Archives par mot-clé : famille

Code n°85 – Haine de la famille (sous-codes : Idéalisation jalouse des couples femme-homme / Hétérophobie / Mariage cata)

Haine de la famille

Haine de la famille

 

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

Familiophobes et familiolâtres, assurément. Hétérophobes, oui (mais à raison!)

 

Les personnes homosexuelles pratiquantes : amies de la famille réelle ?? C’est une plaisanterie ou quoi ?? Amies sincères des familles symboliques, des familles élargies, des familles éclatées, des familles recomposées, des familles télévisuelles, des familles artistiques, des familles amicales, des familles adoptives, des familles « ouvertes », des familles avec 3-4 « parents », des familles sans parents (ou sans enfants !), des familles sentimentales, des familles avec très peu de lien de sang et de désir, des familles irréelles, ça, ASSURÉMENT ! Mais amies de la famille réelle, très peu ! En revanche, si elles sont hétérophobes, elles ont raison de l’être. Malheureusement, beaucoup ont confondu la famille hétérosexuelle avec toutes les familles de la Terre, donc elles ne mesurent pas combien elles ont raison de lutter contre l’hétérosexualité ! 

 
FAMILLE 3 Ribambelle
 

Pour avoir la confirmation de leur haine des familles, il n’y a qu’à écouter et voir agir la grande majorité des personnes homosexuelles avec leur propre famille (les rapports sont généralement explosifs ou inexistants), et ensuite l’égoïsme larmoyant et agressivement sincère avec lequel certaines réclament maintenant le « droit au mariage » et le « droit à l’enfant » (alors qu’il y a quelques années de cela, quand la mode du militantisme LGBT n’était pas du tout au mariage ni à l’adoption, il ne fallait surtout pas leur parler de ces « symboles de bourgeoisie réactionnaires » qu’étaient pour elles le couple, les enfants, l’institution du mariage, la famille !). Certes, les sentiments de haine, ou tout simplement les besoins de distance/rupture, concernant le milieu familial proche, sont humains, et non spécifiques aux seules personnes homos : tout Homme ressent, à différents degrés et moments de sa vie, la nécessité de couper le cordon avec son père, sa mère, ses frères, et de vivre pour lui-même. La relation au père/Père, tout particulièrement, est quasi universellement compliquée et problématique. Cela dit, sans généraliser à tous les individus homosexuels, la haine de la famille est particulièrement marquée dans le désir homosexuel et au sein la communauté homo. Et on comprend pourquoi ! Beaucoup d’individus homosensibles ont connu/connaissent des conflits dans leur propre famille, un manque d’amour et de reconnaissance, le rejet, le divorce des parents, et parfois même le viol et l’inceste. Dans cette histoire de la « familiophobie » homosexuelle, ce sont bien les couples femme-homme désunis qui ont commencé !

 

Ça, c’est pour la face noire. Mais si les personnes homosexuelles retournaient positivement la médaille de leur dégoût de la famille, elles auraient le formidable pouvoir de dénoncer les manquements d’amour des familles (hétérosexuelles uniquement ; je ne parle pas des familles aimantes ici), les viols, les divorces, les fautes de respect dans les rapports parents-enfants ou bien femme-mari, de la société toute entière. Cette haine homosexuelle de la famille n’est pas à diaboliser (pour jeter la faute sur les personnes homosexuelles) ni à neutraliser : elle est à convertir en défense de la famille réelle et aimante intégrant la différence des sexes et l’ouverture à la vie par l’accueil des enfants.

 
 

En général, les membres de la communauté homosexuelle n’apprécient pas qu’on vienne analyser ce cliché homo de la « haine de la famille », car il est le signe en elles d’une blessure profonde, qu’elles ne veulent pas décrypter ni raviver. « Les homosexuels aiment leur famille. C’est plus souvent la famille qui rejette l’homosexuel que l’inverse. » (Hugo sur le site http://homophobie.free.fr, consulté en octobre 2003) On entend par exemple un écrivain comme François Reynaert (auteur, entre autres, de l’essai Nos Amis les hétéros, en 2004) s’insurger à l’émission Culture et Dépendances (sur la chaîne France 3, le 9 juin 2004) contre le raccourcissement soi-disant « injuste » du fameux adage d’André Gide « Familles, je vous hais. » (la phrase complète, c’est « Familles, je vous hais. Foyers clos ; portes refermées ; possession jalouse du bonheur. »)… alors que le fait d’avoir tronqué cette phrase ne change rien au sens global de la diatribe. On apprend juste, quand on la lit en entier, que c’est sur la réalité même du bonheur conjugal que les personnes homosexuelles sont souvent à côté de la plaque…

 

Je vous encourage fortement à compléter la lecture de ce code par celle des codes « L’homosexuel = L’hétérosexuel » et « Femme et homme en statues de cire » présents dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels, car ils lui sont très proches, et ils explicitent le concept d’hétérosexualité, si mal compris de nos contemporains.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Petits morveux », « Mariée », « Orphelins », « Ombre », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Femme et homme en statues de cire », « Inceste », « Matricide » et « Parricide la bonne soupe », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 
 
 

FICTION

 

a) La famille hétérosexuelle est sacralisée comme une union ultra-heureuse à imiter, avant d’être méprisée :

 

FAMILLE 2 squelettes

 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, on constate dans un premier temps que la famille est observée comme un objet qu’elle n’est pas (car les vraies familles, elles, sont vivantes ; je rappelle) : « Nicolas suivit jusqu’au dernier soupçon leurs trois paires de fesses, comme un fragment de la réalité pure. » (Nicolas décrivant un trio hétérosexuel Papa-Maman-Enfant formant une « famille appuyée contre le métal blanc », dans le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, p. 117) ; « Alors, le silence revient dans la chambre de mon enfance. Je regarde les volets fermés sur la fenêtre ouverte. Je regarde le liseré rouge de la tapisserie, les photographies sur le mur, la reproduction d’une toile du Greco, les meubles du siècle dernier, qui proviennent de l’ancienne demeure des aïeux disparus, l’imposant miroir au-dessus de la cheminée de marbre, un fauteuil dont l’étoffe est usée, et le lit où nous nous trouvons étendus, dans le désordre des draps de famille, ceux où figurent les initiales des noms du père et de la mère, comme des armoiries ridicules. Je regarde ce tout petit monde qui n’est pas à notre mesure, ce lieu étrange où je n’imaginais pas perdre ma virginité, cet espace incertain où nous tanguons délicieusement. » (Vincent en parlant de lui et de son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 68) ; etc. Par exemple, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, avant que Marc ne se découvre homo, la famille hétéro de Marc et Bettina est toujours filmée au caméscope. Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, la famille de Monsieur Genaro est intégralement représentée en figurines de plâtre confectionnée par Noé, le héros homosexuel.

 

Film "Tanguy" d'Étienne Chatiliez

Film « Tanguy » d’Étienne Chatiliez


 

La famille n’apparaît plus comme humaine. Elle est dépersonnifiée, vidée d’âme, voire bestialisée, comme le seraient des mammifères exposés sous vitrine dans un Muséum d’Histoire Naturelle (le Musée de l’Homme !) : cf. le film « Les Majorettes de l’Espace » (1996) de David Fourier, le vidéo-clip de la chanson « Au commencement » d’Étienne Daho, etc. « Dans la répartition des lots, j’ai été gâtée ! » (Zize, le travesti M to F parlant ironiquement de sa famille, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) Par exemple, dans le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, par exemple, les personnes attirées par les membres du sexe « opposé » sont qualifiées de « reproducteurs ». Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, toutes les familles des héros homos sont odieuses, cruelles et inhumaines.

 

Bizarrement, la famille est à la fois décrite par le personnage homosexuel comme un cauchemar vivant et un idéal figé : « Nos familles ne sont que des herbiers. » (le juge Xavier Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 57) ; « Ça doit être ça l’idéal. » (idem, p. 109) ; « Ma famille est beaucoup dans la fusion. » (Laurent Gérard dans son one-man-show Gérard comme le prénom, 2011) ; « Ma famille… cette chaîne de membres et de vagins. » (Merteuil dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller) ; « Mieux vaut ne pas participer. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, parlant de la « Course de relais de l’Équipe Famille », dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, les membres de la famille, allongés et endormis, sont passés au crible de la lampe-torche tenue par les deux amants homosexuels faisant des commentaires désobligeants à propos de chacun d’eux, à voix basse : les proches parents sont étudiés comme des dossiers, comme des « cas sociaux » ou « cliniques ». Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, la Cour de Justice jugeant Mimile se compose exclusivement de sa propre famille : les pères d’un côté, les mères de l’autre, le grand-père trônant en juge avec son marteau (p. 80). Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel caricature les discussions entre ses collègues de boulot hétéros : « Ils devraient être en train de parler du dernier biberon qu’ils avaient acheté à leur gosse. » Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, n’a que mépris pour les familles de son quartier, même si au départ, il les idéalise façon diaporama idyllique : « Et ça, c’est les familles du voisinage. Et leurs maisons. Et leurs jardins. Et leurs vies auxquelles Glass, ma mère, refuse de se conformer. » À la fin du film, il décide de tirer une croix sur ces clichés-sur-pattes : « Ces gens et leurs petites vies, je m’en fous, pour la première fois. »

 

Dans beaucoup de films homosexuels, la famille est réduite à un cliché photographique kitsch exposé sur une armoire poussiéreuse, ou à une séance photos pathétique et peu conviviale : cf. le film « Les Parents terribles » (1948) de Jean Cocteau, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec, lors du mariage, la photo de groupe virant au cauchemar), le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, le film « Loin du Paradis » (2002) de Todd Haynes (avec le mari infidèle jouant au parfait père de famille dans l’atelier du photographe), le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, etc.

 

Dans son incroyable naïveté, le personnage homosexuel des fictions a tendance à croire ce que lui dit la pub ou les contes de fées, sur les relations femme-homme, même à l’âge adulte. Selon lui, les hétérosexuels vivent le bonheur parfait de l’image d’Épinal cinématographique. Je vous renvoie au film « Chez les heureux du monde » (2001) de Terence Davies, par exemple. Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, Cécile la lesbienne est persuadée que sa copine Chloé, qui finit sa vie aux bras d’un homme et d’un bébé, goûte la vraie « félicité » (p. 143). Pour le héros de la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, les couples femme-homme vivent un « bonheur parfait ». Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro Léo demande à sa grand-mère de lui raconter sa première rencontre avec son grand-père… pour y projeter ses propres rêves de prince charmant, version homosexuelle. Dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Mathilde et son ami homo Guillaume ont idéalisé la famille avant de la jalouser : « Ça [le désir de Guillaume de se confronter à son amour de jeunesse Michael, maintenant marié] te donne une idée d’être exclu du bonheur de l’autre. » Mathilde décrit la famille (de Michael) comme « l’enfer du quotidien ordinaire » : « Tout vaut mieux que cet inexorable modèle. » Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, homosexuel allemand, déclare qu’il ne veut pas d’enfants ni fonder de famille : « Non, je ne veux pas d’enfants. ». On le voit manger tout seul dans son appartement à Jérusalem et regarder sans envie une famille dans l’appartement d’en face en train de dîner.

 

La famille pub artificielle

La famille pub artificielle


 

« Vous êtes toutes tellement heureuses… » (Petra, l’héroïne lesbienne, à toutes les femmes de son entourage, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Lorsque j’avais une douzaine d’années et que j’allais au cinéma, j’enviais toujours les amoureux que l’on devinait s’embrasser dans le noir. Ils n’avaient que quelques années de plus que moi mais comme j’aurais aimé être à leur place ! » (Bryan, le héros homo du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 26) ; « Soyez heureux. Soyez heureuses. » (cf. la chanson « Chanson de Jérémie » de Bruno Bisaro, où un jeune garçon se suicide en s’adressant à son entourage hétérosexuel) ; « J’envie toutes les femmes que je vois dans la ville. Je les envie. Elles sont heureuses. Elles rendent leurs maris heureux. Elles vivent une vie normale, heureuse. Ils sont libres ! » (Irena dans le film « Cat People », « La Féline » (1942), de Jacques Tourneur) ; « Qu’ils doivent être heureux ! […] Un jour peut-être accéderez-vous à cet univers. » (le narrateur homo se parlant à lui-même à la deuxième personne du pluriel, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 74) ; « Pendant qu’il classait des fiches, des hommes et des femmes plus heureux que lui se promenaient et riaient au soleil. » (le héros du roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 46) ; « Les passants lui semblaient d’une beauté insolite. Il admira le visage humain, non pas cette louche convoitise qui empoisonnait ses méditations les plus graves, mais avec un respect qui touchait à la piété. » (idem, p. 187) ; « Un couple d’amants marchant la main dans la main… un couple de fiancés, simples et tranquilles, […] un couple de fiancés, simples et tranquilles, était, à ses yeux envieux, revêtu d’une gloire et d’une fierté dépassant toute compréhension. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, pp. 213-214) ; « Stephen se sentait soudain moins rassurée parce que du fond du cœur elle enviait ces gens. Elle ne pouvait s’empêcher d’envier ces hommes banaux et ces femmes avec leurs cannes-siège plutôt ridicules, leurs fiancés souriants, leurs maris, leurs épouses et leurs paisibles enfants bien soignés. » (idem, p. 481) ; « Bien qu’elle méprisait ces jeunes filles, elle désirait être semblable à elles… oui, vraiment, à de tels moments, elle désirait leur ressembler. » (idem, p. 102) ; « Lucie jalouse les conjointes de militaires hétéros parce qu’elles ont probablement toutes déjà reçu un appel pour leur communiquer la nouvelle et leur dire de ne pas s’inquiéter. Ginette est certainement trop occupée à jouer aux cartes avec les copains. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 31) ; « Ils se bécotent, c’est mignon. » (Richard, le héros homo regardant de loin Junn et Alan, le vieux couple de tourtereaux retraités hétéros qui se draguent comme des adolescents… avant de se traiter comme de la merde et des objets sexuels, puis de se séparer) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Céglia, Bernard, le héros homosexuel, jalouse « les gens heureux ». Dans la chanson « Pointer du doigt » de Bruno Roy, les hétéros sont appelés « les normaux ».

 

L’idéalisation des hétéros fournit au protagoniste homo une occasion en or de pleurer sur lui-même : « J’comprends pas. Les autres n’ont pas de problèmes. » (Philippe, le héros homo du film « La Meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller) ; « Si j’étais né dans la bonne ville, si j’avais eu une vraie famille, je serais peut-être heureux, aimé et amoureux… Hélas pour moi, je suis né chez eux ! » (cf. la chanson « Optimiste » de Stéphane Corbin) ; « Avec une bonne famille et une bonne éducation, j’aurais été quelqu’un d’équilibré. » (Micke parlant à Scott, dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant)

 
 

b) L’adoration irréaliste laisse place à la jalousie et à la volonté de destruction, une volonté qui ne vient pas annuler l’adoration première mais au contraire la soutenir :

« Je ne comprends plus rien… Moi, j’vous croyais heureuse. » (Janine à Simone l’hétérosexuelle, dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) ; etc. Comme déçu pour les hétéros (dont il écrivait le bonheur… comme pour donner une plus forte consistance au mythe de son propre malheur et à son statut d’éternelle victime), parce qu’il découvre que leur vie amoureuse est loin d’être facile et idyllique, le personnage homosexuel se met à pleurer sur ses illusions d’amour hétérosexuel. Il leur en veut, à ces mannequins, de ne pas être aussi vrais et aimants qu’il l’espérait.

 

Il avait commencé par les regarder avec des yeux en forme de cœur, tout imbibés de larmes d’émotion. Mais il va petit à petit s’orienter vers le soupçon, la jalousie. « C’est vrai que c’est pas simple, une greffe. Faut faire attention au phénomène de rejet… » (Thierry, le héros homosexuel s’adressant à son amant Martin, justement par rapport à son intégration dans la famille de Martin, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, épisode 8 « Une Famille pour Noël ») ; « J’avoue, je maudis tous ceux qui s’aiment. » (cf. la chanson « L’Assasymphonie » de l’opéra-rock Mozart d’Olivier Dahan) ; « Mais quel gâchis ! Brad avec une carte Famille nombreuse, nan mais pourquoi faire ? » (Rodolphe Sand parlant de Brad Pitt dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; « Jane avait l’impression qu’on l’initiait pour entrer dans un club auquel elle n’avait pas envie d’appartenir. ‘Avec Petra, on va se partager les tâches. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 33) ; « Devenir gay, c’est pas très gai. Être hétéro, c’est beaucoup mieux. J’ai l’impression qu’ils s’ennuient. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; etc. Par exemple, dans le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, on voit Rachel, l’héroïne lesbienne, observer avec jalousie et ressentiment un couple femme-homme âgé et heureux. Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Jérémie, le héros homosexuel, présente sa relation sexuelle avec une femme comme un accident, un lendemain de cuite : il se sent « comme ceux qui viennent de faire une belle connerie ».

 

Film "Le Premier qui l'a dit" de Fernan Ozpetek

Film « Le Premier qui l’a dit » de Fernan Ozpetek


 

Vient se nicher dans l’idéalisation homosexuelle des hétéros la jalousie, et la détestation de sa propre naïveté : « J’fais d’l’allergie au bonheur des autres… » (Janine dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) ; « Familles, je vous hais. Foyers clos ; portes refermées ; possession jalouse du bonheur. » (André Gide, Les Nourritures terrestres (1897), p. 76) ; « Je ne suis pas fâché ; je suis jaloux. » (Arnold à propos du succès de l’union durable et heureuse de ses deux parents, dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart) ; « C’est merveilleux tout ce bonheur ! Ça me donne envie de vomir… » (Damien au sujet d’une famille « hétéro », dans la pièce Les Deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi) ; « Lui, il est normal… » (Rodolphe Sand jouant au jeu « Gay ou pas gay ? » avec des photos de célébrités, et là ironiquement avec le portrait de DSK, Dominique Strauss-Kahn, dans le one-man-show Tout en finesse, 2014) ; « Il est difficile de ne pas se croire supérieur, lorsqu’on souffre davantage, et la vue des gens heureux donne la nausée du bonheur. » (Marguerite Yourcenar, Alexis, ou le traité du vain combat (1929), p. 69) ; « S’il y a bien quelque chose qui unit les couples mariés et les familles, ce n’est pas l’amour. C’est la stupidité, l’égoïsme ou la peur. L’amour n’existe pas. L’intérêt personnel existe, les liens noués pour le profit personnel existe, le plaisir existe… Mais pas l’amour. L’amour doit être réinventé. » (Rimbaud à Verlaine, dans le film « Rimbaud Verlaine » (1995) d’Agnieszka Holland) ; « On n’en a rien à faire du mariage. On veut juste payer moins d’impôts. » (Benjamin et son amant Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Je suis vraiment la cinquième roue du carrosse dans cette famille. » (Sandrine, l’héroïne lesbienne, dans l’épisode 502 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 8 juillet 2019 sur TF1) « C’est l’arrivée de tes parents qui te plombe autant le moral ? » (Morgane, la compagne trans M to F de Sandrine, dans l’épisode 504, diffusé le 10 juillet) « Avec eux, ça se passe jamais bien. » (Sandrine, idem) ; etc.

 

Il arrive que le personnage homosexuel, pourtant jaloux des couples hétérosexuels, aille parfois projeter sur ces derniers sa propre jalousie, son orgueil mal placé. « Derrière nous, combien se réjouiront, combien seront jaloux de notre bonheur de l’Inaccessible ! » (cf. la chanson « Aimez-moi » de Bruno Bisaro) ; « La haine, c’est la règle n°1. Y’a que ça qui peut te sauver. Et puis ils sont mariés. Ils ont tous les jetons. » (Jean s’adressant à son amant Henri pour lui apprendre le métier de prostitué, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; etc. Par exemple, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso, Ève est montrée comme jalouse du bonheur des gays et orgueilleuse : « Dieu nous a donnés ce désert tout entier, car Il nous préfère. » Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, veut écrire une pièce racontant l’histoire d’« un garçon qui doit assumer son hétérosexualité dans une famille qui a décrété qu’il était homosexuel ». Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, on nous montre l’ambiance détestable de la fête hétéro-gay de l’appartement du couple Ted/Roberto, où George est contraint de s’héberger.

 

Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, la famille hétérosexuelle – en particulier celle de Kyla, la voisine, son mari informaticien Patrick et sa fille – est montrée comme enfermante et ennuyeuse. Kyla est l’archétype de la femme au foyer fagocitée, bègue, cucul, à décoincer. Au contact de la vie débridée de Diane et son film homo Steve (ses nouveaux voisins de quartier), elle dit revivre : « C’est la première fois que je sors depuis qu’on a déménagé. » Elle se remet à danser, à fumer, à faire la fête, à rire, et même à faire des phrases complètes. Mais elle semble emprisonnée malgré tout par son carcan familial, coupée du monde du travail (boulot de prof) : « Je ne suis pas prête à retravailler avec les enfants. » Tout le film est marqué par ce mépris sous-jacent du réalisateur pour la famille, considérée comme un confort bourgeois détestable. Par exemple, Alors qu’il se retrouve en centre de rééducation, Steve, le héros homosexuel de « Mommy », regarde avec mépris une affiche figurant une famille unie.
 

Le héros homo, dans son détachement trop brutal du modèle archétypal de la « famille poupée », ne sort pas pour autant de la soumission idolâtre au schéma tout fait de la Famille Doux-Coeur, mais au contraire se construit une autre naïveté, une « naïveté de révolté » si on veut (qui s’appellera par exemple « couple d’amour homosexuel »), une naïveté qui est censée faire contrepoids au patron despotique originel, une naïveté qui ne lui paraît plus aussi horrible puisqu’il se donne l’illusion qu’elle n’est qu’à lui, qu’elle est « originale », qu’il l’a construite librement. Mais la collaboration au mythe hétérosexuel de la famille poupée perdure. Par exemple, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Ronit, l’héroïne lesbienne représente bien ces femmes lesbiennes qui haïssent les femmes soi-disant « hétérosexuelles » du fait d’avoir cru au mythe « des » hétérosexuels télévisuels et d’y être encore attachées : « Ces petits couples qui vivent dans des maisons identiques, engendrent des rejetons identiques. […] Le kit complet – comme dans la panoplie de la Barbie juive orthodoxe, fournie avec le Ken orthodoxe, les deux enfants, la maison, la voiture et un assortiment de produits casher.[…] Tout semble obéir à un ordre parfait. Et j’ai voulu y croire, moi aussi. Avouons-le. J’ai voulu croire, dans un coin de ma tête. » (p. 142)

 

Lassé de tant de guimauve qu’il a lui-même initialement mangée avec complaisance, le protagoniste homosexuel finit par taper du poing sur la table : « Je ne vous laisserai pas faire. Je suis votre pire cauchemar et je vais détruire le bonheur illusoire dans lequel vous vous complaisez. » (Cyril dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 70) ; « Vous qui procréez, continuez de nous humilier. […] Qui es-tu, homme sans défaut, qui m’accuse de tous les maux ? » (Luca, le narrateur homo du spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; etc. Il décide de passer à la vitesse supérieure, et de s’opposer ouvertement à la famille-objet.

 
 

c) Le personnage homosexuel hait les familles, à commencer par la sienne :

La désintégration de la famille de sang est visible dans beaucoup de créations artistiques à thématique homosexuelle : cf. le film « Rocco et ses frères » (1960) de Luchino Visconti, le film « Ken Park » (2002) de Larry Clark (un des héros homos tue ses deux grands-parents, en les laissant allongés dans leur lit de chambre à coucher), les romans Ma Vie tropicale (1999), Les Maisons (1993), et L’Empire de la Morale (2001) de Christophe Donner, le film « Les Valeurs de la famille Addams » (1993) de Barry Sonnenfeld, le film « Quels adultes savent » (2003) de Jonathan Wald, le roman Les Parents terribles (1938) de Jean Cocteau, le film « Sex Revelations » (2000) de Jane Anderson, Martha Coolidge, et Anne Heche, le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg (avec le repas de famille désastreux où tous les secrets de famille glauques éclatent au grand jour), le film « La Reine de la nuit » (1994) d’Arturo Ripstein, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson (avec les familles désunies de Gabriel, de Greta, de Stella), le film « The Family Stone » (« Esprit de famille », 2005) de Thomas Bezucha, le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier, le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, le film « Zenne Dancer » (2012) de Caner Alper et Mehmet Binay (avec la famille « homophobe » d’Ahmet), le film « The Everlasting Secret Family » (1988) de Michael Thornhill, le roman I Can’t Think Straight (2011) de Shamim Sarif, le one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, le roman Une Histoire de famille (2014) de Jennifer Schwarz, le vidéo-clip « Fais pas ci fais pas ça » de Floryan, le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, etc.

 

Par exemple, dans le film « Gun Hill Road » (2011) de Rashaad Ernesto Green, la famille de Michael, transgenre, est totalement désunie : Enrique, le père, a fait de la taule ; sa mère se prend un amant parce qu’elle ne supporte plus la brutalité de son mari revenu à la maison. Dans le film « Kazoku Complete » (« La Famille au grand complet », 2010) d’Imaizumi Koichi, la famille Kanba toute entière est infectée par un virus : l’inceste. Dans le vidéo-clip de la chanson « College Boy » d’Indochine (réalisé par Xavier Dolan), le personnage principal, homosexuel, est lynché dans sa famille. Le portrait familial n’est pas tellement plus reluisant dans le roman Vie animale (2012) de Justin Torres : « Le roman Vie animale de Justin Torres propose une série d’instantanés dans la vie d’une famille de Brooklin. La mère est petite, blanche, travaille de nuit à l’usine et vit donc en perpétuel décalage horaire. Le père est gigantesque, portoricain, violent, change de job comme de chemise et a la mauvaise habitude de disparaître pendant des jours sans crier gare. Au milieu de ce couple, trois frères tentent de survivre au chaos familial et à la jungle urbaine qui les entoure. C’est le petit dernier qui nous raconte l’histoire de cette violence et de cet amour qui est tout de même là, même s’il prend des formes stupéfiantes. Clairement, pour Justin Torres, la famille c’est la jungle, tout le monde est dangereux pour tout le monde, et l’amour émerge presque par accident. Les enfants sont de petits mammifères griffus et hurlants, qui réclament sans cesse plus de de fracas et de mouvement. Les adultes s’aiment et s’entre-dévorent quand ils ne dansent pas dans la cuisine. » (cf. le résumé de la librairie Les Mots à la bouche à Paris, en septembre 2014) Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand s’appuie sur la trilogie cinématographique « Rosetta » (1999), « Le Fils » (2002) et « L’Enfant » (2005) des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, pour donner de la famille une vision glauquissime. Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, Bram, le héros homo, déplore « sa triste tradition familiale ».

 

Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Tom, le héros homo, se voit reprocher d’avoir délaissé sa famille campagnarde et d’être allé vivre sa vie interlope à la capitale sans avoir daigné lui rendre visite. Puis, à son insu, pour rebooster sa carrière de chanteur, il finit en plus par l’exploiter à des fins mercantiles : il accepte que ses vacances en famille, dans sa maison natale, soit le théâtre d’une émission de télé voyeuriste, Stars chez eux, où les dessous (catastrophiques puisqu’il est dit que l’envers du décor de ce qui aurait dû ressembler à Une Famille en or) sont dévoilés. C’est l’homosexualité du héros qui détruit le mythe de la famille idéale. Tom utilise sa famille comme camouflage hétérosexuel.
 

Sans famille solide pour le soutenir, le héros homosexuel se retrouve très souvent livré à lui-même. Mais au lieu de se rapprocher de sa famille d’origine ou d’en construire une vraie à l’âge adulte, il se met orgueilleusement à la place de celle-ci, et se définit comme origine de lui-même, pour sauver la face. « Depuis toute petite je suis sur les routes. Dans l’errance. Je me suis habituée à cette vie sans lieu fixe, sans un cœur tendre, sans frère, sans sœur. Je suis ma propre mère. Mon propre frère. Ma propre sœur. Je suis la famille entière, éclatée, réunie. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 199) Il passe sa vie à poser des « choix » politiques ou amoureux radicaux (et peu heureux), tout ça par opposition de principe avec son « démon familial » : « Il s’était battu pour affirmer sa singularité à la fois contre sa famille et contre les préjugés des Français dits de souche. » (Mourad, le héros homosexuel du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 327) Par exemple, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud nous est dépeint un monde sans différence des sexes, où la différence des générations s’est substituée à la différence des sexes à travers le clonage. Les couples homos y tiennent un discours nataliste, familialiste, productiviste, pro-vie, déshumanisé, matérialiste, étiqueté « hétéro », focalisé sur la réussite sociale et le paraître. Le mariage est une fatalité et un déterminisme : il s’agit de « se résoudre à prendre époux ». Il est vraiment réduit à un commerce incestueux autant qu’homosexuel (d’ailleurs, le marieur qui arrange les mariages homosexuels s’appelle « Négoce » !).

 

Le personnage homosexuel, en général, trouve sa fierté à ne pas « rentrer dans le rang ». « Dieu merci, je ne suis pas hétéro ! » (Djordje dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic) Souvent, il envisage le mariage comme une souillure, une saleté, une trahison à soi : « J’ai fait une grosse erreur en acceptant ce mariage. » (Aysla, le soir de son mariage hétérosexuel, s’adressant à son amante Marie, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; « C’est vrai. Un mariage, ce n’est pas très reposant. » (George, le héros homo s’adressant à sa meilleure amie Nina, dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner) ; « Je ne veux pas me marier. » (Delphine, l’héroïne lesbienne du film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; « Vous avez un problème de violence dans la famille ou quoi ? » (Kévin, le héros homosexuel s’adressant à son amie lesbienne Sana, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « À tous les âges de la vie, il a éprouvé les mêmes répulsions : l’horreur des groupes, la terreur des familles. » (le narrateur homosexuel dans le roman Gaieté parisienne (1996) de, p. 22) ; « C’était l’heure matinale où sortait le jeune et beau papa du huitième, dont il était justement dommage qu’il fût papa, ou plus exactement qu’il eût commis cette faute de goût avec une maman. » (cf. la nouvelle « Crime dans la cité » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 70) ; « Plus nous considérons le mariage, plus il semble absurde. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), p. 174) ; « Faire un enfant est la chose la plus égoïste qui soit. » (Hugo dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis) ; « J’ai déjà mangé une femme enceinte hier. » (Pretorius, le vampire homo de la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Qu’est-ce qu’elle pond ! Elle pond, elle pond, elle pond ! Elle est vulgaire ! » (Rodolphe Sand imitant sa grand-mère qui parle d’une des tantes de Rodolphe, dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; « J’ai envie de pisser comme une femme enceinte. » (Smith, le héros homosexuel du film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Les femmes enceintes sont rasoir. » (Jane, enceinte, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 115) ; « Si j’étais comme les gens avec qui j’ai grandi, je regarderais le catch en buvant des bières en canette. J’amènerais ma copine sur un parking pour lui tripoter les seins. J’aime être différent. Parce que je vaux mieux. » (Paul dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Ta chienne de famille, elle mord pour de vrai ! » (Léopold parlant à sa femme Marie-Lou, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « Cellule mon cul ! » (Marie Lou par rapport à sa propre « cellule familiale », idem) ; « Cette pauvre femme avait été stupidement hétérosexuelle toute sa vie. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 178) ; « Je veux un mari, 2 enfants, une maison et un chien. Pas être une salope comme les autres » (Paul, le héros homo parlant de ses amis homos en couple, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Tout le monde s’en fout de votre vieille tradition patriarcale. » (Shane, le héros homo s’adressant au couple hétéro réac de droite Loren/Tommy, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; « La première cause de divorce, c’est le mariage. » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas se retrouve forcé par son copain François au mariage : « Je me marie dans quinze jours, et je suis le dernier à le savoir ?? Combien t’a coûté ce putain de mariage ? » Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara et son amante Sonia méprisent les mariages : « Tu sais, c’est chiant les mariages. » soupire Clara concernant le mariage de sa grande sœur ; et Sonia veut quand même y aller pour le tourner en ridicule : « Allez, on y va quand même. Tu te marres trop. C’est ringard. Les familles, elles savent pas quoi se dire. » Dans la pièce La Cage aux Folles (1978) de Jean Poiret, aux yeux de Zaza Napoli, se marier revient à « gâcher sa vie » ; et quand il apprend que Laurent se marie avec une fille, il s’exclame spontanément : « Ah quelle horreur ! » Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, le mariage est présenté par les personnes mariées comme « une erreur monumentale », « la condamnation la plus longue » (Ned, le père de Rachel, l’héroïne lesbienne qui va se forcer à se marier avec un homme qu’elle n’aime pas). Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antonietta est la femme au foyer malheureuse, vivant au crochet de sa brute de mari qui lui a fait six enfants et qui la trompe avec des prostituées : « Depuis le jour de nos fiançailles, nous n’avons jamais plu ri ensemble. » Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, le mariage est défendu par les personnages bobos-bisexuels uniquement dans le but d’être détruit : « J’déteste le mariage, mais si tu veux on se marie. » (Michel s’adressant à Charlotte sa copine bisexuelle) Par exemple, Michel dit qu’il a autant envie de se rendre au mariage d’Antoine et de Laurence que de se pendre. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François, l’un des héros homos, n’a que mépris pour « l’hétéro de base » : « On ne peut pas coupler les torchons et les serviettes ». Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, les deux amantes lesbiennes, Marilyn et Mona, fuient leur mariage « hétérosexuel ». Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en psychothérapie Benjamin/Arnaud et essaie de les aider à s’assumer en tant que couple homo. L’hétéro, c’est le malade, le mal à éradiquer. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, le héros bisexuel sur le point de se marier avec une femme, dit qu’il a « presque la corde au cou ». Et sa future belle-mère est monstruosisée.

 

Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Philippe, le héros homosexuel, est dans un vrai rejet de sa famille : il a changé son nom de famille, « n’a pas eu les parents qu’il voulait », et dit même avec insistance à son amant qu’il « n’a PAS de famille ». Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, c’est Donato, le héros homosexuel, qui a quitté son Brésil natal et abandonné sa famille sans laisser de nouvelles (il apprend même un an trop tard que sa maman, qui avait économisé pour aller le visiter en Allemagne, est morte avant d’avoir pu réaliser son rêve). Konrad, son amant, le lui reproche : « Tu peux pas continuer à fuir ta famille ! » Dans le film « Prends-moi », le trans M to F dit qu’il ne sort son flingue que pour buter les hétéros. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize travesti M to F se fout de la gueule de la famille de sa sœur Lili (hystérique), du mari de celle-ci (beauf alcoolique) et du fils (trisomique). Dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz, Peter, l’amant secret du père de Daniel, fait chanter toute la famille de ce dernier pour récupérer du fric et sa part d’héritage. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, Joe débarque au beau milieu d’un repas de famille pour révéler au grand jour son homosexualité, gâcher la fête, et insulter son grand frère devant tout le monde : « Jason, tu es un con. » Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, c’est au moment où Marie tombe amoureuse d’une femme, Aysla, que sa propre famille part en « live » : son mari Bernd la trompe avec Vicky une collègue de travail, son fils Jonas se drogue, sa fille Lili s’envoie en l’air avec Freddie un jeune homme peu fréquentable… Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Todd, l’un des héros homos, a coupé les ponts avec sa famille et l’avoue à son amant Frankie : « Arrête. Je les ai pas vus depuis 10 ans. »

 

Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, Madame Gras associe la famille à « la boulimie », au « vomi ». Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, Anamika, l’héroïne lesbienne, considère la femme mariée comme un modèle de soumission, et plaint « toutes les femmes qui sont dans leurs cabanes étouffantes de 2 mètres carrés, occupées à mettre leur portée d’enfants au lit. » (p. 28) ; elle ne cache pas son inimitié pour les couples et la famille, qu’elle limite à des mascarades sociales : « Je déteste les sagais, les mariages, les namkarans. » (idem, p. 133) ; « Je trouve que le mariage est un piège. » (idem, p. 148) De même, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, le héros gay, voit le mariage comme un « malheur » (p. 176). Dans le one-woman-show transgenre Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, une femme travesti en homme, « Virgo Fortis », en restant célibataire et en cherchant à fuir sa sexuation, croit « échapper au mariage-inceste-viol ».

 

Bien souvent, le personnage homosexuel se place en outsider de sa propre famille/de la famille de son amant(e), et trouve dans son statut de marginal-spectateur une occasion de s’enorgueillir de ne pas être aussi conventionnel que les autres, et de pleurer sur lui-même du « triste » spectacle qui s’offre à lui : cf. le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson (avec Léo à l’enterrement de son copain Luca). Par exemple, dans le film « Pièce montée » (2009) de Denys Granier-Deferre, Marie, la lesbienne excentrique, se définit elle-même comme le vilain petit canard, « la rebelle de sa famille ». Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Russell, le héros homosexuel, s’ennuie mortellement pendant les soirées avec ses amis-« hétéros »-avec-leurs-mômes.

 

« On est pédé, Polly, c’est une chance. Ça veut dire que des histoires d’amour aussi belles, aussi importantes, on en aura plein tout au long de notre vie. Si on était hétéro, t’imagines, on serait marié avec notre premier flirt ! » (Mike, le héros homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 121) ; « Je m’emmerde dans les dîners d’hétéros, ça manque d’humour. » (Claude dans l’autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006) de Pascal Sevran, p. 16) ; « Au Figaro, tous les hétéros sont homophobes. » (Pierre, le héros homosexuel de gauche, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Avec une famille comme la mienne… » (Adineh l’héroïne transsexuelle F to M s’adressant à Rana la femme mariée, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; etc.

 

Dans la relation du héros homosexuel vis à vis de la famille, cela va souvent du constat méprisant à la destruction verbale/physique. Par exemple, dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, Göran saccage délibérément les belles fleurs du jardin des voisins situé dans le quartier pavillonnaire où lui et son copain Sven viennent de s’installer. Dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay, la famille finit même par s’auto-détruire puisque Léopold, le père, tue volontairement sa femme, son fils Roger et lui-même dans un accident de voiture. Dans le film « La Cérémonie » de Claude Chabrol, Sandrine Bonnaire (Sophie) et Isabelle Huppert (Jeanne) se transforment en meurtrières d’une famille bourgeoise. Dans le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, un étranger pervertit un à un les membres d’une famille bourgeoise italienne. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le jeune héros homosexuel, rentre avec son flingue dans une belle villa familiale (l’homme politique d’extrême droite, sa femme et leurs deux enfants), pour y dénoncer l’hypocrisie bourgeoise et y voler de l’argent.

 

En ce qui concerne sa famille de sang, puis les familles en général, le personnage homosexuel ne mâche pas ses mots ! (oui : on peut parler de haine) : « La famille, c’est une maladie sexuellement transmissible par le corps. » (Lourdes dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « La famille, c’est la plaie de toutes les trans. » (Strella, le héros trans M to F du film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras) ; « À la tête de la famille se trouvait le père austère, la mère capricieuse en face, avec la grande sœur insupportable et malheureuse, et la cadette, la plus douce, sûrement pas plus heureuse. Le foyer se composait aussi de toi. La maison familiale, le nid des Hommes, inconsistant et rigide, comme une vitre que tous brisent, mais que personne ne parvient à plier. » (cf. le poème « La Familia » (1941) de Luis Cernuda) ; « À la fin de la trilogie des frères Dardenne [« L’Enfant », « Le Fils » et « Rosetta »] , j’étais en réanimation à Robert Debré. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Plantes vénéneuses, enfant grabataire, excroissances malignes, verrues douées de raison, pauvres gens contaminés par l’ennui et la tristesse, voilà ma famille ! » (Nina Bouraoui, La Voyeuse interdite (1991), p. 60) ; « Idoles de son enfance, il maudit désormais ses parents. » (la voix narrative concernant Quentin, le héros gay du roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 47) ; « Oui, les fils uniques sont bien les seuls avec lesquels on puisse tout à fait s’entendre. » (idem, p. 155) ; « Cédric, la famille, c’est pas son truc. » (Mathieu en parlant de son copain, dans le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz) ; « Les dîners en famille, c’est beau comme un dimanche, si ce n’est que personne n’apprécie le dimanche. […] Je n’en peux plus de la famille ! Je sens que tout ça part en vrille. » (cf. la chanson « À table » de Jann Halexander) ; « Je déteste les sagais, les mariages, les namkarans» (Anamika, l’héroïne lesbienne, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 133.) ; « Je trouve que le mariage est un piège. » (idem, p. 148) ; « Mon cher, j’adore entendre dire du mal des membres de ma famille. C’est la seule chose qui me permet de les supporter. La famille, ce n’est qu’une foule de gens assommants, rigoureusement incapables de vivre convenablement et de pressentir le moins du monde quand il est temps de mourir. […] La famille ne prête jamais d’argent et ne fait jamais crédit, même quand on a du génie. Elle fait penser au public, mais en pire. » (Algernon parlant à Jack dans la pièce The Importance To Being Earnest, L’Importance d’être Constant (1895) d’Oscar Wilde) ; etc.

 

Dans le one-man-show Chroniques d’un Homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Didier exprime son aversion pour la famille. Dans la one-woman-show Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, la vie de mère au foyer est décriée : « Si au moins ils partaient en colonie de temps en temps… Je sais pas être une mère formidable. Je veux être la marâtre de Blanche-Neige. Je veux aimer à mi-temps. » Dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, Jean-Marc dit que dans sa jeunesse, il trouvait sa famille affreusement ennuyeuse. Dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, Michael ne veut pas « infliger sa propre famille » qu’il déteste à son copain Ben (p. 79).

 

Même l’entourage amical gay friendly du héros le pousse à détester sa famille et à ne pas en construire une : « Ne fais jamais d’enfants !!! » (Solange, la « fille à pédés », à François, le héros homo du one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton)

 

B.D. Kang de copi

B.D. Kang de copi


 

C’est surtout à Noël – LA fête familiale de l’année – que le personnage homosexuel expérimente le plus sa douleur/sa haine de la famille : cf. le film « Happy Christmas » (2000) de Kjell Sundvall, la pièce Non, je ne danse pas ! (2010), de Lydie Agaesse, la pièce Minuit chrétien (2008) de François Tilly, le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot (où Maxence « se sent si seul » le soir de Noël), le one-(wo)man-show C’est Noël. Enfin seul (2006) du travesti M to F Charlène Duval, la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali (où Frédérique, l’héroïne lesbienne, haït Noël), etc. « Je suis née un 24 décembre, dans une famille de blaireaux incultes. » (l’héroïne lesbienne dans le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011) de Karine Dubernet) ; « Toutes ces fêtes à la con… Noël… la saint Valentin. » (Claire dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat) ; « De toute façon, je déteste Noël en famille. » (Thierry, le héros homosexuel de la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, épisode 8 « Une Famille pour Noël ») ; « On va s’ennuyer comme d’hab. » (Kévin parlant de Noël à son amant Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 370) ; « Le jour de Noël, je ressens une profonde solitudes. » (Junn, la mère de Kai le héros homosexuel, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Faim d’année (2007) de Franck Arrondeau et Xaviéra Marcjetti, Marc dit qu’il ne supporte pas les réunions de famille, et notamment celles de Noël. Dans le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, la haine de Noël et de la famille est exprimée par Zac, le héros gay. Dans son one-(wo)man-show Madame H. raconte la Saga des Transpédégouines (2007), Madame H. rêve de découper sa famille en morceaux avec sa tronçonneuse pendant le repas de Noël, et finit son show par la chanson « Fuck The Family ». Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, c’est au moment où Carol, l’héroïne lesbienne et mère de famille qui a quitté son mari et sa fillette pour les fêtes, éteint nerveusement la radio de sa voiture qui la rappelle à sa démission : « Que serait-ce Noël sans nos adorables bambins ? » dit la voix-off de l’animateur. La famille pendant tout le film est présentée comme une convention sociale enfermante, une institution qui fait du chantage aux enfants, au divorce. Carol est obligée de supporter sa belle famille pour conserver son droit de visite auprès de sa fille : « Je ne vais pas pouvoir tenir longtemps comme ça. Encore combien de déjeuner et de tomates en gelée ? »

 
 

d) Les « familles » hétéros, les « familles » homos : pas une pour rattraper l’autre :

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Bobo » et « Milieu homosexuel paradisiaque » (avec la partie sur la « Bande de copains ») de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Le personnage homosexuel des temps modernes, au lieu de dénoncer et de réparer les familles disloquées, décide de se venger de la famille réelle (confondue avec la famille médiatique) en cherchant à construire par ses propres moyens (l’art, le sentiment, la science, les manipulations génétiques, l’amitié…) une « transfamily », tout aussi artificielle, sentimentaliste, réifiante, et violente, que la famille publicitaire qu’il abhorrait. Pour lui, cette transfamily homoparentale/homosexuelle/LGBT se veut un dépassement et une ouverture de la famille dite « traditionnelle ». Par exemple, dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, le producteur homosexuel, se prend pour la mère adoptive de la petite Floria : « Je suis comme sa mère. »

 

Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, le mariage femme-homme est dévalorisé (le couple Georges/Christelle ne tient pas), la paternité et les enfants aussi. William, l’amoureux capricieux, demande à son amant Georges qu’il renonce totalement à son ancienne vie d’homme marié et de père : « Tes enfants ! Ton alibi suprême ! » Il lui fait même du chantage au divorce : « Tant que tu ne seras pas divorcé, notre situation restera bancale. Attention, Maître Blanchet, vous êtes sous serment. » Pierre, l’hétérosexuel qui se rend compte de la destruction de la famille que les deux tourtereaux homosexuels ont planifiée à plus ou moins long terme (en effet, Georges se met à négliger les liens du sang au profit des liens sentimentaux : « Les liens de l’esprit ont parfois plus de valeur que les liens du sang. »), tente de s’insurger – pas très finement – contre leur projet de mariage et d’enfants : « Vous la faites partir en couilles, la famille, avec vos histoires ! »

 

La famille de sang non-hétérosexuelle est remplacée dans le discours (et parfois dans les faits) du personnage homosexuel par une version poétique, éclatée et floue de la famille… même s’il exprime à demi-mot (et à juste titre) son doute que les liens sentimentaux et adoptifs soient plus forts que les liens du sang et d’amour (« Les liens d’Éros tout puissant sont-ils plus attachants que les liens du cœur, que les liens du sang ? », cf. la chanson « Les Liens d’Éros » d’Étienne Daho et Marianne Faithfull ; « Les liens du sang ne sont pas forcément les plus sains. » dit Erwann dans le film « Lonely Boat » (2012) de Christopher Tram et Simon Fauquet).

 

En général, le héros homosexuel actuel défend le concept de famille « ouverte », de famille « transversale » ou « parallèle » (cf. le film « Transfamily » (2005) de Sabine Bernardi, le film « Parallel Sons » (1996) de John G. Young, etc.), de famille « d’orientation sexuelle » ou de « pratique sexuelle » (par exemple, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, Michael, le héros homosexuel met en opposition sa « famille biologique » et sa « famille logique »… la seconde étant le « milieu homosexuel »), ou de famille cinématographique (pensons à la famille fictionnelle du film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, construite par Félix au hasard des rencontres). Dans les fictions homosexuelles, il est fréquent d’observer les protagonistes se distribuer des diplômes de « frères », de « parents », de « parrains », de « fils », sans pour autant prendre en compte leur réalité généalogique : « Pietro est sans famille, si ce n’est Michael et moi. » (la voix narrative parlant de son amant, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 141) ; « Si moi, je m’entendais bien avec Kévin, ma mère s’entendait super bien avec la sienne. Il avait raison, nous étions une vraie famille unie ! J’avais deux mamans géniales et un petit frère magnifique que j’aimais comme un malade. » (Bryan en parlant de son couple avec Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 409) Tout est mélangé : liens sentimentaux et liens du sang !

 

« Le lendemain nous montâmes au premier pour organiser au mieux l’installation de la bonne. Je dis à Marie qu’elle pouvait s’y établir également, ainsi nous y serions toutes les trois. La maison était grande et conçue pour une famille que je n’aurais jamais. » (Alexandra, la narratrice lesbienne cherchant à « fonder famille » avec deux de ses bonnes, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 128) ; « Eux aussi c’est ma famille. » (Cédric, homo, à propos de son équipe de water-polo gay, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare).

 

Fréquemment, dans les moments de lassitude conjugale, l’envie prend chroniquement au héros homosexuel de fonder une famille élargie aux amis gays friendly/homos (…et enfants des amis), vivant une vie communautaire Flower Power à la campagne, dans une grande baraque retapée : cf. le film « Tableau de famille » (2002) de Fernan Ozpetek, le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, le film « Giorni » (« Un Jour comme un autre », 2003) de Laura Muscardin, le film « Love, Valour And Compassion » (1997) de Joe Mantello, le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman, le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, etc.

 

Comble du comble : la déstructuration de la famille « traditionnelle » est présentée comme banale et pure. Elle rendrait encore « plus blanc que blanc » ! « Marie a dix ans et une famille résolument moderne : conçue par deux hommes et deux femmes, tous homosexuels et aujourd’hui tous séparés, elle a deux papas, deux mamans, un beau-papa, une belle-maman, et une poignée de frères et sœurs. Fêter Noël en famille, dans ces conditions, tient presque de l’exploit. Mais alors qu’elle passe de foyer en foyer et tente, comme elle peut, de partager son amour, Marie se pose des questions sur sa venue au monde : serait-elle, comme ‘l’autre Marie’, l’immaculé conception ? » (cf. le résumé du film « Mon Arbre » (2011) de Bérénice André, rédigé par les rédacteurs du programme du 17e Festival Chéries-Chéris (2011) de Paris, en octobre 2011)

 

En réalité, le héros homosexuel se rend compte qu’il ne fait pas mieux avec sa « famille parallèle » homosexuelle, et même qu’il revit un calvaire identique à sa famille hétérosexuelle de référence (cf. le film « Patrik, 1.5 », avec le titre français ironique « Les Joies de la famille » (2009) d’Ella Lemhagen) : « Je me croyais délivré de l’enfer de la famille et le voici reconstruit sur les terrains de mes vices ! » (Pédé dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Mariage : je me disais que c’était une connerie pour des hommes et des femmes qui ne s’aiment pas. » (Dotty voulant se marier avec son amante Stella, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; etc. L’arrivée apparemment « naturelle » d’un enfant dans son couple n’y change rien. Par exemple, dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, on voit très bien que la procréation de l’enfant dans un cadre pas tout à fait familial sert de vengeance contre la famille originelle des protagonistes : le bébé dit inconsciemment « merde » à la filiation, même s’il est biologiquement le signe tangible de filiation.

 

Enfin, après avoir défendu sincèrement LEUR conception désincarnée de la famille, il arrive que certains héros homosexuels expriment leur vexation de se mentir ainsi à eux-mêmes par l’agressivité, celle-ci apparaissant à la fois comme une hétérophobie (justifiée car les hétéros sont une caricature violente des vraies familles humaines) et une haine des familles femme-homme+enfant aimantes (injustifiée) : « Je peux pas encore aller la voir à l’hôpital, parce que je suis pas de sa famille. (En pleurant) Tu te rends compte, je ne peux pas aller voir ma femme à l’hôpital parce que je ne suis pas de sa famille, mais je suis TOUTE sa famille à moi toute seule ! Putain, je-suis-pas-sa-fa-mille ! Ils se foutent de ma gueule, moi je veux la voir, j’en ai rien à foutre que je sois pas mariée, j’ai bien le droit de voir ma femme, je dors avec elle toutes les nuits. » (Polly parlant de son amante Claude, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 115)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Les familles réelles et épanouies sont confondues avec les familles-objets publicitaires fusionnelles et disloquées :

 

Bien souvent dans les discours des militants homosexuels actuels, la famille réelle composée d’une homme et d’une femme qui s’aime, et accompagnée d’un ou plusieurs enfants, est confondue ou assimilée très vite aux poupées des panneaux publicitaires : « Nous avons tous une définition de ce qu’est une famille traditionnelle, ces familles parfaites de sitcom, un papa et une maman ensemble avec les enfants. » (Joseph Hagan dans la revue Têtu, juin 2002) ; « Je les trouve toujours très beaux, très propres, bienveillants. » (Emmanuelle, femme lesbienne de 26 ans, parlant des manifestants de La Manif Pour Tous tirés à quatre épingles, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014) ; « Avec le Christ, je suis sorti de cet épais taillis où s’est décidée mon orientation sexuée consciente et agissante, vers une clairière plus étroite certes, que celle où gambadent les hétérosexuels. » (Henry Creyx, Propos décousus, propos à coudre et propos à découdre d’un chrétien homosexuel (2005), p. 15) ; etc. Je vous renvoie également à l’essai Monsieur, Madame et Bébé (1866) de Gustave Droz. Dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel, il est dit que « le modèle hétérosexuel est formé à base de chien, barbecue et pavillon de banlieue »… mais en réalité, c’est une image publicitaire qui est montrée. C’est très étonnant, cette confusion entre réalité et fiction, surtout quand elle vient de personnes pourtant adultes et apparemment en totale possession de leurs facultés intellectuelles.

 

La Famille Doux Coeur ('c'est la famille du bonheur)

La Famille Doux Coeur (…c’est la famille du bonheur)


 

On entend parfois une adoration jalouse de la famille-poupée : « Je me sentais malheureux et ne voulais plus souffrir. Autour de moi, je voyais des personnes visiblement satisfaites de leur sort. Je voulais être comme elles. » (l’écrivain français Julien Green dans la préface de son roman Si j’étais vous (1947), p. 7) ; « Je crois bien me souvenir d’avoir envié, en mon for intérieur, ceux de mes camarades qui connaissaient des jeunes filles. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 78) ; « J’en suis presque jaloux. » (Samuel, jeune homme homosexuel de 25 ans, face à un enfant de 6 ans en admiration devant ses parents, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014) ; etc. Elle peut s’exprimer dans une forme de révolte pseudo « militante » (on dira « féministe ») : « Qu’en était-il des autres, asservies à leur mari et à leurs enfants, sans ressources personnelles, sans voiture, sans autre nourriture spirituelle que Marie-Claire, Elle ou Femme d’Aujourd’hui ? Bonne Déesse, quel obscurantisme ! » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 242) Par exemple, dans son documentaire « Homo et alors ?!? » (2015), le réalisateur homo Peter Gehardt, en parlant au nom des personnes homosexuelles, fustige « les gentils citoyens qui en ont marre de voir des pervers comme nous bénéficier des mêmes droits qu’eux ». Dans l’émission Radioscopie sur France Inter, le 6 mai 1976, Jean-Louis Bory, au micro de Jacques Chancel, dit que Diderot était « un vulgaire hétéro ». Soit dit en passant, l’erreur ici n’est pas de dénoncer l’hétérosexualisation-marchandisation des femmes ou des hommes (car cela est plus que légitime !), mais bien d’appliquer caricaturalement ce modèle de la femme-objet à la majorité des femmes réelles (idem concernant l’homme-objet). Et là, en effet, quel autre forme d’obscurantisme grotesque de la part de beaucoup de personnes homosexuelles que de prendre la vie des femmes et des hommes mariés pour une vie de dînette !

 
 

b) Comme beaucoup de personnes homosexuelles se rendent compte que le bonheur de la famille-objet n’est ni parfait ni réel, elles finissent par mépriser ce mythe de la famille idéale sans remettre en cause la confusion initiale qu’elles avaient opérée entre famille réelle et famille médiatique :

Après avoir grossi et idéalisé l’influence de la famille hétérosexuelle, et l’avoir confondue avec la famille réelle de chair et de sang, de nombreuses personnes homosexuelles dévaluent les deux familles (logique caricaturale et idolâtre s’il en est) : « La famille nucléaire bourgeoise composée de ‘maman’ et ‘papa’ entourés d’enfants a toujours été minoritaire. Dans le paysage familial, c’est plutôt l’ensemble composite des familles élargies, recomposées, monoparentales, etc., qui occupe une place prééminente. Mais alors que toutes ces configurations familiales ont fini par trouver une reconnaissance légale, les familles homoparentales continuent à être discriminées par le droit français. » (Daniel Borrillo, « Homoparentalité », dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 253) ; « La deuxième partie du programme montrait la vie quotidienne chez les Ricardo, une famille de chimpanzés. » (Alfredo Arias décrivant le spectacle du travesti Tola, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 307) ; « Peut-être n’a-t-on jamais filmé de cette façon la mélancolie d’être absent d’un groupe d’amoureux s’éloignant au bout d’une rue, insoucieux du désespoir d’un enfant exclu de leur joie simple. » (Pierre Philippe commentant le film « The Long Day Closes », « Une longue journée qui s’achève » (1991) de Terence Davies, dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 85) ; « Je n’ai pas conservé un très bon souvenir de mon enfance et j’ai tendance à incriminer le milieu familial. J’étais fils de… mes parents sont morts. Mes parents étaient ce que l’on appelle un couple uni. Et je dois dire que la vision de la vie de ce couple uni, enfin… prétendument uni, m’a à tout jamais probablement déçu de la vie de couple et de ce que l’on appelle une union qui passe aux yeux du monde pour réussie. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « Je ne suis pas heureux et je ne tiens pas à l’être. Le spectacle des gens heureux ou qui croient l’être autour de moi me paraît tellement répugnant que je le crains terriblement. » (idem) ; etc.

 

Certains se mettent à cracher sur le bonheur familial illusoire que leur a miroité les médias, tout en généralisant cette estampe fallacieuse à toutes les familles réelles qui les entourent, y compris la leur : « Le bonheur est vulgaire, le bonheur n’est pas intelligent, le bonheur n’est pas de bon goût. » (Jean-Louis Bory, le 24 septembre 1967, dans l’émission radiophonique Le Masque et la Plume : Hommage à Jean-Louis Bory (1979) de François-Régis Bastide) ; « La jeunesse d’Oscar Wilde s’écoule, non pas dans le calme, mais dans les échos et les remous d’un scandale qui désagrège sa famille : la maîtresse de son père fait du chantage, intente un procès aux Wilde en prétendant avoir été endormie au chloroforme puis violée par sir William. Les amis de collège d’Oscar, qui suivent le procès dans les journaux, ne lui épargnent aucun détail… ‘Voilà donc où conduit ce grossier amour des hommes pour les femmes, à cette boue !’ écrira-t-il plus tard, en parlant de cette lamentable affaire. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 170) ; « Quel sentiment de malaise de voir cette journée de manifestation qui réveille des esprits étriqués intolérants et rétrogrades. Tous ces gens qui s’élèvent les uns contre les autres contre les différences, qui déploient leur énergie contre les autres alors qu’ils pourraient être avec les leurs, à essayer d’appliquer une morale bien pensante qui parle d’amour et de respect.. Signe sans doute d’une civilisation en fin de course… Je suis heureux malgré tout des gens que j’aime dans ma vie, qui m’entourent, qui aiment, qui ne jugent pas. J’ai dans ma famille des personnes précieuses qui ont adopté, un des plus beaux gestes, j’ai des amis qui ont donné la vie, j’ai des amis qui malgré l’adversité cherchent l’intelligence chez d’autres personnes. Ces personnes là me rassurent. Pour les autres qui défilent, s’ils non jamais connu l’insulte, le jugement, la critique, la maladie, les épreuves, le racisme, je ne leur souhaite pas de mal, je leur souhaite juste davantage de réflexion et d’amour. Et à ces enfants qu’on embrigade dans ces cortèges de haine, demandons leur pardon. Quand ils grandiront, peut être auront ils honte d’avoir été là. 2014. » (cf. le post Facebook de Frédéric Fuertes, le jour de la Manif pro-famille du 5 octobre 2014 à Paris et Bordeaux) ; « Il y a un problème dans la famille. La famille ne veut pas de l’homophilie. Un enfant (homo), on veut le marier, qu’il ait des enfants, on a l’impression que les voisins vont le montrer du doigt. L’homosexualité, c’est une tare. » (André Baudry, homosexuel, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; etc.

 

Dès 1971 en France, le FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) invente un nouveau lexique : « Cellule familiale = Première source de névrose et de maladie mentale ; on dit la cellule familiale c’est l’antichambre de la prison (souvent à perpétuité). » (Albert Le Dorze, La Politisation de l’ordre sexuel (2008), p. 103) Les mères au foyer sont transformées, de par leur statut de « femme » (dans tous les sens du terme : être humain de sexe féminin et personne mariée), en victimes éternelles ; et les pères, en violeurs et en bourreaux millénaires. On entend encore aujourd’hui des idées de ce type : « Les femmes avant n’avaient pas forcément d’orgasme. » (Linda Troller dans le documentaire « 68, faites l’amour et recommencez ! » (2008) de Sabine Stadtmueller), comme si la foule ancestrale des femmes (dites « hétérosexuelles ») d’avant 1968 n’avaient jamais connu le plaisir sexuel ni l’amour… Quel manque de recul sur l’Histoire de l’Humanité ! Quel anthropocentrisme contemporain !

 
 

c) Beaucoup de personnes homosexuelles haïssent les familles, à commencer par la leur :

Je vous renvoie au fameux dicton « Famille je vous hais ! » d’André Gide, extrait de son roman Les Nourritures terrestres (1897) et qui a fait couler beaucoup d’encre, ainsi qu’à l’essai du même nom Famille je vous hais (2010) d’Emmanuel Pierrat, ou encore à l’essai La Famille en désordre (2002) d’Élisabeth Roudinesco. Je pense également à l’association Le Refuge, qui a été créée à Montpellier (France) en 2003, et qui héberge les jeunes homosexuels expulsés de chez eux au nom de leur orientation sexuelle.

 

De manière globale, les personnes homosexuelles en veulent à leur famille, et parfois à raison tellement il ne fait pas objectivement bon y vivre ! Par exemple, la famille du dramaturge argentin Copi a vécu de grands conflits (à la mort du grand-père maternel en 1941, elle s’est notamment déchirée autour de l’héritage). Beaucoup de créations artistiques témoignent du mal-être familial qui entoure les sujets homosexuels. Les romans de René Crevel, William Burroughs, Jean Genet, Pierre Guyotat, Gerard Reve, ou Yves Navarre, donnent une image très négative de la famille.

 

En ce qui concerne leur famille de sang, certaines personnes homosexuelles ne mâchent pas leurs mots : « L’institution la plus violente d’une société, c’est la famille. Et spécialement la famille nucléaire. » (Lucía Etxebarría, écrivaine bisexuelle, lors de la présentation de son roman Le Contenu du silence (2012), organisée à la Galerie Dazelle à Paris le 12 juin 2012) ; « ‘Je ne peux pas m’entendre avec ma famille’ avouent la plupart des pédérastes. » (Jean-Louis Chardans dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 10) ; « La famille est le principal obstacle pour moi. » (Norie dans le documentaire « Boy I Am » (2006) de Sam Feder et Julie Hollar) ; « Le fait de voyager et d’aller au bout de la terre m’a permis de couper les ponts avec la famille et de revenir en me montrant au monde telle que je suis. » (une femme trentenaire lesbienne dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre) ; « Le premier devoir d’une femme écrivain, c’est de tuer l’ange du foyer. » (Virginia Woolf citée dans l’essai King Kong Théorie (2006) de Virginie Despentes, p. 133) ; « On sait les rapports conflictuels que j’entretiens avec ma famille. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 416) ; « La famille reste pour beaucoup d’homosexuels le premier lieu de l’expérience homophobe. » (cf. l’article « Famille » de Philippe Masanet, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 168) ; « Les enfants reçoivent extrêmement tôt toute une série de messages sur ce qu’il convient d’être en tant que fille ou garçon. […] Du point de vue de l’enfant, l’intégration de cette norme peut avoir des conséquences dramatiques, d’autant que la violence verbale, physique, le chantage psychologique peuvent se développer contre les récalcitrants. Bien souvent infligés au nom de l’amour, ces paroles et ces actes sont souvent imparables. » (idem, p. 168) ; « La famille étant souvent le cimetière des rêves d’enfant, elle devient le berceau des stéréotypes d’adultes. » (Marie-Jo Bonnet, Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004), p. 164) ; « Je crois que les parents donnent aux enfants une véritable angoisse devant le savoir par l’intérêt même qu’ils portent au savoir de leurs enfants ; car, dans ce savoir des enfants, ils mettent leur propre gloire à eux. […] Et je crois que cela pèse négativement d’une façon très lourde. » (Michel Foucault, « Radioscopie de Michel Foucault », entretien avec J. Chancel en 1975, dans l’essai Dits et Écrits I, 1954-1988 (2001), pp. 1655-1656) ; « Le fait même d’être familialiste implique l’homophobie, le rejet de l’homosexualité. » (Patrick Négrier lors de la « rencontre-signature » de son livre L’Homosexualité dans la Bible, à la Librairie Violette & Co à Paris, le 22 avril 2010) ; « La famille est la première cause de violence chez les jeunes femmes lesbiennes. » (cf. une inscription dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014) ; « En général, quand vous êtes homos, dans votre famille, vous naissez en territoire ennemi. » (Dustin Lance Black dans le documentaire « Lesbiennes, gays et trans : une histoire de combats » (2019) de Benoît Masocco) ; etc.

 

Beaucoup d’ « intellectuels » français, pas forcément militants LGBT d’ailleurs, mais homosexuels pratiquants, essayent toute leur vie de régler leurs comptes avec leur propre famille. Michel Foucault, Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Félix Guattari, tous ces « penseurs du désir » des années 1960-1980, se basant entre autres sur les théories de Wilhelm Reich et Herbert Marcuse, ne pensent l’Homme que dans la projection de son désir, et non plus selon ses racines et ses traditions. À travers le prisme du ré-examen total du freudisme (cf. « Pensée critique »), ils proposent de faire de la révolution des mœurs une révolution politique. Et bien sûr, ils désignent la famille comme un « joug familiariste » dangereux.

 

À les entendre, la famille est un système traditionnel implacable, cloisonné, figé, sans vie. Un destin tragique. « Je suis l’aîné de sept frères et sœurs : ni mon environnement social et provincial ni ma place d’aîné dans ma fratrie n’étaient propices à un épanouissement sexuel. […] La position d’aîné dans une famille maghrébine implique de se comporter en modèle, dans le strict respect des traditions : virilité, mariage, paternité et autorité sur les cadets, autant de ‘qualités’ qui me manquaient cruellement. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la Cité (2009), pp. 7-8) ; « Ils sont tôt tracés, les destins sociaux ! Tout est joué d’avance ! Les verdicts sont rendus avant même que l’on puisse en prendre conscience. Les sentences sont gravées sur nos épaules, au fer rouge, au moment de notre naissance, et les places que nous allons occuper définies et délimitées par ce qui nous aura précédé : le passé de la famille et du milieu dans lesquels on vient au monde. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), pp. 52-53) ; « On se mariait en toute innocence. En toute bêtise. […] J’avais une partie de mon désir qui avait été tué. » (Thérèse, femme lesbienne de 70 ans évoquant ses années de mariage hétérosexuel, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Pour moi, le mariage, c’était pas ‘prison’, mais au niveau de mon ressenti, pas loin ! » (Sébastien, homosexuel, 43 ans, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013) ; « J’ai saisi l’opportunité d’une dépression et d’un grand abattement pour me marier. » (Germaine, femme lesbienne suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; « En contractant un mariage, je vais perdre ma liberté. » (la Reine Christine, pseudo « lesbienne », dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; etc. Certains militants homosexuels vont jusqu’à tenter de détruire le mariage en le réclamant d’abord à cors et à cris : « Pour pouvoir abolir le mariage, il faut d’abord que tout le monde puisse en bénéficier. […] C’est l’étape suivante. ». (Caroline Mécary, Avocate au barreau de Paris, femme très active lorsque le « mariage pour tous » a été imposé à la France en mai 2013, et qui là s’exprimait au Festival Mode d’emploi à Lyon, en novembre 2013) On se retrouve avec le paradoxe suivant : les personnes homosexuelles ou gays friendly demandent le « mariage pour tous » pour mieux mépriser et anéantir le véritable mariage… Extrait de Plus belle la vie (mais qui renvoie à beaucoup de situations que j’ai vues en vrai).

 

Film "C.R.A.Z.Y." de Jean-Marc Vallée

Film « C.R.A.Z.Y. » de Jean-Marc Vallée


 

La soumission à ce soi-disant « destin familialo-culturel » est alimentée dans la rupture brutale. Pour Alain Piriou, par exemple, il s’agit de « briser le carcan familial » (Alain Piriou cité dans la revue Triangul’Ère 3 (2001) de Christophe Gendron, p. 803). Dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, Eddy Bellegueule dit qu’il a adopté ses propres valeurs, « celles qu’il avait précisément acquises en se construisant contre ses parents, contre sa famille » (p. 75). Le mariage est considéré comme un cauchemar ou une hypocrisie, vu qu’un certain nombre de personnes homosexuelles ne connaissent pas autour d’elles de modèles probants de fidélité : « Tu es marié ? Quelle horreur ! » (Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 74) ; « Le mariage, quelle que soit sa catégorie, ça ressemble à un lundi matin. C’était beau la veille. Un lundi matin, c’est la grande tristesse. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; etc.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles, à travers leurs engagements sociaux radicaux et leur entêtement dans des choix d’amour peu satisfaisants, sont, sans se l’avouer, en train de brûler leur vie à fuir leur famille. La vie de Didier Éribon, narrée dans son autobiographie Retour à Reims (2010), en fournit un bon exemple : « J’avais fui ma famille et n’éprouvais aucune envie de la retrouver. » (p. 11) ; « Je pensais qu’on pouvait vivre sa vie à l’écart de sa famille et s’inventer soi-même en tournant le dos à son passé et à ceux qui l’avaient peuplé. » (idem, p. 15) ; « Je n’ai pas assisté aux obsèques de mon père. Je n’avais pas envie de revoir mes frères, avec qui je n’avais plus aucun contact depuis plus de trente ans. » (idem, p. 19) ; « Pendant longtemps l’idée même de famille, de couple, de conjugalité, de lien durable, de vie commune, etc., me fit horreur. » (idem, p. 82) ; « Je ne fus guère enclin, adolescent, à vouloir comprendre ce qu’étaient mes parents, encore moins à essayer de me réapproprier politiquement la vérité de leur existence. » (idem, p. 86) ; « Mon marxisme de jeunesse constitua donc pour moi le vecteur d’une désidentification sociale : exalter la ‘classe ouvrière’ pour mieux m’éloigner des ouvriers réels. En lisant Marx et Trotski, je me croyais à l’avant-garde du peuple. Je détestais la classe ouvrière dans laquelle j’étais immergé, l’environnement ouvrier qui limitait mon horizon. » (idem, pp. 88-89) ; « Ainsi, quand je manifestais contre les succès électoraux de l’extrême droite, ou quand je soutenais les immigrés et les sans-papiers, c’est contre ma famille que je protestais ! » (p. 117)

 

Dans le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau, les familles naturelles passent au bûcher. Les ennemis, « c’est tous les gens qui se reproduisent. » Tous les témoins interrogés cherchent à s’affranchir du « carcan familial » : « Nous avons échappé à la cellule familiale. » (Lise, une femme lesbienne) Clara, par exemple, soutient que les mères sont des « victimes consentantes » du patriarcat et de la maternité. Pendant cet effrayant reportage, les ventres arrondis sont même hués lors d’un strip-tease. Sur une banderole est écrit : « La famille ne sera plus jamais notre horizon et notre tombe. » Lorsque Lise se fait faire un gosse avec un homme et qu’elle décide de le garder, sa compagne Clara veut qu’elle avorte : « Compte pas sur moi pour être la complice de ta trahison. »

 
 

d) Les « familles » hétéros, les « familles » homos : pas une pour rattraper l’autre :

 

Je vous renvoie aux codes « Bobo » et « Milieu homosexuel paradisiaque » (avec la partie sur la « Bande de copains ») de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

L’Ennemi n°1 pour beaucoup de personnes homosexuelles est l’« important lobby familial […] qui fait la synthèse du familialisme d’Église et du familialisme d’État. » (cf. l’article « France » de Pierre Albertini, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 182). Elles utilisent l’expression « lobby familialiste catholique » (idem, p. 186) comme un étendard diabolique pour s’opposer à tout discours tendant à défendre la vie et la famille réelle. Et les lois pro-gay touchant à la filiation (PaCS, adoption homoparentale, mariage gay) sont des moyens détournés de détruire ce « diable » dont elles ne connaissent finalement pas les beautés : « Le PaCS est une revanche sur la famille, un mariage masqué et démasqué. » (Michel Schneider, Big Mother (2002), p. 247)

 

Par exemple, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, l’hétérophobie est très marquée dans le discours des femmes interviewées.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles, au lieu de dénoncer et de réparer les familles disloquées, ne se basent que sur les mauvais exemples de familles qui les entourent, et décident de se venger de la famille réelle (confondue avec la famille médiatique) en cherchant à construire par leurs propres moyens (l’art, le sentiment, la science, les manipulations génétiques, l’amitié…) une « transfamily », tout aussi artificielle, commerciale, sentimentaliste, réifiante, et violente, que la famille publicitaire qu’elles abhorrent. « Moi qui suis une enfant de divorcés, je ne suis absolument pas persuadée que le bonheur soit garanti par le modèle d’un couple hétérosexuel. Parce que la famille ne ressemble plus à ça. Aujourd’hui, on parle de ‘familles’ au pluriel. » (Adeline Hazan concernant l’homoparentalité, dans la revue Têtu, juin 2002) ; « Famille modèle unique, je te hais. Familles multiples, je vous aime. » (Jan-Paul Pouliquen cité dans la revue Triangul’Ère 1 (1999) de Christophe Gendron, p. 18) ; « Après avoir représenté l’Enfer, la famille devient un Paradis Perdu. Ou un Enfer Perdu, mais en tout cas Perdu. » (Copi à Paris en août 1984 dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 90) Cette transfamily se veut un dépassement et une ouverture de la famille dite « traditionnelle » (qui n’a de traditionnelle que le nom, surtout aujourd’hui où, en France, plus de la moitié des enfants naissent hors-mariage). C’est pourquoi beaucoup de ses promoteurs ne se sentent pas « anti-famille » puisqu’ils « proposent » une famille travestie à la place de la vraie famille de sang et d’amour. Il est question de « famille ouverte » (cf. l’article « Famille » de Philippe Masanet, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 170), de famille « d’orientation sexuelle » (le dramaturge français Jean-Luc Lagarce parle de la communauté homosexuelle comme d’une « seconde famille choisie », dans la postface de sa pièce Le Pays lointain, 1999). À coup de comparaisons, de pluriels, de métaphores poétiques, de syllogismes rapides (philosophie nominaliste, quand tu nous tiens…), de conditionnels et de subjonctifs, certains apprentis sorciers homosexuels, voulant jouer avec la réalité symbolique et corporelle de la famille, arrivent peu à peu à se convaincre qu’ils « s’aiment bien », qu’ils sont finalement « très attachés les uns aux autres », qu’ils sont « un peu/exactement comme une famille » (à part qu’ils ne peuvent pas faire d’enfants… encore que, maintenant, avec les progrès de la science, on arrivera bientôt à transformer le couple homosexuel non-procréatif en couple procréatif… On y croit !) : « C’est une forme d’amour, tu es de ma famille. » (Catherine à son « ex » Paula dans l’essai autobiographique La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010) de Paula Dumont, p. 167) ; « Marie a 10 ans et une famille résolument moderne : conçue par deux hommes et deux femmes, tous homosexuels et aujourd’hui tous séparés, elle a deux papas, deux mamans, un beau-papa, une belle-maman, et une poignée de frères et sœurs. Fêter Noël en famille, dans ces conditions, tient presque de l’exploit. » (cf. le commentaire du film « Mon arbre » (2011) de Bérénice André, sur la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, le 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris) ; etc.

 

Lors de sa conférence sur « L’homoparentalité aux USA » à Sciences-Po Paris le 7 décembre 2011, Darren Rosenblum, jeune avocat ayant obtenu une petite fille par GPA avec son compagnon, se met à défendre une famille qui existerait sans lien du sang, sans corps sexués… Selon lui, la famille se réduirait à endosser – et à interchanger – des « rôles de père » ou des « rôles de mère » : « Je trouve que ces rôles de père ou de mère ne sont pas essentiels. Si dans une famille un homme veut être la mère, il doit pouvoir le faire. ». Il propose d’instaurer à échelle mondiale une « parentalité androgyne » et parle de « désexuer la parentalité ». À propos des qualificatifs de « père » et de « mère », il déclare avec une douceur inappropriée au délire prononcé : « Le sens de ces termes, je pense, va fondre. » Et il fait passer son déni de Réel pour une incroyable invention que le Vieux Continent ne pourrait pas encore comprendre car il n’y serait pas « culturellement préparé » : « Il y a un potentiel de jeux de rôles qui se développe dans les familles homoparentales. […] La parentalité, chez nous aux États-Unis, c’est aussi quelque chose de culturel. » Le Meilleur des mondes : nous y sommes presque…

 

Fréquemment, dans les moments de lassitude conjugale, certaines personnes homosexuelles s’imaginent même fonder une grande famille LGBT élargie aux amis (…et enfants des amis, ou les amants avec la famille de sang), vivant une vie communautaire Flower Power à la campagne dans une grande baraque retapée (« Pourquoi pas faire une ferme-auberge dans le Larzac ? ») : « Angéla était une belle fille d’une trentaine d’années qui voulait former un groupe de goudous. Elle détestait aller traîner en boîte à des heures indues et préférait participer à des petites bouffes entre copines, faire des randonnées, bref vivre au grand jour. Son projet m’a enthousiasmée et je l’ai rassurée que je serais un des piliers de son groupe. Je rêvais, moi aussi, comme beaucoup de mes semblables, d’une grande famille amicale où, peut-être, il me serait possible de rencontrer un jour l’âme sœur. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 208) ; « L’idée nous est venue que nous pourrions, à notre retraite, acheter chacune une maison dans un hameau, et être à l’origine d’une oasis pour goudous. » (p. 239)

 

Par exemple, dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne, le rêve de Xavier (père de Patricia), homosexuel et ancien homme marié, c’est que tous ses amants et sa famille vivent sous le même toit ; la réalisatrice, en entrecoupant les interviews d’images de ferme et de campagne, essaie de faire passer les distorsions de sa propre famille, et la revendication irréaliste et violente de Xavier, pour quelque chose de naturel, de merveilleux.

 

Ce genre de projets « familiaux » ambitieux, en général, ne durent que le temps d’un coup de tête, des vacances, d’une croisière « gay », ou d’une « université d’été »… et ne constituent pas une « mafia » si soudée que certains propos homophobes le laissent entendre : « En face de la ‘maffia rose’ de ceux qui ‘en sont’, de la ‘grande famille’, de l’inconsciente et toute-puissante franc-maçonnerie des pédérastes, les jeunes n’hésitent plus : pour réussir, ils s’enrôlent, eux aussi. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 18)

 

Cependant, ne nous y trompons pas. En parlant de « famille » pour le couple homo (+ enfants ou + amis), nous rentrons déjà dans un discours mythomane. Par exemple, dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi, un passant interviewé dit à juste raison que le couple homosexuel (marié + enfant(s)), « c’est une caricature de la famille ».

 

En réalité, beaucoup de personnes homosexuelles ne font pas mieux que la famille hétérosexuelle avec leur « famille parallèle ». Du point de vue du désir et des réalités fantasmées, la famille homosexuelle et la famille hétérosexuelle composent un seul et même groupement humain, fragile, triste et violent, proche (en attitudes) de la famille-objet, malheureusement super bien assorti, comme le montre la chanson du générique de la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand : « Unhappy Girl, Unhappy Boy, Unhappy Son. » C’est la famille télévisuelle sous forme de kaléidoscope – donc au final la « famille hétérosexuelle de supermarché » avec quelques misérables modèles standards un peu différents qui donnent l’illusion de diversité – qui est inconsciemment défendue à travers la « famille » homosexuelle.

 

Et concrètement, dans les structures dites « familiales » conduites par un couple homosexuel (de temps en temps accompagné des enfants de l’un des deux partenaires), vivant parfois effectivement des bienfaits de la paternité adoptive (mais non des bienfaits de la paternité biologique désirante), je ne pense pas que le désir soit aussi fort que dans une famille de sang et d’amour.

 

Ce n’est pas tant le mariage qu’une poignée de militants homosexuels réclame à travers la loi sur le « mariage homosexuel », que l’équivalence de réalités symboliques et amoureuses entre le couple femme-homme aimant et le couple homosexuelle… et cela, ils ne l’auront jamais, que la loi soit votée ou non. C’est une question de Réalité des corps et de reconnaissance de l’Incarnation, non une question de lois sociétales, de sincérités, et de bons sentiments.

 

Derrière l’argument de l’amour, la motivation matrimoniale homosexuelle est avant tout légaliste, très peu éthique et humaniste : « On veut être reconnus comme une famille par la loi, pas que par les cœurs. » (Francine et sa compagne Karen, dans le documentaire « Des Filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger)

 

Dans son essai Homoparenté (2010), le psychanalyste Jean-Pierre Winter montre combien le couple homosexuel vient mettre symboliquement à mal la famille rien qu’en décrivant les nombreuses fois où il a observé dans les faire-parts de PaCS entre deux personnes de même sexe la disparition du nom de famille des signataires (p. 207).

 

Je tiens à préciser, pour finir, que ce n’est pas parce que je relève que la baisse de désir ou la haine de la famille sont concomitantes au rejet de la différence des sexes consubstantiel à tout couple homosexuel sans exception, que je soutiens par ailleurs que les deux partenaires – gay ou lesbiens – de ce couple, pris séparément, et agissant dans une autre structure conjugale amoureuse, feront de mauvais parents ou des ennemis de la famille. C’est bien uniquement des défauts et des faiblesses de la structure conjugale homosexuelle que je critiquais en priorité dans ce chapitre. Mais si je m’étais situé d’un point de vue individuel, bien évidemment que j’aurais dit qu’une personne homosexuelle, dans une union autre qu’homosexuelle ou hétérosexuelle, peut être étonnamment aimante, voire même un bon père ou une bonne mère. Et quand elle est père ou mère au sein d’une structure homosexuelle, elle peut de toute façon apporter à un enfant les bénéfices de la paternité adoptive, qu’elle soit le vrai père/la vraie mère biologique de l’enfant ou simplement le père/la mère adoptif/adoptive.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

Code n°95 – Inceste (sous-code : Père et fils homos tous les deux)

Inceste père

Inceste

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

« Ça n’existe pas chez nous, l’inceste, de toute façon. »

(Pascale Ourbih, présentateur transsexuel M to F, juste avant la projection du documentaire « Et ta soeur » au Festival Chéries-Chérie du 15 octobre 2011 au Forum des Images de Paris)

 

Film "Boy Culture" de Q. Allan Brocka

Film « Boy Culture » de Q. Allan Brocka


 
 

Telle famille, tel fils homosexuel ?

 

Pourquoi le cliché de la mère possessive, ou la thèse du gène gay qui se transmettrait de père en fils, agacent tant la communauté homosexuelle ? Parce qu’il met en lien direct l’homosexualité avec l’interdit majeur de l’Humanité : l’inceste. Ce rapport charnel et sexuel entre deux parents de sang.

 

Le désir homosexuel renvoie aussi bien à la transgression de la différence des sexes qu’à celle de la différence des générations. Il semble succéder au désir d’inceste : en réalité, il n’en découle pas causalement mais « coïncidentiellement », pourrait-on dire. Ce n’est pas par hasard si Christine Angot écrit au tout début de son roman L’Inceste (1999) que « L’inceste, c’est l’homosexualité ».

 

Bien qu’il soit évident que l’homosexualité n’est pas le résultat immédiat et causal d’une « mauvaise éducation » comme dirait Pedro Almodóvar, il n’empêche qu’il peut exister des ponts entre l’environnement familial et le désir homosexuel. Quand je regarde autour de moi, je constate que les situations familiales des personnes homosexuelles, sans être plus extraordinaires ni catastrophiques que d’autres, sont souvent complexes, et parfois perturbées. Même s’il est impossible, fort heureusement, de dresser un portrait-robot de LA famille d’où émergera une ou plusieurs personnes homosexuelles, nous pouvons tout de même définir des terrains porteurs, car oui, ils existent. Ce sont certaines coïncidences (une possible possessivité maternelle, un supposé absentéisme paternel, une certaine expérience de la gémellité, une influence écrasante des frères et sœurs, une éducation ressentie comme trop rigide ou trop laxiste, etc.) qui me le font dire.

 

Par exemple, la majorité des personnes homosexuelles sont orphelines de père ou de mère, symboliques surtout, réels parfois. C’est pourquoi certaines se définissent comme des enfants bâtards – alors même qu’ils ont leurs deux parents –, des « presque orphelins » pour reprendre la charmante expression de Tamsin dans le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky.

 

Par ailleurs, on rencontre un certain nombre de cas où plusieurs frères d’une même famille se disent « homosexuels », ou bien un des parents avec son fils (la famille Ackerley, la famille Mann, la famille Schwarzenbach, la famille Cocteau, etc.). Ce n’est pas rare, bien qu’en effet, personne dans le « milieu » ne le crie sur les toits par peur d’alimenter l’argument de la dégénérescence, c’est-à-dire d’une « hérédité homosexuelle », ou bien l’idée d’une « homosexualité éducationnelle » qui pourrait, si elle existait, être désapprise ou éradiquée.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles rejettent avec véhémence le concept de dégénérescence, parce qu’elles défendent inconsciemment, dans le rejet, le lien causal entre parents et enfant homosexuels. Il arrive que certains individus reconnaissent en leur père ou en leur fils un amant homosexuel, ou, sans aller jusque-là, leur propre désir homosexuel. Cette correspondance leur déplaît énormément, parce qu’elle renvoie à un autre interdit que celui de la transgression de la différence des sexes par le couple homosexuel ou par le viol génital : celui du viol de la différence des générations, donc de l’inceste. La similitude d’orientation sexuelle entre fils homosexuel et père est parfois troublante dans la réalité, non pas dans la mesure où elle serait causale ou exactement symétrique (tous les pères d’enfants homosexuels ne sont pas systématiquement homosexuels, et tous les fils homosexuels ne sont pas amoureux de leur père, bien entendu), mais parce qu’elle est imparfaitement gémellaire. La société actuelle a trop souvent coutume d’envisager cette possible gémellité dans les désirs incestueux sur le mode de la rupture ou de la fusion, pour ne pas la reconnaître telle qu’elle est : uniquement symbolique, fantasmatique, irréelle, et actualisable si elle n’est pas conscientisée.

 

Il est parfois fascinant d’observer les réactions saugrenues de certains pères au moment du coming out de leur fils, ou à l’inverse, la gêne ressentie de la part du second par rapport à son propre père. Les personnes homosexuelles qui affirment détester leur père ou leur mère, mais qui à côté de cela, choisissent souvent des partenaires amoureux qui ressemblent plus ou moins à leurs parents et à l’image idéalisée qu’elles s’en font, ne sont pas des cas isolés. Quelquefois, c’est vertigineux de voir les copies conformes ! (Ça m’est arrivé personnellement !) Un rapport idolâtre entre les générations peut s’instaurer à travers l’affirmation d’une homosexualité, paradoxalement sur le mode de la rupture, comme l’illustre l’incroyable remarque que j’ai entendue un jour de la part d’un ami homosexuel concernant sa position ambiguë entre son père et lui : « Avec mes parents, on a été un couple… un ‘trouple’ plus exactement… J’ai toujours été la chose de mon père. »

 

Pour terminer, je signale au passage que je ne parlerai pas dans ce code de l’inceste entre frères (ou entre cousins). Je réserve l’étude de ce sujet pour le code « Inceste entre frères » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels (j’y aborde entre autres le cas des familles où il y a plusieurs individus qui se déclarent « homos », ainsi que le rapport de jalousie au sein d’une même fratrie comme facteur d’homosexualité).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Mère possessive », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Pédophilie », « Orphelins », « Élève/Prof », « Éternelle jeunesse », « Clonage », « Parricide la bonne soupe » et « Inceste entre frères », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 
 

FICTION

 

Le personnage homosexuel entretient une relation incestueuse avec un proche parent :

 

INCESTE PÈRES 13 Lanoux

Film « La Triche » de Yannick Bellon


 

On retrouve la thématique de l’inceste dans énormément de créations à thématique homosexuelle : cf. le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, le roman Le Fou du père (1988) de Robert Lalonde, la chanson « My Heart Belongs To Daddy » (1938) de Cole Porter, le film « Premier amour, version infernale » (1968) de Susumu Hani (avec l’inceste père/fils), les films « Les Damnés » (1969) et « Sandra » (1965) de Luchino Visconti, le roman Le Vieillard et l’Enfant (1954) de François Augiéras, le roman Le Neveu (1964) de James Purdy, les films « Belle Maman » (1999) et « Ma Mère » (2003) de Christophe Honoré, le film « Mon Fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, le film « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar, le film « Luster » (2001) d’Everett Lewis, le film « Alice » (2002) de Sylvie Ballyot, le film « The Maids » (1975) de Christopher Miles, le film « Ostia » (1970) de Sergio Citti, le film « Sexe fou » (1973) de Dino Risi, le film « Sitcom » (1997) de François Ozon, le film « L’Enfer d’Ethan » (2004) de Quentin Lee, le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, le film « Jin Nian Xia Tian » (« Fish And Elephant », 2001) de Yu Li, le film « La Classe de neige » (1997) de Claude Miller, les films « Sonate d’automne » (1978), « Le Silence » (1962), et surtout « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman (avec la relation ambiguë père/fils), le film « Le Langage perdu des grues » (1991) de Nigel Finch, le roman Joli Papa (2003) d’Alain Meyer, la pièce Soudain l’été dernier (1958) de Tennessee Williams, la pièce Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès (avec la figure du père possessif et omniprésent), le roman L’Inceste (1999) de Christine Angot, la pièce Mon beau-père est une princesse (2013) de Didier Bénureau, le film « Le Bal des Vampires » (1967) de Roman Polanski, le roman El Retrato Amarillo (1956) de Manuel Mujica Lainez, le film « Twist » (2004) de Jacob Tierney et Adrienne Stern, le film « El Amor Del Capitán Brando » (1974) de Jaime de Armiñán, le film « Priscilla folle du désert » (1995) de Stephan Elliot (l’un des personnages a été abusé par son oncle), les chansons « L’Amour naissant » (« C’est un revolver, père, trop puissant ») et « Regrets » de Mylène Farmer, la chanson « Celui que j’aimerai » de Cindy dans le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon, le film « Après lui » (2007) de Gaël Morel (où une mère tombe amoureuse de l’assassin de son fils, Franck), le film « Une Soirée étrange » (1932) de James Whale, le roman L’Espace mortel (2005) de Patricia Duncker, les films « Madame » (1997) et « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, le roman Dream Boy (1995) de Jim Grimsley, la nouvelle Adiós Mamá (1981) de Reinaldo Arenas, le film « Jeux de nuit » (1966) de Mai Zetterling, le film « Agostino » (1962) de Mauro Bolognini (traitant de l’inceste avec la mère), le film « Sex » (1971) de Paul Morrissey, le film « La Couleur pourpre » (1985) de Steven Spielberg (avec Celie, violée par son père), le film « L’Histoire de Pierra » (1982) de Marco Ferreri, le film « Smukke Dreng » (« Joli Garçon », 1993) de Carsten Sonder, le film « The Everlasting Secret Family » (1988) de Michael Thornhill, le film « Only The Brave » (1994) d’Ana Kokkinos, le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair (avec la mention de Lolita), le film « Billy’s Dad Is Fudge-Packer » (2004) de Jamie Donahue, la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams (où un homme âgé vit avec une femme trop jeune pour lui), le film « Souffle au cœur » (1971) de Louis Malle (avec l’inceste entre la mère et le fils), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot (avec lady Philippa, violée par son père), le film « La Vie intermédiaire » (2008) de François Zabaleta (racontant l’histoire d’amour impossible entre une domestique de château sexagénaire et un photographe homosexuel de vingt ans son cadet), le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan (où le personnage d’Anne, 55 ans, interprétée par Muriel Robin, vit avec Marcello qui n’a que 25 ans), le film « Túnel Russo » (2008) de Eduardo Cerveira (avec une grande différence d’âges entre les deux amants), la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton (où Doris, l’héroïne lesbienne, détourne sexuellement le jeune Santiago), le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau (dans lequel est raconté la relation d’un homme de 50 ans avec une fillette de 14 ans), les films « Mommy Is Coming » (2012) et « My Baby’s Daddy » (2004) de Cheryl Dunye (où on assiste à un coming out croisé entre mère et fille), le film « Little Gay Boy, Christ Is Dead » (2012) d’Antony Hickling (Jean-Christophe et sa mère, une prostituée anglaise, prennent leur bain ensemble), le film « Honey Killer » (2013) d’Anthony Hickling, le film « Gerontophilia » (2013) de Bruce LaBruce, le film « Far-West » (2002) de Pascal-Alex Vincent (avec le papy de Ricky, en couple avec son jeune assistant-fermier), la pièce Un cœur de père (2013) de Christophe Botti, la chanson « La Maison en bord de mer » de Patricia Kaas (une fillette violée par son oncle), etc.

 

Film "Hannah Free" de Wendy Jo Carlton

Film « Hannah Free » de Wendy Jo Carlton


 

L’homosexualité se double d’inceste dans le roman Les Hors Nature (1897) de Rachilde. Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018, Jimmy, un des personnages homos, a été violé par son père, Joël. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, le Dr Alban Mann est qualifié par Jane, l’héroïne lesbienne, de « pédophile incestueux » (p. 76)… et les faits donneront raison à Jane car Mann viole sa jeune fille Anna : « Le dossier accusant Alban Mann d’avoir abusé d’Anna parlaient d’eux-mêmes. » (idem, p. 251). Dans le roman Confidence africaine (1930) de Roger Martin du Gard, Léandro Barbazano, le héros homo, est né d’un rapport incestueux, et meurt au commencement du livre. Dans le roman L’Obligation du sentiment (2008) de Philippe Honoré, Martin est violé à 14 ans par son père Louis. Dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, quasiment tous les membres de la famille de la jeune Irina lui sont passés dessus (l’oncle Pierre, la mère – présentée comme « l’amour de la vie d’Irina » –, la prof de musique Mme Garbo, etc.). Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, Madame Gras a connu l’inceste avec son père puis son frère. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Camille tombe amoureuse du meilleur ami de son fils homo Matthieu. Dans le film « Mon Arbre » (2011) de Bérénice André, Isabelle, une des héroïnes lesbiennes, trouve sa fille « canon ». Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca se jure qu’après la mort de son père (qui rêvait de le marier), il trouvera l’homme de sa vie pour le remplacer. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, le père de Charlène (l’héroïne lesbienne) surnomme sa fille « Princesa » et la chatouille de manière excessive et déplacée. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine idéalise la grande tante Lucie : « Sa tante Lucie est restée vierge. » avant de découvrir la vérité : « Cette salope… Elle a couché avec son fils. Moi qui la croyais vierge ! » Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, lorsque Jefferey fait son coming out à ses parents en pleine fête de famille, il s’étonne de voir son propre père lui demander « d’embrasser son parrain José », un homme de 58 ans ! Mais plus tard, il se soumet à cette projection : « Oui Madame, j’aime les hommes plus vieux. »
 

Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, la différence des générations est gommée : mère (Diane) et fils homosexuel (Steve) s’imitent dans le jeunisme, la délinquence, les bêtises… ou dans l’âgisme (« Traite-moi comme un adulte ! » récrimine le jeune homme). Le fils embrasse la mère sur la bouche, et est désespéré (au point de se tailler les veines) parce qu’elle ne le suit pas jusqu’au bout de sa passion incestueuse : « Toi et moi, on s’aime encore, hein ? » (Steve) ; « Je vais t’aimer de plus en plus fort, et c’est toi qui vas m’aimer de moins en moins : c’est la nature. » (Diane)

 

Dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015), Pierre Fatus nous fait croire qu’il a couché avec une femme… mais on découvre qu’il s’agit de sa mère biologique : « La première femme avec qui j’ai couchée : la bombe ! Avec des seins… »
 

B.D. "Le Monde fantastique des gays" (planche "Minitel") de Copi

B.D. « Le Monde fantastique des gays » (planche « Minitel ») de Copi


 

L’inceste a la violence du viol. « Je suis une fille de l’inceste. Voilà pourquoi je meurs. » (Antigone dans la pièce Antigone (1922) de Jean Cocteau) ; « Vous avez un problème de violence dans la famille ou quoi ? » (Kévin, le héros homosexuel, s’adressant à son amie lesbienne Sana, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « Mon père est un salopard et un manipulateur. Il a trompé ma mère même la dernière année de sa vie. Il a baisé ma prof de théâtre et il m’a… » (Zach, le héros homosexuel qui ne termine pas sa phrase, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Papa lui fourre sa bite dans la chatte. » (le skinhead efféminé Peter Pan, parlant d’Anna, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 96) ; « Maman a dit qu’il n’est jamais trop tard pour s’intéresser à la notion d’inceste. » (Océane Rose-Marie, l’héroïne lesbienne dans son one-woman-show Chaton violents, 2015) ; etc. Par exemple, Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny est un homosexuel abusé (symboliquement) par son père, et reproche à ce dernier d’« avoir eu envie de lui » ; et dans ce même film, le petit Jude se fait violer par son père. Dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, Christian s’est fait violer par son père, Helge, et l’annonce en pleine fête d’anniversaire de mariage de ses parents. Dans le film « Laberinto De Pasiones » (« Le Labyrinthe des Passions », 1983) de Pedro Álmodóvar, Queti a été violée par son père Michele. Dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, c’est au moment où Nina se masturbe dans son lit qu’elle a la vision horrifique de sa mère l’observant à côté d’elle. Dans le film « Lonely Boat » (2012) de Christopher Tram et Simon Fauquet, une prostituée couche avec le père de son copain. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, la mère-prostituée transsexuelle fait l’amour avec un client octogénaire qui meurt pendant l’acte sexuel : elle atteint l’orgasme en faisant l’amour avec ce cadavre.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann découvre que son amant Julien a couché avec sa belle-mère Solange, la cougar : « Tu t’es tapé la vieille ??? » Julien, lui-même, se révolte contre celle-ci en découvrant la vérité : « Pourquoi vous m’avez violé ?? » La belle-mère ricane : « Violé… Tout de suite les grands mots… » Finalement, Solange se rabat sur Yoann. Elle lui fonce dessus, et ce dernier, au départ, résiste : « Elle voulait me violer ! C’est elle ! C’est moi qui était en-dessous. » Puis Julien et Zoé, ex-amants qui se remettent ensemble, poussent Yoann dans les bras de la belle-mère de Julien. Yoann fait un gosse à la quinquagénaire…
 

Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, le téléspectateur assiste à un chamboulement complet des générations, des rapports d’autorité entre jeunes et adultes. Les moniteurs qui encadrent la colo se font complètement menés par le bout du nez par des ados qui se comportent comme les grands qu’ils ne sont pas et qui pourtant ont déjà une sexualité d’adultes. Cette inversion crée du dégoût et donc du lesbianisme chez la protagoniste principale, Clara.

 

Spectacle contemporain au "Invisible Dog" de Brooklyn

Spectacle contemporain au « Invisible Dog » de Brooklyn


 

Cependant, l’inceste n’apparaît pas nécessairement comme brutal et choquant aux personnages qui le vivent. En général, quand il est vécu, le père et le fils se flattent l’un l’autre de gommer leur différence générationnelle et leur lien du sang, en toute bonne foi. Par exemple, dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, le laisser-aller sexuel de la mère (Marie découvrant son lesbianisme) correspond à celui de la fille (Lili vivant ses expériences sexuelles trop tôt avec un gars peu fréquentable, Freddie)… et leur réconciliation s’instaure sur leur propre négligence. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Ahmed se qualifie lui-même comme « le fils et le père » de son fils Ali. L’éloignement et la négation du Réel, par la violation de la différence des générations, prend chez les héros homosexuels une dimension poétique, ludique, littéraire, affective. « Y’a que dans l’inceste qu’on ne trahit pas. » (le héros homosexuel de la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou) ; « La grenouille comprit que la Sigogne s’interrogeait sur l’Inseste avant d’être avalée par elle. » (cf. les mots inscrits sur une stèle de la Cité des Rats, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 146) ; « Un monsieur aimait un jeune homme, et parfois lui payait ses cahiers. Il était écolier. […] Il est si doux d’être papa. » (cf. la chanson « Le Monsieur et le jeune homme » de Guy Béart) ; « Un fils dormant avec son père, c’est normal ! » (Léopold parlant à son fils Roger, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « C’est toi que j’aurais dû épouser. » (Heck, le mari trentenaire ayant épousé une femme lesbienne Rachel qui l’a trompée, et s’adressant à Hache la petite sœur de cette dernière, qui a 7 ans, Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; « Kévin, ça se passe bien à la maison ? Ton père te viole-t-elle ? […] Ô bel éphèbe issu de la diversité ! […] Kévin, je suis ton père. » (le flic dans une parodie de film français sur la drogue, dans le one-man-show Blanc et hétéro (2019) de l’humoriste Arnaud Demanche) ; etc.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Par exemple, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, Leni Riefenstahl évoque la « beauté tragique de l’inceste ». Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Tom dit qu’il « aime » son père. Dans le film « Catilina ou le venin de l’amour » (2012) d’Orest Romero, Catalina, fils d’un ancien militaire propriétaire d’un supermarché, décide de se faire passer pour son père pour conquérir Marcus, un jeune garçon qui vient d’être embauché. Dans la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, l’héroïne lesbienne souffre d’avoir été traitée par son père militaire comme « la fille chérie », le « faire-valoir ». Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert, le héros gay en costume de marié, court dans une forêt après sa mère, elle-même en robe de mariée, pour lui demander de l’épouser en tant que « roi » et de « le rejoindre dans son Royaume ». Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, « L. » veut se marier avec le Rat alors qu’ils ont une grande différence d’âges : « Je pourrais te faire passer pour mon fils adoptif. » Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane, le héros homosexuel quinquagénaire, a 20 de plus que son partenaire de 30 ans, Vincent. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Todd et Frankie, deux amis du même âge qui viennent de coucher ensemble, se font au réveil le même constat : « Je couche rarement avec les mecs de mon âge. » (Todd) ; « Moi aussi. » (Frankie) Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Hugues, le médecin bourgeois, sort avec Fabien, un petit jeune. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol, l’héroïne lesbienne bourgeoise et déjà mère, vit le « grand amour » avec une femme nettement plus jeune qu’elle, Thérèse. Abby, l’ancienne amante de Carol, s’en étonne auprès d’elle : « Elle est jeune. Sais-tu ce que tu fais ? » Dans le film « Freeheld » (« Free Love », 2015) de Peter Sollett, Laurel, femme mûre, sort avec Stacie, la petite jeunette.

 

Il arrive que le héros homosexuel, d’âge mûr, soit attiré par son fils pour par ceux qui ont l’âge de son fils (cf. je vous renvoie au code « Pédophilie » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Ton père adorait vraiment nous regarder nager à poil. » (un ami de Daniel se référant à l’homosexualité du père de ce dernier, découverte post mortem, dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz) Par exemple, dans la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely, le père de Franck, le héros gay, dit qu’« il a trop aimé son fils ». Dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, Mister Jones, vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, est soigné dans une maison de repos par Bob, un jeune infirmier dont il tombe amoureux. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, Göran, le héros homosexuel, succombe au charme d’un jeune homme au commissariat, avant de découvrir que c’est son futur fils adoptif. Dans la pièce La Cage aux Folles (1973) de Jean Poiret, George, le héros homosexuel, drague son fils hétéro Laurent.

 

Beaucoup de héros homosexuels racontent leur émoi sexuel pour leur père (ou leur fils) : « Mon cœur est à papa. » (cf. une réplique de la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche) ; « Pendant quelques minutes, il me sembla que j’étais son préféré. » (Zac à propos de son père, dans le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée) ; « Seul homme de la maison, j’oubliais avec une étrange facilité les liens du sang, faisant ainsi du géniteur aux yeux indiscrets un objet de convoitise et la cause première de nos maladies respectives ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 96) ; « Père… J’aimerais tellement avoir votre assentiment. J’ai pourtant tout fait pour vous plaire. » (Stuart, l’un des héros homosexuels, s’imaginant qu’il rencontre son père, dans le film « Cruising », « La Chasse » (1980) de William Friedkin) ; « Le papa, c’est toujours Dieu. » (Thierry, le héros homosexuel de la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, dans l’épisode 8 « Une Famille pour Noël ») ; « Je regardais toujours mon père se déshabiller. » (Jacques Nolot dans le film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot) ; « J’ai eu honte j’ai souffert. Je ne vais pas sortir les violons même si pour mon père c’est l’instrument de prédilection. […] Mais j’ai toujours eu en tête d’un jour lui reconnaître que j’aime profondément son dos pour rendre justice aux mots. » (cf. le poème « Un Autre Dos » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, p. 46) ; « Mon amant était Madame Lucienne ! […] J’aimais ma mère ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’ai enterré l’alliance de mon épouse juste à côté du corps de Chris : ces deux-là étaient si proches. » (Randall, le père de Chris, le héros homosexuel, dans le roman La Synthèse du Camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 234) ; « Aujourd’hui, c’est moi l’homme. Un homme pour mon père. Beau et fort pour mon père. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 35) ; « Je ne crois pas [que ma mère va revenir]. Elle est partie… pour toujours… cette fois-ci. Je passerai désormais ma vie avec mon père. Seul avec mon père. À m’occuper de lui. Homme à homme. Je serai la femme de mon père. » (idem, p. 126) ; « Tu as été mon fils et en même temps l’amour de ma vie. Tu es sûrement l’homme que j’ai le plus embrassé ! […] Quand tu étais petit, on s’embrassait toujours sur la bouche. Quand tu as grandi, tu n’as plus voulu. Tu ne voulais même plus que je te tienne par la main. » (la mère de Bryan à son fils gay Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 353) ; « La seule et unique fois où j’aurais pu conclure avec une femme, j’ai pensé à ma mère. » (François, le héros homo du one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « J’étais si jalouse de vous. » (la mère de Kai, le héros homo, s’adressant à Richard l’amant de celui-ci, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « Mon père était l’agaçant quarterback beau gosse qui avait épousé la major sexy de la promotion. » (Simon, le héros homosexuel, en parlant de son père, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; etc.

 

Film "Tell Me A Memory" de Jon Bryant Crawford

Film « Tell Me A Memory » de Jon Bryant Crawford


 

Vianney – « Non, je ne fume pas, mais ça ne me dérange pas, j’aime bien les bouches qui sentent le tabac froid, ça me rappelle mon père.

Mike – T’as couché avec ton père ?

Vianney –

Mike – C’était de l’humour, bon, ok, je me tais. »

(Mike racontant son « plan cul » avec un certain, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 85)

 

Film "Gerontophilia" de Bruce LaBruce

Film « Gerontophilia » de Bruce LaBruce


 

Par exemple, dans le film « Funeral Parade Of Roses » (1969) de Toshio Matsumoto, Eddie tombe amoureux de son père. Dans le film « L’Île des amours interdites » (1962) de Damiano Damiani, Arturo, à 15 ans, voue une passion dévorante à son père. Dans le film « Le Secret d’Antonio » (2008) de Joselito Altarejos. Antonio, à 15 ans, tombe amoureux de son oncle Jonbert. Dans la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le fils cherche à séduire sadiquement son père, considéré comme un dieu diabolique : « Ouvre-moi ta porte pour l’amour de Daddy. » Dans le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, le père d’Ailín est tombé amoureux de sa fille. Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, George, le héros homosexuel, porte au doigt l’alliance de sa mère. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, établit une relation très étrange avec son père : à la fois il le fuit et il le drague : « Oh mon papili, emmène-moi dans la forêt ! » Il parvient même, en se faisant passer pour sa mère (et la femme de son père, donc), à s’introduire dans la salle de bain de ce dernier et à le voir cul nu. Dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, les rapports d’éducation s’inversent : ce sont les enfants qui éduquent leurs parents. Dans le film « Le Maillot de bain » (2013) de Mathilde Bayle, le jeune Rémi, 10 ans, ressent son premier émoi homosexuel pour un beau papa de 35 ans. Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon se moque de la réaction post-coming out de sa mère qui s’interroge avec horreur sur les pratiques lesbiennes de sa fille (« Mais qu’est-ce que vous faites ??? »), en lui rétorquant : « Qu’est-ce que vous faites ? Eh bien viens ! Je vais te montrer ! » Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Segundo s’endort contre son père Noé qu’il découvre homosexuel (il surprend ce dernier en train de masturber un conducteur de camionnette) : « Tu seras toujours dans mon cœur papa. » L’homosexualité paternelle finit par déteindre sur la sexualité du jeune garçon de 14 ans, qui se met à être dégoûté des femmes.

 

Film "Le Maillot de bain" de Mathilde Bayle

Film « Le Maillot de bain » de Mathilde Bayle


 

 

Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, entretient dès son adolescence une ambiguë relation fusionnelle avec son père (Sir Philip), une connivence très homosexuelle, qu’Anna Philip, la mère, détecte assez vite et ne voit pas d’un très bon œil : « J’ai découvert que mon père savait tout à mon propos, seulement… Peut-être m’aimait-il trop pour m’en parler. » (Stephen par rapport à son homosexualité latente, p. 549) ; « Stephen grimpait sur son dos. Sir Philip prétendait être grisé pour avoir eu son saoul d’avoine, sautait, bondissait et ruait sauvagement, de sorte que Stephen était obligée de s’accrocher à ses cheveux ou à son col, tout en le frappant de ses petits poings insolents et durs. Attirée par ce vacarme étrange, Anna les surprenait ainsi et indiquait du doigt la boue sur le tapis. Elle disait : ‘À présent, Philip, à présent, Stephen, c’est assez ! c’est l’heure du thé’, comme s’il s’agissait de deux enfants, alors Sir Philip se redressait, se dégageait de Stephen, après quoi il embrassait la maman de Stephen. » (idem, p. 21) ; « Sir Philip aimait Stephen, l’idolâtrait. » (idem, p. 23) « Stephen adorait son père […] ; il faisait partie d’elle-même […] elle ne pouvait envisager le monde sans lui. » (idem, p. 24) Quand Anna tente d’empêcher l’incestueux couple à trois – le fameux « trouple », ou triangle œdipien papa/maman/enfant – (« Stephen, ma propre enfant… elle s’est jetée entre nous » dit-elle à son mari), Sir Philip la renvoie à sa responsabilité : « C’est vous-même qui l’avez jetée entre nous, Anna. » (idem, p. 148)

 

Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, s’imagine en amant miniature dormant sur le gazon puis le torse velu de son père. On ne sait pas trop s’il s’agit de son père réel dont il n’a aucun souvenir (il semble se rappeler d’un souvenir d’enfance quand il avait 2 ans et qu’il était blotti contre lui : « Je m’endormais sur son torse. Il était hyper poilu. ») ou bien s’il s’agit de son père fantasmé, cinématographique. Sûrement les deux.

 

Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, le jeune Franz se met en « couple » avec Léopold, de quinze ans son aîné. Il lui raconte que, lorsqu’il était adolescent, il avait rêvé que son beau-père (le nouveau mari de sa mère, avec « ses grandes jambes de footballeur ») pénètre dans son lit et lui fasse l’amour : « Puis il est venu dans mon lit. J’avais l’impression de devenir de plus en plus petit. Comme une fille. Puis il est rentré en moi. » Et plus tard, s’il a des enfants avec sa copine Ana, il dit qu’il les appellera « Franz et Leopold »…

 

Dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, John, jeune homme de 15 ans, est amoureux d’un papy de 70 ans, Mr Carter : il lui écrit des lettres d’amour, essaie d’attirer son attention par tous les moyens… et sans succès. Dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont, le protagoniste homosexuel « nique » avec « beau papa » et finit par lui faire une éjaculation faciale ; plus tard, il se rend sur un site internet nommé Le Syndrome de Stockholm, dans lequel on peut retrouver la trace de son violeur : « Quand j’étais enfant, j’ai été violé. Franchement, c’était génial. Et ce site m’a permis de retrouver la trace de mon violeur. Et je suis drôlement content d’avoir retrouvé mon grand-père ! »

 

Dans le roman L’Amant des morts (2008) de Mathieu Riboulet, la première phrase commence par l’aveu de l’inceste paternel du héros, Jérôme, 16 ans, qui ensuite deviendra homo : « Tout commence avec le père. Avec le commerce sexuel d’un père avec son fils, tout juste adolescent. Un père bûcheron de la Creuse, à la sex/sensualité brute, quasi primitive. C’était arrivé un jour, au petit matin, sur le carreau de la cuisine, et le fils, que son père bichonnait depuis sa naissance, s’était laissée prendre sans réticence. […] Le père de temps en temps couchait avec le fils. Le fils de temps en temps couchait avec le père. » Dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, Marcel est amoureux de son oncle homo Alain ; il s’imagine même faire l’amour avec lui pendant la nuit ! : « Il passa de plus en plus de temps devant son écran, se créant tout un univers de rêve. Il avait ainsi un père qui ne l’eut pas abandonné et une mère qui ne chercha pas tant à le contrôler en voulant trop le protéger. Son oncle n’hésiterait pas à lui offrir son corps et sa beauté, car Marcel adulait son oncle, homme séduisant toujours entouré de beaux mecs aussi attirants que lui. Il lui arriva souvent de se branler en rêvant à ce type au charme irrésistible qui dormait dans la chambre d’à côté, ou en train de lui faire l’amour. » (p. 19)

 

Dans l’œuvre du dramaturge argentin Copi, le traitement de l’inceste comme facteur d’homosexualité passe par le motif récurrent de la relation conflicto-fusionnelle mère/fille. « Voici la mère de Lou, mère-fille ou fille-mère, la Reine de l’Atmosphère ! » (Martin dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) On a avec lui l’illustration qu’une possessivité maternelle peut encourager la recherche fiévreuse et passionnelle d’un père absent.

 

Dans certaines œuvres homosexuelles, les jeux de mots et les calembours coquins sur l’inceste s’enchaînent : « Un zeste de citron dans l’eau… » (cf. la chanson « Veni Vedi Vici » d’Alizée) ; « Hello, helli, t’es à moi… Lolita » (cf. la chanson « Moi… Lolita » d’Alizée) ; « Qu’aussitôt, tes câlins/Cessent toute ecchymose […] Optimistique-moi, papa. » (cf. la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer) ; « Pense à ton père. » (Robbie incitant Ezri à pénétrer Effi, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; etc.

 

Généralement, le personnage homosexuel idéalise ses parents pour mieux se substituer à eux ; et inversement, ses parents le mûrissent excessivement et font passer cet abus pour une confiance et une responsabilisation incroyables. Il arrive très fréquent que les coming out entre le père et le fils adultes se croisent, voire même que le père et le fils aient une liaison amoureuse ensemble ! « Je pense à mon oncle souvent. Lui, il vivait chez sa maman. » (un protagoniste homo à propos de son tonton gay et mort du Sida, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Je comprends, car avant, j’étais moi aussi homosexuelle. » (Marina à son fils homo Fred dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Moi-même, j’avais eu pour amant, il y a bien longtemps, un homme mature. » (Randall, père du héros homosexuel Chris, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 235) ; « J’ai couché avec ma mère. » (l’héroïne lesbienne à Bérénice, dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) ; « Ma femme sait tout de moi, et notre fils […] saura tout lui aussi. Et il apprendra à respecter les autres et à se respecter lui-même. » (cf. la phrase de conclusion du père homo, dans le film « Alang Lalaki Sa Buhay Ni Selya », « The Man In Her Life » (1997), de Carlos Siguion-Reyna) ; « Peut-être que mon père se maquillait un petit peu moins [que moi]. » (Roberto le trans dans la pièce Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphan Druet) ; « Si ces pulsions animales sont génétiques, ça ne peut venir que du côté de ton père. » (la mère parlant à sa fille Bénédicte de l’homosexualité de son fils Laurent, dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Vous savez que chez moi (faire l’amour à sa mère) c’est une coutume ? » (Jarry dans son one-man-show Atypique, 2017) ; etc. Par exemple, dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Vincenzo est obsédé par le qu’en-dira-t-on à propos de l’homosexualité de son fils Antonio : dans les lieux publics, il est persuadé que tout le monde l’a identifiée et en rient. Il s’est complètement identifié à la caricature qu’il s’est faite de son fiston.

 

 

Film "Big Mama, de père en fils" de John Whitesell

Film « Big Mama, de père en fils » de John Whitesell

 

Le père et le fils sont tous les deux gays dans la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « The Boy Next Door » (2008) d’un réalisateur inconnu, la pièce Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz (Henri et son père), le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson (Marcel et Arthur Proust), le film « Crustacés et coquillages » (2005) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec Marc et son fils Charly), le film « A Ferret Calles Mickey » (2003) de Barry Dignam, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le film « Odd Sock » (2000) de Colette Cullen (une mère et son fils se révèlent mutuellement leur homosexualité autour de la machine à laver familiale), le film « Un Arrangement » (1998) de Didier Blasco, le film « Le Langage perdu des grues » (1991) de Nigel Finch, le roman Las Locas De Postín (1919) d’Álvaro Retana (avec Polito et son père), le film « Quelque chose en son temps » (1965) de Roy et John Boulting, le film « La Résidence » (1969) de Narciso Ibañez-Serrador (la « fille à pédés » lesbienne surprotège son fils unique gay), le film « Père, Fils » (2003) d’Alexandre Sokourov, le film « Simon, El Gran Varón » (2002) de Miguel Barreda, le film « Respire ! » (2004) de Dragan Marinkovic (où le père et la fille sont homosexuels), le film « Caresses » (1997) de Ventura Pons, le film « Merci… Dr Rey ! » (2001) d’Andrew Litvack, le film « Burlesk King » (1999) de Mel Chionglo, le film « Choujue Dengchang » (2001) de Cui Zi’en, le film « La Rivière » (1996) de Tsai Ming-liang, la B.D. Dads And Boys (2007) de Josman (avec des images crues d’un père et d’un fils qui couchent ensemble, parfois avec le grand-père en prime !), etc.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

« Ton père est différent des autres pères. » (le père, travesti M to F, faisant son coming out à son fils Peter, dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau) ; « Moi aussi, j’ai une préférence pour les garçons. » (le père du transsexuel M to F Jessica, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « Je dirai que ton père était un pédé. » (Hervé Nahel lors de son concert aux Sentiers des Halles le 20 novembre 2011) ; « Si ce que j’aime le plus au monde est gay, alors moi, je suis… [Rideau. Toute dernière réplique de la pièce] » (le père de Chris, le héros homosexuel en couple avec le joueur de foot dont son père est fan, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Je suis le père d’Howard et je suis gay ! » (le père d’Howard, le héros homosexuel, en soutien pour son fils homo privé de son titre de meilleur prof de son lycée, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Homos de père en fils depuis cinq générations ! » (Francis, le héros homosexuel de la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt) ; « Dans la famille, on est gays de père en fils ! » (le père homo d’Henri, le héros qui feint l’homosexuel, dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz) ; « C’est pas parce qu’elle avait de la moustache que c’était un gars. » (la grand-mère de Rodolphe, lui parlant de son père qui serait allé vers sa mère parce qu’il aurait cru que c’était un homme, dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand) ; « Depuis l’armée, j’ai toujours pensé qu’il avait été un peu fiottasse. » (idem) ; « Le plus délicat, c’est de faire son coming out à son père. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Qu’est-ce que je vais trouver ? Peut-être que c’est un marin, un cow-boy dans un ranch, un hippie, un travesti, un taulard ou bien qu’il vend des armes. Va savoir ? » (Phil, le héros homo, parlant de son père inconnu qu’il va rejoindre aux États-Unis, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; « Tel père tel fils. » (Grace, la mère folle de John le héros homo, à propos de l’homosexualité de ce dernier, dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; etc.

 

Film "Beginners" de Mike Mills

Film « Beginners » de Mike Mills


 

Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, pères et fils ont tous en couple homosexuel : nous est dépeint un monde sans différence des sexes, où la différence des générations s’est substituée à la différence des sexes à travers le clonage. Dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, la mère se présente comme « l’amie » de son fils homo Bruno, et rêve finalement qu’elle forme un couple lesbien avec la Tante Claudette. Dans le film « Kazoku Complete » (« La Famille au grand complet », 2010) d’Imaizumi Koichi, Shusaku a des relations sexuelles avec Koichi, son père. Dans le film « Uncle David » (2010) de Gary Reich, Ashley et son oncle ont une liaison. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Georges de la Ferrinière, le présentateur télé, et son fils homo Éric, découvrent qu’ils ont tous les deux le même amant : Jean-Loup ! Dans la pièce Moi aussi, je voudrais avoir des traumas familiaux… comme tout le monde (2012) de Philippe Beheydt, Eddy rêve, en tant qu’acteur, de jouer une Princesse byzantine, et que son « fils » Édouard soit gay (d’ailleurs, il lui offre le livre Père manquant, fils manqué). Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, Vidvn suce le sexe de son père Mimile. Dans le film « Ma Mère préfère les femmes (surtout les jeunes…) » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman, Sofía aime les femmes de l’âge de ses filles, et ces dernières se demandent si elles ne sont pas, elles aussi, lesbiennes comme leur mère. Dans le film « Beginners » (2010) de Mike Mills, quand Hal, un homme âgé, fait son coming out à son fils Oliver, cela provoque chez ce dernier énormément d’interrogations… Dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, David, homosexuel de 15 ans, est adopté par le couple homosexuel Ed et Arnold. Dans le film « Días De Boda » (2002) de Juan Pinzás, on apprend que Rosendo, le marié, et son beau-père ont eu une liaison homosexuelle. Dans le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, Rachel, l’héroïne lesbienne, rêve qu’elle fait l’amour avec sa propre mère, au moment du coït avec sa copine (les visages se transposent les uns aux autres). Dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, Scott s’imagine faire l’amour à sa mère. Dans la pièce La Reine morte (1942) d’Henry de Montherlant, la relation entre le père (le roi Ferrante) et son fils (Don Pedro) est très ambiguë : « Vous savez bien que je vous aime » dit Don Pedro à son père ; « On devrait pouvoir rompre avec ses enfants comme on le fait avec ses maîtresses » rétorque ce dernier. Dans le roman El Día Que Murió Marilyn (1970) de Terenci Moix, Jordi et son oncle sont tous deux homos. Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc est homosexuel comme son oncle Édouard. Dans le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, Andy va « tailler une pipe » à son père dans les toilettes. Dans le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, Brad, le héros, vit dans un monde où l’homosexualité est la norme sociale, et où son père comme sa mère vivent chacun en couple homosexuel de leur côté. Dans le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, Zac, le héros gay, aperçoit avec effroi (et comme un « flash ») son père en tant que client régulier dans la boîte gay qu’il a coutume de fréquenter ! Dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Rolf, le personnage bisexuel, a un oncle homosexuel, Peter, « celui qui vit dans la forêt, l’excentrique de la famille » (p. 62). Dans le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan, Sybille a surpris sa mère Helen au lit avec sa tante Judith. Dans le film « The Parricide Sessions » (2007) de Diego Costa, Diego tente de convaincre son propre père de jouer devant sa caméra le rôle de ses différents amants. Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, on apprend que « L. » s’est fait sodomiser par son père avant qu’elle/il ne l’étrangle avec ses bas de soie. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, la tante d’Omar a dit à son neveu – qui dort avec des poupées – qu’« il était exactement comme son père »… et on découvre que Ralph, le père en question, est secrètement homo. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, la mère de Reggie (l’un des personnages homos) est homosexuelle comme son fils… ce qui fait mourir de rire ses comparses LGBT. Dans l’« Histoire de Kamaralzamân avec la Princesse Boudour » des Mille et une Nuits, « l’homosexualité latente du père à l’égard du fils et du fils à l’égard du père, est fortement indiquée. » (Christian David, « Les Belles Différences », Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 382) Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon raconte comment elle a fait son coming out auprès de ses parents ; face aux larmes de tristesse de son père, elle décrit celui-ci comme un semblable d’orientation sexuelle : « Arrête, papa. On dirait un pédé ! » Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Nicolas, en couple avec son demi-frère, rend responsable son père décédé de leur homosexualité à tous les deux (et, du coup, à tous les trois !) : « Tu vas voir tes deux fils s’aimer. Mais tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. » Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, après que Simon a révélé à son père son homosexualité, ce dernier, pour montrer qu’il est ouvert et qu’il accepte son fiston tel qu’il est, lui propose sérieusement de l’aider à trouver avec lui l’âme-frère : « On pourrait peut-être s’inscrire sur Grindr ensemble… »

 

Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, on assiste à un spectaculaire coming out croisé entre père et fils. Sammy, le père d’Elio (jeune homo de 17 ans), a deviné l’aventure homosexuelle qui a impliqué son fils et son collègue de travail Oliver (la trentaine). Sammy non seulement encourage son fils à l’homosexualité (en lui assurant que ce qu’il a vécu avec Oliver était « bien plus qu’une magnifique amitié ») mais en plus lui dit qu’« il l’envie », et que même s’il s’est marié à 30 ans avec sa maman, il a failli faire son coming out : « Je n’en ai pas été loin… » Sidérant. Elio demande à son père si sa mère est au courant de son homosexualité secrète… et ce dernier dit qu’il « ne croit pas ».
 

Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, Raymond découvre que son père, Marcel (70 ans), s’est marié avec un homme, Dominique, et s’inquiète de se découvrir lui-même homosexuel… et son homosexualité est latente : « J’espère que ce n’est pas héréditaire. Parce que je ne suis pas du tout comme ça ! Mais alors pas du tout comme ça ! […] J’espère… j’espère que ce n’est pas héréditaire. » D’ailleurs, Dominique essaie de l’en persuader, en s’approchant dangereusement de lui, et en sous-entendant que Marcel et lui sont tous deux homos : « Au fond de vous, je sais que vous êtes comme lui : les mêmes attirances ! » De plus, suite à un quiproquo, Caroline, la fille de Dominique, s’imagine, en voyant Raymond, que c’est lui le « mari » de son père (donc son beau-père), et est scandalisée que son papa « ait réussi à séduire un jeune ». Elle finira par découvrir que Dominique a signé un « mariage pour tous » blanc avec Marcel, et par se mettre en couple avec Raymond, donc pour le coup son « demi-frère » par alliance. L’incestuel arrive à son paroxysme dans cette pièce.
 

Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Yiorgos découvre avec horreur que Strella, l’homme transsexuel de 25 ans avec qui il a couché et dont il commençait à tomber amoureux, était en réalité son fils… Ce dernier l’a piégé en connaissance en cause, et s’était déjà illustré dans un autre cas d’inceste, puisqu’à l’adolescence, lui et son oncle (le frère de Yiorgos) avait eu une liaison : « Les hommes plus âgés me rassurent… » avoue-t-il. Strella est même traité par ses amis homosexuels de « gérontophile ». L’un de ses collègues transsexuels, Mary, a également eu pour amant son oncle Atonis.

 

Film "Strella" de Panos H. Koutras

Film « Strella » de Panos H. Koutras


 

Dans la violence de la répression de l’homosexualité de son fils, on lit parfois chez le père fictionnel une homosexualité latente : c’est le cas par exemple dans le film « Gun Hill Road » (2011) de Rashaad Ernesto Green (entre Enrique et son fils trans Michael), le film « K@biria » (2010) de Sigfrido Giammona (entre Giovanni et son fils gay Francesco), le film « Le Fils préféré » (1994) de Nicole Garcia, etc. « Un soir, il s’en est pris à moi. J’étais en CP, j’avais ramené un bulletin de notes un peu moins bon que d’habitude. Il m’a mis tout nu, m’a allongé sur le lit… j’étais terrifié. Il a défait sa ceinture et a commencé à me frapper, sans tenir compte de mon âge, comme si j’étais un adulteou un criminel. Mais le bulletin, ce n’était qu’un prétexte. Il trouvait que j’avais l’air efféminé. À six ans ! Il me traitait de petit pédé, qu’il allait faire de moi un homme. » (Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 422) Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, Alba, avant de se découvrir lesbienne, a jeté son fils Roberto dehors parce qu’il était homo. Dans le film « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues, au moment ou Ze María, le héros homosexuel, tue son copain d’une balle, il dit symboliquement que « son père est mort » ; il avouera après à ce dernier (qui est trans) : « J’ai tué un pédé comme toi qui méritais pas de vivre. »

 

Pièce "Gai Mariage" de Gérard Bitton et Michel Munz

Pièce « Gai Mariage » de Gérard Bitton et Michel Munz


 

Le personnage homosexuel critique parfois le lien d’hérédité – qu’on appelle « de dégénérescence » – qui est fait entre son homosexualité et celle de son père. « Il est exactement comme notre père, mais il le déteste. » (SDF parlant de son frère homo, dans le bâti Lars Norén (2011) d’Antonia Malinova) ; « T’as ça [= la politique ou l’homosexualité ?] dans le sang ! Tu as le sang de ton père ! » (Sofia s’adressant à Édouard le héros homo, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; etc. Mais pourtant, qui, sinon lui, a créé la causalité « homophobe » ? « Ça doit être mon père qui m’a fait ainsi ! Il était trop beau lui aussi ! Comme un gamin-papillon, j’étais fasciné par sa beauté d’homme solitaire. Peut-être que je m’y suis brûlé les ailes ! Je devrais jeter toutes ces photos que j’ai de lui ! Cesser de penser que j’aurais hérité de lui cette attirance pour les garçons. Un désir refoulé qu’il m’aurait transmis en quelque sorte. Et tout cela, parce qu’il nous prodiguait, à moi et à mon petit frère, la tendresse de la mère perdue. » (Malcolm dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 60) ; « Que signifiait le baiser qui l’avait tant troublé : défi, ou mépris ? L’homme les avait-il pris, son père et lui, pour des invertis ? » (le héros homos de la nouvelle« À l’Ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 31) ; « Allais-tu me ressembler ? Si tu étais un garçon, aurais-tu les mêmes goûts que moi ? » (Bryan, le héros homo ayant fait « accidentellement » un enfant à son amie Stéphanie, et parlant à son fils qui vient de naître dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 402) Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, l’argument de la dégénérescence revient sur le tapis : le personnage gay de Pédé, qui a déjà un fils homosexuel, n’est pas ravi d’apprendre que Lou, la fille qu’il a abandonnée pendant 17 ans, est également homosexuelle : « Trois folles dans la famille ! »

 

L’inceste ne concerne pas que les rapports familiaux. Il s’élargit ensuite à l’écart d’âges entre les deux partenaires adultes du « couple » homosexuel : cf. le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall (entre Mary et Stephen), le film « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh (entre Scott et Liberace), le film « Le Derrière » (1998) de Valérie Lemercier (entre Francis et Pierre), le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure (entre Cédric et Laurent), etc. « J’ai été surpris par le nombre de jeunes, des mecs d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années, cherchant expressément des partenaires de plus de 45 balais. » (Michael parlant des rencontres Internet, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 17) ; « Dans certaines tribus de Nouvelle-Guinée, dans le cadre de rite d’initiation, on impose à de jeunes garçons de pratiquer des fellations sur leurs oncles ou leurs pères… Ah ben y’a beaucoup de papous alors, en France, non ? » (le comédien de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, pp. 92-93) ; « À part un Roi de la pédale [comme vous], j’vois pas qui aurait pu prendre des vieux queutards. » (les flics s’adressant à Armand, le héros homo de 43 ans, initialement attiré que par les hommes plus mûrs et plus vieux que lui… mais qui, pendant l’intrigue, finira par s’accoupler avec une petite jeune de 16 ans ; l’attraction pour les vieux va paradoxalement avec l’attraction pédophile ; c’est ce qui conclure au flic qui arrête Armand : « Le fait que vous aimiez les vieux m’incite à penser que vous aimez aussi les jeunes filles. ») ; « C’est pour ça que Lili c’est mon deuxième papa. » (une patiente lesbienne, accouplée à la vieille Lili, sa compagne de 73 ans, dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Le Zizi de Billy », les amants se traitent mutuellement de « neveu » et d’« oncle » (« Tu es mon oncle bien aimé ? » ; « Et toi, t’es mon neveu bien aimé ? »). Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William sort avec un homme marié, Georges, qui a le double de son âge. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris sort avec un homme (Ruzy) pendant que son père sort avec une nana de 15 ans : « À 15 ans, c’est tellement mignon, tendre. » (le père de Chris) Dans le film « Il Compleanno » (2009) de Marco Filiberti, le jeune et beau Diego séduit Mateo, l’homme marié faisant sa crise de la quarantaine. Dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, Jamie, maître nageur homo, fait en vain le bouche à bouche à un homme noyé beaucoup plus âgé que lui, et ce geste le plonge dans un profond trouble. Dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage, au départ, Jean-Louis confond le père du transsexuel M to F Jessica pour un client de celle-ci. Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, Anamika s’imagine en train de dégrafer les soutiens-gorge des femmes qui ont l’âge de sa mère ; plus tard, elle a liaison avec Linde, une mère de famille, dans les bras de laquelle elle accède à la vie d’adulte à vitesse grand V : « Toute ma vie, on m’avait appris à vénérer mes aînés. Quiconque avait cinq ans de plus que vous était un aîné. Presser les fesses de Linde enfreignait toutes les règles de la vénération. D’aînée, je la transformais en être sexuelle, en égale. Cela faisait de moi une adulte. » (p. 36) Dans le sketch « Le Couple homo » de Pierre Palmade et Michèle Laroque, Alain, 48 ans, sort avec son jeune amant brésilien Roberto, 19 ans. Dans le film « Storm » (2009) de Joan Beveridge, Jill vit en ménage avec Nicky, une femme qui a l’âge d’être sa fille (… et qui finira d’ailleurs avec la fille de Jill, Tasha !). Dans le film « Tell Me A Memory » (2010) de Jon Bryant Crawford, Jack tombe amoureux de Finny, un grand-père beaucoup plus âgé que lui, et qui a la maladie d’Alzheimer. Dans la publicité Renault « Bien dans son époque, bien dans sa Twingo », un jeune homme drague un travesti qui a l’âge d’être son père. Dans son roman Je vous écris comme je vous aime (2006), Élisabeth Brami essaie de nous faire avaler une grosse couleuvre : la beauté de l’histoire d’amour entre deux femmes mariées, ayant 30 années d’écart (Gabrielle, 80 ans, et Émilie, 50 ans) : « Pourquoi cette femme, de trente ans plus jeune qu’elle, a pris en un soir une telle place ? » (Gabrielle, p. 12) Pourquoi… On se demande, en effet… Pour parachever l’invraisemblance de cette intrigue, c’est bien sûr la plus jeune qui se montrera la plus demandeuse et la plus accro à alimenter la liaison épistolaire avec la plus âgée.

 

Les rapports homosexuels entre personnes de générations différentes sont parfois facilités/forcés par l’argent et les règles tacites de la prostitution. Par exemple, dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel se rend chez un de ses voisins d’immeuble et se déshabille devant lui… alors que celui-ci a l’âge d’être son papy. Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, tente de draguer le jeune barman du resto qu’il fréquente.

 

Film "Chacun sa nuit" de Pascal Arnold

Film « Chacun sa nuit » de Pascal Arnold


 

Enfin, nombreuses sont les œuvres de fiction homosexuelles où revient l’histoire incestueuse de Peau d’âne (cf. la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, le film « La Mante religieuse  » (2014) de Natalie Saracco, le film « Naissance des pieuvres  » (2007) de Céline Sciamma, etc.) ou d’Œdipe (cf. la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, l’opéra-oratorio Œdipus Rex (1927) d’Igor Stravinski, le film « Edipo Re » (1967) de Pier Paolo Pasolini, etc.). « Tu es très belle avec ton poncho qui sent l’âne. » (l’héroïne lesbienne à Bérénice, dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) Par exemple, dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, Lacenaire se compare à Œdipe.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

« Mais l’amour n’a pas d’âge, enfin ! »

 

Même dans la réalité, inceste et homosexualité se rencontrent parfois, même si je n’appuie absolument pas la thèse de la dégénérescence ni de la transmission génétique de l’attirance homosexuelle. Je prends aussi le terme « inceste » dans son sens large et étymologique (incastus : ce qui est non-chaste), c’est-à-dire que je considère incestueuse/incestuelle toute relation où prédomine le rêve de fusion, de possession de l’autre, où l’espace nécessaire à la différence et à la relation/union n’est pas respecté.

 

B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi (cf. planche "Le Gai-Pied")

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi (cf. planche « Le Gai-Pied », revue homo)


 

Certaines personnes homosexuelles ont réellement subi l’inceste dans leur adolescence, et celui n’a pas été opéré nécessairement par des hommes, d’ailleurs : « En général 2% des statistiques sur l’inceste mentionnent des actes mère/fils. » (Daniel Welzer-Lang, Le Viol au masculin (1988), p. 190) ; « J’ai été retrouvé la Femme lunaire. Elle m’a confié comment elle avait été violée par son père. » (Simone de Beauvoir, parlant de son amante « la femme lunaire », dans une lettre rapportée dans la pièce-biopic Pour l’amour de Simone (2017) d’Anne-Marie Philipe) ; etc. Dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, Jean-Philippe (28 ans) est homosexuel et a subi les abus d’un oncle de 9 à 16 ans ; André (33 ans), sodomisé sauvagement par son père à l’âge de 13 à 16 ans, se dit à l’âge adulte d’orientation homosexuelle.

 

Lors de mes voyages et entretiens avec les personnes homosexuelles libanaises et martiniquaises en avril-mai 2013, j’ai été frappé de voir combien, dans des sociétés si culturellement peu préparées à accueillir la reconnaissance du désir homosexuel, il y avait à la fois beaucoup de pratique homosexuelle clandestine et beaucoup de cas d’inceste dans les familles.

 

À propos de l’inceste au sein du cadre homosexuel, il n’est pas nécessairement caché par le père, ni subi par le fils, surtout quand ce dernier arrive à maturité d’adulte. Quand il a lieu, en général, le père et le fils se flattent l’un l’autre de gommer leur différence générationnelle et leur lien du sang, en toute bonne foi. Par exemple, dans les synonymes d’« homosexuel », on trouve « daddy » (= papa), un terme très affectueux. Comme de par hasard… L’éloignement et la négation du Réel, par la violation de la différence des générations, prend chez certains père et fils une dimension poétique, ludique, littéraire, affective. Par exemple, le père d’André Gide, appelait souvent son fils « mon petit ami ». Dans le reportage « Les Fioretti de Pier Paolo Pasolini, 1922-1975 » (1997) d’Alain Bergada, le réalisateur italien Pier Paolo Pasolini dit avoir éprouvé étant jeune « un amour sensuel pour son père urinant dans un fossé ». Dans le documentaire « Cocteau et Compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier, le poète français Jean Cocteau sous-entend que son père était homosexuel comme lui, et qu’il s’est suicidé pour cette raison : « Le pédéraste reconnaît le pédéraste… » Dans le film « Family Outing » (2001) de Ben McCormack (présenté comme une histoire basée sur des faits réels), un jeune adulte découvre que l’homme mûr qu’il vient de sucer à travers un glory hole n’est autre que son père ! (la seule réplique qu’on entendra juste avant la fin de ce court-métrage, c’est l’exclamation du fils face à son amant : « C’est toi papa ? »)

 

Article Têtu de mars 2021

Il est possible que dans des familles où l’homosexualité se déclare, le père et le fils se soient trop rapprochés de s’être trop vite évités : « Mon époux aimait bien Jimmie. Je crains même qu’il ne l’ait trop aimé. » (Mrs Sewell en parlant de son fils homosexuel Jimmie, citée dans l’autobiographie Palimpseste – Mémoires (1995) de Gore Vidal, p. 48) ; « De là à ce que j’aie pensé, depuis mes toutes premières années, qu’il valait mieux être un homme qu’une petite fille pour lui plaire, il n’y a qu’un pas à franchir. » (Paula Dumont, écrivaine lesbienne, à propos de sa mère, dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), p. 35) ; « L’homosexualité féminine se dissimule encore plus que l’homosexualité masculine parce qu’elle touche au tabou le plus ancré chez tout être humain à savoir celui qui touche au corps de la mère. » (idem, p. 86) ; « J’ai besoin d’érotisme à cause du corps de ma mère, de sa vie. Souvent elle disait : ‘Je t’y prends !’ à faire ceci cela. Me surveillant. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), pp. 61-62) ; « Mon grand-père était un homme au sexe proéminent. […] Pendant longtemps, j’ai été jaloux de ma mère à cause de mon grand-père. » (Reinaldo Arenas, Antes Que Anochezca (1992), p. 31) ; « Quelques images me reviennent : il est assis dans l’auto. Son pénis est sorti. Il a une érection. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 244) ; « Nous rejoignons dans la nuit le lycée qui est à 20 km, route de Carhaix, celle de l’accident [de mon père]. C’est la chanson de Charlotte Gainsbourg avec son père, ‘Lemon Incest’ : ‘Je t’aime, je t’aime, je t’aime plus que tout…’, je suis certain d’avoir envie de pleurer […]. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 88) ; « Quand mes frères et sœurs s’étonnaient de mon absentéisme, ma mère le justifiait par le fait que j’étais l’aîné et qu’elle avait besoin de moi pour accomplir certaines tâches. Un peu comme on le dit d’un mari. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 18) ; « Je fais en sorte de rentrer tard pour éviter cette impression de vivre en couple avec elle… » (idem, p. 90) ; « Coco devait avoir cinquante-six ou cinquante-sept ans, mais l’idée d’inceste  avec un fils fictif remplissait son imaginaire érotique. » (Alfredo Arias dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 94) ; « C’est vrai, je suis un fantôme très sensuel. J’aime caresser les êtres chers. C’est vrai, j’aime caresser les jambes de mes filles, leurs seins. Je me permets même de caresser le sexe de mon fils. Un fantôme peut accéder aux désirs les profonds, n’est-ce pas ? » (la grand-mère d’Alfredo à son petit-fils, idem, p. 164) ; « On est descendus sur la terrasse pour sentir la fraîcheur de la nuit et on a entendu une voiture s’arrêter. On s’est déplacés silencieusement pour espionner. On a vu le beau garçon, l’athlète qui faisait de délicats dessins de fleurs. Il faisait chaud. Il était presque nu dans la voiture. Sa peau brillait, recouverte d’une fine pellicule de sueur. Le conducteur de la voiture était un homme plus âgé, aux cheveux blancs. Ils se sont embrassés sur la bouche. Et tu m’as dit que c’était son père. » (Alfredo à sa grand-mère, idem, p. 165) ; « Ma mère comptait tellement pour moi. J’ai passé ma vie à la séduire. »  (une femme lesbienne de 70 ans, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Faut que je te dise aussi un truc, c’est que je t’aime et que t’es mon fils, quand même, mon premier gamin. Je n’avais pas trouvé ça, comme on pourrait le penser, beau et émouvant. Son ‘je t’aime’ m’avait répugné, cette parole avait pour moi un caractère incestueux. » (Eddy Bellegueule citant son père, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 58) ; « Ton père il a un sacré engin. » (la mère à Eddy Bellegueule, op. cit., p. 77) ; « L’impudeur de mon père. Il disait aimer être nu et je le lui reprochais. Son corps m’inspirait une profonde répulsion ‘J’aime bien me balader à poil, je suis chez moi je fais ce que je veux. Jusqu’alors dans cette maison c’est moi le père, moi qui commande’. » (Eddy Bellegueule, idem, p. 77) ; « Je pourrais également être prostitué – et même travesti, navré si cela vous choque. Violé à l’âge de 12 ans, j’ai grandi dans une famille où l’inceste était monnaie courante. Les hommes de mon enfance – à commencer par mon père – n’étaient pas à la hauteur. Pire, ils auraient dû me dégoûter d’être un homme. » (Père Jean-Philippe, Que celui qui n’a jamais péché… (2012), p. 17) ; etc.

 

Planche "Les Comme ça" de la B.D. "Le Monde fantastique des Gays" de Copi

Planche « Les Comme ça » de la B.D. Le Monde fantastique des Gays de Copi


 

Dans l’émission C’est mon choix diffusée sur la chaîne Chérie 25 sur le thème « Elles ont osé sortir avec des personnes de la même famille », Léa, une femme trentenaire qui a d’abord collectionné les aventures masculines en sortant avec deux hommes qui étaient l’un vis-à-vis de l’autre oncle et neveu, s’est découverte lesbienne et est désormais en couple avec une femme. Face à l’étonnement du public, elle sort par provocation : « J’aurais dû me taper la mère ! »
 

Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, et son père Mathias se traitent mutuellement de « bitch » (« Bitch toi-même. » lui répond Mathias), et dorment ensemble dans le même lit. Le spectateur met d’ailleurs un temps fou à comprendre que Mathias est le père de Lara.
 

Il arrive que les coming out entre le père et le fils adultes se croisent, voire même que le père et le fils aient une liaison amoureuse ensemble ! « Mon coming out est devenu l’outing de papa. » (Stéphane dans la revue Têtu, n°130, février 2008, p. 134) ; « Ma mère passait la soirée chez la voisine. Elle rentrait ivre avec la voisine, elles se faisaient des blagues de lesbiennes ‘Je vais te bouffer la chatte ma salope.’ » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 66) ; « Je suis né auprès de deux soixante-huitards militants. J’ai eu une enfance très très heureuse et très très libérée. Mon père est quelqu’un extrêmement excentrique. C’est un peintre. Il m’a dit qu’il avait probablement des tendances homosexuelles cachées. » (Jonathan, séropositif et homosexuel, dans le documentaire « Prends-moi » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; etc. Des exemples connus de familles où le père et le fils sont homos tous les deux ne sont absolument pas rares : cf. la famille Ackerley (père et fils homos), la famille Mann (Thomas, Klaus, et Erika), la famille Schwarzenbach (mère et fille lesbiennes), la famille Burrough (mère et fils), la famille Éribon (oncle et neveu), etc.

 

Il est étonnant de voir, même si cela n’a rien de systématique, qu’il y a beaucoup de familles où l’homosexualité est ressentie chez les parents ET chez les enfants. J’en connais personnellement beaucoup ! Ce n’est pas mathématique, ce n’est pas génétique, ce n’est pas automatique, ce n’est pas statistique, ce n’est pas publicitaire (surtout dans les débats actuels sur l’adoption)… mais je crois aux influences des modèles médiatiques/concrets qu’on propose (je n’ai pas dit « qu’on impose ») à un enfant. Par exemple, en assistant au débat « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s, le samedi 10 octobre 2009, à la Salle des Fêtes de la Mairie du XIème arrondissement de Paris, un père témoignait publiquement – et presque avec fierté – de son homosexualité et de celle de son enfant : « Heureusement que je m’accepte en tant qu’homo parce que… ça fait 10 ans que ma fille vit avec une fille. » Apparemment, cela n’a interrogé personne. Pas même les concernés…

 

Ce coming out couplé, une fois deviné, n’est pas toujours bien accueilli par les deux parties… car l’effet-miroir peut être violent… peut même être le signe du viol même ! Par exemple, dans son ouvrage Les Deux Prostitutions (1889), François Carlier évoque le cas d’un fils parricide qui tua son père ayant abusé de lui : « Lintz, qui fut exécuté à Versailles le 31 mai 1882, après avoir porté à son vieux père les premiers coups de couteau, le traîne à terre et, avant de l’achever, se rend coupable sur lui du crime de viol. »

 

Dans la biographie Ramon (2008), Dominique Fernandez fait la prouesse de retracer la vie de son père. Ce dernier a écrit en 1924 un roman intitulé Philippe Sauveur et qui traitait d’homosexualité. Son fils s’en étonne encore, même s’il laisse échapper quelques indices d’homosexualité latente chez son père, qui était pourtant un homme marié et un coureur : « Écrire sur l’homosexualité, à cette époque, quand on était soi-même, ou qu’on passait pour l’être, un homme à femmes ! Quelle étrange curiosité poussait l’apprenti romancier ? Il est sans exemple, autrefois comme aujourd’hui, qu’un écrivain ait abordé ce sujet sans être lui-même de la famille ou tenté d’y entrer. Que devais-je donc penser ? […] Ce n’est pas que je craignais de me découvrir un père homosexuel, ou n’ayant échappé que de peu à l’inversion. Non, je redoutais plutôt le contraire : que l’inversion n’eût été pour lui qu’un objet de curiosité intellectuelle et que, comme la plupart des gens qui la considèrent du dehors, il n’y eût rien compris. » (pp. 129-130) L’homosexualité paternelle de Ramon Fernandez, habillée du vernis de l’hétérosexualité, ne semble pourtant pas faire de doutes puisque Louis Aragon a assuré à Dominique qu’il avait surpris son père au lit avec Drieu de la Rochelle. Et un peu plus tard, Dominique Fernandez semble corroborer cette thèse : « Question à laquelle je ne pourrai jamais répondre : sorti de l’adolescence, mon père avait-il renoncé aux liaisons homosexuelles ? Mûri, puis marié, eut-il encore des aventures ? » (p. 143) D’ailleurs, ce qui semble avoir facilité la transmission générationnelle d’homosexualité, c’est la rupture incestuelle qu’a imposée la mère entre le père et le fils : « J’avais intériorisé l’interdit maternel. […] Amoureux de mon père, je l’ai toujours été, je le reste. Ma mère, je l’ai admirée, je l’ai crainte, je ne l’ai pas aimée. Lui, c’était l’absent et c’était le failli, l’homme perdu, sans honneur. C’était le paria. » (idem, p. 45) ; « J’aimais mon père, j’en étais amoureux, mais c’était un amour interdit, qu’il me fallait refouler, nier, piétiner dans mon cœur – au point d’être incapable de m’intéresser à la vie de on père, incapable de l’écouter s’il parlait. » (idem, p. 36) ; etc. « Ramon Fernandez, à en croire son biographe de fils, Dominique Fernandez, est un ‘homosexuel raté’ incapable d’assumer son ‘orientation sexuelle’ comme on dit aujourd’hui. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 203)

 

Il existe un lien fort entre inceste et homosexualité (ou inceste-divorce-coming out), même si bien évidemment, les ponts entre le rejet de la différence des sexes (par l’homosexualité) et le rejet de la différence des générations ne sont pas causaux ni toujours flagrants. Je vois ce lien à travers l’étrange traumatisme – et le ravissement de ce traumatisme – que crée le coming out d’un père sur sa fille de sang, par exemple. Un traumatisme proche du flou incestueux/incestuel. Dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » (diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013), nous en trouvons plein d’illustrations. À travers certains binômes filiaux, on nous fait croire que la relation « fusionnelle » et de copinage entre père homo et fille biologique de ce dernier (ils discutent « mecs » ensemble, font du shopping et se conseillent vestimentairement) peut très bien se substituer à l’union conjugale passée du père et de la mère biologiques (à présent séparés ou divorcés) grâce au coming out, grâce à l’homosexualité, grâce à la fusion père homo-fille hétéro. La séparation ou la rupture conjugale est maquillée et surinvestie en fusion filiale homosexualisée/asexualisée. Et cela provoque dans bien des cas chez « l’enfant embarqué dans l’homosexualité par géniteur interposé » un trouble proche de l’expérience de l’inceste ou du divorce ou de la répudiation ou du viol : « Par la suite, j’ai eu des oublis par rapport à mon enfance et tout ce qui s’est passé à ce moment-là. […] Toute cette période, je l’ai effacée. Je n’ai pas de notion de temps. […] Ça n’a pas été un souci pour moi. […] J’ai quelques séquelles de tout ça, même si je l’ai toujours bien pris et que ça se passe très bien… mais j’ai des séquelles dans ma vie de femme. Et ça, par contre, je peux pas vraiment en parler avec lui. Pour moi, tous les hommes sont un peu homosexuels, donc c’est un peu compliqué tous les jours. » (Amandine, femme quarantaine qui, à 19 ans, a appris que son père était homosexuel, dans l’émission citée.) Certains fils de parents homos finissent parfois bisexuels pour survivre à la douleur de cet attachement faussé avec leur père ou leur mère homo.

 

Sans aller jusqu’à cet extrême, il n’est pas toujours facile, dans une famille, de découvrir une parenté homosexuelle. La similitude d’orientation sexuelle entre fils homosexuel et père est parfois troublante dans la réalité, non pas dans la mesure où elle serait causale ou exactement symétrique (tous les pères d’enfants homosexuels ne sont pas systématiquement homosexuels, et tous les fils homosexuels ne sont pas amoureux de leur père, bien entendu), mais parce qu’elle est imparfaitement gémellaire. Il est parfois fascinant d’observer les réactions saugrenues de certains pères au moment du coming out de leur fils, ou à l’inverse, la gêne ressentie de la part du second par rapport à son propre père. Pour vous donner un exemple personnel, j’ai le souvenir très précis, à l’époque où je me trouvais en études à Rennes (j’avais 23-26 ans), des sueurs froides qu’un ami homo de mon âge (on va l’appeler Romain) a ressenties lors de son déménagement d’appartement. Son père et sa mère l’avaient aidé à déplacer ses affaires, même pendant son absence. Et il avait eu la désagréable surprise de découvrir que son père était tombé par hasard sur un cadeau de mauvais goût que des potes gays lui avaient offert : le calendrier sulfureux des Dieux du Stade. Le papa de Romain avait embarqué sans rien dire le calendrier de son fils. Pourquoi un tel vol ? Attendait-il que son fils vienne lui réclamer l’objet du délit pour lui infliger une véritable humiliation ? Pourquoi n’a-t-il pas d’office blâmé son fils en lui rendant aussitôt son bien plutôt que de s’enfermer dans une honte bien trop personnelle et trop intime pour ne pas être révélatrice d’une blessure plus collective ? Romain n’avait pas la réponse. Et la réaction de son papa l’avait scotché. Quand il a finalement récupéré son calendrier de rugbymen à poil (avec un ballon ridiculement niché en dessous du nombril), son père s’est juste contenté d’une lamentation désespérée : « C’est un truc de fous… C’est un truc de fous… » Mais le plus amusant dans cette attitude paternelle incompréhensible (et c’est le détail qui a le plus interloqué Romain… même si je crois qu’il a préféré ne pas mener jusqu’au bout les conclusions qui s’imposaient… pour ne pas se faire trop peur, sans doute), c’est non seulement l’acte de confiscation, mais l’endroit choisi pour cacher le calendrier : le sommet de l’armoire à vêtements de la chambre à coucher parentale. Choix infantile, qui ne trahit pas pour autant une homosexualité latente chez le papa (il ne faut pas exagérer non plus), mais en tout cas qui nous montre simplement le fort rapport d’identification et d’inversion existant entre le père d’un fils homo et son fils, le lien de coïncidence entre inceste et homosexualité.

 

En ce qui concerne mon cas personnel, je me rappelle combien mon propre papa, lors de mon coming out, s’est – excessivement, mais bien naturellement aussi – interrogé sur une probable homosexualité refoulée en lui. La question de l’homosexualité travaille beaucoup les papas. Et pour cause : l’homosexualité dit une crise de la paternité, une brisure du lien filial, et certainement aussi une jalousie de l’individu homosexuel vis-à-vis de ses parents ( = la découverte qu’il ne s’est pas créé tout seul) : « La psychanalyse a mis en évidence le fantasme commun de la ‘scène primitive’, c’est-à-dire la scène de ma création, dont je suis nécessairement exclu. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 96)

 

Parallèlement à l’effet explosif des révélations familiales d’homosexualité groupées, il est curieux de voir que certains coming out confortent/camouflent les rapports incestueux dans les familles, et finalement arrangent à court terme parents comme enfants : « Va savoir ce qui s’est passé dans la tête de mon père, moi je n’en sais rien en fait. Je pense que ça a dû le troubler dans ses repères, enfin et puis finalement peut-être que ça l’arrange, je reste la fille à papa. Finalement, il n’y a plus de concurrence, quelque part je suis vraiment la fille à papa. » (Lise, femme lesbienne de 30 ans racontant son coming out à son père, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 103) Il est très facile d’utiliser l’étiquette de « l’homosexuel » comme un sparadrap pour cacher la misère. Ou celle du « couple » et de « l’amour homosexuel »…

 

Justement, parlons-en, du couple homo. L’inceste ne concerne pas que les rapports familiaux. Elle s’élargit ensuite à l’écart d’âges entre les deux partenaires homosexuels adultes (je rappelle qu’une génération, c’est 15 ans). On constate que l’inceste est souvent un choix de couple homosexuel qui s’euphémisera par la périphrase « différence d’âges ». « J’ai jamais aimé les jeunes. » (Bernard, l’un des témoins homos, affirmant qu’il n’aime que les hommes aux cheveux gris, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz)

 

Par exemple, la romancière lesbienne Pat Califia, dans des anthologies comme The Leading Edge (1987) et Macho Sluts (1988), défend des pratiques sexuelles radicales, dont l’amour sexuel entre mères et filles. Elle n’est pas la seule. D’autres (Adrienne Rich, Luce Irigaray, etc.) envisagent le lien mère/fille comme un modèle amoureux. La Comtesse bisexuelle Mathilde de Morny, dite « Missy », qui s’habillait en homme et qui est dépeinte comme la « belle mère sensuelle » dans Le Blé en herbe (1922) de Colette, était une cougar de 46 ans qui était sortie avec le jeune Bertrand de Journel, 16 ans.

 

Dans l’émission Dans les yeux d’Olivier spéciale « Les Femmes entre elles » d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011, Stéphanie, 24 ans, se met en couple avec Tina, de 20 ans son aînée. Dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Thérèse, un témoin lesbienne de 70 ans, raconte qu’elle a vécu une « passion » avec Emmanuelle, de 27 ans de moins qu’elle. Dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne), Xavier (67 ans) présente son nouveau copain Guillaume (30 ans), le plus sérieusement du monde : « Qui est-ce qui vous a dit qu’il y avait une différence d’âges ? »

 

Sans avoir connu concrètement l’inceste, car fort heureusement il s’agit d’une minorité dans la communauté homosexuelle (du moins, j’espère…), beaucoup de personnes homosexuelles sont en revanche interpellées esthétiquement par la scène de l’inceste, comme si leur désir homosexuel y trouvait son propre écho. Par exemple, le compositeur homosexuel Leonard Bernstein souhaite monter un projet d’opéra d’après Lolita (1955) de Nabokov. L’inceste est un thème omniprésent dans les films de Jacques Demy. Nombreuses sont les œuvres de fiction homosexuelles où revient l’histoire incestueuse de Peau d’âne ou d’Œdipe. Je crois d’ailleurs que le désir homosexuel, étant par nature un fantasme de viol, est aussi un élan d’inceste, ou au moins incestuel.

 

Nos sociétés contemporaines, qui tendent vers un effacement du Réel et de ses limites, encouragent à la transgression de la différence des sexes et des générations (les deux ensemble). D’ailleurs, on constate de plus en plus, dans les reportages traitant d’homosexualité, une revendication à l’inversion des générations (les fils qui jouent les pères, les enfants qui commandent aux adultes) : cf. le documentaire « Comment j’ai adopté mes parents » (2010) de Nasha Gagnebin, la chanson « Lisa tu étais si petite » de Faby (au sujet des « enfants qui grandissent plus vite que les parents »), etc. Un effacement progressif de l’humain par l’humain.

 

INCESTE PÈRE 7 Fantastique Papa (1)

 

INCESTE PÈRE 8 Fantastique Papa (2)

INCESTE PÈRE 9 Fantastique Papa (3)

INCESTE PÈRE 10 Fantastique Papa (4)

INCESTE PÈRE 11 Fantastique Papa (5)

INCESTE PÈRE 12 Fantastique Papa (6)

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi (Planche « Papa »)