Espion homo
NOTICE EXPLICATIVE :
Espionne, et t’es toi !
L’homosexualité, fruit et signe d’un voyeurisme social généralisé ? Assurément, mon capitaine !
Cela a déjà été remarqué depuis un moment dans l’œuvre de l’écrivain français Marcel Proust, cette tendance à espionner et à mettre en scène dans ses romans des personnages qui regardent par les trous de serrure, qui observent jalousement la vie intime des autres. Mais la figure de l’espion homosexuel n’est pas propre à l’univers proustien. On la retrouve dans énormément de créations artistiques homo-érotiques : la plupart des héros homosexuels jouent le rôle d’espion, écoutent aux portes, violent des secrets et des intimités, ont les yeux fixés sur l’assiette du voisin plutôt que sur la leur.
Ceci n’est pas qu’un cliché. Beaucoup de personnes homosexuelles réelles exercent le « métier » d’espion, ou usent et abusent des intrusions visuelles dans la vie privée des autres. Il suffit de nous remémorer les nombreux regards à la fois fuyants et girouette de tous ces individus homos qui, en bons paranos ou en pros de la curiosité malsaine, fouillent partout des yeux, trop inconscients qu’ils sont d’avoir l’impression d’être continuellement observés ; et je rajouterai à ces voyeurs réels le long cortège des photographes, cameramen, et journalistes homosexuels qui satisfont leur voyeurisme derrière un objectif de caméra et l’excuse de l’art. L’omniprésence du voyeur gay, en plus de nous indiquer l’existence d’un fantasme de viol/vol intrinsèque à l’homosexualité, nous montre que le désir homosexuel est né de la violation de la différence des espaces, une différence qui compose l’un des 3 rocs du Réel (avec la différence des générations et celle des sexes), et qui garantie la juste distance relationnelle entre vie publique et vie privée pour le « bien vivre » d’une société.
Pourquoi les personnes homosexuelles sont davantage utilisées comme espions que les autres ? (et l’Histoire humaine le prouve : rien qu’en temps de Guerre Froide, dans le milieu informatique, les Russes cherchaient des espions dans le « milieu homosexuel » pour infiltrer les États-Unis) Parce qu’elles ont appris l’art de la dissimulation depuis toutes petites. Parce qu’elles sont à la fois fragiles (donc facilement manipulables et discrètes) et rusées (elles glissent dans les interstices, mènent une double vie). En effet, qui se méfie de la personne blessée, ambiguë et séductrice ? Qui peut se douter que le coup de Trafalgar viendra d’elle et qu’elle se trahira elle-même « par amour » ? Un bon espion est quelqu’un qui à un moment donné est traître à lui-même. Les ressorts homophobes du désir homosexuel sont donc parfaits pour le rôle !
La phobie de la sexualité
Il est curieux de voir que la tendance au voyeurisme homosexuel vient généralement soit d’un viol connu dans l’enfance, soit d’une image blessée de la sexualité intime. Ce qui l’illustre le plus explicitement sont les scènes cinématographiques où sont montrés des enfants observant un viol, ou bien un adulte forcé d’être témoin d’un coït entre une femme et homme. Dans les films homo-érotiques, la figure du voyeur homosexuel regardant une scène de fornication revient très souvent. Et il finit par être pris à son propre jeu (le code « Espion » est éminemment lié à celui du « Voyeur vu », consultable aussi dans ce Dictionnaire des Codes homosexuels).
L’enfant-voyeur se retrouve face au sexe (qu’il croit) violé. Il symbolise ce tiers exclu du spectacle coïtal, ce dernier s’organisant souvent comme une image de guerre dans le pire des cas (Bruce Chatwin, par exemple, affirme, concernant ses parents, que son « enfance fut la guerre et le sentiment de la guerre » ; cf. l’article « Apuntes biográficos » de Bruce Chatwin, sur le site www.islaternura.com), au mieux comme un fantasme de viol fascinant. Les personnes homosexuelles ont rarement résolu leur complexe d’Œdipe, et en veulent à leurs parents (réels et surtout symboliques/télévisuels) de les avoir trahies, abandonnées, ou de leur avoir imposées une intimité qui ne les regardait pas. Elles ont pu les surprendre en train de faire l’amour sans Amour, et sont repartis dégoûtées du sexe en croyant le connaître. « D’où naît l’angoisse devant la scène primitive ? De la démesure d’une sexualité incompréhensible à l’enfant, de l’excitation qui l’assaille, de ce que les parents s’en mêlent… L’exclusion de la scène signe l’amour trahi. Au commencement était la trahison. » (Dominique Scarfone, De la trahison, 1999) Leur désir homosexuel nous dit que les fantasmes de l’inceste et du viol n’ont pas été intégrés par elles. Or, comme l’écrit Jacques André, « pour être vraiment libre et heureux dans sa vie amoureuse, il faut s’être familiarisé avec la représentation de l’inceste » (Jacques André, « Le Lit de Jocaste », dans son ouvrage collectif Incestes (2001), p. 19) et la violence naturelle inhérente à toute sexualité humaine.
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Voyeur vu », « Témoin silencieux d’un crime », « Voleurs », « Amant modèle photographique », « Lunettes d’or », « Femme et homme en statues de cire », « Homme invisible », « Fan de feuilletons », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Photographe », à la partie « Télé voyeuriste » du code « Passion pour les catastrophes », à la partie « Trahison » du code « Homosexualité noire et glorieuse », et à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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FICTION
a) Le voyeur ou l’espion homosexuel :
Dans la production artistique homosexuelle, l’espion est véritablement un leitmotiv : cf. la chanson « L’Espionne lesbienne » d’Ange, le film « Secret Défense » (2008) de Philippe Haim (avec l’agence qui recrute des espions gays), le film « Les Espions » (1928) de Fritz Lang, le film « Le Fouineur » (1969) d’Ettore Scola, le film « Les Enfants de chœur » (1973) de Duccio Tessari, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec Omar regardant par le trou de la serrure, ou bien Emmanuel spectateur involontaire d’un couple qui nique juste à côté de lui), le film « Justine » (1968) de George Cukor, le film « Infernal Affairs » (2003) d’Andrew Lau et Alan Mak, le film « La Blonde défie le FBI » (1966) de Frank Tashlin, le film « Nisha, The Mark Of The Cow » (2008) de Lilium Leonard (avec l’espionne indienne), le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar (avec le personnage de Ramón, filmant y compris ses propres ébats sexuels), le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar (avec le personnage d’Ángel), la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis (avec Jean-Marc, l’infiltré homosexuel), le film « Youchai » (« Le Facteur », 1994) d’He Jianjun, le roman La Mélancolie du voyeur (1985) de Conrad Detrez, le film « La Lettre du Kremlin » (1969) de John Huston, la mini-série Cambridge Spies (2003) de Tim Fywell (diffusée sur la chaîne BBC), le film « OSS 117, Le Caire nid d’espions » (2005) de Michel Hazanavicius, le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe (avec le duo de flics se déguisant en couple gay pour effectuer ses filatures « discrètement »), le film « Dirty Love » (2009) de Michael Tringe, le film « Une Affaire de goût » (1999) de Bernard Rapp, le film « Gay Secret Agent » (2006) avec Brendan Fraser, Film « The Game Of Juan’s Life » de Joselito Altarejos, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le film « Je suis curieuse » (1967) de Vilgot Sjöman, le roman Piège pour un voyeur (1969) de Michel Journiac, la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « Another Country » (1984) de Marek Kanievska, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « Mes funérailles à Berlin » (1966) de Guy Hamilton, le roman Mes débuts dans l’espionnage (1996) de Christophe Donner, le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine (avec les amants homosexuels s’espionnant mutuellement dans l’église), la pièce Le Frigo (1083) de Copi (dans la mise en scène d’Érika Guillouzouic, en 2011, l’homosexuel est figuré comme un agent double), le film « She Must Be Seeing Things » (1987) de Sheila McLaughlin, le vidéo-clip de la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer (avec les naines religieuses curieuses et regardant par les trous de serrures), le film « La meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller (avec le personnage homo de Philippe), le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz (avec le personnage de Mathieu), le film « Les Terres froides » (1999) (toujours de Sébastien Lifshitz), le film « La Maison de la 92e rue » (1945) d’Henry Hathaway, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec le personnage de Paul, présenté comme un voyeur), le film « Le Conformiste » (1970) de Bernardo Bertolucci (avec le personnage de Marcello), le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar (traitant précisément sur le thème du voyeurisme), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec les bourreaux homosexuels observant les tortures aux jumelles), le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec l’espionne Léni), le film « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud, le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano, le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, le film « Psychose » (1960) d’Alfred Hitchcock (avec Norman Bates regardant à travers les trous des murs, et observant Marion Crane dans sa chambre), le film « Friends And Family » (2001) de Kristen Coury, la nouvelle « La Chambre de bonne » (2010) d’Essobal Lenoir, le film « Como Esquecer ? » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec Carmen, l’élève intrusive espionnant la vie de sa prof Julia), le film « Le Policier de Tanger » (1996) de Stephen Whittaker, le film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner, le film « Top Secret » (1952) de Mario Zampi, le film « Le Bal des espions » (1960) de Michel Clément, le film « Amours particulières » (1969) de Gérard Trembaciewicz, le film « Le Grand Blond avec une chaussure noire » (1972) d’Yves Robert, le film « Madame Wang’s » (1981) de Paul Morrissey, le film « Au-delà des lois » (1996) de John Schlesinger, le film « Zoolander » (2003) de Ben Stiller, le film « Spionage » (1955) de Franz Antel, le film « Espion, lève-toi » (1981) d’Yves Boisset, le film « Aishite Imasu 1941 » (2004) de Joel Lamangan, le film « La Croisière » (2011) de Pascale Pouzadoux (avec Raphaël, qui se travestit en femme, pour espionner sa femme à bord d’un bateau de croisière), le film « My Loving Trouble 7 » (1999) de James Yuen, la pièce Les Z’Héros de Branville (2009) de Jean-Christophe Moncys (avec Tamplethorn, l’espion gay), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec la figure d’Ilse, l’espionne allemande), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (avec Wilma, le travesti-espion), le film « Ghosted » (2009) de Monika Treut (où Mei-li est une mystérieuse journaliste qui suit Sophie Schmitt), le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan (avec le personnage de Cal – interprété par James Dean – qui espionne par jalousie son frère Aron et sa future femme Abra), le film « Hard Focus : Eavesdrop » (1988) d’Hisayasu Sato, le film « La Robe du soir » (2010) de Myriam Aziza (avec le personnage lesbien de Juliette, qui espionne sa prof Mme Solenska), la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams (avec le personnage d’Archie), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec Ernesto, la figure du voyeur), le film « Smooth » (2009) de Catherine Corringer (avec le photographe voyeuriste), le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (avec Robbie, le voyeur à la fenêtre), le film « Sexual Tension : Volatile » (2012) de Marcelo Mónaco et Marco Berger (avec le geek matant son cousin), la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand (avec Noémie, la femme-espionne en noir, qui à la fin conclut qu’« elle n’a plus le look d’espionne »), la chanson « L’Espionne lesbienne » d’Ange, la chanson « Espionne » de Catherine Lara ; etc.
Il est très fréquent que le héros homosexuel se présente comme un voleur d’images, un violeur oculaire : « Jess, t’es beaucoup trop curieuse. T’as pas le droit de faire ça. » (Jessica, le héros transsexuel M to F se parlant à lui-même tout en lisant le courrier de Jean-Louis, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « Je suis un ancien Seigneur, je suis devenu voyeur ! » (Pédé, le héros homo de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je suis l’œil indiscret caché derrière vos enceintes […] j’arrache les vêtements, taillade la peau, je creuse jusqu’aux chairs, je dissèque, dépèce, sépare […]. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, pp. 15-16) ; « Qu’est-ce que j’ai pu t’espionner tout le temps qu’on était ensemble ! » (Luc s’adressant à son amant Jean-Marc, dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; « L’amour est un luxe qu’une espionne ne peut s’offrir. » (Molina, le héros homosexuel du film « Le Baiser de la Femme-Araignée » (1985) d’Héctor Babenco) ; « Je vis avec 007. » (Stéphane, le héros homosexuel parlant à sa meilleure amie lesbienne Florence à la troisième personne du singulier, dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Avant, on avait le Sida. Maintenant, on a des psychopathes ou des espions qui peuvent nous violer. » (Xav dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « Je regarde dans l’œil de la porte. » (Zize, le travesti M to F du one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Par le trou de la serrure je ne peux zieuter que l’armoire à bouquins : je colle une oreille contre la porte. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 28) ; « Il en profitait pour dérober un regard, discrètement, lors des cours. Mais au vestiaire, lors des douches, il épiait de loin. » (Marcel, l’un des héros homos du roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 18) ; « À cette époque-là, dans les vestiaires, j’avais 10/10 à chaque œil. » (Benoît, l’homosexuel de la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « Je mets mon œil au trou de la serrure, mais, placée comme elle est, je ne vois que ses joues d’un beau rose. » (Alexandra, la narratrice lesbienne parlant de sa servante et amante Marie, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 17) ; « Je venais encore de m’engueuler avec Will. Il passait son temps à mater. » (Matthieu en parlant de son « ex » Will, particulièrement infidèle, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « J’aime voir ce que font les gens qui se croient seuls. Parfois, j’espionne ma sœur dans sa chambre. Je la regarde dormir. » (Tommy dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Jane guettait surtout des bruits dans l’appartement voisin, mais il régnait chez les Mann un silence de mort, et même en collant son oreille aux murs au beau milieu de la nuit, elle n’avait rien perçu. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 103) ; « Je restais regarder mes camarades dans les vestiaires, se tripotant. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « Le voyeur peut s’installer. » (Hugues, homosexuel, parlant de lui-même au sauna, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; etc.
Ce voyeurisme inquiète, bien sûr, l’entourage du protagoniste homo, voire même en premier lieu son/ses amant(s) : « Tu m’as suivie ?? T’es complètement tarée. » (Sarah s’adressant à son amante Charlène, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent) ; « Est-ce que t’as une vague notion de la vie privée ? » (Julien s’adressant à son compagnon Yoann, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « Pourquoi vous vous mêlez toujours de tout ? » (Antonietta s’adressant à son ami homosexuel Gabriele, dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; « Je pense que j’étais destiné à me mêler des affaires des autres. » (Simon, le héros homo, s’adressant à Lyle qui lui dit qu’il « voit tout », dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « Je sais jamais si t’aimes bien être avec moi ou si tu me fliques. » (Jean-Marie s’adressant à son ex-amant Jacques, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc. Dans le film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, on nous signale par écrit que « le corbeau blanc » est une expression employée pour désigner « quelqu’un qui est différent des autres ».Vitaly Strizhevsky, l’agent du KGB, est un fac simile de Constantin Sergueïev, l’amant et mécène du danseur Rudolf Noureev ; et pour exercer son emprise, il le fait suivre en filature et le jalouse : « Surveillez-le ! » lance-t-il à ses agents.
Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain Canard, le coiffeur gay, a la manie d’écouter aux portes. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, le héros homo allemand, agit en espion venant s’introduire dans le quotidien de la famille de son amant décédé Oren, à Jérusalem. Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, le héros homosexuel, pour élucider un meurtre homophobe, joue aux espions, secondé par son amant Vlad (qui finit par l’espionner aussi!). Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Franck demande à sa femme Vanessa de « faire le guet. Comme elle ne comprend pas, il précise : « Le guet de ‘guetter’. Pas le gay de ‘Gay Pride’ ! » Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno, l’un des héros homosexuels, se compare à des jumelles de vue. Dans le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier, l’héroïne observe par le trou de son mur sa voisine noire faisant sa toilette dans sa salle de bain. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Steeve espionne Stuart et le suit en filature. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Paul suit son copain Jack en filature, et le surveille sans arrêt. Dans le film « My Name Is Hallam Foe » (2008) de David Mackenzie, Hallam n’a de cesse d’espionner les autres avec ses jumelles. Dans le roman À la recherche du temps perdu (1913-1927) de Marcel Proust, le baron Charlus se fait passer pour un espion allemand souhaitant passionnément la victoire de l’Allemagne ; on peut également pensé à la scène où Marcel épie Charlus devant la maison Vinteuil. Dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud, Marina, le travesti, rêve de devenir « agent secret ». Dans le film « Les Enfants du Paradis » (1945) de Marcel Carné, Avril, le complice et l’amant de Lacenaire, devient voyeur d’un meurtre. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Sidney, homo, met un micro dans la culotte d’Elton John pour le surveiller ; et il possède des accessoires d’espionnage, comme par exemple un stylo-scanner. Dans le roman Carnaval (2014) de Manuel Blanc, un comédien part en voyage à Cologne pour retrouver son amant disparu qu’il espionne derrière un masque. Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, le capitaine Dickson appelle toujours ses deux agents Schmidt et Jenko « les filles » ou « les lopettes ». Et les autres personnages confirment leur homosexualité : « C’est Schmidt la pédale ! ». Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Juna suspecte Kanojo de mater ses fesses : « Je suis sûr que t’as fait ça pour regarder. » Kanojo n’assume pas : « Cette fois, c’est un hasard. » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, suite à son mariage homo, Ben, qui a violé ainsi la différence des sexes, se retrouve à violer la différence des espaces en logeant chez la famille de son neveu Elliot, forçant celle-ci à se serrer et à perdre son intimité. Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en thérapie un couple gay Benjamin/Arnaud parce qu’Arnaud ne s’assume pas comme homo. Il élabore une thérapie intrusive, le « Deep in your house », par laquelle il cherche à vivre un couple homosexuel à trois. Il finira même par coucher avec Arnaud à l’insu de Benjamin. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, vole des fourchettes dans l’hôtel mexicain où il séjourne. Il demande malicieusement à son amant et guide Palomino : « Le vol est pire que le voyeurisme ? » Dans le film « Embrasse-moi » (2017) d’Océane Rose-Marie et de Cyprien Vial, Cécile se tient en équilibre à la verticale, et hurle juste avant de s’écrouler, à la vue de Océane Rose-Marie qui l’espionne derrière un fourré. Dès les premières images du film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, on voit le protagoniste homosexuel, Davide, regarder par le trou des interstices de ses miroirs. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, est voyeur et regarde son amant Dick avec des jumelles. La première fois qu’il l’observe sur la plage, il laisse échapper sa schizophrénie : « C’est mon visage. », tout en apprenant l’italien avec une méthode assimile. Après avoir tué Dick, Tom se fait passer pour lui. Et Freddie, un très bon ami de Dick, flaire peu à peu l’identité de Tom et veut lui tirer les vers du nez : « Tommy, alors comme ça on aime bien matter ? » Dans le film « Les Douze Coups de Minuit » (« After The Ball », 2015) de Sean Garrity, Kate, l’héroïne, sollicite les talents d’espion informatique de Maurice, son ami styliste homosexuel, pour l’aider. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel, suit Léonard partout : sur la plage, à son travail (hôtel), au bowling, au cinéma. Ce dernier finit par s’en rendre compte : « Tu dois connaître mon compte Facebook, vu que tu m’espionnes ? ». Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, André, l’un des héros homos, regarde aux jumelles depuis le bureau de son entreprise un de ses collègues hétéros, Cyril, sur lequel il fantasme.
Le héros homosexuel, obnubilé par l’originalité dissidente, semble avoir trouvé dans le viol visuel d’intimité la forme la plus raffinée et la plus esthétique de sa singularité : « C’est l’œil de judas qui cligne, le nouveau péché original. » (un des comédiens de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, le personnage homosexuel de Jonathan Brockett, le dandy paranoïaque et incisif, est dépeint « avec des yeux vifs qui se collaient aux serrures des autres » (p. 308). Dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint Pol, le personnage d’Heinrich représente tout à fait la figure de l’espion gay dandy, du gentleman-cambrioleur « classe », qui va justifier le vol par l’esthétisme : « Je veux le [le Traité de Versailles] prendre avec des gants blancs. […] Je suis sûr que n’importe quel autre espion lui [Madeleine] aurait arraché son triste bien par la force, mais je ne suis ni un simple sbire ni un voleur à la tire : Ich bin zivilisiert. » (pp. 46-47)
Dans les fictions homo-érotiques, on remarque qu’il y a autour de l’espionnage comme une excitation frétillante, un fantasme érotique puissant, une complaisance vicelarde : « C’est ce gosse [en moi] qui en a profité. » (le voisin de l’immeuble payant Emmanuel pour qu’il se dénude devant lui, dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré) ; « Ah, Pietro […] J’aurais dû te regarder vivre de loin, avec des jumelles, rester seulement un bon ami. Mais j’avais besoin de ton odeur comme cible de mon regard, l’as-tu jamais compris ? » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, pp. 23-24) Le héros gay fait « son intéressante » en rentrant dans un rôle d’espionne, bref, en jouant « sa grande folle perdue » qui cache mal sa collaboration : « La jeune voleuse sait exactement où elle doit se placer pour trouver la bonne bouche d’égout. […] Experte, elle arrive à entrer sans trop de difficultés au royaume des rats. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 164) ; « Pour certains, je suis une espionne dont il faut se méfier. » (Madeleine dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 105) ; « Je suis la maîtresse d’un espion, d’un traître, d’un ennemi ! » (Madeleine parlant de son amant allemand Heinrich, op. cit., p. 78) ; « J’étais en mission y’a pas longtemps, commanditée par la CIA. » (Charlène Duval, le travesti M to F dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval) ; « Fille de joie au bois… depuis 30 ans. Et le reste du temps, détective. » (David Forgit, le travesti M to F du one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show, 2013) ; « Je suis comme un espion industriel. » (Jean-Marc, infiltré des Virilius, et l’un des héros homosexuels de la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; etc.
Derrière l’espionnage, il y a une grande peur d’être peu aimé, de perdre son amant, peur qui peut se traduire par un viol d’intimité et une agression réelle. Par exemple, dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Helena fouille dans les affaires de son amante Sigrid, par peur de la perdre et qu’elle lui échappe. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Anne a fait son caprice pour avoir comme jouet de Happy Meal au restaurant Mc Donald’s des jumelles pour scruter de près sa meilleure amie lesbienne Marie : « Trop bien ! Je vois les pores de ta peau ! » Ça saoule Marie : « J’en ai marre de tes conneries de gamine. » Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, le docteur Bosmans veut voir le couple Jean/Henri forniquer et leur prépare leur petit nid d’« amour » en anesthésiant Jean. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane suit en filature son amant Vincent qui lui fait des infidélités extra-conjugales : « Je vous ai suivis tous les deux. »
Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien homosexuel, a pour mission de « décrypter les messages allemands » diffusé par le programme de guerre nazi Enigma. Il fait partie du Top Secret Program de Bletchley. Mais il ne s’assume pourtant pas espion : « Je ne suis pas un espion ! » s’insurge-t-il contre Stewart Menzies qui ne le croit absolument pas : « Vous détenez plus de secrets que la plupart des espions. » Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, dès que Rana, chauffeuse de taxi, découvre la transsexualité de sa passagère intersexe F to M Adineh, elle l’accuse comme par hasard d’espionnage : « T’es un espion ?! » Plus tard, Adineh avoue avec ironie : « J’ai mes propres espions. Je suis la fille de mon père. »
b) L’enfant voyeur :
Il est fréquent de retrouver dans les fictions homo-érotiques la scène du personnage homosexuel (généralement un enfant) observant, en espion, un couple – ses parents réels ou pornographiques – en train de copuler : cf. le film « Knock At The Door » (2000) de Frédérique Joux, le film « Une Histoire sans importance » (1980) de Jacques Duron, le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, les films « Mes parents un jour d’été » (1990), « X2000 » (2000), et « Swimming Pool » (2002) de François Ozon, le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, le film « L’Amour violé » (1978) de Yannick Bellon, le film « W » (1998) de Luc Freit, le film « Puta De Oros » (1999) de Miguel Crespi Traveria, le film « L’Embellie » (2000) de Jean-Baptiste Erreca, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « Faites comme si je n’étais pas lui » (2001) d’Olivier Jahan, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « L’Ennemi naturel » (2003) de Pierre-Erwan Guillaume, le roman El Martirio De San Sebastián (1917) d’Antonio de Hoyos (avec le personnage de Silverio), les dessins de Roger Payne (avec la figure récurrente du voyeur observant un coït), le film « Afrika » (1973) d’Alberto Cavallone, le film « Une femme, un jour… » (1974) de Leonard Keigel, le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair (avec Ernest), le tableau Voyeurs (2006) de Manuel Richard, le film « Saint » (1996) de Bavo Defurne (avec l’enfant observant le meurtre sexuel dans la forêt), le vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer, le film « Ossessione » (« Les Amants diaboliques » (1943) de Luchino Visconti (avec la gamine regardant par le trou de la serrure ce qui se passe dans la chambre de Gino), le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Freude » (2001) de Jan Krüger, le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa (avec le couple hétéro qui s’embrasse avec indécence devant le couple homosexuel dans l’ascenseur, avant de s’infliger une grosse trempe), le film « Gelée précoce » (1999) de Pierre Pinaud, le film « Pas de printemps pour Marnie » (1964) d’Alfred Hitchcock, le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961) de William Wyler (avec Mary, l’enfant-voyeur), le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari (avec le flic en train de suivre d’un œil le coït homo des protagonistes dans les docks new-yorkais), le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo (avec Lala, l’enfant qui regarde un coït), etc.
Par exemple, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, le père Raymond avoue, par rapport au beau couple de ses parents « qu’il s’en sentait exclu » : « Ils se sont embrassés sur la bouche devant moi. ». Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, Philibert regarde des films pornographiques. Dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, Alice fait semblant de dormir et espionne Julien et Fred en train de coucher ensemble. Dans le téléfilm « La Confusion des genres » (2000) d’Ilan Duran Cohen, Alain symbolise tout à fait l’homosexuel accidentellement voyeur puisqu’au moment où Marc tente de violer Babette, il s’interpose et se retrouve pris en sandwich entre les deux hétéros, en devenant pour le coup le témoin privilégié du viol entre la femme-objet et l’homme-objet. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, rentre de force dans une boîte échangiste et tombe sur une femme qui se fait pénétrer par des hommes, et qui l’oblige à prendre part à la sauterie : « Viens participer au lieu de regarder ! » Dans la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco, John, la femme lesbienne, se retrouve coincée également entre l’homme-objet (Elvis Presley) et la femme-objet (Marilyn Monroe). Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri, le héros homosexuel, est hypnotisé par le corps nu de Jean, et regarde le couple Elisabeth et Jean nus. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène (l’héroïne lesbienne), blasée et dégoûtée, entend son père et sa mère forniquer, alors même que ces derniers sont en rupture. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le jeune héros homosexuel de 14 ans, pénètre dans un cinéma projetant des films pornos hétérosexuels… mais où il n’y a que des homos bisexuels qui matent. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homo, observe l’homme qu’il aime faire l’amour dans un bateau avec une femme, Marge, en forçant un peu la main à celle-ci. Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, fait un cauchemar où il voit son amant Kevin sodomiser Samantha. Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Segundo entend ses parents baiser non loin de lui pendant son sommeil.
Le personnage homosexuel, parce qu’il a vu les gestes de l’Amour pratiqués sans Amour, finit souvent par confondre la violence avec l’Amour : « Je me suis collée l’oreille contre leur porte. Je savais qu’il fallait pas que je regarde. Mais je les ai vus ! Je les ai vus ! Maman se débattait. Jamais j’oublierai leur face ! » (Manon racontant son douloureux souvenir d’enfance où elle a vu ses parents forniquer, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « Je pensais que la fornication est la cause directe de la naissance et que la naissance est la cause directe de la souffrance et de la mort. J’en étais arrivé à un point où, sans mentir, je considérais la fornication comme une agression et même une cruauté. » (Ray Smith dans le roman Les Clochards célestes (1963) de Jack Kerouac, p. 51)
Sa vision de l’Amour et de la Beauté de la sexualité en est en général durablement altérée et abîmée. « Quand j’étais petit, mes parents faisaient l’amour devant moi. J’ai même dormi nu sous ma mère. Alors avec ça, dans la vie, t’es bien barré. Je devais être prédisposé. Je regardais toujours mon père se déshabiller. Jamais ma mère. Heureusement. » (Jacques Nolot dans son propre film « La Chatte à deux têtes », 2002)
Par exemple, au début du film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, on voit Roberto, l’un des héros homosexuels, observer par la fenêtre des couples hétéros faire l’amour lors d’une beuverie… comme pour montrer que l’homosexuel fictionnel est l’enfant du porno, et du manque d’amour entre les couples femme-homme.
Dans le film « Le Français » (2015) de Diastème, c’est au moment où Marc rentre dans la chambre d’un de ses potes Marvin en train de « niquer » une fille et de les observer que celui-ci le suspecte comme par hasard d’homosexualité : « T’es pédé ou quoi ? »
FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION
PARFOIS RÉALITÉ
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
a) Le voyeur ou l’espion homosexuel :
Il suffit de taper sur les moteurs de recherche Internet « espion gay » ou « espionne lesbienne » pour tomber sur une multitude de liens donnant accès à des sites pornos homos, et réaliser que la figure du « mateur » homosexuel ou de l’espion gay est omniprésente dans la fantasmagorie homo-érotique. Je vous renvoie également à l’essai Sodomitas (1956) de Mauricio Carlavilla, au Journal intime (2008) de Jean-Luc Lagarce, à l’essai L’Espion et l’enfant (2016) de Ian Brossat, au documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture, Inside » (2014) de Maxime Donzel (avec le dessin d’un voyeur homo regardant avec un téléscope), à toute l’imagerie homosexuelle rattachée aux films de James Bond (la James Bond Girl, l’ambiguïté et la préciosité des « méchants », le sex appeal ultra-masculinisé du héros, etc. ; par exemple, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, la sensuelle Varia Andreïevskaïa est présentée comme « une espionne russe digne d’un vieux James Bond », p. 66). Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Celia se déguise pour la soirée costumée en souris, mais ressemble finalement à Catwoman, « une espionne volant les bijoux des femmes des beaux quartiers ». Je rappelle, comme une anecdote signifiante, que le nom initial que s’était choisi le groupe de rock français Indochine était « Les Espions ».
Beaucoup de critiques (parfois homosexuels eux-mêmes) constatent le lien très proche entre voyeurisme/espionnage et homosexualité : « Wahrol, c’était LE voyeur type. » (Zouzou interviewé dans le documentaire « Sex’N’Pop, Part I » (2004) de Christian Bettges) ; « Sébastien a l’œil sur tout. » (la voix-off parlant de Sébastien, un homme homosexuel de 43 ans, interviewé dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013) ; etc. Par exemple, dans son essai A Lover’s Discourse (1979), Roland Barthes qualifie le roman Sodome et Gomorrhe (1921) de Marcel Proust de « roman voyeur » (p. 26) car le narrateur est un espion et regarde toujours à travers des trous de serrure. Dans ma propre expérience, je vois également combien les cancans, les « histoires », vont bon train dans les sphères relationnelles homosexuelles : sans exagérer, la communauté LGBTI me fait parfois penser à un repère de concierges facebookiennes, où la médisance et le ragot voyeuriste viennent nourrir les trois-quarts des discussions entre ami(e)s (pour pallier à la vanité des échanges !), où l’espionnage est même une pratique amoureuse très courue (certains sont les pros de la création de profils parallèles bidon pour surveiller leur amant !). Non seulement les adeptes homosexuels des potins people bon marché s’auto-proclament gossip girls, mais en plus, certains se soulagent la conscience en généralisant leur voyeurisme à la planète entière : « Vous voulez tout savoir, ne dites pas le contraire… » (cf. le slogan du site du chroniqueur radiophonique homosexuel Andreï Olariu)… genre : « Y’a pas que nous à aimer ça ! On va faire de vous tous des curieux et des voyeurs, de gré ou de force ! » Rien d’étonnant que beaucoup de personnes homosexuelles aient élu domicile dans le centre du voyeurisme démocratisé mondial qu’est Twitter !
Certains artistes homosexuels se valent de l’excuse de l’art pour, à travers les métiers de photographe ou de cinéaste, satisfaire discrètement leurs appétits voyeurs : « La caméra est l’œil le plus indiscret au monde. » (Jean Cocteau dans le documentaire « La Villa Santo Sospir », 1949) ; « Moi, en filmant, je suis un pervers polymorphe ! Je veux me mettre dans la peau et le désir de l’homme qui aime les petites filles… » (le cinéaste François Ozon dans l’entretien de Philippe Rouyer et Claire Vassé, « La Vérité des corps », pour la revue Positif, n°521/522, juillet/août 2004, p. 42) ; « Je suis un voyeur. » (le réalisateur Jean-Daniel Cadinot, cité dans l’article « L’Univers Cadinot » d’Olivier Varlet et Jean-Noël Segrestaa, sur la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 63) ; « Mec, je me sens comme un espion en milieu ennemi. » (la comédienne transgenre F to M dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems) ; etc.
Par exemple, en parlant de son film « Les Parents terribles » (1948), Jean Cocteau dit de ses acteurs qu’ils sont des « fauves » et qu’il « met son œil au trou de serrure » pour les surprendre avec le téléobjectif (cf. le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky). Dans la biographie Copi (1990) de Jorge Damonte, le dramaturge argentin Copi, en août 1984, se définit lui-même comme « voyageur et voyeur » (p. 81) : « Je me retrouvai [en 1957], à l’âge de 16 ans, débarrassé des uns et des autres dans l’immense ville de Buenos Aires. Ayant appris quelques finesses de petit parisien, je me dédiai beaucoup à l’aventure sentimentale et au voyeurisme social. » (idem, p. 87)
Si on réfléchit bien, on constate que la majorité des personnes homosexuelles sont venues à l’homosexualité et ont vécu leurs premiers émois homosexuels par le voyeurisme, par la jalousie optique. « Petit déjà… Je sais maintenant d’où vient cette curiosité excessive que j’avais de zieuter les autres garçons dans les vestiaires de la piscine x). Faut dire aussi que les seules fois où j’ai joué au docteur, c’était avec des garçons. La curiosité, bien sûr. » (cf. le témoignage d’Erwan dans la rubrique « Déjàtoutpetit » de Yagg, publié le 7 février 2012) ; « Le mur extérieur du dancing où se passait le bal du carnaval avait des trous minuscules pour laisser passer l’eau qui pouvait s’accumuler sur la piste les jours de pluie. Je me suis couché sur le trottoir et j’ai utilisé ces trous comme des longues-vues. Je ne voyais que les pieds des danseurs. Je les voyais agrandis et dans leurs moindres détails. Ce qui me permet d’affirmer que, oui, la coiffeuse avait des cors aux pieds. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 168) Le désir homosexuel étant par nature un désir faible, compulsif, honteux de lui-même, et peu courageux, il était logique qu’il s’exprime « à la dérobée », de manière non-frontale, qu’il empreinte le passage étroit d’un trou de serrure ou de l’interstice des bonnes intentions esthétisantes : « Nous sommes arrivés à la plage pour nudistes si bien que Marc a pu se rincer l’œil tout à son aise. Il est notamment resté un bon moment en extase devant des éphèbes qui jouaient au volley sans un fil sur le corps. Pour un voyeur, le spectacle ne devait pas manquer d’être saisissant. » (Paula Dumont parlant de Marc, son meilleur ami gay, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 146) ; « À 5 ans, il commence à épier son voisin, Urho, un garçon de ferme solide et musclé, le premier de ses héros. » (Lionel Povert à propos du dessinateur Tom of Finland, dans son Dictionnaire gay (1994), p. 435) ; etc.
Il y a autour de l’espionnage comme une excitation frétillante, un fantasme érotique intense (et potentiellement violent, pulsionnel) : « Le personnage de Carlos Sanchez en avait marre de rester dans le buisson à espionner Lola. Et il décide de la violer à l’intérieur de son camion, sur une moitié de vache, étalée par terre, comme lit. Lola Sola se débat. Mais on comprend tout de suite qu’elle aime ça. Qu’elle aime un homme puissant. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 253) Je vous renvoie au lesbianisme latent qu’on peut observer dans une pub (anodine ?) comme Implicite Lingerie.
L’espionnage est parfois une activité que des membres de la communauté homosexuelle pratiquent réellement. Par exemple, Christopher Marlowe (1564-1593) fut au service secret de la Reine d’Angleterre. Le fameux Chevalier d’Éon chanté par Mylène Farmer dans sa chanson « Sans contrefaçon » n’est autre que Charles Beaumont, un espion dont la méthode d’investigation était le travestissement : « Le chevalier d’Éon : Né à Tonnerre en 1728 (il mourut en 1810), il fut dès son plus jeune âge constamment vêtu en fille. La légende prétend qu’il fut de longues années ‘l’ami’ de Louis XV. Devenu son agent secret, il accomplit une foule de missions (plus légendaires les unes que les autres) sous son déguisement de femme. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 163) ; « Être gay en Tchétchénie, c’est comme être un agent infiltré dans la mafia, ou un agent secret à la guerre parmi les ennemis. » (Azamat, Tchétchène homosexuel, dans le reportage « Chasse à l’homme en Tchétchénie » d’Élise Menand, Philippe Maire et Benoît Sauvage, diffusé dans l’émission Envoyé spécial sur France 2 le 23 novembre 2017). En Grande Bretagne, le groupe d’espions intellectuels homosexuels baptisé « Homintern » (W. H. Auden, Stephen Spender, Christopher Isherwood, E. M. Forster, Brian Howard, J. R. Ackerley, etc.) a défrayé la chronique dans les années 1930. Maurice Sachs (1906-1945) se déplaça en Allemagne nazie. Pendant la Guerre Froide, Anthony Blunt, Donald Mac Lean, ou bien Guy Burgess (les « Espions de Cambridge »), travaillèrent pour les services secrets soviétiques ; du côté des services secrets nord-américains, Hoover et Maccarthy se trouvèrent à la tête du FBI. Plus proche de nous, en 2005, Anton K et son copain Murat A. (plus connu sous le nom d’« Afrim »), ont créé au Kosovo un réseau d’informateurs, et ont travaillé avec la police secrète albanaise et macédonienne. Sinon, en mai 2007, en Grande-Bretagne, les célèbres organismes MI5 et MI6 (en charge de la sécurité intérieure et extérieure en Grande-Bretagne) publia des annonces d’offre d’emploi pour recruter des espions homosexuels afin d’élargir leur champ d’action. Aux États-Unis, Bradley Manning, un homme transsexuel de 29 ans « devenu une femme » et se prénommant désormais « Chelsea Manning », qui avait été condamné à 35 ans de prison en 2013 pour avoir espionné et fourni des renseignements confidentiels sur la guerre en Irak, a reçu une remise de peine du président Barack Obama le 20 janvier 2017, juste avant le départ de ce dernier de la présidence. Un geste présidentiel « à la Jacqueline Sauvage », totalement idéologique et démagogique, qui devrait nous inquiéter sur la véritable (et sinistre) identité d’Obama, et que quasi personne ne dénoncera.
b) Beaucoup de personnes homosexuelles ont été des témoins trop précoces de la sexualité adulte violente :
Plus profondément, le voyeurisme est une activité qui dit un mal-être ou un effondrement identitaire caché (quand on est mal dans sa peau, on s’image que tout le monde est témoin de notre humiliation !), ou encore un désir incestueux mal digéré (l’enfant se sent exclu de l’amour parental, de la « scène primitive » de sa propre conception : son père ou sa mère lui apparaît comme un rival qui l’a trompé parce qu’il/elle a osé coucher avec quelqu’un d’autre que lui !) : « Au milieu de parents ou amis, je me suis senti extérieur. J’ai vécu parmi eux en espion. » (Fernando Pessoa dans le documentaire « Pessoa l’Inquiéteur » (1990) de Jean Lefaux) ; « Claudette est une jumelle, homosexuelle active. Elle a toujours regretté d’être une fille. Elle prenait les jouets délaissés par son frère jumeau. […] Les tendances voyeuristes ont chez elle une grande importance. » (René Zazzo, Les Jumeaux, le couple et la personne (1960), cité dans l’article « L’identité sexuelle : pour quoi faire ? » de Jean-Marc Alby, Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 520) ; « Je crois que tu as menti, ce soir d’été. On est descendus sur la terrasse pour sentir la fraîcheur de la nuit et on a entendu une voiture s’arrêter. On s’est déplacés silencieusement pour espionner. On a vu le beau garçon, l’athlète qui faisait de délicats dessins de fleurs. Il faisait chaud. Il était presque nu dans la voiture. Sa peau brillait, recouverte d’une fine pellicule de sueur. Le conducteur de la voiture était un homme plus âgé, aux cheveux blancs. Ils se sont embrassés sur la bouche. Et tu m’as dit que c’était son père. » (Alfredo Arias à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 165) ; « Il [Ernestito] me raconta qu’un soir, en rentrant tard, il avait vu, dans ce même autobus, un couple assis face à lui. […] Le couple était en train de faire l’amour. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p.172) Dans son essai La Psychanalyse des enfants (1932), Melanie Klein évoque justement « les sentiments primaires de frustration, de jalousie et de haine qui entourent la scène primitive ». Par exemple, dans le film « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, regarde un couple homme-femme par la fenêtre de l’immeuble d’en face, et qui commence les préliminaires de l’union amoureuse totale. Ça ne lui fait ni chaud ni froid.
Le voyeurisme est la marque d’un accès prématuré et violent d’une grande majorité des personnes homosexuelles à la génitalité, à la sexualité adulte. Beaucoup d’entre elles ont vu, à travers les films pornos notamment, ou bien à travers le manque d’amour et l’indécence de leurs parents biologiques, un amour violé. « En raison, donc, non seulement de la télévision qui me dérangeait mais surtout de la peur de dormir seul, je me rendais plusieurs fois par semaine devant la chambre de mes parents, l’une des rares pièces de la maison dotée d’une porte. Je n’entrais pas tout de suite, j’attendais devant l’entrée qu’ils terminent. D’une manière générale, j’avais pris cette habitude (et cela jusqu’à dix ans ‘C’est pas normal’, disait ma mère, ‘il est pas normal ce gosse’) de suivre ma mère partout dans la maison. Quand elle entrait dans la salle de bains je l’attendais devant la porte. J’essayais d’en forcer l’ouverture, je donnais des coups de pied dans les murs, je hurlais, je pleurais. Quand elle se rendait aux toilettes, j’exigeais d’elle qu’elle laisse la porte ouverte pour la surveiller, comme par crainte qu’elle ne se volatilise. Elle gardera cette habitude de toujours laisser la porte des toilettes ouvertes quand elle fera ses besoins, habitude qui plus tard me révulsera. Elle ne cédait pas tout de suite. Mon comportement irritait mon grand frère, qui m’appelait ‘Fontaine’ à cause de mes larmes. Il ne souffrait pas qu’un garçon puisse pleurer autant. À force d’insistance, ma mère finissait toujours par céder. […] En me rendant devant la chambre de mes parents ces nuits où, tétanisé par la peur, je ne trouvais pas le sommeil, j’entendais leur respiration de plus en plus précipitée à travers la porte, les cris étouffés, leur souffle audible à cause des cloisons trop peu épaisses. (Je gravais des petits mots au couteau suisse sur les plaques de placoplâtre, ‘Chambre d’Ed’, et même cette phrase absurde – puisqu’il n’y avait pas de porte –, ‘Frappez au rideau avant d’entrer.’) Les gémissements de ma mère, ‘Putain c’est bon, encore, encore.’ J’attendais qu’ils aient terminé pour entrer. Je savais qu’à un moment ou à un autre mon père pousserait un cri puissant et sonore. Je savais que ce cri était une espèce de signal, la possibilité de pénétrer dans la chambre. Les ressorts du lit cessaient de grincer. Le silence qui suivait faisait partie du cri, alors je patientais encore quelques minutes, quelques secondes, je retardais l’ouverture de la porte. Dans la chambre flottait l’odeur du cri de mon père. Aujourd’hui encore quand je sens cette odeur je ne peux m’empêcher de penser à ces séquences répétées de mon enfance. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 80-82) ; « Je suis arrivée au pensionnat à l’âge de 14 ans. J’étais très naïve. Et je me suis retrouvée très tôt face à ces problèmes. Et j’ai été choquée. Il ne se passait que ça autour de moi, et je ne voulais pas le voir. Et j’en étais choquée. Depuis la surveillante qui couchait avec la surintendante, jusqu’aux élèves qui partageaient ma chambre, il n’y avait que ça autour de moi. J’étais la seule à ne pas être informée et à ne pas trouver que c’était épouvantable. Je me suis d’autant plus braquée que je sentais confusément en moi une attirance. Mais je voulais absolument la nier. » (Germaine, femme lesbienne suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; etc. Et cette vision brutale du détournement des gestes d’amour en consommation a abîmé durablement dans leur cœur l’image de pureté de l’Amour vrai. Ceci est particulière visible par exemple dans les dessins homo-érotiques de Roger Payne, dans lesquels la figure de l’enfant-voyeur, sur lequel les fantasmes des adultes libertins bisexuels (et parfois pédophiles) sont projetés (ce voyeur « accidentel » est montré comme consentant, complice, agréablement surpris, complaisant), est récurrente. Le désir homosexuel, c’est l’innocence de l’enfant violée.
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