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Code n°60 – Espion homo (sous-code : Voyeur / Enfant spectateur du coït)

Espion

Espion homo

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Espionne, et t’es toi !

 

L’homosexualité, fruit et signe d’un voyeurisme social généralisé ? Assurément, mon capitaine !

 

Cela a déjà été remarqué depuis un moment dans l’œuvre de l’écrivain français Marcel Proust, cette tendance à espionner et à mettre en scène dans ses romans des personnages qui regardent par les trous de serrure, qui observent jalousement la vie intime des autres. Mais la figure de l’espion homosexuel n’est pas propre à l’univers proustien. On la retrouve dans énormément de créations artistiques homo-érotiques : la plupart des héros homosexuels jouent le rôle d’espion, écoutent aux portes, violent des secrets et des intimités, ont les yeux fixés sur l’assiette du voisin plutôt que sur la leur.

 

Ceci n’est pas qu’un cliché. Beaucoup de personnes homosexuelles réelles exercent le « métier » d’espion, ou usent et abusent des intrusions visuelles dans la vie privée des autres. Il suffit de nous remémorer les nombreux regards à la fois fuyants et girouette de tous ces individus homos qui, en bons paranos ou en pros de la curiosité malsaine, fouillent partout des yeux, trop inconscients qu’ils sont d’avoir l’impression d’être continuellement observés ; et je rajouterai à ces voyeurs réels le long cortège des photographes, cameramen, et journalistes homosexuels qui satisfont leur voyeurisme derrière un objectif de caméra et l’excuse de l’art. L’omniprésence du voyeur gay, en plus de nous indiquer l’existence d’un fantasme de viol/vol intrinsèque à l’homosexualité, nous montre que le désir homosexuel est né de la violation de la différence des espaces, une différence qui compose l’un des 3 rocs du Réel (avec la différence des générations et celle des sexes), et qui garantie la juste distance relationnelle entre vie publique et vie privée pour le « bien vivre » d’une société.

 

Pourquoi les personnes homosexuelles sont davantage utilisées comme espions que les autres ? (et l’Histoire humaine le prouve : rien qu’en temps de Guerre Froide, dans le milieu informatique, les Russes cherchaient des espions dans le « milieu homosexuel » pour infiltrer les États-Unis) Parce qu’elles ont appris l’art de la dissimulation depuis toutes petites. Parce qu’elles sont à la fois fragiles (donc facilement manipulables et discrètes) et rusées (elles glissent dans les interstices, mènent une double vie). En effet, qui se méfie de la personne blessée, ambiguë et séductrice ? Qui peut se douter que le coup de Trafalgar viendra d’elle et qu’elle se trahira elle-même « par amour » ? Un bon espion est quelqu’un qui à un moment donné est traître à lui-même. Les ressorts homophobes du désir homosexuel sont donc parfaits pour le rôle !

 

La phobie de la sexualité

 

Il est curieux de voir que la tendance au voyeurisme homosexuel vient généralement soit d’un viol connu dans l’enfance, soit d’une image blessée de la sexualité intime. Ce qui l’illustre le plus explicitement sont les scènes cinématographiques où sont montrés des enfants observant un viol, ou bien un adulte forcé d’être témoin d’un coït entre une femme et homme. Dans les films homo-érotiques, la figure du voyeur homosexuel regardant une scène de fornication revient très souvent. Et il finit par être pris à son propre jeu (le code « Espion » est éminemment lié à celui du « Voyeur vu », consultable aussi dans ce Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

L’enfant-voyeur se retrouve face au sexe (qu’il croit) violé. Il symbolise ce tiers exclu du spectacle coïtal, ce dernier s’organisant souvent comme une image de guerre dans le pire des cas (Bruce Chatwin, par exemple, affirme, concernant ses parents, que son « enfance fut la guerre et le sentiment de la guerre » ; cf. l’article « Apuntes biográficos » de Bruce Chatwin, sur le site www.islaternura.com), au mieux comme un fantasme de viol fascinant. Les personnes homosexuelles ont rarement résolu leur complexe d’Œdipe, et en veulent à leurs parents (réels et surtout symboliques/télévisuels) de les avoir trahies, abandonnées, ou de leur avoir imposées une intimité qui ne les regardait pas. Elles ont pu les surprendre en train de faire l’amour sans Amour, et sont repartis dégoûtées du sexe en croyant le connaître. « D’où naît l’angoisse devant la scène primitive ? De la démesure d’une sexualité incompréhensible à l’enfant, de l’excitation qui l’assaille, de ce que les parents s’en mêlent… L’exclusion de la scène signe l’amour trahi. Au commencement était la trahison. » (Dominique Scarfone, De la trahison, 1999) Leur désir homosexuel nous dit que les fantasmes de l’inceste et du viol n’ont pas été intégrés par elles. Or, comme l’écrit Jacques André, « pour être vraiment libre et heureux dans sa vie amoureuse, il faut s’être familiarisé avec la représentation de l’inceste » (Jacques André, « Le Lit de Jocaste », dans son ouvrage collectif Incestes (2001), p. 19) et la violence naturelle inhérente à toute sexualité humaine.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Voyeur vu », « Témoin silencieux d’un crime », « Voleurs », « Amant modèle photographique », « Lunettes d’or », « Femme et homme en statues de cire », « Homme invisible », « Fan de feuilletons », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Photographe », à la partie « Télé voyeuriste » du code « Passion pour les catastrophes », à la partie « Trahison » du code « Homosexualité noire et glorieuse », et à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le voyeur ou l’espion homosexuel :

Film "Hable Con Ella" de Pedro Almodovar

Film « Hable Con Ella » de Pedro Almodovar


 

Dans la production artistique homosexuelle, l’espion est véritablement un leitmotiv : cf. la chanson « L’Espionne lesbienne » d’Ange, le film « Secret Défense » (2008) de Philippe Haim (avec l’agence qui recrute des espions gays), le film « Les Espions » (1928) de Fritz Lang, le film « Le Fouineur » (1969) d’Ettore Scola, le film « Les Enfants de chœur » (1973) de Duccio Tessari, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec Omar regardant par le trou de la serrure, ou bien Emmanuel spectateur involontaire d’un couple qui nique juste à côté de lui), le film « Justine » (1968) de George Cukor, le film « Infernal Affairs » (2003) d’Andrew Lau et Alan Mak, le film « La Blonde défie le FBI » (1966) de Frank Tashlin, le film « Nisha, The Mark Of The Cow » (2008) de Lilium Leonard (avec l’espionne indienne), le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar (avec le personnage de Ramón, filmant y compris ses propres ébats sexuels), le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar (avec le personnage d’Ángel), la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis (avec Jean-Marc, l’infiltré homosexuel), le film « Youchai » (« Le Facteur », 1994) d’He Jianjun, le roman La Mélancolie du voyeur (1985) de Conrad Detrez, le film « La Lettre du Kremlin » (1969) de John Huston, la mini-série Cambridge Spies (2003) de Tim Fywell (diffusée sur la chaîne BBC), le film « OSS 117, Le Caire nid d’espions » (2005) de Michel Hazanavicius, le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe (avec le duo de flics se déguisant en couple gay pour effectuer ses filatures « discrètement »), le film « Dirty Love » (2009) de Michael Tringe, le film « Une Affaire de goût » (1999) de Bernard Rapp, le film « Gay Secret Agent » (2006) avec Brendan Fraser, Film « The Game Of Juan’s Life » de Joselito Altarejos, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le film « Je suis curieuse » (1967) de Vilgot Sjöman, le roman Piège pour un voyeur (1969) de Michel Journiac, la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « Another Country » (1984) de Marek Kanievska, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « Mes funérailles à Berlin » (1966) de Guy Hamilton, le roman Mes débuts dans l’espionnage (1996) de Christophe Donner, le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine (avec les amants homosexuels s’espionnant mutuellement dans l’église), la pièce Le Frigo (1083) de Copi (dans la mise en scène d’Érika Guillouzouic, en 2011, l’homosexuel est figuré comme un agent double), le film « She Must Be Seeing Things » (1987) de Sheila McLaughlin, le vidéo-clip de la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer (avec les naines religieuses curieuses et regardant par les trous de serrures), le film « La meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller (avec le personnage homo de Philippe), le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz (avec le personnage de Mathieu), le film « Les Terres froides » (1999) (toujours de Sébastien Lifshitz), le film « La Maison de la 92e rue » (1945) d’Henry Hathaway, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec le personnage de Paul, présenté comme un voyeur), le film « Le Conformiste » (1970) de Bernardo Bertolucci (avec le personnage de Marcello), le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar (traitant précisément sur le thème du voyeurisme), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec les bourreaux homosexuels observant les tortures aux jumelles), le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec l’espionne Léni), le film « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud, le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano, le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, le film « Psychose » (1960) d’Alfred Hitchcock (avec Norman Bates regardant à travers les trous des murs, et observant Marion Crane dans sa chambre), le film « Friends And Family » (2001) de Kristen Coury, la nouvelle « La Chambre de bonne » (2010) d’Essobal Lenoir, le film « Como Esquecer ? » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec Carmen, l’élève intrusive espionnant la vie de sa prof Julia), le film « Le Policier de Tanger » (1996) de Stephen Whittaker, le film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner, le film « Top Secret » (1952) de Mario Zampi, le film « Le Bal des espions » (1960) de Michel Clément, le film « Amours particulières » (1969) de Gérard Trembaciewicz, le film « Le Grand Blond avec une chaussure noire » (1972) d’Yves Robert, le film « Madame Wang’s » (1981) de Paul Morrissey, le film « Au-delà des lois » (1996) de John Schlesinger, le film « Zoolander » (2003) de Ben Stiller, le film « Spionage » (1955) de Franz Antel, le film « Espion, lève-toi » (1981) d’Yves Boisset, le film « Aishite Imasu 1941 » (2004) de Joel Lamangan, le film « La Croisière » (2011) de Pascale Pouzadoux (avec Raphaël, qui se travestit en femme, pour espionner sa femme à bord d’un bateau de croisière), le film « My Loving Trouble 7 » (1999) de James Yuen, la pièce Les Z’Héros de Branville (2009) de Jean-Christophe Moncys (avec Tamplethorn, l’espion gay), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec la figure d’Ilse, l’espionne allemande), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (avec Wilma, le travesti-espion), le film « Ghosted » (2009) de Monika Treut (où Mei-li est une mystérieuse journaliste qui suit Sophie Schmitt), le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan (avec le personnage de Cal – interprété par James Dean – qui espionne par jalousie son frère Aron et sa future femme Abra), le film « Hard Focus : Eavesdrop » (1988) d’Hisayasu Sato, le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza (avec le personnage lesbien de Juliette, qui espionne sa prof Mme Solenska), la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams (avec le personnage d’Archie), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec Ernesto, la figure du voyeur), le film « Smooth » (2009) de Catherine Corringer (avec le photographe voyeuriste), le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (avec Robbie, le voyeur à la fenêtre), le film « Sexual Tension : Volatile » (2012) de Marcelo Mónaco et Marco Berger (avec le geek matant son cousin), la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand (avec Noémie, la femme-espionne en noir, qui à la fin conclut qu’« elle n’a plus le look d’espionne »), la chanson « L’Espionne lesbienne » d’Ange, la chanson « Espionne » de Catherine Lara ; etc.

 

Film "Garçon stupide" de Lionel Baier

Film « Garçon stupide » de Lionel Baier


 

Il est très fréquent que le héros homosexuel se présente comme un voleur d’images, un violeur oculaire : « Jess, t’es beaucoup trop curieuse. T’as pas le droit de faire ça. » (Jessica, le héros transsexuel M to F se parlant à lui-même tout en lisant le courrier de Jean-Louis, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « Je suis un ancien Seigneur, je suis devenu voyeur ! » (Pédé, le héros homo de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je suis l’œil indiscret caché derrière vos enceintes […] j’arrache les vêtements, taillade la peau, je creuse jusqu’aux chairs, je dissèque, dépèce, sépare […]. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, pp. 15-16) ; « Qu’est-ce que j’ai pu t’espionner tout le temps qu’on était ensemble ! » (Luc s’adressant à son amant Jean-Marc, dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; « L’amour est un luxe qu’une espionne ne peut s’offrir. » (Molina, le héros homosexuel du film « Le Baiser de la Femme-Araignée » (1985) d’Héctor Babenco) ; « Je vis avec 007. » (Stéphane, le héros homosexuel parlant à sa meilleure amie lesbienne Florence à la troisième personne du singulier, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Avant, on avait le Sida. Maintenant, on a des psychopathes ou des espions qui peuvent nous violer. » (Xav dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « Je regarde dans l’œil de la porte. » (Zize, le travesti M to F du one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Par le trou de la serrure je ne peux zieuter que l’armoire à bouquins : je colle une oreille contre la porte. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 28) ; « Il en profitait pour dérober un regard, discrètement, lors des cours. Mais au vestiaire, lors des douches, il épiait de loin. » (Marcel, l’un des héros homos du roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 18) ; « À cette époque-là, dans les vestiaires, j’avais 10/10 à chaque œil. » (Benoît, l’homosexuel de la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « Je mets mon œil au trou de la serrure, mais, placée comme elle est, je ne vois que ses joues d’un beau rose. » (Alexandra, la narratrice lesbienne parlant de sa servante et amante Marie, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 17) ; « Je venais encore de m’engueuler avec Will. Il passait son temps à mater. » (Matthieu en parlant de son « ex » Will, particulièrement infidèle, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « J’aime voir ce que font les gens qui se croient seuls. Parfois, j’espionne ma sœur dans sa chambre. Je la regarde dormir. » (Tommy dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Jane guettait surtout des bruits dans l’appartement voisin, mais il régnait chez les Mann un silence de mort, et même en collant son oreille aux murs au beau milieu de la nuit, elle n’avait rien perçu. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 103) ; « Je restais regarder mes camarades dans les vestiaires, se tripotant. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « Le voyeur peut s’installer. » (Hugues, homosexuel, parlant de lui-même au sauna, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; etc.

 

Ce voyeurisme inquiète, bien sûr, l’entourage du protagoniste homo, voire même en premier lieu son/ses amant(s) : « Tu m’as suivie ?? T’es complètement tarée. » (Sarah s’adressant à son amante Charlène, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent) ; « Est-ce que t’as une vague notion de la vie privée ? » (Julien s’adressant à son compagnon Yoann, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « Pourquoi vous vous mêlez toujours de tout ? » (Antonietta s’adressant à son ami homosexuel Gabriele, dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; « Je pense que j’étais destiné à me mêler des affaires des autres. » (Simon, le héros homo, s’adressant à Lyle qui lui dit qu’il « voit tout », dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « Je sais jamais si t’aimes bien être avec moi ou si tu me fliques. » (Jean-Marie s’adressant à son ex-amant Jacques, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc. Dans le film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, on nous signale par écrit que « le corbeau blanc » est une expression employée pour désigner « quelqu’un qui est différent des autres ».Vitaly Strizhevsky, l’agent du KGB, est un fac simile de Constantin Sergueïev, l’amant et mécène du danseur Rudolf Noureev ; et pour exercer son emprise, il le fait suivre en filature et le jalouse : « Surveillez-le ! » lance-t-il à ses agents.

 

Film "You Belong To Me" de Sam Zalutsky

Film « You Belong To Me » de Sam Zalutsky


 

Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain Canard, le coiffeur gay, a la manie d’écouter aux portes. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, le héros homo allemand, agit en espion venant s’introduire dans le quotidien de la famille de son amant décédé Oren, à Jérusalem. Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, le héros homosexuel, pour élucider un meurtre homophobe, joue aux espions, secondé par son amant Vlad (qui finit par l’espionner aussi!). Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Franck demande à sa femme Vanessa de « faire le guet. Comme elle ne comprend pas, il précise : « Le guet de ‘guetter’. Pas le gay de ‘Gay Pride’ ! » Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno, l’un des héros homosexuels, se compare à des jumelles de vue. Dans le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier, l’héroïne observe par le trou de son mur sa voisine noire faisant sa toilette dans sa salle de bain. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Steeve espionne Stuart et le suit en filature. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Paul suit son copain Jack en filature, et le surveille sans arrêt. Dans le film « My Name Is Hallam Foe » (2008) de David Mackenzie, Hallam n’a de cesse d’espionner les autres avec ses jumelles. Dans le roman À la recherche du temps perdu (1913-1927) de Marcel Proust, le baron Charlus se fait passer pour un espion allemand souhaitant passionnément la victoire de l’Allemagne ; on peut également pensé à la scène où Marcel épie Charlus devant la maison Vinteuil. Dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud, Marina, le travesti, rêve de devenir « agent secret ». Dans le film « Les Enfants du Paradis » (1945) de Marcel Carné, Avril, le complice et l’amant de Lacenaire, devient voyeur d’un meurtre. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Sidney, homo, met un micro dans la culotte d’Elton John pour le surveiller ; et il possède des accessoires d’espionnage, comme par exemple un stylo-scanner. Dans le roman Carnaval (2014) de Manuel Blanc, un comédien part en voyage à Cologne pour retrouver son amant disparu qu’il espionne derrière un masque. Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, le capitaine Dickson appelle toujours ses deux agents Schmidt et Jenko « les filles » ou « les lopettes ». Et les autres personnages confirment leur homosexualité : « C’est Schmidt la pédale ! ». Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Juna suspecte Kanojo de mater ses fesses : « Je suis sûr que t’as fait ça pour regarder. » Kanojo n’assume pas : « Cette fois, c’est un hasard. » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, suite à son mariage homo, Ben, qui a violé ainsi la différence des sexes, se retrouve à violer la différence des espaces en logeant chez la famille de son neveu Elliot, forçant celle-ci à se serrer et à perdre son intimité. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en thérapie un couple gay Benjamin/Arnaud parce qu’Arnaud ne s’assume pas comme homo. Il élabore une thérapie intrusive, le « Deep in your house », par laquelle il cherche à vivre un couple homosexuel à trois. Il finira même par coucher avec Arnaud à l’insu de Benjamin. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, vole des fourchettes dans l’hôtel mexicain où il séjourne. Il demande malicieusement à son amant et guide Palomino : « Le vol est pire que le voyeurisme ? » Dans le film « Embrasse-moi » (2017) d’Océane Rose-Marie et de Cyprien Vial, Cécile se tient en équilibre à la verticale, et hurle juste avant de s’écrouler, à la vue de Océane Rose-Marie qui l’espionne derrière un fourré. Dès les premières images du film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, on voit le protagoniste homosexuel, Davide, regarder par le trou des interstices de ses miroirs. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, est voyeur et regarde son amant Dick avec des jumelles. La première fois qu’il l’observe sur la plage, il laisse échapper sa schizophrénie : « C’est mon visage. », tout en apprenant l’italien avec une méthode assimile. Après avoir tué Dick, Tom se fait passer pour lui. Et Freddie, un très bon ami de Dick, flaire peu à peu l’identité de Tom et veut lui tirer les vers du nez : « Tommy, alors comme ça on aime bien matter ? » Dans le film « Les Douze Coups de Minuit » (« After The Ball », 2015) de Sean Garrity, Kate, l’héroïne, sollicite les talents d’espion informatique de Maurice, son ami styliste homosexuel, pour l’aider. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel, suit Léonard partout : sur la plage, à son travail (hôtel), au bowling, au cinéma. Ce dernier finit par s’en rendre compte : « Tu dois connaître mon compte Facebook, vu que tu m’espionnes ? ». Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, André, l’un des héros homos, regarde aux jumelles depuis le bureau de son entreprise un de ses collègues hétéros, Cyril, sur lequel il fantasme.

 

Film "Secret Défense" de de Philippe Haïm

Film « Secret Défense » de de Philippe Haïm


 

Le héros homosexuel, obnubilé par l’originalité dissidente, semble avoir trouvé dans le viol visuel d’intimité la forme la plus raffinée et la plus esthétique de sa singularité : « C’est l’œil de judas qui cligne, le nouveau péché original. » (un des comédiens de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, le personnage homosexuel de Jonathan Brockett, le dandy paranoïaque et incisif, est dépeint « avec des yeux vifs qui se collaient aux serrures des autres » (p. 308). Dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint Pol, le personnage d’Heinrich représente tout à fait la figure de l’espion gay dandy, du gentleman-cambrioleur « classe », qui va justifier le vol par l’esthétisme : « Je veux le [le Traité de Versailles] prendre avec des gants blancs. […] Je suis sûr que n’importe quel autre espion lui [Madeleine] aurait arraché son triste bien par la force, mais je ne suis ni un simple sbire ni un voleur à la tire : Ich bin zivilisiert. » (pp. 46-47)

 

Film "The Fluffer" de Richard Glatzer

Film « The Fluffer » de Richard Glatzer


 

Dans les fictions homo-érotiques, on remarque qu’il y a autour de l’espionnage comme une excitation frétillante, un fantasme érotique puissant, une complaisance vicelarde : « C’est ce gosse [en moi] qui en a profité. » (le voisin de l’immeuble payant Emmanuel pour qu’il se dénude devant lui, dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré) ; « Ah, Pietro […] J’aurais dû te regarder vivre de loin, avec des jumelles, rester seulement un bon ami. Mais j’avais besoin de ton odeur comme cible de mon regard, l’as-tu jamais compris ? » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, pp. 23-24) Le héros gay fait « son intéressante » en rentrant dans un rôle d’espionne, bref, en jouant « sa grande folle perdue » qui cache mal sa collaboration : « La jeune voleuse sait exactement où elle doit se placer pour trouver la bonne bouche d’égout. […] Experte, elle arrive à entrer sans trop de difficultés au royaume des rats. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 164) ; « Pour certains, je suis une espionne dont il faut se méfier. » (Madeleine dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 105) ; « Je suis la maîtresse d’un espion, d’un traître, d’un ennemi ! » (Madeleine parlant de son amant allemand Heinrich, op. cit., p. 78) ; « J’étais en mission y’a pas longtemps, commanditée par la CIA. » (Charlène Duval, le travesti M to F dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval) ; « Fille de joie au bois… depuis 30 ans. Et le reste du temps, détective. » (David Forgit, le travesti M to F du one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; « Je suis comme un espion industriel. » (Jean-Marc, infiltré des Virilius, et l’un des héros homosexuels de la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; etc.

 

Derrière l’espionnage, il y a une grande peur d’être peu aimé, de perdre son amant, peur qui peut se traduire par un viol d’intimité et une agression réelle. Par exemple, dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Helena fouille dans les affaires de son amante Sigrid, par peur de la perdre et qu’elle lui échappe. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Anne a fait son caprice pour avoir comme jouet de Happy Meal au restaurant Mc Donald’s des jumelles pour scruter de près sa meilleure amie lesbienne Marie : « Trop bien ! Je vois les pores de ta peau ! » Ça saoule Marie : « J’en ai marre de tes conneries de gamine. » Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, le docteur Bosmans veut voir le couple Jean/Henri forniquer et leur prépare leur petit nid d’« amour » en anesthésiant Jean. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane suit en filature son amant Vincent qui lui fait des infidélités extra-conjugales : « Je vous ai suivis tous les deux. »

 

Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien homosexuel, a pour mission de « décrypter les messages allemands » diffusé par le programme de guerre nazi Enigma. Il fait partie du Top Secret Program de Bletchley. Mais il ne s’assume pourtant pas espion : « Je ne suis pas un espion ! » s’insurge-t-il contre Stewart Menzies qui ne le croit absolument pas : « Vous détenez plus de secrets que la plupart des espions. » Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, dès que Rana, chauffeuse de taxi, découvre la transsexualité de sa passagère intersexe F to M Adineh, elle l’accuse comme par hasard d’espionnage : « T’es un espion ?! » Plus tard, Adineh avoue avec ironie : « J’ai mes propres espions. Je suis la fille de mon père. »
 
 

b) L’enfant voyeur :

Film "Le Masseur" de Brillante Mendoza

Film « Le Masseur » de Brillante Mendoza


 

Il est fréquent de retrouver dans les fictions homo-érotiques la scène du personnage homosexuel (généralement un enfant) observant, en espion, un couple – ses parents réels ou pornographiques – en train de copuler : cf. le film « Knock At The Door » (2000) de Frédérique Joux, le film « Une Histoire sans importance » (1980) de Jacques Duron, le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, les films « Mes parents un jour d’été » (1990), « X2000 » (2000), et « Swimming Pool » (2002) de François Ozon, le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, le film « L’Amour violé » (1978) de Yannick Bellon, le film « W » (1998) de Luc Freit, le film « Puta De Oros » (1999) de Miguel Crespi Traveria, le film « L’Embellie » (2000) de Jean-Baptiste Erreca, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « Faites comme si je n’étais pas lui » (2001) d’Olivier Jahan, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « L’Ennemi naturel » (2003) de Pierre-Erwan Guillaume, le roman El Martirio De San Sebastián (1917) d’Antonio de Hoyos (avec le personnage de Silverio), les dessins de Roger Payne (avec la figure récurrente du voyeur observant un coït), le film « Afrika » (1973) d’Alberto Cavallone, le film « Une femme, un jour… » (1974) de Leonard Keigel, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair (avec Ernest), le tableau Voyeurs (2006) de Manuel Richard, le film « Saint » (1996) de Bavo Defurne (avec l’enfant observant le meurtre sexuel dans la forêt), le vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer, le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques » (1943) de Luchino Visconti (avec la gamine regardant par le trou de la serrure ce qui se passe dans la chambre de Gino), le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Freude » (2001) de Jan Krüger, le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa (avec le couple hétéro qui s’embrasse avec indécence devant le couple homosexuel dans l’ascenseur, avant de s’infliger une grosse trempe), le film « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud, le film « Pas de printemps pour Marnie » (1964) d’Alfred Hitchcock, le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961) de William Wyler (avec Mary, l’enfant-voyeur), le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari (avec le flic en train de suivre d’un œil le coït homo des protagonistes dans les docks new-yorkais), le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo (avec Lala, l’enfant qui regarde un coït), etc.

 

Par exemple, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, le père Raymond avoue, par rapport au beau couple de ses parents « qu’il s’en sentait exclu » : « Ils se sont embrassés sur la bouche devant moi. ». Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, Philibert regarde des films pornographiques. Dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, Alice fait semblant de dormir et espionne Julien et Fred en train de coucher ensemble. Dans le téléfilm « La Confusion des genres » (2000) d’Ilan Duran Cohen, Alain symbolise tout à fait l’homosexuel accidentellement voyeur puisqu’au moment où Marc tente de violer Babette, il s’interpose et se retrouve pris en sandwich entre les deux hétéros, en devenant pour le coup le témoin privilégié du viol entre la femme-objet et l’homme-objet. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, rentre de force dans une boîte échangiste et tombe sur une femme qui se fait pénétrer par des hommes, et qui l’oblige à prendre part à la sauterie : « Viens participer au lieu de regarder ! » Dans la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco, John, la femme lesbienne, se retrouve coincée également entre l’homme-objet (Elvis Presley) et la femme-objet (Marilyn Monroe). Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri, le héros homosexuel, est hypnotisé par le corps nu de Jean, et regarde le couple Elisabeth et Jean nus. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène (l’héroïne lesbienne), blasée et dégoûtée, entend son père et sa mère forniquer, alors même que ces derniers sont en rupture. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le jeune héros homosexuel de 14 ans, pénètre dans un cinéma projetant des films pornos hétérosexuels… mais où il n’y a que des homos bisexuels qui matent. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homo, observe l’homme qu’il aime faire l’amour dans un bateau avec une femme, Marge, en forçant un peu la main à celle-ci. Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, fait un cauchemar où il voit son amant Kevin sodomiser Samantha. Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Segundo entend ses parents baiser non loin de lui pendant son sommeil.

 

Le personnage homosexuel, parce qu’il a vu les gestes de l’Amour pratiqués sans Amour, finit souvent par confondre la violence avec l’Amour : « Je me suis collée l’oreille contre leur porte. Je savais qu’il fallait pas que je regarde. Mais je les ai vus ! Je les ai vus ! Maman se débattait. Jamais j’oublierai leur face ! » (Manon racontant son douloureux souvenir d’enfance où elle a vu ses parents forniquer, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « Je pensais que la fornication est la cause directe de la naissance et que la naissance est la cause directe de la souffrance et de la mort. J’en étais arrivé à un point où, sans mentir, je considérais la fornication comme une agression et même une cruauté. » (Ray Smith dans le roman Les Clochards célestes (1963) de Jack Kerouac, p. 51)

 

Sa vision de l’Amour et de la Beauté de la sexualité en est en général durablement altérée et abîmée. « Quand j’étais petit, mes parents faisaient l’amour devant moi. J’ai même dormi nu sous ma mère. Alors avec ça, dans la vie, t’es bien barré. Je devais être prédisposé. Je regardais toujours mon père se déshabiller. Jamais ma mère. Heureusement. » (Jacques Nolot dans son propre film « La Chatte à deux têtes », 2002)

 

Par exemple, au début du film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, on voit Roberto, l’un des héros homosexuels, observer par la fenêtre des couples hétéros faire l’amour lors d’une beuverie… comme pour montrer que l’homosexuel fictionnel est l’enfant du porno, et du manque d’amour entre les couples femme-homme.

 

Dans le film « Le Français » (2015) de Diastème, c’est au moment où Marc rentre dans la chambre d’un de ses potes Marvin en train de « niquer » une fille et de les observer que celui-ci le suspecte comme par hasard d’homosexualité : « T’es pédé ou quoi ? »
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le voyeur ou l’espion homosexuel :

Film "Poltergay" d'Éric Lavaine

Film « Poltergay » d’Éric Lavaine


 

Il suffit de taper sur les moteurs de recherche Internet « espion gay » ou « espionne lesbienne » pour tomber sur une multitude de liens donnant accès à des sites pornos homos, et réaliser que la figure du « mateur » homosexuel ou de l’espion gay est omniprésente dans la fantasmagorie homo-érotique. Je vous renvoie également à l’essai Sodomitas (1956) de Mauricio Carlavilla, au Journal intime (2008) de Jean-Luc Lagarce, à l’essai L’Espion et l’enfant (2016) de Ian Brossat, au documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture, Inside » (2014) de Maxime Donzel (avec le dessin d’un voyeur homo regardant avec un téléscope), à toute l’imagerie homosexuelle rattachée aux films de James Bond (la James Bond Girl, l’ambiguïté et la préciosité des « méchants », le sex appeal ultra-masculinisé du héros, etc. ; par exemple, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, la sensuelle Varia Andreïevskaïa est présentée comme « une espionne russe digne d’un vieux James Bond », p. 66). Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Celia se déguise pour la soirée costumée en souris, mais ressemble finalement à Catwoman, « une espionne volant les bijoux des femmes des beaux quartiers ». Je rappelle, comme une anecdote signifiante, que le nom initial que s’était choisi le groupe de rock français Indochine était « Les Espions ».

 

Film "Antes Que Anochezca" de Julian Schnabel

Film « Antes Que Anochezca » de Julian Schnabel


 

Beaucoup de critiques (parfois homosexuels eux-mêmes) constatent le lien très proche entre voyeurisme/espionnage et homosexualité : « Wahrol, c’était LE voyeur type. » (Zouzou interviewé dans le documentaire « Sex’N’Pop, Part I » (2004) de Christian Bettges) ; « Sébastien a l’œil sur tout. » (la voix-off parlant de Sébastien, un homme homosexuel de 43 ans, interviewé dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013) ; etc. Par exemple, dans son essai A Lover’s Discourse (1979), Roland Barthes qualifie le roman Sodome et Gomorrhe (1921) de Marcel Proust de « roman voyeur » (p. 26) car le narrateur est un espion et regarde toujours à travers des trous de serrure. Dans ma propre expérience, je vois également combien les cancans, les « histoires », vont bon train dans les sphères relationnelles homosexuelles : sans exagérer, la communauté LGBTI me fait parfois penser à un repère de concierges facebookiennes, où la médisance et le ragot voyeuriste viennent nourrir les trois-quarts des discussions entre ami(e)s (pour pallier à la vanité des échanges !), où l’espionnage est même une pratique amoureuse très courue (certains sont les pros de la création de profils parallèles bidon pour surveiller leur amant !). Non seulement les adeptes homosexuels des potins people bon marché s’auto-proclament gossip girls, mais en plus, certains se soulagent la conscience en généralisant leur voyeurisme à la planète entière : « Vous voulez tout savoir, ne dites pas le contraire… » (cf. le slogan du site du chroniqueur radiophonique homosexuel Andreï Olariu)… genre : « Y’a pas que nous à aimer ça ! On va faire de vous tous des curieux et des voyeurs, de gré ou de force ! » Rien d’étonnant que beaucoup de personnes homosexuelles aient élu domicile dans le centre du voyeurisme démocratisé mondial qu’est Twitter !

 

Film "Le Sang d'un Poète" de Jean Cocteau

Film « Le Sang d’un Poète » de Jean Cocteau


 

Certains artistes homosexuels se valent de l’excuse de l’art pour, à travers les métiers de photographe ou de cinéaste, satisfaire discrètement leurs appétits voyeurs : « La caméra est l’œil le plus indiscret au monde. » (Jean Cocteau dans le documentaire « La Villa Santo Sospir », 1949) ; « Moi, en filmant, je suis un pervers polymorphe ! Je veux me mettre dans la peau et le désir de l’homme qui aime les petites filles… » (le cinéaste François Ozon dans l’entretien de Philippe Rouyer et Claire Vassé, « La Vérité des corps », pour la revue Positif, n°521/522, juillet/août 2004, p. 42) ; « Je suis un voyeur. » (le réalisateur Jean-Daniel Cadinot, cité dans l’article « L’Univers Cadinot » d’Olivier Varlet et Jean-Noël Segrestaa, sur la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 63) ; « Mec, je me sens comme un espion en milieu ennemi. » (la comédienne transgenre F to M dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems) ; etc.

 

Par exemple, en parlant de son film « Les Parents terribles » (1948), Jean Cocteau dit de ses acteurs qu’ils sont des « fauves » et qu’il « met son œil au trou de serrure » pour les surprendre avec le téléobjectif (cf. le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky). Dans la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, le dramaturge argentin Copi, en août 1984, se définit lui-même comme « voyageur et voyeur » (p. 81) : « Je me retrouvai [en 1957], à l’âge de 16 ans, débarrassé des uns et des autres dans l’immense ville de Buenos Aires. Ayant appris quelques finesses de petit parisien, je me dédiai beaucoup à l’aventure sentimentale et au voyeurisme social. » (idem, p. 87)

 

Si on réfléchit bien, on constate que la majorité des personnes homosexuelles sont venues à l’homosexualité et ont vécu leurs premiers émois homosexuels par le voyeurisme, par la jalousie optique. « Petit déjà… Je sais maintenant d’où vient cette curiosité excessive que j’avais de zieuter les autres garçons dans les vestiaires de la piscine x). Faut dire aussi que les seules fois où j’ai joué au docteur, c’était avec des garçons. La curiosité, bien sûr. » (cf. le témoignage d’Erwan dans la rubrique « Déjàtoutpetit » de Yagg, publié le 7 février 2012) ; « Le mur extérieur du dancing où se passait le bal du carnaval avait des trous minuscules pour laisser passer l’eau qui pouvait s’accumuler sur la piste les jours de pluie. Je me suis couché sur le trottoir et j’ai utilisé ces trous comme des longues-vues. Je ne voyais que les pieds des danseurs. Je les voyais agrandis et dans leurs moindres détails. Ce qui me permet d’affirmer que, oui, la coiffeuse avait des cors aux pieds. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 168) Le désir homosexuel étant par nature un désir faible, compulsif, honteux de lui-même, et peu courageux, il était logique qu’il s’exprime « à la dérobée », de manière non-frontale, qu’il empreinte le passage étroit d’un trou de serrure ou de l’interstice des bonnes intentions esthétisantes : « Nous sommes arrivés à la plage pour nudistes si bien que Marc a pu se rincer l’œil tout à son aise. Il est notamment resté un bon moment en extase devant des éphèbes qui jouaient au volley sans un fil sur le corps. Pour un voyeur, le spectacle ne devait pas manquer d’être saisissant. » (Paula Dumont parlant de Marc, son meilleur ami gay, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 146) ; « À 5 ans, il commence à épier son voisin, Urho, un garçon de ferme solide et musclé, le premier de ses héros. » (Lionel Povert à propos du dessinateur Tom of Finland, dans son Dictionnaire gay (1994), p. 435) ; etc.

 

Il y a autour de l’espionnage comme une excitation frétillante, un fantasme érotique intense (et potentiellement violent, pulsionnel) : « Le personnage de Carlos Sanchez en avait marre de rester dans le buisson à espionner Lola. Et il décide de la violer à l’intérieur de son camion, sur une moitié de vache, étalée par terre, comme lit. Lola Sola se débat. Mais on comprend tout de suite qu’elle aime ça. Qu’elle aime un homme puissant. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 253) Je vous renvoie au lesbianisme latent qu’on peut observer dans une pub (anodine ?) comme Implicite Lingerie.

 

 

L’espionnage est parfois une activité que des membres de la communauté homosexuelle pratiquent réellement. Par exemple, Christopher Marlowe (1564-1593) fut au service secret de la Reine d’Angleterre. Le fameux Chevalier d’Éon chanté par Mylène Farmer dans sa chanson « Sans contrefaçon » n’est autre que Charles Beaumont, un espion dont la méthode d’investigation était le travestissement : « Le chevalier d’Éon : Né à Tonnerre en 1728 (il mourut en 1810), il fut dès son plus jeune âge constamment vêtu en fille. La légende prétend qu’il fut de longues années ‘l’ami’ de Louis XV. Devenu son agent secret, il accomplit une foule de missions (plus légendaires les unes que les autres) sous son déguisement de femme. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 163) ; « Être gay en Tchétchénie, c’est comme être un agent infiltré dans la mafia, ou un agent secret à la guerre parmi les ennemis. » (Azamat, Tchétchène homosexuel, dans le reportage « Chasse à l’homme en Tchétchénie » d’Élise Menand, Philippe Maire et Benoît Sauvage, diffusé dans l’émission Envoyé spécial sur France 2 le 23 novembre 2017). En Grande Bretagne, le groupe d’espions intellectuels homosexuels baptisé « Homintern » (W. H. Auden, Stephen Spender, Christopher Isherwood, E. M. Forster, Brian Howard, J. R. Ackerley, etc.) a défrayé la chronique dans les années 1930. Maurice Sachs (1906-1945) se déplaça en Allemagne nazie. Pendant la Guerre Froide, Anthony Blunt, Donald Mac Lean, ou bien Guy Burgess (les « Espions de Cambridge »), travaillèrent pour les services secrets soviétiques ; du côté des services secrets nord-américains, Hoover et Maccarthy se trouvèrent à la tête du FBI. Plus proche de nous, en 2005, Anton K et son copain Murat A. (plus connu sous le nom d’« Afrim »), ont créé au Kosovo un réseau d’informateurs, et ont travaillé avec la police secrète albanaise et macédonienne. Sinon, en mai 2007, en Grande-Bretagne, les célèbres organismes MI5 et MI6 (en charge de la sécurité intérieure et extérieure en Grande-Bretagne) publia des annonces d’offre d’emploi pour recruter des espions homosexuels afin d’élargir leur champ d’action. Aux États-Unis, Bradley Manning, un homme transsexuel de 29 ans « devenu une femme » et se prénommant désormais « Chelsea Manning », qui avait été condamné à 35 ans de prison en 2013 pour avoir espionné et fourni des renseignements confidentiels sur la guerre en Irak, a reçu une remise de peine du président Barack Obama le 20 janvier 2017, juste avant le départ de ce dernier de la présidence. Un geste présidentiel « à la Jacqueline Sauvage », totalement idéologique et démagogique, qui devrait nous inquiéter sur la véritable (et sinistre) identité d’Obama, et que quasi personne ne dénoncera.

 
 

b) Beaucoup de personnes homosexuelles ont été des témoins trop précoces de la sexualité adulte violente :

Plus profondément, le voyeurisme est une activité qui dit un mal-être ou un effondrement identitaire caché (quand on est mal dans sa peau, on s’image que tout le monde est témoin de notre humiliation !), ou encore un désir incestueux mal digéré (l’enfant se sent exclu de l’amour parental, de la « scène primitive » de sa propre conception : son père ou sa mère lui apparaît comme un rival qui l’a trompé parce qu’il/elle a osé coucher avec quelqu’un d’autre que lui !) : « Au milieu de parents ou amis, je me suis senti extérieur. J’ai vécu parmi eux en espion. » (Fernando Pessoa dans le documentaire « Pessoa l’Inquiéteur » (1990) de Jean Lefaux) ; « Claudette est une jumelle, homosexuelle active. Elle a toujours regretté d’être une fille. Elle prenait les jouets délaissés par son frère jumeau. […] Les tendances voyeuristes ont chez elle une grande importance. » (René Zazzo, Les Jumeaux, le couple et la personne (1960), cité dans l’article « L’identité sexuelle : pour quoi faire ? » de Jean-Marc Alby, Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 520) ; « Je crois que tu as menti, ce soir d’été. On est descendus sur la terrasse pour sentir la fraîcheur de la nuit et on a entendu une voiture s’arrêter. On s’est déplacés silencieusement pour espionner. On a vu le beau garçon, l’athlète qui faisait de délicats dessins de fleurs. Il faisait chaud. Il était presque nu dans la voiture. Sa peau brillait, recouverte d’une fine pellicule de sueur. Le conducteur de la voiture était un homme plus âgé, aux cheveux blancs. Ils se sont embrassés sur la bouche. Et tu m’as dit que c’était son père. » (Alfredo Arias à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 165) ; « Il [Ernestito] me raconta qu’un soir, en rentrant tard, il avait vu, dans ce même autobus, un couple assis face à lui. […] Le couple était en train de faire l’amour. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p.172) Dans son essai La Psychanalyse des enfants (1932), Melanie Klein évoque justement « les sentiments primaires de frustration, de jalousie et de haine qui entourent la scène primitive ». Par exemple, dans le film « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, regarde un couple homme-femme par la fenêtre de l’immeuble d’en face, et qui commence les préliminaires de l’union amoureuse totale. Ça ne lui fait ni chaud ni froid.

 

Le voyeurisme est la marque d’un accès prématuré et violent d’une grande majorité des personnes homosexuelles à la génitalité, à la sexualité adulte. Beaucoup d’entre elles ont vu, à travers les films pornos notamment, ou bien à travers le manque d’amour et l’indécence de leurs parents biologiques, un amour violé. « En raison, donc, non seulement de la télévision qui me dérangeait mais surtout de la peur de dormir seul, je me rendais plusieurs fois par semaine devant la chambre de mes parents, l’une des rares pièces de la maison dotée d’une porte. Je n’entrais pas tout de suite, j’attendais devant l’entrée qu’ils terminent. D’une manière générale, j’avais pris cette habitude (et cela jusqu’à dix ans ‘C’est pas normal’, disait ma mère, ‘il est pas normal ce gosse’) de suivre ma mère partout dans la maison. Quand elle entrait dans la salle de bains je l’attendais devant la porte. J’essayais d’en forcer l’ouverture, je donnais des coups de pied dans les murs, je hurlais, je pleurais. Quand elle se rendait aux toilettes, j’exigeais d’elle qu’elle laisse la porte ouverte pour la surveiller, comme par crainte qu’elle ne se volatilise. Elle gardera cette habitude de toujours laisser la porte des toilettes ouvertes quand elle fera ses besoins, habitude qui plus tard me révulsera. Elle ne cédait pas tout de suite. Mon comportement irritait mon grand frère, qui m’appelait ‘Fontaine’ à cause de mes larmes. Il ne souffrait pas qu’un garçon puisse pleurer autant. À force d’insistance, ma mère finissait toujours par céder. […] En me rendant devant la chambre de mes parents ces nuits où, tétanisé par la peur, je ne trouvais pas le sommeil, j’entendais leur respiration de plus en plus précipitée à travers la porte, les cris étouffés, leur souffle audible à cause des cloisons trop peu épaisses. (Je gravais des petits mots au couteau suisse sur les plaques de placoplâtre, ‘Chambre d’Ed’, et même cette phrase absurde – puisqu’il n’y avait pas de porte –, ‘Frappez au rideau avant d’entrer.’) Les gémissements de ma mère, ‘Putain c’est bon, encore, encore.’ J’attendais qu’ils aient terminé pour entrer. Je savais qu’à un moment ou à un autre mon père pousserait un cri puissant et sonore. Je savais que ce cri était une espèce de signal, la possibilité de pénétrer dans la chambre. Les ressorts du lit cessaient de grincer. Le silence qui suivait faisait partie du cri, alors je patientais encore quelques minutes, quelques secondes, je retardais l’ouverture de la porte. Dans la chambre flottait l’odeur du cri de mon père. Aujourd’hui encore quand je sens cette odeur je ne peux m’empêcher de penser à ces séquences répétées de mon enfance. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 80-82) ; « Je suis arrivée au pensionnat à l’âge de 14 ans. J’étais très naïve. Et je me suis retrouvée très tôt face à ces problèmes. Et j’ai été choquée. Il ne se passait que ça autour de moi, et je ne voulais pas le voir. Et j’en étais choquée. Depuis la surveillante qui couchait avec la surintendante, jusqu’aux élèves qui partageaient ma chambre, il n’y avait que ça autour de moi. J’étais la seule à ne pas être informée et à ne pas trouver que c’était épouvantable. Je me suis d’autant plus braquée que je sentais confusément en moi une attirance. Mais je voulais absolument la nier. » (Germaine, femme lesbienne suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; etc. Et cette vision brutale du détournement des gestes d’amour en consommation a abîmé durablement dans leur cœur l’image de pureté de l’Amour vrai. Ceci est particulière visible par exemple dans les dessins homo-érotiques de Roger Payne, dans lesquels la figure de l’enfant-voyeur, sur lequel les fantasmes des adultes libertins bisexuels (et parfois pédophiles) sont projetés (ce voyeur « accidentel » est montré comme consentant, complice, agréablement surpris, complaisant), est récurrente. Le désir homosexuel, c’est l’innocence de l’enfant violée.

 

ESPION Payne 2

Roger Payne

ESPION Payne 3

Roger Payne

Roger Payne

Roger Payne

 
 

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Code n°170 – Témoin silencieux d’un crime

Témoin silencieux

Témoin silencieux d’un crime

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Dans les œuvres homosexuelles, il arrive beaucoup plus souvent qu’on ne le croit que le héros homosexuel soit le témoin accidentel d’un vol, d’un meurtre, d’une agression homophobe, ou d’un viol, qu’il n’a pas commis, mais dont il est le complice, au moins oculaire, et qu’il ne dénonce pas. Le doute entre sa lâcheté de spectateur et son impuissance objective porte un nom : le désir homosexuel, celui-ci étant à la fois un désir d’amour lâche et violent par nature, et un désir de viol non-actualisé, qui s’imposerait à celui qui le ressent sans qu’il n’y puisse rien. Le fait que ce personnage ne vienne pas en aide à un de ces compagnons (en général homosexuel comme lui) montre bien la dualité homophobe du désir homosexuel, qui est à la fois pour et contre lui-même (puisque c’est un désir idolâtre). Ces exemples fictionnels de non-assistance à personne en danger, tout irréels qu’ils soient, montrent que l’homophobie intériorisée est une étape récurrente dans l’affirmation d’une homosexualité.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homosexuel homophobe », « Déni », « Défense du tyran », « Adeptes des pratiques SM », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Regard féminin », « Femme au balcon », « Amour ambigu de l’étranger », « Passion pour les catastrophes », « Voleurs », « Violeur homosexuel », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Main coupée », « Voyeur vu », « Espion », « Hitler gay », « Tout », « Couple criminel », « Milieu homosexuel infernal », « Prostitution », à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », à la partie « Désir de viol » du code « Viol », à la partie « Apocalyse » du code « Entre-deux-guerres », à la partie « L’homo combatif face à l’homo lâche » du code « Faux Révolutionnaires » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Film "Pornography : A Thriller" de David Kittredge

Film « Pornography : A Thriller » de David Kittredge


 

Dans certaines fictions traitant d’homosexualité, le héros homosexuel est témoin d’un meurtre, d’un viol ou d’un vol, qu’en général il ne dénonce pas : cf. le vidéo-clip de la chanson « Take Me To Church » d’Hozier, la chanson « J’étais là » de Zazie, le film « Témoin » (1978) de Jean-Pierre Mocky, le film « Merci… Dr Rey ! » (2003) d’Andrew Litvack (avec le personnage de Thomas), le film « Adored Diary Of A Porn Star » (2004) de Marco Filiberti (avec Federico et son frère Riki), le film « Cahier volé » (1991) de Christine Lipinska, le film « Je veux seulement qu’on m’aime » (1976) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec Aschenbach, spectateur d’une peste urbaine), la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti (avec le personnage de Robert), le film « Le Faucon maltais » (1941) de John Huston (avec le personnage d’Avril), le film « Quai des Orfèvres » (1947) d’Henri-Georges Clouzot (avec le personnage de Dora Meunier), le film « Les Désarrois de l’élève Törless » (1966) de Volker Schlöndorff, le film « Fremde Freundin » (1999) d’Anne Hoegh Krohn, le film « Wonderland » (1988) de Philip Saveville, les films « Huit Femmes » (2001) et « Swimming-pool » (2003) de François Ozon, etc. « Madame Pignou entendit les pleurs d’un bébé dans l’arrière-boutique, essaya d’alerter la boulangère, mais pas un mot ne sortait de sa bouche, elle était devenue muette. » (Copi, « Madame Pignou » (1978), p. 49) ; « Le perroquet vert, témoin d’un meurtre d’une princesse russe, et qui perdait les plumes. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 75) ; « C’est la première fois que je perds. » (Donato, le héros homo secouriste de mer qui a laissé se noyer l’amant de son futur partenaire, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; etc.

 

 

Par exemple, dans le film « Saint » (1996) de Bavo Defurne, un adolescent, caché dans une forêt, assiste, impuissant, à l’exécution d’un homme homosexuel par une bande de soldat. Dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1959) de Joseph Mankiewicz, Catherine (Elizabeth Taylor), pendant tout le film, garde le silence sur la scène du meurtre homophobe collectif qu’a subi son cousin homosexuel Sébastien. Dans le film « Dressed To Kill » (« Pulsions », 1980) de Brian de Palma, une call-girl qui a surpris un meurtre dans un ascenseur devient la proie de la meurtrière, une mystérieuse blonde transsexuelle M to F. Dans le film « Dinero Fácil » (2010) de Carlos Montero, Jaime le prostitué est témoin d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Dans le film « Les Enfants du Paradis » (1945) de Marcel Carné, Avril, le complice et l’amant de Lacenaire, devient voyeur d’un meurtre. Dans le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques », 1944) de Luchino Visconti, Gino est témoin du meurtre que Giovanna opère sur son mari, et s’affaire à le camoufler. Dans le film « J’embrasse pas » (1991) d’André Téchiné, Manuel Blanc se fait violer par un mec sous les yeux d’Ingrid. Dans le film « La source ou la fontaine de la jeune fille » (1960) d’Ingmar Bergman, Ingeri assiste au viol de Karin. Cachée derrière un buisson, alors qu’elle tient une pierre dans sa main pour lui venir en aide, elle n’intervient pas. Dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, Édouard est témoin du vol de livre d’Eudolfe qu’il garde secret. Dans le film « Rear Window » (« Fenêtre sur cour », 1955) d’Alfred Hitchcock, Jeff, au départ, veut faire justice lui-même et ne veut pas prévenir la police pour le meurtre qu’il a vu depuis sa fenêtre. Dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, Timofei, le héros homo, aperçoit un vol de portefeuilles mais il ne fait rien pour arrêter le voleur. Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, Jean-Jacques regarde passivement le viol de Jean-Marc, son copain, par ses camarades de « Mission ». Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie et Ruth maquillent le meurtre du mari de la seconde, Bennett.

 

Le plus étonnant, c’est la passivité et la complicité du héros homosexuel vis à vis du meurtrier qu’il a surpris ou du violeur qu’il adore secrètement. « Je ne vous dénoncerai pas. » (Robbie s’adressant au couple criminel dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; « Je l’ai regardé tuer plusieurs mecs. » (Wayne concernant les meurtres de Dean, dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper) ; « Ze zont des zhomophobes qui m’ont attaqué, i’ zont voulu me tuer. I’ zont crié zale pédé, z’étaient des zhomophobes, et i’ m’ont buté. » (Willie, pourtant agressé par un homosexuel, son « ex » Doumé, dans le roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 195) ; « La peinture qu’elle avait achetée se trouvait encore devant sa porte, mais Jane avait rechigné à se mettre au travail. Les mots seraient encore là même si elle appliquait une nouvelle couche de laque ; elle voulait que leur laideur reste gravée au fer rouge dans les souvenirs des Mann comme ils l’étaient dans les siens. La colère qu’elle avait pu ressentir vis-à-vis de la fille en rapport avec le graffiti avait disparu. Si c’était Anna qui avait dégradé sa porte, elle l’avait fait par désespoir et par peur de ce que les soupçons de Jane pourraient entrainer pour son père. Si c’était Mann, alors lui aussi était désespéré et effrayé. Cette idée la travaillait. » (Jane, l’héroïne lesbienne qui ne se décide pas à effacer le graffiti homophobe « Lesben Raus ! » qui figure à la peinture rouge sur le mur d’entrée de l’appartement qu’elle partage avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 155) ; etc.

 

Film "L'Inconnu du lac" d'Alain Guiraudie

Film « L’Inconnu du lac » d’Alain Guiraudie


 

Par exemple, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, tous les personnages homos sont témoins d’un meurtre (celui que Michel a opéré sur Pascal ; Henri, de son propre meurtre par Michel), mais tous protègent par leur silence et par leur attachement à leurs pulsions sexuelles le meurtrier. Que ce soit Henri ou Franck, ils se jettent dans la gueule du loup. Le cas de Franck, le héros, est particulièrement fascinant. Il a vu pendant la nuit, caché dans les fourrés, son amant Michel noyer Pascal. Et le lendemain, il ment à l’un de ses camarades nudistes (« Je suis rentré me coucher… »), ment également au commissaire (quand ce dernier lui tend une photo de la victime, Franck fait mine de ne pas la connaître : « J’étais dans le bois… Je n’ai rien remarqué… »). On découvre que ce sont principalement les sentiments qui servent d’ultime rempart au déni du viol : quand Michel constate que Franck ne le dénonce pas et le couvre, il lui dit « Je crois que tu m’aimes toujours un peu… »

 

Film "L'Homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, le jeune Henri, par amour pour Jean, un homme criminel plus mûr que lui, se replie dans le silence et la prostitution. Au départ, dans les toilettes où Jean a laissé pour mort un type qu’il a tabassé, Henri se voit forcé au silence par un baiser forcé et cannibale que lui donne Jean. Et ensuite, c’est de son propre chef qu’Henri, hypnotisé par la nudité de Jean, couvre ce dernier et pratique les mêmes larcins.

 

Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homo, ne porte pas secours à son amant Nathan qui se fait assassiner sous ses yeux par un prédateur sexuel dans une bagnole de laquelle il est le seul à descendre. Ce souvenir le hante jusque dans ses rêves puisque il voit Nathan frapper en vain à la fenêtre de la vitre de la voiture où il s’est enfermé, près d’une station de service où il attend son père : « Ouvre-moi Jonas ! Pourquoi tu fais ça ?!? Il arrive, Jonas ! S’te plaît, ouvre !!! » (Nathan). Dix-huit ans après, lorsque Jonas passe aux aveux et raconte les circonstances réelles de la disparition énigmatique de Nathan, la maman de ce dernier s’étonne encore de la passivité du jeune homme : « Y’a juste un truc que je comprends pas. Pourquoi tu l’as pas dit ? » Jonas ne sait pas quoi répondre, et son mutisme semble s’expliquer par un complexe de culpabilité, voire une homophobie intériorisée : « Je sais pas. J’y arrivais pas. J’avais honte. ». La mère de Nathan persiste : « Mais honte de quoi ? T’avais 15 ans… ». La question restera sans réponse. Néanmoins, Jonas se voit dédouané de toute faute par le petit frère de Nathan, Léonard : « Si tu l’avais pas abandonné au final, tu serais sans doute mort avec lui. »
 

Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, Mélodie, l’héroïne bisexuelle, est avocate… mais au lieu de défendre la justice, elle se sert de son pouvoir de magistrat pour couvrir le délit ou le crime. Par exemple, face à un contrôle de police où son ami Michel manque de souffler dans un ballon alors qu’il est alcoolisé au volant, elle fait preuve de persuasion avec un policier pour échapper in extremis au retrait de permis… et ça marche. Plus tard, Mélodie a en charge un pervers qu’elle prend en pitié, qu’elle parvient à défendre en plaidoirie, en faisant passer les attouchements sexuels qu’il a fait sur une femme pour un dérapage : « Il s’agit d’un geste d’amour qui a mal tourné. » Mais à la fin du film, elle se retrouve face à une récidive beaucoup plus grave du même violeur, puisque cette fois, il est passé au viol. Elle a donc couvert et laisser courir en liberté un agresseur multi-récidiviste. Face à ses amis qui s’étonnent qu’elle ait défendu l’injustifiable, elle joue d’abord l’indifférence professionnaliste (« Bien sûr que je vais le défendre. C’est mon métier. ») avant de fondre carrément en larmes, surprise par une culpabilité inconsciente qui déborde en elle (« Je n’en peux plus de toute cette merde. Je ne sais plus à quoi m’accrocher ! ») Tout le film montre que, au même moment qu’elle vit son homosexualité, Mélodie défend à plusieurs reprises le viol : il y a une corrélation constante entre plaidoirie du viol et justification de la banalité/beauté de l’amour bisexuel/asexué.
 

Dans le film « Bayaw » (2009) de Monti Parungao, Rhennan est témoin de la mort accidentelle de Pia, tuée par Nilo, son amant qu’il défendra jusqu’au bout. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Paul, on ne sait pourquoi, protège son agresseur Dargelos qui lui a jeté volontairement une pierre à la poitrine. Dans le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine, Bruno voit Fabrice voler des cierges à l’église : non seulement il ne dénonce pas le délit, mais il tombe amoureux du larron ! Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara a laissé son amante Sonia se faire insulter et maltraiter par un groupe de garçons lesbophobes, et vient ensuite lui demander pardon : « J’suis vraiment désolée. J’arrivais à rien dire… » Dans le film « Indian Palace » (2011) de John Madden, Graham a une liaison homosexuelle avec un domestique indien, Manadj, qui finit mal puisque le père de Manadj perd son travail et toute la famille de ce dernier est renvoyée suite à ce « déshonneur ». Graham ne fait rien pour défendre son amour de jeunesse : « Au lieu de ça, j’ai laissé faire. Je n’ai pas émis la moindre protestation. » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, en même temps qu’ils entament une relation amicale renforcée qui les fait passer pour homos, les deux adolescents Vlad et Joey se font comme par hasard suspecter de vol de livres en français dans leur bahut. On découvrira qu’en réalité, c’est Ben le grand-oncle homo de Joey, qui est l’auteur du larcin. Il se dénonce bien tard, après que le pauvre Joey se soit fait engueuler sévèrement par son père et presque suspecter d’homosexualité, le temps d’un dîner tendu. Dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, la jeune Anna défendra jusqu’à la mort son père qui la viole.

 

Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène se fait maltraiter psychologiquement par son amante Sarah… mais par « amour », elle l’excuse : « T’es pas vraiment méchante, en fait. C’est à cause de ta mère. Je l’ai vue. T’es juste paumée. J’ai compris pourquoi t’es comme ça. » Victoire, la meilleure amie de Charlène, essaie de la raisonner : « J’comprends pas comment t’acceptes. Elle te traite comme une merde. » Charlène lui rétorque : « Je ne te demande pas de comprendre. » Finalement, Charlène ne fait que reproduire la soumission de sa mère vis-à-vis de son père : « Pourquoi tu lui pardonnes à chaque fois ? » lui demande-t-elle ; « Parce que je ne peux pas faire autrement… » lui répond sa maman.
 

Dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (épisode 1 de la saison 2), Emmanuel, le séminariste homosexuel noir, n’a pas aidé son camarade Christian qui s’est fait agresser puis voler de l’argent par une mendiante au foyer du Bon Secours où ils tenaient une permanence d’accueil (il s’est caché sous les tables pour prier un « Je vous salue Marie » sans bouger). Plus tard, toujours par faiblesse, mais aussi par dette de sa première lâcheté, il couvre Christian (qui a décapité une statue) et garde le silence sur son méfait.

 

Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, à Moscou, Anton et Vlad, un jeune couple homosexuel est par hasard le témoin passif d’une agression de rue. Vlad déconseille à Anton d’aller secourir le jeune Nikolay : « Tu vas jouer au héros ? » Plus tard, ils apprendront que la victime a succombé aux coups et qu’il s’agissait d’un crime homophobe. Vlad refuse qu’Anton mène l’enquête, pas simplement pour le risque qu’elle revêt, mais surtout par peur que sa culpabilité de non-assistance à personne en danger soit révélée au grand jour. Sous l’effet de l’alcool, Anton finit par intégrer à cette croyance qu’en effet, la complicité de son compagnon vaille meurtre : « Tu as tué un homme, Vlad ! Tu as tué un homme ! » Vlad lui met un poing dans la gueule et le quitte définitivement. À la fin, Anton découvre que le meurtrier de Nikolay n’est autre que de ses proches amis, Audrey, qui, lui aussi, va le regarder passivement se faire rouer de coups par ses potes homophobes dans une forêt enneigée de Russie.
 

Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, l’idylle entre Kena et Ziki, les deux héroïnes lesbiennes, commence bizarrement. Les deux femmes ont des pères qui sont rivaux aux élections municipales d’un lotissement de Nairobi (Kenya)… et Kena voit Ziki arracher et vandaliser les affiches électorales de son propre père. Elle lui court après… et tombe sous le charme de la canaille.
 

Chez le héros homosexuel, le déni de la connaissance d’un meurtre ou d’un viol peut traduire aussi une haine de soi, un manque de confiance, un mal-être identitaire, ou l’intériorisation inconsciente d’un opprobre, intériorisation qui sera interprétée comme un signe d’homosexualité. Par exemple, dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Félix, le héros homo, est témoin d’un meurtre dont il n’est à l’origine pas responsable, … seulement voilà, il finit par s’en rendre un peu responsable en niant les faits. Le défense du violeur sera finalement expliquée par la haine secrète de soi, le racisme (ou l’homophobie) intériorisé : « J’avais peur de ces mecs, de ces flics, de tout. Je sais pas comment t’expliquer ça… J’arrivais pas à leur expliquer qu’un type m’avait frappé parce que j’avais une tête d’Arabe… J’avais honte. » Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, le père Adam est témoin du viol par sodomie que Adrian exerce sur le jeune Rudy (héros qui s’était jadis confessé à lui). Au lieu de dénoncer ce qu’il a vu, Adam l’incorpore comme une confirmation qu’il est lui-même bien homosexuel. Par la suite, Adrian s’amuse du chantage au silence qu’il impose à ce prêtre homosexuel refoulé, et en profite pour l’« outer » : « LE PRÊTRE EST UNE PÉDALE ! » fait-il inscrire en rouge sur un mur.

 

Film "Drôle de Félix" d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Film « Drôle de Félix » d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau


 

Le violé a vu le plaisir de son violeur au moment du coït et y a cru tellement qu’il l’a pris pour une preuve d’amour à maintenir cachée. Je vous renvoie à la partie sur le « Désir de viol » dans le code « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Dans le téléfilm « La Bête curieuse » (2017) de Laurent Perreau, Céline (jouée par Laura Smet) surprend sa collègue hôtelière Élodie en plein ébat amoureux lesbien avec une femme dans les vestiaires. Mais pour ne pas que son plus grand crime (Céline a tué son violeur puis se retrouve en liberté conditionnelle avec un bracelet électronique) soit dévoilé, elle décide de couvrir Élodie et son amante auprès de leur grand chef en l’empêchant de les surprendre dans la situation embarrassante. Il faut rappeler qu’Élodie, avant ce service rendue par Céline, se montrait particulièrement cruelle, jalouse, envers elle.
 

Également, le silence du héros homosexuel face au meurtre peut indiquer la dualité homophobe de son désir homosexuel, sa complicité avec l’homophobie. Par exemple, l’opéra Billy Bud (1951) de Benjamin Britten raconte l’histoire d’un marin persécuté pour ses opinions politiques supposées et qui tue son persécuteur sans que l’officier qui est amoureux de lui n’ose intervenir. Dans le film « Camionero » (2013) de Sebastián Miló, Raidel est témoin du viol punitif que son camarade Randy subit de la part de ses camarades cadets dans les dortoirs et les douches du lycée militaire où ils sont tous deux inscrits. Il le voit se faire pisser dessus, sans intervenir. Dans le film « Forty Deuce » (« Quarante partout », 1982) de Paul Morrissey, un prostitué (interprété par Kevin Bacon) essaie de couvrir la mort par surdose d’un autre gamin. Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, Mourad, l’un des héros homosexuels, raconte comment, lors de son adolescence au lycée, il a non seulement été témoin du tabassage d’Esteban, un camarade suspecté d’être homo, dans les vestiaires, mais en plus, pour camoufler sa propre homosexualité, il y a participé. Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, même scénario. Frank, le héros homo, avant de faire à l’âge adulte son coming out, a vu et pris part au passage à tabac d’un homme homosexuel efféminé de son village, Jonathan, que les « casseurs de pédés » dont il faisait partie, n’ont pas épargné. Et depuis, dès qu’il « croise un homme balafré » dans la rue, il repense avec angoisse au visage coupé en deux de son jumeau d’orientation sexuelle. Dans le film « Le Bal de nuit » (1959) de Maurice Cloche, un gay dévalisé n’ose pas porter plainte. Dans le film « Ô Belle Amérique ! » (2002) d’Alan Brown, Andy a vu son amant Brad se faire tabasser par les garçons de sa bande. Il avoue en pleurs qu’il est resté regarder la scène sans venir le secourir. Dans le roman Pompes funèbres (1947) de Jean Genet, les Allemands violent Riton sous les yeux d’Érik Seiler, sans que celui-ci fasse un geste pour le défendre.

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, le héros homo, parle de son camarade de classe efféminé, Julien, qui s’est suicidé parce que ses camarades le rejetaient, et que lui n’a rien fait non plus pour lui venir en aide : « C’était mon frère de cœur. Nous avions la même faiblesse – si c’en est une – mais je ne me reconnaissais pas en lui. Je l’avais toujours ignoré. Finalement, j’étais peut-être pire que ceux qui se moquaient de lui. […] « Personne n’était là quand Julien en avait besoin, quand il était bien vivant, quand il désespérait. Personne pour l’écouter, pour le comprendre et lui tendre la main… alors, il est parti. […] En réalité, je déprimais complètement. On mit cela sur le compte de la mort de Julien. C’était en partie vrai, mais la vraie raison de ma déprime venait du fait que je pensais à celui [Kévin] qui n’était pas là, comme d’hab, et qui pleurait avec moi tout à l’heure, quand nos épaules s’étaient touchées. Les filles et ma mère avaient raison, je n’étais pas là, j’étais encore au cimetière. Pas avec Julien, j’y étais avec mon amoureux. » (pp. 49-52) ; « Un jour, un copain s’en est pris à Julien, il trouvait qu’il avait une démarche et des gestes efféminés. […] Nous sommes tous restés là, impassibles, immobiles, personne n’a osé prendre sa défense. Je m’en voudrai toute ma vie. Je suis jeune mais je traîne déjà mes fantômes derrière moi. C’était mon frère, il l’ignorait. Moi, je le savais, je l’ai toujours su. Je l’ai renié plus fort que les autres. Je l’ai ignoré, abandonné, laissé souffrir en solitaire. » (idem, pp. 388-389) ; etc. À la fin de l’histoire, quand Kévin se fait tabasser à mort par un groupe d’homophobes, après un dîner au resto en amoureux avec Bryan, ce dernier reste totalement passif, à regarder son amant se faire tuer. Il ne veut pas être suspecté d’être homo, et de souffrir les mêmes représailles : « Je n’étais pas fier de moi, je n’avais rien fait pour aider mon ami. » (idem, p. 264)

 

Parfois, le viol ou le meurtre que le personnage homosexuel a vu ou a cru voir – et qu’il tait, en gardant son amertume pour lui – est fantasmatique (même s’il peut reposer sur un substrat de réel) : le héros a considéré la sexualité (entre un homme et une femme ; ou bien entre deux personnes de même sexe) comme sale, odieuse, violente, et a eu un contact prématuré avec l’intimité génitale des adultes. Il interprètera son silence vis à vis du « viol » (et vis à vis de son fantasme de viol surtout !) comme une confirmation secrète de son homosexualité. « Stephen [l’héroïne lesbienne, amoureuse de sa gouvernante Collins] avait erré jusqu’à un vieux hangar où l’on rangeait les outils de jardinage et y vit Collins et le valet de pied qui semblaient se parler avec véhémence, avec tant de véhémence qu’ils ne l’entendirent point. Puis une véritable catastrophe survint, car Henry prit rudement Collins par les poignets, l’attira à lui, puis, la maintenant toujours rudement, l’embrassa à pleines lèvres. Stephen se sentit soudain la tête chaude et comme si elle était prise de vertige, puis une aveugle et incompréhensible rage l’envahit, elle voulut crier, mais la voix lui manqua complètement et elle ne put que bredouiller. Une seconde après, elle saisissait un pot de fleurs cassé et le lançait avec force dans la direction d’Henry. Il l’atteignit en plein figure, lui ouvrant la joue d’où le sang se mit à dégoutter lentement. Il était étourdi, essayant doucement la blessure, tandis que Collins regardait fixement Stephen sans parler. Aucun d’eux ne prononça une parole ; ils se sentaient trop coupables. Ils étaient aussi très étonnés. […] Stephen s’enfuit sauvagement, plus loin, toujours plus loin, n’importe comment, n’importe où, pourvu qu’elle cessât de les voir. Elle sanglota et courut en se couvrant les yeux, déchirant ses vêtements aux arbustes, déchirant ses bas et ses jambes quand elle s’accrochait aux branches qui l’arrêtaient. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 38-39) Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume est témoin que son meilleur ami Jérémy baise sous la pluie Lisa, et il qualifie par jalousie cette dernière de pute : « C’est vraiment une espèce de… »

 

Enfin, à plus grande échelle, le silence du héros homosexuel face aux crimes qu’il voit (dans la vraie vie comme sur ses écrans de télé) peut dire chez lui une misanthropie, une indifférence désinvolte à l’horreur et à la souffrance des autres, un égoïsme. « Il n’y a pas de mal à ça. » (Julia, une des héroïnes lesbiennes s’adressant à Lisa qui vient de se faire avorter, dans le film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino)

 

On retrouve les personnages homos dilettantes qui soufflent sur la mousse de leur bain d’actrices pendant que le monde entier s’écroule autour d’elles dans la chanson « J’en ai marre » d’Alizée, le vidéo-clip « XXL » de Mylène Farmer, le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le poème « La Almena, Los Caballos » de Néstor Perlongher, etc. « Tout est chaos à côté. » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; « C’est dans l’air, c’est nucléaire. On s’en fout. […] On finira au fond du trou. Et… moi je chante. Moi je… m’invente une vie. » (cf. la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer) ; « J’ai la peau douce, dans mon bain de mousse. Je bulle à l’ombre des bombes. » (cf. la chanson « J’en ai marre » d’Alizée) ; « J’étais à la manif avec tous mes copains. […] J’étais là pour aider pour le Sida les sans papiers. J’ai chanté, chanté. Sûr que j’étais là pour faire la fête ! Et j’ai levé mon verre à ceux qui n’ont plus rien. […] J’étais là et je n’ai rien fait. » (cf. la chanson « J’étais là » de Zazie) ; « Encore quelques jours à Singapour à rechercher l’amour du haut d’un réverbère. Je regarde la terre. Je n’y vois rien à faire. Alors je resterai réfugié à l’intérieur de mon bunker. » (cf. la chanson « Punker » du groupe Indochine) ; « Tu devras faire entrer en toi cette insensibilité à l’égard du monde. » (le narrateur de la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet) ; « C’était la première fois que cousin Sébastien avait des velléités de modifier une conjoncture terrestre. » (Leonora à propos de son cousin homosexuel, dans le film « Suddenly Last Summer », « Soudain l’été dernier » (1960) de Joseph Mankiewicz), etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Un certain nombre (non négligeable) d’individus homosexuels ont été témoins de meurtres ou de viols qu’ils taisent (cf. je vous renvoie aux codes « Déni » et « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ils sont les premiers à ne pas être capables de s’expliquer le pourquoi de leur silence. « Je n’en ai jamais parlé à personne, je n’ai pas porté plainte, et j’ai encore honte de m’être laissé faire. » (Brahim Naït-Balk évoquant la succession de viols qu’il a subis de la part du groupe de jeunes hommes qu’il encadrait, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), p. 8) ; « Je ne me suis jamais dit : ‘Il est dégueulasse celui qui m’a contaminé. ’ J’ai pris mes responsabilités. » (Romain, homosexuel et séropositif, dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon) ; etc.

 

Le plus étonnant, c’est la passivité et la complicité de certaines personnes homosexuelles vis à vis du meurtrier qu’elles ont surpris ou du violeur qu’elles adorent secrètement. Par exemple, Truman Capote a pris la défense du prisonnier et criminel Perry Smith dont il raconte l’histoire dans son roman-réalité A Cold Blood (De sang-froid, 1966). Dans le documentaire « Stefan Sweig, histoire d’un Européen » (2015) de François Busnel, il est démontré que l’écrivain Stefan Sweig n’a pas dénoncé ouvertement le nazisme et « suit sa pente dominante qui est celle du compromis ».

 

Vidéo-clip de la chanson "Sans logique" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer


 

Quelquefois (étrange syndrome de Stockholm, par lequel la victime défend son agresseur ou bien celui qu’elle a vu agresser), le violé homosexuel a observé le plaisir de son violeur au moment du coït et y a cru tellement qu’il l’a pris pour une preuve d’amour à maintenir cachée. « Ils [les deux collégiens violeurs] sont revenus. Ils appréciaient la quiétude du lieu où ils étaient assurés de me trouver sans prendre le risque d’être surpris par la surveillante. Ils m’y attendaient chaque jour. Chaque jour je revenais, comme un rendez-vous que nous aurions fixé, un contrat silencieux. […] Uniquement cette idée : ici, personne ne nous verrait, personne ne saurait. […] Je ne sais pas si les garçons du couloir auraient qualifié leur comportement de violent. » (Eddy Bellegueule dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 38-42) ; « J’étais un efféminé qui méritait les coups. Je ne voulais pas que la surveillante me retrouve dans le même couloir, recroquevillé, le regard implorant – même si, je l’ai dit, la plupart du temps j’essayais, sans toujours y parvenir, de garder le sourire quand ils me frappaient. » (idem, p. 88) ; « Cette expérience m’était à tel point incroyable que, je préférais me taire, craignant sans doute de passer pour un être anormal et déséquilibré. Mais rien ne pouvait jamais m’ôter l’absolue certitude, que je n’avais pas rêvé ni été victime d’une hallucination. J’étais la victime et le témoin, c’est sûr, la cible d’un amour impossible. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant du viol qu’il a subi, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 70) ; etc.

 

Beaucoup d’affaires criminelles impliquent les personnes homosexuelles (cf. je vous renvoie aux codes « Violeur homosexuel », « Viol », « Voleurs », « Milieu homosexuel infernal », « Homosexuel homophobe » et « Prostitution » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Mais comme en général, ces dernières ont collaboré de près ou de loin – par une pratique sexuelle, par un jeu de séduction ou par les sentiments – avec le bourreau qui a mal agit devant elles, elles préfèrent garder le silence : cf. je vous renvoie à deux articles : « Les homos taisent leurs agressions » et « Ils détroussaient des gays parce qu’ils portent moins plainte« . « Outre la mauvaise réputation qu’avait la Savane la nuit, je lui rapportais en détail certaines agressions dont j’avais été témoin. Sur la place, je rencontrais toutes sortes d’individus ; les ‘branchés’ étaient une population très hétéroclite. On était du même bord, mais on ne se fréquentait pas. Sans doute par manque de confiance, beaucoup se méfiaient de leur propre clan et jouaient à cache-cache en permanence, se dénigrant et se méprisant mutuellement. Impensable pour un groupe déjà victime du malheur de sa propre différence ! C’est quand même surprenant et regrettable d’en arriver là. » (Ednar parlant des lieux de drague antillais à sa mère, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, pp. 188-189) Par exemple, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans décrit précisément la succession des « générations de maîtres-chanteurs » (p. 39) qui se succèdent dans le cadre de la prostitution homosexuelle masculine : « Le grand point faible de l’homosexualité, c’est sa lâcheté : surpris en flagrant délit ‘d’outrage aux mœurs dans un lieu dit public’, le pédéraste ne peut chercher aucun secours chez son partenaire de rencontre ; il est seul. Personne n’est jamais homosexuel… sauf celui qui se fait pincer. Une ignoble loi de la jungle régit notre existence et nous vivons dans la perpétuelle attente de la catastrophe. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, idem, p. 103) Dans son autobiographie Retour à Reims (2010), Didier Éribon raconte (sans raconter vraiment) les « cassages de pédés » sur les lieux de drague homo : « Je dois mentionner aussi les innombrables agressions dont je fus, au fil des années, le témoin impuissant, réduit à ressasser ensuite pendant des jours, des semaines, le lâche soulagement d’avoir été épargné […]. Plus d’une fois il m’arriva de quitter précipitamment un de ces endroits, échappant de justesse au sort qui s’abattait sur d’autres. » (p. 220)

 

Le silence des personnes homosexuelles à propos du viol ou des actes d’homophobie indique la dualité homophobe de leur désir homosexuel, leur complicité avec l’homophobie à travers la pratique homosexuelle. « La question du chantage a été centrale dans toute l’histoire de l’homosexualité. Des hommes, pris au piège, étaient livrés à des voyous qui les tenaient à leur merci, et une seule rencontre malencontreuse pouvait briser une vie. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 69) Selon Himmler, « l’homosexuel » est « un objet idéal de pression, d’abord parce qu’il est lui-même passible de sanctions, deuxièmement parce que c’est un type malléable, et troisièmement parce qu’il est veule et dépourvu de toute volonté » (Himmler, cité dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 258)

 

Parfois, le viol ou le meurtre que la personne homosexuelle a vu ou a cru voir – et qu’elle tait, en gardant son amertume pour elle – est fantasmatique (même s’il peut reposer sur un substrat de réel) : elle a considéré la sexualité (entre un homme et une femme ; ou bien entre deux personnes de même sexe) comme sale, odieuse, violente, et a eu un contact prématuré avec l’intimité génitale des adultes. Elle interprètera son silence vis à vis du « viol » (et vis à vis de son fantasme de viol surtout !) comme une confirmation secrète de son homosexualité. « Une autre fois, ma mère dut s’absenter quelques jours pour se rendre au chevet de sa mère malade. J’ignorais tout à cette époque de la vie que pouvait mener mon père. Un soir, entrant dans la chambre de mes parents, que je croyais vide, j’eus la surprise d’y trouver mon père tenant dans ses bras notre cuisinière à demi dévêtue… Mon père m’administra un soufflet, pour me punir d’être entré sans frapper ; c’était la première fois qu’il me giflait… » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 79)

 

Enfin, à plus grande échelle, le silence des personnes homos face aux crimes qu’elles voient (dans la vraie vie comme sur ses écrans de télé) peut dire chez elles une misanthropie désinvolte, une indifférence à l’horreur et aux souffrances des autres, un égoïsme. Par exemple, dans le documentaire « Chandelier » (2002) de Steven Cohen, le performer transgenre M to F, se balade dans les bidonvilles de Johannesburg où il regarde narcissiquement et passivement la destruction autour de lui, contemple les dégâts des « méchants humains » sans bouger le petit doigt. Certains critiques disent de Marcel Proust qu’il était un « auteur asthmatique et salonnard, décadent, narcissique, fermé aux dures réalités de la lutte des classes, ignorant tout de la dialectique et des problèmes économiques. » (cf. l’article « La France de Saint-André-des-Champs » de Jean Plumyène, dans le Magazine littéraire, n°350, janvier 1997, p. 51)

 
 

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Code n°185 – Voyeur vu

voyeur vu

Voyeur vu

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Le voyeur vu… ou l’homophobie du désir homosexuel

 

Le désir homosexuel, au niveau de la sexualité, rejette la différence des sexes dès qu’il se pratique. Il expose donc la personne qui s’y adonne à vivre les illusions d’optique du narcissisme, le traumatisme des mirages de l’identité excessivement projetée ou de l’amour projeté hors de la sphère de conscience et de corporéité humaines. Elle devient son propre espion, son propre ennemi, son homophobe.

 

VOYEUR VU Antifas

 

Autrement dit, cette personne qui rejette chez elle et chez les autres la différence des sexes a tendance à plonger dans le nombrilisme à la fois extraverti et intériorisé, dans la paranoïa et l’exhibitionnisme. Elle a du mal à trouver une juste distance avec elle-même et avec les autres. La peur et la haine de soi jaillissent souvent en voyeurisme inconscient qui se laisse piéger lui-même par son propre jeu. C’est le propre de la psychose : « Dans une psychose, les transformations ‘en contraire’ sont très fréquentes, le désir de battre devient envie d’être battu, le désir de dévorer devient la peur d’être dévoré, le plaisir de regarder du schizophrène se transforme en peur d’être épié (c’est la direction de la pulsion qui est transformée et aucunement la représentation de l’objet). L’exhibitionnisme lui-même peut nous proposer une solution acceptable, car il y a sans doute dans le travesti l’identification avec l’objet qu’on aimerait regarder, satisfaisant ainsi d’une façon narcissique un voyeurisme ‘retourné’. » (Docteur Hans Werner, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 306)

 

C’est la raison pour laquelle, dans les fictions homo-érotiques, beaucoup de héros homosexuels vivent un violent retour de boomerang à cause de leur indiscrétion et de leur peur d’exister. Ils sont à la fois voyeur et voyant. Le voyeurisme est une activité qui dit un mal-être ou un effondrement identitaire caché (quand on est mal dans sa peau, on s’image que tout le monde est témoin de notre humiliation ! que tout le monde nous regarde), ou bien le fait qu’on désire être violé ou revivre un viol (oculaire ou physique) qu’on a réellement vécu.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Miroir », « Espion homo », « Poids des mots et des regards », « Regard féminin », « Lunettes d’or », « Homosexuel homophobe », « Amant modèle photographique », « Témoin silencieux d’un crime », « Main coupée », « Doubles schizophréniques », « Photographe », « Femme au balcon », « Emma Bovary « J’ai un amant ! » », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Passion pour les catastrophes », à la partie « Photo chiffonnée » du code « Actrice-Traîtresse », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Espionné :

VOYEUR VU Stores

 

Beaucoup de personnages homosexuels des fictions se sentent espionnés quand ils espionnent (cf. je vous renvoie au code capital « Poids des mots et des regards » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « J’arrive escorté de mouches. Je les reconnais : des mouches soviétiques espionnes. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Un Russe, messager de l’Enfer. » (idem) ; « Arrivé à cette page, il s’aperçut qu’il y avait quelqu’un qui le regardait. » (Copi, Un Livre blanc (2002), pp. 60-63)

 

VOYEUR VU Livre Blanc

Album « Le Livre blanc » de Copi


 

C’est parfois à raison, car on les observe vraiment. « Lâche-moi un peu. Arrête de m’espionner. » (Paul s’adressant à son amant Erik dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs) ; « Antoine éteignit la lumière, puis tenta de faire une mise au point sur la fenêtre d’en face. […] Il lâcha les jumelles. Il les ramassa et regarda de nouveau. Dans une pièce aux murs couverts de masques africains, Martine Van Decker, immobile, murmurait d’interminables borborygmes en l’observant. » (Vincent Petitet, Les Nettoyeurs (2006), p. 248. Dernière phrase du roman) ; « Je te rappelle qu’il y a un judas. Je te regarde depuis toute à l’heure. » (le compagnon s’adressant à Jérémy, surpris d’être observé, dans le one-man-show Bon à marier (2015) de Jérémy Lorca) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, Gabriel, le héros gay, est espionné par sa mère, qui fouille dans son ordinateur portable. Dans le film « Zenne Dancer » (2012) de Caner Alper et Mehmet Binay, la famille d’Ahmet, très conservatrice, n’admet pas son homosexualité et engage un homme pour l’espionner.

 

Film "Vampire Diary" de Mark James & Phil O'Shea

Film « Vampire Diary » de Mark James & Phil O’Shea


 

Chez le héros, cette sensation d’être espionné est à la fois un sursaut de sa conscience et un sentiment infondé qui montre une schizophrénie narcissique ou une paranoïa. « Moi, j’aimerais beaucoup qu’il y ait des messieurs qui me suivent toute la journée. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) Par exemple, dans le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, le narrateur est espionné par sa mère Félicité, et lui rend la pareille : « Mais souvent aussi c’était son tour d’être épiée. » (p. 28) Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, réclame toute l’attention à lui tout seul : « Personne ne me regarde ! » Dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, le « vous » narrateur agit comme une auto-hypnose. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Leopold croit qu’il a tué un de ses clients parce qu’il l’a poussé au suicide : « Franz, j’ai tué quelqu’un, un de mes clients s’est tué la cervelle. […] Je me sens comme si j’étais quelqu’un d’autre et que j’observais tout ce que je faisais […] comme si tout le monde savait que j’avais tué quelqu’un. » Dans le film « Dans le village » (2009) de Patricia Godal, la protagoniste vit avec « cette impression bizarre d’être observée ». Le voyeur vu est l’un des signes de la schizophrénie, c’est-à-dire un mélange entre voyeurisme et paranoïa. Le héros homosexuel, s’étant confondu avec son reflet dans le miroir ou bien avec l’objet de ses désirs, se croit espionné, et hurle donc à l’usurpation d’identité.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Au départ, le personnage homo faisait « son intéressante » en rentrant dans un rôle d’espionne espionnée, bref, en jouant « sa grande folle perdue » en danger ET dangereuse : « J’avais toujours le sentiment d’être épié. Pas par les autres. Par moi-même ! » (Jim, l’un des héros homosexuels, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « Il est toujours sur le trottoir, il ne quitte pas les yeux de ma fenêtre et à chaque fois que j’écarte le rideau il me sourit. Je vais tout de même essayer de le larguer, je descends dans le hall de l’hôtel rasé de près et avec des lunettes noires, habillé d’un blouson en patchwork de satin que j’ai gardé depuis six ans, par hasard dans ma valise, je me suis coiffé bien en arrière avec les cheveux bien collés au crâne. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 107) ; « Il y a un espion dans la maison. […] C’est Laure la traîtresse. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, 130) ; « Oh l’espion ! J’étais surveillé, photographié, sans m’en apercevoir ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 115) ; « Je suis absolument bouleversée, il vient de m’arriver une chose atroce ! Je me suis fait violer par mon chauffeur, c’est le mari de ma gouvernante, ce sont des gens terrifiants, elle s’habille en gitane pour me faire honte lors de mes réceptions. Elle surveille tous mes gestes, je l’ai surprise à me photographier dans ma baignoire ! Et son mari est un colosse qui m’a violée à deux reprises ! » (« L. », le héros transgenre M to F s’adressant à Hugh dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Goliatha, le rat me regarde ! J’ai peur ! » (« L. » parlant à sa bonne, idem) ; « Vous avez vu ? Elle m’espionne ! » (la mère dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Elle me regardait avec des jumelles. » (le narrateur homosexuel parlant de son amant le Rouquin, dans le roman Le Bal des Folles (1977), p. 110) ; « Depuis trop longtemps j’ai toujours refusé qu’on me photographie. » (Vincent Garbo, le héros homosexuel pourtant narcissique à souhait, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 60) ; etc.

 

Dessin de Roger Payne

Dessin de Roger Payne


 

Le fait d’être vu en train d’espionner semble être source d’excitation sexuelle chez certains protagonistes homos. Une satisfaction donjuanesque. Par exemple, dans le film « Shower » (2012) de Christian K. Norvalls, le voisin de cabine de douche du héros l’autorise à le regarder se masturber : « Tu peux regarder si tu veux… » Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Frankie, le héros homosexuel, découvre que son voisin de l’immeuble en face du sien, à San Francisco, l’espionne en cachette. Non seulement il ne résiste pas à cette intrusion oculaire, mais il l’entretient : il se désape et s’offre cul nu à lui. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance observe son futur copain – et voisin – Levi par la fenêtre, d’un immeuble à un autre, ou plutôt d’une maison à une autre, et Levi finit par voir qu’il est observé. Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra, la narratrice lesbienne, espionne et prend plaisir à être épiée. Elle décrit d’ailleurs cette même jouissance puérile chez toutes ses partenaires sexuelles : « Tout à ce qu’elles disaient, elles ne remarquèrent pas que je les observais. […] Elles refermèrent soigneusement la porte de côté derrière elles. J’avançai vers la vieille porte et cherchai un trou qui me permettrait de voir. Je les essayai tous. » (pp. 46-47) ; « Je ressens en sa compagnie des sensations qui me plaisent beaucoup. Elle m’habille, me déshabille, et je peux à loisir me montrer dans le plus simple appareil. Ce que j’aime le plus en ce moment, c’est de me présenter vêtue seulement en haut. Je me promène ainsi assez longtemps devant elle, feignant de chercher dans mes armoires des vêtements ou des objets dont, on s’en doute, je n’ai nul doute. Je l’observe du coin de l’œil pour voir si elle s’intéresse à moi et si mon manège éveille en elle quelque chose. D’abord, ses yeux se baissent à la vue de ma nudité, puis elle se met à regarder. À cet instant, bien qu’elle ne me touche pas, j’éprouve une sorte de plaisir. » (idem, p. 95) ; « J’aimais qu’elle me scrute ainsi. » (Alexandra parlant de sa bonne/amante, op. cit., p. 122) ; « À travers le miroir, on voyait bien la chambre et le lit. Au bout d’un moment, on vit la bonne entrer. Elle se mit à se déshabiller, puis, s’allongeant sur le lit langoureusement, bien en face de nous, se caressa tour à tour le bout des seins et le plus sensible. Je sentais que Marie était tétanisée par la peur que cela ne me déplaise. Dans un effort d’audace, pourtant, elle me prit par la taille. De l’autre côté du miroir, la bonne, se sachant observée, les cuisses bien écartées, faisait avec ses doigts des mouvements qui laissaient voir toute la profondeur de son intimité. Malgré l’état de peu de réceptivité dans lequel j’étais, j’en fus vite troublée. Ses poses étaient terriblement provocantes, et bientôt je sentis monter en moi une envie féroce de me satisfaire. Marie, dans le noir où nous étions, avait beaucoup plus d’assurance et me caressait presque. » (idem, p. 152) ; etc. Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, l’un des plans cul de Erik, nommé Russ, aime que ses voisins de l’immeuble d’en face puissent le surprendre en train de niquer : « J’aime m’exhiber. » dit-il. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, lorsque Pascal, le héros homosexuel, fait l’amour avec un homme dans les fourrés, il n’est pas du tout molesté par un voyeur qui leur demande la permission de les mater (« Je peux pas rester ? ») pour se masturber et jouir du spectacle. Le partenaire de Pascal, halluciné, ne comprend d’ailleurs pas pourquoi Pascal se complait à ce type de viol visuel d’intimité (« Ça te gêne pas qu’on te regarde ??? »). Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David et Philibert, au début du spectacle, sont observés par les voisins de l’immeuble d’en face ; et à la fin de la pièce, ils parodient des spectateurs qui les regardent comme des statues du Musée Grévin. Dans le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier, l’héroïne observe par le trou de son mur sa voisine noire dans sa salle de bain ; la première fois que celle-ci se sait espionnée, elle hurle d’effroi. Mais au fur et à mesure que le voyeurisme se répète, la voisine se laisse faire avec complaisance et consentement lesbien. Dans le film « Shortbus » (2006) de John Cameron Mitchell, la scène finale montre que les deux amants homosexuels (Jamie et Jamie) se regardent l’un l’autre à la fenêtre dans des immeubles qui se font face, sans s’y attendre, et surtout sans parvenir à communiquer et à s’aimer vraiment. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, le couple Julien/Yoann est filmé en « sextape » par la belle-mère de Julien, Solange. Plein de photos ont été prises pour exercer un chantage. Ça n’a pas l’air de déplaire à Yoann, tout excité d’avoir été capté dans ses ébats intimes : « Elle nous a pris en photo !! » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Meri, le prostitué transsexuel M to F, dit qu’il « aime regarder ses clients dans les yeux pendant qu’il les excite » Dans les dessins érotiques de Roger Payne, très souvent le voyeur est aperçu par celui qui est maté en cachette.

 

Roger Payne (le voyeur vu dans le miroir par celui qui  jouissait de lui-même devant sa glace)

Roger Payne (le voyeur vu dans le miroir par celui qui jouissait précisément de lui-même devant sa glace)


 

Comme pour illustrer inconsciemment cette fusion entre le spectateur et l’acteur, certains couples homosexuels se filment pendant leur coït sexuel : cf. les films « La Mala Educación » (« La Mauvaise Éducation », 2003) et « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar, « Saturn’s Return » (2000) de Wenona Byrne, le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, etc. « Sur un site de rencontre je discute avec P.-O. Je lui explique que je cherche un garçon qui accepterait que je filme notre rencontre. Il écrit qu’il accepterait. Je garde ma caméra numérique au poing. » (Mike, le narrateur homosexuel dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 56) ; « Ahh, qu’est-ce que ça rend sûr de soi de tenir une caméra, hein ? Et si moi je la prenais et que je te filmais ? » (P.-O. s’adressant à son Mike, op. cit., p. 57) ; « Je décide qu’on baisera là, pour le clignotement rouge sur nos peaux, sur la sienne surtout. Je tiens la caméra à bout de bras pour avoir un grand angle sur nous. » (Mike, op. cit., p. 57) ; etc.

 

Angela dans le film "Tesis" d'Alejandro Amenabar

Angela prise à son propre jeu, dans le film « Tesis » d’Alejandro Amenabar


 
 

b) L’arroseur arrosé :

Après avoir espionné, le voyeur finit par être observé à son tour, comme l’arroseur arrosé : cf. le film « La Fenêtre d’en face » (2002) de Ferzan Oztepek, le film « Robe d’été » (1996) de François Ozon (avec le personnage de Luc), la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, la chanson « Vis-à-vis » d’Étienne Daho, le roman Detrás Del Rostro Que Nos Mira (1967) d’Héctor Biancotti, la chanson « Who’s Zoomin’ Who » d’Aretha Franklin, le film « Les Résultats du Bac » (1999) de Pascal Alex Vincent, le film « Feux croisés » (1947) d’Edward Dmytryck, le film « Les cinq sens » (1999) de Jeremy Podeswa, le film « Hubo Un Tiempo En Que Los Sueños Dieron Paso A Largas Noches De Insomnio » (1998) de Julián Hernández, le film « Watching You » (2000) de Stephanie Abramovich, le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet, la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, le film « Le Troisième Œil » (1989) d’André Almuro, le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, etc. Par exemple, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, le concept de l’émission Stars chez eux dirigée par Graziella, la présentatrice télé psychopathe, c’est, « », de « piéger les stars qui croient piéger leur public ». Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, rentre de force dans une boîte échangiste et tombe sur une femme qui se fait pénétrer par des hommes, et qui l’oblige à prendre part à la sauterie : « Viens participer au lieu de regarder ! » Il finit par rentrer dans le jeu.

 

« J’ai lâché prise mon Dieu, ça vous étonne ? Prise à mon propre piège » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 105) ; « J’aime les scandales quand ils concernent les autres. » (Dorian dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Pour la première fois une voyeuse se sentait regarder. » (idem, p. 141) ; « Ce à quoi je parviens le plus difficilement à croire c’est à ma propre réalité. Je m’échappe sans cesse et ne comprends pas bien, lorsque je me regarde agir, que celui que je vois agir soit le même que celui qui regarde, et qui s’étonne, et doute qu’il puisse être acteur et contemplateur à la fois. » (Édouard dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1997) d’André Gide, p. 84) ; « Si le subtil lecteur pouvait porter son regard plus loin, au-delà de la place, jusqu’à la fenêtre de l’hôtel particulier rose, là-haut, il apercevrait Boléro de Ravel en train de cadrer Tarzan dans le viseur meurtrier de son fusil de chasse. » (Copi, Un Livre blanc (2002), p. 104) ; « Sur le moment, il me semble qu’un tiers se tromperait à prétendre me désigner lequel, de mon reflet ou de moi, est l’original et lequel la copie. […] Moi Vincent Garbo regardant celui qui me regarde, la bénéfique utilité du miroir se retourne en maléfice : non seulement mon reflet a pour moi cessé d’être la preuve que je peux être vu, que je suis dans cette pièce et que je pourrais en sortir, mais il me persuade même carrément du contraire. Je ne serais pas du tout surpris de voir l’autre quitter le miroir et d’être obligé d’attendre qu’il y revienne pour pouvoir exister encore un peu. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 53) ; « Maintenant il va falloir faire davantage attention aux services secrets. » (Jean-Marc s’adressant à son amant Jean-Jacques… alors que c’est lui l’infiltré, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Pourquoi tu t’excuses ? C’est pas grave si tu me regardais. » (Arthur s’adressant à son futur amant Julien, dans le film « Faut pas penser » (2014) de Raphaël Gressier et Sully Ledermann) ; « Je suis mon agent double. » (c.f. la chanson « Espionne » de Catherine Lara) ; etc.

 

Film "Salo ou les 120 journées de Sodome" de Pier Paolo Pasolini

Film « Salo ou les 120 journées de Sodome » de Pier Paolo Pasolini


 

Ce jeu miroitant des regards peut se terminer très mal pour le héros homosexuel (cf. je vous renvoie au code « Témoin silencieux d’un crime » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, un jeune chasseur est transformé en cerf pour avoir osé surprendre un homme transsexuel M to F dans une forêt. Dans le film « Rear Window » (« Fenêtre sur cour », 1954) d’Alfred Hitchcock, Cary Grant est témoin d’un meurtre qu’il a observé depuis sa fenêtre, et le tueur finit par lui rendre visite pour l’éliminer. Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Rinn, l’une des héroïnes lesbiennes, force son amie Suki à l’embrasser sur la bouche, par jeu et « pour s’entraîner ». Cela finit mal car elles sont surprises par Juna et Kanojo. Dans le film « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Étienne, le héros homo, a eu l’indiscrétion de filmer le coït de son meilleur ami avec une fille : le couple coupera les ponts avec lui. Dans la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, Jenny, le héros transsexuel M to F, devient le voyeur vu alors qu’il espionnait ses voisins dans l’immeuble d’en face. Dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, Léni était espionne, mais va retourner sa veste en s’engageant dans la voie du contre-espionnage. Dans le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, Odetta est piégée par son propre voyeurisme puisqu’elle finit par être pétrifiée comme les photos qu’elle prend. Il arrive le même sort au professeur d’Angela dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, mort bouche-bée devant son écran de cinéma. Dans le film « Une Vue imprenable » (1993) d’Amal Bedjaoui, Alexandra et Léa s’observent aux jumelles d’un appartement à l’autre. Dans le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, Philippe filme et observe par la fenêtre les coïts de ses voisins homos… qui à la fin deviendront accidentellement voyeurs de leur voyeur. Dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, Charlie et Dean regardent depuis la rue un couple homo s’embrassant à sa fenêtre… et on découvre ensuite que ce couple n’est autre qu’eux-mêmes. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, tous les personnages homosexuels finissent par payer de leur vie le fait d’avoir été voyeur : « Il avait un drôle de truc dans l’œil. » dira Henri par rapport à Michel qui finira par le tuer. Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, Ati et Shirin, les héroïnes lesbiennes qui se mataient entre elles et qui regardaient des émissions de télé-réalité, se retrouvent espionnées par des caméras de surveillance placées par le mari de l’une d’elles. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Marie, l’héroïne lesbienne, est matée aux jumelles (d’un Happy Meal au Mc Do !) par Anne, la « fille à pédé », et finit par se sentir agressée : « J’en ai marre de tes conneries de gamine. » Dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, après avoir vu la nudité violente d’un homme transsexuel M to F portant une chevelure de rousse, un jeune chasseur, traumatisé, tente de fuir en courant la forêt mais fait tomber son fusil et finit par se métamorphoser en cerf. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le fiancé de Gatal (le héros homo) fouille dans l’ordinateur de ce dernier, avant que Gatal ne découvre, avec vidéos caméra à l’appui, que ce dernier l’a trompé avec un autre homme dans un hôtel. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, les deux amantes Thérèse et Carol passent leur temps à s’observer l’une l’autre, à se photographier à l’insu de l’autre… et finalement, elles finissent par se faire espionner par Tommy dans un hôtel de passe.

 

Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, le héros homo, regarde sur internet les agressions homophobes filmées : elles le vampirisent, le fascinent, l’obsèdent… et finalement, c’est ce qui va lui arriver à la fin du film. Avec son amant Vlad, il est témoin d’une agression mortelle homophobe dans la rue, pendant qu’ils sont en voiture. Pour élucider ce meurtre homophobe, Anton joue aux espion, secondé par son amant Vlad. Cet espionnage se retourne contre Vlad : « Je te filme avec les lunettes. Je vais te filmer. » (Anton) Et Vlad, lui aussi, met sur écoute Anton (notamment quand ce dernier est en train de dîner avec un potentiel suspect), ce qui lui fait vivre une angoisse terrible.
 

Tout le polar The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh est construit sur la paranoïa (qui se révèlera justifiée et soutenue par l’auteure elle-même) de l’héroïne lesbienne Jane. Cette femme a l’intuition d’un viol et d’un meurtre à propos d’une fille (la jeune Anna, 13 ans, abusée par son père, le Dr Mann) et de sa mère (Greta, ex-prostituée, assassinée par le Dr Mann aussi). Et elle vient d’emménager avec sa compagne Petra dans un immeuble qui fait face à une autre bâtisse qui recèle précisément le nœud de son intuition (le corps de Greta, planqué sous un plancher). Jane se sent donc constamment épiée, parce qu’elle-même épie ses voisins. Et elle manque, à la fin, de se faire violer et tué par Mann. Le piège de son voyeurisme s’est presque refermé sur elle : « Jane écarta les rideaux. Dehors, la cour était mal éclairée, mais elle distinguait le bâtiment qui s’élevait derrière, une version délabrée de leur propre immeuble, ses fenêtres vides enfoncées dans l’obscurité comme des orbites dans un crâne. ‘Pas très inspirant, comme vue. ’ dit Jane. ‘C’est normal, une dépendance derrière la maison ! Et comme cet immeuble est vide, on n’aura pas de vis-à-vis. ’ répond Petra. » (p. 16) ; « Il était étrange que les fenêtres aveugles et les balcons vides de l’immeuble l’aient mises mal à l’aise. Lorsqu’elle était petite, elle détestait les windaehingers : ces femmes qui se penchaient aux fenêtres des immeubles pour surveiller la rue en contrebas. Certains jours, vous aviez l’impression de ne plus pouvoir marcher droit tant leurs regards pesaient sur vous. La sensation d’être observée s’était logée en elle. Peut-être était-ce la façon dont l’enfant se manifestait ; elle avait parfois l’impression qu’il la surveillait avant de décider de naître. » (p. 26) ; « Jane ne pouvait se débarrasser de l’impression que quelqu’un l’observait en rigolant. » (p. 27) ; « Jane eut soudain la conviction que quelqu’un l’observait. » (p. 40) ; « affronter le froid et la sensation d’être observée par des yeux invisibles. » (p. 58) ; « Elle avait désormais l’impression que le bâtiment la regardait avec les yeux d’Alban. » (p. 138) ; « Une lumière brillait derrière les rideaux de dentelle du salon des Becker. Les rideaux bougèrent comme si quelqu’un en lissait les plis et s’écartait, mais Jane voyait encore sa silhouette, sombre et indistincte, qui l’observait depuis l’autre côté de la vitre. » (p. 224) ; « Tout ce que je vois c’est que vous fourrez votre nez dans quelque chose qui ne vous regarde pas. C’est peut-être de vous qu’Anna devrait se méfier. » (Maria, la prostituée, s’adressant à Jane, idem, p. 168) ; etc.
 

Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antonietta accueille dans son appartement le temps d’une journée Gabriele, son voisin de pallier homosexuel habitant dans l’immeuble d’en face. Depuis la maison d’Antonietta, ce dernier regarde son appartement avec étonnement (« C’est étrange de me regarder de l’immeuble d’en face… »), comme s’il se retrouvait à la place de sa voyeuse qui lui a avoué qu’elle le scrutait incessamment et obsessionnellement depuis qu’elle l’avait découvert : « Ça fait depuis ce matin que je te regarde. » ; « Moi je regarderai ta fenêtre tous les jours. ».
 

Ce retour de bâton du voyeurisme symbolise l’homophobie (ou les contradictions) du désir homosexuel pratiqué, un désir qui est pour et contre lui-même, qui n’encourage pas le héros à assumer ses actes : « Delphine, c’est pas les autres qui te regardent. C’est toi qui te surveilles. T’es ton propre flic. » (Carole reprochant à Delphine de ne pas assumer leur « couple », dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; « Les jeunes hommes gays étaient condamnés à n’être qu’un spectacle et jamais un public. » (Manuel Vázquez Montalbán, Los Alegres Muchachos De Atzavará (1988), p. 180) ; « S’il ne le sait pas, moi, je le sais ! […] J’en vois partout parce qu’il y en a partout ! Ça sort des placards ! » (Sibylle par rapport à l’homosexualité de Nelligan Bougandrapeau, le héros homo, dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay) ; « On est spectateurs de sa vie. » (Matthieu, l’un des héros homosexuels de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « L’intrigue va se nouer toute seule. C’est le crime l’important. Le coupable peut être n’importe qui. Il peut se trouver même dans le public. J’ai vu une comédie policière où le coupable était le machiniste du théâtre. » (l’Auteur dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’ai un mec à l’intérieur de moi qui me dit : ‘Il faut pas que t’aies un mec à l’intérieur de toi ! » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc. Par exemple, dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, John, jeune homme de 15 ans, tombe amoureux d’un papy de 70 ans, Mr Carter. Il l’espionne avec ses jumelles, d’un immeuble à l’autre, et finit par essuyer son premier chagrin d’amour. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri, le héros homosexuel espionné par sa mère possessive puis espionnant passivement l’homme qui le fascine visuellement, Jean, finit par se prostituer dans les gares de Paris puis par assassiner l’objet de ses fantasmes une fois qu’il a pu enfin coucher avec. Dans le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961) de William Wyler, Karen et Martha, deux responsables d’un établissement scolaire, se voient outées par Mary, une de leur élève-voyeuse : Martha voit son homosexualité découverte à son insu. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, le père Adam (homosexuel encore refoulé, sauf à la fin) surprend Rudy se faire sodomiser par Adrian. Cette espionnage se retournera contre lui sous forme d’outing puisqu’Adrian écrira à la peinture rouge sur la porte de la maison d’Adam : « LE PRÊTRE EST UNE PÉDALE ! » Dans le film « Shower » (2012) de Christian K. Norvalls, le héros a eu honte d’avoir été vu en train de donner un baiser sur la bouche homosexuel par un vieux du vestiaire, et tue son camarade de douche pour se venger de ce regard extérieur qui a reflété la réalité de l’acte homo.

 

Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, Jean-Marc est le héros homosexuel infiltré chez les Virilius, chargé de regarder ce qui s’y passe. « Je suis comme un espion industriel. » déclare-t-il. Mais il ne maîtrise pas tant que cela sa dissimulation puisqu’il tombe amoureux du chef de la bande : « Aujourd’hui je suis un caméléon qui a des problèmes de santé. On ne peut pas mélanger le rose parmi les bruns. » Pire : les Virilius découvrent que leur numéro 2 est un traître et ils le maltraitent en le tabassant/violant homosexuellement : « Maintenant, il va falloir faire davantage attention aux services secrets. » (Jean-Marc à Jean-Jacques) L’objet de son espionnage (son homosexualité), c’est lui-même qui se l’impose et qui le transforme en homophobie, en déni : « Je ne suis pas un infiltré gay ! Je ne suis pas un infiltré gay ! »

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Espionné :

Film "Blokes" de Marialy Rivas

Film « Blokes » de Marialy Rivas


 

Beaucoup de personnes homosexuelles se sentent espionnées quand elles espionnent (cf. je vous renvoie au code capital « Poids des mots et des regards » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Nous habitons un gros building. D’une fenêtre de l’appartement, je voyais un voisin se promener nu. Je me levais quand elle dormait pour l’observer, lui. » (Justin, marié, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 249)

 

Pedro Almodovar

Pedro Almodovar


 

Ce sentiment d’être espionné est parfois infondé, et montre une schizophrénie narcissique ou une paranoïa. Par exemple, dans son Journal. 1937-1949, Klaus Mann parle de son constant « délire de persécution » (p. 328). Beaucoup de personnes homosexuelles font « leurs intéressantes » en rentrant dans un rôle d’espionne espionnée, bref, en jouant « la grande folle perdue » qui cache mal sa complicité au viol oculaire qu’elle subit : « Elle est là, murmura-t-elle. Elle m’espionne. Elle est toujours là. » (la Chola parlant de sa voisine de palier, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 237)

 

Ce fantasme de persécution oculaire, c’est le syndrome classique de la star ou de la personne qui se prend pour une star : cf. la chanson « Flash » de Jeanne Mas, la chanson « Paparazzi » de Lady Gaga, le vidéo-clip de la chanson « Piece Of Me » de Britney Spears, le vidéo-clip de la chanson « Todos Me Miran » de Gloria Trevi, etc.

 

 

Il n’est pas étonnant que les émissions de télé-réalité (et spécialement Loft Story, Les Anges de la Télé-Réalité et Secret Story), où les participants jouent le jeu d’exhiber leur intimité et d’être matés, aient été plébiscitées et habitées par des personnes homosexuelles : Steevy Boulay (Loft Story 1), Thomas (le vainqueur de Loft Story 2), Benoît (le vainqueur de Secret Story 4), etc.

 
 

b) L’arroseur arrosé :

Film "Pornography: A Thriller" de David Kittredge

Film « Pornography: A Thriller » de David Kittredge


 

Le trop-plein de lucidité/de peur de certaines personnes homosexuelles par rapport aux comportements humains les transforme finalement en voyeurs-girouettes. « Sentir et se regarder sentir, pour lui, c’est tout un. » (Jean-Paul Sartre en parlant de Jean Genet, dans sa biographie Saint Genet (1952), p. 70) ; « L’espion et l’espionné ne font qu’un. » (idem, p. 89) ; etc. C’est le cas de Christopher Hugh Auden, par exemple : « Malgré sa grande capacité de perception, il manquait à Auden quelque chose en matière de relations humaines. Il planifiait trop les situations, il faisait en sorte que chacun devienne trop conscient d’être observé. […] Parfois, il donnait l’impression de mener un jeu intellectuel avec lui-même et avec les autres, si bien qu’à la longue, il restait finalement assez isolé. » (Stephen Spender, Un Mundo Dentro Del Mundo, « Poeta Entre Dos Países », sur le site www.islaternura.com. C’est moi qui traduis) Autres exemples. Dans la biographie James Dean (1995) de Ronald Martinetti, James Dean est qualifié par Ken Kendall d’« éternel spectateur » (p. 104), à l’affût de ce que vont voir et penser les autres de lui. Le rappeur gay Mykki Blanco (interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) dit qu’il essaie sur scène d’ « incarner à la fois le mac et la pute ».

 

Beaucoup de personnes homosexuelles, par sincérité et auto-centrisme, ne se voient plus agir et tombent dans les pièges du voyeurisme, de la violence, de la paranoïa, de l’exhibitionnisme : « En me relisant aujourd’hui je trouve impardonnable de m’être dupé moi-même à ce point. » (Ann Scott citée dans la préface de Sandrine Mariette, Le Pire des mondes (2004), p. 7) ; « Gore Vidal était extrêmement mythomane. Il aimait se mettre en avant. » (Didier Roth-Bettoni dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; etc.

 

Ce retour de bâton du voyeurisme symbolise l’homophobie (ou les contradictions) du désir homosexuel pratiqué, un désir qui est pour et contre lui-même : « Je me promène aux Champs. Je n’accoste personne, jamais. C’est les types qui viennent. Vous voyez bien quand un type vous regarde. Remarquez, on ne peut jamais savoir ; il y en a qui restent là à vous regarder pendant cinq minutes, et si vous leur parlez, ils disent : ‘Qu’est-ce que vous me voulez, ça va pas non ?’. Des refoulés. » (Pierre Benichou, Le Nouvel Observateur, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 44) ; « Et le jeune homme reste sur ses gardes, soupçonne qu’on le soupçonne, feint de feindre pour mieux dissimuler ; achète des livres traitant de l’amour hétérosexuel, prend des précautions avec ses amis, évite de confier son numéro de téléphone et ne reste pas indifférent au cours des entretiens où l’on démolit les pédérastes. Dans l’obligation personnelle d’avoir recours aux subterfuges, il sombre en général dans la dissimulation. » (Jean-Louis Chardans, op. cit., p. 12) ; « Je dérobais dans la chambre les vêtements de ma sœur que je mettais pour défiler, essayant tout ce qu’il était possible d’essayer : les jupes courtes, longues, à pois ou à rayures, les tee-shirts cintrés, décolletés, usés, troués, les brassières en dentelle ou rembourrées. Ces représentations dont j’étais l’unique spectateur me semblaient alors plus belles qu’il m’ait été donné de voir. J’aurais pleuré de joie tant je me trouvais beau. Mon cœur aurait pu exploser tant son rythme s’accélérait. Après le moment d’euphorie du défilé, essoufflé, je me sentais soudainement idiot, sali par les vêtements de fille que je portais, pas seulement idiot mais dégoûté par moi-même, assommé par ce sursaut de folie qui m’avait conduit à me travestir. » (Eddy Bellegueule dans l’autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 28-29) ; etc. Le « voyeur vu » montre que le désir homosexuel est intrinsèquement homophobe. Ce motif allégorique symbolise que l’homosexualité est de la haine de soi, de la honte, du manque de confiance, de l’humiliation et de l’agression externe… le tout sublimé par une idolâtrie visuelle.

 
 

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