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La légende des 300 prêtres « pédophiles » de Pennsylvanie : les chefs de l’Église ont-ils fermé les yeux ou n’est-ce pas plutôt les anti-pédophilie qui ne fermeraient pas les yeux au nom de leur défense de l’homosexualité ?


 

Étonnante focalisation médiatique sur la pédophilie (sacerdotale) pour exonérer l’homosexualité de tout soupçon…
 

L’actuel scandale des 300 prêtres dits « pédophiles » aux États-Unis est présenté de manière particulièrement malhonnête et hypocrite par les mass médias qui jettent toute la faute non seulement aux prêtres directement concernés (et pour la plupart décédés) mais aussi à la hiérarchie ecclésiale qui les aurait couverts et aurait volontairement fermé les yeux. Car qui a justifié les actes pédophiles en les appelant « homosexuels », si ce n’est la société civile et les libertaires anti-pédophilie mais pro-gays ? Tant pis si je vous choque en disant cela, mais je me base sur les faits : bien souvent la pédophilie n’est que le faux nez de l’homosexualité. Pédérastie et homosexualité se télescopent régulièrement et de manière non causale, non systématique, mais réelle et récurrente : le cas tout récent de Mgr McCarrick, où on nous parle de pédophilie sacerdotale alors qu’il s’agit plutôt d’homosexualité sacerdotale – les prêtres et séminaristes qui sont allés dans son lit étaient majoritairement adultes et « consentants », et l’abus sur l’adolescent est une exception dans le parcours sexuel et amoureux de ce cardinal ! – le prouve. Notre monde condamne par devant (la pédophilie, l’inceste, le viol) ce qu’il promeut par derrière (homosexualité, jeunisme, « l’amour qui n’a pas d’âge ni de sexe »).
 

Donc NON, ce ne sont pas certains membres de l’Église d’en haut uniquement qui protègent les prêtres pédophiles : c’est surtout le monde profane, anticlérical et païen qui condamne les conséquences (la pédophilie) dont il chérit les causes (la croyance en « l’Amour sans Foi ni lois » reposant principalement sur la croyance en « l’identité » et en « l’amour » homosexuels). Et quand on nous annonce en ce moment énormément de démissions remises au Pape François par des évêques ou des cardinaux pour avoir « couvert des actes pédophiles », en réalité, détrompez-vous, ce ne sont pas souvent des actes pédophiles qui sont couverts mais bien des actes homosexuels (malgré l’annonce publique). L’adjectif « pédophile » est le mot pieux et paradoxalement pudibond et euphémisant pour ne pas nommer/soulever le lièvre – beaucoup plus embarrassant pour l’Église et beaucoup plus gros – de l’homosexualité sacerdotale (tout le monde – y compris les personnes pédophiles – est contre les pratiques pédophiles et comprend pourquoi s’y opposer ; en revanche, peu de gens – y compris parmi les catholiques et leurs chefs – sauraient dire pourquoi l’homosexualité est un mal et un péché ; et par ailleurs, il y a numériquement autrement plus de prêtres et de religieux qui pratiquent l’homosexualité que la pédophilie !).
 

Méfiez-vous par conséquent des chasseurs de têtes de prêtres pédophiles : ce sont des militants gays friendly et des anticléricaux cachés, qui instrumentalisent les véritables victimes d’actes pédophiles sacerdotaux pour assouvir leur propre vengeance contre la différence des sexes (le sacrement du mariage) et contre la différence Créateur-créatures (Jésus et l’Église Catholique). Méfiez-vous également de vous-mêmes : combien de catholiques je vois banaliser l’homosexualité (parce qu’au fond ils la justifient à partir du moment où elle reste discrète) et à côté de ça s’offusquer de la pédophilie sacerdotale en buvant comme du petit lait ce que leur servent les médias et en croyant à tort que la pédophilie est un problème autrement plus important et urgent à traiter que l’homosexualité. Ouvrez les yeux sur ce que cache la chasse aux sorcières à l’encontre de la pédophilie sacerdotale : car c’est une propagande gay friendly EN FAVEUR de l’homosexualité sacerdotale… et donc contre l’Église. Il s’agit en filigrane d’une campagne d’intimidation et de terreur par l’homosexualité. Ni plus ni moins.
 

Dernière chose (et la plus importante) : bonne fête de l’Assomption (montée du corps de la Vierge Marie au Ciel) à tous! Je reviens de la messe de 11h à saint Nicolas des champs (pas du Chardonnet) à Paris. Ça faisait longtemps que je n’y étais pas allé. Eh bien ce fut une messe géniale, avec un prêtre seul à célébrer mais ô combien inspiré par l’Esprit Saint ! Il a fait une homélie qui dépotait, sans pour autant faire le show ni de blabla. J’ai appris plein de choses. Et pourtant, c’était un prêtre noir (le père Guy Noël). Et sans vouloir généraliser, c’est rare en France quand les prêtres noirs font de bonnes homélies. Donc aux prêtres noirs qui me lisent, je dis ceci: ce n’est pas parce que vous êtes noirs que vous êtes obligés de faire des homélies nulles, indigentes, paraphrastiques, à la sauce télévangéliste protestante, molles ou trop longues. Votre couleur de peau n’est pas une excuse pour être médiocres et faire de mauvaises homélies. La preuve : certains d’entre vous sont excellents et ne blablatent pas. Merci pour nous ! Merci pour eux ! Merci pour vous !

Code n°105 – L’homosexuel = L’hétérosexuel

L'homosexuel = L'

L’homosexuel = L’hétérosexuel

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

QUAND L’HÉTÉRO SE RÉVÈLE ÊTRE UNE GRANDE TAPETTE : L’homosexuel et l’hétérosexuel, des créatures mythiques, des jumeaux de violence

 

« Hétérosexualité »… quel horrible mot ! Si on en connaissait l’origine et le détournement actuel, si on savait qu’il signifie BISEXUEL, on ne l’emploierait pas autant dans nos conversations, y compris pour faire plaisir à la communauté homosexuelle. Qu’il est difficile de déshabituer les gens à employer le terme « hétérosexuel » en tant qu’espèce humaine naturelle ou en tant qu’amour idéal !

 

Même moi qui ne l’aime pas, je suis obligé de l’utiliser pour me mettre au niveau de Monsieur Tout-le-monde (bien bas, il faut le dire, tellement nos responsables parentaux, politiques, médiatiques, pédagogiques, nous maintiennent en enfance sur les questions de sexualité), pour me faire comprendre un minimum quand je parle d’homosexualité, même si ça me demande un effort considérable et que je prends soin de le mettre systématiquement « entre guillemets » et de dire « les personnes soi-disant hétéros »… parce que je n’ai pas le temps de rentrer d’emblée dans les détails de mon « explication qui soi-disant saoule/embrouille tout le monde ». Pourtant, mon combat pour redonner à l’adjectif « hétérosexuel » son sens originel plénier, c’est un petit « mal » pour un gros bien. Car nous ne nous rendons pas compte que, dès que le mot « hétérosexualité » apparaît innocemment dans les discussions au sujet de l’homosexualité et de la sexualité en général, les débats tout d’un coup se crispent et s’électrisent sans qu’on comprenne pourquoi, quand nous défendions en toute bonne foi les valeurs de la famille… alors qu’ils s’apaisent aussitôt que l’hétérosexualité ne devient plus le référent moral. Sans rire. C’est fascinant de constater cela.

 

Jamais vous ne m’entendrez dire du bien du couple hétérosexuel ou DU bien de l’hétérosexualité ! Jamais. Du couple femme-homme aimant, oui. Mais pas du couple hétérosexuel ! Qu’on se mette bien cela dans la tête : le couple hétérosexuel est un couple qui intègre la différence des sexes mais sans désir : il est en voie de bisexualisation, voire d’homosexualisation ; ses membres ne s’entendent pas, vivent dans le fantasme de fusion (qui concrètement aboutit à une rupture), cherchent à copier l’homme-objet et la femme-objet de nos écrans de télé, autrement dit les « hétéros » (et les « homos », ces stades avancés/évolués de l’hétérosexualité). Rien d’étonnant d’ailleurs que les chanteurs et les acteurs qui incarnent le mieux l’idéal masculin hétérosexuel fassent leur coming out en masse (Ricky Martin, George Michael, James Dean, Rex Gildo, Rock Hudson, Marlon Brando, Emmanuel Moire, Zachary Quinto, etc.) ! (N.B. : j’y reviens plus largement dans le code « Don Juan » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels…). Le désir hétérosexuel et le désir homosexuel sont jumeaux : il est temps que notre société comprenne cela, pour n’idéaliser ni l’un ni l’autre, ni l’un par rapport à l’autre !

 

Film "Folle d'elle" de Jérôme Cornuau

Film « Folle d’elle » de Jérôme Cornuau


 

Qui aujourd’hui ose intellectuellement associer, en dehors de la caricature ou de la blague, l’homosexuel fictionnel à l’hétérosexuel fictionnel, ou bien l’homme hétérosexuel bien masculin à la grande tapette ?, alors que pourtant, on ne fait que nous montrer à la télé, au cinéma, et au théâtre, que leur opposition binaire est absurde, et qu’ils ne forment qu’une seule et même créature : l’Amoureux universel asexué, ou bien l’Allégorie du Machisme ! J’ai déjà écrit dans mon livre Homosexualité intime que l’homosexualité était un concentré de « machisme peinturluré de rose », mais je vais m’expliquer davantage ici. Très peu de monde connaît la genèse du terme « hétérosexualité », et surtout sa gémellité insoupçonnée avec « l’homosexualité ». On ignore souvent, comme l’a expliqué Jonathan Katz dans son essai très éclairant L’Invention de l’hétérosexualité, qu’historiquement, le récent adjectif « hétérosexuel », créé un an après celui d’« homosexuel » en 1869 (preuve que ce dernier lui a servi de patron), était en réalité synonyme d’« homosexuel », et concernait précisément les personnes qui ne souhaitaient pas aimer fidèlement une seule personne de l’autre sexe, mais plutôt n’importe qui, quel que soit son sexe (et son nombre !), en prônant une sexualité libertaire en deçà des institutions d’Église et d’État. Il est donc important, pour comprendre vraiment le désir homosexuel, de faire prendre conscience à notre société que d’une part l’homosexualité et l’hétérosexualité sont jumelles (même si on les a opposées au XXe siècle – cf. Krafft-Ebing – pour imposer un binarisme manichéen dangereux entre elles deux, et présenter l’hétérosexualité comme l’idéal absolu d’amour, ce qu’elle n’est pas et ne doit surtout pas être !), et d’autre part (et ça, c’est beaucoup moins connu/compris, mais cependant capital) que les couples femme-homme aimants ne sont pas « hétérosexuels ». « Les hétérosexuels » n’existent pas ; et les hommes et les femmes qui cherchent à les incarner sont en général violents et en conflit une fois qu’ils se mettent en couple. L’hétérosexualité prend modèle sur l’homme-objet et la femme-objet, adopte une conception irréaliste, violente et fusionnelle, du couple : elle est un détournement de l’amour vrai. Les couples femme-homme aimants, au contraire, durent, restent ensemble, et ne prennent pas modèle sur les contes de fée ou le cinéma : ils sont bien mieux que les contes de fée, puisqu’ils sont réels et libres !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Amoureux », « Haine de la famille », « Bergère », « Don Juan », « Carmen », « Frankenstein », « Femme-Araignée », « Femme fellinienne géante et pantin », « Super-héros », et « Femme et homme en statues de cire », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels, ainsi qu’à la lecture indispensable du site des CUCH (Cathos Unis Contre l’Hétérosexualité).

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Genèse gémellaire des termes

« homosexuel » et « hétérosexuel »

 

Comme le reconnaissent maintenant de plus en plus d’historiens de la sexualité, autant le désir homosexuel a de tout temps et de lieu existé (et donc les personnes homosexuelles aussi, les actes homosexuels aussi), autant l’hétérosexualité, l’homosexualité, « les » hétérosexuels, « les » homosexuels, en tant que concepts, mots, et réalités, sont très récents. Il était déjà anachronique d’en parler quand on se référait à des personnes ayant vécu à des époques antérieures au XIXe siècle, mais il n’est maintenant pas du tout anthropologique de les employer pour parler d’être humains. Personne ne peut être réduit à ses sentiments, à ses désirs sexuels ni à sa pratique génitale.

 

« L’homosexuel » n’existe pas en tant qu’Homme, contrairement aux êtres humains qui désirent s’y identifier. Les personnes homosexuelles sont des réalités hybrides, des actualisations partielles et humanisées d’une étiquette. En effet, « l’homosexuel » allégorise une créature mythique inventée à la fin du XIXe siècle par des scientifiques pro-gay (Kertbeny, Ulrichs, Hirschfeld, etc.) qui désiraient offrir un statut médico-légal au désir entre semblables sexués et avancer que ce dernier n’était ni « contre-nature » ni « anormal », afin de concurrencer l’espèce « hétérosexuelle » créée un an plus tard, en 1870, et répertoriée pour la première fois par l’Oxford English Dictionnary. Comme l’a largement illustré Michel Foucault dans La Volonté de savoir (1976), la naissance de l’hétérosexualité comme de l’homosexualité marque la place grandissante qu’ont occupée dans le monde la médecine légale, la psychologie, la psychiatrie, la sociologie, la littérature sentimentale et le cinéma, entre 1830 et les années 2000. Au fond, elle est la conséquence d’une idéologie très fortement marquée par la pensée des Lumières, qui proclamait l’Homme-sans-Dieu comme unique maître de sa propre existence, qui érigeait sur un piédestal les sentiments et les sciences au service de la construction de ce qui allait devenir l’individualisme mécaniste moderne. L’homosexuel et l’hétérosexuel du XIXe siècle sont des personnages sentimentaux et sensibles mais sans désir, qui ont un passé bien précis, une histoire pré-définie, un caractère privé de mystère et de joie, une morphologie glacée, une anatomie pouvant être disséquée par la science. Bref, ils ont tout des statues animées des films pornographiques ou des mannequins des manuels scolaires de biologie. Leur cœur possède la froideur de la pierre et des images. Par conséquent, ils s’éloignent fortement des êtres humains réels qui, eux, sont vivants, surprenants, et en constante évolution. C’est sûrement ce qui fait dire à Xavier Thévenot qu’il ne peut y avoir que des « pseudo-hétérosexualités » et des « pseudo-homosexualités » (Xavier Thévenot, Homosexualités masculines et morale chrétienne (1985), p. 43).

 

Ce que le grand public ignore souvent, c’est qu’à l’origine, d’un point de vue purement historique, les termes « homosexualité » et « hétérosexualité » se rapportaient au même désir – le désir bisexuel – avant d’avoir été mis tous deux en opposition par une absurde confusion (ou une volonté) scientifico-sentimentaliste. Plutôt que de désigner une norme sexuelle universelle, le mot « hétérosexualité » venait initialement défendre une sexualité non-normative et dissidente, une bisexualité naturelle, un « troisième sexe » posé comme « normal ». Jonathan Katz, dans son essai L’Invention de l’hétérosexualité (2001), nous montre qu’au départ, l’hétérosexualité était classée au rang des perversions au même titre que l’homosexualité : « En dépit de ce qui nous a été dit, l’hétérosexualité n’était pas synonyme de relation à visée reproductrice. Elle n’était pas, non plus, assimilable à la différence sexuelle et à la distinction de genre, pas plus qu’elle n’étaye l’équivalent de l’érotisme entre hommes et femmes. » (p. 19) On retrouve l’idée de construction historique de « l’hétérosexualité » dans Straight Is The Gate (1995) de Carolyn Dinshaw, ou bien dans l’essai L’Invention de la culture hétérosexuelle (2008) de Louis-Georges Tin (… même si, en ce qui concerne ce dernier, je crois que Tin n’a pas dû tout entendre de ce qu’a expliqué Katz !). L’hétérosexualité pouvait aussi bien qualifier une attirance pour les deux sexes qu’une pratique érotique (masturbation, sodomie, bestialité, adultère, etc.) excluant la procréation, le mariage, et la famille. Le terme « hétérosexuel » a été créé sous l’impulsion d’hommes et de femmes libertaires de la Nouvelle-Angleterre du XVIIe et du XVIIIe siècles, partisans de l’« amour vrai et libre », soucieux de justifier scientifiquement un érotisme en deçà du rapport sexuel et extérieur à toute institution d’État ou d’Église. « L’hétérosexuel » ne rentrait pas dans le cadre de la sexualité dite « normale » étant donné qu’il était jugé coupable d’ambiguïté. « On attribuait à ces hétérosexuels une disposition mentale appelée ‘hermaphrodisme psychique’. Les hétérosexuels éprouvaient une prétendue attirance érotique masculine pour les femmes et féminine pour les hommes. Ils ressentaient périodiquement du désir pour les deux sexes. » (idem, pp. 26-27) Que ce soit les mots « hétérosexuel » (synonyme à l’époque de ce qu’on appelle aujourd’hui « un bisexuel », et qui était en 1892 un homme attiré par les deux sexes) ou « homosexuel » (personne qui devient après 1892 un individu attiré exclusivement par les individus de même sexe que lui), ils étaient tous les deux les expressions d’une absence de désir de se tourner exclusivement vers les membres du sexe opposé … donc bien loin de ce que nous assignons actuellement, surtout au premier ! Par la suite, le théoricien Krafft-Ebing a interprété le terme « hétérosexuel » à travers la grille de la différence sexuelle des partenaires. Il en détourna le sens initial pour le rendre synonyme de « sexualité normale/normative entre un homme et une femme » et l’opposer à « homosexuel », même si paradoxalement, dans sa Psychopathia Sexualis (1886), le « Manifeste de l’hétérosexualité » pourrait-on dire, le terme « hétérosexuel » continua de signifier « instinct sexuel contraire », « hermaphrodisme psychique », « homosexualité » et « fétichisme ».

 

Film "Victor Victoria" de Blake Edwards

Film « Victor Victoria » de Blake Edwards


 

La défense de la normativité de l’hétérosexualité pour ensuite prouver celle de l’anormalité/normalité de l’homosexualité ne vient pas, comme nous le pensons couramment aujourd’hui, « des hétéros », mais en réalité de personnes défendant la normativité de leur désir ambigu pour les deux sexes ou pour un sexe semblable au leur sans en passer par la reconnaissance sociale, la procréation et le mariage. « Ceux qui prêchent la propagation de l’espèce portent la plus grande responsabilité [de la recrudescence de l’homosexualité dans la société allemande nazie] du fait que, dans la petite bourgeoisie et dans toutes les classes des travailleurs, pour un long temps, la femme a seulement été une porteuse d’enfants, dont la seule tâche était de créer de la nouvelle ‘chair à canon dans l’intérêt exclusif de l’industrie et du capitalisme’ » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 181) En définitive, l’invention de l’hétérosexualité, comme de l’homosexualité, est ce qu’on désignerait de nos jours purement bisexuelle, libertaire, homosexuelle et homophobe.

 

« L’homosexuel » comme « l’hétérosexuel », ces deux créatures scientifiques ne renvoyant pas à des êtres humains réels, sont des jumeaux, historiquement mais aussi symboliquement parlant, puisqu’ils traduisent une conception androgynique du couple amoureux : le couple « hétérosexuel » (tout comme son jumeau « homosexuel ») se veut formé de deux moitiés séparées l’une de l’autre, et censées, selon la mythologie scientifique ou sentimentaliste, se compléter parfaitement dans la fusion. C’est pourquoi Karin Bernfeld a tout à fait raison d’écrire que « l’hétérosexualité est la plus grande utopie de l’humanité » (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 318).

 

Dans la réalité concrète, plus les couples cherchent à copier cette union mythique hétérosexuelle, plus ils rentrent en conflit et évacuent le Désir en leur sein. D’ailleurs, il n’est pas anodin de constater dans le langage courant qu’un homme qui devient brutal avec sa femme et ses enfants, beauf, macho, ou bien superficiel et « bourgeois coincé », sera rapidement qualifié « d’hétéro de base », contrairement à un homme plus aimant et moins statique dans son mode de vie. De même, une femme blonde, girly, superficielle, célibattante ou mère au foyer bourgeoise, sera aussi qualifiée d’« hétérote de base », contrairement à une femme libre, fidèle à son mari et à ses enfants tout en restant elle-même, éloignée de la femme-objet des magazines. C’est dire si l’hétérosexualité est davantage liée au phénomène de l’Homme-objet métrosexuel qu’à la réalité de la nature masculine et de la nature féminine humaines, et donc des couples femme-homme aimants.

 

J’insiste donc pour dire que « les hétérosexuels » et « les homosexuels » ne s’opposent pas, mais au contraire figurent un seul et même personnage-désir : l’androgyne. Certaines personnes homosexuelles le laissent entendre inconsciemment quand elles désignent à juste titre les personnes hétérosexuelles comme leurs jumeaux désirants : « La plupart des hommes avec qui je couche, ce ne sont que des hétéros, parce que les hétéros adorent les garçons. Mais c’est beaucoup plus discret. » (un témoin homosexuel interviewé dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 188) Les sujets qui ressemblent le plus à l’image des machos télévisuels sont bien souvent les personnes homosexuelles elles-mêmes, gay comme lesbiennes. James Baldwin se penche à juste titre sur les ambiguïtés du machisme : « Les machos – comme les camionneurs, les flics, les joueurs de football – sont beaucoup plus complexes qu’ils ne veulent le reconnaître. Ils ont des besoins qui sont pour eux carrément inexprimables. Ils n’osent pas se regarder dans le miroir. C’est pourquoi ils ont besoin des pédés. Ils ont inventés les pédés afin d’accomplir un fantasme sexuel sur le corps d’un autre homme sans en assumer la responsabilité. » (James Baldwin, « Go The Way Your Blood Beats : An Interview… » de Richard Goldstein, Village Voice, 26 juin 1984, pp. 13-16) Ceux qui, dans leurs discours, transforment « les hétérosexuels » et « les homosexuels » en individus opposés et réels, et qui accordent à l’homosexualité et à l’hétérosexualité un statut de vérités ontologiques, adoptent sans le vouloir une conception androgynique de l’Homme. C’est pourquoi nous avons toutes les raisons de penser que beaucoup de personnes, en s’affirmant « homosexuelles », sont plus proches « des hétéros » que bon nombre de personnes dites « hétéros » (il n’est d’ailleurs pas rare de rencontrer sur les chat Internet un nombre important d’hommes gays qui se font passer pour des hétéros : l’hétérosexualité n’est que le masque lâche d’une homosexualité qui n’ose pas s’affirmer en tant que désir réel).

 

En effet, le grand drame d’une majorité de personnes homosexuelles actuelles, c’est qu’à leur insu, de plus en plus d’individus pas (encore) homos acceptent de se définir comme « hétéros », soit pour leur faire démagogiquement plaisir (et se défendre de manière un peu trop précipitée et suspecte de ne pas être homosexuel/homophobe, pour ne pas l’être un peu, occasionnellement), soit pour adopter une conception androgynique et violente du couple femme-homme à travers l’imitation des beaux acteurs de leurs films, ou la brutalité des « femmes-lionnes » et des « machos » affichés dans les magazines. En acceptant de s’étiqueter « hétéros » alors qu’ils ne le sont pas fondamentalement, ils cautionnent les utopies de la communauté homosexuelle (l’existence de l’identité homosexuelle éternelle, de la force des amours homosexuelles, etc.) pour donner une consistance aux leurs (le mythe de la princesse et du prince charmants, la sexualité sans risque et sans déception, l’osmose parfaite entre les deux partenaires du couple, les « coups de foudre », etc.), et construisent par leur démission la confusion identitaire de beaucoup de personnes homosexuelles et la fragilité de leur propre foyer. Les personnes non-homosexuelles gay friendly font beaucoup de mal par leur relativisme d’indifférence. C’est la raison pour laquelle il me semble important de toujours distinguer dans notre discours le couple femme-homme aimant non-hétérosexuel et le couple hétérosexuel. Quelqu’un de véritablement aimant cesse instantanément d’être un homosexuel, un hétérosexuel, ou un bisexuel. Il est simplement humain. Je ne connais aucun couple femme-homme aimant « standard », ennuyeux, classique, triste.

 

En conclusion, je vous encourage fortement à poursuivre la réflexion sur ce trompe-l’œil qu’est « l’hétérosexualité » en lisant les trois autres codes du Dictionnaire des Codes homosexuels fortement imbriqués avec celui-ci : « Femme et homme en statues de cire », « Haine de la famille » et « Don Juan ». Car je crois que mon discours sur l’hétérosexualité dépasse même en importance celui que je développe sur le lien de coïncidence entre désir homosexuel et viol. En effet, à chaque fois qu’on est amené à décrire le désir homosexuel, ceux qui ne veulent pas ouvrir les yeux sur les souffrances qu’il révèle entonnent toujours la même chanson : « Oui, mais ce que tu dis sur l’homosexualité, c’est pas propre à l’homosexualité. Chez les hétéros, c’est pareil ! » ou « C’est pas mieux chez les hétéros ! ». Et le pire, c’est que c’est vrai que ce n’est pas mieux chez les personnes hétéros ! Ce qu’on oublie de rajouter à ce constat sur l’hétérosexualité – constat dont on ignore toute la justesse –, c’est qu’il y a mieux que le couple hétéro : le couple femme-homme aimant, qui, lui, n’est pas « hétéro ». Une fois qu’on n’emploie plus le mot « hétéro » dans les discussions sur l’homosexualité, on constate alors avec étonnement que les débats se pacifient, gagnent en légèreté et en clarté sur l’analyse du désir homosexuel, justement parce qu’on sort enfin de la comparaison dénégatrice, de ce binarisme réifiant, manichéen et pseudo anthropologique stipulant que l’Humanité se partagerait en deux espèces : « les homos » d’un côté, « les hétéros » de l’autre. C’est faux et archi-faux. Les deux seules divisions de vie qui distinguent les êtres humains, ce sont la différence des sexes, et la différence entre Créateur et créature : pas la différence des orientations sexuelles.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) L’homosexuel est une créature :

Film "Go Go Reject" de Michael J. Saul

Film « Go Go Reject » de Michael J. Saul


 

Très souvent, la fantasmagorie homo-érotique nous désigne les héros et les héroïnes homosexuels comme des poupées, des statues, des êtres bioniques, des êtres de fiction. Je vous encourage à consulter les codes « Super-héros », « Poupées », « Frankenstein », « Femme fellinienne géante et pantin », « Don Juan », « Bergère », et « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels, pour avoir un panorama plus complet sur ce phénomène. Par exemple, dans la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, les homos sont définis à juste titre par Hervé comme des « créatures ». Dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, les hommes posant pour les revues de la presse gay s’interpellent mais sont enfermés chacun dans leur « bocal » ou leur « casier », si on peut dire… Dans le film « Codependent Lesbian Space Alien Seeks Same » (« Extraterrestre lesbienne codépendante cherche de même », 2011) de Madeleine Olnek, trois femmes extraterrestres lesbiennes venues de la planète Zots tentent de convertir la Terre de la vacuité de ses idéaux romantiques hétérosexuels. Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homo qui ne s’était jamais posé la question de remettre en cause son homosexualité, avoue qu’il a une « vie bien cadrée » dans son quotidien homosexuel. Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), en jouant avec l’homophobie avec les homosapiens, Fabien, le héros homosexuel, dit que les homos sont plus originels au genre humain que les hétéros : « Vous avez déjà entendu parler des hétérosapiens ? Non. Nous sommes donc à l’origine de l’Humanité, nous les homosapiens. » Dans le film « Le Journal de Bridget Jones » (2001) de Sharon Maguire, Bridget présente son meilleur ami Tom comme « 100 % gay ».

 

D’ailleurs, il est étonnant de voir que, dans certains discours médiatiques – réducteurs mais assurés –, on entérine arbitrairement l’homosexualité sous forme d’êtres historiques éternels (anhistoriques devrait-on dire !) ayant existé apparemment « depuis la nuit des temps ». « Dai, vos gays sont arrivés. » (Gwen s’adressant à Dai, le père de famille hétérosexuel, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) On inscrit « les » homosexuels dans l’éternité des objets, dans un continuum transhistorique flou, comme s’ils formaient une espèce anthropologique indiscutable : « Ces hommes et ces femmes ont toujours existé. » (cf. la chanson « Un homme ou une femme » d’Axelle Red, traitant de l’homosexualité) Ben voyons ! Mais bien sûr ! C’est évident ! « Tu es un homme triste et pathétique. Tu es homosexuel et tu ne veux pas l’être. Mais tu ne peux rien y faire. Toutes les prières du monde, toutes les analyses n’y changeront rien. Tu sauras peut-être un jour ce qu’est une vie d’hétérosexuel, si tu le veux vraiment, si tu y mets la même volonté que celle de détruire. Mais tu resteras toujours un homo. Toujours Michael. Toujours. Jusqu’à ta mort. » (Harold, l’un des héros homos s’adressant à son coloc Michael, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande », (1970) de William Friedkin) ; « Couchons-nous et demain, lesbiennes et pédales seront le genre humain. » (Cf. la reprise parodique de l’Internationale, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc.

 

L’homosexualité a tellement de mal à se concrétiser que le coming out apparaît comme un chemin sans fin : « On passe notre vie à faire notre coming out. » (Richard et son amant Kai, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou)
 
 

b) L’hétérosexuel est aussi une créature :

l'acteur bisexuel James Dean

l’acteur bisexuel James Dean


 

Le même sort réifiant est réservé aux hétérosexuels (je vous renvoie au code « Femme et homme en statues de cire » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ils ne sont pas plus vivants que nos mannequins de sciences naturelles, nos modèles de magazines, nos chanteurs (cf. la chanson « Estereosexual » du groupe Mecano). Ils sont parfois surnommés « l’homme d’à côté » ou « la femme d’à côté » (cf. le documentaire d’utilité publique « Pin Up Obsession » (2004) d’Olivier Megaton, le film « La Femme d’à côté » (1981) de François Truffaut, la série Twilight Zone : La Quatrième Dimension (1959 à 1964) de Rod Serling, etc.) : cela nous montre bien que les hétéros se situent dans une autre dimension que notre monde physique concret.

 

Dans les créations traitant d’homosexualité, les hétéros sont souvent transformés en archétypes caricaturaux de la masculinité et de la féminité, famille plastifiée, en animaux exposés sous vitrine, en couple distant et inanimé comme dans un Muséum d’Histoire Naturelle (le Musée de l’Homme, en quelque sorte) : cf. le film « Les Majorettes de l’Espace » (1996) de David Fourier, la chanson « Au commencement » d’Étienne Daho, la chanson « Derrière les fenêtres » de Mylène Farmer, etc. Par exemple, dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Bernard, le héros homosexuel, compare une statue de cire à une goudou. Dans le poème « Howl » (1956), on voit clairement qu’Allen Ginsberg associe l’hétérosexualité à un monde politico-médiatique déshumanisé puisqu’il parle de « la mégère borgne du dollar hétérosexuel ». Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, un jeu de mots est fait entre l’adjectif « efféminé » et la périphrase « effet minet ». Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil et Valmont sont filmés nus, inanimés, comme un Adam et une Ève originels.

 

Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, tous les personnages sont à la fois homos et hétéros : la grand-mère de Tom (le héros homosexuel) est un garçon manqué et se comporte comme « un vrai bonhomme ». La maman de Tom envoie balader son mari. Cindy, le prototype de la godiche hétérosexuelle (qui sert de couverture à Tom), a joué pour les besoins de l’émission de télé-réalité voyeuriste Secret Story le rôle d’une lesbienne portant le secret suivant : « Je suis sortie avec une ancienne lesbienne bodybuildée et j’ai quatre orteils. » Graziella, l’agent de Tom (qu’elle sait homosexuel planqué), veut le forcer à sauver les apparences et à jouer l’hétéro pour ne pas perdre l’audimat ni le public hétéro de Tom : « Toi, tu n’oublies pas de penser hétéro, ok ?? » Et Tom rentre évidemment dans le jeu pour sauver sa carrière de chanteur à minettes qui perdrait tout son public s’il ne s’affichait pas hétérosexuel. Cette comédie de l’hétérosexualité pour permettre la pratique (cachée) de l’homosexualité est vite dénoncé par Louis, l’autre personnage homo de la pièce, le beau jardinier musclé qui deviendra le futur amant de Tom : « Pourquoi tu veux faire croire que t’es hétéro ? » lui demande-t-il. « Parce que j’ai peur. » lui répond Tom. L’hétérosexualité est la planque justificatrice de l’homosexualité. Elle est toujours le signe d’une peur.
 

L’hétérosexualité est associée à juste titre à la vulgarité (télévisuelle, scientifique, senti-menthe-à-l’eau)… on pourrait même l’appeler « beaufitude » ou « normalité ». « Vous, les pédés, ferez le poids face à ces hommes normaux. » (Rocco en parlant des Serbes hétéros, qu’il qualifie régulièrement de « normaux », dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic) L’hétéro a un problème avec sa sexualité : s’il n’est pas encore homo, il est au moins déjà misogyne et a du mal avec sa gestion de la différence des sexes : « Pas un seul instant je n’aurai pensé [à dire mon homosexualité] à Ti Éloi. Ce macho irréfléchi aurait été l’ennemi déclaré de ma sexualité hors normes, pendant que, paradoxalement, son homophobie affichée rimait avec sa misogynie. » (Ednar parlant de son « diable de frère » qui a abandonné femme et enfants pour s’expatrier en Malaisie, dans le roman très autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 34)

 

Par exemple, dans le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, les personnes attirées par les membres du sexe prétendument « opposé » sont qualifiées de « reproducteurs ». La famille est envisagée comme un idéal figé, statique : « Nos familles ne sont que des herbiers. » (le juge Xavier Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 57) ; « Ça doit être ça l’idéal. » (idem, p. 109) Dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, les membres de la famille, allongés et endormis, sont passés au crible de la lampe-torche tenue par les deux amants homosexuels faisant des commentaires désobligeants à propos de chacun d’eux, à voix basse : les proches parents sont étudiés comme des dossiers, comme des « cas sociaux » ou « cliniques ». Dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, toutes les femmes dites « hétérosexuelles » sont définies à raison comme « une masse de femmes-robots au cerveau délavé ». La pièce Coming out (2007) de Patrick Hernandez nous donne l’occasion de voir que les hétéros ne sont que des Hommes-objets : ils veulent entrer dans le show-biz coûte que coûte. Dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, la voix narrative lesbienne décrit le jeu séducteur des hétéros (tellement hétéros qu’ils sont homos !) abusant de leur pouvoir sur les homos, le louvoiement ambigu et insupportable de « ces hétérosexuelles pas très claires qui font leur crâneuse, histoire d’alimenter leurs rêves d’un soupçon d’interdit » (pp. 13-14).

 

En gros, l’hétérosexuel vit une existence morne et sans désir. « T’es effrayant comme mammifère, toi ! » (Guen , le héros homosexuel, méprisant la « sale race » qu’incarnerait Stan l’hétéro, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) Par exemple, dans la pièce Veuve la mariée ! (2011) de David Sauvage, Roger a divorcé 5 fois et se met « à regretter d’être hétéro ». Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, tous les personnages masculins sont soit impuissants quand ils sont hétéros, soit homos. « Cette Rachel, elle n’est pas seulement hétérosexuelle. On dirait la Barbie hétérosexuelle ! » (Eddie, lesbienne, s’adressant à sa pote lesbienne Luce, à propos de Rachel, la femme mariée hétérosexuelle, qu’elles ont vue au supermarché avec son mari et qui va virer sa cuti pour Luce à la fin, dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker)

 

Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en psychothérapie Benjamin/Arnaud et essaie de les aider à s’assumer en tant que couple homo. L’hétéro, c’est le malade, le mal à éradiquer. « Vous aviez raison. Je suis pas hétéro. Je suis bipolaire, c’est tout. » (Arnaud)
 
 

c) L’homosexuel et l’hétérosexuel sont une seule et même créature :

Deux princes de Walt Disney

Deux princes de Walt Disney


 

L’hétérosexuel et l’homosexuel sont finalement une seule et même créature du paraître, qui glorifie la pulsion sexuelle au détriment de la sexuation femme-homme aimante. « Les hétérosexuels sont plus gays que les gays. » (London s’adressant au héros homo Smith, dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Homosexuel donne hétérosexuel. Hétérosexuel, c’est le contraire pratique d’homosexualité, l’hétérosexualité qui montre bien la folie de ce monde ! » (le père de Claire l’héoïne lesbienne, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « Pendant un apéro au Boobs’bourg, en attendant les autres, Cody m’avoue qu’à New York il met des petites annonces sur craiglist.org en se faisant passer pour une fille : ‘Comme ça, quand les hommes ils veulent ma chatte, je dis à eux je suis un pédé mais je peux te sucer bien ta bite à fond et avaler ton jus. Ça marche, quoi, les hommes ils ont envie d’une fille parce qu’ils pensent que c’est la seule chose qui les fait bander mais un jour où ils sont en manque ils goûtent à la bouche ou le cul d’un pédé et d’un coup ils se rendent compte que ce qui les fait bander c’est le sexe, et pas une fille, quoi. Je suis comme une sorte de terroriste queer comme j’oblige les hommes hétéros de se rendre compte que tout le monde est pédé, quoi, parce que tout le monde bande pour n’importe qui.’ » (Cody, le héros homosexuel efféminé et nord-américain dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 98-99) ; « De fait, on est différents. Mais c’est pas pour ça qu’on doit pas avoir les mêmes droits. On est un couple, Serge et moi. On a des sentiments qui sont exactement les mêmes que deux hétéros. » (Victor, le héros homosexuel Dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; etc.

 

Par exemple, dans le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair, les espèces hétérosexuelles et homosexuelles ont comme par hasard droit à un seul et unique acte de naissance, puisqu’on nous parle de la nouvelle espèce homosexuelle apparue chez les canards, le « Canardus Vulgaris Heterosexualitus ». Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, Simon, le héros homo, imagine chacun de ses amis hétéros, révéler à leurs parents leur hétérosexualité, et déclencher un psychodrame, donc mentalement met en scène des coming out inversés. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, la méthode assimil qu’Howard, le héros homosexuel, écoute pour redevenir hétérosexuel, l’encourage paradoxalement à devenir homosexuel, et finit même par s’homosexualiser : « Soyez un homme ! Faites n’importe quoi mais ne dansez pas !!! Arrêtez de tortiller des fesses, espèce de grande folle !!! » Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), en jouant avec l’homophobie avec les homosapiens, Fabien, le héros homosexuel, dit que les homos sont plus originels au genre humain que les hétéros : « Vous avez déjà entendu parler des hétérosapiens ? Non. Nous sommes donc à l’origine de l’Humanité, nous les homosapiens. »

 

Dans les fictions homo-érotiques, nombreux sont les personnages « hétéros… très homos » : cf. la pièce Penetrator (2009) de Anthony Neilson (avec le personnage de Max), la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (avec le personnage de Jean-Luc), le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec le personnage qui affiche d’autant plus rigidement son hétérosexualité qu’elle se ressent lesbienne sans l’assumer), le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi (avec le chauffeur de taxi bisexuel), le one-man-show Coming out d’un homme marié (2007) d’Hervé Caffin et Maria Ducceschi, le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, la chanson « Désolé » de Sexion d’homos (parodie de la chanson de Section d’Assaut), la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays, le film « No Soy Como Tú » (2012) de Fernando Figueiras (avec le personnage d’Ugo), le film « Les Amants passagers » (2013) de Pedro Almodóvar (avec le pilote d’avion hétéro qui devient homo), le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi (avec Fabio, l’homosexuel au look super hétéro), le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz (avec Polly qui passe d’hétéro à homo), le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret (avec le personnage de Zoé), le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann (avec Aysla, la femme lesbienne qui se marie avec un homme, et Marie, sa compagne secrète, également mariée et mère de famille), le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini (avec Carole, d’abord hétérosexuelle avant de s’afficher lesbienne), etc. « Mon prof d’éducation physique… Moi, il m’a tout appris. C’est lui qui disait : ‘Un hétéro, c’est un homo qui s’ignore tant qu’il n’a pas goûté au fruit défendu.’. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015). Par exemple, dans la pièce Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Henri, l’hétéro se met dans la peau d’un homo pour récupérer un héritage, mais reste très coureur de jupons). Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Nicolas est homosexuel… mais marié à Géraldine, pour les convenances. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, travaille comme assistant-télé de Stéphane Plaza, présentateur d’une émission sur M6 qu’il présente comme un « hétéro très homo ». Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann, le héros homosexuel, et Julien, le héros bisexuel, maintiennent une relation amoureuse. Mais Yoann tolère d’être un à-côté, et que Julien préfère les femmes : « Oh il aime trop les nanas. » Dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Guillaume et Michael sont deux hommes mariés qui sortent ensemble. Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, les hétéros se transforment peu à peu en hommes sensibles : « Je vois que tu es devenu sensible… » leur signale ironiquement leur entourage. Par exemple, Citron, l’hétéro, de par son travail, se retrouve à assurer la sécurité de la Gay Pride. Il se rapproche beaucoup de son ami gay Radmilo : « Toi et moi, finalement, on se ressemble assez. Peu importe qu’on soit gay ou… » Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, le groupe commando anti-mariage-gay et scandant des slogans hétérosexistes (« Attention = HÉTÉROSEXUALITÉ EN DANGER ! » ; « Nous devons sanctuariser la famille hétérosexuelle ! ») sont précisément homosexuels, soit assumés comme tels, soit refoulés. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, pour la mettre dans son lit et dans sa vie, Emma qualifie sa future amante Adèle comme l’archétype de « l’hétéro qui serait plutôt curieuse [de l’homosexualité] », de l’extérieur. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, les héros hétérosexuels ont tous eu leur phase homo, et les héros homos banalisent leur désir homosexuel en le mettant sur le compte de la mode ou de la culture de leur adolescence : « C’était une bonne époque pour être homo. Le style androgyne était à la mode ; même les garçons hétéros portaient du maquillage et des bijoux, et se teignaient les cheveux. Je crois qu’une partie de Tielo aurait bien voulu être gay. Jusque-là, on avait tout fait ensemble, mais il avait toujours été le plus dévergondé de nous deux. […] Il s’est laissé draguer par des mecs une ou deux fois. » (Petra parlant des années 1980 et s’adressant à son amante Jane, p. 81) ; « Elles [Jane, la narratrice lesbienne en couple avec Petra, et Ute, la femme hétéro mariée avec Tielo] avaient échangé un baiser une fois alors qu’elles étaient ivres pendant un réveillon de la Saint-Sylvestre, leurs langues se touchant jusqu’à ce que l’une d’elles – Jane ne se rappelait pas laquelle – se dérobe. » (p. 32) Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, sort avec un homme mexicain marié, Palomino Cañedo. Dans l’épisode 85 « La Femme aux gardénias » (2017) de la série Joséphine Ange-gardien, Albertine, l’héroïne lesbienne, a une liaison avec Lena, une chanteuse noire de jazz, alors qu’elle s’apprête à se marier avec Henri, pour faire un mariage de façade : l’hétérosexualité n’est que le miroir de l’homosexualité. « J’épouse Henri pour qu’on soit libres de vivre comme on l’entend. » (Albertine s’adressant à Lena). Dans l’épisode 5 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Otis le héros hétéro va voir « Hedwig and the Angry Inch » et offre une place à Éric son meilleur ami gay pour son anniversaire : ils s’y rendent tous les deux travestis en femmes. Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, Cyril, un des personnages hétéros, est présenté comme « un hétéro cool »… et d’ailleurs, on le voit se travestir en femme en porte-jarretelle dans la boîte gay Chez Eva.

 

Pour le héros gay qui se prend pour une fille, il ne lui semble pas rejoindre l’homosexualité quand il tombe amoureux d’un homme, mais bien l’hétérosexualité… alors qu’il pose quand même des actes homos concrets : « Je suis pas homo parce que je suis une fille attirée par un garçon. C’est on ne peut plus hétéro… » (Guillaume, le héros bisexuel du film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; « Rupaul’s Drag Race : une émission de drag-queens que j’aime beaucoup. » (l’humoriste « hétéro » Arnaud Demanche se mettant dans la peau d’un internaute, dans son one-man-show Blanc et hétéro, 2019) ; etc.

 

Les hétéros et les homos sont tous les deux des êtres sous cellophane, des créatures du paraître, comme l’illustre le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, et tant d’œuvres sur le « devenir objet ». « Vous êtes tous pareils, il n’y a que le visuel qui compte. Tous sans exception. » (Shawna s’adressant à Michael, le héros homosexuel du roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 48) ; « Vous n’êtes qu’une bite avec une paire de mocassins. » (Martine mettant sur le même plan les homos et les hétéros, dans la pièce Les Amazones, 3 ans après… (2007) de Jean-Marie Chevret) ; « Les hétérosexuelles ont toujours un métro de retard quand il s’agit de reconnaître leur attirance pour d’autres femmes. » (Oshen, la comédienne Océane Rose-Marie, lors de son concert à L’Européen de Paris, le 6 juin 2011) ; « À chaque fois j’arrivais à brouiller les pistes, en sortant avec une fille. Avec une copine, on a le droit d’avoir un copain. Sans copine, on est pédé. » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 160) ; « J’suis hétéro. J’ai dérapé. J’allais pas bien. Il était là. » (Didier par rapport à Bernard son « amant d’un soir », dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « D’après la spécialiste, les femmes hétéros veulent coucher avec d’autres femmes, pour vivre leur toute nouvelle fluidité sexuelle. C’était Les Lesbiennes pour les nuls» (Tori dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn) ; « Les rockeurs, les chanteurs de charme en étaient quasiment tous. » (Gérard dans la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; « Et puis ils sont mariés. Ils ont tous les jetons. » (Jean parlant de tous ses « plans cul »/clients homos de la gare) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, l’avocat Roy Cohn refuse de se définir « homo » et dit de lui-même en parlant à la troisième personne : « Roy Cohn est un hétérosexuel qui s’amuse avec les garçons. » Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdelatif Kechiche, Emma définit extérieurement Adèle comme l’archétype de « l’hétéro qui serait plutôt curieuse [de l’homosexualité] ». Dans la pièce Three Little Affairs (2010) de Cathy Celesia, Rachel, avant de révéler son amour lesbien à Ninette, se déclare avec assurance « 100% hétérosexuelle », pour s’assurer une couverture normative. Dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Ernst se fait sucer dans le train par un « bon père de famille ». Dans le film « No Se Lo Digas A Nadie » (1998) de Francisco Lombardi, Alfonso couche avec Joaquín, mais cache son homosexualité. Dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria qui se présente comme « hétéro » joue le rôle d’Helena, lesbienne, et ce rôle déteint sur sa vie avec son assistante Valentine, et la perturbe énormément.

 

On trouve aussi des personnages « homos… très hétéros », passant d’une pratique amoureuse/sexuelle à l’autre afin de vraiment se rendre invisibles : « Vous êtes très crédible en hétérosexuel. » (Isabelle complimentant Pierre, le héros homosexuel de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Je fais l’hétéro. Je le fais bien. » (Jefferey Jordan, homosexuel, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « J’pensais que tous les chorégraphes étaient gays. Ils étaient auto-reverse. » (cf. une réplique de la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau) ; « J’assume parfaitement mon hétérosexualité. J’ai des relations sexuelles avec Benjamin, une fois de temps en temps. Comme tout le monde. » (Arnaud, le héros homo qui ne s’assume pas en couple homo et qui peu à peu va se définir comme « un hétéro curieux », dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « C’est pas drôle d’être homo. Y’en a marre, je deviens hétéro. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Alors, Trompette en l’air, on s’est réveillé hétéro ? » (Adam homo s’adressant à son futur amant Éric, l’homo efféminé identifié de leur lycée, dans l’épisode 6 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc. Par exemple, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homo sur le point de se marier avec son compagnon, découvre qu’il aime coucher avec les femmes. Dans le film « Camping 2 » (2010) de Fabien Onteniente, le très efféminé Patrick déclare qu’il a déjà fait le sosie d’Elvis Presley. Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Konrad, l’homosexuel, adopte un look de motard hétéro : il exerce d’ailleurs le métier de garagiste. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Édouard parfait son apparence « hétéro » pour mieux rassurer tout le monde… mais il est homo. Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, avoue qu’il a eu « une adolescence hétéro ». Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Schmidt, en parlant de son collègue Jenko, dit qu’« il se prend pour Harvey Milk », pour assurer une couverture à leur mission d’espionnage dans la bibliothèque du campus où ils doivent enquêter. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Henri se fait passer pour un hétéro pour mieux draguer en douce le jeune Franck. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, tous les personnages homos sont (et se comportent comme des) hétéros. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Marc et Engel sont deux amants virils, masculins. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le héros homosexuel, se force à se marier avec Sophie. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, tous les personnages homosexuels, pourtant en couple fidèle, revendiquent parfois à la surprise générale une hétérosexualité ou posent un geste hétérosexuel entre eux. « Alors, on n’est pas si différents des hétéros, finalement ? » (Jurgen et Jane, p. 112) Par exemple, Jurgen (gay) et Jane (lesbienne) ne sont pas insensibles l’un à l’autre (« Cette fois-ci, ses sourcils levés donnèrent à Jurgen un air malicieux et Jane vit qu’il était beau, d’une beauté que Hollywood qualifie en général de dangereuse. », p. 112), même si le premier assumera ce trouble mutuel et pas la seconde. Jurgen, profite du fait que Jane soit bientôt maman et la seule personne homosexuelle du dîner mondain auquel ils participent, pour avoir à son encontre un surprenant geste déplacé : « Il glissa la main sous la table. Jane lui prit la main et la repose sur la table en se disant qu’il était dommage que la première personne qu’elle trouvait sympathique depuis son arrivée à Berlin ait été un tel connard. » (p. 114) Dans le film « Entre amis » (2015) d’Olivier Baroux, Astrid, la femme amriée, avoue à son mari Philippe qu’elle a « couché avec Jean Franco ». Philippe s’en étonne : « Je croyais qu’il était PD. » « Moi aussi. » avoue Astrid. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum simule d’avoir une femme et d’être hétérosexuel. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Oren, israëlien, est marié à une femme et avec un enfant, et vit une double vie avec un amant, Tomas, à Berlin. Tomas couche avec Anat pour recoucher symboliquement avec Orien. Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, le couple « marié » Dominique et Marcel sont bien hétéros chacun de leur côté (ils partagent la même femme, Mireille !)

 

L’homosexuel, comme l’hétérosexuel, sont des hommes (ou des femmes) mythiques formatés, normés, agressifs. Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, décrit M. Pujol, homosexuel, comme un homme aussi violent qu’une brute hétérosexuelle : « C’était le plus agressivement normal des hommes. » (p. 499) Le portrait de « l’hétérosexuel » Ralph Crossby, bizarrement très efféminé et précieux, dégage la même ambiguïté homosexuelle de l’hétérosexualité de l’homme-objet : « Ralph Crossby se tenait sur le seuil de la porte ouverte. Stephen remarqua qu’il était vêtu d’un complet immaculé de tweed gris qui avait une apparence trop neuve. Mais tout en lui semblait agressivement neuf, ses cheveux mêmes avaient un air de nouveauté, de maigres cheveux bruns qui luisaient comme si on les avait cirés. ‘Je me demande s’il les fait polir en même temps que ses chaussures’, pensa Stephen en l’observant avec intérêt. C’était l’un de ces hommes indéterminés qui ne sont ni grands ni petits, ni gros ni maigres, ni jeunes ni vieux, ni de sa bonne mine, ni précisément laids. Ainsi qu’aurait répondu sa femme si on le lui avait demandé, c’était tout juste ‘un homme’, ce qui le décrivait exactement, car ses seuls traits distinctifs étaient sa nouveauté et son expression hargneuse… sa bouche était intensément hargneuse. Lorsqu’il parlait, sa voix haut perchée avait un ton irrité. » (idem, p. 175)

 

Certaines créations pro-gays fonctionnent sur l’inversion entre hétérosexualité et homosexualité, pour prouver qu’elles sont semblables et interchangeables. « Est-ce que tout le monde est gay ? Est-ce que je suis dans la Quatrième Dimension ??? […] Il me faut un hétérosexuel de toute urgence ! » (Emily, la femme mariée dépassée le jour de son mariage par le coming out de son presque-futur-mari, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Un enfant, qu’il soit élevé par deux pédés du cul ou par un père et une mère, l’important, c’est qu’il ait de l’amour. » (Nadia, la mère porteuse hétéro dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand) ; etc. Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny, l’un des héros homosexuels, dans son synopsis cinématographique, veut créer « un univers où tout est inversé, un monde gay où les hétéros sont une minorité ». Dans le film « Were The World Mine » (2010) de Tom Gustafson, le but affiché des protagonistes homosexuels est « de rendre gays tous les hétéros ».  Dans le film « 30° couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue, les hommes mariés se travestissent tous en femme. Dans le film « Le Roi de l’évasion » (2009) d’Alain Guiraudie, Armand, homo de 43 ans, vire sa cuti avec la jeune Curly, avant de revenir finalement aux hommes (plus âgés) ; et tous les hommes mariés du film sont présentés comme bisexuels, voire homos. Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Lennon, le gros « hétéro » beauf, fait peu à peu son coming out et tombe amoureux fou de Martin sur qui pesait pourtant une forte présomption d’homosexualité et qui à la fin se révèle hétéro.

 

Fréquemment, les homos s’hétérosexualisent, les hétéros s’homosexualisent : « Maintenant, c’est de la merde, Paris ressemble à un musée pour vieux cons fachos, avec des gays (il prononce ‘géïzes’) qui tètent du petit lait électronique avec des airs ingénus et qui se branlent devant Xtube. Des petits moutons. On a transformé une armée de pédés rebelles qui dérangeaient le modèle hétéro en gays, c’est-à-dire en tarlouzes de droite incapables de réfléchir plus loin que le bout de leur bite. » (Simon le gay, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 23-24) ; « On les connaît, les hétéros… » (François, homo, ironisant avec Kévin son pote homo, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy) ; etc. Par exemple, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jean, à l’hôpital, le jour de la naissance de son fils, panique et commence à faire une déclaration d’amour homosexuel à son beau-frère homosexuel Antoine, en essayant de l’embrasser sur la bouche, alors qu’il est pourtant hétérosexuel : « Je t’aime ! » Il a peur d’assumer sa paternité nouvelle.

 

Dans le discours des héros des fictions homo-érotiques, cette fusion entre « l’hétérosexuel » et « l’homosexuel » repose en général sur un fond sentimentaliste, spiritualiste, techniciste, artistique, mercantile, libertin, et traduit une indifférence et une violence : « Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas ; mais homo, bi, hétéro c’est pareil, on ne mange pas dans les assiettes cassées. » (le chauffeur taxi dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 120) ; « Tu sais, cariño, un jour, tu vas tomber amoureux. Si c’est un garçon, t’es homo. Si c’est une fille, t’es hétéro. […] Je me suis tapée toutes les filles de ma promo. Ça n’a pas fait de moi une lesbienne ! » (un des tantes de Guillaume, le héros bisexuel, en flagrant délit de déni de responsabilité, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; etc. Elle est au fond un outing homophobe s’abattant sur la différence des sexes. Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Alan est présenté comme un hétéro très homo : « Si c’est celui que je connais, il est aussi hétéro que moi. » lance Larry, l’un des héros homos. L’homosexualité est une projection identitaire et amoureuse complètement irréaliste à la base, mais que certains héros homosexuels imposent à leurs partenaires non-homosexuels en passant préalablement par la case « inversion des sexes » puis « hétérosexualité ». Par exemple, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Engel traite tout le temps son futur amant (hétéro à la base) de « gonzesse » pour le dévaloriser et le faire basculer dans l’homosexualité. C’est aussi une projection médiatico-gay-friendly qui ne repose en réalité que sur la rumeur. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, c’est de Cameron Drake, l’acteur l’hétéro recevant un Oscar pour son rôle de gay dans un film intitulé « Servir et protéger », qu’est venue l’homosexualité de son ancien prof de lettres Howard Brackett. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, « un hétéro et un homo se découvrent amoureux. Sans clichés, ni préjugés, il franchiront toutes les étapes avec beaucoup d’humour ». Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, soi-disant « hétéro », a des goûts musicaux très gays (cf. « Take on me » de A-ha), lave son linge avec la lessive OMO, et suscite des sentiments chez Rémi. Rémi lui-même ne se dit pas « homo » et continue de dire que c’était une affaire de « personnes ».

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La personne homosexuelle est une réalité fantasmée, non une espèce réelle et une identité profonde :

 

 

Je vous renvoie à tous les mannequins bodybuildés des revues mensuelles de la presse gay mondiale, aux clichés de Victor Banda et Francesco d’Macho (deux mannequins qui se sont prêtés au jeu du photographe Joan Crisol en se transformant en poupées Ken homosexuelles sous emballage cartonné pour le shooting photos Gayperman : Wonna Play With Me ? montré dans la revue Zero n°93 de décembre 2006/janvier 2007), ainsi qu’aux deux poupées Barbie figurant le couple lesbien sur les affiches de l’association homosexuelle basque Gehitu.

 

La naissance de l’homosexuel en tant que nomenclature identitaire et amoureuse a une date précise : 1869. « C’est un Hongrois, le docteur Benkert, qui, en 1869, crée le terme d’homosexualité et demande au ministre de la Justice l’abolition de la vieille loi prussienne contre celle-ci. » (Élisabeth Badinter, X Y de l’identité masculine (1992), p. 155) ; « Tout compte fait, le discours médical du XIXe siècle a transformé les comportements sexuels en identités sexuelles. » (idem, p. 156) ; « Le terme homosexualité a été forgé dans l’Europe contemporaine puisqu’il apparaît sous la plume d’un psychiatre hongrois en 1869 (‘hétérosexuel’ apparaîtra peu après.). » (Daniel Borillo et Dominique Colas, L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005), p. 10) C’est la raison pour laquelle, de manière très inconsciente, beaucoup de personnes décrivent « l’homosexuel » comme une caricature (et heureusement ! Personne ne peut se réduire à ses désirs et tendances sexuelles) et en même temps comme une race : « Je ne reproche aux hétéros que le fait qu’ils nous reprochent quelque chose. Je ne reproche qu’une certaine forme de racisme. » (Pierre Démeron au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969). Par exemple, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dit que « l’homosexuel » est « une caricature vivante » (p. 102). Selon Marcel Proust, la catégorie des hommes invertis formait une « race », oui ! vous avez bien lu, une race « sur qui pèse une malédiction et qui doit vivre dans le mensonge et la parjure ».

 

Et comme aujourd’hui, dans notre société actuelle, on tend à effacer cet acte de naissance d’où a émergé la bipolarité « les homos/les hétéros », en prétextant que la communauté homosexuelle est forcément « communautariste » (ce qui n’est pas systématique), qu’elle ne doit pas réfléchir sur la réalité et les spécificités de son unique socle – le désir homosexuel –, ni rentrer dans la logique marchande de compartimentation identitariste cloisonnante (« les » hétéros par-ci, « les » homos par-là, et tous leurs sous-genres : bis, transgenres, transsexuels, bears, fem, butch, minets, etc. etc.), certains individus gays s’inquiètent à juste raison de la disparition du particularisme désirant homosexuel : « Assistons-nous à la mort de l’homosexualité ? La créature médicale créée au XIXe siècle, avec sa sub-culture et ses prétentions d’identité spécifique, semble sombrer. » (Néstor Perlongher, « Avatares De Los Muchachos De La Noche », dans l’essai Prosa Plebeya (1997), p. 56)

 

En réalité, je crois que « l’homosexuel » est un personnage que croient revêtir les personnes homosexuelles pratiquantes, et qui n’est autre que l’homme invisible nommé « l’androgyne », cet être mythique qui signe la déni de la réalité de la différence des sexes en soi et chez les autres humains. « Pendant quelques années, je me suis sentie un peu en marge. Ni homme, ni femme, la figure de l’androgyne me fascinait mais je ne voyais pas comment concilier ma soi-disant virilité avec ce qui faisait de moi une femme, d’autant que j’étais censée être hétérosexuelle. Un jour, je me suis découverte lesbienne, et rétrospectivement je crois que l’union s’est faite en moi. » (cf. l’article « De la virilité des lesbiennes » posté par un dénommé « Septembre » dans www.yagg.com le 16 janvier 2010) ; « Hétérosexuels et homosexuels sont des mots barbares, des qualificatifs dont se parent et s’accablent des hommes mutilés qu’on apprend ou qui s’apprennent à réprimer des envies parfaitement naturelles. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; etc. Il est d’ailleurs décrit comme un être mythique, un messager divin voire Dieu : « Pendant le dîner, nous avons appris que l’esthéticienne avait été hétérosexuelle avant d’être touchée par la grâce. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 156) Par exemple, dans le documentaire « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti, Rita, une mère d’une personne homosexuelle parle, de manière fort juste, d’« un fantasme appelé ‘l’homosexuel’ ».

 
 

b) La personne hétérosexuelle est une réalité fantasmée, non une espèce réelle et une identité profonde :

HÉTÉRO Mamie

 

L’hétérosexualité est pensée comme une nature, une espèce existante : « Quoi qu’il en coûte, quelles que soient les conséquences je dis qu’il est indispensable de vivre son homosexualité comme les hétéros vivent leur hétérosexualité : naturellement. » (Antoine, homosexuel, dans le journal La Dépêche datée du 21 octobre 2015)
 

La créature hétérosexuelle est de plus en plus considérée comme préhistorique, voire même éternelle et ontologique : « Nous dont les enfances ont été et continuent d’être bafouées par l’hétérosexisme dominant ! » (Jacques Fortin, Homosexualités, l’adieu aux normes (2000), p. 7) La communauté homosexuelle n’est pas étrangère à cette croyance, étant donné que c’est elle-même qui l’a construite. Par exemple, Gustav Jäger (1832-1917) distinguait homosexuels actifs et passifs. Le passif est le féminin, l’actif masculin et même hyper-viril et comme tel, il est même plus masculin que l’homme « normal », c’est-à-dire hétérosexuel. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 169) Certaines personnes homosexuelles font de l’hétérosexualité une essence évidente, une nature humaine spontanée, qui va se soi : « Les hétéros n’ont pas besoin de se dire ! (idem, p. 41) Elles font barrage à la réflexion sur l’hétérosexualité. Selon elles, l’hétérosexualité, « ça ne se discute, ça ne s’avoue pas, cela va sans dire. » (idem, p. 42) Affaire classée, dit-on. Même des grands théologiens moralistes catholiques, tels que Tony Anatrella, tombent dans le panneau de confondre la différence des sexes avec l’hétérosexualité : « L’homosexualité est le résultat d’un complexe psychologique et d’un inachèvement de la sexualité qui ne s’achemine pas vers l’hétérosexualité. » (Tony Anatrella, Le Règne de Narcisse (2005), p. 76) Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, l’homme réel est sérieusement confondu avec l’homme-objet.

 

Calendrier "Les Dieux du Stade"

Calendrier « Les Dieux du Stade »


 

Or l’hétérosexualité n’est pas du tout une réalité lointaine et tangible. Elle est au contraire très récente, presque aussi récente que l’homosexualité, puisqu’elle est née un an après elle, en 1870 ; et qu’en plus, même dans le langage courant, elle arrive bien après le terme « homosexuel », comme le souligne Élisabeth Badinter dans son essai X Y de l’identité masculine (1992) : « Le mot ‘hétérosexualité’ n’est utilisé qu’à partir des années 1890. » (p. 238). L’hétérosexualité, temporairement et symboliquement, découle de l’homosexualité. « L’hétérosexualité elle-même n’est historiquement qu’une conséquence, un vague avatar de cet érotisme de soi. » (François Cusset, Queer Critics (2002), p. 21) Cela est si révélateur de ce qu’est véritablement l’hétérosexualité : un désir homosexuel pas encore déployé/assumé. Selon Harvey Fierstein, ce qui effraie le plus de si nombreux hommes hétérosexuels dans l’homosexualité, c’est la peur « qu’ils puissent aimer ça ». (Harvey Fierstein cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 190) Mettre l’hétérosexualité du côté de la compulsivité, des désirs superficiels et égocentrés, c’est tout à fait juste. Dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, il est question justement d’« hétérosexualité compulsive » (« c’est-à-dire d’une hétérosexualité qui répond moins aux besoins profonds de l’individu qu’à sa peur d’être homosexuel », p. 186) : des hommes ou des femmes à l’orientation sexuelle imprécise et tourmentée, cherchent à se prouver qu’ils peuvent plaire aux filles (ou aux garçons, dans le cas des femmes lesbiennes refoulées) parce qu’au fond, ils n’en sont pas si sûrs…

 

Série "Les Bleus : Premiers pas dans la police"

Série « Les Bleus : Premiers pas dans la police »


 

Les hétéros sont des créatures venues de la médecine légale et du cinéma. En aucun cas ils sont réductibles à l’Humanité dans sa grande majorité. Nous ne vivons pas dans un monde hétéro. Penser cela est un non-sens historique et victimisant. « Aujourd’hui comme hier, l’humanité se partage en hommes et femmes et non, comme voudraient le faire croire ceux-ci, entre homosexuels et hétérosexuels (les derniers étant d’ailleurs, voudrait-on nous persuader, que des homosexuels qui s’ignorent ou se contiennent). On n’est pas humain sans être homme ou femme. » (Michel Schneider, La Confusion des sexes (2007), p. 124) ; « C’est le XIXe siècle bourgeois qui a voulu figer les choses pour enfermer les gens dans des petites cases. » (cf. l’émission « Les Enfants d’Abraham » sur l’homoparentalité, spéciale « Adoption homosexuelle : Pour ou contre ? », sur la chaîne Direct 8, mardi 1er décembre 2009) ; « On ne semble pas remarquer que la revendication du ‘mariage homosexuel’ ou de ‘l’homoparentalité’ n’a pu se formuler qu’à partir de la construction ou de la fiction de sujets de droits qui n’ont jamais existé : les ‘hétérosexuels’. C’est en posant comme une donnée réelle cette classe illusoire de sujets que la question de l’égalité des droits entre ‘homosexuels et hétérosexuels’ a pu se poser. Il s’agit cependant d’une fiction, car ce n’est pas la sexualité des individus qui a jamais fondé le mariage, ni la parenté, mais d’abord le sexe, c’est-à-dire la distinction anthropologique des hommes et des femmes. » (Sylviane Agacinski dans le journal Le Monde, le 22 juin 2007) ; etc.

 

Le monde hétéro est celui de la technique, des médias, des arts. Parfois, « les hétéros » sont même montrés nus sous vitrines, animalisés (et non sans raison ! : plus on réifie les êtres humains, plus on les bestialise !) : cf. l’essai au titre ironique Nos Amis les hétéros (2004) de François Reynaert, le film documentaire « La Domination masculine » (2009) de Patric Jean (montrant bien que l’hétérosexualité est le monde de la poupée), etc. Dans la réalité concrète, la personne la plus hétérosexuelle qui soit, c’est le prostitué masculin ou la prostituée, c’est-à-dire quelqu’un habité par un désir machiste, et se soumettant à celui-ci en participant à sa mise en pratique. Les prostitué(e)s sont les actualisations extrêmes et partielles d’un personnage androgyne qui n’a jamais réussi à s’incarner pleinement : « Cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler, à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand-chose, de toute façon je ne l’ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas. » (Virginie Despentes, King Kong Théorie (2006), p. 13) L’hétéro est plus proche du super-héros des dessins animés et des bandes dessinées que du réel. Par exemple, dans leur essai Le Cinéma français et l’homosexualité (2008), Anne Delabre et Didier Roth-Bettoni se sont d’ailleurs amusés à créer un joli néologisme entre le terme « hétéros » et « super-héros » : ils parlent des « beaux (hét)héros » (p. 48). Le philosophe Gilles Deleuze écrit bien que « nous sommes hétérosexuels statistiquement et molairement » et non humainement (Gilles Deleuze cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 91).

 

Certains chercheurs nous parlent de l’homosexualité (Mary McIntosh, Jeffrey Weeks, John D’Emilio, Gayle Rubin, etc.) et de l’hétérosexualité (Hansen, Jonathan Katz, etc.) comme des constructions relativement modernes et récentes de la pensée contemporaine sur la sexualité. Sur l’hétérosexualité en tant qu’invention (scientifique et médiatique), je vous conseille fortement la lecture de l’article « The Invention Of Heterosexuality » de Jonathan Ned Katz publié dans la revue Socialist Review (1990) ; ainsi que de l’essai Anticlimax : Women’s Press (1990) de Sheila Jeffrey. Virginie Despentes, dans son essai King Kong Théorie (2006), dénonce à juste titre « la distinction des genres telle qu’imposée politiquement autour de la fin du XIXe siècle, l’obligation du binaire » (p. 112) (… même si elle remplace malheureusement le terme « sexe » par celui de « genre »). Comme le démontre la biopic « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée (avec le héros hétérosexuel Ron, qui se fait rejeter de chez lui par ses voisins et taguer sur sa maison « DANGER, SANG DE PÉDÉ ! » simplement parce qu’il a le Sida), l’apparition du virus HIV a funestement contribué à donner une consistance à l’hétérosexualité, et à justifier l’alignement entre l’hétérosexualité et l’homosexualité.

 

Dans son essai La Pensée Straight (2001), Monique Wittig dénonce « l’aspect fondateur de l’hétérosexualité et prétend que celle-ci n’est ni naturelle, ni un donné : l’hétérosexualité est un régime politique. » Cette philosophe lesbienne donne apparemment une très bonne définition de l’hétérosexualité : « Quand je pose le terme hétérosexualité, je me trouve en face d’un objet non existant, un fétiche, une forme idéologique massive qu’on ne peut pas saisir dans sa réalité, sauf dans ses effets, et dont l’existence réside dans l’esprit des gens d’une façon qui affecte leur vie toute entière, la façon dont ils agissent, leur manière de bouger, leur mode de penser. Donc j’ai affaire à un objet à la fois réel et imaginaire. » (Monique Wittig, « À propos du contrat social », dans l’essai Les Études gays et lesbiennes (1998) de Didier Éribon, p. 61) Cet « objet à la fois réel et imaginaire » dont elle parle, je lui donne pour ma part le nom de « réalité fantasmée ». Ceci étant dit, là où je ne suis plus d’accord avec Wittig, c’est que juste après avoir décrit la superficialité semi-incarnée de l’hétérosexualité, elle confond cette réalité mythique avec la réalité positive du couple femme-homme non-hétérosexuel, puisqu’elle soutient que « vivre en société, c’est vivre en hétérosexualité ». Elle ne mène pas son intuition jusqu’au bout. Dommage.

 

Le terrain de la réflexion sur le concept d’« hétérosexualité » est quasiment vierge. C’est hallucinant de voir l’aveuglement général dans ce domaine. Ceux qui ne se sentent pas homos se croient maintenant obligés d’assurer qu’ils sont « hétéros » ; et ceux qui se sentent homos ne veulent surtout pas être étiquetés « hétéros » mais tiennent absolument à ce que le reste de la Planète le fasse. Personne ne va remettre en cause cette foutue « hétérosexualité » (et surtout cette foutue bipolarité « hétéros/homos »), présentée comme naturelle, universelle, et éternelle, alors qu’elle est tout sauf cela. Elle est manichéenne en ses fondements. Dans son essai L’Invention de la culture hétérosexuelle (2008), Louis-Georges Tin souligne à raison « l’absence de réflexion sur l’hétérosexualité » (p. 6), la naturalisation forcée du Couple (naturalisation qui gomme la liberté qu’il a eu de se former)… mais il fait l’erreur d’associer cette violation de l’amour, cet artifice, à tous les couples femme-homme : « La pratique hétérosexuelle est universelle. » (p. 9)

 

Il n’y a que l’Église catholique qui a vraiment ouvert les yeux sur la supercherie de l’hétérosexualité. Dès le Moyen-Âge (à mon sens le véritable terreau idéologique de l’hétérosexualité), Elle s’était déjà opposée à l’hétérosexualité : « Les hommes d’Église réprouvaient non seulement l’adultère, inhérent à la logique courtoise, mais plus généralement cette promotion nouvelle de l’amour, de la femme et du couple. » (Louis-Georges Tin, L’Invention de la culture hétérosexuelle (2008), p. 80) Mais Louis-Georges Tin réduit ces oppositions à une peur superstitieuse, chez les ecclésiastiques, de la sexualité (« Les hommes d’Église s’opposent à la culture hétérosexuelle surtout parce qu’elle est sexuelle. », p. 194) alors qu’à mon avis, la méfiance de l’Église est plus noble et positive que cela : avant tout le monde, Elle s’oppose à la culture hétérosexuelle parce qu’Elle a senti qu’elle était irréelle, réifiante, bisexuelle, individualiste, peu responsabilisante et peu aimante.

 

L’Église Catholique est finalement la seule institution humaine à avoir compris la gémellité de violence de l’homosexualité et de l’hétérosexualité, et à s’être opposée à l’hétérosexualité. Par exemple, en Suisse, après le Concile Vatican II (1962-1965), en 1975, es prêtres catholiques romains et les conseillers synodaux suisses dénoncent l’hétérosexualité : ils mettent exactement sur le même plan les « couples » homos et les « couples hétéros ». « À leurs yeux, et dans les années septantes en Suisse, l’hétérosexualité est une perversion, parce que c’est un homme et une femme qui ne veulent pas avoir d’enfant. » (Thierry Delessert dans l’émission radio L’Invité de la Rédaction, spéciale « Thierry Delessert, spécialiste de l’histoire de l’homosexualité en Suisse », sur RTS, le 29 août 2016) La preuve que le Concile Vatican II était vraiment inspiré.
 
 

c) La personne hétérosexuelle se rapproche de la bisexualité et de l’homosexualité plus que de la relation d’amour entre une femme et un homme ; La personne homosexuelle se rapproche de la bisexualité et de l’hétérosexualité plus que de la relation d’amour entre une femme et un homme

HÉTÉRO violet

 

À la base (et au fond), l’hétérosexualité est un écran que s’est créé la personne bisexuelle pour ne pas assumer sa fragilité et son homosexualité : « Je devais ne plus me comporter comme je le faisais et l’avais toujours fait jusque-là. Surveiller mes gestes quand je parlais, apprendre à rendre ma voix plus grave, me consacrer à des activités exclusivement masculines. Jouer au football plus souvent, ne plus regarder les mêmes programmes de télévision, ne plus écouter les mêmes disques. Tous les matins en me préparant dans la salle de bains je me répétais cette phrase sans discontinuer tant de fois qu’elle finissait par perdre son sens, n’être plus qu’une succession de syllabes, de sons. Je m’arrêtais et je reprenais ‘Aujourd’hui je serai un dur’. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 166) ; « Si Dieu voulait transformer un homo en hétéro, Il aurait le pouvoir de le faire, j’en suis certain. » (Alexander, homosexuel, dans le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein », « Tu ne seras pas gay » (2015) de Marco Giacopuzzi) ; « Tous homos ! Oui, ils ont des femmes et des enfants mais ils te disent sans scrupules que tu leur plais et qu’ils ont envie de toi. » (Sophie, homme transsexuel M to F, se plaignant des hommes mariés louant ses services, cité dans la biographie du Père Jean-Philippe, Que celui qui n’a jamais péché… (2012), p. 306) ; « RuPaul est une sorte de gourou, de Dalaï Lama pour la communauté homo. Mais il y a beaucoup d’hétéros qui regardent aussi. » (Rich Juzwiak, homosexuel, parlant de l’émission de télé-réalité transsexuel aux USA Rupaul’s Drag Race, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; « J’enlevais mon masque d’hétéro pour mettre mon masque d’homo, et inversement. » (Dan Savage parlant de la difficulté de faire son coming out, idem) ; etc.

 
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Ne perdons pas de vue que l’hétérosexualité est un prolongement de l’homosexualité. David Halperin a tout à fait raison de rappeler que le terme d’homosexualité « ne s’inscrit pas, au départ, dans un système binaire de classification sexuelle comme pôle opposé de ‘hétérosexualité » (cf. l’article « Homosexualité » de David Halperin, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 256) L’hétérosexualité, initialement n’est pas l’opposé de l’homosexualité, mais uniquement son revers gémellaire, sa face B (comme Bisexuel). « Freud tient à souligner qu’entre un homosexuel et un hétérosexuel il y a une ‘parenté psychologique’. » (Xavier Thévenot, Homosexualités masculines et morale chrétienne (1985), p. 157) ; « Freud l’avait dit avant moi. Il y a en nous tous ET un homosexuel ET un hétérosexuel. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « L’homosexualité, je le répète, est souvent l’‘érotisation’ d’une rivalité mimétique. Le désir portant sur l’objet de cette rivalité, objet qui n’est même pas nécessairement sexuel, se déplace vers le rival lui-même. Le rival n’étant pas nécessairement du même sexe – puisque l’objet n’est pas nécessairement sexuel – cette érotisation de la rivalité peut se produire comme hétérosexualité. À mon avis, il n’y a donc aucune différence structurelle entre le type d’homosexualité et le type d’hétérosexualité dont nous parlons en ce moment. » (René Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), p. 482) ; etc. C’est pourquoi on ne peut absolument pas être d’accord avec Alberto Mira quand il écrit que « l’expérience homosexuelle n’est pas symétrique à l’expérience hétérosexuelle » (Alberto Mira, De Sodoma A Chueca (2004), p. 246 et p. 329). L’homosexualité ne se dissocie que de l’amour femme-homme aimant ; mais elle reste la source de son clone surnommé « hétérosexualité ».

 

Ce n’est pas un hasard si l’homme hétérosexuel est parfois présenté comme une espèce en voie de disparition. « On pense le mettre au zoo. » (Denis en parlant en boutade de son ami « hétéro », dans le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre) Avec la Queer & Gender Theory (qui ne veut plus qu’on se définisse en tant qu’« homo », « hétéro », « bis », « trans », mais en tant qu’« individu en perpétuelle auto-construction » et en tant qu’« amoureux »), avec de surcroît la tendance de l’hétérosexualité à se muter chroniquement en bisexualité ou en homosexualité selon les époques, on a maintes fois l’occasion de découvrir que l’hétérosexualité est une réalité temporaire, magique, de transition, une bisexualité qui veut se vivre sans se dire. « Pas plus qu’il n’y a des gens purement hétérosexuels, il n’y a de purs homosexuels. Les expressions ‘homosexuel’ et ‘hétérosexuel’ ne sont que des mots, des têtes de chapitres au-dessous desquelles chacun peut écrire ce qui lui plaît. Elles n’ont pas un sens fixe. » (Georg Groddeck, Le Livre de ça (1923), cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 380)

 

HÉTÉRO Mécary

 

L’homosexuel et l’hétérosexuel forment les deux moitiés d’un Tout androgynique, orgueilleux et machiste, que certaines personnes homosexuelles/bisexuelles ressentent en elles et cherchent à rendre réels : « Profondément, je ne me sens pas homosexuel. Plutôt un homosexuel complètement hétérosexuel. Je rêve de conquérir la partie manquante de moi-même. » (Hervé Guibert, romancier français homosexuel, cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 482) ; « Hétérosexuels et homosexuels sont des mots barbares, des qualificatifs dont se parent et s’accablent des hommes mutilés qu’on apprend ou qui s’apprennent à réprimer des envies parfaitement naturelles. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « Pour traduire la nouvelle société, où les homosexuels […] incarnent l’humanité future, un nouveau monde s’impose : ce sera gay. À relier à ‘macho’. Les deux faces d’une même médaille. À gay le bien, à macho le mal. À gay l’homme féminisé porté aux nues, à macho l’homme bêtement viril, dénigré, méprisé. Ostracisé. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 27) ; « J’ai beaucoup de mal pour aller dans des milieux exclusivement féminins, parce qu’il y a une espèce de brutalité dans laquelle je ne me reconnais pas. […] Ce que je ressens dans ces milieux-là parfois, c’est qu’on reproduit, tu as des femmes qui reproduisent des comportements masculins que j’exècre totalement, dans la manière de draguer principalement, c’est ça. Je trouve que c’est vulgaire, pour moi ça casse l’image de l’amour que j’ai pour les femmes. […] Ce qui me gêne c’est la contradiction, pour moi, entre une revendication de l’amour des femmes et cette vulgarité, qui pour moi n’est qu’une reproduction de ce qui se passe chez les hétéros. » (Catherine, femme lesbienne de 32 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, pp. 58-59) ; « Si véritablement je n’étais pas leur star, à coup sûr, je devins par la suite une célébrité parmi eux. Ma féminité les rendait impulsifs les uns les autres. Ils m’aimaient, me parlaient avec douceur en me caressant la nuque ou le dos, comme il était permis ici pour démontrer une certaine affection. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de ses camarades de classe mâles, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 58) ; etc.

 

Musical "Monsieur!" d'Olivier Schmidt

Musical « Monsieur! » d’Olivier Schmidt


 

Par exemple, dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), Paula Dumont sous-entend qu’être élevée comme une hétérosexuelle, c’est être élevée comme une future homosexuelle : « J’ai été élevée comme une future hétérosexuelle, j’ai intériorisée, de surcroît, une bonne dose d’homophobie et j’ai vécu dans la chasteté la plus totale pendant toute ma jeunesse. Tout cela ne peut pas être sans conséquence. » (p. 111) Dans son one-man-show Virtuose (2017), l’humoriste Kallagan suspecte un de ses spectateurs du Point Virgule d’homosexualité en le traitant d’« hétéro ».

 

On observe l’androgynie psychique entre l’hétérosexuel et l’homosexuel à travers certains choix cinématographiques. Par exemple, dans le film « L’Animal » (1977) de Claude Zidi, Belmondo joue un double rôle de cascadeur viril et de star efféminée : les deux personnages sont des sosies. Dans le film « Before Night Fall » (« Avant la nuit », 2000) de Julian Schnabel, les personnages du travesti Bonbon et du lieutenant Victor sont interprétés par le même acteur : Johnny Depp. Le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, pourtant typiquement hétérosexuel, est bourré de codes homosexuels et il s’adresse pourtant à un public très hétéro. Cela veut bien dire ce que ça veut dire : l’hétérosexuel et l’homosexuel sont une seule et même créature, qu’on appellera différemment selon les cultures et les siècles, mais qui globalement est l’androgyne, l’Homme-objet, l’hermaphrodite, le bisexuel.

 

HÉTÉRO Strasbourg

 

Rien d’étonnant qu’un des supers-héros les plus ultra-virils qui existent, Batman, soit homosexuel, et que toutes les personnes humaines qui cherchent à imiter l’hyper-sexualité de l’homme-objet ou de la femme-objet se disent homosexuelles/bisexuelles (exemple : les individus butch, bears, daddies, et dragking). Les filles sur-féminines, « plus que femmes », ne sont pas les demoiselles banales que l’on croise habituellement dans la rue, mais bien des hommes travestis, trans, dragqueens, homosexuels, ou des actrices et des prostituées bisexuelles. « L’homosexualité est intimement liée au caractère hétérosexuel (au sens que celui-ci combine les deux sexes). » (Melanie Klein citée dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 419) ; « L’homosexuel tel qu’on le représente (et même tel qu’il se représente lui-même) est toujours une projection de l’imaginaire hétérosexuel. » (Alberto Mira, De Sodoma A Chueca (2004), p. 22) Sur Facebook, j’avais lu sur un mur d’un ami homo, le 20 avril 2011, que « la follasse c’est le beauf version gay ». C’est excellent, car c’est tout à fait ça.

 

le chanteur Ricky Martin

le chanteur Ricky Martin


 

La confluence entre hétérosexualité (dans le sens de masculinité et de féminité trop forcées pour être vraies et fidèles à la différence des sexes) et homosexualité est incarnée par beaucoup plus de personnes réelles qu’on ne croit, même si ça ne manque pas de nous surprendre à chaque fois tellement les personnes qui jouent les hétéros masquent leurs penchants homos par la violence ou par leur union forcée avec une personne du sexe complémentaire. « Combien d’hétérosexuels ont fait des expériences homosexuelles dans leur vie ! Ça prouve que c’est une expression tout à fait naturelle de la sexualité. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « Bien sûr, c’était un combat. Surtout pour les gays, les lesbiennes et les transsexuels. Mais cette époque post-hippie était encore marquée par la Révolution sexuelle, et tout le monde couchait avec tout le monde. On ne se posait pas la question de savoir si c’était avec un homme ou avec une femme. Quand on était attiré par quelqu’un, on y allait directement. Je sais par expérience que beaucoup d’hétérosexuels vivaient dans cet état d’esprit. Il ne fait pas l’oublier. Pour eux, ça n’avait rien à voir avec l’homosexualité. » (Romy Haag parlant des années 1970, interviewé(e) dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Par exemple, Aaron McKinney et Russell Henderson, les assassins prétendument « hétéros » de Matthew Sheppard en 1998 aux États-Unis, étaient en réalité des amants de celui-ci.

 

On retrouve la reproduction du schéma hétérosexuel chez les personnes homosexuelles (la tapette/le moustachu ou l’actif/le passif du côté des hommes gays ; la fem/la butch du côté des femmes lesbiennes). Daniel Welzer-Lang a parfaitement bien résumé l’équation de l’hétérosexualité (celle-ci s’appliquant exactement aux couples homosexuels) : « masculin = actif = violeur = pénétrer = appropriant = dominant ; féminin = passive = violée = dominée = trou = appropriée » (Daniel Welzer-Lang, Le Viol au masculin (1988), p. 196)

 

HÉTÉRO solidaires

Manif pro-mariage-gay en France, Paris hiver 2012-2013


 

Dans la réalité, il n’est pas anodin que les cinémas pornos hétérosexuels accueillent une clientèle à majorité homosexuelle et qu’ils aient été depuis très longtemps des lieux de drague gay. Par ailleurs, regardons l’hétérosexualisation spontanée du PaCS français : sur plus de 100 000 couples pacsés en 2007, on dénombre seulement 7% de couples homosexuels. En 1999, année d’instauration du Pacte Civil, ils étaient 42%. Et je ne parle même pas de l’homosexualisation actuelle du mariage femme-homme, avec le « mariage gay »…

 

l'acteur Rock Hudson

l’acteur Rock Hudson


 

Nombreuses sont les personnalités « hétéros… très homos ». Plus un homme s’hétérosexualise en copiant l’homme-objet masculin (dans les salles de sport, en posant pour la presse gay, en travaillant en tant que chanteur ou acteur de charme), plus il s’homosexualise. C’est un constat paradoxal qu’on a l’occasion de vérifier presque systématiquement. « L’un de mes cousins m’a demandé pourquoi je ne les rejoignais pas. J’ai répondu assez fort pour être entendu de tous que je ne me livrais pas à ce type d’exercice, une fois de plus, comme avec le film que Bruno avait amené, que je trouvais ça ‘gerbant’, et qu’à les regarder, tous autant qu’ils étaient, avec leurs corps dénudés, je me disais que leur comportement était vraiment un comportement de pédés. En vérité, ces morceaux de chair me donnaient des vertiges. J’utilisais les mots ‘pédé’, ‘tantouze’, ‘pédale’ pour les mettre à distance de moi-même. Les dire aux autres pour qu’ils cessent d’envahir tout l’espace de mon corps. Je suis resté assis dans l’herbe et j’ai condamné leur comportement. Jouer aux homosexuels était une façon pour eux de montrer qu’ils ne l’étaient pas. Il fallait n’être pas pédé pour pouvoir jouer à l’être le temps d’une soirée sans prendre le risque de l’injure. » (Eddy Bellegueule parlant de ses cousins hétéros le forçant à regarder et à imiter les films pornos hétéros, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 148-149) La majorité des icônes masculines ou féminines que la communauté homosexuelle se choisit comme modèles d’identification, la majorité des acteurs à la base « hétéros » mais qui ont interprété des rôles d’homosexuels dans les films, la majorité des femmes soi-disant « hétérotes » qui sont « filles à pédés » ou qui défendent les « droits des homos », pratiquent très souvent la bisexualité ou font leur coming out à la surprise générale : je pense à Joséphine Baker, Maïk Darah, Stéphane Rideau, Zachary Quinto, Ricky Martin, Marlon Brando, James Dean, etc. « Je me rappelle. J’adorais Elvis Presley. Mais c’était surtout parce que je le trouvais sexy. Elvis était un personnage artificiel, très maquillé. Et je le trouvais super sexy. Aujourd’hui encore, je suis convaincu qu’il avait une sensibilité gay. Mais comme il était tenu par son manager, il n’a jamais pu l’exprimer, surtout à cette époque. » (Rosa von Prauheim interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte)

 

Par exemple, dans le documentaire « Brüno » (2009) de Larry Charles, Dave, à la base désigné comme « hétéro », se fait traiter de « pédale », et se révèle en réalité homosexuel. On peut citer également la liaison supposée entre le prof d’art dramatique et l’un des élèves les plus machos du lycée militaire, racontée dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias. Dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, décrit l’ambiguïté des hommes apparemment très « hétéros » avec qui il a couché : « Une nouvelle surprise m’attendait : mon gitan ‘grand et beau’, une fois la lumière éteinte, s’avéra une triste ‘lopette’, plus efféminé qu’il n’est permis de l’être. Poussant des cris de paon, il provoqua presque un scandale dans l’hôtel. […] Pendant de longs jours, la vision ignoble de ce garçon, que je croyais viril, les images de cet homme singeant la femme en présence d’un autre homme tout aussi efféminé, tout cela endormait en moi toute velléité de recommencer. » (pp. 109-110)

 

Ça marche aussi dans l’autre sens. Nombreuses sont les personnes « homos… très hétéros », c’est-à-dire les personnes homos s’hétérosexualisent qui rentrent dans un jeu de virilité cinématographique : « J’ai été traité de fille très jeune (6/8 ans) par un beau-frère assez tyrannique, avec le recul je m’aperçois que je ne m’en suis jamais vraiment remis… tout du moins ma construction en tant qu’homme a été très compliqué, j’ai toujours eu du mal à me sentir viril (pour résumer)… et avec du recul, je me rend compte que j’ai passé mon enfance à essayé de copier les mimique des gars que j’admirais (le profil hétéro, chef de bande, bagarreur, sportif, drôle avec du succès avec les filles) même si je ne suis pas devenu comme eux, j’essayai du moins de me faire accepter par eux, je voulais en fait être eux (en lisant les premières pages de Confession d’un Masque de Mishima j’ai vu que c’était le cas de certains homo)… malgré tout cela je ne me sentais jamais légitime dans ma virilité, toujours mal dans ma peau, et un peu escroc sur les bords… » (un ami homo de 23 ans, m’écrivant en novembre 2011)

 

Elles se mettent dans la peau du rôle de « l’hétérosexuel » pour masquer (la violence de) leur homosexualité (pratiquée) : « Et le jeune homme reste sur ses gardes, soupçonne qu’on le soupçonne, feint de feindre pour mieux dissimuler ; achète des livres traitant de l’amour hétérosexuel, prend des précautions avec ses amis, évite de confier son numéro de téléphone et ne reste pas indifférent au cours des entretiens où l’on démolit les pédérastes. Dans l’obligation personnelle d’avoir recours aux subterfuges, il sombre en général dans la dissimulation. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 12) ; « Je suis hétéro et homo… hétéromo ! Les animateurs c’est comme les anges, ça n’a pas de sexe ! » (l’animateur homosexuel Olivier Minne, au micro de RMC en août 2014) ; etc.

 

Article sur le film "Humpday" (deux amis hétéros tournent un porno gay ensemble)

Article sur le film « Humpday » (deux amis hétéros tournent un porno gay ensemble)


 

Les désirs homosexuels et hétérosexuels se font miroir : « Je n’avais pas pensé une seule seconde qu’un pédé puisse ressembler à ce point à un hétéro. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 72) ; « Jimmie était à la fois dans l’érotisme homosexuel et hétérosexuel. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 428) ; « Les hétéros conciliants sont partout et plutôt là où on ne les attend pas. Oui, la vie est inimaginable. […] Que ces bons garçons en veuillent parfois à nos sous n’explique pas comment ils font pour tenir une si belle forme devant nous ou qui voudra. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 174) ; « J’ai des rapports très sains avec les hétérosexuels de mon entourage. Il arrive même que certains changent d’avis en fin de soirée. » (Pascal Sevran dans l’émission Politiquement Show de Patrick Buisson traitant du « communautarisme gay » sur la chaîne LCI en 2003) ; « Pourquoi donc le jeune Adrien Baillon, le plus masculin des homos de Montmartre, viril au lit et casse-cou dans les rues, sodomite actif et criminel aguerri, railleur des tantes et frère de pogne de Mignon, répond-il de toujours au sobriquet de reine de ‘Notre-Dame-des-Fleurs’ ? » (François Cusset, Queer Critics (2002), p. 183) ; « J’étais comme eux, absolument comme eux. On faisait la nouiba : chacun se donnait à l’autre. On baissait nos pantalons et on faisait l’amour en groupe. J’étais moi-même avec eux. Moi-même et différent. Je les adorais, oui, oui. Je restais avec eux même quand ils m’insultaient, me traitaient d’efféminé, de zamel, de pédé passif. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 13)

 

Pas un pour rattraper l’autre… : l’homme hétérosexuel et l’homme homosexuel ont tous les deux un problème avec leur sexualité, une difficulté à aimer et à s’engager durablement en amour. En somme, ils sont les manifestations « vivantes » d’un manque de désir. « Les homosexuels ne sont pas meilleurs que les hétérosexuels. » (le cinéaste allemand Rosa von Praunheim à Alice A. Kuzniar, dans la revue The Queer German Cinema) Le désir hétérosexuel n’est pas plus unifiant et probant que le désir homosexuel : « Finalement, je n’étais pas plus à l’aise dans l’homosexualité que dans l’hétérosexualité. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 251) ; « Je ne crois pas à l’homosexualité épanouie… Je n’ai pas d’admiration pour ceux qui vivent ça bien. J’ai toujours vécu mon homosexualité comme quelque chose de malheureux. Mais c’est une affaire de goût personnel. J’aurais eu ce même goût du malheur si j’avais été hétérosexuel. » (Patrice Chéreau lors d’une rencontre avec les étudiants de G.A.G.E. en 1992, cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 127)

 

Le silence sur la véritable nature de l’hétérosexualité (= son potentiel caché d’homosexualité) arrange beaucoup de monde : ET les personnes hétérosexuelles (qui désirent continuer à pratiquer l’homosexualité en toute discrétion, tout en gardant une image propre sur elles), ET les personnes homosexuelles (qui souhaitent voir perdurer leurs rêves d’amour avec les objets de leurs fantasmes – les êtres humains ressemblant de près ou de loin aux hétéros des magazines –, qui ne veulent surtout pas apprendre qu’elles sont tout aussi violentes dans leur sexualité et leurs amours que les individus hétérosexuels qu’elles vomissent/idéalisent, ni découvrir que leur homosexualité n’est pas éternelle, qu’elle est aussi inconsistante que l’hétérosexualité, et qu’elle s’oriente fantasmatiquement/et parfois concrètement vers la différence des sexes, considérée comme le diable en personne). Dans le cœur de beaucoup de personnes homosexuelles subsiste le secret espoir de convertir un individu non-homosexuel et non-hétérosexuel en « hétérosexuel », et donc en « homosexuel en devenir ». Ce n’est pas anodin si elles disent souvent en boutade que « les hétéros sont des homos qui s’ignorent, des homos refoulés » ; car en effet, elles tapent en plein dans le mille !

 

Comme les désirs hétérosexuel et homosexuel ont du mal à s’incarner en espèces humaines réelles, beaucoup de personnes qui les ont confondus avec la sexuation femme-homme, se mettent à remettre en cause la différence des sexes, dans un langage très queer. « Je ne pensais pas devoir décrire mon protagoniste en tant qu’homosexuel ou hétérosexuel. Pour moi, il est queer. Dominik n’a pas besoin de se décrire. » (Jan Komasa, le réalisateur du film « Sala Samobójców » (« Suicide Room », 2011), dans la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, le 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris)

 

Par exemple, dans son essai Testo Junkie (2008), Beatriz Preciado entend « déconstruire les différences de genres et de sexes », car selon elle, « il n’y a ni hommes ni femmes, de même qu’il n’y a ni hétérosexualité ni homosexualité ».

 

Lors de son interview à la radio Europe 1 diffusée le 24 mars 2013 pour la sortie de son film « Los Amantes Pasajeros » (« Les Amants passagers », 2013), Pedro Almodóvar dit, en référence au turn-over d’orientation sexuelle du pilote d’avion hétéro, que la conversion des hétéros en homos n’est pas une fantaisie de sa part mais une réalité culturelle qui s’observe déjà dans toute la société espagnole.

 

Ce que les penseurs pro et anti hétérosexualité ou pro et anti homosexualité s’affairent à court-circuiter par leur concret rhétorique partisan, au final, c’est la reconnaissance de l’existence du désir homosexuel en tant que haine de soi qui ne suffira jamais à fonder une espèce. Et c’est aussi leurs pratiques sexuelles violentes qui oscillent de l’hétérosexualité à l’homosexualité, et inversement, et qu’ils ne veulent surtout pas voir nommées.

 
 

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Code n°124 – Milieu psychiatrique (sous-code : Mère folle)

milieu psy

Milieu psychiatrique

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La fragilité interdite

 

Mylène Farmer

Mylène Farmer


 

C’est peu de dire qu’il existe des liens entre homosexualité et psychiatrie ! Le désir homosexuel étant une blessure identitaire, blessure qui peut s’agrandir si elle est suivie d’une pratique amoureuse homosexuelle – il n’est pas étonnant qu’il rejoigne le monde de la névrose puis de la pathologie. Entre les réactions observables sur les chats gays et dans le « milieu », entre les pathologies existantes au sein des « couples » homos ou au sein des familles où apparaît l’homosexualité, entre les divers profils perturbés des personnes habitées par un désir homo (le plus souvent en dépression), j’ai eu largement de quoi faire ici un méga gros dossier bien passionnant, bien cheesy… et bien flippant aussi ! Bienvenue dans le gros hôpital psychiatrique qu’est la communauté homosexuelle, non pas parce qu’elle serait peuplée de « malades » ou de plus grands blessés que la moyenne, mais parce que la pratique homosexuelle fait beaucoup de dégâts et que les blessures humaines universelles n’y sont spécialement peu identifiées étant donné qu’elles sont appelées « amour » ou « identité fondamentale de l’individu ».

 

Alors pour commencer et pour résumer, Je peux dire sans peur et sans caricaturer que toutes les personnes homosexuelles que je connais (et je m’inclus dans le tableau) ont connu dans l’enfance une étape de forte dépression… qu’en général elles n’ont pas gérée et qui se prolonge à l’âge adulte à cause du silence de notre société à la dénoncer.

 

Toute une légende noire sur le traitement qu’ont et auraient fait subir la science et la médecine légale aux personnes homosexuelles circule et sert à beaucoup d’entre elles à nier leurs blessures psychiques. Elle serait totalement absurde si elle ne s’appuyait pas sur un substrat de réalités passées (traitements par castration, électrochocs, injections d’hormones, chimiothérapies, lobotomies, pratiqués sur certains patients « invertis », notamment pendant la Seconde Guerre mondiale) et présentes (les thérapies comportementales, les groupes de parole pour « guérir les homos », l’inhumanité de quelques médecins d’hôpitaux, l’acharnement thérapeutique d’un certain milieu psychiatrique). Face à ce qu’elles décrivent comme une dictature scientifique (parfois à raison quand la science rejoint l’inhumanité et cherche à réduire l’Homme a une équation mathématique, souvent à tort quand la médecine se bat concrètement pour la vie), elles invitent à la désobéissance dans une joie transgressive et une folie indécidable, quitte à forcer un peu leur côté psychotique pour piéger leur monde : « Vive ce qu’ils nomment régression ! L’homosexualité a toujours été la plus spontanée des attirances. » (Karin Bernfeld, Apologie de la Passivité (1999), p. 30)

 

MILIEU PSYCHIATRIQUE Freud

Sigmund Freud


 

À dire vrai, il est assez étrange de découvrir cette hostilité quasi-généralisée des personnes homosexuelles envers la communauté scientifique. Si nous reprenons par exemple les mots de Sigmund Freud concernant l’homosexualité, on devrait plutôt y voir une bouffée d’air pur : « L’homosexualité n’est ni un vice, ni un avilissement et on ne pourrait la qualifier de maladie ; nous la considérons comme une variation de la fonction sexuelle, provoquée par un arrêt du développement sexuel. » (cf. un extrait d’une lettre de Freud adressée, le 9 avril 1935, à une femme nord-américaine inquiète pour son fils) Freud n’a jamais figé l’homosexualité en orientation sexuelle permanente, ni même en pathologie, puisqu’il soutient que tout Homme fait un choix d’objet homosexuel à un moment ou un autre de sa vie fantasmatique. Dans ses Trois essais sur la théorie de la sexualité (1905), il signale que la conduite homosexuelle n’est pas « quelque chose de rare, ni de particulier, mais une partie de la constitution individuelle dite normale ». Cependant, en décrivant l’homosexualité comme un stade sexuel transitoire, un inachèvement psychosexuel humain, il ne l’a pas, au goût de beaucoup de personnes homosexuelles, assez pathologisée, normalisée, ou bénie. Certaines aimeraient inconsciemment que la psychanalyse range le désir homosexuel dans la liste des perversions (inceste, zoophilie, exhibitionnisme, sadomasochisme, etc.), alors que celle-ci insiste d’une part pour prendre le mot « perversion » dans son sens uniquement psychanalytique – c’est-à-dire d’envers de la névrose, d’absence de contrôle des pulsions, et non dans le sens moral du « plaisir dans le mal » – et d’autre part pour ne pas amalgamer les perversions entre elles. Tandis qu’elles demandent d’être mises à l’abri de toute blessure psychique et qu’elles moralisent la maladie en général, elles rêvent qu’on les considère comme des cas pathologiques incurables du fait qu’elles soient/désirent être, de par leur désir homosexuel, souvent plus fragilisées psychiquement que d’autres. En effet, la plupart des personnes homosexuelles ont une expérience précoce de la pathologie et de la maladie psychique. Il n’est pas rare qu’elles aient eu à porter la dépression de l’un de leurs parents quand elles étaient petites. Du point de vue déjà uniquement du fantasme et des images, le milieu psychiatrique les attire énormément et revient comme un leitmotiv dans leurs œuvres. C’est pourquoi beaucoup d’entre elles expriment, comme leur star, leur peur de devenir folles, en trouvant une jouissance secrète dans l’hypocondrie. Leur récupération du stigmate pour se définir en tant que « folles » n’est pas qu’un jeu : elle est parfois un témoignage de vie. De nombreux sujets homosexuels sont/ont déjà été internés en hôpital psychiatrique, et dans notre entourage relationnel, il n’est absolument pas rare d’en croiser beaucoup qui sont névrosés, voire psychotiques, drogués, alcooliques, mythomanes, cleptomanes, schizophrènes, suicidaires, dépressifs : « Les problèmes de déprime concernent 59,2% des femmes et 36,4% des homo-bisexuel-le-s de 18-69 ans (versus 31,7% et 17,5% chez les personnes hétérosexuelles du même âge). » (Nathalie Bajos et Michel Bozon, Enquête sur la sexualité en France (2008), p. 262). Que cette fragilité s’explique par des facteurs exogènes et des circonstances largement atténuantes (enfance difficile, oppression sociale, situation familiale complexe, viol, inceste, etc.) ne remet pas en question le fait que bien des personnes homosexuelles nécessiteraient un accompagnement médical, des lieux d’écoute, un suivi psychologique sérieux. Heureusement, pour la majorité des membres de la communauté homosexuelle, un simple entourage amical de qualité suffit. Mais c’est celui-ci qui fait généralement défaut !

 

Je crois qu’il n’y a pas à banaliser la blessure, le trouble intérieur et la déchirure que constitue pour tout être humain l’éloignement de la source de sa propre existence – la différence des sexes –, différence qui est le socle du Réel et, quand elle est vraiment accueillie librement et dans l’amour, le socle du plus grand Amour humain possible (servi par le mariage femme-homme aimant ou le célibat consacré). En effet, le désir homosexuel se caractérise par un fait objectif : la fuite, la peur et l’éjection de la différence des sexes. Le reconnaître n’enferme pas les personnes dans le phénomène désirant qu’elles ressentent vraiment, mais au contraire leur permet de le mettre à distance d’elles, et même parfois d’en sortir. Il y a des peurs fondées, d’autres peu fondées (même si toute angoisse par rapport à la sexualité et tout fantasme de viol, ne reposant pas systématiquement sur l’expérience d’un viol, indiquent au minimum un effondrement narcissique de la personnalité, une phase de dépression). Il y a des peurs surmontables, d’autres dans un temps humain plus difficilement surmontables. Mais dans tous les cas, un accompagnement de la fragilité psychique est toujours possible, souhaitable, et souvent fécond s’il est orienté vers une reconnaissance de la beauté de la différence des sexes et de la différence Créateur/créatures.

 

Parmi les personnes homosexuelles, les plus lucides se reconnaissent volontiers névrosées ou psychotiques, car elles ont compris que leur désir homosexuel n’était pas totalement étranger – ni totalement lié ! – à une névrose ou une pathologie personnalisable, mais qu’il était par nature névrogène. Ceux d’entre vous qui ont vécu l’expérience d’encadrement des groupes de personnes handicapées (je l’ai vécu moi-même) ont pu constater qu’il n’était pas inhabituel de voir des cas d’homosexualité chez les personnes trisomiques. Il me semble que cela n’a absolument rien d’insultant de faire remarquer les liens existants entre désir homosexuel et trisomie (… à moins, bien sûr, de considérer la trisomie 21 comme une tare honteuse, ce qui n’est pas mon cas). Les personnes trisomiques nous montrent que le désir homosexuel peut toucher des catégories de personnes plus fragiles que d’autres et qui ont besoin d’être particulièrement épaulées. Beaucoup de personnes homosexuelles refusent de reconnaître le caractère névrogène ou pathologique du désir homosexuel parce qu’elles désirent tout simplement nier leurs fragilités. Et c’est ainsi qu’en 1973, un certain lobby homosexuel nord-américain parvient à faire rayer l’homosexualité de la liste des déviations et troubles mentaux de l’OMS. Mais depuis quand vote-t-on qu’une fragilité psychique n’en est plus une par voie référendaire et pour faire plaisir à une minorité d’individus qui a honte de ce qui n’est qu’humain ? Le désir homosexuel est signe d’une blessure, réelle ou fantasmée. Il n’y a donc pas à se bander les yeux devant elle ni à jouer les démagogues, même au nom de la solidarité ou de la compassion.

 

Beaucoup d’individus homosexuels reprochent finalement à la science d’avoir dévoilé des vérités improbables (notamment que le désir homosexuel traduit une souffrance, un arrêt du développement psycho-sexuel et une non-résolution du complexe d’Œdipe) et de les avoir détournées en concepts moralisants (« Les homosexuels sont tous immatures et ont tous une mère possessive ou un père absent »), parce qu’eux-mêmes ont opéré ces détournements en mettant le savoir scientifique sur un piédestal sans même chercher à le comprendre.

 
 

N.B. : Je vois renvoie également aux codes « Drogues », « Folie », « Appel déguisé », « Homosexuels psychorigides », « Matricide », « Médecines parallèles », « Mère possessive », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Viol », « Désir désordonné », « Cour des miracles », « Bobo », « Doubles schizophréniques », « Médecin tué », « Infirmière », « Déni », « Violeur homosexuel », « Frankenstein », « Milieu homosexuel infernal », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Liaisons dangereuses », « Oubli et Amnésie », « Sommeil », « Substitut d’identité »,  à la partie « Cruella » du code « Reine », à la partie « Criminel homosexuel » du code « Homosexualité noire et glorieuse », à la partie « Suicide » du code « Mort », et à la partie « Prison » du code « Entre-deux-guerres » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La peur de devenir fou :

C’est très étrange. Souvent dans les fictions homo-érotiques, le héros homosexuel a peur de ne pas maîtriser sa folie (= ses pulsions, ses sentiments, ses passions, ses idolâtries, son fantasme d’être fou, etc.) et l’exprime : « Si tu savais comme j’aimerais ne plus savoir ce que je dis, d’être folle. » (Marie Lou, la mère, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « C’est héréditaire, la folie. » (Carmen s’adressant à sa sœur Manon, idem) ; « J’ai peur de devenir folle, et d’ailleurs je me rends folle en guettant les symptômes. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 403) ; « Tu crois que je perds la tête ? » (Marilyn, l’héroïne lesbienne de la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco) ; « Est-ce que je deviens fou ? » (Cyril, le héros internaute du roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 42) ; « Qu’est-ce qu’il y a ? J’suis fou. J’suis un malade. » (Steeve dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays) ; « Fou ? Je deviens fou ? » (le héros dans la pièce Des Lear (2009) de Vincent Nadal) ; « J’ai peur de devenir folle. Toutes les nuits je rêve qu’on me viole. » (cf. la chanson « Les Adieux d’un sex-symbol » de Stella Spotlight dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Qui croire ? Et si je devenais folle, à l’image de mon père dont le cerveau se détériore lentement. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, pp. 186-187) ; « Je savais que j’étais devenu fou. » (Garnet Montrose, le héros homosexuel du roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 161) ; « Pendant le trajet de Pau à Paris, il a cru qu’elle devenait folle. » (André Gide, Les Faux-Monnayeurs (1997), p. 63) ; « Vous êtes bon pour la psychiatrie, la seule issue pour échapper au tragique, à cette folie qui vous guette. » (le narrateur homosexuel parlant de lui en se vouvoyant, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 206) ; « Voilà que je perds la boule. Ma santé mentale m’inquiète. D’où me vient cette brusque envie d’absolu, d’irréel, d’unique qui ne peut trouver un écho que dans la mort ? » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 16) ; « Je deviens fou ! Je suis malade. La vodka rend hétéro. » (Pierre, le héros homosexuel qui était à deux doigts de virer sa cuti, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Parfois, je crois que je suis fou. Je ne vois pas les choses comme les autres. » (Kenny dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford) ; « Tu crois que c’est douloureux d’être fou. J’ai peur de ce que j’ai à l’intérieur. » (Cherry s’adressant à son amante Ada dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; etc.

 

Même entre personnages homosexuels, ils se renvoient leur propre impression de folie. Ironiquement… mais pas que. Certains s’inquiètent en voyant l’attitude bizarre de leurs potes ou de leurs amants. « Putain, mais Cody, t’es folle. C’est dingue, ça. » (Mike s’adressant à son ami nord-américain efféminé Cody, qui s’est laissé violer et voler par un amant de passage, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 111) ; « T’as l’air d’une rescapée de la rue sainte Anne. » (André, homo, s’adressant à Adrien son pote aussi homo, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion) ; « Il en a sacrément besoin, du psy. Il est tordu en spirales ! (Laurent Spielvogel imitant Marie-Louise la femme de ménage noire lesbienne parlant de lui, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « Tu as tendance à avoir des obsessions bizarres. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 119) ; « Nom de Dieu ! On croirait entendre une folle. » (Tielo s’adressant à Jane, idem, p. 186) ; « Ne l’écoutez pas, elle est folle. » (Anna s’adressant au père Walter face à Jane, idem, p. 209) ; « Certaines femmes enceintes sont sujettes à des troubles. Cela les rend vulnérables à des délires paranoïaques. C’est un état temporaire, mais cela peut être perturbant pour elles, et pour ceux qui les entourent. » (le Docteur Mann s’adressant à Jane, idem, p. 226) ; « Pauvre tarée. » (Alban Mann, idem, p. 233) ; « Elle est folle ! » (Elizabeth insultant Kena parce qu’elle a découvert que celle-ci était lesbienne, dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu) ; « Il est clair, Trudi Hobson, que tu es folle comme un âne. » (Doris, l’héroïne lesbienne de la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, face au plan machiavélique de vengeance orchestré par sa rivale) ; « C’est un être dangereux, particulièrement déséquilibré. » (Helmer parlant de Thomas le héros homosexuel, dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields) ; « Nina a repéré ton côté pervers polymorphe. » (Lola s’adressant ironiquement à Vera, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Je crois que vous êtes malades toutes les deux. » (Nina l’héroïne lesbienne se faisant manipuler par le couple lesbien Vera/Lola, idem) ; etc. Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael traite son ami homo Emory de « folle saoule ». Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire et Joséphine se qualifient mutuellement de folles. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dépeint les différentes catégories d’homos qu’il a identifiées dans la communauté LGBT, dont « les hystériques ». Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, la folie est considérée comme un rempart à l’acte violent et à la responsabilité de celui-ci : en effet, quand les spectateurs découvrent que Daphnée a tué son bébé, Luc, l’un des héros homosexuels, lui conseille de simuler la folie pour ne pas être inculpée par la police : « Il faut te faire passer pour folle. Tu as compris ? » ; cette dernière se force à l’intégrer (preuve de sa grande folie !) : « Je suis devenue folle, bon, je suis devenue folle. » Dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, Prior, le héros homosexuel, n’arrête pas de dire qu’il devient fou. Dans la série Hit & Miss (2012) d’Hettie McDonald), Mia, le héros transsexuel M to F, s’entend dire : « T’as un grain. » Et c’est en effet un tueur en série. Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homo qui n’assume pas son homosexualité au moment où il se découvre amoureux d’une femme, Ana, fait passer son futur « mari » Antoine pour son demi-frère, pour un suicidaire parce que sa mère serait morte et qu’il se ferait suivre par un psychiatre.

 

C’est souvent la vie quotidienne de couple homo qui rend le héros fou. Il arrive à ce dernier de reprocher à sa « moitié » son propre état de folie ou ses élans frénétiques : « C’est moi que tu devrais rendre marteau. » (Laurent par rapport à son amant André, avec qui il a vécu pendant 10 ans, dans le film « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; « Tu es devenu fou, Dorian ! » (Basile, l’amant de Dorian, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « T’es folle ! T’es folle ! Faut raccrocher ! » (Anna s’adressant à son amante Cassie sur un chat, dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin) ; « Je perds la tête. » (Ninette, l’héroïne lesbienne de la pièce Three Little Affairs (2010) d’Adeline Piketty) ; « Stephen… Je pense parfois que nous avons été pis que folles. J’ai dû être folle pour vous avoir permis de m’aimer ainsi. » (Angela s’adressant à son amante Stephen, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 233) ; « Je crois que cette fille elle-même est à demi folle. » (Angela en parlant de Stephen, idem, p. 261) ; « Hôpital Sainte Anne, bonjour ! » (Benjamin, vivant dans le même appartement que son amant Pierre, et blaguant à l’interphone, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; etc. Par exemple, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Dotty, l’héroïne lesbienne dit à sa compagne Stella qu’on l’a forcée à partager une chambre de maison de retraite « avec une folle » pour « assurer la transition » avec trente ans passés avec elle. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William, le héros homosexuel, est dépressif, fait des crises de tétanie et d’angoisse depuis qu’il est petit (ça ressemble à des crises d’épilepsie), est fragile psychologiquement et a des tendances suicidaires (parce qu’il ne supporte pas les absences de son amant négligent Georges) : d’ailleurs, ses chantages amoureux prennent des allures de tragédie grecque.

 

La peur de la folie chez le héros homosexuel laisse vite place à la terreur psychorigide. Le fou n’accepte pas de s’entendre dire sa fragilité psychique. « Aucune déraison, je suis dans la peau d’une autre. » (cf. la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer) ; « Il est un peu taré votre copain Américain ! Il m’a dit que l’homosexualité était une maladie psychiatrique. » (Vianney, l’un des héros homosexuels, parlant de Cody, homo aussi, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 95) ; etc. Il lui arrive de rentrer alors dans une colère disproportionnée (qui prouve d’ailleurs à son insu sa folie). Le fou, c’est toujours l’autre ! Voilà bien l’extériorisation du mal, typique de la névrose (le moins malade est toujours celui qui s’accepte un peu malade de par sa condition humaine). Par exemple, dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, Bruno ne supporte pas d’être traité de fou par Guy… parce qu’en réalité, il l’est réellement. De même, dans le film « Psychose » (1960) d’Alfred Hitchcock, Norman Bates saute presque à la gorge de Marion Crane quand celle-ci laisse sous-entendre qu’il puisse être un peu dérangé et vicieux. Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine et Carole, les deux amantes lesbiennes féministes, vont prêter main forte à leur amie lesbienne Adeline pour kidnapper Guitou, son ami homo interné en hôpital psychiatrique par ses parents parce qu’il est homosexuel (lobotomies, électrochocs, etc.). Au moment de le délivrer, elles se battent à la bombe lacrymo contre le personnel de l’asile. Dans la série Manifest (2018) de Jeff Rake (épisode 4, saison 1), Thomas, le petit ami de Léo, est interné en hôpital psychiatrique, du fait de son homosexualité mais également parce qu’il a fait partie des passagers du mystérieux vol 828, et tous le prennent pour un fou.

 

Norman Bates dans le film "Psycho" d'Alfred Hitchcock

Norman Bates dans le film « Psycho » d’Alfred Hitchcock


 
 

b) Le trouble psychologique ou psychiatrique :

Le personnage homosexuel, à force de vivre dans l’angoisse de perdre la tête, finit par devenir fou (il est parfois interné en hôpital psychiatrique). Les films homo-érotiques parlant de protagonistes homosexuels tourmentés psychiquement sont légion : cf. le film « Les Orages d’un été » (1996) de Kevin Bacon, le film « Sling Blade » (1996) de Billy Bob Thornton, le roman À ta place (2006) de Karine Reysset (avec Chloé, l’héroïne lesbienne internée), le film « La Chair de l’orchidée » (1974) de Patrice Chéreau, le film « Le Jour des idiots » (1981) de Werner Schroeter, le film « Philadelphia » (1993) de Jonathan Demme, le roman La Folie en tête (1970) de Violette Leduc, le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues, le roman Quand je suis devenu fou (1997) de Christopher Donner, le film « Psychocops » (1988) de Wallace Potts, la pièce Non, je ne danse pas ! (2010) de Lydie Agaesse, le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, le one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, la chanson « Forever Young » d’Alphaville, le roman Le Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig, le film « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman (avec le personnage de Karin), la chanson « Laissez-moi vivre » du rappeur Monis, la chanson « Nobody’s perfect » de Madonna, les chansons « Chloé », « Maman a tort », « Psychiatric » (avec l’extrait du film « Elephant Man » de David Lynch) et « Effets secondaires » de Mylène Farmer, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, la chanson « Papa m’aime pas » de Mélissa Mars, « Hush ! » (2001) de Ryosuke Hashiguchi, la pièce Antigone (1922) de Jean Cocteau, le film « Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Élia Kazan (avec le personnage de Blanche), le film « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) d’Alfred Hitchcock (avec le personnage de traumatisée de Marnie), le film « Cat People » (« La Féline », 1942) de Jacques Tourneur (avec Irena la tourmentée), la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec le personnage d’Harper), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz (avec Catherine, enfermée dans un hôpital psychiatrique), la série Dante’s Cove (2006, saison 2, avec le personnage de Michelle), la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone (avec Vielkenstein tout droit sorti de l’asile), la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti (Virginie est parti en HP après avoir été violée), la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, la pièce Le Jardin des Dindes (2008) de Jean-Philippe Set (où il est question de la dépression), le film « Dead Ringers » (« Faux Semblants », 1988) de David Cronenberg, le film « Farinelli » (1994) de Gérard Corbiau, le film « La Révolution sexuelle n’a pas eu lieu » (1998) de Judith Cahen, le film « Memento Mori » (1999) de Kim Tae-yong et Min Kyu-dong, le film « The Others » (« Les Autres », 2001) d’Alejandro Amenábar, le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz (avec le héros homo dépressif Maxime), le film « Outrageous ! » (1977) de Richard Benner, le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg (avec le personnage de Christian), le film « El Invierno De Las Anjanas » (1999) de Pedro Telechea, le film « Electrochocs » (2006) de Juan Carlos Claver, le film « À corps perdu » (1988) de Léa Pool, le roman Beatriz Y Los Cuerpos Celestes (1998) de Lucía Etxebarria (avec l’héroïne lesbienne en cure de désintoxication), le roman Le Jardin d’acclimatation (1980) d’Yves Navarre, le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard, le roman Son Frère (2001) de Philippe Besson, le film « El Mar » (2000) d’Agusti Villaronga, le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar, l’album « Mythomane » d’Étienne Daho, le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (avec Arlette internée dans un dispensaire), le film « Une petite zone de turbulence » (2009) d’Alfred Lot (avec Jean-Pierre, le père angoissé et paranoïaque interprété par Michel Blanc), la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier, le film d’animation « Les Douze Travaux d’Astérix » (1976) de René Goscinny et Albert Uderzo (avec le directeur efféminé de la « Maison qui rend fou »), le film d’animation « Alice au pays des merveilles » (1951) de Walt Disney (avec le Chapelier toqué très efféminé), le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie (avec Michel, le psychopathe homo refoulé), la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt (avec Francis, le héros homo en dépression), la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut (qui se déroule dans un asile psychiatrique), la pièce Home (2015) de David Storey, etc. Par exemple, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Virginia Woolf fait des dépressions nerveuses et est sujette à des hallucinations.

 

« Il va pas bien. Il va jamais bien, Duccio. » (Bernard, le héros homo parlant d’un de ses potes homos présent dans le public, dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo) ; « Encore une autre déprime. » (Kevin, le héros homosexuel de la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte) ; « Je vais me taper une putain de dépression. » (Stéphane, le héros homosexuel, après une rupture amoureuse, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « J’suis totalement dépressive ! » (la mère jouée par le comédien travesti M to F David Forgit, dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; « Oui, je le sais. Je suis malade. » (Adam faisant dans les larmes son coming out à sa sœur, dans le film « W imie… », « Aime… et fais ce que tu veux » (2014) de Malgorzata Szumowska) ; « Pierre est interné faire une cure de désintoxication. » (le narrateur homosexuel parlant de son amnt, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 94) ; « Tu es absolument paranoïaque. » (Michael, le héros homosexuel s’adressant à son colocataire gay Harold, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Nous sommes hystériques, obsessionnels et mégalomanes. » (Rudolf, l’un des héros homos s’adressant à ses deux autres potes homos, Gabriel et Nicolas, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « À la fin de la trilogie des frères Dardenne [« L’Enfant », « Le Fils » et « Rosetta »] , j’étais en réanimation à Robert Debré. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; etc.

 

Le délire que connaît le personnage homosexuel lui est parfois renvoyé par son entourage proche. Par exemple, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener, le père de Claire, l’héroïne lesbienne, n’arrête pas d’associer l’homosexualité (et ses dérivés) à une folie : « L’hétérosexualité montre bien la folie de ce monde ! » Il dénonce « la folie de cette société » et « la folie de ce gouvernement de merde » qui fait approuver des lois comme le « mariage pour tous ». Il traite sa fille Claire et sa compagne Suzanne de « deux folles ». Et lorsqu’elles lui annoncent qu’elles ont l’intention de se marier et d’avoir un enfant, il leur réplique : « Je ne suis pas totalement stupide. Je me doutais bien d’une folie de ce genre ! » Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, parce qu’elle est suspectée de lesbienne et qu’elle s’isole, Clara est traitée par ses camarades de « névrosée », de « pauvre tarée » : « Faut que t’ailles te faire soigner, ma pauvre fille ! » lui dira sa pote Séverine. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Dodo est considéré par Elsa comme un aliéné dans un hôpital psychiatrique, un handicapé, un fou qu’il faut prendre en pitié. Dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil, Tom, le fan de Mylène Farmer, est interné en hôpital psychiatrique à cause de sa pathologie. Le médecin chargé de le soigner pète un câble devant ce cas désespéré : « Quelle clinique de dégénérés ! »

 

La folie du héros homosexuel passe également par le débordement dévorant des pulsions dites « amoureuses », débordement qui confine au fanatisme et à la psychopathie du violeur : « Tu vois pas qu’elle est folle ? Elle aime tout le monde. » (Jean-Pierre s’adressant à sa femme Fanny par rapport à Catherine la bisexuelle qui s’ingère dans leur couple, dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat) ; « Ma cruauté, dans ces instants, me préparait à l’idée qu’un jour je n’aurais plus vraiment de limite et que mon ‘vice’ m’avalerait entièrement. Je combinais et raisonnais de plus en plus en fonction de lui, sentant bien que, quand j’étais dans ces étranges dispositions, en crise, comme on dirait, c’était lui qui déterminait tout ce que je pensais et faisais. J’avais imaginé un moment demander à la petite voisine de passer me voir afin de faire ensemble ce que je l’avais obligée à faire seule devant moi, sachant combien j’aimais à outrepasser la pudeur des autres, pour le plaisir que son viol me donnait. Cette envie ne me quittait pas, mais je devais résister, c’était trop risqué. […] J’avais peur de moi. Quand je sentais monter ce besoin de chair, peu m’importaient les moyens et la figure de celle qui me donnerait ce qu’il me fallait. […] Je voulais ma nuit avec une femme. » (Alexandra, la narratrice lesbienne au discours obsessionnel, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 56-57) ; « J’ai par instants une telle envie du féminin que nulle considération morale ne peut empêcher ce qu’il faut bien appeler mes folies. » (idem, p. 102) ; « J’étais comme folle, dans un état de désir frénétique. » (idem, p. 141) ; « Non seulement j’suis fou… mais en plus, je ne pense qu’à ça. » (Hervé Nahel lors de son concert au Sentier des Halles, le 20 novembre 2011) ; « Mais oui mon chaton, je t’aime comme une folle. » (la femme s’adressant à son mari homo dans la pièce Tu m’aimes comment ? (2009) de Sophie Cadalen) ; « Mais quand on tombe amoureux on devient tous un peu fous. » (Ahmed dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Je suis devenue folle. Je suis devenue flle de quelqu’un. Et c’était pas de toi. Je suis désolée, je suis vraiment désolée. » (Rachel, l’héroïne lesbienne désamparée face à son mari Heck, dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; etc.

 

Film "L'Inconnu du Nord-Express" d'Alfred Hitchcock

Film « L’Inconnu du Nord-Express » d’Alfred Hitchcock


 

Par exemple, dans le film « Bye Bye Blondie » (2011) de Virginie Despentes, Gloria et France se sont rencontrées dans un hôpital psychiatrique dans les années 1980. Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, Chloé, l’héroïne lesbienne hyper introvertie et internée en HP, souffre de « catatonie », une maladie se manifestant par un « état de passivité, d’inertie motrice et psychique, alternant souvent avec des crises d’excitation, caractéristique de la schizophrénie » (p. 43). Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, montre une grande fragilité psychologique. Il consulte d’ailleurs pléthore de psychanalystes, ingurgite plein de médicaments pour gérer sa dépression identitaire et amoureuse, suit des cures, essaie de se faire passer pour fou afin d’échapper au service militaire. Le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems démarre avec la narratrice transgenre F to M en camisole de force sur scène. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Franz cherche à appeler par téléphone l’« asile de fous » pour y faire interner son amant : « Lui, Leopold, il est fou !!! » Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Angelo s’est retrouvé enfermé en asile pour érotomanie ; en fan déçu, il a tenté de kidnapper Carla Bruni (« Il est dingo, genre Cannibal Lecter ? » s’interroge Kévin sur son compte) et est recherché activement par la police qui tente de l’interner en hôpital psychiatrique (d’ailleurs, lui-même compare la ville de Toulouse à un HP). Dans le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, la mère de Juliette dit que sa fille « est devenue folle » sans savoir que celle-ci est tombée amoureuse de sa prof de français et a des comportements anormaux (vol à l’étalage, maquillage, etc.). Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, Vicky Fantômas a été enfermée à Sainte-Anne (« On lui faisait des électrochocs et on la laissait ressortir au bout de deux ou trois mois. ») et à l’Assistance publique, elle a poignardé sa voisine de lit à l’âge de treize ans. Plus tard, cette folle furieuse (qui est le double fantasmé et transgenre de son auteur) a été victime d’un attentat qui l’a défiguré, et on l’a soupçonnée d’être la terroriste qui transportait la bombe. Dans le film « Dressed To Kill » (« Pulsions », 1980) de Brian de Palma, le tueur psychopathe transgenre M to F est atteint d’un dédoublement de personnalités. Dans le film « Il ou Elle » (2012) d’Antoine et Pascale Serre, Florent Hostein s’habille en femme régulièrement et il a subi plusieurs internements en hôpital psychiatrique. Dans le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann, Rovo, le « fou » du village, sort avec Abram : il est allé à l’asile psy… et y finira ses jours. Dans le téléfilm « Prayers For Bobby » (« Bobby, seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy, Bobby, le héros homosexuel suicidaire, a de visions de lui dans un hôpital glauque. Dans le film « Joe + Belle » (2011) de Veronica Kedar, Joe est une jeune trafiquante de drogue, lesbienne, et qui vient de sortir d’un établissement psychiatrique. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Gabriel, l’homosexuel dépressif, émotif et efféminé, est « en travail » avec sa psy depuis plus de dix ans. Dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm, la première image que nous voyons d’Emmanuel, l’un des séminaristes, noir et homosexuel, c’est celle où, face au psychiatre de la clinique où il est interné pour dépression lourde (« Vous sortez d’une dépression grave. »), il exprime son désir de devenir prêtre et de rentrer au séminaire. Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, finit par être interné dans un hôpital psychiatrique. C’est sa mère qui, contre toute attente, finit par s’en débarrasser et par « le placer » par surprise, car lui nie complètement sa pathologie : « J’irai pas dans un hôpital. Je suis pas fou! » Dans la pièce The Mousetrap (La Souricière, 1952) d’Agatha Christie (mise en scène en 2015 par Stan Risoch), Christopher Wren, le héros homosexuel, est présenté comme un jeune homme souffrant d’« instabilité mentale, ayant « déserté l’armée », « mentalement perturbé » et hyperactif. Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, le jeune gay Fabien s’achète des anti-dépresseurs. Dans la pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas, Maryline, l’héroïne bisexuelle, prof d’arts plastique, fait un burn out puis une cure suite à sa dépression. Elle avoue elle-même : « J’ai toujours attiré les dingues et les malades… à moins que ce ne soit l’inverse et que ce soient eux qui m’attirent. »

 

Film "Suddenly Last Summer" de Joseph Mankiewicz

Film « Suddenly Last Summer » de Joseph Mankiewicz


 

C’est parfois le milieu homosexuel qui est (décrit) comme un hôpital psychiatrique (par le héros homosexuel) : « Bonsoir mes amis dépressifs ! » (la figure de Mylène Farmer s’adressant à son public homo, dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque) ; « J’ai pas l’impression d’être ancré dans la réalité ici. J’suis chez les dingos !! » (Monsieur Alvarez par rapport à l’agence immobilière tenu par Damien, le héros transgenre M to F, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; « Je suis bien ici avec mes malades. » (la psychiatre de l’hôpital de Marchenoir, dans le roman Le Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 157) ; « Hôpital psychiatrique, staliniste politique. » (cf. la chanson « Dizzidence Politik » du groupe Indochine) ; « On est tous des imbéciles. On est bien très bien débiles. » (cf. la chanson « On est tous des imbéciles » de Mylène Farmer) ; « Ben oui ! Tout le monde sait qu’y tiennent des camisoles de force dans tou’es théâtres du monde ! » (le narrateur homo s’adressant à sa mère en parlant des opéras très fréquentés par les homos, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 42) ; etc. Par exemple, la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet choisit comme cadre un asile où sont enfermées que des femmes folles : « Au fin fond d’une forêt, des personnes sont enfermées dans un hôpital psychiatrique. » (voix-off prononçant l’incipit) Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Jack dit de son amant Paul qu’il ne tourne pas rond : « Les détraqués de ton espèce… » Dans son one-(wo)man-show Madame H. raconte la Saga des Transpédégouines (2007), Madame H. (travesti M to F) fait allusion au phénomène généralisé de la dépression chez les individus homosexuels. Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, les quatre protagonistes homosexuels décrivent « les gays » comme « des cinglés, pour pas dire déréglés ».

 
 

c) L’antécédent familial : la mère folle

Film "The Goonies" de Richard Donner

Film « The Goonies » de Richard Donner


 

La folie qui submerge certains héros homosexuels semble être précédée par la folie ou la dépression de leur mère (plus la mère cinématographique ou fantasmée que la mère biologique réelle). On retrouve la maman folle (ça peut être la fameuse « fille à pédés ») par exemple dans le film « Serial Mother » (1994) de John Waters, la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset (avec Irène), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, le film « Ma Mère » (2003) de Christophe Honoré, le roman Los Cascabeles De Madame Locura (1916) d’Antonio de Hoyos, le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol (Madeleine, l’héroïne surnommée « la vieille folle »), la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo (avec la mère droguée et dépressive de Giulia, l’héroïne lesbienne), le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, le film « Un beau jour, un coiffeur… » (2004) de Gilles Bindi, la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi (avec Daphnée, la mère indigne et infanticide internée en clinique psychiatrique), le film « Female Trouble » (1975) de John Waters, le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, le film « Les Frissons de l’angoisse » (1975) de Dario Argento, le film « Pourquoi pas ! » (1977) de Coline Serreau, le film « Emporte-moi » (1998) de Léa Pool (avec le personnage d’Hanna), le téléfilm « Sa Raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand (avec Hélène), le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala, le film « Juste un peu de réconfort » (2004) d’Armand Lameloise, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand (avec la mère de JP), le film « Hazel » (2012) de Tamer Ruggli (avec la mère obsessionnelle et au bord de la crise de nerfs), le film « Diva Histeria » (2006) de Denis Gueguin, le film « La Mujer Sin Cabeza » (« Une Femme sans tête » (2008) de Lucrecia Martel, le film « Belle Salope » (2010) de Philippe Roger, la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov (dans l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1, Karma et Amy présentent chacune de leur mère comme un « cas »), la chanson « Maman est folle » de William Sheller, etc.

 

« Ma mère a fait une dépression nerveuse et on l’a fait soigner. » (Ahmed dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Ma mère est devenue folle parce que mon père buvait trop. » (cf. la chanson « Banlieue Nord » de Johnny Rockfort dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Sacrée, ma mère dans son hôpital psychiatrique. » (cf. une réplique de la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg) ; « Dans la famille Maboule, je voudrais la grand-mère. » (Micka jouant au Jeu de 7 familles avec ses amis, dans le film « Far West » (2003) de Pascal-Alex Vincent) ; « Depuis sa dernière lobotomie ma mère n’est plus la même. » (« L. », le héros transgenre M to F, de la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Je suis trop folle pour un garçon dans ton genre. » (Chloé s’adressant à Martin, le héros sur qui pèse une forte présomption d’homosexualité, et dont la mère de celle-ci est en dépression, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Cette capacité à passer de l’hystérie à la douceur maternelle… » (Elliot par rapport à Preciosa dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen) ; « Il faut qu’on s’occupe de la vieille folle ! » (Angelo par rapport à la mère de Kévin, le héros homo, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « Moi, j’en suis à ma troisième dépression nerveuse. » (la mère de François, le héros homo, dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Elle se dit à mi-voix : ‘Je suis folle… […] Pareille à une folle, elle disait des mots et Péliou dressait les oreilles, croyait qu’elle lui parlait. » (Félicité, la mère du protagoniste, dans le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, pp. 66-68) ; « Ma mère est déjà folle. » (Alicia dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio) ; « Ma mère est sourde et folle depuis la crise. » (Eugène, le tailleur homosexuel de la pièce Casimir et Caroline (2009) d’Ödön von Horváth) ; « J’ai cru que j’allais devenir folle. Complètement folle. » (la femme de Daniel par rapport à l’homosexualité de son mari dans la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely) ; « Ma mère est littéralement en train de perdre la tête. » (Randall dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 229) ; « T’es complètement Alzheimer. » (Hubert, le héros homo s’adressant à sa mère dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan) ; « Le comportement de la mère était irrégulier. » (le narrateur homosexuel dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 48) ; « Je ne suis pas folle ! » (la mère cyclothymique d’Evita, dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « T’es complètement folle en fait. » (Roberto, le transsexuel M to F s’adressant à sa mère lesbienne Alba dans la pièce Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet) ; « Elle est toujours aussi hystérique, ma folle de mère ? » (idem) ; « Je ne suis pas folle, vous savez. Bonsoir ! » (la parodie d’Isabelle Adjani jouée par Florence Foresti dans l’émission On n’est pas couché sur France 2, parodie très appréciée des personnes homosexuelles) ; « Elle est chtarbée, putain… » (Steve, le héros homosexuel, parlant de sa mère Diane, dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan) ; « Je suis en train de devenir folle. » (Diane, idem) ; « Elle est folle. » (Yoann, le héros homosexuel, à propos de Solange, la belle-mère, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « Elle a craqué, maman. » (idem) ; « Je suis déprimée. » (la mère de Luce, l’héroïne lesbienne du film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; « Est-ce que je fais de la dépression, moi ? Pourtant, j’aurais de quoi avec le mari que j’ai…[…] Dépressive ? Je ne suis pas dépressive. J’ai pas le temps d’être dépressive. » (Laurent Spielvogel imitant sa mère s’adressant à lui et qui radote comme une folle, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « La mienne est folle. » (Marc, le héros homo parlant de sa mère, dans le film « Jongens », « Boys » (2013) de Mischa Kamp) ; « Eh bien moi j’ai raté l’ENA. Maman était folle… » (Yvan Burger incarne un soldat de l’armée homosexuel, dans le sketch « La Corvée de pluche » (1983) des Inconnus) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, la mère d’Henri, le héros homosexuel, se montre insupportable car elle n’arrête pas de bavarder – c’est un disque qui tourne à vide – et de brimer son fils, reportant ainsi ses propres angoisses sur lui. Dans le roman Deux Garçons (2014) de Philippe Mezescaze, Philippe, pour fuir la folie de sa mère, arrive à La Rochelle et s’installe chez sa grand-mère. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Camille (interprétée par Catherine Deneuve) est une mère un peu psychopathe, qui a du mal à accepter la mort de son fils, et qui transpose complètement la vie de Matthieu sur celle de son tueur, Franck. Ce dernier finit par s’en inquiéter : « Vous êtes complètement… » Dans le roman Courir avec des ciseaux (2007) d’Augusten Burroughs, la mère d’Augusten, le héros homosexuel (double de l’auteur), est décrite par son fils comme une « mère complètement psychotique ». Dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann, Robbie décrit sa mère comme « une vieille à moitié folle ». Dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, la mère de Paul a fait une dépression très grave. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, quand Bryan dit à Stéphanie que sa propre mère est folle, elle lui rétorque que « c’est lui qui l’a rendu folle » (p. 180). Dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (épisode 1 de la saison 2), Guillaume, l’un des héros homos, a une mère babos et bobo complètement illuminée, refusant de vieillir, ayant été quitté par son mari, voulant fuir en Inde, et ne voulant pas que son fils s’en aille au séminaire et la laisse « comme une vieille folle avec ses anti-dépresseurs« . Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, a une mère qui se drogue, pique des colères homériques, lui soutire de l’argent, est complètement paumée psychologiquement. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Glass, la maman de Phil le héros homo, a fait un « séjour à l’hôpital ». Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Grace, la mère de John le héros homo, est alcoolique, fantasque, et part dans ses délires car elle est en dépression.

 

La folie de la mère peut être l’autre nom de l’amour incestuel voire homosexuel que la génitrice maintient avec sa fille ou son fils homo. Par exemple, dans l’épisode 506 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 12 juillet 2019 sur TF1, la relation entre Anne-Marie, la mère homophobe, et sa fille lesbienne Sandrine semble être passionnelle, amoureuse. « À cette époque, j’étais folle d’elle, contrairement à ce qu’on pouvait croire. » (Anne-Marie).
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La peur de devenir fou :

Essai Psychiatrie et homosexualité de Malick Briki

Essai Psychiatrie et homosexualité de Malick Briki


 

Les personnes homosexuelles ne s’auto-désignent pas « folles » ou queer pour des prunes ! La pathologie ou la folie exerce sur elles une fascination mêlée de peur, parce qu’elles ne la maîtrisent pas autant qu’elles se l’imaginent : « Je travaille à ma ‘Folie’ qui risque dans ce dévidage du délire de devenir un peu trop ce qu’elle a toujours prétendu être. » (cf. une lettre de Michel Foucault à un ami, le 22 novembre 1958) ; « Tu vois. Je marche vraiment sur la tête. Je sais pas comment te dire. » (Thérèse, femme lesbienne de 70 ans, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « J’avais peur d’être fou. » (Allen Ginsberg dans le biopic « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman) ; « Ce que je redoute le plus avec ce syndrome XXY, c’est que si je prends pas d’hormones, je deviens fou, un danger envers les autres et moi-même. » (Vincent Guillot, militant intersexe, dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018) ; « Je rêve parfois que je n’ai plus ni hanches, ni fesses, ni jambes. Ma folie ne va pas jusque-là. » (personne intersexe qui se fait appeler « M », idem) ; etc. Par exemple, Virginia Woolf a vécu toute sa vie dans la crainte de devenir folle, si bien qu’elle décida d’arrêter son calvaire en se suicidant le 28 mars 1941. À la fin du documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan, l’homme transsexuel M to F Bambi avoue avoir peur de vivre des « crises de folie ».

 

N’oublions pas non plus qu’à l’origine, le mot et le concept d’« homosexualité » (en tant qu’identité de personne et en tant que « couple d’amour ») est un pur produit de la psychiatrie et de la médecine légale de la fin du XIXe siècle. Les individus homosexuels d’aujourd’hui et d’hier, ou ceux qui se présentent comme « hétéros gay friendly » rentrent complètement dans ce jeu déshumanisant, froid et homophobe de la psychiatrie post-moderne puisqu’ils placent tous leurs espoirs sur l’endocrinologie, la sociologie, la génétique, la psychiatrie, la psychologie, l’anthropologie, l’historiographie, afin de rechercher les « causes » de l’homosexualité ou de prouver qu’elle n’est pas un choix, qu’elle serait « naturelle » et donc non-modifiable.

 
 

b) Les liens concrets entre désir homosexuel et pathologie :

Quelques dates-clés. L’Association psychiatrique américaine – en lien avec OMS (Organisation Mondiale de la Santé) – décida en 1973 de rayer l’homosexualité de sa liste des désordres mentaux (la France fera de même en 1992). En 1987, l’APA (l’Association des Psychiatres Américains) fit disparaître pour l’homosexualité la nomination de perversion pour la remplacer par celle de paraphilie. Sur le territoire français, la transidentité – tout comme l’homosexualité jusqu’en 1981 – a été classée comme pathologie mentale avant d’être rayée de la liste des maladies psychiatriques par décret le 10 février 2010.

 

Parce qu’on n’a pas voulu stigmatiser les personnes homosexuelles et qu’on leur voulait du bien, du jour au lendemain, les organismes scientifiques internationaux ont décrété que nous ne souffrions plus du tout ! Ils sont passés d’un extrême à l’autre. Est-ce aussi simple ? Peut-on décider, parce qu’on veut le bien de la personne, de nier sa souffrance, et donc une part importante de sa personne ? Je ne crois pas. Bien sûr, il n’y a pas à enfermer les gens dans leurs blessures ni les réduire à celles-ci. Mais le véritable accueil de la personne passe par la reconnaissance aussi de ses blessures, si elle en a vraiment.

 

Le déni bien intentionné ou politisé de la pathologie qu’est le désir homosexuel non seulement ne règle pas les problèmes des personnes homosexuelles, mais en plus, en rajoute une couche. Dès qu’on se penche sur la plaie de l’homosexualité, on hallucine de voir que beaucoup d’entre elles sont au fond du trou ou du désespoir. Effectivement, beaucoup de personnes homosexuelles ont été internées à l’hôpital psychiatrique et souffrent, sinon de pathologies, au moins de névroses prononcées : Andy Warhol, Malcolm Lowry, Raúl Gómez Jattin, Serguei Esenin, Carson McCullers, Vaslav Nijinski, Stéphan Desbordes-Dufas, Louis II de Bavière, Ted Smith, Paul Verlaine, Virginia Woolf, Gribouille, Allen Ginsberg, Violette Leduc, Maurice Rostand, Jane Bowles, Salvador Dalí, Pierre Guyotat, Tennessee Williams, etc. « J’ai passé 8 mois chez les dingues. […] J’avais promis au médecin que j’allais devenir hétérosexuel. » (Allen Ginsberg dans le biopic « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman) ; « Je suis né avec une dépression. […] Je suis passé par bien des angoisses, bien des enfers. J’ai connu la peur et la terrible solitude, les faux amis que sont les tranquillisants et les stupéfiants, la prison de la dépression et de la Maison de la Santé. » (Yves Saint-Laurent dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton) ; « Arrive pour Stéphane le service militaire, il déserte, disparaît pendant des mois dans les bas-fonds de Paris où j’ai fini par le retrouver, est repris, mis en asile psychiatrique militaire, et est gracié sur intervention de Mme Mitterrand, à la prière d’un haut fonctionnaire qui, épris de son charme, désirait avoir avec lui une liaison durable, une union. Cet amoureux malheureux téléphonait nuitamment à Estelle, la mère de Stéphane, en la suppliant, en vain, d’obtenir de son fils que ce fils adopte pour cela une conduite plus « cohérente » (c’était son mot) : ne plus se prostituer, cesser d’être dealer. » (Paul Veyne, Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (2014), pp. 236-237) ; « Tu disparais pendant des mois, terrassée par la dépression. » (la Reine Christine, pseudo « lesbienne », s’adressant à elle-même à la deuxième personne, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; « J’ai saisi l’opportunité d’une dépression et d’un grand abattement pour me marier. » (Germaine, femme lesbienne suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; « À 18 ans, je n’allais vraiment pas bien. J’ai fait une grosse dépression. J’ai été hospitalisée suite à ça, plusieurs fois. Durant cette année, j’ai fait des allers-retours à l’hôpital. Et même dans ce milieu hospitalier où j’étais, c’était pas mieux. C’est ce qui ‘a amené à faire une tentative de suicide alors que j’étais à l’hôpital à ce moment-là. » (Noémie, jeune témoin lesbienne de 20 ans, dans l’émission Temps présent spéciale « Mon enfant est homo » de Raphaël Engel et d’Alexandre Lachavanne, diffusée sur la chaîne RTS le 24 juin 2010) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014, Amina, femme lesbienne de 20 ans, est internée en hôpital psychiatrique. Dans l’émission Temps présent spéciale « Mon enfant est homo » de Raphaël Engel et d’Alexandre Lachavanne, diffusée sur la chaîne RTS le 24 juin 2010, Alexandre, jeune témoin homo suisse de 24 ans, a été interné par des mouvements évangéliques : « Ils l’ont mis dans une clinique psychiatrique. » (le père d’Alexandre) Le pasteur de l’Église qu’il a fréquentée aux États-Unis lui a dit : « Tu es homosexuel. Tu es malade. Tu pourrais contaminer les autres. » Il lui a proposé une guérison.

 

Le comportement homosexuel louvoie avec l’homosexualité de circonstance impulsée par la consommation de drogues, les situations d’enfermement et d’incarcération : cf. le documentaire « Çürük – The Pink Report » (2010) d’Ulrike Böhnisch. « Dans les prisons et les asiles psychiatriques, la conduite homosexuelle augmente considérablement. » (les docteurs Alberto Solá et Esteve Cirera, cités dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 287) Il y a de nombreux ponts qui existent entre les Alcooliques Anonymes et la communauté homosexuelle, par exemple (certaines personnes cumulent l’addiction aux drogues et l’addiction au sexe). « L’homosexualité ne conduit pas seulement à la pédophilie. Mais aussi au meurtre, à la dépression et à la toxicomanie. Les statistiques le prouvent. » (Petras Gražulis, président du groupe politique lituanien d’extrême droite Ordre et Justice, dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt)

 

Si ce n’est pas d’être internées, beaucoup personnes homosexuelles se sont au moins passionnées pour le monde de la folie. L’univers de la psychiatrie et de la pathologie attire un certain nombre d’intellectuels homosexuels : Félix Guattari, Tennessee Williams, Mylène Farmer, Pedro Almodóvar, Werner Schrœter, Patrice Chéreau, Alfred Hitchcock, etc. Juan Soto, ou même Michel Foucault, ont travaillé en clinique psychiatrique. Gertrude Stein, dans les années 1910-1920, fit des études de médecine psychiatrique. Il est également étonnant de voir le nombre de personnes homosexuelles – en général pas les plus équilibrées… au point qu’on a l’impression qu’elles essaient de régler et de justifier leurs propres névroses – qui s’inscrivent en fac de psycho, qui se lancent dans la psychanalyse, la sexologie et la psychiatrie. On peut craindre pour les générations à venir…

 

Même si tout être humain est perturbé et blessé, et que les individus homosexuels n’ont pas le monopole de la pathologie, il faut reconnaître qu’ils aggravent leur cas et élargissent leurs blessures psychiques en les niant systématiquement, en refusant leurs limites humaines, leur vulnérabilité, la violence et la régression de la pratique homo, et en extériorisant leur mal-être sur l’« homophobie » sociale (cf. je vous renvoie aux documentaires « Das Ganze Leben » (1983) de Bruno Moll, « Ce n’est pas l’homosexuel qui est pervers mais la situation dans laquelle il vit » (1970) de Rosa von Praunheim, etc.) « Je dis que si l’homosexuel est malade, ce n’est pas par son homosexualité, c’est dans la condition que la société fait à son homosexualité. » (Jean-Louis Bory dans l’émission Les Dossiers de l’écran, sur la chaîne Antenne 2, 21 janvier 1975) ; « C’est vous qui avez peur, qui êtes pris dans une psychose ou névrosés, ce n’est pas moi, ce n’est pas nous. » (Guy Hocquenghem, Le Désir homosexuel (1972), p. 11) ; « L’homosexualité est-elle une névrose ? Il est certain qu’un assez grand nombre d’homos présentent des caractéristiques névrotiques, ne serait-ce qu’un complexe de culpabilité plus ou moins intense, des angoisses et des obsessions de diverses natures. Point n’est besoin, pour le prouver, de citer André Gide et ses obsessions musicales, ni les phobies de Marcel Proust. Mais les conditions d’existence que leur crée la société suffiraient largement pour expliquer toutes les névroses possibles. Comment échapperaient-ils aux angoisses et aux complexes de culpabilité, alors que tout, autour d’eux, contribue à les culpabiliser et à leur donner un sentiment d’insécurité ? » (Marc Daniel, André Baudry, Les Homosexuels (1973), pp. 58-59) ; etc. Par exemple, toutes les fois où j’ai essayé de parler avec des personnes transsexuelles (parfois très drôles et assez intelligentes, au demeurant) pour les mettre devant le fait accompli de leur fuite du Réel, j’ai eu affaire à la même opposition : « Pfff… on croirait entendre les psychiatres ! » Certaines cachent bien leur blessure identitaire par l’humour ou le travestissement : « Le travesti se sent complètement étranger à son propre sexe, ses sensations de femmes, ou d’homme, le saturent entièrement, sans que l’on puisse constater en lui le moindre signe de folie. » (C. Westphal, en 1870, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 306)

 

Les personnes homosexuelles blessées psychiquement ne manquent pourtant pas ! Voici quelques portraits : « À mon avis, Louis II n’était pas schizophrène, mais il souffrait plutôt d’un trouble borderline, c’est-à-dire à la frontière entre normalité et psychose, qui présente un état-limite. Les personnes atteintes de ce trouble peuvent se comporter de manière tout à fait normale lorsqu’elles bénéficient de conditions favorables, et de façon très perturbées voire carrément psychotiques lorsqu’elles se trouvent dans des conditions défavorables. Et Louis II bénéficie sans doute des conditions les plus défavorables qui soient : personne pour le contredire, personne pour s’opposer à ses folies. » (Wolfgang Schmidbauer, psychanalyste, dans le documentaire « Louis II de Bavière, la mort du Roi » (2004) de Ray Müller et Matthias Unterburg) ; « Elle est gravement malade et vit dans un monde imaginaire si bizarre et si éloigné de la réalité qu’on ne peut absolument pas lui faire entendre raison. » (Annemarie Schwarzenbach à propos de l’écrivaine lesbienne Carson McCullers, dans la biographie Carson McCullers (1995) de Josyane Savigneau, p. 103) ; « Carson McCullers souffrait de malaises psychosomatiques répétés. Qu’à toute situation de crise, elle répondait par des comportements portant la marque de l’hystérie. » (idem, pp. 129-130) ; « Il y a chez Carson McCullers une instabilité psychique, voire un schéma dépressif chronique, qu’elle cherche à compenser par l’alcool et que celui-ci souligne. » (idem, p. 136) ; « Le rôle le plus long et le plus pathétique de sa carrière : celui du ‘fou’. […] Le danseur présenta très tôt des signes de grande fragilité émotionnelle. […] Les ombres de la folie se firent bientôt plus menaçantes, et à l’automne de 1918, Nijinski montra des signes inquiétants de déséquilibre qui culminèrent à la fin de l’année. […] Nijinski avait déjà frappé sa femme, allant même jusqu’à la pousser violemment dans l’escalier de la villa. […] Il devait partir pour l’hôpital psychiatrique Burghölzli. On décida d’opter pour le sanatorium. Il partit pour le sanatorium Bellevue, à Kreuzlingen. Vaslav Nijinski n’avait que trente ans. » (Christian Dumais-Lvowski, dans l’avant-propos du journal Cahiers (1919) de Vaslav Nijinski, pp. 9-15) ; « Je n’ai pas fait de séjour en hôpital psychiatrique, comme beaucoup d’autres homosexuels de ma génération. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 12) ; « Et qu’il me soit permis de poser une question : est-ce un hasard si les femmes très en demande de sexualité que j’ai rencontrées dans ma vie étaient guettées par la maladie mentale ? Qu’on le veuille ou non, même à notre époque, même en occident, même chez les jeunes, la sexualité féminine est loin d’être libérée. » (idem, p. 109) ; « Je rentre en clinique pour dépression nerveuse. » (Catherine s’adressant à son amante Paula, dans l’autobiographie de Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 18) ; « Il y a aussi des allusions à une tentative de suicide qu’elle avait faite quand elle était adolescente… Hélène était malade. La plupart du temps, elle était brillante, elle passait aussi par des épisodes de dépression où, de son propre aveu, elle n’était plus elle-même. » (Paula Dumont, op. cit., p. 57) ; etc.

 

Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent est diagnostiqué « maniaco-dépressif » et interné. Il ne répond pas à son appel d’incorporation à l’armée française pour la Guerre d’Algérie : « Entre l’armée et toi… tu n’es pas allé plus loin que l’Hôpital du Val de Grâce. » commente Pierre Bergé, son compagnon. Ce dernier poursuit : « Tu es entré en maladie comme on entre en religion. […] Tu n’étais heureux que deux fois par an : au printemps et à l’automne. » Quant à Michel Leiris, il subit en 1929 une grave dépression nerveuse, une période d’incapacité totale qui nécessita, pendant environ un an, un traitement psychiatrique approprié.

 

Parmi les célébrités qu’on voit actuellement à la télévision défendre la cause homosexuelle, il est facile de cerner les personnalités paranoïaques (la palme revient à Caroline Fourest et à Didier Éribon), hystériques (Frigide Barjot, Caroline Mécary), mythomanes (Eddy Bellegueule), sadiques et maniaco-dépressives (Marc-Olivier Fogiel, Laurent Ruquier), schizophrènes/autistes (Laure Pora), exhibitionnistes, etc. Et si on ne veut pas employer de mots qui font peur, on dira queer (= étranges) ou « compliquées » (cf. l’article « La Folle compliquée » de Didier Lestrade, publié le 10 juillet 2011 dans la revue Minorités.org).

 

Laure Pora pleine de peinture rouge à la Fondation Lejeune

Laure Pora (transgenre M to F) plein de peinture rouge à la Fondation Lejeune


 

Le déni des pathologies comprises dans le désir homo et aggravées par la pratique homosexuelle expliquent qu’on reconnaisse dans le « milieu homo », et même dans les couples homos campagnards soi-disant « hors milieu », tous les symptômes et tous les profils psycho-pathologiques recensés par la tradition psychiatrique : fétichisme, dépression, schizophrénie, paranoïa, voyeurisme (addiction à la pornographie), masochisme, pyromanie, érotomanie, zoophilie, nécrophilie, sadisme, etc. Beaucoup de personnes homos vivent en amour homosexuel des histoires compliquées, de fortes déceptions de s’être trop données ou d’avoir été trahies, et cela les plonge souvent dans de profondes dépressions. « Très vite, les lettres échangées prirent, du moins pour moi, une tournure nettement sentimentale. Un jour, la femme de mon… amant platonique découvrit toute l’histoire ; et je souffris de nouveau énormément de cet amour malheureux ; je fus même au bord du suicide. À la suite de cette dépression nerveuse, le médecin de la famille, un être jeune, aimable et profondément humain, s’intéressa à moi, me confessa et finit par découvrir que ma vie sexuelle était reléguée à l’arrière-plan de mon existence. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 81)

 

Dans mon entourage proche, j’observe sur les sites de rencontres homos, en boîtes, en soirées, avec mes amis homos, des comportements absolument incroyables. Ça commence doucement : dépression, mélancolie, analphabétisme et illettrisme, incapacité à écouter et à communiquer ses émotions (présentée comme de la « timidité » : à d’autres…), dépendance à la drogue ou à la mère, sauvagerie sociale, infidélité, mensonge, repliement sur soi, etc. Et puis parfois, ça prend des allures de films d’action ou d’épouvante : vols, viols, troubles bipolaires, sadisme, dédoublement de personnalité, vengeance, harcèlement psychologique, meurtre, etc. « La folie. Elle finissait toujours par réapparaître dans notre vie et détruisait peu à peu quelque chose en moi. Tu étais fou. Je l’étais aussi, mais beaucoup, beaucoup moins que toi. » (Abdellah Taïa  s’adressant à son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 120) ; « Je fis la connaissance d’une sorte de gitan (c’est d’ailleurs moi qui l’abordai et l’enlevai, littéralement). Il était grand et je le trouvais beau, mais dans un triste état vestimentaire que venait encore renforcer une réticence marquée à l’égard de tous les principes d’hygiène élémentaire. Tandis que, comme l’aurait fait une ‘fille’, je l’invitais à monter dans ma voiture et à s’y installer avec son baluchon, je ne cessais de me répéter : ‘Tu es fou… Tout cela finira mal…[…] Le lendemain, après m’avoir tapé de quatre mille francs et ‘emprunté’ ma montre, il disparut de lui-même. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 108) ; etc. Mes potes homos m’ont raconté des épisodes de leur vie amoureuse ahurissants : leur « ex » qui se fait passer pour un flic et appelle chez leurs parents, leur amant qui les suit en filature en voiture en pleine ville (course-poursuite urbaine), leur « plan cul » qui leur vole leur carte de crédit, etc. C’est à peine croyable. Certaines de mes amies lesbiennes m’ont assuré, avant d’avoir choisi la continence, qu’elles « n’étaient sorties qu’avec des folles ». Ceci est confirmé par quelques témoignages publiques : « À l’âge de 21 ans, j’ai recommencé à avoir des aventures avec des nanas. C’était toujours des catastrophes intersidérales. Je tombais sur des nanas complètement dingues, enfin je ne sais pas, c’était affreux. » (Louise, femme lesbienne de 31 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 54)

 

Par bien des aspects, la communauté homosexuelle a tout l’air d’un hôpital psychiatrique non-agréé, qui pue le malaise mal géré. Dans la réalité, il n’est pas rare de rencontrer des cas de catatonie (état de passivité, d’inertie motrice et psychique, alternant souvent avec des crises d’excitation, caractéristique de la schizophrénie) parmi les habitants apathiques du « milieu » (et particulièrement sur les chat gays et les réseaux sociaux). Certains individus homosexuels ne semblent avoir d’avis sur rien, aucune conversation, aucun caractère ni personnalité. Pire que ça : ils parlent comme des robots qui ne pensent qu’à baiser pour se sentir vivants. La plupart ont une double vie, mentent et dissimulent sans arrêt. Et pour ce qui est des profils de mecs homosexuels au contraire super bavards, on peut constater curieusement que ce sont surtout les personnalités homosexuelles les plus perturbées qui psychiatrisent le plus tous ceux qu’elles se choisissent pour ennemis (il n’y a qu’à voir les procès pour folie que je subis en masse sur Twitter en ce moment par certains internautes LGBTI, qui n’ont que l’homophobie pathologisée comme argumentaire, pour le comprendre !). « Fou » est un mot commode pour ne rien nommer du tout, et par conséquent ne rien essayer de comprendre non plus, puisqu’il s’agit d’innommable, de non-représentable, d’impensable, d’irrationnel. La présomption de folie ou le diagnostic d’« homophobie intériorisée » dispensent à ces psychiatres-de-comptoir d’avoir à argumenter et à voir qu’ils projettent sur moi leurs propres pathologies. D’ailleurs, leurs discours calomnieux n’ont souvent ni queue ni tête, et fonctionnent par associations phoniques de mots ou d’idées, par inversions et par slogans au syllogisme douteux. Exactement comme le dialogue insensé entre le Lièvre de Mars, le Chapelier toqué et Alice dans le dessin animé « Alice au pays des merveilles » (1951) de Walt Disney.

 

Film "Alice In Wonderland" de Walt Disney

Film « Alice In Wonderland » de Walt Disney


 

Le Chapelier toqué : « Pourquoi un corbeau ressemble-il à un grain de sel ?

Alice – Mais oui c’est vrai.

Le Lièvre de Mars – Qu’est ce que vous dites ?

Alice – Pourquoi un corbeau ressemble-il à un grain de sel ?

Le Chapelier toqué – Mais qu’est ce qu’elle raconte ?

Le Lièvre de Mars – Mais c’est elle qui a un grain !!! »

 
 

MILIEU PSYCHIATRIQUE Mariage

 

Actuellement, un des signes marquants de cette pathologie homosexuelle (et hétérosexuelle, après tout), c’est la frénésie à demander des lois sociétales (« mariage pour tous », PMA, adoption, GPA, théorie du Gender, etc.) qui poussent les êtres humains à la banalisation/négation de la différence des sexes, au déni du Réel/des limites de l’Humanité, et à la marchandisation des rapports humains sous couvert de solidarité, de sentiments et d’égalité des droits. En avril 2014, un ami homo très lucide me parlait des « couples » homos de son entourage qui avaient fait le pas de réclamer le mariage, et qui, loin d’être ceux des couples les plus durables et les plus solides de la communauté (car ceux-là n’ont pas l’orgueil de demander quelque chose qui ne leur revient pas par nature), étaient au contraire les personnalités les plus inquiétantes et les plus déstructurées qu’il connaissait : « C’est drôle, plus les mecs sont instables, ne se respectent pas, plus ils réclament ce mariage, autrement dit, ils demandent à la République le respect qu’ils ne s’accordent pas à eux-mêmes…entre autres… » À ce jour, je ne côtoie aucun « couple » homo qui se soit lancé dans le « mariage pour tous » en respectant le mariage et les enfants (et personne, dans mes connaissances homos, n’a su me fournir des exemples plus probants) : ils l’ont fait pour le symbole, pour des idéologies, par volontarisme, par paranoïa. Et leur agressivité obsessionnelle traduit bien une angoisse pathologique et une psychorigidité.

 

Milieu psy priscilla

Film « Priscilla folle du désert » de Stephan Elliott


 

Même s’il faut manier les mots, les concepts et les réalités spirituelles avec précaution, je me risque enfin à identifier la blessure psychique homo-bisexuelle en tant que phénomène concrètement démoniaque. Les prêtres exorcistes, qui sont des hommes avec la tête sur les épaules, et qui ont parfois interrogé les rares personnes possédées par Baal/Satan, attestent que le diable s’intéresse de près à la sexualité et au psychisme humains : « Baal dit : ‘Je rends faible. […] Baal va précipiter des gens très mortifiés, à la fois dans leur chair par des attaques de types affectives, sexuelles, imaginatives, dans leur orgueil parce qu’ils sont diminués, et dans leur psychisme. Son lieu de prédilection, c’est l’hôpital psychiatrique. Et il nous disait de façon assez cynique : ‘Je fais tout pour que les hôpitaux psychiatriques sortent des villes afin que jamais un malade n’entende la moindre cloche. Je vous dis ce que Baal dit des cloches : ‘Je ne veux pas que la cloche sonne l’Angélus. Quand une cloche sonne, cela retentit à mes oreilles et ça me fait fuir, car la cloche met plein d’amour partout, cela met plein de joie et d’allégresse dans tous les cœurs, même les païens l’entendent, cela leur met le bonheur dans le cœur. C’est un son audible qui transmet l’amour audiblement. C’est encore un truc de l’Église, je n’aime pas du tout l’Église. Chaque petite note de musique dans l’air, cela réchauffe le cœur des mourants, cela aide les mamans à avoir de l’amour pour leurs enfants, cela aide les papas à avoir de la force pour travailler dans les champs ; ceux qui travaillent dans les tours, ils n’entendent pas. Les enfants dans les parcs et les enfants à l’école, ils entendent les cloches. Ce n’est pas pareil que la sonnerie de l’usine, ce n’est pas pareil les cloches. La sonnerie, voilà le bruit que moi j’aime, la sonnerie. Cela étouffe la voix de l’amour. La sonnerie, c’est malin : on sort, on arrête, on fait. Tandis que la cloche, c’est un son qui donne la force aux papas, le sourire aux mamans, la joie aux enfants, l’amour à tous. Les mourants, ça leur apporte l’espérance du Ciel et moi, je ne suis pas content de tout cela. Je vais vous dire un truc, cela, c’est mon truc. Je fais en sorte que les hôpitaux soient très loin des villes pour qu’ils soient loin des églises. Ce que je n’aime pas, c’est qu’on garde l’église à l’intérieur de l’hôpital et qu’on fasse sonner les cloches dans les hôpitaux. » (Père Pascal, frère jésuite exorciste citant le diable qu’il a entendu, « Baal, ennemi de l’Église », Actes du colloque de Banneux, les Attaques du démon contre l’Église (2009), pp. 149-150)

 
 

c) L’antécédent familial : la mère folle

La folie qui submerge certaines personnes homosexuelles semble être précédée par la folie ou la dépression de leur mère (plus la mère cinématographique ou fantasmée que la mère biologique réelle), semble émerger sur un terrain familial ou social psychologiquement troublé. C’est mon cas : ma maman a vécu une grosse dépression pendant vingt ans et en est sortie quand j’avais douze ans. Et parmi mes amis homos, j’en connais beaucoup qui ont dû porter très tôt l’hystérie, la déprime, la dépression, l’hospitalisation, de leur mère… et qui se sont sentis l’obligation de l’imiter…« Elle a mis à chauffer la cire sur la cuisinière. Les pots ont explosé et le liquide brûlant a recouvert son corps comme une horrible robe dégoulinante. Elle a passé des mois à l’hôpital. Nous avons entendu son cri désespéré quand elle s’est regardée dans le miroir pou la première fois après l’accident. Nous étions à notre porte, sur la terrasse. Elle est rentrée comme une folle dans le poulailler et, pour se venger de sa tragédie, elle a égorgé, une à une, toutes les poules qui essayaient de s’envoler avec terreur. J’ai compris l’absurdité d’avoir des ailes sans pouvoir voler. Elle a fini par saisir le coq qu’elle a achevé avec les dents. Un nuage laissa filtrer les rayons d’une lune grise qui illumina le terrible visage monstrueux, ensanglanté par le sang du coq. Quelque temps après, elle est repartie. Elle a disparu dans la nature. Peut-être a-t-elle cherché dans la jungle la compassion des bêtes […]. Ce poulailler devint ma scène : il avait été le décor d’une véritable tragédie, je pouvais donc l’habiter de mes fantaisies. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 166-167) ; « Pas étonnant que le fils soit folle, quand on voit sa mère… » (cf. une formule citée dans la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 72) ; « Ma mère elle était malade. Mais maintenant, elle comprend tout. » (Roberto, disquaire homo, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; « À l’époque, j’avais une mère qui était dépressive. » (Éric, homosexuel et séropositif, dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon) ; « On m’en veut parce qu’elle a voulu se suicider, mais, puisqu’elle a fait ça, c’est qu’elle est folle et moi je n’y suis pour rien. » (Stéphane, jeune homme qui se prostitue homosexuellement, parlant de sa propre mère, dans l’autobiographie Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (2014) de Paul Veyne, p. 234) ; etc. Par exemple, Mylène Farmer s’intéresse beaucoup à l’actrice France Farmer (qui lui donna son pseudonyme), femme qui finit sa vie complètement folle. Les membres de la communauté homosexuelle vouent une mystérieuse fascination identificatoire pour des actrices un peu barrées voire suicidaires : Marilyn Monroe, Maria Callas, Judy Garland, Dalida, Lady Gaga, Björk, Marianne James, etc. L’hystérie maternelle est un thème de prédilection des réalisateurs ou des écrivains tels que Gaël Morel, Pedro Almodóvar, François Ozon, Rainer Werner Fassbinder, Copi, Michel Bellin, Federico García Lorca, etc.

 

Certaines personnalités homosexuelles témoignent également de la pathologie de leur mère de sang : « Je ne pouvais supporter qu’une telle dégradation frappe ma mère. Un jour, j’ai rêvé que je lui criais avec colère : ‘Arrête d’être folle ! » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), p. 11) ; « Ma mère était hospitalisée en psychiatrie. Je n’avais personne vers qui me tourner. » (Robert, homosexuel, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 46) ; « Mon père veut nous éloigner de la famille folle de ma mère. Il nous protège. Il la protège aussi. Elle est vulnérable. Quand elle pleure, je sais que ma mère est comme eux, malade des nerfs. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 38) ; « Cecilia, la mère d’Ernestino, riait comme une folle. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 193) ; etc. Par exemple, la mère d’Allen Ginsberg, Naomi, mourut dans un asile de fous ; il n’avait que 6 ans quand elle a été internée. Aux États-Unis, Jeffrey Dahmer (alias le « Monstre de Milvaukee ») est un vrai cannibale et nécrophile, homosexuel de surcroît : entre 1978 et 1991, il a tué dix-sept jeunes hommes. Il a grandi élevé par une mère en dépression nerveuse. Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, il est dit que la maman de Christine « est fragile psychologiquement et jalouse de son nouveau-né ». La Reine Christine parle même de « sa démente mère ».

 

La nervosité et l’orgueil maternels ont pu être anxiogènes et reportés sous forme d’homosexualité sur les personnes homosexuelles. « Face à mes bouffées de stress matinales, ma mère avait fini par s’inquiéter et appeler le médecin. Il avait été décidé que je prendrais des gouttes plusieurs fois par jour pour me calmer (mon père s’en moquait Comme dans les asiles de dingues’). Ma mère répondait, quand la question lui était posée, que j’étais nerveux depuis toujours. Peut-être même hyperactif. » (Eddy Bellegueule, En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 64) ; « Ma mère pleurait de désespoir, dans son grand manteau de fourrure qui faisait d’elle une espèce d’ours sinistre : une grosse boule de poil en larmes qui me rendait encore plus cafardeux. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 193) ; « Lattéfa était possédée mais je n’ai jamais su comment cela avait commencé pour elle. Pour quelle faute ? Quel crime ? Quel but ? Et jusqu’à quand allait-elle être étrangère à elle-même, juste à côté de la folie ? J’étais Lattéfa. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 86-87) ; etc.

 

Actuellement, beaucoup de mères et de femmes, dans leur déni de leur sexuation ou dans leur prétention à prendre la place des hommes ou de leur mari, nourrissent leur propre hystérie et leurs angoisses. Ce n’est pas un hasard si Jacques Lacan dit que l’hystérie est « la maladie de l’utérus migrateur », en parallèle avec l’homme phallique. Et maintenant, avec la pratique mondialisée de l’adoption, des PMA et GPA, la mère folle devient beaucoup de femmes lesbiennes en couple !

 

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Code n°138 – Passion pour les catastrophes (sous-codes : Accident / Télé voyeuriste)

Passion pour catas

Passion pour les catastrophes

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La catastrophe pour cacher et redorer la violence de l’homosexualité

 

Davantage performante que le registre de la comédie, l’alliance entre homosexualité et catastrophe dramatique fait en ce moment recette dans les cinémas et plus largement au service de la propagande identitaire et amoureuse LGBT. Le scénario-catastrophe conquiert de plus en plus les cœurs et est extrêmement efficace car il confère de la gravité, du réalisme et du dramatisme « beau » à l’homosexualité, tout en faisant diversion sur la gravité réelle des actes homos puisque ceux-ci sont totalement noyés ou dissociés ou blanchis par le fond cataclysmique noir qui les encadre. En revanche, c’est le surgissement téléphoné et illogique de la catastrophe, tombant comme un cheveux sur la soupe homosexuelle, qui est rarement identifié et dénoncé, mais qui est clairement malhonnête et violent, car il fonctionne sur le chantage affectif et l’instrumentalisation de la souffrance des vrais gens pour leur faire dire ce qu’on veut, et surtout ce qu’ils n’auraient jamais défendu, à savoir l’homosexualité.
 

La thématique homosexuelle est justifiée et diluée dans ces films de propagande parce qu’elle est couplée à un inattaquable thème dramatique suscitant la compassion (le handicap, la discrimination raciale, la pauvreté, un accident, une catastrophe naturelle, un conflit armé, une intolérance religieuse, l’homophobie gratuite, une maladie, etc.). Or une catastrophe dite « naturelle », tout comme le désir homosexuel, n’est jamais purement « naturelle ». Elle est un signe de péché, ne l’oublions pas. Et ce péché, c’est l’éjection, en amour, de la différence des sexes et de la différence Créateur/créatures.
 

Comme les films de blacksplotation (qui n’hésitent pas à marier le Gay Power au Black Power, l’anti-homophobie à l’anti-racisme, pour servir leurs propres intérêts), on peut constater actuellement que certains réalisateurs pro-gays surfent sur la vague victimiaire de la crise économique actuelle, des actes homophobes, de la maladie, de la mort cruelle, ou du cataclysme, pour donner corps à leurs propres fantasmes amoureux, pour faire passer l’homosexualité pour un « moindre mal » voire pour LA solution qui conjurera le mauvais sort « homophobe », « hétérosexuel », économique et politique, mauvais sort soi-disant « totalement extérieur et étranger à l’homosexualité ». Nous avons affaire à l’amalgame classique entre différence des sexes (souplement intangible) et différence des espaces (sans cesse changeante). C’est une démarche malhonnête et mensongère, en plus d’une exploitation des plus pauvres. Dans les films défendant l’homosexualité, l’accident est orchestré à des fins idéologiques irréalistes, mais paradoxalement pour prouver une réalité crue vraie : en effet, les réalisateurs homosexuels qui aujourd’hui construisent la beauté de leurs amours sur pellicule (parce qu’ils ne peuvent pas les vivre dans le Réel) sont maintenant persuadés qu’ils peuvent vivre leur vie par procuration avec les personnages idéalisés de leurs créations pathos, vraisemblables mais pas réalistes, sont persuadés qu’ils n’ont rien orchestré du tout. Malaise et circonspection. Nous sommes bel et bien arrivés à l’époque de la « minute difficile » annoncée par Jean Cocteau, où l’esthétisme émotionnel se substitue à l’intelligence, où la Vérité est confondue et occultée par la sincérité, où la plupart de nos contemporains et nos créateurs ne distinguent plus la fiction de la Réalité. J’ai de la peine et de la colère contre ces menteurs professionnels sincères, qui embarquent tant de monde dans leurs utopies. Car ça, c’est réellement catastrophique.

 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Ennemi de la Nature », « Première fois », « Plus que naturel », « Mort = Épouse », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Amour ambigu de l’étranger », « Innocence », « Voyeur vu », « Espion homo », « Homosexualité noire et glorieuse », « Inversion », « Homosexuel homophobe », « Milieu homosexuel infernal », « Viol », « Entre-deux-guerres », « Témoin silencieux d’un crime », « Mort », « Adeptes des pratiques SM », « Fan de feuilletons », « Femme au balcon », « Méchant pauvre », « Mère Teresa », « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », « Bobo », « Amant diabolique », « Oubli et Amnésie », « Aube », « Humour-poignard », « Clonage », « Jeu », « Fresques historiques », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois », « Amant triste », « Poids des mots et des regards », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Clown blanc et Masques », à la partie « Paradoxes du libertin » du code « Liaisons dangereuses », et à la partie « Adieux » du code « Un Petit Poisson Un Petit Oiseau », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) L’accident et la catastrophe subis :

Vidéo-clip de la chanson "Les Mots" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Les Mots » de Mylène Farmer


 

Dans les fictions homo-érotiques traitant d’homosexualité, il est souvent question des catastrophes, de l’Apocalypse, de la fin du monde, des accidents, du déchaînement destructeurs des forces naturelles, tous ces événements apparemment extérieurs et indépendants de la volonté humaine : cf. le film « Catastrophes » (1996) d’Emma-Kate Croghan, la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec la référence au Radeau de la Méduse), le film « Concussion » (2013) de Stacie Passon, le film « The Last Island » (1990) de Marleen Gorris, Le tableau Le Radeau de la Méduse (1819) de Théodore Géricault, le film « L’Imposteur » (2005) de Christoph Hochhaüsler, la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès (sur fond de la guerre de Corée), le film « In & Out » (1997) de Franz Oz (avec la guerre du Vietnam), le roman Éden Éden Éden (1970) de Pierre Guyotat (avec la guerre d’Algérie), le vidéo-clip de la chanson « Les Mots » de Mylène Farmer (avec la catastrophe du Radeau de la Méduse), le film « Giorgino » (1994) de Laurent Boutonnat (sur fond de chute de l’Empire communiste), le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec l’épidémie de choléra et Venise en flammes), le vidéo-clip de la chanson « There Is A Light That Never Goes Out » du groupe The Smiths (parlant d’un accident de voiture et réalisé par Derek Jarman), le film « Vivere » (2008) d’Angelina Maccarone, le film « Hustler White » (1995) de Bruce LaBruce, la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi (avec l’accident de voiture), la chanson « Accident » de Barbara et Catherine Lara, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, le roman Incidents (1987) de Roland Barthes, le film « Les Amis » (1970) de Gérard Blain, le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau, le roman Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill (sur fond de Première Guerre mondiale en Irlande), le film « Intrusion » (2003) d’Artémio Benki, la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès, le film « Mulholland Drive » (2000) de David Lynch, le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala (avec l’accident de Maxime), le roman Currito El Ansioso : Accidentada Historia De Un Gomoso Pervertido (1920) d’Álvaro Retana, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le film « Un Nuage entre les dents » (1973) de Robin Davis, le film « No Soy Como Tú » (2012) de Fernando Figueiras (avec l’accident ferroviaire), le film « Elle + Elle : leur histoire d’amour » (2012) de Sranya Noithai (Bua souffre d’un cancer incurable), le film « La Nuit américaine » (1972) de François Truffaut, le film « L’Inattendue » (1987) de Patrick Mimouni, le film « The Linguini Incident » (1992) de Richard Shepard, le film « Lan Yu, histoire d’hommes à Pékin » (2001) de Stanley Kwan, le film « The Accident » (1999) de Julian Lee, le film « L’Incident » (1967) de Larry Peerce, le film « O Beijo » (1964) de Flavio Tambellini, le film « Rage » (1976) de David Cronenberg, le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le film « Total Loss » (2000) de Dana Nechushtan, le film « Tableau de famille » (2000) de Ferzan Oztepek, le film « Siegfried » (1986) d’Andrzej Domalik, le film « Respire ! » (2004) de Dragan Marinkovic, le film « Tras El Cristal » (1985) d’Agusti Villaronga, le film « Segunda Piel » (1999) de Gerardo Vera, le film « Haijiao Tianya » (« Incidental Journey », 2001) de Jofei Chen, le film « Más Allá Del Jardín » (1997) de Pedro Olea, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus (avec l’annonce subite du cancer des os de Chris, le héros homo), le roman Le froid modifie la trajectoire des poissons (2010) de Pierre Szalowski (avec le grand froid paralysant Montréal), le film « Indian Palace » (2011) de John Madden (avec la maladie incurable de Graham, le héros homo, qui veut revoir son premier amour, Manadj, avant de mourir), le film « Freeheld » (2015) de Peter Sollett (avec le cancer du sein de Laurel), le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, le roman L’Amant pur (2013) de David Plante (avec Nikos et sa tumeur au cerveau), le film « Un accident est si vite arrivé » (2006) d’Anne Crémieux, le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec la noyade inattendue d’Heiko, l’amant de Konrad ; puis la chute en moto d’Ayrton), la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand (avec le fatal accident de vélo d’Isabelle), etc.
 

Par exemple, dans le film « Adored Diary Of A Porn Star » (2004) de Marco Filiberti, Federico et son frère Riki sont témoins d’un accident de voiture mortel. Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, la mère de Steve, le héros homosexuel, est victime d’un accident de voiture, heureusement sans trop de gravité : un chauffard lui coupe la route. Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, le père David meurt en scooter. Dans le film « Bayaw » (2009) de Monti Parungao, Rhennan est témoin de la mort accidentelle de Pia, tuée par Nilo. Dans le film « Rebel Without a Cause » de Nicholas Ray (« La Fureur de vivre », 1955), les lycéens – dont Jim, le héros homosexuel – se rendent tous au Planétarium de Los Angeles, et assistent à une conférence sur la fin de l’Univers. Dans le film « Morgan » (2012) de Michael Akers, Morgan, le héros homosexuel, devient paraplégique suite à un accident dans une course cycliste. Dans le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza, Juliette, l’héroïne lesbienne, regarde une scène d’un accident de voiture à la télé. Dans son one-(wo)man-show Madame H. raconte la saga des transpédégouines (2007), Madame H. fait l’inventaire de toutes les catastrophes qui se sont déroulées au cours de l’Histoire de l’Humanité. Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton regarde sur internet les agressions homophobes filmées : elles le vampirisent, le fascinent, l’obsèdent… et finalement, c’est ce qui va lui arriver à la fin du film. Dans le film « le Placard » (2000) de Francis Veber, dans sa cuisine, la radio allumée, François Pignon, le héros hétéro qui jouera l’homosexuel, éteint le bulletin des mauvaises nouvelles qui le submergent. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, dans le salon familial, pendant le dîner, Jonas, le héros homo et ses parents regardent à la télé les informations datant de 1997 et relatant la mort de la Princesse Lady Di. Plus tard, à l’époque contemporaine (15 juillet 2015), Jonas suit les infos cette fois annonçant la fusillade de Lafayette en Louisiane. Et enfin, dans la scène finale, on voit le père de Jonas suspendu aux mauvaises nouvelles du transistor de la cuisine, faisant état de la mort de Nathan. Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Esteban, le jeune héros homosexuel, meurt dès le début du film dans un accident de voiture, avant d’avoir pu réaliser sa carrière artistique. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, dès que Rana, chauffeuse de taxi, découvre la transsexualité de sa passagère intersexe F to M Adineh, elle hurle, la gifle et la voit comme un monstre : « Me touche pas ! Sors de ma voiture !! » C’est en cherchant à la fuir qu’elle a un accident avec son taxi. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, un Allemand, est en couple épisodique avec Oren, un Israëlien, qui finit par se tuer dans un accident de voiture à Jérusalem.
 

En général, la catastrophe, l’épreuve (la maladie, la mort, le meurtre, etc.), l’accident (bête), arrivent de manière impromptue : « Il s’est fait renverser par ce chauffard de merde. » (Richard, pleurant son amant Kai, décédé dans la rue en allant prendre son bus, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « Le jour de l’accident, tout s’est arrêté. » (Junn, la mère de Kai, idem) ; « La tour d’en face prend feu ! » (Micheline, l’homme travesti M to F décrivant un hélicoptère qui s’est scratché sur un immeuble, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; etc. Mais comme ils sont juxtaposés à une intrigue amoureuse voulue magnifique ou un instant de « vérité » comme le coming out, l’accident ou la catastrophe est vite jugé(e) comme méchant(e), cruel(-le), homophobe, meurtrier(e).
 
 

b) L’accident et la catastrophe homosexualisés :

Le héros homosexuel se prend parfois lui-même pour la catastrophe. Il dit : « Je suis catastrophique » : « Je suis Monsieur Sinistre. » (Elliot, le héros homosexuel du film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee) Je vous renvoie au code « Entre-deux-guerres » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 

C’est parfois la pratique homosexuelle et le coming out qui provoquent ou qui sont l’accident, la catastrophe : cf. le film « Post Apocalyptic Cowgirls » (2010) de Maria Beatty, la chanson « Dile A Tu Amiga » de Dalmata (le chanteur se fait renverser par une voiture, puis a des hallucinations lesbiennes en boîte), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (l’histoire homosexuelle démarre sur un accident de voiture), etc. « Je le vois avoir un accident de voiture. » (Bryan parlant de son amant Tom, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; « Le désastre est total. » (cf. la phrase subséquente au départ de la reine Marie-Antoinette avec Madame de Polignac, dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot) ; « On pourrait appeler ça une Révélation. » (Steven évoquant l’accident qui a coïncidé avec son coming out, dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa) ; « Est-ce que tu sors avec une bande de tantes ? J’aurais pu deviner que ça allait arriver. Tes fantasmes paranoïaques d’arrestation et d’accident ont été le premier symptôme. » (Myrma Minkoff s’adressant à Ignatius le héros homo, dans le roman La Conjuration des imbéciles (1981) de John Kennedy Toole, p. 414) ; « J’ai eu un accident très très grave. Je suis tombée amoureuse des femmes. » (Océane Rose-Marie évoquant son adolescence, dans son one-woman-show Châtons violents, 2015) ; etc. Par exemple, dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq, c’est le baiser homosexuel qui provoque l’accident de voiture de Manu et Philippe. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Peter, en voiture, manque d’écraser Howard, son futur amant qui roulait en vélo en pleine campagne. Dans la biopic « Vice » (2018) d’Adam McKay, c’est l’accident de voiture de Mary Cheney qui déclenche son coming out à sa famille. Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, Jim meurt dans un accident de voiture… mais son amant George revient en pèlerinage sur le lieu du drame, comme si celui-ci magnifiait leur amour. Dans son one-man-show Changez d’air (2011), Philippe Mistral dit qu’il a rencontré son « mari » pour la première fois le 11 septembre 2001. Dans le film « La Dérade » (2011) de Pascal Latil, après avoir subi une greffe cardiaque qui lui a sauvé la vie, Simon apprend que le donneur est en fait son compagnon François décédé dans un accident de voiture. Ils se sont mutuellement sauvés la vie et bien que séparés, ils vont finir leurs jours ensemble. Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, les deux amantes Stephen et Angela se rencontrent à cause d’un accident impliquant un chien. Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, Nathan, le héros homosexuel, raconte que, quand il avait 19 ans, il a été pris dans une tempête de neige alors qu’il se trouvait en voiture avec son amant Arnaud. Ils ont été rendus invisibles. Nathan s’est imaginé un accident dans lequel une voiture se serait encastrée dans la leur, et que leurs corps calcinés auraient été ensuite retrouvés sans vie, constitueraient les funestes carcasses noircies d’une homosexualité vécue dans l’ombre et stigmatisée socialement. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, a rencontré Nicholas lorsqu’ils n’avaient que 8 ans… et se retrouvent quelques années plus tard, dans le même lycée. Leur rencontre initiale d’enfance résonne comme un signe du destin (lié par une boule à neige en verre) : Phil a bousculé Nicholas qui sortait d’un supermarché et a fait renverser son sac plastique rempli de bouteilles d’eau minérale.
 

Film "The Burning Boy" de Kieran Galvin

Film « The Burning Boy » de Kieran Galvin


 

Dans le film « The Burning Boy » (2000) de Kieran Galvin, le premier baiser homosexuel entraîne la mort. En effet, c’est au moment où Ben donne à son meilleur ami Chill le signe charnel que ce dernier attendait tant que paradoxalement l’accident arrive. Ben essaie de relativiser l’acte qu’ils viennent de poser (« Écoute, ça va, c’est pas grave. Je sais que je te plais. ») mais Chill s’énerve, pousse son copain, qui finit par faire une mauvaise chute le laissant totalement inanimé dans un cabanon qui prendra entièrement feu. Ce film vise à faire comprendre au spectateur que le refus de sa propre homosexualité est criminel ; mais au-delà de cette dialectique idéologique, on nous montre en toile de fond que le baiser homosexuel tue.
 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael, le héros homosexuel, essaie de forcer Alan, le héros hétéro, à assumer son attraction naissante pour Hank… en lui présentant son désir homosexuel comme un accident qu’il ne pourra pas éviter : « Tu n’arrives pas à partir. Comme pour un accident. On ne peut regarder ni détourner le regard. ». Plus tard, Donald, un pote gay de Michael, lui fait la remarque que les accidents n’existent pas : « Il n’y a pas d’accidents. » ; et Michael lui répond : « Je te souhaite d’en avoir un en rentrant. » L’amour est vraiment considéré par les personnages de ce film comme un déterminisme, une fatalité implacable, où le désir et la liberté humaine n’ont plus leur place.
 

L’accident, c’est en réalité la rupture radicale avec la différence des sexes. Par exemple, dans le film « Ander » (2008) de Roberto Caston, suite à un accident dans lequel il va se casser une jambe, Ander, le coureur de jupons, va découvrir son homosexualité.
 

L’accident ou la cata, c’est, aux yeux du héros homosexuel, la différence des sexes qui n’a pas su devenir communionnelle, qui a clashé, qui n’a pas survécu à la fusion ou qui s’est encastrée sur elle-même : « Un homme et une femme occupaient la grosse voiture de sport noire. Au même instant j’eus la vision de l’hôtel où ils allaient : un palais blanc, à Cannes ou à Monte-Carlo, avec sa haute grille de fer forgé et ses allées de gravier. […]Ils s’étaient encastrés sous le mastodonte, comme s’ils avaient fui quelque chose. L’espace d’un instant je les vis tous les deux dans leur automobile déchiquetée : courbés en avant dans leur sommeil. » (Laura, l’un des héroïnes lesbiennes, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, pp. 149-151) Par exemple, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, au moment où Solange et Silvano s’embrassent, Silvano se fait massacrer par les CRS. Au fond, c’est toute la sexualité qui est diabolisée et envisagée comme « accidentelle » ou « cataclysmique ». Ce n’est pas un hasard si le premier court-métrage de Pascal Alex-Vincent, daté de 2009, représentant un jeune adolescent de 18 ans (Gaëtan) et une jeune adolescente du même âge (Juliette) découvrant sereinement la génitalité ensemble dans une forêt, s’intitule « Tchernobyl » : pendant qu’ils « font l’amour », un speaker à la radio évoque une catastrophe nucléaire…
 

Beaucoup plus gravement (car quand le lien entre homosexualité actée et catastrophe est causalisé, il devient de l’homophobie : en effet, l’homosexualité actée ne provoque pas la Fin des Temps, même si elle en est l’un de signe ou voyant social), il arrive que ce soit le couple homosexuel – en famille « homoparentale » – qui soit désigné comme déclencheur des cataclysmes mondiaux, voire rendu responsable de la Fin du Monde si jamais il ne sacrifie pas l’un de ses membres. C’est le cas dans le film homophobe (en même temps que gay friendly… ce qui va ensemble) « Knock at the Cabin » (2023) de M. Night Shyamalan, qui met en scène un couple homo – Eric et Andrew – ayant obtenu par GPA (Gestation Pour Autrui) une petite fille asiatique, Wen, et qui est accusé/prévenu par 4 individus faisant irruption dans sa maison de vacances – présentés nommément comme « les 4 Cavaliers de l’Apocalypse » mais qui ne sont ni homophobes (ils passent leur temps à les disculper, à tenir le discours gay friendly de soutien ou de blanchissement du couple homo, et ils s’interdisent de sacrifier eux-mêmes la famille gay : ils préfèrent se suicider les uns après les autres et s’entretuer plutôt que de toucher à la famille homoparentale) – que s’il ne sacrifie pas un de ses trois membres, il provoquera des cataclysmes mondiaux et la Fin du Monde. Et le plus fou dans ce scénario – preuve que désormais la vague d’homophobie déferle actuellement sur nos écrans sans même que personne ne l’identifie, ne s’en offusque ni ne la dénonce, puisque c’est excusé par le surnaturel, la bonne intention et le ressort fictionnel/esthétique -, c’est que l’avertissement des 4 prophètes de malheur gays friendly qui se sacrifient – se révèle vrai : c’est bien le refus de la famille homoparentale de supprimer un de ses membres qui engendre et alimente l’enchaînement des fléaux à échelle planétaire (tsunamis, pandémie virale, crashs aériens, méga incendies), en plus du massacre méticuleux et successif des martyrs-avertisseurs ; et c’est bien le sacrifice final d’Eric (qui en arrive à gober la prophétie sacrificielle des 4 cavaliers de l’Apocalypse pesant sur son couple, et reposant sur la croyance au lien de causalité entre homosexualité actée et catastrophe) qui met un cran d’arrêt aux fléaux et qui permet à l’Humanité le retour à l’équilibre et à la normale. De surcroît, lors du dénouement, le spectateur découvre que les 4 « illuminés » ne l’étaient pas tant que ça vu qu’ils ont dit vrai sur leur propre vie dès le départ, et ont annoncé des événements terrifiants qui ont bien eu lieu. Donc finalement, le film cache ses intentions homophobes, en se drapant dans l’argument de l’irrationnel ou du genre « horreur » ou du film-catastrophe barré, ou dans le discours de l’innocence visionnaire mâtiné de zèle prophétique irrépressible et gay friendly qui ne se comprend pas lui-même (Par exemple, à aucun moment les voyants ne demandent au couple gay de se séparer, de se convertir, de rendre la petite Wen à sa mère, de nier leur homosexualité ou de reconnaître que leur situation est mauvaise et peccamineuse, ou de se convertir/repentir pour adhérer à une secte ou une Église évangélique). Mais au bout du compte, c’est bien le couple gay qui est à la fois présenté comme le sauveur de l’Humanité (pris séparément, en tant qu’individualités, et tant que l’homosexualité n’est pas pratiquée) mais aussi comme le fossoyeur de l’Humanité (dès qu’il forme couple et « famille »). Si ce n’est pas un message – et une conception du couple homo-acte ou de la famille homoparentale – homophobe, qu’est-ce que c’est ? Enfin, pour parachever ma démonstration et faire un clin d’œil au nom que j’ai donné inconsciemment à ce code (« Passion pour les catastrophes », j’ai expliqué à moultes occasions que la Marque de la Bête de l’Apocalypse serait actualisée par 4 choses principalement : 1) l’hétérosexualité (l’absolutisation des différences au détriment de la différence des sexes et de la différence Créateur/créatures ; promotion d’une bisexualité asexualisante) ; 2) la puce électronique RFID subcutanée, autrement dit le 666 sur la main ou sur le front ; 3) l’humanisme intégral (les valeurs du Christ, sans le Christ) ; la référence au mot « passion » (pas la Passion du Christ, évidemment, mais les goûts et la volonté personnels). Eh bien je ne me suis pas trompé. Car dans le film « Knock at the Cabin », c’est au moment où l’armoire à glace Leonard rencontre dans la forêt la petite Wen (8 ans) qui parle aux sauterelles qu’elle a enfermées dans un bocal, et qu’il lui serre la main pour sceller leur pacte apocalyptique (dans le sens mondain du terme, à savoir luciférien et catastrophiste : d’ailleurs, Lucifer est très présent tout au long du film, et Eric le reconnaît puisqu’il dit voir plusieurs fois « une silhouette dans la lumière »), qu’on voit furtivement mais distinctement tatoué sur la main droite de Leonard le mot « PASSION ». Et ça, je suis sûr et certain que c’est une coïncidence eschatologique qui a échappé au réalisateur M. Night Shyamalan.
 
 

c) L’accident et la catastrophe orchestrés :

Souvent, dans les fictions homo-érotiques, les événements accidentels ou dramatiques tombent comme un cheveu sur la soupe dans l’intrigue, et viennent à la fois briser l’« identité » et l’« amour » homosexuels, à la fois confirmer ceux-ci dans leur beauté, innocence et éternité. Le spectateur découvre que l’accident et la catastrophe dépeints ne sont pas si catastrophiques ni si fortuits que ça. « Dans son obsession du contrôle il avait besoin de prévoir l’imprévisible jusque dans ses moindres détails. » (Jason, l’un des héros homosexuels dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 377) Il semble qu’ils aient été programmés, et même voulus, « érotisés », « esthétisés » par le héros homosexuel. Et même si, au départ, il n’en avait pas l’initiative, il finit par s’y faire et par les considérer comme les cadres idéaux de sa personnalité et de son amour (ex : les plans drague calculés, la croyance aux coups de foudre, etc.) : cf. le roman Ma catastrophe adorée (2004) de Mathieu Lindon, le film « Les Yeux fermés » (2000) d’Olivier Py (parlant d’un accident tragique d’avion qui ne laisse aucune trace de tristesse chez le héros homosexuel), la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec le faux accident prétexté), la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, le film « Play Dead » (2001) de Jeff Jenkins, le film « Pon Un Hombre En Tu Vida » (1999) d’Eva Lesmes, le vidéo-clip de la chanson « Beau Malheur » d’Emmanuel Moire, etc.
 

En quelque sorte, l’accident semble « naturaliser », « évidentialiser » le lien sentimental homosexuel. Par exemple, dans le film « Amour toujours » (1995) de Gabriel de Monteynard, nous retrouvons le thème de l’accident-pas-si-accidentel-que-cela : deux hommes tombent amoureux suite à un accident de vélo soi-disant involontaire. Ce qui se veut amour sincère et spontané en réalité se révèle être une surprise complètement scénarisée, une réalité trafiquée, puisque l’amant de Gustave Durant lui avoue à la fin qu’« il a provoqué l’incident qui a permis leur rencontre ». Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1985) de Copi, Vicky a été victime d’un attentat au drugstore, attentat qui l’a fortement handicapée… et peut-être qu’elle-même portait la bombe. Dans la biopic « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh, le pianiste virtuose Liberace attribue son coming out à sa vision de l’attentat de John Fitzgerald Kennedy à la télé : « Ce qui a tout fait basculer dans ma vie, c’est le jour de l’assassinat de Kennedy. »

 

Souvent déçu par ses expériences homosexuelles, le héros homosexuel tente de justifier son attraction pour les accidents/catastrophes par le cynisme ou le registre ironique : « J’irais bien voir ‘La Liste de Schindler’. Pour décompresser. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Qu’est-ce qu’on s’est poilés à Fukushima. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « L’enfer n’est pas pire que ce Monde. » (Rinn, l’héroïne lesbienne de la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; etc. Il rentre dans la peau de la bourgeoise grande folle, qui parle toujours de catastrophes, qui en voit partout, et qui aime se faire peur : « Un cataclysme ? Pourvu que ça n’arrive pas chez vous ! » (la Reine dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Y’a eu une catastrophe !… J’étais effondré à cause de ma dinde ! » (Romain Canard, le coiffeur homo, par rapport à sa dinde au four, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; etc. Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent est paniqué devant la télé avec ses amis, à regarder le JT sur la Guerre d’Algérie : « Tu te rends compte, si ça bascule, on aura l’air malins… » Et Betty, son amie bourgeoise, de répondre en riant : « J’ai toujours rêvé d’une catastrophe financière ! ». Dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien, l’héroïne lesbienne Romane a remplacé la nouvelle de son homosexualité par celle d’un accident fictif pour éviter d’affronter son père. Ce dernier (Alain Richepin) réagit, par conséquent, très bien : « Ça va. Apparemment, ton accident, c’est pas trop grave. » Une fois qu’il découvre le pot aux roses, il demande à sa fille pourquoi elle lui a menti. Elle lui répond : « Parce que je voulais rester en Thaïlande et que j’ai inventé cette histoire d’accident, voilà. »
 

Film "Après lui" de Gaël Morel

Film « Après lui » de Gaël Morel


 

Mais la plupart du temps, c’est le registre sérieux, idolâtre, nostalgique, politique, dramatique et violent qui prend le dessus. « À t’entendre, on dirait que vous êtes sur le radeau de la Méduse. » (Colette s’adressant à Jason, le héros homosexuel du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 34) ; « Le chaos est dans l’air. » (cf. la chanson « Gabon » de Jann Halexander) ; « Tout est chaos à côté. » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; etc. Certains héros homosexuels semblent craindre autant qu’être attirés par les drames humains, par morbidité, paranoïa-victimisante-qui-tient-chaud et voyeurisme malsains. C’est la raison pour laquelle certains sont fanas de la presse à scandale, de la télé-réalité, des émissions voyeuristes fondées dont le scandale et la mort sont le fond de commerce, des faits divers sur les accidents semi-orchestrés, des meurtres non-élucidés : cf. le ballet Alas (2008) de Nacho Duato (à propos de l’impact des journaux à scandale), le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec Bruno, le héros homosexuel psychopathe, et grand lecteur de press people), le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar (avec la « Télé Suicides en direct »),, le film « Serial Mother » (1994) de John Waters, le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone (avec la fausse émission Suicide en direct), le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel (avec l’attraction morbide et incestuelle d’une mère pour le meurtrier accidentel de son fils), les romans Un Garçon d’Italie (2003) et L’Homme accidentel (2008) de Philippe Besson, la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen (avec l’émission de télé-réalité Stars chez eux menée par une présentatrice folle-dingue, Graziella), etc. D’ailleurs, les créateurs homosexuels maquillent mal leur complaisance ou leurs pulsions sadiques derrière la confortable excuse du « second degré ».
 

« Enfant, il examinait avec un soin particulier les photographies des journaux illustrés où la part la plus large était faite à l’assassinat. Aujourd’hui son destin voulait qu’il se trouvât lui-même à l’intérieur d’une de ces images violentes, ainsi qu’un spectateur qui se serait subitement transporté sur la scène et au milieu du décor qu’un instant plus tôt il regardait de la salle. » (Paul dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, pp.117-118) ; « Jane s’imagina des snipers embusqués parmi les monuments, une bombe frappant les tombes, les personnes déjà mortes projetées en l’air ; résurrection et Jugement dernier. » (Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 37) ; « La survie de notre espèce m’importe bien peu et, oserais-je le confesser ? Il m’arrive même parfois de rêver de l’écroulement des empires. » (la figure de Marcel Proust dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 96-97) ; « Une crise arrive dans le pays, c’est la débâcle c’est la faillite. […]La télé est éteinte au lieu d’être allumée. Moi qui rêvais de drames, ceux des autres, pas les miens… » (cf. la chanson « À table » de Jann Halexander) ; « L’an 2000 sera spirituel, c’est écrit dans ELLE. Du fun pour une fin de siècle. » (cf. la chanson « L’Instant X » de Mylène Farmer) ; « J’aime les scandales quand ils concernent les autres. » (Dorian, le héros homosexuel du roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; etc.
 

La catastrophe ou l’incident est utilisé(e) comme un gage/une preuve d’innocence par le héros homosexuel qui, pour ce faire, rentre dans un jeu de « folle perdue », de fashion victim, ou de vierge effarouchée bobo étonnée par elle-même. Il mime sur lui-même, de manière publicitaire, les effets de l’accident pour mieux se convaincre qu’il n’a rien orchestré : « Il n’y a pas de stratégie. Je ne sais pas avoir de stratégie. » (Vincent, le héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 17) Le personnage homosexuel simule d’être surpris par sa programmation du hasard, d’être foudroyé par un amour incompréhensible qu’il aura pourtant initialement orchestré : « Il se passe une chose que je n’avais pas prévue. » (Éric s’adressant à son amant Sven, dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 139) ; « Depuis cette nuit-là, elles [Gabrielle et Émilie] s’écrivent, s’interrogent sans relâche sur la nature de leur sentiment, sur ce fol élan réciproque que rien ne laissait prévoir. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 12) ; etc.
 

Chose incroyable mais réelle : le héros homosexuel se met alors à désirer vraiment l’accident, la catastrophe. Par exemple, dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, Harper est à l’affût des « catastrophes cosmiques ». Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca tourne en dérision le tsunami d’Asie du Sud-Est. Dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, à un moment, sur un écran géant, sont montrées au public des images de guerre, du tsunami japonais et de Fukushima, sur un air de fête et de gospel. Toute la bande d’amis libertaires célèbre leur idolâtrie millénariste : « Ce soir, la dernière nuit du Monde, restons tous ensemble regarder la lune. » (Claude) Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David lit la revue à scandales Voici. Dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, Victor est friand des histoires de disparitions racontées dans les journaux. Dans le film « L’Imposteur » (2005) de Christoph Hochhaüsler, Armin, le protagoniste, cultive une passion morbide : il adore observer les accidents de la route. Dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, le narrateur homosexuel avoue son « petit goût de drame qui couve, de catastrophe qui mitonne » (p. 29). Il est fan d’opéras classiques dans lesquelles il peut observer les drames des autres (réels ou fictionnels) et y projeter son propre narcissisme mortifère : « Je suis un personnage muet qui assiste avec une joie méchante aux malheurs des autres. » (p. 18) ; « Le trio [des personnages de l’opéra La Bohème de Puccini] s’enroule autour de moi, je me vautre dedans, je vis avec une grande délectation les trois malheurs qui se déploient en même temps dans mon oreille, je peux vivre simultanément trois malheurs, c’est ça, je crois, qui me plaît le plus. » (idem) ; etc. Par exemple, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, la présentatrice-télé lesbienne, confesse sans honte qu’elle attend impatiemment que les drames arrivent, que les bombes explosent, pour avoir un scoop qui la rendra célèbre : « Plus le monde va mal et mieux je me porte ! »
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’accident et la catastrophe subis :

Dans les discours courants sur l’homosexualité, il est souvent question des catastrophes, de l’Apocalypse, des accidents, du déchaînement des forces naturelles, tous ces événements apparemment extérieurs et indépendants de la volonté humaine. Par exemple, le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein » (« Tu ne seras pas gay », 2015) de Marco Giacopuzzi commence par une représentation du Déluge qui engloutit des poupées Ken gays. Dans l’émission Temps présent spéciale « Mon enfant est homo » de Raphaël Engel et d’Alexandre Lachavanne, diffusée sur la chaîne RTS le 24 juin 2010, la maman de Lucien, un jeune témoin homosexuel suisse, raconte la sensibilité de son fils « face aux nouvelles qu’ils écoutaient à la radio » petit.
 

Il y a un lien indéniable entre homosexualité et décadence, désir homosexuel et catastrophes. Il n’est pas causal. Mais l’arc-en-ciel est toujours signe de pluie, même s’il peut la précéder ou la suivre. J’ai souvent coutume de dire que le désir homosexuel ne crée rien, mais qu’il est le voyant rose d’une catastrophe déjà passée ou imminente. L’Histoire humaine me donne raison (cf. je vous renvoie au code « Entre-deux-guerres » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « En l’an 1000. – Cette époque, pour laquelle la légende prédisait la fin du monde, connut un grand relâchement des mœurs. La sodomie (d’après les chroniqueurs du temps) devint alors le vice le plus répandu dans toutes les classes de la société, chez les princes comme chez les serfs, chez les évêques comme chez les moines. L’abbé de Clairvaux, Henri, écrivait au pape Alexandre III, en 1177 : ‘L’antique Sodome renaît de ses cendres ! » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 128) On peut penser notamment à la coïncidence entre les années folles et l’irruption de la folie nazie dans les années 1930 ; à la simultanéité de l’arrivée du Sida et la débauche de pratiques homosexuelles qui se vivaient dans les années 1970-1980. La permissivité, l’excès, la luxure, louvoient souvent avec les accidents, les catastrophes, les maladies. La Nature reprend toujours ses droits, et d’autant plus violemment qu’ils Lui ont parfois été injustement retirés.
 
 

b) L’accident et la catastrophe homosexualisés :

L’accident, dans l’esprit de beaucoup de personnes homosexuelles, recycle la pulsion entre grande love story, en coup de foudre : « C’était un coup de foudre réciproque. » (Élisabeth par rapport à son amante Catherine dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Il a levé les yeux, a souri et moi je suis tombé amoureux, immédiatement, instantanément. On appelle ça le coup de foudre. Moi, j’appelle ça la reconnaissance mutuelle. […] Je ne l’ai pas quitté. Il ne m’a pas quitté. On a dansé ensemble. Une fois. Un slow. ‘Pull marine’. Isabelle Adjani. » (Abdellah Taïa parlant de son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 108)
 

L’accident était pourtant potentiellement l’espace salutaire laissé pour le doute face à l’homosexualité, pour la gêne face à la viol/au fantasme de viol (qui passera, aux yeux de certains militants pro-LGBT, pour de l’homophobie intériorisée) : « Faudrait pas qu’on ait un accident. » (la dernière phrase de Kamel s’adressant à son amant-ventouse Christian, dans l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli, p. 168) Une intuition de la conscience humaine avertit les personnes homosexuelles que le véritable accident qui les fait souffrir, la catastrophe qui les guette, c’est uniquement le passage à l’acte homosexuel ainsi que les sentiments homo-érotiques assumés. Par exemple, la forme qu’a choisie Jean Cocteau pour déclarer sa flamme à Jean Marais par téléphone est signifiante. Il lui annonce une « catastrophe ». Cette catastrophe, c’est qu’il l’aime : « Il y a une catastrophe : je suis amoureux de vous. » Jean Marais lui répond que lui aussi (cf. l’article « Jean Marais : le Disciple dissipé » de Patrick Renaudot, dans le Magazine littéraire, n°423, septembre 2003, p. 33). Par rapport au roman La Mort à Venise (1912) de Thomas Mann, Kurt Hiller lui a seulement reproché que « l’amour pour un garçon soit diagnostiqué comme un symptôme de décadence et décrit presque comme le choléra » (Philippe Simonnot, Le Rose et le Brun (2015), p. 122).
 

Mais malheureusement, le motif de l’accident sert d’alibi à beaucoup de personnes et de créateurs homosexuels pour ne pas à avoir à s’interroger sur les échecs et les insatisfactions de la pratique homosexuelle. Si ça n’a pas marché, « c’est le destin », « c’est le hasard », « c’est que c’était pas le bon moment ni la bonne personne », « c’est la vie », « c’est l’amour ».
 

« Le grand point faible de l’homosexualité, c’est sa lâcheté : surpris en flagrant délit ‘d’outrage aux mœurs dans un lieu dit public’, le pédéraste ne peut chercher aucun secours chez son partenaire de rencontre ; il est seul. Personne n’est jamais homosexuel… sauf celui qui se fait pincer. Une ignoble loi de la jungle régit notre existence et nous vivons dans la perpétuelle attente de la catastrophe. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 103)
 

 

c) L’accident et la catastrophe fantasmés et orchestrés :

Marilyn Monroe passant sur une bouche d'aération

Marilyn Monroe passant sur une bouche d’aération


 

La plupart des personnes homosexuelles n’écoutent pas leur conscience, et trouvent plutôt dans les accidents/catastrophes un motif esthétique fantasmé dans lequel masquer/justifier leurs sentiments et leurs actes homosexuels. Les cataclysmes et les incidents sont une façon de combler leur effondrement désirant/identitaire, ou bien leur fantasme victimisant de viol/mort. « Je rêve si souvent de catastrophes propices aux évasions héroïques et aux aventures ! » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 59) ; « Je me persuade que nous allons avoir un accident. C’est un jeu, une construction. J’anticipe le dérapage, les freins qui hurlent, les tonneaux, l’explosion du moteur. Et mon corps projeté dans un fossé. Je touche de mes mains le sang qui coule de mes tempes, j’ai perdu la voix. J’attends de savoir ce qu’on fera de moi après la mort des miens. […] Je frotte une dernière fois l’idée de ma mort pour en faire jaillir ma légende, et déjà la voiture freine, l’exceptionnel cesse. Je ne suis qu’un garçon quelconque et envieux. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), pp. 41-52) ; etc. Par exemple, dans son Journal (1992), Jean-Luc Lagarce raconte qu’il est tellement fasciné par les catastrophes qu’il tient un journal nécrologique des personnalités médiatiques défuntes. Andy Warhol aime prendre en photo les crashs d’avion, les défenestrations réelles. Truman Capote est attiré par la catastrophe et le crime odieux : cette passion est relatée dans la biopic « Scandaleusement célèbre » (2007) de Douglas McGrath. Dans le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein » (« Tu ne seras pas gay », 2015) de Marco Giacopuzzi, Sofiane, musulman homosexuel de vingt ans, lit sa revue Closer.
 

Aussi dur que paraisse le constat, certaines personnes homosexuelles, de leur propre aveu, identifient l’apparition du Sida dans les années 1980 comme LA Catastrophe qui leur confère un statut de victimes homosexuelles : « Une certaine proportion d’homosexuels sont dans une sublimation de la séropositivité ou revendiquent une séroconversion volontaire. […] La séropositivité permet d’annoncer son homosexualité, de faire en quelque sorte partie du ‘club’. » (la Direction Générale de la Santé, citée dans l’essai Sida, le vaccin de la vérité (1995) de Thomas Montfort, p. 30)
 

Une grande part de la communauté homosexuelle trouve dans l’homophobie, les accidents ou les catastrophes une occasion en or de se rendre intéressante en se victimisant, de s’acheter un héroïsme à peu de frais. Elle survivrait à un danger permanent, à une oppression permanente qui pourrait surgir de tous côtés et à n’importe quel moment. « À l’époque, il y avait de la discrimination partout. C’était affreux. » (le danseur transsexuel M to F « Carmen Xtravaganza », dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé sur la chaîne Arte le 20 octobre 2014)
 

L’accident ou la catastrophe incontrôlée permettent à un certain nombre de créateurs/cinéastes homosexuels de donner corps magiquement/instantanément à leurs amours impossibles/insatisfaisantes. Ces événements tragiques tombent comme un cheveu sur la soupe dans les intrigues qu’ils filment, et viennent à la fois briser l’« identité » et l’« amour » homosexuels, à la fois confirmer ceux-ci dans leur pseudo beauté, innocence et éternité. L’accident et la catastrophe dépeints par les personnes homosexuelles militantes pro-gays ne sont pas si catastrophiques ni si fortuits que ça. Il semble même qu’ils aient été programmés, et même voulus, « érotisés », « esthétisés » par elles : cf. la photographie Catastrophe mauve (1963) d’Andy Warhol. Et même si, au départ, elles n’en avaient pas l’initiative, elles finissent par s’y faire et par les considérer comme les cadres idéaux de leur personnalité et de leur amour. Il s’agit de prouver l’amour par son contraire.
 

Par exemple, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, à chaque fois que le mythe de l’amour homo éternel peut subir la moindre égratignure, les auteurs font survenir l’accident de manière totalement abusive, comme une forme de censure, et de justification de l’amour homo par la catastrophe scabreuse, injuste, homophobe : Bryan se retrouve dans le coma après un accident de moto ; son amant Kévin est sur le point de se pendre ; Bryan finit assassiné à la fin du roman par une agression homophobe inattendue. Ce roman tente de nous certifier deux convictions contradictoires : que l’amour homo est magnifique ET impossible.
 

De même, le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot obéit à la même spirale sentimentalo-tragique : tous les personnages vivent simultanément des amours homosexuelles totalement idéalisées ET aussi totalement dramatisées (ça va ensemble quand un désir rejoint l’irréel !) : Marcel a 4 ans quand il a son accident qui le rend tétraplégique ; Ahmed et Saïd sont frappés par la foudre (qui sera fatal à Saïd) pile au moment où ils s’embrassent ; Patrick, le grand frère de Lucie, meurt tragiquement dans l’attentat contre les tours du World Trade Center ; quant à Lucie, elle voit sa compagne Ginette partir à la guerre en Irak.
 

La juxtaposition cinématographique d’un mal accidentel et de l’homosexualité est une recette qui marche de plus en plus au cinéma et dans les séries car elle repose sur un chantage aux sentiments et des réalités humaines douloureuses qu’il est extrêmement difficile de cautionner. Tout comme le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure exploitait la difficulté du coming out pour justifier le « couple » homo, tout comme le film « Les Joies de la famille » (2008) d’Ella Lemhagen exploitait le malheur de l’orphelin pour justifier la « beauté » de l’adoption « homoparentale », tout comme le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie MacDonald exploitait le malheur de la précarité et du chômage pour dépeindre une idylle amoureuse homosexuelle, tout comme le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears exploitait le malheur de la xénophobie pour justifier la force de l’« amour » homo, tout comme le film « Loin du paradis » (2002) de Todd Haynes exploitait le malheur du racisme pour justifier la « véracité » de l’« identité homosexuelle », tout comme le films « Love ! Valour ! Compassion ! » (1997) de Joe Mantello exploitait sincèrement le malheur du Sida pour justifier les « couples » homos, tout comme le film « Tom Boy » (2011) de Céline Sciamma exploitait le « malheur » de l’adolescence et de sa soi-disant « cruauté » pour justifier la schizophrénie transidentitaire d’une adolescente, tout comme le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq exploitait le malheur de la stérilité pour justifier la Gestation Pour Autrui (= les mères porteuses), tout comme le téléfilm « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure exploitait le malheur de la guerre pour justifier la force de l’histoire d’« amour » homo, tout comme le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald exploitait le malheur de la vieillesse et de la mort pour prouver la beauté du « couple » homo, tout comme le film « Harvey Milk » (2008) de Gus Van Sant exploitait le malheur de l’homicide et de la folie meurtrière pour justifier le courage du militantisme LGBT, tout comme le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenn Ficarra exploitait le malheur de la prison pour démontrer la puissance de l’amour entre deux hommes, tout comme le film « Week-end » (2011) d’Andrew Haigh exploitait le désespoir amoureux pour justifier la « beauté » des « plans cul », tout comme le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2005) d’Ang Lee exploitait le malheur de l’homophobie intériorisée pour rappeler l’urgence du coming out, le film « Pride » utilise également la misère du monde ouvrier et les maladresses parfois violentes d’un monde hétéro découvrant l’existence des personnes homosexuelles, pour nous faire signer aveuglément le certificat d’« amour » décerné à la relation entre deux personnes de même sexe. Désolé, mais cela reste du mensonge.
 

Quand nous voyons des films traitant de l’homosexualité et choisissant pour toile de fond des événements terribles venant détruire une romance ou une identité homosexuelle présentée comme idyllique, nous avons tous envie de dire à la fin de la projection que la spectaculaire catastrophe ou l’agression extérieure rendent les unions homosexuelles, sinon idéales, du moins justifiables, même si dans les faits, ces films sont bien éloignés de la réalité quotidienne des « couples » homosexuels de chair et d’os. Qui peut essayer de comprendre avec un certain détachement les mécanismes de l’homophobie, après avoir vu un tel carnage d’« amour » construit sur pellicule ? Qui peut paraître humain de remettre en cause une image d’Épinal de l’« amour » homosexuel contrebalancée par une violence visuelle assurément percutante, mais ô combien exagérée ? Difficile, par exemple, de ne pas avoir le cœur brisé en voyant sur les écrans le désarroi du mari de Cathy Whitaker dans le film « Loin du Paradis » (2002) de Todd Haynes, homme qui n’arrive résolument pas à réprimer ses penchants homosexuels malgré toute la bonne volonté du monde, ou de ressortir du visionnage du « Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee en affirmant la bouche en cœur que l’« amour » homosexuel n’est pas réel et merveilleux, même si nous l’avons vu entravé. Qui peut humainement se réjouir de voir dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus la spoliation (pour reprendre les termes de cette chère Arlette Laguillier) des droits des mineurs, la répression policière, la maltraitance des villageois au chômage et crevant de froid en hiver sans chauffage, le rejet d’un adolescent homo par sa famille bourgeoise hétérosexiste ? Personne ! Vraiment personne !
 

Mais, je vous le demande, est-ce que l’Amour ne se manifeste que dans les cas extrêmes où la liberté humaine se rapproche de la nullité ? À travers de tels films, les réalisateurs homosexuels sont plutôt en train d’enfermer l’Amour et l’identité humaine dans un cadre déterministe et fataliste. Ils valident par un regard orienté vers des situations particulièrement dramatiques une vision de l’existence humaine et de l’Amour très négative. Ils énoncent que l’Homme n’est que rarement libre et heureux, et que c’est cela sa vérité d’amour et d’identité. Comment peuvent-ils espérer ensuite que leur défense du désir homosexuel apparaisse aux yeux de la société comme aimante ?
 

Il semble paradoxal de prouver l’Amour par son contraire. Face à ce nouveau type de « films choc » (qui, soit dit en passant, dans leur formule, ne s’opposent pas aux comédies sentimentales et enjouées de l’homosexualité), nous sommes pris entre l’extrême compassion et la méfiance de l’émotionnel, si bien travaillé par le cinéma. Au fond, la révolte et l’empathie ne sont que des effets recherchés par ceux qui créent le mythe du couple télégénique homosexuel heureux, ou de l’homosexuel assumé et émancipé post-coming out, pour masquer la réalité d’une union beaucoup moins rose dans les faits. Ils universalisent, en quelque sorte, un méfait opéré sur un personnage télévisuel homosexuel vivant un scénario-catastrophe, pour ensuite justifier leurs utopies personnelles et des revendications concernant la communauté gay très discutables dans la réalité concrète. L’injustice filmée ne laisse pas de marbre, c’est sûr. Mais il y a une sorte de malhonnêteté intellectuelle à traiter de l’homosexualité avec d’autres thèmes qui lui sont liés mais non de manière causale (par exemple la folie meurtrière des camps de concentration, le déferlement incontrôlé de l’homophobie dans certains milieux sociaux culturellement pauvres, une agressivité familiale exacerbée, l’émergence inopinée du Sida, le handicap, etc.). Malhonnêteté rehaussée par sa prétention (hypocrite) au réalisme et à la biographie, car souvent ce sont des films basés sur des personnes ayant déjà existé, ou sur des « faits réels ». Le pire, c’est que je crois que cette volonté naturaliste du réalisateur est sincère et qu’il ne s’est même pas rendu compte qu’il manipule le Réel et le public par l’émotionnel.
 

Ne nous laissons donc pas déborder par nos émotions : écoutons la Réalité, qui est bien meilleure conseillère. En effet, comme humainement et éthiquement nous ne pouvons pas cautionner la haine et le mépris, nous sommes encouragés à signer sans réfléchir à des versions idylliques et victimisantes de l’« amour » homosexuel. On se réveille. Le couple homosexuel n’est pas le couple homosexuel cinématographique. La communion fraternelle vécue entre personnes homos (parfois concrète et porteuse d’une chaleur amicale réelle, d’un vrai pouvoir d’actions associatives de solidarité) n’est pas le couple homo. C’est con de le dire mais c’est vrai. Ne confondons pas l’amitié avec l’amour, la solidarité avec l’amour conjugal, la sincérité de nos bonnes intentions avec la Vérité (on peut vouloir le bien sans le faire), les films avec la Réalité, l’euphorie (adulescente) avec la vraie joie.
 

L’autre manière (moins sucrée et en apparence moins naïve, moins pathos… mais au fond tout aussi naïve) de quitter le Réel, c’est, chez les artistes LGBT, la création d’accidents par la violence et par l’iconoclastie politico-artistique… reposant concrètement sur des pièces contemporaines, sur des films « masturbation intellectuelle » pornos et trash, sur des actions militantes ponctuelles genre « accident programmé » (les sitting, les dying, les dégradations de bâtiments, les kissing spontanés, les arrivées impromptues des Femen sur les lieux de culte catholique, etc.). Si l’on s’en tient uniquement au monde du théâtre LGBT actuel, la mise en scène de soirées-catastrophes, où s’enchaînent les engueulades, les règlements de compte, les accidents, les gags plus ou moins sérieux, est une spécialité de l’humour camp. Tout y est dramatique mais finalement peu grave tellement l’accident est grossier, répétitif, est un ressort dramaturgique systématique. Je pense par exemple aux pièces de Copi, de Denis Lachaud, de Rodrigo Garcia, etc. Ces œuvres iconoclastes qui finissent en apothéose de la destruction (les scènes de théâtre parfois sont défigurées d’eau, de peinture, de merde, après les happenings « accidentels » et « politiques ») chantent en réalité la victoire artistique des apparences et des sentiments sur le Réel et sur l’Amour incarné.
 

Les happenings déproblématisent totalement l’homosexualité, sont des mises en scène qui se veulent innocentes, spontanées, improvisées (car l’acte homosexuel y est présent, mais non-assumé, non-verbalisé, non-justifié en tant qu’identité ou en tant qu’amour) mais qui justifient les actes homos par omission (car la pratique scénique est déjà une justification). En somme, ce sont des instruments de censure particulièrement redoutables puisqu’ils orchestrent l’accident en enfermant le spectateur dans leur silence et dans les impressions qu’ils suscitent en lui : « Les incidents divers sont particulièrement abondants. […] Les uns font appel à la violence, d’autres à l’ironie ; les uns ressemblent à des Haï-Kaïs, les autres représentent des scènes épiques. […]Le Happening ne comporte aucune intrigue, ainsi pas d’élément interne de ‘suspens’ qui puisse susciter l’intérêt du spectateur, et finalement le satisfaire. […] Il n’est pas exact (comme le supposent certains amateurs de ce genre de spectacle) que les Happenings soient un jeu d’improvisation. Ils sont répétés avec soin pendant une période qui peut varier d’une semaine à un mois. […] Les éléments matériels, objets mous ou résistants, propres ou sales, utilisés selon leur nature, prennent, dans le Happening, une importance primordiale. Ce souci d’utilisation de la matière, qui fait que le Happening tient de l’art de la peinture, au moins autant que de celui du théâtre, apparaît encore dans une certaine façon de traiter les personnages comme des objets plutôt que comme des êtres individualisés. […] L’art, ainsi compris, est à l’évidence agressif. Agressivité à l’égard du conformisme présumé de son public, et à l’égard du milieu social lui-même. Par sa technique des oppositions flagrantes, le surréalisme cherche, sur la sensibilité, l’effet de choc. […] Le surréalisme peut viser des objectifs plus sérieux : le fondement d’une thérapeutique, par une rééducation de la sensibilité dans le domaine des arts, et par une sorte de traitement psychanalytique visant à la réforme du caractère. Et il peut constituer enfin un arsenal technique de la terreur. […] Les Happenings présentent trois caractéristiques essentielles : en premier lieu, l’objectivation ou la dépersonnalisation des personnages ; en second lieu, l’importance accordée au spectacle et au bruitage, au détriment de la parole ; enfin, une volonté délibérée d’éprouver durement le public. […] Dans les Happenings, le bouc émissaire, c’est le public. » (cf. l’article « Les Happenings : Art des confrontations radicales » de Susan Sontag, L’Œuvre parle (1968), pp. 403-420) La scénarisation de l’accident ou de la catastrophe dans les fictions homo-érotiques, en plus d’illustrer une lâcheté et une démission de la pensée, fait et veut faire violence. Ne nous y trompons pas : c’est de la censure pure… sauf qu’on a du mal à s’en rendre compte car le premier à se censurer, c’est le censeur même !
 
 

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Code n°144 – Photographe (sous-code : Caméraman / Filmer sa vie)

Photographe

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NOTICE EXPLICATIVE :

 

La photo qui tue le désir

 

Yves Saint-Laurent

Yves Saint-Laurent


 

Pour beaucoup de personnes homosexuelles, l’identité ou l’amour, c’est triste à dire mais ça se réduit à un flash photo : ça nous semble fugace et vrai à la fois. C’est comme si notre désir érotique s’était statufié, figé, suite à ce clic lumineux, et que nous cherchions sans arrêt à nous faire croire que ce moment est éternel, beau, qu’il ne doit pas bouger, que nous pourrions y demeurer à jamais.
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Substitut d’identité », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Pygmalion », « Peinture », « Espion homo », « Voyeur vu », « Homosexualité vérité télévisuelle ? », « Miroir », « Bobo », « Actrice-Traîtresse », « Regard féminin », « Télévore et Cinévore », « Patrons de l’audiovisuel », « Amant modèle photographique », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Poids des mots et des regards », « Lunettes d’or », « Amant narcissique », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) Ma vie comme un flash :

Film "Ma vraie vie à Rouen" de Ducastel et Martineau

Film « Ma vraie vie à Rouen » de Ducastel et Martineau


 

Dans les fictions homo-érotiques, on ne compte plus le nombre de photographes ou de caméramen, soit parce que le héros homosexuel est effectivement passionné de photos et en fait son métier ou sa technique de drague, soit parce qu’il tombe amoureux d’un photographe : cf. le film « And Then Came Lola » (2009) d’Ellen Seidler et Megan Siler, le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin (Harold, le coloc gay de Michael, est photographe de mode), le film « Elle + Elle : leur histoire d’amour » (2012) de Sranya Noithai (avec June, l’héroïne lesbienne qui est une jeune photographe), le film « La Doublure » (2005) de Francis Veber (avec le photographe de mode, efféminé), le film « My Brother The Devil » (2012) de Sally El Hosaini (avec Sayyid, le héros homosexuel), le film « Elena » (2010) de Nicole Conn (avec Elena, une des héroïnes lesbiennes), le film « Somefarwhere » (2011) d’Everett Lewis (avec Price, le héros homo reporter, qui dès les premières images du film est montré en train de prendre des photos), le film « Darling » (1965) de John Schlesinger, la chanson « Flash » de Stéphanie de Monaco, le film « La Vie intermédiaire » (2009) de François Zabaleta (avec le jeune photographe homosexuel), le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo (avec le personnage de Giulia, photographe), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec Ernesto, le caméraman), la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, les films « Le Caméscope » (1999) et « Un Parfum nommé Saïd » (2003) de Philippe Vallois, le film « Regarde-moi » (2001) de Sylvie Ballyot et Béatrice Kordon, le film « Du poil sous les roses » (2000) d’Agnès Obadia et Jean Julien Chevrier, le film « Les Yeux brouillés » (1995) de Rémy Lange, le film « Nagua » (1983) d’Amos Gutman, le film « Piccadily Pickups » (1999) d’Amory Peart, le film « Omelette » (1997) de Remi Lange, le roman The Rubyfruit Jungle (1973) de Rita Mae Brown, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec Leni Riefenstahl), le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, le film « Hammam » (1996) de Ferzan Ozpetek (avec le personnage de Mehmet), le film « Boogie Nights » (1997) de Paul Thomas Anderson, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec le personnage d’Éric), le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper (avec le personnage de David), le film « Love/Juice » (2000) de Kase Shindo, le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le film « The Linguini Incident » (1992) de Richard Shepard, le film « Hong Kong Night Club » (1998) de Watanabe Takayoshi, le film « Maman Küster s’en va au ciel » (1975) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Feuille » (2004) de Youxin Yang, le film « Quai des Orfèvres » (1947) d’Henri-Georges Clouzot (avec le personnage Dora), le film « Boys Don’t Cry » (1998) de Kimberly Peirce, le film « The Fluffer » (2001) de Richard Glatzer, le film « Head In The Clouds » (2003) de John Duigan, le film « Nieh Tzu » (« Garçons de Cristal », 1987) de Yu Kan-ping, le film « La Petite Mort » (1995) de François Ozon, le film « By Design » (1981) de Claude Jutra, le film « Pecker » (1998) de John Waters, le film « Les Yeux de Laura Mars » (1977) d’Irwin Kershner, le film « High Art » (1998) de Lisa Cholodenko, le film « Moments » (1979) de Michal Bat-Adam, le film « Jeu de miroir » (2002) d’Harry Richard, le film « Le Chant des sirènes » (1987) de Patricia Rozema, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, le film « À corps perdu » (1988) de Léa Pool, le film « Bezness » (1991) de Nouri Bouzid, le film « Le Club des cœurs brisés » (2000) de Greg Berlanti, le film « 200 American » (2003) de Richard Lemay, le film « Elephant » (2003) de Gus Van Sant, le film « Folle d’elle » (1997) de Jérôme Cornuau, le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver, la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim (avec le personnage lesbien de Marcy), le roman La Colmena (1951) de Camilo José Cela (avec Julián Suárez, surnommé « la Photographe »), le film « Le Traqué » (1950) de Frank Tuttle et Boris Lewin, le film « La Salamandre » (1969) d’Alberto Cavallone, le film « Armaguedon » (1976) d’Alain Jessua, le film « L’Important c’est d’aimer » (1974) d’Andrzej Zulawski, le film « Working Girls » (1986) de Lizzie Borden, le film « Delirium » (1987) de Lamberto Bava, le film « Memory Pictures » (1989) de Pratibha Parmar, la pièce La Photographie (1986) de Jean-Luc Lagarce, le film « Rosebud » (1974) d’Otto Preminger (avec la patronne lesbienne d’une boutique de photos), la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn, l’épisode 95 « Disparition au lycée » de la série Joséphine ange gardien (avec Océane, la photographe lesbienne), etc.
 

Par exemple, dans la biopic « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, Allen Ginsberg n’arrête pas de photographier. Dans la pièce Hors-piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Francis, le héros homosexuel, est choisi comme le photographe attitré du séjour par la bande de vacanciers. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, Joe est préposé « photographe officiel » du bal caritatif Pervers & Mineurs. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le jeune héros fashion victim, prend tout en photo avec son téléphone portable. Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Suki, l’une des héroïnes lesbiennes, se prend en photo en selfie.
 

« Comme tous les pédés, je veux aller voir la rétrospective de Nan Goldin à Beaubourg. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 89) ; « Ma seule activité de loisir jusque-là avait été la photographie noir et blanc. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 18) ; « C’est dingue comme j’adore prendre des photos ! » (Max, l’un des héros homosexuels, qui répète cette phrase à plusieurs reprises dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Vous avez des yeux de photographe. » (Catherine S. Burroughs s’adressant à Jean-Marc, homosexuel, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 221) ; etc.
 

Film "Xenia" de de Panos H. Koutras

Film « Xenia » de de Panos H. Koutras


 

Très souvent, le personnage homosexuel fait de sa vie un roman-photo narcissique, un vidéo-clip façon journal intime vintage : cf. la pièce Le Rôle de ma vie (2004) d’Erwann Chuberre. Il se filme souvent lui-même : cf. le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, le film « Memento Mori » (1999) de Kim Tae-yong et Min Kyu-dong, le film « This Car Up » (2001) d’Éric Mueller, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, la B.D. Kang (1984) de Copi, le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi (avec Miriam, l’héroïne transsexuelle F to M qui se construit une vie par la photo), le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ?, 2010) de Malu de Martino, etc. Justement, dans le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss », un homme travesti M to F, en regardant la photo que Billy a prise de lui, s’exclame « J’adooore cette photo ! » dans un élan auto-adulation spontané. Dans le film « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Étienne filme son corps d’athlète avec sa caméra, et harcèle tous les gens de son entourage (la revue Têtu trouve cela magnifique qu’il « ait une caméra à la place du cœur »). Dans le roman El Gladiador De Chueca (1990) de Carlos Sarune, le protagoniste enregistre tous les événements de son quotidien sur un dictaphone. Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert filme sa propre vie et ses réflexions, comme un journal intime. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, le vieux disquaire muet a coutume de collectionner les photos instantanées qu’il prend de tous les jeunes hommes androgynes qu’il croise dans son magasin… et il entreprose celles-ci dans son arrière-boutique, comme des reliques sacrées dans un mausolée. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse, l’héroïne homosexuelle, fait des photos et décide de changer de métier, en passant de vendeuse de jouets dans un magasin à journaliste-reporter. Son amante Carol lui pose cette question : « C’est ce que vous voulez être ? Un photographe ? » La monstration des photos, et l’intérêt pour le travail photographique de l’autre, résonnent comme une déclaration d’amour : « Vous me montreriez vos photos ? » Pour soudoyer Thérèse, Carol débarque chez elle en lui offrant une mallette pleine de pellicules photographiques et d’un nouvel appareil-caméra.
 

Souvent, l’addiction et l’identification à la photographie confinent à l’idolâtrie schizophrénique. Le héros homosexuel se prend pour un cliché photographique ou s’y soumet : « On est spectateurs de sa vie. » (Matthieu, l’un des héros homosexuels de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Je suis une photographie en noir et blanc. » (cf. la chanson « Mélancolie toujours » de Jann Halexander) ; « Quel pouvoir que celui de la photo, pensa Silvano. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 71) ; « Qu’on se fasse notre propre film. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; etc.
 

Concrètement, la photographie est un symbole de l’homophobie homosexuelle, de la haine de soi : beaucoup de héros homosexuels s’en servent comme une preuve qu’ils ne seraient pas aussi artificiels que « les homos du milieu ». Elle est un moyen pour eux de rejoindre la marginalité bobo-bisexuelle. « J’ai envie de vivre à la campagne et de vivre de mes photos. » (la tenancière lesbienne d’un bar, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 118) ; « J’peux te filmer ? » (Guillaume s’adressant à son pote Louis qui s’apprête à faire l’amour avec une fille, dans la pièce En panne d’excuses (2014) de Jonathan Dos Santos) ; etc.
 
 

b) Le couple homo dans la boîte : Prends-moi… en photo

Film "Week-End" d’Andrew Haigh

Film « Week-End » d’Andrew Haigh


 

En règle générale, le héros homosexuel, quand il n’est plus célibataire, essaie d’encadrer ou de mettre son couple en boîte, façon « selfie à deux ». Par exemple, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, Russell veut immortaliser la voix de son « amant d’un week-end » Glen sur dictaphone. Dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, le couple Miguel/Santiago se prend en photo, et Santiago mitraille Miguel tout le temps. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan rêve d’enregistrer tous les moments qui font son existence « romanesque » et son histoire d’amour avec son amant Kévin, comme s’il cherchait à vivre sa vie deux fois parce qu’il ne l’aurait pas habitée pleinement : « Si j’avais pu, j’aurais tout filmé. Ça ne t’arrive jamais d’avoir envie de filmer tout ce que tu vis, tout ce que tu vois ? Avoir une caméra à la place des yeux et te repasser le soir tout ce que tu as vécu dans la journée ? » (p. 74) Dans le roman Paysage avec dromadaires (2014) de Carola Saavedra, Erika, qui parle dans son magnétophone, a une trentaine d’années. Elle est peintre et sculpteur. Elle a une liaison avec Alex, photographe très coté. Mais ils ne vivent pas à deux mais à trois avec la très jeune Karen, une élève d’Alex. Dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, Denis et Luther, le deux amants, se font leur trip « photomatons en couple dans la Gare de Lyon ». Dans le film « Ghosted » (2009) de Monika Treut, Mei-li est une mystérieuse journaliste qui suit Sophie Schmitt. Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Erik visite avec son amant Paul une expo composée de portraits photos : ils se choisissent une des photos comme mascotte de leur union. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse photographie constamment son amante Carol à la dérobée, dans son sommeil ou par surprise. « Vous m’avez prise en photo tout à l’heure ? » demande voluptueusement Carol, faisant mine de ne pas en être dérangée. Lorsque Thérèse développe ses clichés, son collègue Dannie les trouve magnifiques, sans connaître le modèle : « Tu as magnifiquement sublimé cette personne. »
 

En réalité, par amant interposé, le héros homosexuel flatte son propre narcissisme/voyeurisme. La photographie est un alibi esthétisant pour draguer et laisser libre cours à ses pulsions. « Le rugby se mit à me plaire et, piètre joueur, malgré mes muscles inutiles, je devins une sorte de photographe officiel du club. La photo était un solide alibi dans mon admiration de la beauté. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 22) ; « Le mec qui nous prenait en photo était gay et nous faisait des clins d’œil. » (Max et Fred, les deux amants, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; etc. Par exemple, dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Erik, le héros homosexuel, conçoit des films. Son dernier reportage est un documentaire intitulé « À la recherche de Avery Willard », sur un photographe de nus homosexuels. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, le premier petit copain de Joe, avec qui il sortira pendant le bal caritatif Pervers & Mineurs, lui demande d’entrée de jeu une faveur (bref, un alibi pour le draguer) : « Tu me prends en photo ? » Dans le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, Steven, le héros homosexuel, photographie l’équipe de foot du campus pour soi-disant assurer les reportages journalistiques du lycée… et se rapproche du beau John. Dans le film « Fotostar » (2002) de Michele Andina, Konrad travaille dans un magasin de développement de photos… et se masturbe dans les toilettes devant des photos de magazine de lutte olympique. Il tombera amoureux d’un des clients dont il tire les négatifs photographiques.
 

Les couples homosexuels fictionnels s’imaginent vivre un magnifique cliché ensemble : « Depuis, on chante notre amour comme dans les parapluies de Cherbourg. » (les protagonistes homos de la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy)
 

Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, le groupe de militants Act-Up est obsédé par les photos. Toutes leurs actions sont guidées par le fait qu’elles soient immortalisées sur pellicule. Ils font limite l’amour à la caméra. Par exemple, juste après leur opération coup-de-poing dans un laboratoire pharmaceutique, ils se retrouvent tous ensemble dans le métro en train de fantasmer sur le mystérieux (et beau) photographe qui a couvert l’événement dans la presse : « On parle du VRAI sujet… ? Le photographe !!! » s’excitent-t-ils, comme des adolescentes.
 
 

c) La photo vivante et violente :

 

Ce souhait de vivre en mode REPLAY témoigne en réalité d’une vraie désillusion, d’un sentiment de passer à côté de sa vie, d’une vision désenchantée et arrêtée de l’Amour. Par exemple, dans le roman lesbien Je vous écris comme je vous aime (2006), Émilie et Gabrielle, qui ne se sont vues pourtant qu’une seule fois, et qui ne se reverront plus jamais, se servent de l’échange épistolaire comme d’un miroir narcissique ressassant inlassablement le souvenir ré-écrit et ré-enchanté de leur soi-disant rencontre « amoureuse » : « Ma Gabrielle, lorsque les douleurs et la nausée sont trop fortes, j’use de tout ce qui me reste de concentration pour repasser le film de notre fugace rencontre. À peine un court-métrage, quelques séquences tournées sans montage et que ma mémoire parfois épuisée refuse de décoder. Voilà votre scénariste hors du coup ! » (Émilie, p. 173) Le film délirant repasse en boucle ! « Voyez comme la scénariste que je suis file la métaphore cinématographique. » (idem, p. 149)
 

Le monde de la photo engouffre le personnage homosexuel dans le monde du paraître, de l’immortalité qui ne parviendra jamais à être éternelle (car une photo, ça jaunit, forcément ; et c’est mort), dans la consommation, et même parfois dans la prostitution, le viol et la mort : cf. le roman Carnaval de Manuel Blanc (avec un photographe qui manipule ses modèles), le film « Storm » (2009) de Joan Beveridge, le film « Brigade des mœurs » (1984) de Max Pécas, le film « Cent francs l’amour » (1985) de Jacques Richard, etc. « Dans cette ville, on ne pouvait jamais être sûr de ce qui s’était passé. La souffrance s’imprégnait-elle dans les murs des bâtiments, les cris capturés telle une image sur une plaque photographique ? » (Jane, l’héroïne lesbienne à propos de Berlin, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 39)
 

On observe à travers la démocratisation des appareils photos un processus fictionnel bien avancé grâce à Internet : l’auto-érotisation et l’auto-pornographisation par la caméra. C’est le cas du film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2004) de Pedro Almodóvar (avec les amants homosexuels avec une caméra qu’ils se pointent en plein feu de l’action), le film « Saturn’s Return » (2001) de Wenona Byrne (avec les amants se filmant en train de copuler), le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec les coïts homos filmés à la caméra), le film « Happy Together » (1997) de Wong Far-Wai, etc.
 

« Sur un site de rencontre je discute avec P.-O. Je lui explique que je cherche un garçon qui accepterait que je filme notre rencontre. Il écrit qu’il accepterait. Je garde ma caméra numérique au poing. » (Mike, le narrateur homosexuel dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 56) ; « Ahh, qu’est-ce que ça rend sûr de soi de tenir une caméra, hein ? Et si moi je la prenais et que je te filmais ? » (P.-O. s’adressant à Mike son « amant d’un soir », idem, p. 57) ; « Je décide qu’on baisera là, pour le clignotement rouge sur nos peaux, sur la sienne surtout. Je tiens la caméra à bout de bras pour avoir un grand angle sur nous. » (Mike, idem) ; etc.
 
Affiche-CHERIES-CHERIS-2014
 

Par exemple, dans le film « The Parricide Sessions » (2006) de Diego Costa, Diego tente de convaincre son père de jouer devant sa caméra le rôle de ses différents amants. Dans le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar, Ramón passe son temps à se filmer lui-même (y compris quand il « fait l’amour »). Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, les protagonistes se filment tout le temps, y compris quand ils « baisent » ou que leurs scènes de vie quotidienne ne revêtent aucun intérêt (esthétisme bobo oblige…).
 

Le photographe est souvent inquisiteur, indiscret, intrusif, un violeur : cf. le film « Smooth » (2009) de Catherine Corringer (avec le photographe voyeuriste) « Comme vous êtes mystérieux, entouré de fumée, Zach. Je veux savoir ce que vous regardez, ce que vous pensez. Parfois, je passe des jours à cadrer les gens. Ma vie entière est cinématographique. Je me masturbe même de façon cinématographique. » (Tommy dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Marilyn se précipite régler sa caméra. » (le narrateur homosexuel décrivant une furie, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 35) ; etc. Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny filme son futur amant Chris Wachowsky : il le dévore des yeux pendant l’interview.
 

La photo a cela de cruel qu’elle se base quand même sur le Réel (le modèle qu’elle encadre est bien vivant et humain, lui), mais qu’elle peut donner aux esprits fragiles qui la préfèrent au Réel l’impression qu’ils sont capables de se passer du Réel et des humains… et alors là, bonjour les frustrations, les angoisses (de la vieillesse, de la mort), les déceptions, les actes de rébellion et de vengeance, les jalousies, les attaques du Réel pour forcer les choses.
 

Le héros homosexuel est tellement en colère contre les appareils photos (et les mirages qu’ils lui font vivre) que parfois il les détruit : cf. le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le film « What Can I Do With A Male Nude ? » (1985) de Ron Peck, etc.
 

L’appareil photo est l’instrument humanisé à abattre, le témoin gênant de l’idolâtrie du héros homosexuel : « Il faut que je t’explique pourquoi j’ai peur de la photographie. Pour moi, c’est la mort. Je me rappelle Maman presque tous les jours. Je me souviens d’un après-midi en particulier. Nous étions sur les rives de la Sunshine Coast, dans le golfe d’Alaska. Partout il y avait de la neige, c’était blanc à perte de vue. Papa avait acheté un Polaroïd, Maman s’était assise sur un tas de neige. Son visage ce jour-là sera son visage pour toujours. J’entends tout à coup le clic de l’appareil, le zzz de la photo qui sort – petit à petit, le portrait se révèle… Je trouve ça magique. Et pourtant, lorsque les traits de Maman deviennent tout à fait nets sur le papier glacé, je ne la reconnais plus… Elle a déjà changé. Je la regarde, je regarde la photo, je la regarde, je reviens à la photo : ma mère s’enfuit ! Je pleure énormément. La photo tombe sur la neige. Quand mon père la ramasse, les couleurs ont suinté, le visage de ma mère n’est plus qu’une traînée rose. » (Chris, le héros homosexuel du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 44)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) Ma vie comme un flash :

Hervé Guibert

Hervé Guibert


 

La communauté homosexuelle (surtout celle qui se dit « hors milieu ») est un vivier de photographes et de caméramen : Mick Rock, Gisèle Freund, Cecil Beaton, Herb Ritts, Pierre Molinier, Pierre Keller, Harvey Milk, Claude Cahun, James Bidgood, Patrick Sarfati, Bruce Weber, Nan Goldin, Jean-Baptiste Mondino, George Platt Lynes, Wolfgang Tillmans, Robert Mapplethorpe, le baron Wilhelm Von Gloeden, Duane Michals, Jim French, Stéphane Riethauser, Andy Warhol, Pierre et Gilles, Mick Rock, Chocolat Poire, Joan Crisol, etc. Certaines sont fanas de photographie : Francis Bacon, Pierre Louÿs, Julien Green, Louis II de Bavière, etc. Par exemple, en 1996, Henri Chapier est élu président de la Maison Européenne de la Photographie.
 

On entend de la part de beaucoup de personnes homosexuelles une justification de l’entreprise de réification de l’homme par l’homme à travers la photo et la pornographie. C’est le cas par exemple dans le documentaire-fiction « Beefcake » (1998) de Thom Fitzgerald (racontant la vie « héroïque » du photographe de nus masculins Bob Mizer), dans l’essai Marché au sexe (2001) de Gayle Rubin, dans tous les numéros de la revue Têtu. Bon nombre de personnes homosexuelles sont photographes de métier :L’hétérosexuel puis l’homosexuel, c’est-à-dire l’homme-objet, sont des créatures créées de toutes pièces par certains photographes ou artistes homosexuels : Arno Breker, Robert Mapplethorpe, Yukio Mishima, Herb Ritts, le baron Wilhelm von Gloeden (le précurseur des photographes érotiques gays actuelles), Bruce Weber, etc. Un certain nombre de personnes homosexuelles exercent le métier de cinéaste également : Pedro Almodóvar, François Ozon, Gus Van Sant, Alfred Hitchcock, Pier Paolo Pasolini, Rainer Werner Fassbinder, Jean Cocteau, George Cukor, etc.
 

Certains sujets homosexuels aiment se (faire) prendre en photo. Les personnalités homosexuelles narcissiques ne manquent pas ! La chanteuse lesbienne Suzy Solidor décore ses salons parisiens uniquement de portraits d’elle : elle en possède plus de deux cents cinquante ! Robert de Montesquiou se fait portraiturer et photographier plus de deux cents fois dans sa vie ! : « Je voudrais que l’admiration pour moi allât jusqu’au désir physique. » (Robert de Montesquiou cité dans le Dictionnaire des Homosexuels et Bisexuels célèbres (1997) de Michel Larivière, p. 252) Frida Kahlo accède à la célébrité grâce à ses nombreux autoportraits. Hervé Guibert, Yukio Mishima, Louis II de Bavière, Cecil Beaton, Robert Mapplethorpe, Marcel Proust, Claude Cahun, Pierre Loti, Salvador Dalí, Andy Warhol, etc., aiment à se photographier dans un miroir ou à se portraiturer eux-mêmes. «Souvent, Dean se photographiait dans le miroir, passion qu’il garda toute sa vie. » (Ronald Martinetti, James Dean (1995), p. 62) Dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6, Laura, homme M to F, se filme en permanence. Il est « Youtubeuse ». C’est en s’auto-parodiant narcissiques que les personnes homosexuelles valident encore plus le cliché de l’orgueil spéculaire homo-érotique : «Ruse sublime du narcissisme, l’auteur fait semblant de faire semblant d’être narcissique. » (Pierre Jourde, La Littérature sans estomac (2002), p. 122)
 

Soucieuses de mettre leur existence en boîte, d’en faire une cinéscénie éternelle, un nombre croissant de personnes homosexuelles se filment elles-mêmes pour satisfaire leurs appétits narcissiques. Par exemple, quand on demande à la photographe lesbienne Claude Cahun quels ont été les moments les plus heureux de sa vie, elle répond : « Le rêve. Imaginer que je suis autre. Me jouer mon rôle préféré. » (cf. l’Exposition « Claude Cahun » au Jeu de Paume du Jardin des Tuileries à Paris en juin 2011)
 

Film "Tarnation" de Jonathan Caouette

Film « Tarnation » de Jonathan Caouette


 

Le rapport de beaucoup de personnes homosexuelles aux caméras et appareils photos confine à l’idolâtrie. Je vous renvoie aux mémoires de Néstor Almendros Días De Una Cámara (1980), à l’essai Marcel Proust sous l’emprise de la photographie (1997) de Gyula Halász Brassaï, au livre La Photo, inéluctablement : Recueil d’articles sur la photographie, 1977-1985 (1999) d’Hervé Guibert. « Je me suis acheté un nouvel appareil photo : vous vous en foutez ? » (Jean-Luc Lagarce dans son Journal (1992) de Jean-Luc Lagarce) Ceci est d’autant plus vrai depuis l’arrivée des webcam, et la vulgarisation des caméras portatives, mises à la portée d’un très grand nombre. Andy Warhol écrit son journal en filmant sa propre vie. Jonathan Caouette, dans son film autobiographique « Tarnation » (2003), s’enregistre lui-même en images depuis l’enfance. Hervé Guibert filme scrupuleusement son corps malade du Sida. Joseph Morder propose aussi de tourner en Super-8 tout ce qu’il voit dans sa vie. L’écrivain Abdellah Taïa, par exemple, a bien l’intention de faire de l’écriture un moyen d’immortaliser sa vie cinématographique : «Décidé. Le cinéma serait ma vie. En moi, malgré moi. Il n’y avait plus que cette vérité qui comptait. Qui continuait de parler. De suivre et d’écrire mon histoire. » (cf. l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 32) La mode des blogs, ces journaux intimes diffusés sur Internet, des pages persos sur les réseaux sociaux, a conquis beaucoup de membres de la communauté homosexuelle.
 

En réalité, la photographie est un symbole de l’homophobie homosexuelle : beaucoup d’individus homosexuels s’en servent comme une preuve qu’ils ne seraient pas aussi artificiels que « les homos du milieu », comme un moyen pour eux de se racheter une innocence et de rejoindre la marginalité bobo-bisexuelle : cf. le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider (avec Laurent, homo et photographe de paysages), le film « Queens » (2012) de Catherine Corringer (intégralement tourné en caméra subjective, par un personnage qui marche, qui voyage), etc. « J’étais passionné de photos. » (Christian, le dandy homo-bobo de 50 ans dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz)
 
 

b) Le couple homo dans la boîte : Prends-moi… en photo

Aussi incroyable que cela puisse paraître, certaines personnes homosexuelles semblent avoir confondu leur appareil photo-caméra avec l’être aimé : « La caméra est ma partenaire. » (Kantuta dans le documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra)
 

Mais ce narcissisme fétichiste homosexuel n’est pas nécessairement choquant, n’apparaît pas comme tragique. On a même plutôt envie de le soutenir tellement il caresse parfois dans le sens du poil nos propres fantasmes identitaires ou amoureux. « Je m’étais assez vite rendu compte de l’attirance que Martine éprouvait pour une photographe androgyne du journal local alors que nous vivions ensemble depuis moins d’un an. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 72) Il peut parfois avoir le charme exotique, puéril, rigolo, du docu-fiction autobiographique « à la Amélie Poulain » tel que le sympathique (mais mensonger) documentaire lesbien « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger. Par exemple, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), Abdellah Taïa raconte comment il tombe amoureux de Javier, un homme « photographe de plateau » (p. 36)
 
 

Ernestito – « Quel malheur que je ne sache ni dessiner ni sculpter. Autrement, je ferais volontiers ton portrait ou ton buste, pour éterniser ta beauté.

Nacho – J’ai un appareil photo. »

(Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 257)
 
 

Mais en réalité, la photomania homosexuelle est violente : plus on s’éloigne du Réel via la photographie, plus on s’éloigne de l’humain et de l’Amour. Je vous renvoie au documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order », 2012) de Jan Soldat (avec le couple de vieux amants nous présentant son quotidien sado-maso).
 
 

c) La photo vivante et violente :

Le monde de la photo engouffre les personnes homosexuelles dans le monde du paraître, de l’immortalité qui ne parviendra jamais à être éternelle (car une photo, ça jaunit, forcément ; et c’est mort), dans la consommation, et même parfois dans la prostitution et le viol : cf. la pub des « voleurs de couleurs » de Kodak par Jean-Paul Goude. Par exemple, le photographe nord-américain Avery Willard fait des nus à New York.
 

On observe à travers la démocratisation des appareils photos un processus social bien avancé (et inquiétant) grâce à Internet : l’auto-érotisation et l’auto-pornographisation par la caméra.
 

L’homosexualité de beaucoup de personnes homosexuelles semble avoir choisi comme support privilégié les photos (qu’on regarde ou qu’on se crée). La photographie est à la fois un reflet du Réel (dans le meilleur des cas), à la fois une projection de soi et de ses fantasmes. Et comme le désir homosexuel s’éloigne particulièrement du Réel (en rejetant son roc principal, à savoir la différence des sexes), il est logique qu’il s’origine principalement sur des photos déréalisantes (c’est-à-dire vraisemblables mais pas réalistes), violentes, pornographiques. « Ma découverte de la sexualité, c’est d’abord au travers de photos que je l’ai faite. Des photos pornographiques que mon père cachait dans un placard et sur lesquelles j’étais tombé par hasard. Ces photos montraient des couples en train de mimer l’acte sexuel à deux ou à plusieurs : c’est à cause de ces photos que j’ai découvert la masturbation, et pour moi la sexualité s’arrêtait à cela, car je n’ai pas reçu d’éducation sexuelle de mes parents. À l’école, c’étaient les débuts de l’éducation sexuelle et ce n’est pas avec ce que l’on nous disait que j’aurais pu comprendre grand-chose… l’acte homosexuel, par contre, m’était inconnu. C’est lors de vacances scolaires que je l’ai découvert à l’âge de douze ans, avec un homme d’une trentaine d’années… Il m’a proposé de monter dans sa chambre pour me montrer quelque chose. Les choses en question, c’étaient des photos pornographiques que ce monsieur faisait venir de Suède, de Hollande, de tous ces pays qui ont une réputation de mœurs très libérales. Ces photos… il y en avait pour tous les goûts : homosexualité masculine, féminine, enfant en cours de puberté en état d’érection, et même des photos de femmes en train de ‘faire l’amour’ avec des animaux. » (Philippe, homosexuel séropositif, dans son autobiographie L’enfer est à vos portes, 1991)
 

La photo a cela de cruel qu’elle se base quand même sur le Réel (le modèle qu’elle encadre est bien vivant et humain, lui), mais qu’elle peut donner aux esprits fragiles qui la préfèrent au Réel l’impression qu’ils sont capables se passer du Réel et des humains… et alors là, bonjour les frustrations, les angoisses (de la vieillesse, de la mort), les déceptions, les actes de rébellion et de vengeance, les jalousies, les attaques du Réel pour forcer les choses.
 
 

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Code n°158 – Scatologie (sous-codes : Pipi / Caca)

scatologie

Scatologie

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

« Caca ?? Oh quelle horreur !!! ». C’est justement la réaction que je n’attends pas de vous, chers lecteurs, face à ce code pipi/caca, qu’on a tendance à dénigrer, à tourner en ridicule ou en blague graveleuse, à étouffer avec nos émotions, avant même d’avoir compris qu’il s’analysait. Parler de matière fécale n’est ni merdique, ni affreux, ni sale, ni suspect, ni « mal ». Le mot n’est pas la chose, ni même le goût de la chose.

 

Je définis souvent le désir homosexuel comme la peur d’être unique, donc la difficulté à accepter son propre corps… ou son corps propre (ça marche dans les deux sens !) c’est-à-dire non-sale. Avec l’omniprésence de la scatologie dans les fictions traitant d’homosexualité, on est au cœur de cette problématique de l’unité. La régression au stade infantile de l’analité, avant d’être jugée moralement « choquante », « ultra minoritaire » (comprendre « insensée » pour les gens de mauvaise foi), ou « intentionnelle » (comprendre « géniâââle » pour l’élite bobo), dit simplement chez la majorité des personnes homosexuelles – y compris celles qui sont très propres sur elles, qui se disent « hors-milieu », et qui haïssent la grossièreté ou la saleté ! – , un éloignement du Réel et du corps. Dites-vous une chose : au-delà des intentions et de l’humour, quand on se fait chier ou quand on fait chier ses personnages, c’est que vraiment, au bout du compte, on se fait beaucoup plus chier qu’on n’imagine ! La scatologie, ce n’est pas autre chose que l’expression voilée et innocemment désespérée de l’ennui.

 

Il existe dans l’usage de la scatologie une revendication légitime du droit à connaître les merdes de l’existence. Certaines personnes homosexuelles demandent en effet à la société surprotectrice qui les a gavées pourquoi, depuis leur enfance, elle leur a barré l’accès à la merde (mort, privations, risques, efforts, combats, interdits, rappel des limites et des manques, etc.), celui qui leur aurait permis de comprendre que la vie est plus forte que la mort, qu’elle a un sens, et que ce sens est beau. Arrivées à l’âge adulte, leur quête de la merde se fait alors plus autoritaire… et s’exprime parfois radicalement par le désir de la produire elles-mêmes et de la goûter ! (on appelle cela la coprophagie) Sans aller jusqu’à ces extrêmes, et quand leur esprit romantique impose la décence et le refus de la saleté, elles en restent généralement à la frontière du fantasme de merde légèrement actualisé (humour « pipi caca » ou « en dessous de la ceinture », saleté couplée paradoxalement à une scrupuleuse coquetterie, focalisation sur le porno, grossièreté langagière, dépendance au sexe et aux drogues, etc.).

 

À travers le traitement de la scatologie, les personnes homosexuelles désirent finalement montrer la merde qui se cache derrière le maquillage social (c’est pourquoi elles présentent souvent la blancheur comme perdue ou trompeuse), signaler que ce maquillage est lui-même de la merde, ou que la merde proprement dite n’est pas plus méprisable que celui-ci puisqu’elle peut embellir et dissimuler une réalité sociale jugée insupportable.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Blasphème », « Humour-poignard », « Éternelle jeunesse », « Haine de la beauté », « Adeptes des pratiques SM », « Chiens », « Train », « Obèses anorexiques », « Homosexualité noire et glorieuse », « Cannibalisme », « Vampirisme », « Mort », « Parodies de Mômes », « Artiste raté », à la partie « Chocolat » du code « Bonbons », et à la partie « Kitsch » du code « Fan de feuilletons », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

a) L’Éloge homosexuel mi-ironique ni-sérieux de la pisse et de la merde :

 

B.D. "P'tite Blan" de Blandine Lacour

B.D. « P’tite Blan » de Blandine Lacour


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, cela pourra surprendre, mais il y a énormément d’occurrences au pipi et au caca : cf. le film « Kakaphony » (2007) de Ricardo Rojstaczer, le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, le film « The Dead Man 2 : Return Of The Dead Man » (1994) d’Aryan Kaganof, la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval (avec la référence au caca), la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard (avec la référence au caca), le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard (proposant un spectacle de Chantal Goya version scato, avec Mr Trouducou et Mr Vomi), le roman La Vie est un tango (1979) de Copi (avec la référence à la pisse), la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, le film « Aids Conference Cocksucker » (2009) de Charles Lum (se déroulant dans des toilettes), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec le vomi), le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes (avec le duo efféminé Sulky et Sulku), le one-woman-show Nana vend la mèche (2009) de Frédérique Quelven, la pièce Fatigay (2007) de Vincent Coulon, la chanson « Piss Factory » de Patty Smith, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « Urinal » (1988) de John Greyson, le film « O Fantasma » (2000) de João Pedro Rodrigues, le film « World And Time Enough » (1994) d’Éric Mueller, la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim, le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, les poèmes « Polvo », « (Estado y soledad) » et « Nelson Vive » de Néstor Perlongher, la chanson « Un Enfant de la pollution » de Ziggy dans le spectacle musical Starmania de Michel Berger, le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (avec l’artiste faisant pipi sur sa toile), le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, la pièce Ubu Roi (1896) d’Alfred Jarry (avec le « Merdre ! » d’ouverture), la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone, la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg, le film « Je t’aime moi non plus » (1975) de Serge Gainsbourg (avec les éboueurs homosexuels Krassly et Padovan), le film « Les Nuits fauves » (1991) de Cyril Collard, le film « Gespenster » (2005) de Christian Petzold (avec l’éboueuse lesbienne), la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, la pièce Démocratie(s) (2010) d’Harold Pinter (avec des scènes de coprophagie), la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz (avec la merde de chien mise sur le paillasson suite à un PaCS), le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic (avec la scène de diarrhée de Rocco), la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet (avec les rouleaux de PQ marrons de Marcel), etc.

 

Film "O Fantasma" de João Pedro Rodrigues

Film « O Fantasma » de João Pedro Rodrigues


 

Il n’y a qu’à prêter l’oreille à ce que disent les héros homosexuels pour voir la place prédominante que prend la scatologie dans les créations artistiques homo-érotiques : « Ça sent le vomi, ici ! » (Jean, l’un des héros homosexuels de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Maintenant, avec tous les étrons qu’on déverse dedans, elle [« el Riachuelo », la rivière autour de laquelle est construite la ville de Buenos Aires] a une vraie couleur de merde. » (Luisito dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 225) ; « Chaos, chaos, ca, ca, ca, ca, ca… » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; « Je ne veux pas me laver. » (Irina dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « J’aime la salade, le caca, et le poisson. » (Érik Satie dans la pièce Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « Elle a une bonne odeur, cette glaise. […] Il y a du plaisir à devenir de la bouillie. » (Luca, le héros homo du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 13) ; « Vous tenez à cette crasse. Elle fait partie de vous. » (le narrateur parlant de lui-même en se vouvoyant, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 172) ; « J’arrive escorté de mouches. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Des geysers de vomi et de merde… Qu’est-ce que je fous ici ? » (idem) ; « Je faisais caca. » (Benjamin, l’un des héros homosexuels, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Moi, la merde, justement, ça me connaît. » (André, homosexuel, dans l’épisode 369 de la série Demain Nous Appartient diffusé 2 janvier 2019) ; etc.

 

Certains personnages gays et lesbiens, alors qu’on ne s’y attend pas du tout, nous offrent des grands moments de poésie : « Si je ne lève pas le cul, je vais me faire caca dessus. » (Bernard, le héros homosexuel de la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Attends : j’ai envie d’aller aux toilettes. » (l’un des héros de la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « Je vais aux toilettes. » (Evita, l’héroïne de la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Oh, j’ai lâché un pet ! Pourvu qu’ils m’aient pas entendu ! […] Je vais me chier dessus. Je peux pas me retenir. » (un des personnages de la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi) ; « Sur vos tombes, j’irai cracher. Chacun, je les souillerai de mes déjections de pédé. » (Luca dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; « Excusez-moi, il faut que j’aille chier. Pardon… que je me repoudre le nez. » (la mère jouée par le travesti M to F David forgit, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; « Je vous couvre de caca ! » (Philippe, le héros homosexuel de la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, Smith, le héros homosexuel, marche sur une merde ; un peu plus tard, il fait à nouveau preuve de vulgarité scatologique (… et misogyne) : « J’ai envie de pisser comme une femme enceinte. » Dans le film « Como Esquecer ? » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, Antonia, l’ex de Julia, est traitée ironiquement de « poubellologue ». Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, la membre du jury Mlle Rebecca Lynn réclame sans cesse « sa pause caca » : « T’as aussi besoin de chier un bon coup. » conseille-t-elle à un de ses collègues. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, le puissant poison offert par Dargelos à Paul est une boule qui a exactement la forme d’un étron déféqué : « Tous se taisaient. Cette boule imposait le silence. Elle fascinait et répugnait, à la manière d’un œuf de serpent qu’on croit formé d’un seul reptile et où l’on découvre plusieurs têtes. Elle répandait une grande odeur de peste et de géranium. » Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, le spectateur trouve son compte question scato : Prentice, le jeune auto-stoppeur, dans un show de danseur, doit pisser sur scène comme un geste « artistique » commandité par son chorégraphe ; et Dotty, l’héroïne lesbienne, chie dans le bidet du père de Prentice pour se venger de son soi-disant « machisme ». Dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau rentre dans la peau d’un homme-adulte, Jeanjean, qui déblatère ses délires scatologiques : il joue avec ses excréments et en fait des petits personnages (par exemple, il a sculpté un Louis XIV en caca). Un autre des personnages que joue Bénureau est un gars homosexuel qui, au moment de faire l’amour avec son amant, lâche une caisse : « Dans le canapé, j’ai fait un pet. » Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Marie-Ange chante la nécrophilie et la scatophilie. Dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu, Max, le héros homo, décide de porter un rouleau de papier toilette autour du cou, en guise de collier. Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, c’est quand Michel, en couple avec Charlotte, et l’amant secret de Mélodie, se retrouve aux toilettes que le couple lesbien Charlotte/Mélodie se forme dans la cuisine. Et un peu plus tard, quand il flâne dans la rue, il marche dans une crotte de chien. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, du cercueil du père de Vanessa, mais aussi de Vincent et Nicolas, les deux frères et amants homosexuels, surgit un gros pet : « Papa pète encore. C’est vrai qu’il a toujours aimé péter. » Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, c’est au moment où Thérèse « flashe » sur Carol dans le magasin de jouets où elle travaille, qu’elle se fait interrompre par une cliente qui lui demande : « Où sont les toilettes ? » pour sa jeune enfant. Dans l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), Kelly et Yorkie, les héroïnes lesbiennes, découvrent leur homosexualité dans les toilettes de la boîte. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques vante la « baise dans les chiottes » : « Que ça pue la pisse, franchement, on s’en tape ! ».

 

Sans en avoir trop conscience, le héros homosexuel affiche qu’il se prend pour de la merde : « Moi, si je me mets à nue, je peux faire une pub pour Action Contre la Faim. Avec des mouches autour des yeux. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014).
 

Par ailleurs, beaucoup plus trivialement, l’identification du héros homosexuel à une merde traduit une homophobie, en général exprimée entre personnes homos ou entre (futurs) amants : « Pauvre merde. » (Barthélémy Vallorta, le héros homo, s’adressant à son amant Hugo Quéméré, dans l’épisode 441 de la série Demain Nous Appartient diffusé sur TF1 le 12 avril 2019)
 
 

b) « Ceci est mon caca, livré pour vous. Ceci est ma pisse, versée pour vous. » (l’androgyne)

Dans les fictions homosexuelles, la merde est en général magnifiée en étant juxtaposée à la beauté plastique, au confort bourgeois, à la préciosité artistique, à l’humour camp. Et pour le coup, elle sera niée par un procédé stylistique très apprécié des créateurs homosexuels : l’inversion. « Eh oui ! Même Marilyn faisait caca. Ça casse le mythe. » (Lourdes, l’actrice obèse déguisée Marilyn Monroe, dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « La Mylène, elle est pure ! Elle fait pas caca ! » (Tom, le fan de Mylène Farmer, dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil) ; « Son visage et ses beaux cheveux blonds étaient couverts d’excréments. » (cf. la description de la belle Truddy dans la nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978) de Copi, p. 33) ; « Suppôt de Satan ! Étron de Belzébuth ! » (le Père 2 s’adressant à son futur gendre, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; etc. Par exemple, dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, on assiste à une scène de diarrhée épique dans laquelle Saint-Loup, le couturier homosexuel pourtant très précieux et sophistiqué, pète et chie comme un gros porc dans ses latrines. Dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, on nous montre l’ange qui défèque. Dans le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar, la jolie chanteuse de cabaret, Yolanda, est filmée en train de chier dans les toilettes d’un appartement en bazar. Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, tous les personnages misent sur leur apparence extérieures distinguée… pour finir par la détruire par la grossièreté : par exemple, Jules, l’écrivain homo dandy, se met à jurer comme un charretier, en gratifiant le public de gros mots ; Lucie, la diva-chanteuse gracieuse chante « Va chier !! ». Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Jonathan, le héros homo qui se dit pourtant ultra-maniaque, très sensible aux odeurs (il veut toujours avoir une haleine fraîche), se place en spectateur de latrines de son amant Matthieu qui prend sa douche à côté de lui (ce dernier lui fait la remarque qu’« il a fait caca rapidement »). Jonathan prie pour que, suite à son passage aux toilettes, « il n’y ait pas d’odeurs ».

 

Le caca et le pipi, à force d’être mentalement poétisés, finissent, grâce à la métaphore gastronomique filée du chocolat ou de la friandise, par perdre leur puanteur et leur caractère repoussant. Certains héros homosexuels prétendent même les ingérer et les boire avec délectation ! : « Ses lèvres – je veux dire son anus – [étaient] semblables à un beignet au chocolat » (la description de Majid, l’homme-pipi des toilettes publiques, dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 83) ; « En attendant que ça vienne, je triturais mon petit robinet, le recouvrant de la peau des pruneaux ou au contraire l’étirant comme une guimauve. » (le narrateur de la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 13) ; « Terrorisé, je m’imaginais prisonnier comme une guêpe dans la main d’un géant, Neptune coprophile régnant au fond de la fosse. » (idem, p. 11) ; « Sers-le-nous [le Rat] avec une sauce que tu feras avec ton urine et les excréments battus à la neige ! » (la Reine à la Princesse, dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Vidvn, qui était de toute évidence ivre, criait pipi ! caca ! en riant et se soulageant sur Mimile qui suçait ses excréments et son urine. » (le rat Gouri, le narrateur du roman La Cité des Rats (1979), p. 110) ; « La jeune prostituée pissait sur le trottoir (pour ce faire, elle avait soulevé sa mini-jupe en lamé, elle n’avait même pas de caleçon, le petit caniche léchait son urine dans le caniveau). » (cf. la nouvelle « Madame Pignou » (1978) de Copi, p. 51) ; « La grande Allemande était comme en état de ravissement. Elle sentait la chaleur de cette pisse de femme qui coulait sur sa bouche, et le goût aussi, puisqu’elle entrouvrait de temps en temps ses lèvres pour en boire un peu, avec sa langue, comme si elle lapait. Elle faisait aussi de petits mouvements de succion, en la reniflant comme une animale. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 108) ; etc. Par exemple, dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, la mousse au chocolat que le couple homosexuel déguste est comparée à un saladier de merde.

 

Les excréments sont à ce point déshumanisés par l’art et les intentions qu’ils placent le personnage qui les a produits (souvent l’androgyne, le transsexuel, ou l’enfant asexué) en Créateur tout-puissant égalant Dieu, et ayant l’honneur de siéger sur le trône « sacré » des toilettes : cf. le roman Notre-Dame des Fleurs (1944) de Jean Genet (où scatologie et spiritualité sont catalysés par le personnage mi-prostituée mi-christique de « Divine »), le film « Pink Flamingos » (1972) de John Waters (avec le travesti « Divine » avalant des crottes de caniche), la nouvelle « Adiós A Mamá » (1981) de Reinaldo Arenas, le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, etc.

 

Les toilettes se transforment en sanctuaire : « Elle passa sa nuit sainte dans les latrines. » (cf. le poème « Les Premières communions » (1869-1872) d’Arthur Rimbaud) ; « Il croit qu’il est devenu Jésus-Christ et il trouve normal que les bonnes sœurs viennent le changer quand il pisse sur lui ou lui donner de la nourriture d’enfant à la petite cuillère. Il a les stigmates dans les mains et les pieds que les bonnes sœurs nettoient bien à fond avec de l’alcool et couvrent de gazes. » (le narrateur homo parlant de son amant Pietro, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 94) ; « Le trottoir, c’est mon Royaume ! Sur le trottoir, je suis née, la pissoire c’est mon Palais. » (Fifi dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Fut un temps, j’étais Dame Pipi. » (Marina, la mère du héros homosexuel Max, dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; etc.

 

Par exemple, dans la chanson « Toi jamais toujours » d’Étienne Daho, il est question d’une « pissotière sacrée ». Dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, le caniche et le fox-terrier pissent contre l’autel de la Sainte-Chapelle (p. 86). Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar explique à son amant Khalid que le pipi aurait des vertus curatives (il accélèrerait la cicatrisation des plaies) ; Khalid demande alors très sérieusement à Omar s’il peut pisser sur lui pour le guérir, et ce dernier accepte, comme un magnifique geste d’amour salvateur.

 
 

c) Pisse & Love :

Film "La Mauvaise Éducation" de Pedro Almodovar

Film « La mauvaise éducation » de Pedro Almodovar


 

Justement, venons-en à « l’amour » ! Parfois, la scatologie est présentée par les personnages homosexuels comme la manière idéale d’exprimer la sensualité homosexuelle, la beauté de l’union génitale entre semblables sexués, la fougue naturelle et violente des passions : « Nous sentions la sueur, nous sentions la pisse, nous sentions le foutre et la merde. » (Pretorius, le vampire homosexuel de la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Le petit François se mit à pisser sur le petit Ludovic. » (cf. la nouvelle « Une Langouste pour deux » (1978) de Copi, p. 81) ; « Par la passion et par le travail qu’elle avait fait entre mes fesses, mon endroit s’était éveillé à des chaleurs inattendues. N’ayant jamais été si bien traitée, cette voie se mit à me procurer des sensations aussi inconnues qu’étranges, proches de celles que j’éprouvais habituellement seulement avec mon ventre. […] Elle me mit dans les fesses son doigt le plus petit qu’elle avait préalablement mouillé. Je m’aperçus qu’en faisant cela elle comblait chez moi comme un manque, et que le travail qu’elle avait fait avec sa bouche appelait cet achèvement. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 67) ; « J’aime une femme pas lavée, plutôt sale même. Lorsqu’elle est lavée, tout son meilleur est parti. » (idem, p. 72) ; « Marie fut prise d’une envie pressante. La bonne ayant le même besoin, j’en fus prise à mon tour. J’ai remarqué que souvent lorsque qu’une commence toutes suivent. Nous restâmes assez groupées malgré la situation, et c’est presque côte à côte que nous dûmes nous satisfaire, en camarades, comme dans ma jeunesse quand, avec des filles de mon âge, nous le faisions sans malice. Riant de bon cœur, nous pissâmes, puis, soulagées, nous reprîmes notre route. » (Alexandra, Marie, et sa bonne, op. cit., p. 114) ; « La chasse d’eau, c’est mon éjaculation. Dès qu’un beau gosse me sort sa jolie queue molle et commence à la manipuler, je gicle. […] J’aime qu’on me frappe, qu’on me pisse dedans, qu’on me chie dessus, que le sperme asperge l’émail de mon palais. Surtout quand les mecs ont la chiasse. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 82) ; « Quant à moi, rien ne me fait jouir de la chasse comme un beau pet tonitruant émis à contretemps, suivi d’un long étron qu’on largue en plein milieu du trou dans un clapotement vif éclaboussant les fesses d’un conspirateur heureux de sa délivrance. » (idem, p. 86) ; « Majid rapplique et s’enferme avec moi. Il ouvre au maximum la fermeture éclair de son bleu sous lequel il ne porte aucun sous-vêtement. Il sort son tuyau, active sa pompe et me lèche consciencieusement toutes les coulures encore tièdes, en compressant sa queue brûlante contre le marbre froid de mes cloisons. » (la description de Majid, l’homme-pipi des toilettes publiques, op. cit., p. 83) ; « Je veux manger vos excréments. » (Valmont s’adressant à Merteuil, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller, mise en scène en 2015 par Mathieu Garling) ; etc.

 

Il est courant qu’homosexualité et scatologie s’agencent symboliquement. Par exemple, dans la pièce Arlequin, valet de deux maîtres (2008) de Goldoni, le travestissement et le changement de sexe sont associés au caca. Dans le film « Les Meilleurs amis du monde » (2009) de Julien Rambaldi, la scène des toilettes laisse imaginer l’espace d’un instant une aventure homosexuelle entre Max (Marc Lavoine) et Jean-Claude (Pierre-François Martin-Laval) : « Fais pas ta chochotte ! » dit Max avant d’installer de force son ami sur la cuvette de ses nouvelles chiottes High Tech. Dans la pièce Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, le personnage de Cosette (joué par un comédien homme) affirme vouloir être proctologue plus tard. Dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, le jeune protagoniste aime regarder les ouvriers de la fabrique de tuiles se baigner dans la rivière ou pisser (p. 15) : cela provoque en lui un émoi homosexuel précoce.

 

Cependant, une fois passé le fantasme amoureux ou littéraire, l’engouement scatologique et urophile du héros homosexuel perd assez vite sa magie et se confronte à sa propre finitude : la merde ne se ravale pas et ne se recycle pas. En toile de fond, l’éloge inversante de la pisse et du caca indique chez lui une peur inconsciente de la castration et de la sexualité : « Il y avait seulement une espèce de blessure à la place, dont dégouttait du sang, comme si on venait de lui couper son tuyau. […] J’en conclus que les pédés sont une race inférieure de gens, qui n’ont pas de queue et qui sont obligés de se cacher pour pisser comme s’ils chiaient […] » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 85)

 
 

d) Les toilettes publiques : lieu privilégié du rencard homosexuel

Film "I Think I Do" de Brian Sloan

Film « I Think I Do » de Brian Sloan


 

Fréquemment dans les fictions, les rencontres amoureuses homosexuelles ont lieu aux toilettes communes, dans des endroits sordides comme les vespasiennes, les aires d’autoroute, les parkings, les parcs, les quais désertés, les backrooms, les cabines de saunas, les lieux publics du passage furtif : cf. le film « Vacationland » (2006) de Todd Verows, le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (commençant précisément par une scène de pissotière), le roman Les Silences de Colonel Bramble (1918) d’André Maurois (également dans les pissotières), le one-woman-show Betty Speaks (2009) de Louise de Ville, le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (où Robbie, le héros homosexuel, rencontre un amant dans les toilettes), la B.D. Le Petit Lulu (2006) de Hugues Barthe (avec les rendez-vous anonymes dans une pissotière), le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore (avec la scène de drague gay dans les toilettes d’un parc), le film « La Mala Educación » (« La Mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar (Ignacio et Enrique sont surpris dans les toilettes de leur pensionnat), le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau (se déroulant dans les toilettes d’une gare), le film « Mauvaises fréquentations » (2000) d’Antonio Hens, le film « Taxi Zum Klo » (1980) de Frank Ripploh, le film « Love And Deaf » d’Adam Baran (ayant lieu dans des toilettes), le film « Honeypot » (2010) de Nghi Huynh (avec la scène dans une pissotière), le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent (se déroulant entièrement dans des toilettes d’un collège), le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche (Adèle se déclare pour la première fois à une fille dans les toilettes), le film « Fucking Different XXX » (2012) de Bruce LaBruce et Émilie Jouvet, etc. Dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, la première fois que Russell et Glen se rencontrent, c’est dans les toilettes d’une boîte gay. Dans le film « Atomes » (2012) d’Arnaud Dufeys, Hugo, éducateur de 34 ans à l’internat, voit son quotidien perturbé par Jules, un adolescent provocateur, avec qui il flirte dans les sanitaires communs. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Marc et Engel, pourtant en couple régulier, font l’amour dans les WC d’une discothèque homo.

 

Les toilettes publiques semblent être l’anti-chambre du paradis artificiel de la drague homosexuelle : « Pourquoi les femmes vont toujours aux toilettes par deux ? » (Casimir dans la pièce Casimir et Caroline (2009) d’Ödön von Horváth) ; « Tu me parles de misère, mais est-ce que tu connais la terre ? La terre de la pissotière, tu en connais l’odeur, ma mère ? » (Lou à Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Tes pédés, c’est des pompes à chiottes ! Des pompes à chiottes ! T’entends ? » (Vincent à Emmanuel, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 178) ; « Qui donc restaurera la mémoire des vespasiennes ? » (le narrateur homosexuel dans la nouvelle « La Chambre de bonne » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 56) ; « Je vais faire la seule pissotière intéressante qui reste dans le quartier, place Saint-Sulpice. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 158) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan, Catherine et Chloé se rencontrent dans les toilettes, avec le désespoir similaire d’être abandonnées par les hommes. Dans le film « Ellas Se Aman » (2008) de Laura Astorga Carrera, lorsque Estella et Rosario se retrouvent par hasard dans les toilettes de l’usine textile où elles travaillent, elles sont immédiatement prises pour des lesbiennes. Dans la toute première scène du film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye, les deux amants homosexuels se cherchent des toilettes pour pisser ensemble. Dans son roman L’Armée du salut (2006), le romancier marocain Abdellah Taïa décrit ce qu’il appelle « la sexualité poétique des pissotières ». Dans le film « Ander » (2009) de Roberto Castón, José et Ander font la première fois violemment l’amour (par sodomie) dans les toilettes, un jour de mariage. Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel raconte comment il a été en galère de papier toilettes à la piscine alors qu’il avait fini de chier : « Il s’en passe des choses aux toilettes. » Un peu plus tard, le délire scato se poursuit lorsqu’il a la courante en plein séjour à New York : « Quand on dit que les gays chient des paillettes, je peux vous dire que c’était pas le cas. »

 

Plus profondément, le fait que beaucoup de rencontres homosexuelles fictionnelles (et souvent réelles !) aient lieu dans les toilettes rappelle les nombreuses confluences qui existent entre la pratique homo et les vanités humaines, l’inutilité, la nullité (l’amour homo, concrètement, « fait chier »), la laideur, l’insalubrité, l’infidélité, le libertinage, la déchéance, la prostitution, voire le viol et l’inceste. « Suis-moi aux toilettes. Si tu veux une sucette, je veux être une traînée. » (Paul, l’un des héros homos du film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « La première fois que je l’ai fait, c’était pendant la grossesse de ma femme.  Il y avait une réunion de professeurs, à New York. Ma femme ne se sentant pas bien, j’y suis allé seul. Et dans le train, j’y ai pensé. J’y pensais, j’y pensais pendant tout le voyage. Et peu après mon arrivée, j’avais emballé un mec dans les toilettes de la gare. » (Hank, l’un des héros homos du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « L’endroit le plus sûr, paraît-il. » (Harold, le héros homo parlant des toilettes… pour planquer son « herbe », idem) ; « Sur les marches qui mènent aux chiottes de la gare du Nord, je rencontre H. Il a un air triste, sa tête retenue sur ses deux mains emballées dans deux gros gants de ski, assis sur les marches. Je passe deux fois devant lui. Une première fois en allant aux pissotières. De l’ouverture à la fermeture de la gare, y a des hommes, de tous âges, de toutes origines qui se branlent lamentablement, debout, dans l’odeur de pisse et de foutre, en matant en coin les bites des autres. On dirait des puceaux, aussi fébriles que surexcités. Venir ici me désespère autant que ça me réjouit. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 59) ; « Je parie que dès que ça sent la merde, tu bandes. » (Mike, le héros homophobe s’adressant à Johnny, le héros gay, un peu avant de le poignarder, dans le film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer) ; « Regarde-moi ce tas de merde. » (Grand-Guy désignant un homosexuel à terre qu’il vient de passer à tabac, dans le film « Le Français » (2015) de Diastème) ; « Je fais la chasse aux pigeons dans les toilettes des gares. » (Herbert, homosexuel, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « On l’a retrouvé dans les toilettes d’un bar à Londres. » (Hall parlant de son frère homo Arthur décédé, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc. Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, la mère de Guillaume, une grande bourgeoise distinguée et vulgaire à ses heures, chie devant son fils. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Jean tabasse et tue ses clients dans les toilettes de la gare.

 

La scatolophilie homosexuelle est en réalité l’homophobie. Par exemple, dans l’épisode 2 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Éric, le héros homo, s’est sali l’arrière du pantalon de boue, et tout le monde se moque de lui : « On dirait qu’il a chié dans son froc. » (Otis, son meilleur ami). Dans l’épisode 4 de la saison 1, il exerce le métier de « promeneur de chiens » et se plaint de devoir ramasser les crottes des 6 chiens qu’il tient en laisse. Adam, son futur amant, l’humilie pour cela : « Tu sens pas comme une odeur de merde de chien ? » Dans l’épisode 6 de la saison 1, il dit qu’« il en a juste vraiment marre que tout le monde le traite comme une merde. »
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’Éloge homosexuel mi-ironique ni-sérieux de la pisse et de la merde :

Le rapprochement des membres de la communauté homosexuelle à la scatologie ne manquera pas de nous étonner, de nous amuser, voire de nous choquer tant elle paraît, à bien des égards, insultante, puante (c’est le cas de le dire !), et hallucinante. Car si je demande à n’importe quelle personne homo de mon entourage si elle aime le caca, il y a fort à parier qu’elle me rira au nez, et qu’elle niera son appétence pour la scatologie ! « La plupart des lieux de prédilection fréquentés par les homosexuels étaient urbains, civils, sophistiqués. Le scénariste américain Ben Hecht, à l’époque correspondant à Berlin pour une multitude de journaux des États-Unis, se souviendra longtemps d’y avoir croisé un groupe d’aviateurs, élégants, parfumés, monocle à l’œil, bourrés à l’héroïne ou à la cocaïne. Les hommes s’habillaient en femmes et les femmes en homme, travestis ou non. On pouvait fouetter ou se faire fouetter, sucer, inonder de pisse ou de merde, étrangler jusqu’à un fil de la mort. » (Philippe Simonnot parlant de la libéralisation des mœurs dans la ville nazie berlinoise des années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 30) La régression au stade anal (phase du développement psychosexuel de l’enfant décrite par la psychanalyse, au moment où celui-ci apprend à être propre, à se maîtriser, et à connaître les limites de son corps) n’est pas spécifiquement homosexuelle – même si elle est assez marquée dans le désir homosexuel –, et prend des formes très diverses qui n’apparaissent pas d’emblée comme repoussantes ou sales (je pense à l’humour pipi-caca, aux « blagues de cul » répétées, à l’art pacotille du kitsch et du camp, à certaines pratiques sexuelles proches de la bestialité, au voyeurisme, au fétichisme, à l’exhibitionnisme, à l’addiction au sexe et aux drogues, etc.). Il y a mille et une manières d’être scato, d’être impur, et de se justifier d’aimer la merde… même si tout cela prend l’apparence anodine et rigolote du jeu ou de l’amour.

 

Par exemple, autour de moi, j’ai des amis homosexuels, maintenant adultes, qui m’ont avoué qu’ils ont fait pipi au lit jusqu’à l’âge de 10-12 ans. Je sais que ce ne sont pas des cas isolés : « Il m’arrivait de mouiller mon lit en éprouvant le sentiment agréable que je me trouvais aux W.-C. » (Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 76)

 

Le goût adulte pour la scatologie peut être la conséquence d’une éducation parentale où le corps et la sexualité ont été montrés comme sales, honteux, impurs, interdits, inexistants : « On se bornait à m’inciter à la pudeur en me disant ‘cache tes fesses’. Il était donc englobé dans la région qui servait aux excrétions, et comme tel assimilé à un endroit peu ragoûtant, voire malpropre, même si je venais de me laver. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 108) Par exemple, l’écrivain cubain Reinaldo Arenas raconte qu’il a vu que sa grand-mère – dont il était très proche – faisait « pipi debout ».

 

Dans leur quotidien, certaines personnes homosexuelles ont réellement des pratiques scatologiques (je ne traiterai pas ici des rapports sexuels anaux, ni de la place importante de la sodomie, et donc de l’anus, dans les coïts homosexuels masculins comme féminins… mais j’aurais pu). C’est le cas de Malcolm Lowry, qui était un pétomane apparemment doué (cf. le documentaire « Le Volcan » (1976) de Donald Brittain). Hervé Guibert, quant à lui, se souciait beaucoup de la défécation. En soirée, le peintre espagnol Salvador Dalí choquait ses amis parce qu’il s’extasiait devant la taille des excréments qu’il laissait sur la cuvette de ses toilettes. Mario Mieli, Mathieu Lindon, ou John Waters, sont d’autres personnalités homosexuelles qui se sont intéressées de près à la coprophagie. Dans les peintures de Francis Bacon, les personnages sont parfois dépeints en train de déféquer. Dans les pièces de Copi, les protagonistes passent leur temps à dire des gros mots et à s’insulter de tous les noms d’oiseaux possibles inimaginables : « Salope ! », « Ordure ! », « Connasse ! », « Traînée ! », « Garce ! », « Enculé ! », « Sale pute ! » (exactement comme on peut l’entendre dans les conversations « piquantes et amicales » de certains cercles relationnels homosexuels). On sait aussi que la fascination urophile du cinéaste italien Pier Paolo Pasolini n’était pas que cinématographique. Parmi les « installations » des sculpteurs et artistes homosexuels, on trouve beaucoup de délires scatophiles : cf. les œuvres Naked Shit Pictures, Spit On Shit, et Sperm Eaters (1995) du couple homo Gilbert and George, L’Urinoir (1917) de Marcel Duchamp, les Piss Paintings (1978) d’Andy Warhol, la photo La Chimère trois (1999) d’Orion Delain, etc.

 
 

b) « Ceci est mon caca, livré pour vous. Ceci est ma pisse, versée pour vous. » (l’androgyne)

Dans les discours, la merde est en général magnifiée en étant juxtaposée à la beauté plastique, au confort bourgeois, à la préciosité artistique, à l’humour camp. Et pour le coup, elle sera souvent niée par un procédé stylistique très apprécié des créateurs homosexuels : l’inversion. « J’adore le Carnaval, les défilés, les carrosses, les chariots décorés. La seule chose qui me dérange, ce sont les types qui viennent pisser derrière nos arbres du trottoir. » (une des trois tantes bourgeoises d’Alfredo, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 111) Le mélange beauté/crasse (ou milieu bourgeois et pègre underground) est très prégnant par exemple dans les univers de Philippe Besson (je pense surtout à son roman Un Garçon d’Italie, en 2002), Bernard-Marie Koltès, Renaud Camus, Cyril Collard, Guy Hocquenghem, Patrcice Chéreau, Pedro Almodóvar, Rainer Werner Fassbinder, Pier Paolo Pasolini, Luchino Visconti, Manuel Puig, Hervé Guibert, etc.

 

Un certain nombre d’auteurs homosexuels, qu’on voit parfois jouer les grandes bourgeoises en temps normal, ont leurs « pétages de plombs » scatologiques à leurs heures : « On a reproché à Copi d’être un écrivain sale. » (cf. l’article « Copi sidéral » de Thierry Bayle, dans le journal Le Quotidien de Paris du 6 mars 1990) En bons néo-baroques qui se respectent, ils disent être « attentifs seulement au reste » (Tamara Kamenszain, citée dans l’essai Medusario (1996) de Roberto Echavarren, p. 489) et se gargarisent de mettre en valeur des cochonneries et des noirceurs qu’ils veulent « transgressives » et « anti-politiquement correctes » : « Nous sommes à l’âge des objets partiels, des briques et des restes. » (Gilles Deleuze, Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972), p. 51) ; « Toute écriture est cette simulation, sperme et excrément. » (idem, p. 250) ; « L’important, c’est la crotte ! » (Harvey Milk pour une publicité sur les crottes de chiens, reconstituée dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant) Par exemple, dans le documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order » (2012) de Jan Soldat, l’un des deux vieux interviewés demande subitement à pisser, au milieu d’une séance sadomasochiste.

 

Avec eux, on est proche du détournement de la naïveté des contes pour enfants. Le camp se mêle au kitsch ; le noir au rose. Cela ne semble pas les choquer de faire surgir la violence, l’humour trash, la scatologie, « l’homosexualité noire », au beau milieu d’un monde imaginaire immaculé, très enfantin, très bourgeois, très soigné. Mais au final, tous les auteurs que je connais qui passent insensiblement dans leurs écrits du raffinement esthétique à la merde, dans un sens comme dans l’autre, expriment sans le savoir la difficulté à habiter leur corps, à le considérer comme unique et beau.

 

Fait encore plus inconcevable : le caca et le pipi, à force d’être mentalement poétisés, finissent parfois par perdre leur puanteur et leur caractère repoussant aux yeux de certains individus, qui prétendent même les ingérer et les boire avec délectation ! Alors évidemment, on peut se dire que les vrais coprophages homosexuels sont une espèce ultra minoritaire, franchement malade, qui n’existe que sur les sites très spécialisés. Mais, pour avoir à ce jour réellement rencontré dans mon entourage amical homosexuel des hommes et des femmes qui ont des pratiques sexuelles privées franchement ahurissantes (sadomasos, scatologiques, voire zoophiles) alors que de l’extérieur on leur donnerait le Bon Dieu sans confession, je suis prêt à considérer comme possibles beaucoup plus de pratiques que mon imagination ne pourrait en concevoir !

 

Film "Salo ou les 120 journées de Sodome" de Pier Paolo Pasolini

Film « Salo ou les 120 journées de Sodome » de Pier Paolo Pasolini (la merde en sauce…)


 

La coprophagie, au-delà de la répugnance qu’elle peut logiquement et majoritairement nous inspirer, rejoint symboliquement le viol ou le fantasme de viol. C’est cet aspect qui m’intéresse. Le corps se nourrissant de ses propres déchets est comme « un inceste culinaire » (cf. l’article « Superstitions » de Noëlle de Chambrun et Ignacio Ramonet, dans la revue Le Monde diplomatique – Manière de voir, spéciale « Mauvais Genres », n°111, juin-juillet 2010, p. 16).

 

Sans aller jusqu’à l’extrême de bouffer de la merde, certaines personnes homosexuelles vont, par snobisme provocateur, ou bien dans un élan angéliste très sincère (et, pour le coup, limite inquiétant…), se mettre à croire en la qualité spirituelle et transcendantale du caca : « J’ai marché dans la merde, expliqua Luisito. Avec ces nouvelles nourritures en conserve, les clebs chient des étrons en forme de santons. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 272) Elles déshumanisent à un tel point les excréments par l’art et les intentions qu’elles se donnent l’illusion qu’ils les transformeront en Créateurs tout-puissants égalant Dieu, ayant l’honneur de siéger sur le trône « sacré » des toilettes. Par exemple, dans son article « El Deseo De Pie » (1986), le poète homosexuel argentin Néstor Perlongher dit très sérieusement éprouver un « désir de merde », une « ferveur coprophagique ». Et avec son pamphlet « El Síndrome De La Sala » (1988), il prétend montrer « l’illusion de cette infinie asepsie » sociale présente sous forme de « détergents, de savons en poudre, de crèmes de coiffeuse, d’eaux sanitaires, de cires, de désodorisants » (p. 64). Son extase scatophile se pare de militantisme antisocial et de ferveur mystique ! Par exemple, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, raconte ses aventures génitales « sans affection » vécues dans les toilettes et les backrooms. Il en parle comme une entrée au couvent : « Devant les urinoirs, la Foi déguisée en vices[…]se faire baiser aux toilettes ».

 
 

c) Derrière la merde, il y a… :

Leur foi aux vertus divines de la merde ne s’arrête pas là ! Certaines personnes homosexuelles pensent aussi que le caca va leur permettre d’aimer vraiment ! que l’échange de la saleté à deux sera pur et beau ! « L’excrément est un symbole de la terre et c’était sans aucun doute l’amour malveillant de la Terre Nourricière qui m’appelait. J’eus alors le pressentiment qu’il existe en ce monde une sorte de désir pareil à une douleur aiguë. Levant les yeux vers ce jeune homme sale, je me sentis suffoqué par le désir en pensant : ‘Je veux me changer en lui, je veux être lui. » (Yukio Mishima, Confession d’un masque, 1971) ; « Salvador prenait soin de moi, mais la nuit, à la bougie, je recherchais dans les coutures de son pantalon les poux, nos familiers. Les poux nous habitaient. À nos vêtements ils donnaient une animation, une présence qui, disparues, font qu’ils sont morts. Nous aimions savoir – et sentir – pulluler les bêtes translucides qui, sans être apprivoisées, étaient si bien à nous que le pou d’un autre que de nous deux nous dégoûtait. […]. Les poux étaient précieux. Nous en avions à la fois honte et gloire. […] La misère nous érigeait. » (Jean Genet, Journal du voleur (1949), pp. 28-29)

 

Comme la merde est utilisée à des fins politiques ou amoureuses, elle bénéficie, pour un temps très éphémère, de la couverture des bonnes intentions (Pensons aux restsroom, qui sont le nom des toilettes dites « neutres »). Mais le prétentieux voile de la campagne pro-caca ne tarde pas à se déchirer et à montrer sa vanité. Dans son essai La Littérature sans estomac (2002), Pierre Jourde dénonce sans ambages la « littérature de latrines » dans la production littéraire contemporaine, dont les auteurs homosexuels et bisexuels sont souvent les indignes porte-drapeaux : « On vilipende d’imaginaires écoles du dégoûtant. Certains continuent à se demander si l’on peut tout dire. […] Le ‘tout’ en question, dont on fait si grand cas, s’avère à la lecture n’être qu’une anodine histoire de fesses dont il est aussi ridicule de s’extasier que de se gendarmer. Certains auteurs prétendus ‘sulfureux’, ainsi que les critiques et les éditeurs qui entretiennent cette réputation, ont l’air de vivre il y a 50 ans, ils se gargarisent d’audaces cacochymes, s’étonnent du courage qui consiste à briser des interdits pulvérisés depuis des lustres. » (p. 21)

 

Qu’il y ait soulagement objectif au moment de décharger la petite ou la grosse commission, ça, tout le monde en convient… surtout quand on a dû se retenir longtemps : l’arrivée sur la cuvette est vécue comme une libération ! Mais cependant, on constate quand même que la joie de la déjection de ce qui est mort ou usé ne sera jamais équivalente à la joie du don de vie, de ce qui se recycle (l’amour, les sentiments, le plaisir, l’enfant). Sûrement que ceux qui vivent le moment aux toilettes comme un orgasme, un acte sacré, une seconde naissance, ou un enfantement, confondent au final la mort avec la vie.

 

Plus profondément, le fait que beaucoup de rencontres homosexuelles aient lieu dans les toilettes rappelle les nombreuses confluences qui existent entre la pratique homo et les vanités humaines, l’inutilité, la nullité (l’amour homo, concrètement, « fait chier »), la laideur, l’insalubrité, l’infidélité, le libertinage, la déchéance, la prostitution, voire le viol et l’inceste. La scatologie, au-delà des intentions qu’on lui prête, exprime un grand mal-être (qui ne se règle pas en s’exprimant sous des formes totalitaires), un sentiment de ne pas exister et de ne pas aimer/être aimé.

 

Photo des Femens pissant sur la photo du président Viktor Ianoukovitch, devant l'ambassade d'Ukraine à Paris, le 1er décembre 2013

Photo des Femens pissant sur la photo du président Viktor Ianoukovitch, devant l’ambassade d’Ukraine à Paris, le 1er décembre 2013


 
 

d) Les toilettes publiques : lieu privilégié du rencard homosexuel

Mais revenons à nos étrons ! Et parlons, pour finir, de la place prépondérante qu’occupent les toilettes publiques dans le mode de vie sexuelle des communautaires LGBT. Contre toute attente, on constate que fréquemment, les rencontres amoureuses homosexuelles ont lieu précisément aux toilettes, ces lieux sociaux du passage furtif, du défouloir intime : « Coco draguait jour et nuit les garçons. Son terrain de chasse préféré, c’étaient les toilettes des gares. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 15) ; « Ces ‘tasses’ restent le lieu de prédilection des invertis. C’est là que se nouent les idylles, là que l’on s’échange les adresses de rendez-vous ; c’est là aussi qu’opèrent les faux frères, les truqueurs, les faux policiers : tout y est permis puisque, en général, les victimes, par crainte du scandale, ne portent pas plainte. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 24) ; « Les pédérastes hantent les urinoirs à la recherche des émotions défendues… » (idem, p. 98) ; « Je ne savais pas encore que les toilettes publiques – les ‘tasses’, en argot gay – sont l’un des cadres traditionnels de la drague homosexuelle. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 211) ; « Je vais être obligé d’avouer quelque chose d’un peu personnel. Moi, j’ai toujours été attiré par les pissotières, par ce contact, par ce qui se passe entre des corps étrangers qui se rencontrent au départ pour uriner, et au bout de quelques secondes, de quelques minutes, ça se transforme en autre chose. J’ai toujours trouvé ça très poétique, très entraînant, et je dois avouer que ça me rappelle la sexualité enfantine de groupe que j’ai eue avant l’âge de 12 ans. J’ai pris ma retraite sexuelle à l’âge de 12 ans. Entre l’âge de 12 et 22 ans, il s’est rien passé. Et cette fascination pour les pissotières rejoint un peu ça : ce côté gentil, bienveillant, ce côté étranger et tout d’un coup on se donne l’un à l’autre, pendant un p’tit moment, et complètement dans l’interdit… Malheureusement, il n’y a plus de pissotières à Paris. » (Abdellah Taïa, le romancier homosexuel marocain, à l’antenne de l’émission radiophonique Homo Micro sur Paris Plurielle, le 25 septembre 2006)

 

Dans son autobiographie Libre : De la honte à la lumière (2011), le pourtant très raffiné Jean-Michel Dunand a vécu sa première expérience homosexuelle dans des W.-C. publics du sanctuaire de Lourdes (France). Et par la suite, il a fréquenté la drôle de pègre bourgeoise draguant dans les toilettes : « Le lieu m’attire irrésistiblement. Je m’y rends, je jette un regard en coin, effrayé et concupiscent, à ces hommes qui viennent se soulager. » (p. 19) Il évoque « ce feu qui le pousse à retourner dans ces pissotières malodorantes ». (idem) : « J’avais compris que les toilettes publiques situées devant la gare d’Albertville étaient le lieu de rendez-vous des homosexuels de la ville. » (idem, p. 37)

 

Par ailleurs, on sait que l’écrivain polonais Witold Gombrowicz (1904-1969) a pratiqué le sexe dans les pissotières. Quant au chanteur George Michael, il est de notoriété publique qu’il a été arrêté en 1998 dans les toilettes publiques d’un parc de Beverly Hills, et condamné pour attentat à la pudeur sur la personne d’un policier (Pour se venger de ce scandale venu entacher sa carrière, il fera une parodie de l’épisode ubuesque dans le vidéo-clip de sa chanson « Outside »).

 

 

Il n’y a pas si longtemps, les vespasiennes étaient le nom des premières pissotières que la population homosexuelle urbaine plébiscitait (elles sont arrivée à Paris dans les années 1830) ; aujourd’hui, elles ont davantage laissé place aux toilettes des discothèques, aux backrooms, aux cabines de saunas, mais elles restent toujours des endroits d’homosociabilité. D’ailleurs, Pablo Fuentes a fait une étude sur la « Culture des pissotières ». Jean-Claude Aubry, le photographe, les a même immortalisées sur pellicule, sous forme de série ! Et quand ces urinoirs publics ont été supprimés en 1980 à Paris, certains de leurs visiteurs s’en sont plaints, comme c’est le cas de François Ricard : « Les personnes LGBTIQ ne se sentent pas chez elles ou sont mal acceptées dans les toilettes différentielles. […] La répression des fonctions corporelles peut provoquer des problèmes de santé physique et de la détresse émotive à long terme. » (cf. l’article « LGBTIQ » de François Ricard, Atelier du roman (2006), n°45, pp. 13-19).

 

Au bout du compte, l’attraction homosexuelle pour la scatophilie, qu’elle soit reconnue et surtout quand elle est inconsciente, fait déprimer et cauchemarder bien des personnes homosexuelles. C’est en réalité l’absence de la différence des sexes qui leur apparaît comme une grosse merde… symbolique et parfois réelle : « Je trouve qu’un homme sent mauvais et c’est crade. […] J’ai rêvé d’un jeune homo qui était excité à côté de moi, et par haine envers lui, je lui ai parlé en tant que pervers qu’il voulait mon doigt dans son cul en le traitant de salope, et je m’exécute avec mépris, et je ressors mon doigt plein de merde avec un profond dégoût de cette situation. […] Alors c’est ça ma vie que je dois vivre, c’est ça mon chemin de vie, vivre avec des types, ressortir mon sexe plein de merde, me faire défoncer le cul. C’est comme sentir un type juste après lui ressortir des toilettes. J’ai l’impression que c’est l’acte pervers malsain qui excite. C’est ça la beauté de cette vie, de ma vie. » (cf. le mail d’un ami homo Pierre-Adrien, 30 ans, reçu le juin 2014)

 
 

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Code n°185 – Voyeur vu

voyeur vu

Voyeur vu

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Le voyeur vu… ou l’homophobie du désir homosexuel

 

Le désir homosexuel, au niveau de la sexualité, rejette la différence des sexes dès qu’il se pratique. Il expose donc la personne qui s’y adonne à vivre les illusions d’optique du narcissisme, le traumatisme des mirages de l’identité excessivement projetée ou de l’amour projeté hors de la sphère de conscience et de corporéité humaines. Elle devient son propre espion, son propre ennemi, son homophobe.

 

VOYEUR VU Antifas

 

Autrement dit, cette personne qui rejette chez elle et chez les autres la différence des sexes a tendance à plonger dans le nombrilisme à la fois extraverti et intériorisé, dans la paranoïa et l’exhibitionnisme. Elle a du mal à trouver une juste distance avec elle-même et avec les autres. La peur et la haine de soi jaillissent souvent en voyeurisme inconscient qui se laisse piéger lui-même par son propre jeu. C’est le propre de la psychose : « Dans une psychose, les transformations ‘en contraire’ sont très fréquentes, le désir de battre devient envie d’être battu, le désir de dévorer devient la peur d’être dévoré, le plaisir de regarder du schizophrène se transforme en peur d’être épié (c’est la direction de la pulsion qui est transformée et aucunement la représentation de l’objet). L’exhibitionnisme lui-même peut nous proposer une solution acceptable, car il y a sans doute dans le travesti l’identification avec l’objet qu’on aimerait regarder, satisfaisant ainsi d’une façon narcissique un voyeurisme ‘retourné’. » (Docteur Hans Werner, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 306)

 

C’est la raison pour laquelle, dans les fictions homo-érotiques, beaucoup de héros homosexuels vivent un violent retour de boomerang à cause de leur indiscrétion et de leur peur d’exister. Ils sont à la fois voyeur et voyant. Le voyeurisme est une activité qui dit un mal-être ou un effondrement identitaire caché (quand on est mal dans sa peau, on s’image que tout le monde est témoin de notre humiliation ! que tout le monde nous regarde), ou bien le fait qu’on désire être violé ou revivre un viol (oculaire ou physique) qu’on a réellement vécu.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Miroir », « Espion homo », « Poids des mots et des regards », « Regard féminin », « Lunettes d’or », « Homosexuel homophobe », « Amant modèle photographique », « Témoin silencieux d’un crime », « Main coupée », « Doubles schizophréniques », « Photographe », « Femme au balcon », « Emma Bovary « J’ai un amant ! » », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Passion pour les catastrophes », à la partie « Photo chiffonnée » du code « Actrice-Traîtresse », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Espionné :

VOYEUR VU Stores

 

Beaucoup de personnages homosexuels des fictions se sentent espionnés quand ils espionnent (cf. je vous renvoie au code capital « Poids des mots et des regards » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « J’arrive escorté de mouches. Je les reconnais : des mouches soviétiques espionnes. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Un Russe, messager de l’Enfer. » (idem) ; « Arrivé à cette page, il s’aperçut qu’il y avait quelqu’un qui le regardait. » (Copi, Un Livre blanc (2002), pp. 60-63)

 

VOYEUR VU Livre Blanc

Album « Le Livre blanc » de Copi


 

C’est parfois à raison, car on les observe vraiment. « Lâche-moi un peu. Arrête de m’espionner. » (Paul s’adressant à son amant Erik dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs) ; « Antoine éteignit la lumière, puis tenta de faire une mise au point sur la fenêtre d’en face. […] Il lâcha les jumelles. Il les ramassa et regarda de nouveau. Dans une pièce aux murs couverts de masques africains, Martine Van Decker, immobile, murmurait d’interminables borborygmes en l’observant. » (Vincent Petitet, Les Nettoyeurs (2006), p. 248. Dernière phrase du roman) ; « Je te rappelle qu’il y a un judas. Je te regarde depuis toute à l’heure. » (le compagnon s’adressant à Jérémy, surpris d’être observé, dans le one-man-show Bon à marier (2015) de Jérémy Lorca) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, Gabriel, le héros gay, est espionné par sa mère, qui fouille dans son ordinateur portable. Dans le film « Zenne Dancer » (2012) de Caner Alper et Mehmet Binay, la famille d’Ahmet, très conservatrice, n’admet pas son homosexualité et engage un homme pour l’espionner.

 

Film "Vampire Diary" de Mark James & Phil O'Shea

Film « Vampire Diary » de Mark James & Phil O’Shea


 

Chez le héros, cette sensation d’être espionné est à la fois un sursaut de sa conscience et un sentiment infondé qui montre une schizophrénie narcissique ou une paranoïa. « Moi, j’aimerais beaucoup qu’il y ait des messieurs qui me suivent toute la journée. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) Par exemple, dans le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, le narrateur est espionné par sa mère Félicité, et lui rend la pareille : « Mais souvent aussi c’était son tour d’être épiée. » (p. 28) Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, réclame toute l’attention à lui tout seul : « Personne ne me regarde ! » Dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, le « vous » narrateur agit comme une auto-hypnose. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Leopold croit qu’il a tué un de ses clients parce qu’il l’a poussé au suicide : « Franz, j’ai tué quelqu’un, un de mes clients s’est tué la cervelle. […] Je me sens comme si j’étais quelqu’un d’autre et que j’observais tout ce que je faisais […] comme si tout le monde savait que j’avais tué quelqu’un. » Dans le film « Dans le village » (2009) de Patricia Godal, la protagoniste vit avec « cette impression bizarre d’être observée ». Le voyeur vu est l’un des signes de la schizophrénie, c’est-à-dire un mélange entre voyeurisme et paranoïa. Le héros homosexuel, s’étant confondu avec son reflet dans le miroir ou bien avec l’objet de ses désirs, se croit espionné, et hurle donc à l’usurpation d’identité.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Au départ, le personnage homo faisait « son intéressante » en rentrant dans un rôle d’espionne espionnée, bref, en jouant « sa grande folle perdue » en danger ET dangereuse : « J’avais toujours le sentiment d’être épié. Pas par les autres. Par moi-même ! » (Jim, l’un des héros homosexuels, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « Il est toujours sur le trottoir, il ne quitte pas les yeux de ma fenêtre et à chaque fois que j’écarte le rideau il me sourit. Je vais tout de même essayer de le larguer, je descends dans le hall de l’hôtel rasé de près et avec des lunettes noires, habillé d’un blouson en patchwork de satin que j’ai gardé depuis six ans, par hasard dans ma valise, je me suis coiffé bien en arrière avec les cheveux bien collés au crâne. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 107) ; « Il y a un espion dans la maison. […] C’est Laure la traîtresse. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, 130) ; « Oh l’espion ! J’étais surveillé, photographié, sans m’en apercevoir ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 115) ; « Je suis absolument bouleversée, il vient de m’arriver une chose atroce ! Je me suis fait violer par mon chauffeur, c’est le mari de ma gouvernante, ce sont des gens terrifiants, elle s’habille en gitane pour me faire honte lors de mes réceptions. Elle surveille tous mes gestes, je l’ai surprise à me photographier dans ma baignoire ! Et son mari est un colosse qui m’a violée à deux reprises ! » (« L. », le héros transgenre M to F s’adressant à Hugh dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Goliatha, le rat me regarde ! J’ai peur ! » (« L. » parlant à sa bonne, idem) ; « Vous avez vu ? Elle m’espionne ! » (la mère dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Elle me regardait avec des jumelles. » (le narrateur homosexuel parlant de son amant le Rouquin, dans le roman Le Bal des Folles (1977), p. 110) ; « Depuis trop longtemps j’ai toujours refusé qu’on me photographie. » (Vincent Garbo, le héros homosexuel pourtant narcissique à souhait, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 60) ; etc.

 

Dessin de Roger Payne

Dessin de Roger Payne


 

Le fait d’être vu en train d’espionner semble être source d’excitation sexuelle chez certains protagonistes homos. Une satisfaction donjuanesque. Par exemple, dans le film « Shower » (2012) de Christian K. Norvalls, le voisin de cabine de douche du héros l’autorise à le regarder se masturber : « Tu peux regarder si tu veux… » Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Frankie, le héros homosexuel, découvre que son voisin de l’immeuble en face du sien, à San Francisco, l’espionne en cachette. Non seulement il ne résiste pas à cette intrusion oculaire, mais il l’entretient : il se désape et s’offre cul nu à lui. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance observe son futur copain – et voisin – Levi par la fenêtre, d’un immeuble à un autre, ou plutôt d’une maison à une autre, et Levi finit par voir qu’il est observé. Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra, la narratrice lesbienne, espionne et prend plaisir à être épiée. Elle décrit d’ailleurs cette même jouissance puérile chez toutes ses partenaires sexuelles : « Tout à ce qu’elles disaient, elles ne remarquèrent pas que je les observais. […] Elles refermèrent soigneusement la porte de côté derrière elles. J’avançai vers la vieille porte et cherchai un trou qui me permettrait de voir. Je les essayai tous. » (pp. 46-47) ; « Je ressens en sa compagnie des sensations qui me plaisent beaucoup. Elle m’habille, me déshabille, et je peux à loisir me montrer dans le plus simple appareil. Ce que j’aime le plus en ce moment, c’est de me présenter vêtue seulement en haut. Je me promène ainsi assez longtemps devant elle, feignant de chercher dans mes armoires des vêtements ou des objets dont, on s’en doute, je n’ai nul doute. Je l’observe du coin de l’œil pour voir si elle s’intéresse à moi et si mon manège éveille en elle quelque chose. D’abord, ses yeux se baissent à la vue de ma nudité, puis elle se met à regarder. À cet instant, bien qu’elle ne me touche pas, j’éprouve une sorte de plaisir. » (idem, p. 95) ; « J’aimais qu’elle me scrute ainsi. » (Alexandra parlant de sa bonne/amante, op. cit., p. 122) ; « À travers le miroir, on voyait bien la chambre et le lit. Au bout d’un moment, on vit la bonne entrer. Elle se mit à se déshabiller, puis, s’allongeant sur le lit langoureusement, bien en face de nous, se caressa tour à tour le bout des seins et le plus sensible. Je sentais que Marie était tétanisée par la peur que cela ne me déplaise. Dans un effort d’audace, pourtant, elle me prit par la taille. De l’autre côté du miroir, la bonne, se sachant observée, les cuisses bien écartées, faisait avec ses doigts des mouvements qui laissaient voir toute la profondeur de son intimité. Malgré l’état de peu de réceptivité dans lequel j’étais, j’en fus vite troublée. Ses poses étaient terriblement provocantes, et bientôt je sentis monter en moi une envie féroce de me satisfaire. Marie, dans le noir où nous étions, avait beaucoup plus d’assurance et me caressait presque. » (idem, p. 152) ; etc. Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, l’un des plans cul de Erik, nommé Russ, aime que ses voisins de l’immeuble d’en face puissent le surprendre en train de niquer : « J’aime m’exhiber. » dit-il. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, lorsque Pascal, le héros homosexuel, fait l’amour avec un homme dans les fourrés, il n’est pas du tout molesté par un voyeur qui leur demande la permission de les mater (« Je peux pas rester ? ») pour se masturber et jouir du spectacle. Le partenaire de Pascal, halluciné, ne comprend d’ailleurs pas pourquoi Pascal se complait à ce type de viol visuel d’intimité (« Ça te gêne pas qu’on te regarde ??? »). Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David et Philibert, au début du spectacle, sont observés par les voisins de l’immeuble d’en face ; et à la fin de la pièce, ils parodient des spectateurs qui les regardent comme des statues du Musée Grévin. Dans le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier, l’héroïne observe par le trou de son mur sa voisine noire dans sa salle de bain ; la première fois que celle-ci se sait espionnée, elle hurle d’effroi. Mais au fur et à mesure que le voyeurisme se répète, la voisine se laisse faire avec complaisance et consentement lesbien. Dans le film « Shortbus » (2006) de John Cameron Mitchell, la scène finale montre que les deux amants homosexuels (Jamie et Jamie) se regardent l’un l’autre à la fenêtre dans des immeubles qui se font face, sans s’y attendre, et surtout sans parvenir à communiquer et à s’aimer vraiment. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, le couple Julien/Yoann est filmé en « sextape » par la belle-mère de Julien, Solange. Plein de photos ont été prises pour exercer un chantage. Ça n’a pas l’air de déplaire à Yoann, tout excité d’avoir été capté dans ses ébats intimes : « Elle nous a pris en photo !! » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Meri, le prostitué transsexuel M to F, dit qu’il « aime regarder ses clients dans les yeux pendant qu’il les excite » Dans les dessins érotiques de Roger Payne, très souvent le voyeur est aperçu par celui qui est maté en cachette.

 

Roger Payne (le voyeur vu dans le miroir par celui qui  jouissait de lui-même devant sa glace)

Roger Payne (le voyeur vu dans le miroir par celui qui jouissait précisément de lui-même devant sa glace)


 

Comme pour illustrer inconsciemment cette fusion entre le spectateur et l’acteur, certains couples homosexuels se filment pendant leur coït sexuel : cf. les films « La Mala Educación » (« La Mauvaise Éducation », 2003) et « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar, « Saturn’s Return » (2000) de Wenona Byrne, le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, etc. « Sur un site de rencontre je discute avec P.-O. Je lui explique que je cherche un garçon qui accepterait que je filme notre rencontre. Il écrit qu’il accepterait. Je garde ma caméra numérique au poing. » (Mike, le narrateur homosexuel dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 56) ; « Ahh, qu’est-ce que ça rend sûr de soi de tenir une caméra, hein ? Et si moi je la prenais et que je te filmais ? » (P.-O. s’adressant à son Mike, op. cit., p. 57) ; « Je décide qu’on baisera là, pour le clignotement rouge sur nos peaux, sur la sienne surtout. Je tiens la caméra à bout de bras pour avoir un grand angle sur nous. » (Mike, op. cit., p. 57) ; etc.

 

Angela dans le film "Tesis" d'Alejandro Amenabar

Angela prise à son propre jeu, dans le film « Tesis » d’Alejandro Amenabar


 
 

b) L’arroseur arrosé :

Après avoir espionné, le voyeur finit par être observé à son tour, comme l’arroseur arrosé : cf. le film « La Fenêtre d’en face » (2002) de Ferzan Oztepek, le film « Robe d’été » (1996) de François Ozon (avec le personnage de Luc), la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, la chanson « Vis-à-vis » d’Étienne Daho, le roman Detrás Del Rostro Que Nos Mira (1967) d’Héctor Biancotti, la chanson « Who’s Zoomin’ Who » d’Aretha Franklin, le film « Les Résultats du Bac » (1999) de Pascal Alex Vincent, le film « Feux croisés » (1947) d’Edward Dmytryck, le film « Les cinq sens » (1999) de Jeremy Podeswa, le film « Hubo Un Tiempo En Que Los Sueños Dieron Paso A Largas Noches De Insomnio » (1998) de Julián Hernández, le film « Watching You » (2000) de Stephanie Abramovich, le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet, la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, le film « Le Troisième Œil » (1989) d’André Almuro, le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, etc. Par exemple, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, le concept de l’émission Stars chez eux dirigée par Graziella, la présentatrice télé psychopathe, c’est, « », de « piéger les stars qui croient piéger leur public ». Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, rentre de force dans une boîte échangiste et tombe sur une femme qui se fait pénétrer par des hommes, et qui l’oblige à prendre part à la sauterie : « Viens participer au lieu de regarder ! » Il finit par rentrer dans le jeu.

 

« J’ai lâché prise mon Dieu, ça vous étonne ? Prise à mon propre piège » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 105) ; « J’aime les scandales quand ils concernent les autres. » (Dorian dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Pour la première fois une voyeuse se sentait regarder. » (idem, p. 141) ; « Ce à quoi je parviens le plus difficilement à croire c’est à ma propre réalité. Je m’échappe sans cesse et ne comprends pas bien, lorsque je me regarde agir, que celui que je vois agir soit le même que celui qui regarde, et qui s’étonne, et doute qu’il puisse être acteur et contemplateur à la fois. » (Édouard dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1997) d’André Gide, p. 84) ; « Si le subtil lecteur pouvait porter son regard plus loin, au-delà de la place, jusqu’à la fenêtre de l’hôtel particulier rose, là-haut, il apercevrait Boléro de Ravel en train de cadrer Tarzan dans le viseur meurtrier de son fusil de chasse. » (Copi, Un Livre blanc (2002), p. 104) ; « Sur le moment, il me semble qu’un tiers se tromperait à prétendre me désigner lequel, de mon reflet ou de moi, est l’original et lequel la copie. […] Moi Vincent Garbo regardant celui qui me regarde, la bénéfique utilité du miroir se retourne en maléfice : non seulement mon reflet a pour moi cessé d’être la preuve que je peux être vu, que je suis dans cette pièce et que je pourrais en sortir, mais il me persuade même carrément du contraire. Je ne serais pas du tout surpris de voir l’autre quitter le miroir et d’être obligé d’attendre qu’il y revienne pour pouvoir exister encore un peu. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 53) ; « Maintenant il va falloir faire davantage attention aux services secrets. » (Jean-Marc s’adressant à son amant Jean-Jacques… alors que c’est lui l’infiltré, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Pourquoi tu t’excuses ? C’est pas grave si tu me regardais. » (Arthur s’adressant à son futur amant Julien, dans le film « Faut pas penser » (2014) de Raphaël Gressier et Sully Ledermann) ; « Je suis mon agent double. » (c.f. la chanson « Espionne » de Catherine Lara) ; etc.

 

Film "Salo ou les 120 journées de Sodome" de Pier Paolo Pasolini

Film « Salo ou les 120 journées de Sodome » de Pier Paolo Pasolini


 

Ce jeu miroitant des regards peut se terminer très mal pour le héros homosexuel (cf. je vous renvoie au code « Témoin silencieux d’un crime » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, un jeune chasseur est transformé en cerf pour avoir osé surprendre un homme transsexuel M to F dans une forêt. Dans le film « Rear Window » (« Fenêtre sur cour », 1954) d’Alfred Hitchcock, Cary Grant est témoin d’un meurtre qu’il a observé depuis sa fenêtre, et le tueur finit par lui rendre visite pour l’éliminer. Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Rinn, l’une des héroïnes lesbiennes, force son amie Suki à l’embrasser sur la bouche, par jeu et « pour s’entraîner ». Cela finit mal car elles sont surprises par Juna et Kanojo. Dans le film « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Étienne, le héros homo, a eu l’indiscrétion de filmer le coït de son meilleur ami avec une fille : le couple coupera les ponts avec lui. Dans la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, Jenny, le héros transsexuel M to F, devient le voyeur vu alors qu’il espionnait ses voisins dans l’immeuble d’en face. Dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, Léni était espionne, mais va retourner sa veste en s’engageant dans la voie du contre-espionnage. Dans le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, Odetta est piégée par son propre voyeurisme puisqu’elle finit par être pétrifiée comme les photos qu’elle prend. Il arrive le même sort au professeur d’Angela dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, mort bouche-bée devant son écran de cinéma. Dans le film « Une Vue imprenable » (1993) d’Amal Bedjaoui, Alexandra et Léa s’observent aux jumelles d’un appartement à l’autre. Dans le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, Philippe filme et observe par la fenêtre les coïts de ses voisins homos… qui à la fin deviendront accidentellement voyeurs de leur voyeur. Dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, Charlie et Dean regardent depuis la rue un couple homo s’embrassant à sa fenêtre… et on découvre ensuite que ce couple n’est autre qu’eux-mêmes. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, tous les personnages homosexuels finissent par payer de leur vie le fait d’avoir été voyeur : « Il avait un drôle de truc dans l’œil. » dira Henri par rapport à Michel qui finira par le tuer. Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, Ati et Shirin, les héroïnes lesbiennes qui se mataient entre elles et qui regardaient des émissions de télé-réalité, se retrouvent espionnées par des caméras de surveillance placées par le mari de l’une d’elles. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Marie, l’héroïne lesbienne, est matée aux jumelles (d’un Happy Meal au Mc Do !) par Anne, la « fille à pédé », et finit par se sentir agressée : « J’en ai marre de tes conneries de gamine. » Dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, après avoir vu la nudité violente d’un homme transsexuel M to F portant une chevelure de rousse, un jeune chasseur, traumatisé, tente de fuir en courant la forêt mais fait tomber son fusil et finit par se métamorphoser en cerf. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le fiancé de Gatal (le héros homo) fouille dans l’ordinateur de ce dernier, avant que Gatal ne découvre, avec vidéos caméra à l’appui, que ce dernier l’a trompé avec un autre homme dans un hôtel. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, les deux amantes Thérèse et Carol passent leur temps à s’observer l’une l’autre, à se photographier à l’insu de l’autre… et finalement, elles finissent par se faire espionner par Tommy dans un hôtel de passe.

 

Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, le héros homo, regarde sur internet les agressions homophobes filmées : elles le vampirisent, le fascinent, l’obsèdent… et finalement, c’est ce qui va lui arriver à la fin du film. Avec son amant Vlad, il est témoin d’une agression mortelle homophobe dans la rue, pendant qu’ils sont en voiture. Pour élucider ce meurtre homophobe, Anton joue aux espion, secondé par son amant Vlad. Cet espionnage se retourne contre Vlad : « Je te filme avec les lunettes. Je vais te filmer. » (Anton) Et Vlad, lui aussi, met sur écoute Anton (notamment quand ce dernier est en train de dîner avec un potentiel suspect), ce qui lui fait vivre une angoisse terrible.
 

Tout le polar The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh est construit sur la paranoïa (qui se révèlera justifiée et soutenue par l’auteure elle-même) de l’héroïne lesbienne Jane. Cette femme a l’intuition d’un viol et d’un meurtre à propos d’une fille (la jeune Anna, 13 ans, abusée par son père, le Dr Mann) et de sa mère (Greta, ex-prostituée, assassinée par le Dr Mann aussi). Et elle vient d’emménager avec sa compagne Petra dans un immeuble qui fait face à une autre bâtisse qui recèle précisément le nœud de son intuition (le corps de Greta, planqué sous un plancher). Jane se sent donc constamment épiée, parce qu’elle-même épie ses voisins. Et elle manque, à la fin, de se faire violer et tué par Mann. Le piège de son voyeurisme s’est presque refermé sur elle : « Jane écarta les rideaux. Dehors, la cour était mal éclairée, mais elle distinguait le bâtiment qui s’élevait derrière, une version délabrée de leur propre immeuble, ses fenêtres vides enfoncées dans l’obscurité comme des orbites dans un crâne. ‘Pas très inspirant, comme vue. ’ dit Jane. ‘C’est normal, une dépendance derrière la maison ! Et comme cet immeuble est vide, on n’aura pas de vis-à-vis. ’ répond Petra. » (p. 16) ; « Il était étrange que les fenêtres aveugles et les balcons vides de l’immeuble l’aient mises mal à l’aise. Lorsqu’elle était petite, elle détestait les windaehingers : ces femmes qui se penchaient aux fenêtres des immeubles pour surveiller la rue en contrebas. Certains jours, vous aviez l’impression de ne plus pouvoir marcher droit tant leurs regards pesaient sur vous. La sensation d’être observée s’était logée en elle. Peut-être était-ce la façon dont l’enfant se manifestait ; elle avait parfois l’impression qu’il la surveillait avant de décider de naître. » (p. 26) ; « Jane ne pouvait se débarrasser de l’impression que quelqu’un l’observait en rigolant. » (p. 27) ; « Jane eut soudain la conviction que quelqu’un l’observait. » (p. 40) ; « affronter le froid et la sensation d’être observée par des yeux invisibles. » (p. 58) ; « Elle avait désormais l’impression que le bâtiment la regardait avec les yeux d’Alban. » (p. 138) ; « Une lumière brillait derrière les rideaux de dentelle du salon des Becker. Les rideaux bougèrent comme si quelqu’un en lissait les plis et s’écartait, mais Jane voyait encore sa silhouette, sombre et indistincte, qui l’observait depuis l’autre côté de la vitre. » (p. 224) ; « Tout ce que je vois c’est que vous fourrez votre nez dans quelque chose qui ne vous regarde pas. C’est peut-être de vous qu’Anna devrait se méfier. » (Maria, la prostituée, s’adressant à Jane, idem, p. 168) ; etc.
 

Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antonietta accueille dans son appartement le temps d’une journée Gabriele, son voisin de pallier homosexuel habitant dans l’immeuble d’en face. Depuis la maison d’Antonietta, ce dernier regarde son appartement avec étonnement (« C’est étrange de me regarder de l’immeuble d’en face… »), comme s’il se retrouvait à la place de sa voyeuse qui lui a avoué qu’elle le scrutait incessamment et obsessionnellement depuis qu’elle l’avait découvert : « Ça fait depuis ce matin que je te regarde. » ; « Moi je regarderai ta fenêtre tous les jours. ».
 

Ce retour de bâton du voyeurisme symbolise l’homophobie (ou les contradictions) du désir homosexuel pratiqué, un désir qui est pour et contre lui-même, qui n’encourage pas le héros à assumer ses actes : « Delphine, c’est pas les autres qui te regardent. C’est toi qui te surveilles. T’es ton propre flic. » (Carole reprochant à Delphine de ne pas assumer leur « couple », dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; « Les jeunes hommes gays étaient condamnés à n’être qu’un spectacle et jamais un public. » (Manuel Vázquez Montalbán, Los Alegres Muchachos De Atzavará (1988), p. 180) ; « S’il ne le sait pas, moi, je le sais ! […] J’en vois partout parce qu’il y en a partout ! Ça sort des placards ! » (Sibylle par rapport à l’homosexualité de Nelligan Bougandrapeau, le héros homo, dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay) ; « On est spectateurs de sa vie. » (Matthieu, l’un des héros homosexuels de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « L’intrigue va se nouer toute seule. C’est le crime l’important. Le coupable peut être n’importe qui. Il peut se trouver même dans le public. J’ai vu une comédie policière où le coupable était le machiniste du théâtre. » (l’Auteur dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’ai un mec à l’intérieur de moi qui me dit : ‘Il faut pas que t’aies un mec à l’intérieur de toi ! » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc. Par exemple, dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, John, jeune homme de 15 ans, tombe amoureux d’un papy de 70 ans, Mr Carter. Il l’espionne avec ses jumelles, d’un immeuble à l’autre, et finit par essuyer son premier chagrin d’amour. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri, le héros homosexuel espionné par sa mère possessive puis espionnant passivement l’homme qui le fascine visuellement, Jean, finit par se prostituer dans les gares de Paris puis par assassiner l’objet de ses fantasmes une fois qu’il a pu enfin coucher avec. Dans le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961) de William Wyler, Karen et Martha, deux responsables d’un établissement scolaire, se voient outées par Mary, une de leur élève-voyeuse : Martha voit son homosexualité découverte à son insu. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, le père Adam (homosexuel encore refoulé, sauf à la fin) surprend Rudy se faire sodomiser par Adrian. Cette espionnage se retournera contre lui sous forme d’outing puisqu’Adrian écrira à la peinture rouge sur la porte de la maison d’Adam : « LE PRÊTRE EST UNE PÉDALE ! » Dans le film « Shower » (2012) de Christian K. Norvalls, le héros a eu honte d’avoir été vu en train de donner un baiser sur la bouche homosexuel par un vieux du vestiaire, et tue son camarade de douche pour se venger de ce regard extérieur qui a reflété la réalité de l’acte homo.

 

Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, Jean-Marc est le héros homosexuel infiltré chez les Virilius, chargé de regarder ce qui s’y passe. « Je suis comme un espion industriel. » déclare-t-il. Mais il ne maîtrise pas tant que cela sa dissimulation puisqu’il tombe amoureux du chef de la bande : « Aujourd’hui je suis un caméléon qui a des problèmes de santé. On ne peut pas mélanger le rose parmi les bruns. » Pire : les Virilius découvrent que leur numéro 2 est un traître et ils le maltraitent en le tabassant/violant homosexuellement : « Maintenant, il va falloir faire davantage attention aux services secrets. » (Jean-Marc à Jean-Jacques) L’objet de son espionnage (son homosexualité), c’est lui-même qui se l’impose et qui le transforme en homophobie, en déni : « Je ne suis pas un infiltré gay ! Je ne suis pas un infiltré gay ! »

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Espionné :

Film "Blokes" de Marialy Rivas

Film « Blokes » de Marialy Rivas


 

Beaucoup de personnes homosexuelles se sentent espionnées quand elles espionnent (cf. je vous renvoie au code capital « Poids des mots et des regards » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Nous habitons un gros building. D’une fenêtre de l’appartement, je voyais un voisin se promener nu. Je me levais quand elle dormait pour l’observer, lui. » (Justin, marié, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 249)

 

Pedro Almodovar

Pedro Almodovar


 

Ce sentiment d’être espionné est parfois infondé, et montre une schizophrénie narcissique ou une paranoïa. Par exemple, dans son Journal. 1937-1949, Klaus Mann parle de son constant « délire de persécution » (p. 328). Beaucoup de personnes homosexuelles font « leurs intéressantes » en rentrant dans un rôle d’espionne espionnée, bref, en jouant « la grande folle perdue » qui cache mal sa complicité au viol oculaire qu’elle subit : « Elle est là, murmura-t-elle. Elle m’espionne. Elle est toujours là. » (la Chola parlant de sa voisine de palier, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 237)

 

Ce fantasme de persécution oculaire, c’est le syndrome classique de la star ou de la personne qui se prend pour une star : cf. la chanson « Flash » de Jeanne Mas, la chanson « Paparazzi » de Lady Gaga, le vidéo-clip de la chanson « Piece Of Me » de Britney Spears, le vidéo-clip de la chanson « Todos Me Miran » de Gloria Trevi, etc.

 

 

Il n’est pas étonnant que les émissions de télé-réalité (et spécialement Loft Story, Les Anges de la Télé-Réalité et Secret Story), où les participants jouent le jeu d’exhiber leur intimité et d’être matés, aient été plébiscitées et habitées par des personnes homosexuelles : Steevy Boulay (Loft Story 1), Thomas (le vainqueur de Loft Story 2), Benoît (le vainqueur de Secret Story 4), etc.

 
 

b) L’arroseur arrosé :

Film "Pornography: A Thriller" de David Kittredge

Film « Pornography: A Thriller » de David Kittredge


 

Le trop-plein de lucidité/de peur de certaines personnes homosexuelles par rapport aux comportements humains les transforme finalement en voyeurs-girouettes. « Sentir et se regarder sentir, pour lui, c’est tout un. » (Jean-Paul Sartre en parlant de Jean Genet, dans sa biographie Saint Genet (1952), p. 70) ; « L’espion et l’espionné ne font qu’un. » (idem, p. 89) ; etc. C’est le cas de Christopher Hugh Auden, par exemple : « Malgré sa grande capacité de perception, il manquait à Auden quelque chose en matière de relations humaines. Il planifiait trop les situations, il faisait en sorte que chacun devienne trop conscient d’être observé. […] Parfois, il donnait l’impression de mener un jeu intellectuel avec lui-même et avec les autres, si bien qu’à la longue, il restait finalement assez isolé. » (Stephen Spender, Un Mundo Dentro Del Mundo, « Poeta Entre Dos Países », sur le site www.islaternura.com. C’est moi qui traduis) Autres exemples. Dans la biographie James Dean (1995) de Ronald Martinetti, James Dean est qualifié par Ken Kendall d’« éternel spectateur » (p. 104), à l’affût de ce que vont voir et penser les autres de lui. Le rappeur gay Mykki Blanco (interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) dit qu’il essaie sur scène d’ « incarner à la fois le mac et la pute ».

 

Beaucoup de personnes homosexuelles, par sincérité et auto-centrisme, ne se voient plus agir et tombent dans les pièges du voyeurisme, de la violence, de la paranoïa, de l’exhibitionnisme : « En me relisant aujourd’hui je trouve impardonnable de m’être dupé moi-même à ce point. » (Ann Scott citée dans la préface de Sandrine Mariette, Le Pire des mondes (2004), p. 7) ; « Gore Vidal était extrêmement mythomane. Il aimait se mettre en avant. » (Didier Roth-Bettoni dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; etc.

 

Ce retour de bâton du voyeurisme symbolise l’homophobie (ou les contradictions) du désir homosexuel pratiqué, un désir qui est pour et contre lui-même : « Je me promène aux Champs. Je n’accoste personne, jamais. C’est les types qui viennent. Vous voyez bien quand un type vous regarde. Remarquez, on ne peut jamais savoir ; il y en a qui restent là à vous regarder pendant cinq minutes, et si vous leur parlez, ils disent : ‘Qu’est-ce que vous me voulez, ça va pas non ?’. Des refoulés. » (Pierre Benichou, Le Nouvel Observateur, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 44) ; « Et le jeune homme reste sur ses gardes, soupçonne qu’on le soupçonne, feint de feindre pour mieux dissimuler ; achète des livres traitant de l’amour hétérosexuel, prend des précautions avec ses amis, évite de confier son numéro de téléphone et ne reste pas indifférent au cours des entretiens où l’on démolit les pédérastes. Dans l’obligation personnelle d’avoir recours aux subterfuges, il sombre en général dans la dissimulation. » (Jean-Louis Chardans, op. cit., p. 12) ; « Je dérobais dans la chambre les vêtements de ma sœur que je mettais pour défiler, essayant tout ce qu’il était possible d’essayer : les jupes courtes, longues, à pois ou à rayures, les tee-shirts cintrés, décolletés, usés, troués, les brassières en dentelle ou rembourrées. Ces représentations dont j’étais l’unique spectateur me semblaient alors plus belles qu’il m’ait été donné de voir. J’aurais pleuré de joie tant je me trouvais beau. Mon cœur aurait pu exploser tant son rythme s’accélérait. Après le moment d’euphorie du défilé, essoufflé, je me sentais soudainement idiot, sali par les vêtements de fille que je portais, pas seulement idiot mais dégoûté par moi-même, assommé par ce sursaut de folie qui m’avait conduit à me travestir. » (Eddy Bellegueule dans l’autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 28-29) ; etc. Le « voyeur vu » montre que le désir homosexuel est intrinsèquement homophobe. Ce motif allégorique symbolise que l’homosexualité est de la haine de soi, de la honte, du manque de confiance, de l’humiliation et de l’agression externe… le tout sublimé par une idolâtrie visuelle.

 
 

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