes de mon Dictionnaire des codes homosexuels. Ce sera un peu une sociologie des « chat » homos que vous allez lire, avec des observations personnelles à propos des points communs que j’ai pu relever sur les profils des internautes. Et fort de mon expérience (je les ai fréquentés deux années, de 2000 à 2002 ; puis 3 ans, de fin 2008 à début 2011, avant de les quitter définitivement en février 2011), je pense pouvoir dire que les dangers du surf sur les sites de rencontres homos ne me sont plus totalement inconnus… même si, dans ce domaine-là, plus on se targue de bien les connaître afin de se justifier d’y rester inscrit, plus on tombe dans le panneau ! La longévité sur les sites de rencontres internet n’est nullement un gage de distance et de maturité. C’est le détachement définitif qui, à mon sens, dira réellement la grandeur d’âme d’une personne, et non simplement la bonne connaissance intellectuelle et empirique de l’espace virtuel.

 

Je vous épargnerai donc le laïus pleurnichard habituel de ceux qui se plaignent d’Internet, et qui disent que les « chat » homos « c’est trop cul, trop superficiel, trop cul, trop marchand » parce qu’ils les ont trop fréquentés (et qu’ils continuent de les fréquenter chroniquement), et parce qu’ils se comportent généralement comme les autres internautes, même s’ils jouent un moment les dandys esthètes qui sortent du lot et qui aiment la Nature. Ce qui m’intéresse, ce sont les dénominateurs communs que partagent inconsciemment les utilisateurs de ces sites de rencontres, leurs tics de langage, les réactions étranges et tragicomiques, les « perles » langagières, les attitudes aberrantes ou saugrenues qu’on peut y entendre. En voici quelques exemples, avec leur notice interprétative qui n’engage que moi :

 

–       Code de « l’homosexuel homophobe » : Presque tous les internautes homosexuels se disent « hors milieu », et ne supportent ni les folles ni les efféminés. C’est très curieux, le fait que ces sites soient tout à la fois la fois des concentrés d’homosexualité et des concentrés d’homophobie ! Ça veut bien dire ce que ça veut dire sur la nature idolâtre du désir homosexuel, qui est pour et contre lui-même. Par ailleurs, il est amusant de constater que malgré la revendication d’une originalité absolue, la grande majorité des inscrits s’auto-proclame athée, agnostique, de gauche (politiquement parlant), et disposée à faire du sexe sans sentiments si l’occasion se présente. L’anticonformisme est bien le mot d’ordre et le conformisme des communautés nouvelles qui se sont pliées tacitement à l’idéologie individualiste ambiante. Ah oui ! J’allais oublier ! L’internaute gay lambda, dans ses lignes de profils où il se présente, se sent obligé en général de sortir cette phrase d’anthologie hyper militante : « J’aime pas les cons. » Normal… quand on ne s’aime pas soi-même.

 

–       Code « extase » :  Voici un tic de langage que j’ai souvent remarqué chez les internautes de ces sites : c’est qu’ils nous renvoient presque toujours la balle quand on leur pose une question, même quand celle-ci est hyper informelle et pas du tout inquisitrice. Comme des automates, ils finissent leurs petites phrases laconiques par : « Et toi ? » (ex : « J’en ai parlé juste à quelques amis. Et toi ?»). Ce « Et toi ? », grotesque et risible tellement il est systématique, est une béquille qui leur permet de ne jamais parler d’eux. Ceux qui l’emploient bannissent toute introspection. En plus d’être un aveu de paresse, et de témoigner d’un faux intérêt pour l’interlocuteur en face, il illustre qu’ils n’ont rien à dire et qu’ils s’extériorisent systématiquement pour ne pas avoir à constater leur vide intérieur.

 

–       Code du « chien » : En lien avec le cannibalisme, on observe que dans la majorité des profils, les internautes choisissent en conclusion pseudo comique de leur pourtant clinique présentation d’eux-mêmes, cette phrase : « Vous pouvez venir me parler : je ne mords pas (lol). » Les je-ne-mords-pas, mieux vaut ne plus les compter tellement on les lit partout ! Ce trait d’humour m’énerve autant qu’il m’interroge. Je me suis toujours dit qu’il décrivait symboliquement des instincts canins. D’ailleurs, quand on lit certains pseudos, on comprend que l’association injurieuse entre homosexualité et zoophilie n’est pas le fait de prétendus « méchants homophobes », mais bien des personnes homosexuelles elles-mêmes. Il n’est pas rare qu’un internaute se définisse comme un « garçon sage », un « mec gentil », un « gars sympa et cool », un « homme trankil qui ne mords pas (quoique…) » Autrement dit un bon toutou, bien obéissant et soumis…

 

–       Code « parodie de mômes » : Quiconque vient sur les chat homos a l’impression de débarquer sur une grande cour d’école avec des adultes illettrés restés au stade de l’enfance. Je vais vous citer les lignes de profil d’un gars de 25 ans que j’ai lues textuellement en février 2011… et ce n’est malheureusement pas un cas isolé : « Je veux me trouver un gentil doudou qui prendra soin de moi et dont je prendrais soin ! Un doudou poilu, avec qui je partagerais plein de centres d’intérêts et qui aime faire la grasse mat le dimanche matin. » Dans ce genre de sites, même les hommes mûrs de plus de 40 ans écrivent comme des élèves de CE2. Orthographiquement, c’est pathétique. On se demande s’ils le font exprès pour se donner un style jeune… mais on se rend vite compte que non, en fait ^^. (Je précise, pour les utilisateurs de ces sites qui auront la force de lire ces lignes – et ils ne l’auront vraisemblablement pas – que le verbe « chercher » ne s’écrit pas « ch » ; que le mot « amitié », ça ne finit pas par « -er », même si phonétiquement c’est le même son ; et que l’abréviation « sa » pour remplacer le pronom « ça » n’est pas une vraie abréviation ;-)).

 

–       Code du « désir désordonné » : Je définis souvent le désir homosexuel comme un manque de désir. Et sur les sites de rencontres homos, l’absence de désir et d’engagement amoureux est très marquée. Il y a un nombre incalculable de personnes bisexuelles, d’hommes mariés, et de personnes homos semi-célibataires ou en «couple libre » (joli euphémisme pour dire « infidèles » et « mal casés »…). Personne ne semble vouloir être là pour quelque chose de précis, ni savoir ce qu’il veut : les habitants des sites s’évertuent à dire qu’ils sont « cools », « sympas », « tranquilles »… pour ne pas à avoir à s’interroger sur leur désir profond. Le plus drôle, ce sont ceux qui disent qu’ils veulent du sérieux et qu’ils sont exigeants, alors que leurs phrases sont bourrées de fautes. Ou alors ceux qui expriment, avec des conjonctions de coordination « ou » partout, tout et son contraire : « Je veux ça OU pas ; Je veux idéalement du sérieux, mais entre temps, je n’ai rien contre un plan Q… ; Pour une nuit OU pour la vie. » Nous pouvons lire sur les profils toutes les expressions de l’hypothèse, qui marquent le manque de désir et d’engagement : « On verra bien… Qui vivra verra… au feeling… voire plus… à vos claviers… En attendant… Et plus si affinités… » Les internautes employant ces formules évasives te promettant la lune (ou plutôt l’un de ses quartiers !) sont les mêmes qui vont pourtant te proposer un verre dans la seconde, en méprisant Internet. En fait, ils veulent masquer que s’ils n’ont rien à dire dans le virtuel, c’est qu’ils n’en auront pas plus à dire dans le réel.

 

–      Code de « artiste divin » : Bien souvent, les internautes homosexuels se prennent pour des oeuvres d’art ou des artistes demi-dieux. En d’autres termes, ils se confondent avec leurs goûts. Ils ne parlent pas de leur avis sur la vie, de leurs opinions, de leurs valeurs, du sens de l’existence et de leurs actions : ils se contentent de déblatérer tout ce qu’ils aiment (et généralement, leurs goûts sont liés à ce qu’ils consomment, non à ce qu’ils font concrètement pour les autres). Ils pensent que quand ils ont dit qu’ils aimaient la musique, le ciné, les voyages, la cuisine, le sport, les expos, ils ont tout dit d’eux, ils ont parlé d’amour de la manière la plus belle qui soit. C’est toujours la navrante confusion entre goûts et amour, ou entre esthétique et éthique : j’aime le glace au chocolat comme j’aimerais un homme. D’ailleurs, les pseudonymes choisis sont souvent des paroles de chansons ou des titres de films. Je m’appelle « Bleu-Noir », j’aime Almodovar ou François Ozon… donc j’ai vachement de personnalité. Les Carpe diem (comme je les appelle), ces hédonistes épicuriens qui confondent les sens et LE sens de la vie, ou bien leurs émotions et l’amour (« je bande… donc je suis et j’aime »), adoptent un optimisme de façade pour cacher leur état dépressif et leur manque de confiance en eux. Ils se servent de l’excuse de l’art, de l’ésotérisme, et de la recherche de bien-être, pour édulcorer et colorer leurs instincts sexuels (ex : ils proposeront des massages tantriques ou des visites de musées… juste avant de passer « comme par enchantement » au plan cul.)

 

–       Code « se prendre pour le diable » : Beaucoup d’internautes se prennent pour le diable. Ils puisent abondamment dans le lexique démonologique pour le choix de leur pseudonyme (Ex : « Angeldevil », « Sans-Logique », « Satanas75 », « Mephisto », etc.). Ils se mettent à la place de satan pour exagérer leur mépris d’eux-mêmes et le nier par une auto-suffisance ironique. Mais généralement, cette identification à Dieu ou au diable exprime chez eux la croyance qu’ils ne peuvent pas aimer et être aimés véritablement.

 

–       Code des « bonbons » : Certains internautes se définissent eux-mêmes comme des bonbons, des biscuits, des friandises (« Crunchyboy », « Lollypop », « Sugarbabe », « Ptibiscui », etc.). Ce ne sont pas des denrées de première nécessité, mais des aliments qui ne nourrissent pas, qui expriment le jeu et la culture de consommation de masse. Bref, un désir de viol.

 

–      Code du « milieu psychiatrique » : Une critique revient très souvent dans les lignes de profils des internautes homos : ils souhaitent éjecter de leurs dials tous les « mythos, psychos, schizos, et dépressifs en tout genre »… parce qu’en effet, il est vrai qu’au fil des discussions, on rencontre extrêmement souvent des personnes inconstantes, dont le discours ne tourne pas rond, dont l’identité est incertaine, dont la souffrance et les pathologies crèvent l’écran. Les gros handicapés de la relation et de la communication sont légion sur ces sites. On a l’impression certains soirs de se promener dans un asile psychiatrique non-agréé, où la pulsion et les émotions sont reines, où les propos raisonnés et l’humour simple n’ont plus droit de cité. D’ailleurs, la grande majorité des internautes en parlent tellement, de ces « mythos psychopathes », qu’on douterait presque qu’ils se dénoncent eux-mêmes…

 

–      Code de l’ « amant narcissique » ou de l’ « amant photographique » :  Les garçons qui se prennent en photo devant leur glace, dans une piscine ou un reflet aquatique, avec leur téléphone à la main (= les Statues de la « Libertine »), sont nombreux. On a droit au cortège de photos pseudo artistiques avec des poses de divas (genre « je suis une star, je suis original, je fais des shooting photos design ultra-conceptuelles, parce que je suis un bibelot pas comme les autres »), ou bien carrément des clichés indécents (genre « je fais l’amour à la caméra et je prends des positions de chiennasse ») qui seraient à mourir de rire si elles ne traduisaient pas un désir de viol bien souvent actualisé.

 

–       Code de la « prostitution » : Non seulement il y a énormément d’usagers de ces sites de rencontres homos qui se montrent nus (ou bien torse-poil), mais en plus beaucoup qui proposent des « plans cul » (moyennant parfois finances, ou plus souvent consentement de consommation mutuelle et désengagée – je me suis concentré pour la trouver, celle-là…). En se baladant sur les chat gay, on pourrait parfois penser qu’on se trouve vraiment dans une maison close, tellement les attitudes et les comportements s’apparentent à ceux qu’on observe dans les sex-shop et le milieu prostitutif… sauf que sur Internet, la monnaie d’échange sera l’émotionnel, la tendresse, le sexe, les sentiments, les mots doux. Chaque internaute a son box (= son trottoir), sa fiche technique, ses mensurations, le descriptif de ses « besoins » et « envies de prince charmant ». Certains se choisissent d’ailleurs des noms de putes (« jhTBM », « mec-chaud », « beurcoquin », « Hotnight », j’en passe et des meilleurs…). C’est le règne de l’auto-pornographisation, de l’auto-érotisation par l’outil-Internet… même si cette forme de prostitution, qui transforme tout participant de ces sites en bout de viande sur un étalage, s’est démocratisée au point de faire oublier sa violence car l’utilisateur se choisit lui-même comme « mac », et se prostitue apparemment de plein gré.

 

–       Code du « conte » : Paradoxalement, les internautes qui passent leur temps à dire qu’ils ne croient pas aux contes de fée et au prince charmant, et qui critiquent le plus sévèrement les idéaux d’amour, sont ceux qui chantent à tue-tête qu’ils attendent de vivre « une belle histoire », ou bien – je cite – « un petit bout de chemin » avec leur partenaire amoureux. L’amour est saucissonné en minuscules rondelles. Et l’existence humaine, en « tranches de vie » (j’adore cette expression… elle est tellement poétique…). Ils disent qu’ils ne croient pas en l’amour, et je pense en effet que c’est vrai : ils restent dépendants de leur croyance aux « coups de foudre », ces simulacres d’amour qui poétisent la pulsion.

 

–       Code « promotion canapédé » : Parmi les occupants de ces sites, il y en a qui rédigent carrément pour leur profil une offre d’emploi, qui avec humour écrivent un CV, ou bien qui se proposent en amant-objet ou en bébé à la recherche d’un baby-sitter (Se rendent-ils d’ailleurs compte que leur « déclaration d’amour », derrière la blague qui sent la déformation professionnelle et la consommation future, insulte déjà celui qui la lit, et prouve leur arrogance d’employeurs / leur soumission de prostitués opportunistes ?). Je suis dispo, prêt à l’emploi, je mesure tant, je suis actif ou passif ou auto-reverse, je recherche quelqu’un qui soit d’accord pour m’entretenir. Voilà ma notice. Tu peux m’acheter si t’as les moyens, ou me remettre sur le rayon / à la poubelle une fois que tu te seras lassé de moi. Je te jugerai selon tes compétences professionnelles, en tant que gigolo ou escort boy, même si ton contrat se résume à un CDD. C’est beau l’amour…

 

–       Code de « l’étrangère » : Beaucoup d’internautes anglicisent leur nom, se choisissent des pseudos avec des chiffres (moi, j’appelle ça des codes barres), ou bien des prénoms à consonance étrangère. C’est à mon avis une manière de se rendre exotiques, de se présenter comme des objets, et puis surtout de se considérer comme hors de soi, comme un électron libre, un errant, une personne qui a fui sa sphère de conscience, qui est étrangère à elle-même. Il est d’ailleurs souvent question d’extase, quand on les écoute.

 

–       Code « plus que naturel » : Comme pour masquer leur superficialité de romantiques qui surchargent leurs manoeuvres amoureuses d’intentions et d’esthétisme, beaucoup d’internautes vont jouer les bobos et revendiquer leur côté « nature », leur exceptionnelle authenticité. Par exemple ils aiment bien se photographier dans plein d’endroits bucoliques et exotiques, dans des destinations de rêve assez roots. Ils se métamorphosent en nains d’Amélie Poulain, et rêvent d’apparaître comme des Citoyens du monde éloignés des stéréotypes du gay classique qu’ils vomissent. On les voit avec le Taj Mahal en toile de fond, ou alors vêtus d’une combinaison de plongée (genre je suis un grand aventurier, cultivé et simple à la fois), ou bien avec le Machu Picchu derrière eux (à mon avis, il doit y avoir sur ce site touristique péruvien un cercle blanc marqué au sol avec l’inscription « Reservado a Gayvox y Gboy »…). Ou alors ils se prennent en photo avec une pose de poète face à la mer, ou d’intellectuel assis à son bureau et entouré d’une bibliothèque très fournie et prouvant leur bon goût. Genre moi je suis hors milieu, et ma présence sur ces sites de débauchés est purement accidentelle. Ils semblent oublier un peu vite que tous leurs voisins virtuels jouent la même comédie esthétisante du poète va-nus-pieds maudit et supra-naturel…

 

–       Code de « Frankenstein » : Je pense en particulier à tous ces internautes qui s’expriment comme des robots. On pourrait les baptiser « les sex-machines ». Ils écrivent parfois tout en majuscules (c’est assez étonnant). Leurs phrases sont à peine compréhensibles. Ils adoptent un style télégraphique. Ces êtres venus de je ne sais quel espace ne semblent vouloir qu’une chose : du CUL. Avant d’en croiser quelques-uns en vrai sur la toile, je ne pensais pas que ce genre d’androïdes analphabètes aux discours insensés pouvaient exister (et je continue de croire qu’il y a un coeur chaud qui bat en eux, malgré les apparences ^^). Quand ils daignent échanger quelques mots de conversation, ce qui est plutôt rare, ils déversent toujours les mêmes phrases : « Tu ch koi ? » ; « sa va ? » ; « Tu fè quoi de bo ? » ; « No pic, no dial ». Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce ne sont pas eux qui emploieront les tant décriés « lol » et autres « mdr » (personnellement, j’ai toujours trouvé que ceux qui osaient justement employer les « lol » étaient les internautes les plus sympathiques de tous.) Ils ne sont justement pas assez drôles pour cela. Eux, ce qu’ils veulent, c’est s’oublier et devenir des hommes bioniques. C’est pourquoi ils se présentent en pièces détachées (on ne voit d’eux qu’un torse, un buste sans tête, un sexe, un corps morcelé en somme).

 

–      Code « éternelle jeunesse » : Ce n’est un secret pour personne : sur ces sites de rencontres, en dépit du mépris des vrais jeunes – abruptement taxés de « minets idéalistes et sans cervelle » -, c’est la jeunesse physique (surtout pas la jeunesse de coeur) qui est sacralisée, au détriment des corps réels et vieillissants. Les chat sont les royaumes des hommes mentant sur leur âge et présentant des photos très datées d’eux-mêmes. On ne veut plus d’éternité, mais d’une immortalité qui ne trouve son incarnation que dans l’homme-objet inerte et déshumanisé.

 

 
 

CELA VAUT-IL LE COUP D’Y RESTER ?

 
 

Il n’y a pas tant de monde que cela sur les sites de rencontres gay, il ne faut pas croire. Les chiffres indiquant le nombre de connectés, c’est comme les statistiques de manifestants affichées par certains syndicats ultra-politisés : ils sont souvent grossis, publicitaires, incitatifs. Internet n’est pas loin de ressembler à un faux lieu habité, à un parc d’attractions fantôme. Entre ceux qui sont connectés pleinement et ceux qui sont connectés de loin, on a peu idée de qui est vraiment là. En tout cas, EN DÉSIR, il n’y a pas grand-monde… donc au final, ces sites restent des centres commerciaux trop luxueux et trop spacieux pour nous, des maisons inhabitées (… ou semi-habitées). Néanmoins, ils sont plus habités que ce que ses consommateurs en disent. Car ils sont le lieu de toutes nos schizophrénies, de nos fuites, de nos manques de désir, de nos absences, de nos secrets… puisqu’on s’y rend idéalement pour en partir ou pour y être invisible, on assume très peu d’y aller. On y est pour ne pas y être.

 

Internet n’est pas assez aimé. Sûrement parce que nous n’en sommes pas assez détachés, nous n’y sommes pas assez humains et investis, nous lui laissons nos âmes (à défaut de notre corps), et que nous ne l’utilisons pas pour les bonnes raisons/actions. Beaucoup d’internautes homos préfèrent maudire leur P.C. (= Parti Communiste ^^) plutôt que de se regarder calmement agir et assumer leur présence sur le réseau. Or il y a de l’humain dans Internet. Il y a des gens de chair et de sang derrière leur écran. Il y a des âmes qui vivent, qui agissent pour le monde, et qui sont capables d’aimer. C’est pour cette raison qu’il ne faut pas mépriser l’outil dit « virtuel » ; nous avons même à être ses fervents défenseurs. Évidemment, le Réel reste à privilégier… mais Internet, en tant que reflet et serviteur du Réel, est un des chemins qui peut nous conduire à l’amour du Réel. Le discours que je tiens à propos des sites homos n’a donc rien du pamphlet anti-technologique, anti-Internet, ni même anti-ghetto gay. Les personnes homos doivent continuer de pouvoir se retrouver librement sur le net, selon leur orientation sexuelle. C’est maintenant les raisons premières de la création de ces sites, ainsi que le « pour quoi » (= les actions) qu’ils encouragent, qu’il convient de revoir et de changer radicalement.

 

 

Une croyance tenace (je serais tenté de dire magique et idolâtre, car il y a de l’idolâtrie dans le mépris) habite la majorité des utilisateurs des sites homos : ils vont prétexter qu’ils ne doivent rendre compte d’aucun de leurs agissements, de leurs mots, de leurs sentiments, parce qu’Internet, qui occupe pourtant une place non-négligeable de leur quotidien, « ce n’est pas si important que cela car ça n’est, au final, que du virtuel », qu’une illusion de Réel. Ce n’est que du virtuel ? Bien sûr que non ! Cela ne devient « que du virtuel » (= comprendre superficiel, destructeur) seulement si nous le voulons ! L’instrument multimédia, aussi abstrait qu’il soit quand nous n’en usons pas, et aussi limité qu’il soit quand nous en usons (parce qu’il n’aura jamais le pouvoir d’agir à notre place ni la force de se substituer au Réel : il n’est qu’une loupe qui décuple l’image du Réel et surtout nos fantasmes, nos sentiments, nos émotions – qui, quant à eux, peuvent agir si nous ne les contrôlons pas), parle de nos actes réels et peut aussi nous encourager à agir concrètement. Ceux qui décrètent que tout ce qui se passe via internet n’est que mensonge, illusion, irréalité, sont en réalité ceux-là mêmes qui démissionnent de leur responsabilité d’en faire quelque chose de bien, de cet outil, et qui laissent leurs fantasmes agir à leur place dans la vie concrète. En méprisant ainsi le virtuel, ils ne voient pas qu’ils se méprisent eux-mêmes, vu qu’ils vouent paradoxalement un culte au Dieu-Machine qui aurait vaincu l’Homme de toute éternité et qui le manipulerait comme une marionnette. Mais les marionnettes vivantes et sans liberté qu’ils désirent devenir n’existent pas.

 

 

Alors plusieurs questions se posent par rapport à la relation que nous devons adopter avec les sites de rencontres homos tels qu’ils nous sont proposés aujourd’hui. Faut-il accepter cette forme de mise en relation ? ou bien carrément la rejeter en bloc ? Parfois, il m’est arrivé de justifier la sauvegarde de mes profils Internet sur ces sites par des excuses plus ou moins bidon. Je me disais que si je les supprimais, ça serait un peu théâtral, et que je passerais tout de même à côté de belles rencontres amicales. Je m’inventais une grande famille fraternelle homosexuelle dont je me sentais redevable et que je ne voulais pas abandonner (un peu comme un tamagotchi qu’il fallait nourrir régulièrement pour ne pas le faire crever…). Je pensais également que le maintien d’une distance de sécurité avec les chat ne me ferait aucun mal, après tout. Je croyais naïvement, comme la majorité des utilisateurs de ces sites de rencontres, qu’on pouvait rester connectés de loin (loin des yeux, loin du coeur)… ce qui se révèle parfaitement faux sur la durée, car le fait de se savoir inscrit, le fait de savoir qu’on peut retourner se baigner dans le fleuve narcissique à tout instant, le fait d’enfiler son maillot de bain virtuel et de se préparer à la baignade, ça nous fait effectuer un discret va-et-vient entre notre monde réel et notre monde virtuel, ça nous enlève de la disponibilité dans notre coeur, ça nous laisse un substrat de petit espoir d’amour mal placé, qui grossit, grossit, quand on s’y attend le moins. Personnellement – et je parle par expérience -, je crois que le mieux est de couper radicalement avec ce genre de sites. Ce n’est pas le fait que ce soit des sites homos qui pose problème, mais bien l’abord amoureux et sexuel qu’ils imposent, le climat de drague qui d’emblée biaise les discussions et court-circuitent les échanges gratuits, désintéressés, non-consommateurs, entre internautes. L’ennemi n°1 des chat gay, c’est bien l’amitié (Quand celle-ci est vantée, les rares fois où ça arrive, ce n’est qu’en tant que passerelle à l’amour, qu’en tant que prétexte au plan cul, et non véritablement pour elle-même) parce qu’elle est justement le symbole de Gratuité et de Réalité par excellence. Les sites de rencontres amoureux homos, à mon sens, sont à plus ou moins long terme des « pièges à cons », tout autant pour les esprits naïfs et faibles que pour les gens solides intellectuellement mais flattés dans leur narcissisme par leur talent à naviguer mieux que les autres dans l’océan virtuel. Ils savent manier et absorber nos sens et nos sentiments en anesthésiant et en se servant insidieusement de notre intellect pour nous empêcher d’aimer et de nous incarner pleinement.

Pourquoi y reste-t-on ? D’une part parce qu’on se dit que c’est le seul moyen efficace, pour nous, personnes homosexuelles, de nous identifier entre nous, de nous rencontrer, et de trouver l’amour… même si on sait au fond que ce n’est pas l’idéal (mais on fait contre mauvaise fortune bon coeur : on se convainc que c’est le prix à payer de toute minorité sexuelle ! Argument de merde s’il en est… mais tellement justifié par la victimisation !). Et puis d’autre part, il faut croire qu’il y a une jouissance et une forme de plaisir à fréquenter ces sites. Sinon, on n’accepterait pas d’y moisir aussi longtemps ! Cela s’appelle tout bêtement le plaisir du jeu, de la séduction, de l’état euphorisant que génèrent la passion et les pulsions narcissiques (être amoureux, se faire bander, se faire flatter, déballer sa vie à un inconnu sans avoir à se freiner, etc.). Mais quand on y pense, c’est bien le fantasme éphémère et notre état dépressif de « drogué en manque affectif » qui nous font nous accrocher aux sites de rencontres. Nous restons à cause d’un « Et si… » négatif (« Et si je passe à côté de l’homme de ma vie si je n’y allais pas… ? ») ou d’un conditionnel irréaliste (« Et si je rencontrais l’amour homo de ma vie ? »)… donc finalement nous suivons une logique purement paranoïaque. Nous végétons sur les chat surtout à cause d’une absence de désir, qui se traduira par un ennui, ou par un goût du jeu pour tuer ce même ennui (« Je n’ai pas envie d’aller sur ce site… pas ce soir… je n’ai rien à y faire… je ne dois pas logiquement y être… C’est donc que je dois absolument rencontrer l’amour. L’amour sera sûrement là où mon désir n’est pas, où les rencontres et les événements s’imposent à moi, où je ne contrôle plus rien, où ma liberté est proche du zéro, où le coup de foudre peut surgir à tout instant. »). C’est exactement le discours des couples qui se sont formés dans des saunas.

Alors peut-on trouver l’amour sur Internet ? Grande interrogation généraliste à laquelle il est difficile de répondre… en tout cas pour le cas des couples composés d’une femme et d’un homme. Concernant le cas spécifiquement homosexuel, ma réponse sera plus assurée, car je crois que la problématique du média n’est pas première, et que c’est plutôt la question de la différence entre l’amour homo et l’amour intégrant harmonieusement la différence des sexes qui mérite d’être traitée (et en l’occurrence, je me demande même si le sujet d’Internet ne permet pas d’esquiver les vrais problèmes : la focalisation sur l’efficacité de l’outil multimédia en matière de recherche d’amour – sachant qu’en posant cette question, on met un peu vite tous les types d’« amours » dans le même panier – me fait dire que ce sont les apports de la différence des sexes ainsi que les faiblesses de l’amour homo qui sont esquivés grâce à Internet. Le sujet de l’efficacité de la rencontre amoureuse homosexuelle via les sites, ou la question du « pour ou contre les sites gay ? », est un faux débat, car il nous faut déjà parler de ce qu’on entend par « amour »…). Quoi qu’il en soit, qu’on se sente homo ou attiré par les personnes de l’autre sexe, le plus grand danger des sites de rencontres, c’est qu’ils nous enjoignent à délaisser le corps réel (corps + cœur + esprit) pour lui préférer des corps-objets, des corps-épiderme, des corps-sincérité, des corps-sentiments, des corps immatériels en somme ; et ainsi, ils nous découragent d’aimer vraiment, car sans Réel, sans amour des corps et des sexes, sans incarnation, la désespérance arrive bien vite.

J’ai senti cette fatigue de l’amour chez tous les amis que j’ai rencontrés sur les sites de rencontres homos (je dis « amis », car malgré tout, ces sites ne m’ont pas uniquement fait perdre mon temps : ils m’ont aussi fait connaître des personnes de grande valeur que je n’aurais peut-être pas eu la chance de côtoyer dans la vie 100 % réelle). J’ai moi-même senti très fort le dégoût d’aimer, la lourdeur de mon espoir d’amour homo, à l’époque pas si lointaine où je traînais sur Gayvox et Rezog/Gboy, quand je me débattais en vain dans la semoule… et cette fatigue n’avait pas grand-chose à voir avec la culpabilité ou une désespérance profonde en l’Amour (J’ai toujours cru en l’Amour, je n’ai jamais cessé d’y croire… mais pas « celui-là », pas cet amour homo tel qu’il m’était présenté et vécu par mes pairs ! Le désir homosexuel m’a toujours déçu, au final). De manière générale, s’il y a une chose à laquelle les internautes des sites Internet homos ne croient pas, c’est bien en l’amour unique et éternel (non-homosexuel). Parce qu’ils sont tétanisés par l’idée d’engagement, et qu’ils n’ont fait concrètement aucune place pour quelqu’un dans leur vie. Les sites de rencontres gay, si je devais en faire une définition condensée, je dirais que c’est le Royaume des Sans-Désir, des Sans-Ambition. Certes, beaucoup croient en l’éternité de l’Instant, ce dernier étant la seule chose qui les maintient en vie et qui ne leur demande pas un don entier de leur vie ni de leur personne. Ils pensent qu’ils donnent complètement de leur personne (au moment du coït sexuel surtout), mais ce don « total » est partiel et éphémère, soit parce qu’il ne se destine pas à une seule personne (il m’arrive d’entendre certains hommes volages soutenir mordicus qu’ils peuvent aimer entièrement et sincèrement plusieurs personnes à la fois, « comme une mère aime différemment mais avec une égale intensité ses enfants » : se greffe en toile de fond à leur analogie un inquiétant amalgame entre inceste et amour, ou entre amitié et passion amoureuse…), soit parce qu’il n’est pas lié à un temps durable, non-saucissonné, unifié à l’échelle d’une vie unique. C’est pour cela que l’expérience de la recherche d’amour sur les sites gay est si décourageante. On ne se retrouve quasiment que face à des lâches (miroirs de notre propre lâcheté !), qui disent vouloir ce qu’objectivement ils ne sont pas prêts à donner. Ils content fleurette, mais il n’y a rien derrière leur joli discours appris et télévisuel.

Concernant plus spécifiquement le désir homosexuel, je dirais que le fait de s’inscrire sur un site de rencontres Internet homos, même si nous ne consultons notre compte que très épisodiquement, que nous n’y revenons que par périodes, et que nous y restons très peu de temps par jour, c’est une démarche épuisante et inutile. Car ce petit lien que nous gardons en intra-veineuse avec le monde de la drague homosexuelle, c’est mine de rien un refus de s’engager pleinement et librement pour une option plus libérante et plus entière d’amour. C’est s’accrocher un boulet au pied, le boulet en question étant un « espoir d’amour » qui se révèle avec le temps illusoire et inaccessible. C’est s’épuiser petit à petit sous l’action d’une sangsue qu’on banalise mais qui nous grignote le moral et le coeur, nous fait perdre notre temps et nos énergies. À un moment donné, même si ça coûte sur le coup de couper le cordon, il faut dire STOP définitivement aux sites internet. Et c’est en les regardant de l’extérieur et en vivant pleinement notre vie avec des gens réels, dans la réalité concrète, qu’on peut un jour comprendre qu’on a bien fait de privilégier le Réel et de s’éloigner « pas qu’un peu » du net (Quand on ne s’éloignait pas franchement, on restait dans la « simulation-bonne-conscience » d’éloignement). Larguer les amarres, partir pour guérir : voilà les maîtres-mots concernant les « chat » gay. Et en plus, c’est vraiment pas dur (même si ça demandera sans doute un effort sur-humain à certains !) : ça ne coûte qu’un clic sur l’icône «désinscription » 😉

 

 

Alors, oui, je l’écris sans détour. Internet ou pas Internet, nous toutes, personnes homosexuelles, avons le temps. Car dans la course à l’amour homo, nous sommes tous égaux : nous serons tous moyennement bien servis, nous serons tous « bien/bof » avec notre compagnon/compagne. Il n’y a pas de retardataires, de privilégiés, de délaissés de l’Amour vrai. Il n’y a pas de drame à supprimer son/ses comptes sur les chat gay et à ignorer qui seront les prochains clients qui viendront se ranger au rayon « Nouveautés » de nos habituels sites de rencontres communautaires, quand on a l’assurance que l’homme de notre vie ne s’y trouvera jamais. Au sein de la communauté homosexuelle, on est tous beaux et moches à la fois, on a tous plus de 60 ans, y compris ceux qui ont apparemment un physique et un âge avantageux ! Il n’y pas de personnes homosexuelles nées sous une meilleure étoile que d’autres, quand bien même certaines aient objectivement et temporairement plus de succès, dorment avec quelqu’un à côté d’elles chaque nuit, ou habitent dans un pays très gay friendly. Le couple homo réussi ou l’homosexualité épanouie sont des créations majoritairement cinématographiques et publicitaires ; pas des réalités concrètes durables et rayonnantes. Alors pas de regrets à avoir, de stress à ressentir, d’angoisse de perte de temps ou de jeunesse qui fane, pas de raison de se suicider. Qui qu’on soit, où qu’on soit, même au bras d’un compagnon « adorable », qu’on ait 20 ans ou beaucoup plus, qu’on soit né sous une dictature ou dans un pays plus permissif, qu’on soit moins à plaindre que d’autres, l’amour homo, tout possible qu’il soit, n’en est pas moins limité, décevant, non-idéal. Nous sommes tous égaux dans la médiocrité du désir homo. Donc pas de quoi se jalouser entre nous ni pleurnicher un bonheur de vie conjugale homosexuelle qui ne viendra qu’au prix d’une fatigue et d’une amertume qui ne remplissent pas une existence. Regardons ailleurs que dans une seule et unique direction (celle du Couple), et empruntons d’autres chemins moins poussiéreux et moins proches des illusions d’amour collectives de notre époque.