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Je découvre que mon jeune fils est accro au porno : qu’est-ce que je peux faire ? (6 petits conseils précieux)


 

Ça fait deux fois que des mères de famille catholiques me prennent à part et me confient, parfois dans les larmes, leur désarroi et leur honte d’avoir découvert que leur jeune fils (de 9-12 ans) regardait du porno en cachette et de manière répétée. Démunies, elles m’ont demandé des conseils pour enrayer subtilement le cercle vicieux. Voilà les six clés que je leur donne :
 

1 – ASSUMEZ VOTRE PEINE CAR ELLE EST LÉGITIME. L’incident n’est ni catastrophique ni anodin. Il est objectivement violent. NON, vous ne vous faites pas de film. NON, vous n’êtes pas triste pour rien. Symboliquement, et donc un peu concrètement, le fait que votre fils aille voir du porno, a fortiori dans votre dos, c’est comme si on vous avait enfoncé un pieux dans le cœur : admettez-le, sans en faire des caisses mais sans le nier non plus. Ce sera déjà un grand pas !
 

2 – DÉDRAMATISEZ LA SITUATION SANS RELATIVISER, ET AJOUTEZ DE LA JOIE/DE L’HUMOUR SANS ÉVINCER LA GRAVITÉ. Je vous conseille, même si c’est difficile, de ne pas noircir le tableau et de ne pas rentrer avec votre fils dans le conflit ou dans le chantage aux sentiments et à la tristesse de la mater dolorosa ou du pater doloroso (même si c’est déjà très bien d’avoir transformé votre colère – « Quoi?? C’est comme ça que mon fils traite les femmes?? C’est un futur prédateur sexuel et un violeur!?! » – en tristesse). L’urgence et l’essentiel, c’est de vous et de le sortir de la peur (la peur étant ce qui alimente en général le vice par l’appel à la transgression de l’interdit) en remplaçant celle-ci par la confiance et la joie. Rappelez-vous également que les péchés de chair, aussi graves soient-ils, sont cependant moins graves que les péchés de l’âme. Et notre Pape François nous invite à laisser les péchés d’impureté à leur juste place, sans les magnifier par la diabolisation et sans en faire une fixette/un drame non plus. Rajoutez de l’humilité/humour à la recherche de pureté de votre fils (le Padre Pio disait que les deux ailes pour aller directement au Paradis sont l’humilité et la pureté : pas l’une sans l’autre, car la pureté sans l’humilité devient du purisme fragile, et l’humilité sans la pureté devient du laxisme tout aussi instable). La joie et l’humour (dans la gravité) sont les meilleurs moyens de substituer la peur et l’humiliation par la confiance. La peur conduit généralement à la désobéissance, alors que la confiance, elle, libère des addictions à un moment donné et pulvérise le mal.
 

3 – SOULIGNEZ LE COURAGE HÉROÏQUE (et même SAINT!) DE VOTRE FILS. Dans un premier temps, il est bon de resituer la/les chute(s) de votre fils dans son contexte, de vous mettre à sa place, et d’universaliser son cas en le dépathologisant et en le déspiritualisant un peu. Quand je parle de « dépathologisation », j’entends : sortir du registre scientifique souvent anxiogène « Mon fils est malade, il ne s’aime pas, il faut que j’admette qu’il rentre dans la catégorie de l’addict au porno. Il faut aller voir un psy! Il faut lui faire faire un parcours Teen star! Il faut l’éduquer à la beauté et lui ôter sa peur des femmes!! » Quand je parle de « déspiritualisation », j’entends : sortir du diagnostic spiritualiste alarmiste « Mon fils commet un grave péché et est un déshonneur pour la famille et pour ses parents, un modèle dangereux pour ses petits frères et sœurs ! Son âme est en grand danger de damnation ! Je prie pour lui et vais le faire désexorciser, avec prières de délivrance et tout et tout ! » Priez pour lui mais dans le secret et sans qu’il le devine, sans le lui faire sentir. Et surtout, priez pour vous d’abord, car vous êtes peut-être 100 fois plus pécheur (ou pécheresse) que lui, malgré les apparences contextuelles. Au bout du compte, essayez de vous mettre à sa place, de remplacer l’apitoiement par l’empathie, voire même de vous forcer à l’admiration à son égard : les jeunes d’aujourd’hui qui résistent à la vague du porno sont des exceptions et des héros. Mesurez la difficulté que c’est, dans le contexte actuel de surexposition aux écrans, d’érotisation généralisée, d’avoir la force d’âme de refuser la facilité d’accès aux sites – votre fils n’est ni plus ni moins qu’un potentiel alcoolique entouré de bouteilles et surtout d’alcooliques comme lui, de faux amis bien plus que d’amis soutenants. La pression des camarades de classe pour passer à l’acte génital et assouvir ses fantasmes est très forte, et peut-être encore plus – paradoxalement – dans les établissements hors contrat et les milieux cathos que dans l’enseignement public. Mesurez aussi la difficulté supplémentaire d’être un homme plutôt qu’une femme en matière de gestion de sa libido. Mesurez la fragilité consubstantielle des ados et les agressions permanentes (visuelles et physiques, sociales, scolaires) auxquelles ils sont confrontés. Bref, comprenez vraiment ce que vit votre fils: qu’auriez-vous fait dans le contexte qui est le sien ? Sûrement pas mieux, et sans doute pire ! Il y a un fossé générationnel immense à franchir pour le rejoindre. C’est indéniable. Tout va tellement vite du point de vue technologie/moeurs/démocratisation des drogues, l’écart entre les enfants préservés et les enfants qui en savent trop en matière de génitalité s’élargit tellement au sein d’une même classe, et votre discours sur la sexualité et l’Amour pèse si peu désormais face au concert assourdissant d’Internet, des films et des séries ! Ne soyez par conséquent pas si sûr(e) de vous-même, ne soyez pas non plus si dur(e) avec vous-même ni avec votre fils. Nous arrivons à la Fin des Temps : vous avez donc des circonstances largement atténuantes, et vous n’êtes objectivement PAS AIDÉ(S) socialement dans votre tâche éducative ni dans votre grandissement humain ! C’est chaud pour TOUT LE MONDE… et pas seulement pour votre fils ! Je me permets de vous le rappeler. Ça ne guérit et ne résout rien, mais ça soulage et ça remet les choses en perspective, quand même !
 

4 – ALLEZ PARLER À VOTRE FILS EN TÊTE À TÊTE, ou bien écrivez-lui une courte lettre de soutien, sans nier votre peine mais sans trop insister sur celle-ci non plus, sans appuyer sur le négatif pour ne pas accroître sa honte ni son humiliation ni son orgueil blessé. Par ailleurs, pour cet entretien coeur-à-coeur, vous n’êtes pas non plus obligé(e) de respecter scrupuleusement le mimétisme des sexes (le-père-avec-le-fils, la-mère-avec-la-fille). Une maman aussi à des choses ajustées à dire sur la masculinité de son fils et s’y connaît parfois bien plus en virilité qu’elle ne le croit (complémentarité des sexes oblige ^^). Un papa peut également très bien comprendre sa fille. De toute façon, c’est votre fils qui exprimera spontanément sa préférence et vous n’aurez qu’à vous ajuster à son désir.
 

5 – PROPOSEZ UN COMPAGNONNAGE PLUTÔT QU’UNE AIDE. Oui. Si vous vous présentez à votre fils comme un compagnon de route – aussi misérable et pécheur que lui – plutôt que comme un aide soignant (en général, l’intention d’aide est souvent condescendante, et instaure un rapport inégalitaire entre la personne aidante et la personne aidée, qui fait repoussoir), ça change tout. Montrez – sans nécessairement rentrer dans les détails ni le relativisme mais en choisissant juste un exemple bien parlant de votre propre vie intime – que vous êtes un pauvre type comme lui, et malgré cela, aimé du Christ et qui a besoin de l’aide de votre fils pour ne pas retomber. Vous pouvez très bien offrir sans complaisance vos blessures, votre vulnérabilité, vos hontes à votre enfant (ça, au moins, ça ne peut que le décomplexer et le mettre à l’aise, si c’est fait avec humour et pudeur) : « Tu vois, mon fils, maman n’est pas parfaite, elle a été et reste une pauvre fille… » ; « Papa est un pauvre type comme toi, qui se bat et qui a besoin de toi. Tes chutes m’aident déjà. On va s’en sortir ensemble. N’hésite pas à m’appeler si tu as une tentation et que tu te sens couler. » Rappelez-lui sa belle responsabilité à votre égard. Vous pouvez même, sans démagogie, le remercier aussi pour ce qu’il vous a appris par sa/ses chute(s).
 

6 – PRÉSENTEZ-LUI DES MODÈLES. Ce sera mon dernier conseil : si possible, mettez votre fils en contact avec des personnes croyantes qui ont positivement et durablement dompté la tentation (maintenant très répandue) de masturbation/porno. Proposez-lui des modèles positifs. Car ils existent (même s’ils ne courent pas les rues) ! Mieux. Soyez vous-même le modèle irréprochable que vous voudriez que votre fils soit. Plutôt que de lui demander de changer d’attitude, plutôt que de brandir un devoir moral ou une peur qu’il recommence, convertissez-vous d’abord. C’est la conversion par l’exemple incarné la plus efficace.
 
 

Courage à nous tous ! Christ est vainqueur, et nos chutes ne sont rien à côté de la puissance de sa Miséricorde.
 

Code n°34 : Coït homosexuel = viol (sous-code : Strangulation)

coït

Coït homosexuel = viol

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
Avis aux lecteurs : ce code contient des passages qui peuvent choquer les âmes sensibles ou les plus jeunes.
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Non, amis lecteurs, ce code ne présentera pas les actes homosexuels comme nécessairement dépravés, brutaux, avilissants, glauques, meurtriers, dénués de douceur, de beauté ou de spiritualité, ni des actes obligatoirement circonscrits au toucher ou à la pénétration … comme donnerait à le penser le signe « égal » de son titre. Mais au contraire il parlera surtout des actes homosexuels « hors milieu », doux, acorporel, parfois même uniquement verbaux ou visuels. Il abordera aussi bien la question des coïts homos que des simples baisers, échangés en rase campagne, loin des établissements du Marais, entre partenaires vivant une relation de fidélité honorable. Car même ces actes posés dans des cadres apparemment respectueux reposent sur la même violence, la même discrimination, que les actes qui sont posés dans l’obscurité d’une backroom de sauna : la violence de l’éjection de la différence des sexes, différence sur laquelle repose toute existence humaine et tout amour qui sait l’accueillir… même si cette violence sera bien sûr graduelle. Tout acte homo, même pas encore posé mais déjà prospecté et cru beau, est violent. Et à chaque fois qu’il est posé, l’exclusion de la différence des sexes se rejoue concrètement. Après, bien sûr, il a des contextes où cette expulsion est plus visible, plus nette, plus blessante. Elle a bien sûr des degrés de puissance, de violences et de gravité. Mais déjà, qu’on en ait conscience ou pas, qu’on enrobe cette violence (par la sincérité, par les sentiments, par l’esthétisme, par la bonne intention) ou pas, elle est là. Et ne sera pas sans effet dans l’insatisfaction, la déception, le malaise, ressentis y compris par deux partenaires de même sexe qui la pose en ayant l’impression d’accomplir un geste banal d’amour et de plaisir.

 

La violence lors du coït sexuel humain n’est pas le propre de l’homosexualité. Elle fait aussi partie du coït hétérosexuel (et beaucoup moins du coït femme-homme aimant). En revanche, je souligne qu’avec la pratique homosexuelle, l’expulsion de la différence qu’elle induit universellement est un facteur aggravant de violence.

 

C’est la raison pour laquelle ce code concerne spécialement les personnes homosexuelles qui sont persuadées qu’elles ne sont pas violentes quand elles embrassent leur copain (ou leur copine, pour les femmes lesbiennes) ou quand elles couchent avec ; et surtout les personnes pacsées, « mariées », en couple « fidèle et durable », connues pour être sobres dans leurs pratiques sexuelles, peu fantaisistes et peu identifiables comme « typiquement du ‘milieu’ », des crèmes de garçons ou de filles, quoi.

 

En revanche, les personnes homosexuelles qui trouvent que je n’exagère pas dans mes propos, celle qui sont conscientes d’être violentes quand elles pratiquent l’homosexualité, et qui font même parfois violence à leur partenaire en connaissance de cause (encore que… je me demande si on peut faire un geste pareil vraiment « en connaissance de cause »…), vous pouvez passer votre chemin !

 

Bref, autant dire que tout le monde peut rester 😉 ! Parce que je ne connais quasiment aucun individu homosexuel pratiquant qui, quand il sort avec quelqu’un, ou même devient violent avec lui, ne le fait pas par amour, par désespoir – jugé « beau » par le désespéré – , ou avec les meilleures intentions du monde… !

 

Il est étonnant de voir dans énormément de films traitant d’homosexualité – y compris ceux qui s’attachent à présenter l’amour homosexuel sous son meilleur jour (c’est ça le pire, cet écart prodigieux entre intentions et actes !) – que la scène de fornication homosexuelle ressemble à un viol, ou aboutit même carrément à un meurtre. On le voit bien : les réalisateurs homosexuels mettent en scène ce qu’ils ne veulent pas qu’on leur attribue. Cette représentation catastrophique de la copulation homosexuelle, mise en scène par les personnes homosexuelles elles-mêmes, est très inconsciente, est d’une naïveté inquiétante car elle laisse supposer pour le coup qu’elle s’actualise bien plus souvent qu’on ne le croie dans la réalité concrète… même si, une fois qu’il devient réel, le viol s’opère à visage caché, dans des contextes sombres qui ne seront pour la plupart jamais dévoilés au grand jour (intimité d’une chambre, pénombre d’un parc ou d’une ruelle, secret d’un échange porno entre deux webcam, cadre clandestin de la prostitution, affaires de crime passionnel étouffées par l’argument-bulldozer de l’« homophobie 100% hétérosexuelle », etc.). La difficulté du thème que j’aborderai ici, c’est qu’il est éminemment intime, tabou, honteux, et que la violence psychologique (faisant partie de la violence physique, en amont comme en aval) n’est pas immédiatement visible à l’œil nu, ni même scientifiquement quantifiable.

 

La question de la définition de l’acte homosexuel en tant que « viol » est épineuse, d’une part parce que le viol n’est pas l’apanage des individus homosexuels (bien des couples intégrant la différence des sexes se traitent mal ; et toute sexualité humaine, même aimante, comporte une part de violence, qui ne s’appelle plus « violence » quand elle est canalisée vers la vie et l’amour), d’autre part parce qu’il existe une gradation de violences y compris dans la catégorie très diversifiée des actes homosexuels (il y a quand même une différence objective entre les pratiques sexuelles qui se vivent dans une backroom, par exemple, et une gentil rendez-vous « câlins et massages ») ; et enfin, en troisième lieu, parce que le viol est en grande partie défendu et vécu comme un enchantement par les acteurs homosexuels eux-mêmes (cf. je vous renvoie surtout au code « Déni », ainsi qu’à la partie sur le « Désir de viol » dans le code « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Du coup, nous ne sommes pas aidés pour comprendre toute la violence immédiate et rétrospective de l’acte homosexuel fictionnel. Et pourtant, elle existe bel et bien, et reste à dénoncer !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Cannibalisme », « Symboles phalliques », « Vampirisme », « « Première fois » », « Adeptes des pratiques SM », « Corrida amoureuse », « Liaisons dangereuses », « Douceur-poignard », « Mort-Épouse », « Déni », « Désir désordonné », « Violeur homosexuel », « Scatologie », « Homosexuel homophobe », « Voleurs », et « Viol », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

1 – PETIT « CONDENSÉ »

Film "Cost Of Love" de Carl Medland

Film « Cost Of Love » de Carl Medland


 

Souvent, on entend dire de la part de personnes homosexuelles que les réticences (voire l’homophobie) des gens par rapport à l’homosexualité viendraient principalement du fait qu’ils ne supporteraient pas l’idée de voir deux mecs s’embrasser ou « s’enfiler ». Ils trouveraient ça gratuitement sale parce qu’ils feraient une incompréhensible allergie à la différence et à une expérience inédite, ils feraient mentalement une transposition exagérée de films porno-SM ou de leurs propres fantasmes cauchemardesques cachés sur leur propre réalité, et n’auraient rien compris des sentiments et de la douceur des « vrais » couples homos. En d’autres termes, la gêne des « hétéros » ne viendrait que d’un choc culturel, que d’un refus de comprendre et de tester l’acte homo ; en aucun cas elle se justifierait par les faits, ou par une violence objective des gestes amoureux homosexuels. 

 

Film "Les Mille et une nuits" de Pier Paolo Pasolini

Film « Les Mille et une nuits » de Pier Paolo Pasolini


 

Or, je crois que l’acte homosexuel – et je parle même du simple baiser, de la caresse – est en soi violent, même s’il peut être intentionnellement doux et respectueux. C’est ce qui le motive (un désir de fusion, un désir d’éloignement du Réel, un désir de se faire plaisir – ou à l’extrême inverse de s’oublier totalement en faveur du plaisir de l’autre – plutôt que de s’orienter vers la vie, une prévalence des intentions et des sentiments sur l’Amour en actes et sur l’horizon de sens-durée de ce Dernier) qui est violent. Beaucoup de personnes homosexuelles ne vénèrent pas véritablement l’autre puisque l’amour de sa chair va jusqu’à l’absorption symbolique. Fantasmatiquement, la distance entre le sujet et l’objet s’efface, et dans cet effacement le « je » se perd également, alors qu’il prétendait, par un rapprochement fiévreux à la réalité concrète, se retrouver lui-même. On voit souvent, dans les films comme dans la vie quotidienne, des amants se prier de se laisser respirer, de cesser de se marcher sur les pieds. La juste distance de vie entre eux deux n’est pas respectée au maximum. En termes de pulsions, aimer homosexuellement signifie chercher à posséder, à avaler, et même plus radicalement à faire disparaître l’être aimé par le désir d’absorption (cf. je vous renvoie aux codes « Fusion » et « Cannibalisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Quand certaines personnes homosexuelles embrassent leur amant (en discothèques notamment), il est fréquent qu’elles miment l’acte de dévoration. Elles savent très bien toute la part de bestialité qu’il y a dans leurs gestes, mais elles détestent se l’entendre dire, et la mettent sur le compte de l’expression fougueuse et spontanée de la passion (cf. je vous renvoie au code « Chiens » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Pourtant, la violence de la pulsion est bien là.

 

Si le désir homosexuel conduit à la beauté-laideur de l’humanité-bestialité, les actes génitaux qu’implique l’amour homosexuel constituent-ils pour autant un viol ? Voilà une question importante faisant peu débat, même si elle soulève un tollé général avant même d’être traitée. Je répondrai en disant « oui et non ». Pas autant et pas moins que la majorité des personnes homosexuelles ne le disent. Dans le sens génital et donc social du mot « viol », majoritairement non. Oui, au moins dans son sens symbolique, c’est-à-dire de la contamination des fantasmes sur la réalité concrète.

 

Ceux qui ne voient dans la sodomie qu’un viol obéissent à une croyance sociale absurde réduisant le rapport amoureux homosexuel à un acte bestial, purement compulsif, et dénué d’amour. Cette vision hétérosexuelle et homosexuelle des coïts homosexuels est souvent très éloignée de la réalité, car bien des accouplements entre amants homosexuels se déroulent pacifiquement, avec beaucoup de respect et de tendresse, sans forcément en passer par la pénétration anale. J’ai bien écrit « vision homosexuelle », car aussi curieux que cela puisse paraître, l’association de la sodomie au viol et à la bestialité ne vient pas uniquement des personnes homophobes : elle est aussi le fait des personnes homosexuelles. « S’il y en a qui connaît l’animal qui est en moi, c’est bien toi, non ? » (Pierre s’adressant à son amant Benjamin, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) Les scènes de viol homophobe, juxtaposées cinématographiquement à des scènes d’amour homosexuel ne manquent pas dans les créations homo-érotiques : le film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne en fournit un parfait exemple. Chez beaucoup d’auteurs homosexuels, la pénétration anale est fréquemment présentée comme impossible ou ultra-violente. À l’image, beaucoup de personnes homosexuelles diabolisent la sodomie pour la pratiquer sans états d’âme dans la réalité concrète, alors qu’elle n’est ni un geste abominable ni un acte essentiel. Elles aiment nourrir l’inconscient collectif qui associe la sodomie à l’acte odieux, en profitant du fait que seuls ceux qui la pratiquent seraient autorisés à en parler en connaissance de cause et à la diaboliser. Elles amplifient alors iconographiquement la douleur qu’elle engendrerait, comme dans la scène des noces du film « Salò ou les 120 Journées de Sodome » (1975) de Pier Paolo Pasolini. Un certain nombre d’auteurs homos associent dans leurs créations le pénis de la pénétration anale à tous les symboles phalliques dangereux imaginables. La sodomie est souvent diabolisée, en même temps que sanctifiée. Elle ne convertirait pas le violé en maudit, mais au contraire lui révèlerait sa sainteté, son innocence de martyr. Je crois qu’ici la diabolisation de la pénétration anale est à prendre prioritairement dans son sens symbolique – le personnage homosexuel troue l’arrière-train de son compagnon comme une épingle perce un simple papier cartonné –, avant d’être considérée dans son sens « réellement fantasmé ». D’ailleurs, rien qu’en regardant les faits, on constate qu’entre hommes gays, la pénétration anale n’est pas tellement monnaie courante, du fait aussi de sa violence : « Quant aux hommes homo-bisexuels, […] la pénétration anale est souvent pratiquée par près de 25% d’entre eux (24,9% pénétration insertive et 24,1% pénétration réceptive) contre 2,5% chez les hétérosexuels. » (Enquête sur la Sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, p. 253) Même si le lien de causalité entre pénétration anale et viol est en lui-même absolument détestable et injuste, en revanche, il convient de ne pas relativiser ni de nier le lien de coïncidence. Car c’est le déni de ce dernier qui peut du coup rendre le fantasme du viol par la sodomie actualisable. Quand on demande en privé à certains hommes gays ce que la sodomie leur procure, ils sourient de l’incongruité de la question, puis finissent par cracher le morceau : « Pour tout avouer, ça fait pas du bien… » Biologiquement, la pénétration par l’anus ne va pas de soi, et peu de gens la trouve plaisante. La sodomie dit une sexualité par défaut. Les hommes gays font avec ce « trou corporel » (en plus de la bouche pour la fellation) parce qu’ils n’ont pas trop le choix ailleurs s’ils veulent pénétrer leur partenaire. Même si certains médecins affirment que la sodomie est sans danger, ils ne vont pas jusqu’à dire qu’elle est bonne pour la santé, ni respectueuse et fertile. Par la pénétration anale, on force un chemin qui n’est pas naturellement celui de la pénétration sexuelle classique. Il manque à l’endroit de l’anus les sécrétions vaginales : on est obligé d’user de produits artificiels, de vaseline, de lubrifiants, pour faciliter le passage du pénis. De plus, le sphincter de l’anus est puissant et parfois résistant, donc la sodomie peut causer une peine initiale, au moins un inconfort dans un premier temps. Certains hommes gays constatent également après avoir été pénétrés une période de constipation passagère, signe que l’acte sexuel de la sodomie bouleverse temporairement le métabolisme naturel des individus. Une pénétration anale ne se fait pas sans douleur. Dans les guides de kâma sûtra gay – qui mettent pourtant un point d’honneur à dédramatiser jusqu’aux pratiques sexuelles les plus avilissantes –, on insiste beaucoup sur la douceur et les précautions à avoir au moment de la pénétration, sur l’accoutumance du partenaire pénétré. Même si ce n’est pas clairement dit, la nécessité du forcing dans l’acte sodomite est implicite. Si la pénétration anale va en se banalisant dans les discours sociaux actuels, il ne faut pas oublier qu’au départ, elle fait mal aux personnes pénétrées et pénétrantes, pas seulement physiquement mais aussi psychiquement. Dans le film « Mauvaises Fréquentations » (2000) d’Antonio Hens, le personnage de Guillermo nous dit bien ce qui se passe la « première fois », et aussi pendant l’après-sodomie. « Je ne m’étais jamais laissé pénétrer. Mais il a dit que j’allais aimer, je n’avais qu’à me détendre. Malgré la salive et mes efforts pour me relaxer, ça faisait un mal de chien. Voyant qu’il n’y arrivait pas, il s’est mis à pousser de toutes ses forces. J’ai jamais eu aussi mal. Mais depuis, je me dilate sans problème. » Par la suite, beaucoup de personnes gays réécrivent l’épisode de la pénétration dans l’angélisme – la prostate serait même, selon certains, le « point G homosexuel » ! (pourquoi pas, après tout ?) –, ou se mettent à mépriser les partenaires sexuels qui mettent du temps à accepter la sodomie. Mais le malaise concernant la pénétration anale revient autrement dans le couple, généralement sous forme d’agressivité et d’indifférence mutuelles.

 

COÏT De mon sang

Film « Du même sang » d’Arnault Labaronne


 

Avant d’être plus rarement un acte réel, le viol est déjà un fantasme homosexuel. Toutes les personnes homosexuelles n’ont pas ressenti le viol ni ont été génitalement violées par leur amant du seul fait d’avoir pratiqué la sodomie. Il ne s’agit pas d’homosexualiser le viol, pas plus que de définir intégralement comme violent tout acte amoureux de nature homosexuelle. Une fois encore, j’insiste pour que soient laissés les emblèmes du désir homosexuel au pays des mythes et que nous ne les ramenions pas systématiquement à la réalité concrète, comme le ferait l’esprit cartésien, superstitieux, homosexuel, hétérosexuel, ou homophobe. C’est aussi la société qui nous apprend à trouver les actes homosexuels sales, alors que sur le coup et en soi, ils ne sont ni sales ni entièrement violents, et peuvent être dans le meilleur des cas l’expression de la force d’un amour authentique. Ils possèdent la dualité désarmante des réalités fantasmées : ils font à la fois beaucoup de bien et beaucoup de mal. Bien des accouplements homosexuels, incluant la sodomie et la fellation, restent tout à fait honorables. Cependant, ils leur manquent le respect corporel de la finalité symbolique, et donc procréative, de l’acte génital aimant et incluant la différence des sexes : si tout couple n’est pas tenu évidemment de « faire un enfant » à chaque fois qu’il « fait l’amour » – contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes homosexuelles qui reportent leur croyance en l’obligation de la procréation sur les institutions religieuses et la société « hétérosexiste » (il suffit d’écouter l’actuel pape Benoît XVI parler de la non-sacralisation de la procréation dans le couple femme-homme pour en voir le cœur net : « Même si la maternité est un élément fondamental de l’identité féminine, cela n’autorise absolument pas à ne considérer la femme que sous l’angle de la procréation biologique. Il peut y avoir en ce sens de graves exagérations, qui exaltent une fécondité biologique en des termes vitalistes et qui s’accompagnent souvent d’un redoutable mépris de la femme. […] Ce n’est pas en se contentant de donner la vie physique que l’on enfante véritablement l’autre. La maternité peut trouver des formes d’accomplissement plénier même là où il n’y a pas d’engendrement physique. », cf. « Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde », 2004) –, et que vivre le plaisir sexuel pour le plaisir sexuel n’est absolument pas condamnable, il y a cependant dans le coït femme-homme aimant, même non-procréateur, une annonce sous-jacente de l’enfant qui peut donner à l’union conjugale une ouverture qui tue l’égoïsme, une dimension supérieure que l’acte homosexuel, s’inscrivant davantage dans une perspective de l’instant que dans un projet de vie éternelle, ne possède pas.

 

Si le rapport entre viol et actes génitaux et corporels homosexuels doit être relevé, il faut veiller d’une part à ne pas faire du viol l’apanage des personnes homosexuelles – nulle sexualité n’est à l’abri du viol, que ce soit entre la femme et l’homme qu’entre semblables sexués (le mariage dit « hétérosexuel » peut aussi servir à camoufler des abus sexuels au sein de certains couples femme-homme ; La sodomie, par exemple, n’a rien d’une pratique proprement homosexuelle puisque 15% des hommes et 13% des femmes hétérosexuels l’exerceraient régulièrement ; cf. Alfred Spira, Rapport Spira Bajos, 1992). Par ailleurs, les Français (hétéros et homos confondus) pratiquant la pénétration anale restent une minorité. « En 1992, seulement 24% des femmes et 30% des hommes déclaraient en avoir fait l’expérience, alors qu’en 2006, ils sont respectivement 37% et 45%. » (Enquête sur la Sexualité en France (2008) de Nathalie Bajos et Michel Bozon, p. 276) –, et d’autre part, à ne pas réduire les rapports homosexuels à la seule pénétration anale. Je n’entends pas par « viol homosexuel » que l’analité ou la sodomie. Je prends soin de le souligner car en ce moment, un certain courant de pensée véhicule l’idée selon laquelle les « ennemis des homos » seraient hostiles aux couples homosexuels uniquement par dégoût de la sodomie, ou bien que les femmes lesbiennes seraient plus douces dans leur sexualité que les hommes gays, ce qui me semble être absurde. Le terme « viol » tel que je l’emploie s’applique déjà au simple baiser homosexuel et aux coïts lesbiens. Il ne saurait se réduire à la possession d’un pénis, car même les femmes lesbiennes peuvent désirer pénétrer, comme le montre les propos d’Élisabeth à son frère Paul dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville : « Je t’ai percé un jour, mon p’tit bonhomme ! » Beaucoup de femmes lesbiennes, à la sexualité pourtant débridée, sont les premières à se rassurer sur la non-violence de leurs accouplements : en se comparant à des hommes gays forts consommateurs de sexe, elles prétendent être plus « sentimentales » lors de leurs coïts, moins bestiales et moins portées sur le sexe du fait d’être femmes. Je veux bien admettre que la sexualité masculine soit par nature plus compulsive et hygiénique que la sexualité féminine, cela ne décharge en rien le désir et l’acte génital lesbiens de leur brutalité. Si l’accouplement lesbien ne dégageait aucune violence, il n’aurait pas envahi à ce point-là l’univers machiste du porno. Certaines femmes lesbiennes avancent qu’elles ne forcent pas des voies non-naturelles lors de leurs étreintes, et qu’en plus, leur coït serait « égalitaire » puisqu’il ignorerait les distinctions discriminatoires de la passivité et de l’activité induites par la pénétration anale ou vaginale. Mais le viol, s’il n’est pas, comme nous l’avons vu précédemment, réductible à la pénétration, peut être précisément dans l’absence de conflit des corps, dans l’invasion du fantasme sur la réalité concrète. La sexualité homosexuelle, parce qu’elle n’a pas l’aval de la Nature et qu’elle ne vit pas des bienfaits concrets de la différence des sexes, bascule malgré elle vers le mythe, la représentation fantasmatique, la prédominance du faire-semblant, le mime. En ce sens, elle traduit un désir de viol. Elle se manifeste par une propension plus grande à l’envie de possession, comme pour illustrer que la fusion des corps n’est pas un minimum complète et qu’il faut la forcer. Dans le coït femme-homme aimant, au contraire, il y a une nécessaire confrontation à la réalité symbolique de la différence des corps, un essentiel combat entre les partenaires qui laisse un espace à l’amour, à l’humour, et à la Réalité. La rencontre sexuelle grandissante ne se passe pas dans une exacte réciprocité, dans l’illusion d’une perfection désincarnée, dans une simultanéité partagée et mimée : la réciprocité implique justement un déséquilibre, un curieux va-et-vient, une plongée vers le mystère du sexe inconnu, un donner-recevoir, une confiance insensée… bref, une nécessaire inexactitude qui fait toute l’exactitude et la beauté du coït femme-homme désirant, même s’il n’est pas toujours parfait techniquement parlant.

 

Film "Broken Sky" de Julian Hernandez

Film « Broken Sky » de Julian Hernandez


 

La part fantasmatique me semble plus accrue dans les pratiques homosexuelles que dans la génitalité entre une femme et un homme dont les gestes sont davantage dictés par une correspondance des corps, un horizon procréateur, un ajustement des anatomies. La dissymétrie corporelle imposée lors des actes homosexuels est illustrée par la distinction actif/passif qui se maintient de manière tenace dans la communauté homosexuelle : beaucoup moins dans le couple formé par une femme et un homme, à qui il ne vient même pas à l’idée de se demander qui est l’actif ou le passif lors des coïts tellement les deux amants ont l’assurance d’être confirmés par la Nature, et qu’ils se savent acteurs ensemble de leur amour (la femme est active dans l’accueil !). Les personnes homosexuelles sont davantage obligées d’inventer des pratiques sexuelles qui, parce qu’elles les éloignent de la Réalité, rejoignent la réalité concrète de manière plus brutale, quand bien même elles désirent rejoindre intentionnellement la délicatesse. Bien entendu, les pratiques SM n’intéressent qu’une minorité d’entre elles, car la plupart ne supportent pas l’idée de soumission, de souffrance, de domination et de représentation dans l’acte sexuel. Mais quand la violence n’est pas ouvertement douloureuse, elle peut se traduire sous d’autres formes dans le couple homosexuel : la fougue, l’infidélité, l’attachement au sexe, la lassitude, le goût du paraître, la jalousie, le manque d’écoute et d’envie, etc.

 

Dans l’absence de résistances que semble offrir l’uniformité homosexuelle, dans la confrontation rassurante et terne des semblables, on retrouve la violence rose et policée des Barbie : celle qui cherche à préserver de toutes les aspérités du réel. Simone de Beauvoir décrit très bien sur certains passages du Deuxième Sexe (1949) la prédominance du fantasme sur la Réalité lors du coït lesbien : « Entre femmes l’amour est contemplation ; les caresses sont destinées moins à s’approprier l’autre qu’à se recréer lentement à travers elle ; la séparation est abolie, il n’y a ni lutte, ni victoire, ni défaite. […] L’anatomie préside à l’ordre des caresses, vouant la rencontre des corps de femmes au manque et au mime. » (Simone de Beauvoir, Deuxième Sexe (1949) citée dans l’article « Simone de Beauvoir » de Sylvie Chaperon, sur le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2002) de Didier Éribon, p. 67) Dans l’accouplement homosexuel, le viol se situe plus dans l’envahissement du mythe sur la réalité concrète qu’en actes désignés socialement comme « violents ». Que les personnes homosexuelles le veuillent ou non, la discordance corporelle lors des unions génitales homosexuelles fait de l’homogénitalité davantage une simulation d’orgasme qu’une communion réelle vécue à deux. Pendant le coït anal notamment, l’un des amants jouit ; l’autre se fait spectateur de l’orgasme du premier sur lui, et réécrit a posteriori son plaisir, qui reposera davantage sur l’avant et l’après lecture de la mise en scène de la rencontre sexuelle que sur l’expérience concrète d’un assouvissement partagé simultanément avec le partenaire. Cette approche du sexe est en partie désincarnée, déséquilibrée, et donc potentiellement sadomasochiste. La fellation, pratique qui n’est pas exclusivement homosexuelle mais qui reste très répandue parmi les hommes gays, est un autre exemple de spectacle idolâtre de la génitalité. Le fellateur s’abaisse devant l’autel du pénis de l’homme qui reçoit la fellation. Moins il y a de face-à-face dans les positions sexuelles entre deux personnes, plus nous nous éloignons du relationnel et rejoignons la violence infantilisante du mythe.

 

Film "L'homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

Il semble que, dans le rapprochement amoureux homosexuel, le passage violent du mythe à la réalité fantasmée s’initie bien avant le passage à l’acte génital et la pénétration anale ou vaginale. Le viol se limite au simple baiser sur la bouche. Quand on écoute certaines personnes homosexuelles raconter leur premier baiser homosexuel, on les trouve bizarrement peu enthousiastes. Elles ne sont ni dégoûtées, ni amusées, mais juste fascinées par un geste qu’elles situent davantage sur le terrain de la science-fiction que sur celui de la beauté mémorable. Il leur a souvent laissé une impression de catapultage forcé dans un monde inconnu, paranormal. « Nous nous sommes embrassées, et j’ai su que ma vie avait basculé. J’ai été projetée d’un monde à l’autre. J’ai été poussée. » (Corinne, témoin lesbien mimant le mouvement de projection violente vers l’avant avec la main, dans l’émission Ça se discute sur la chaîne France 2, le 18 février 2004) C’est comme s’il faisait passer brutalement du fantasme à la réalité fantasmée en entravant une liberté. Relativement nombreux sont les sujets homosexuels qui ont fondu en larmes quand ils l’ont reçu. Même dans les fictions, nous voyons quelques exemples de ce surprenant « baiser-homosexuel-qui-fait-pleurer ». « Et voilà que je pleure, sans expliquer pourquoi. G. me regarde avec une douce interrogation. Que lui dire ? Que je ne l’aime pas ? Ce n’est pas vrai. Aimer, c’est si facile. Que je l’aime moins ? Ce n’est pas vrai non plus. C’est autrement, voilà tout. Je pleure parce que je cède à mon désir de caresses. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), pp. 47-48) Il est parfois clairement associé au viol (cf. « Yossi et Jagger » (2002) d’Eytan Fox, « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, etc.). Le baiser homosexuel peut avoir la violence d’une caresse dénuée d’amour, comme le décrit Stefan Zweig dans son roman La Confusion des sentiments (1926) : « Ce fut un baiser comme je n’en avais jamais reçu d’une femme, un baiser sauvage et désespéré comme un cri mortel. » (Stefan Zweig, La Confusion des sentiments (1928), p. 126)

 

Film "Vil Romance" de José Celestino Campusano

Film « Vil Romance » de José Celestino Campusano


 

Bien souvent, l’initiation à la génitalité homosexuelle est vécue comme un traumatisme. Il n’est pas anodin que les artistes homosexuels traitent régulièrement des « première fois » dans leurs créations (cf. Dictionnaire des Codes homos). Même si les personnes homosexuelles n’ont pas le monopole du viol ou du fantasme de viol – beaucoup de jeunes filles ou de garçons hétérosexuels ont vécu leur défloration comme un viol. En revanche, je crois que leurs unions corporelles y sont plus biologiquement, corporellement, psychiquement, et symboliquement exposées que les unions entre la femme et l’homme, du fait de l’exclusion radicale de la différence des sexes dans tous les couples homosexuels, et de la nature du désir homosexuel, davantage tourné vers la réification. Si les jeunes adolescents homosexuels reculent au maximum l’échéance de leur premier « passage à l’acte », que la majorité d’entre eux sont allés à la génitalité « comme on va chez le dentiste », ce n’est pas sans raison. Il y a une violence dans l’acte génital (et simplement sensuel) homosexuel, qui reste difficile à définir, mais qui pourtant existe. Cela vaut le coup d’écouter les récits du premier rapport sexuel des personnes homosexuelles : on a parfois l’impression d’entendre une mise en scène de viol – et plus rarement un viol réel. Ceci transparaît parfois dans le discours des personnages fictionnels homosexuels. « La première fois, c’est toujours bizarre » avoue Julián, dans le film « Krámpack » (2000) de Cesc Gay. Dans « Quels adultes savent » (2003) de Jonathan Wald, le jeune Roy, demande à son amant qui vient juste de le déflorer : « On se sent toujours comme ça après ? »

 

Dans la bouche des personnes homosexuelles réelles, le sentiment de viol concernant le dépucelage se mêle souvent à l’optimisme forcé. « La première fois où ça s’est fait avec un garçon, c’était très fort… très violent. » (Denis, témoin homosexuel dans l’émission Bas les Masques, sur la chaîne France 2, en septembre 1992) Mais au final, la violence symbolique gagne tout le tableau. « Ça s’est passé mal, très très mal, parce que c’est comme si ça en rajoutait encore, en définitive. Le fait de passer à l’acte, pour moi, faisait que ça rajoutait encore de la complication à mon existence. » (Olivier, 37 ans, parlant de la découverte de son homosexualité et de son premier passage à l’acte homosexuel, dans l’émission « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) Il n’est absolument pas rare de rencontrer des sujets homosexuels qui ont vu leur amant effondré juste après qu’ils l’aient « déniaisé ». Sur le coup, ils n’ont pas saisi pourquoi. Ce dernier s’est tout de suite excusé d’avoir pleuré, leur a assuré que c’étaient des larmes de joie et de découverte, qu’elles étaient un soubresaut de culpabilité induite par le poids culturel (« judéo-chrétien » !) et éducationnel. Et l’énigme s’est approfondie sans trouver d’écho. Beaucoup de personnes homosexuelles ne peuvent même pas dire leur souffrance du viol à leur partenaire, car elles sentent qu’il ne pourra pas les comprendre. Et plus profondément encore, il leur est difficile de lui avouer un fantasme de viol – et plus rarement un viol réel – consenti à deux.

 

Film "Sex Life In L.A." de Jochen Hick

Film « Sex Life In L.A. » de Jochen Hick


 

En amour homosexuel, rapt et ravissement se confondent souvent. La lecture enchanteresse que beaucoup de personnes homosexuelles font de l’assemblage des corps entre semblables sexués n’efface pas la violence des fantasmes et des réalités qu’ils peuvent impliquer. En désir, bon nombre d’individus homosexuels veulent voler leur partenaire amoureux. Il est parfois possible d’en entendre certains affirmer textuellement qu’ils couchent avec de beaux garçons rien que pour leur « voler leur beauté » et se l’appliquer à eux-mêmes. Cette expression en dit long sur ce qu’est l’acte homosexuel dans son essence : un fantasme de vol motivé par un désir non pas seulement d’aimer l’autre pour ce qu’il est, mais aussi d’être lui et de se dérober à soi. C’est sûrement ce qui explique que dans beaucoup d’œuvres de fiction, les protagonistes gays se définissent comme des « voleurs » après avoir vécu leur première expérience homosexuelle. En image, les rapports corporels homosexuels sont fréquemment montrés comme des vols, des viols, voire des meurtres, comme on va le voir plus explicitement maintenant dans le « GRAND DÉTAILLÉ ».

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) La violence du coït masculin fictionnel :

Film "Kick Off" de Rikki Beadle-Blair

Film « Kick Off » de Rikki Beadle-Blair


 

Dans les fictions homo-érotiques, l’accouplement génital homosexuel est souvent figuré comme un viol, et s’achève parfois par la mort d’au moins un des deux amants : cf. le roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, le film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne, la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson, le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick, le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, le film « L’Homme que j’aime » (2001) de Stéphane Giusti, le roman Querelle (1947) de Jean Genet, le film « La Ley Del Deseo » (« La Loi du désir », 1986) de Pedro Almodóvar, le roman Nicolas Pages (1999) de Guillaume Dustan, le film « Le second mari de Cléopâtre » (1998) de Jon Reiss, le film « Cruising » (1980) de William Friedkin (se déroulant dans le milieu sado-masochiste), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, le roman Eustace Chisholm And The Works (1967) de James Purdy, le film « Reflection In A Golden Eye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le roman Giovanni’s Room (1955) de James Baldwin, le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee, le film « Happy Together » (1997) de Wong Far-Wai, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le roman Radcliffe (1963) de David Storey, le roman Pompes funèbres (1947) de Jean Genet, les photos de Joseph Caprio (1992) (montrant la violence de la pénétration), la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec le coït violent entre Joe et Roy), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salo ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely, le film « Honey Killer » (2013) d’Antony Hickling, le film « Cannibal » (2005) de Marian Dora, le vidéo-clip de la chanson « Foolin’ » de Devendra Banhart, etc.

 

Film "Les Damnés" de Luchino Visconti

Film « Les Damnés » de Luchino Visconti


 

Des allusions sont faites à la douleur provoquée par le coït homo, souvent sur le mode satirique, mais parfois sérieusement : « Toute sodomie commence par un viol. » (Paul dans la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener) ; « Je reçois de la vessie un direct qui littéralement me casse en deux. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 28) ; « Tu avais mal à l’endroit du… coït. » (Dominique, évoquant à son pote Jérôme la folle nuit d’amour alcoolisée qu’il a/aurait vécu avec François le personnage homo, dans la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos) ; « Pourquoi être gay est-ce si difficile ? […] Je me sens mal. Et j’ai encore mal au cul… » (Eddie, parlant de la sodomie, et déçu que Scott l’ait dépucelé et pris pour un simple « plan », dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Je vais avoir du mal à m’asseoir pour un moment. » (Doyler, le héros homosexuel s’adressant à Anthony qui l’a sodomisé, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « Ça me plairait. Mais ça fera peut-être un peu mal. » (Doyler sur le point de sodomiser son amant Jim, idem) ; « Vous avez plus de chance que moi. Quand je ne me fais pas arrêter, mon client a une maladie vénérienne. » (Emory, le héros homosexuel efféminé racontant la promiscuité des saunas et des lieux de drague homosexuel qu’il fréquente, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; etc. Par exemple, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, le coït, selon Jean-Luc (le héros homosexuel), ça doit être « rapide comme une diarrhée ». Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, quand Citron, le héros hétéro, demande à Radmilo, son ami homosexuel, ce que ça procure l’acte homo (et surtout la sodomie), ce dernier répond : « Ça fait mal. » Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, se fait sodomiser par Palomino : « Ça fait mal. Ça pique ! Je vais vomir. Je saigne ! ». Ce dernier le rassure un peu : « Une vierge est censée saigner. »

 

Film "L'Homme au bain" de Christophe Honoré

Film « L’Homme au bain » de Christophe Honoré

Quelquefois, le viol est carrément filmé, et plus simplement suggéré. Par exemple, dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, Fefe force son amant Pietrino à faire l’amour avec lui. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, le coït homosexuel entre Vivi et Norbert est une simulation de hold-up. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca voit un de ses amants au lit comme « un braconnier » qui va le tuer pendant le coït : « Il m’a foutu la peur de ma vie ! » Il le voit comme un être virtuel : « Et moi, j’étais en dessous, et je tapais ESCAPE ESCAPE ESCAPE !! » Dans le roman La Ciudad Y El Pilar De Sal (1947), Jim viole Bob. Dans le film « J’embrasse pas » (1991) d’André Téchiné, Manuel Blanc se fait violer par un mec sous les yeux d’Ingrid. Dans la pièce Les Rats (2008) de Jean-Pierre Pelaez, l’accouplement homosexuel est associé à la bestialité de la fornication des rats. Dans le roman El Matadero (1838-1840) d’Esteban Echevarría, un jeune « unitaire » se fait sauvagement sodomiser par la barbarie « rosiste ». Dans le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, le jeune et beau Cédric veut sans cesse faire l’amour avec son copain Mathieu, mais ce dernier résiste : « Non ! J’ai pas envie… J’ai l’impression que tu penses qu’à ça… J’aime pas comment t’es ! » Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, pendant qu’Antonin et Hubert font l’amour, la chanson « Laisse-moi t’embêter » de Noir Désir passe en fond sonore. Dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, au moment du coït, Raúl se montre à chaque fois très brutal avec son jeune amant Roberto : « Pendant nos rapports, tu as été assez violent. » avoue sans grande résistance ce dernier ; à l’écran, leur tout premier ébat nous est clairement présenté comme un viol (on voit le pauvre Roberto hurler à Raúl : « Tu vas me faire mal !!! […] Ça fait mal !!! »). Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, Malik, le héros homosexuel, se fait pénétrer sauvagement par un inconnu dans la rue. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Paul force son amant Jack à faire l’amour avec lui : à la fin de l’agression, Jack lui dit qu’il « l’a foutu en l’air ». Dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre, le coït dans la backroom est présenté comme un viol, le prostitué Rubén semble faire « payer » physiquement à son client le fait que ce dernier le paye financièrement (il lui « bourre » l’arrière-train comme un malade). Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, les premiers contacts corporels entre Marc et Engel sont particulièrement violents : Marc part en courant, se débat ; ils se battent au judo ; ils se blessent lors d’un exercice de simulation d’émeute. Dans le film « Shower » (2012) de Christian K. Norvalls, le héros homo fracasse le crâne de l’homme qu’il vient d’embrasser sur la bouche dans un vestiaire de douches à la piscine : il finit par le tuer. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso Davide, le héros homo de 14 ans, est enculé contre un mur en verre, sur fond rouge, par un autre prostitué.

 

Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Omar supplie à son amant Emmanuel de ne pas le pénétrer (« Arrête ! Arrête ! Non. »), mais ce dernier n’a que faire de ses plaintes et le viole tout en feignant de lui demander l’autorisation (« S’il te plaît… S’il te plaît… ») ; une fois qu’Emmanuel a fait sa petite affaire, Omar s’en va contrarié (« Ça y est ? C’est bon ? Tu t’es vidé ? J’peux me rhabiller ? »). Un peu plus tard, on revoit Emmanuel en pleine action de viol sur un jeune étudiant en histoire, au départ consentant, mais qui va le regretter puisque cela déchaîne la hargne de son agresseur, qui lui flanque plein de fessées, le bat, s’apprête à l’étouffer.

 

Le viol que le protagoniste subit n’est pas nécessairement lié au toucher ou à la pénétration. Il peut s’agir d’un viol psychologique, verbal, tout aussi perturbant. « On se contamine si facilement quand on couche ensemble. » (Léopold s’adressant à son amant Franz, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « J’ai juste envie de vomir à chaque fois que tu me touches. » (Édouard parlant à son amant Georges, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; etc. Par exemple, dans le film « Bulldog In The Whitehouse » (« Bulldog à la Maison Blanche », 2008) de Todd Verow, la sodomie est présenté comme l’instrument de pouvoir et de domination qu’utilise Bulldog sur le secrétaire de presse. Même le personnage « passif » peut violer : « Les mecs passifs et menteurs, ça existe. » (Davide, un des potes gays de Tommaso, dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek)

 

Film « Entre couilles » (2012) de Sadri Tijani

 

Il est fréquent que la violence du coït homosexuel n’apparaisse pas clairement comme choquante, y compris au regard des victimes qui le subissent et qui, bien souvent, font une relecture enchanteresse postérieure d’un acte qu’elles ont quand même « un peu voulu » dans leur tête et dans leur cœur : « Ce fut doux et violent. » (Jean-Marc en parlant du coït qu’il a vécu avec Michael, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 256) ; « On se bastonne entre mecs. Et puis après, on fait l’amour. » (Arnaud, le héros homo parlant de son amant Benjamin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Je l’aime à son corps défendant. » (cf. la chanson « Les Mauvais Choix » d’Étienne Daho) ; « Cette violence nous rassemble. » (le juge Kappus au sujet de Julien, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 184) ; « J’aime trop pétrir ses fesses de coureur, me coller à son dos cambré de statue. Je le renverse dans le lit : il m’est livré. Il est à moi. Alors je sais que son sexe m’appartient. Je le saisis d’un coup, son sexe bandé et chaud dont il est si fier, son gros membre de beau garçon. J’avale son gland rose, son bourgeon gonflé prêt à donner sa sève. Je le sens si bien quand il me prend, bien large et vigoureux. J’aime qu’il me déchire, qu’il m’éventre tout entier du bas en haut. Enfin, je suis si terriblement heureux quand je danse empalé sur lui. » (le narrateur homosexuel du roman Chambranle (2006) de Jacques Astruc, p. 97) Par exemple, dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, quand Ed exprime ses remords à Arnold son ex-amant (« Arnold, je ne suis pas sûr que quand on couchait tous les deux c’était aussi satisfaisant pour moi que pour toi. Quelquefois, c’était un peu violent, un peu trop déchaîné. »), ce dernier ne voit pas où était le problème (« C’est drôle. Moi, j’demande que ça. » lui répond-il). Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, quand Linde est prise de remords de coucher avec Anamika, une jeune femme de vingt ans de moins qu’elle (elle a l’impression de la violer, exactement comme les agresseurs masculins d’Anamika qui l’avaient violée dans un bus : « Je pense que nous devrions arrêter. Parce que tu es jeune et que je suis vieille. Parce qu’ils t’ont agressée, mais que je suis tout aussi coupable qu’eux. […] C’est à peine si tu as l’âge d’être consentante. C’est du détournement de mineur. », pp. 120-121), Anamika ne riposte pas, et s’étonne même des excuses de sa compagne : « Pourquoi tu dis ça ? »

 

On retrouve bien ce déni du viol génital dans le discours des protagonistes du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz. En effet, Simon, l’un des protagonistes homosexuels, se fait sodomiser par un inconnu dans un coin du Louvre : « Dans une odeur de pisse rance et de merde, sur des capotes souillées, il me fait l’amour. Égoïstement, avec gaucherie. C’est rapide, douloureux, brutal. Il hurle sa jouissance qui arrive, me mord l’oreille, jouit, se retire et le temps que je me retourne, que je lui offre un regard plein de reconnaissance pour sa bite en moi, il dit ‘Je dois aller bosser, je suis en retard’. » (p. 15) Il se justifie d’éprouver du plaisir dans l’acte homosexuel, et spécialement la sodomie, même si ses propos restent très ambivalents : « C’est bon et douloureux à la fois. » (idem, p. 27) ; « (Ça me blesse un peu) Mais c’est pas ça ! C’est pas choper quelqu’un et le baiser. Chuis pas un chien. C’est prendre ce que tu as de plus intime, tu vois, ton cul, et boum, tu le donnes, tu l’offres, comme le plus beau cadeau que tu puisses faire à quelqu’un. Ça fait mal de se faire enculer, même après des années de pratique. Ben c’est pas anodin d’aller chercher de la douleur chez quelqu’un. […] J’ai besoin d’un amour en forme de bite dure qui me rentre en dedans. […] C’est pas vain, parce que la douleur, je l’ai longtemps pour moi. C’est ça ma preuve qu’on m’a aimé, même cinq minutes, même dans le froid, même mal. Ma preuve d’amour c’est l’érection du mec et ma preuve que je suis en vie, c’est la douleur qu’il me laisse après. » (idem, p. 16) Quant à Mike, le narrateur de l’histoire, il cautionne également la violence de l’acte homosexuel, dans une nonchalance qui laisse pantois : « Je m’ennuie un peu, mais je joue le jeu de l’excitation. Ça dure longtemps. De lassitude, je finis par supplier à son oreille ‘Prends-moi, putain, défonces-moi, steplé.’ P. devient encore plus animal, presque violent, il déchire un peu la corolle de mon téton droit en le pinçant, me mord les oreilles, respire en crachotant dans mon visage, serre avec ses genoux mes deux jambes l’une contre l’autre tout en donnant des coups rageurs de bite entre mes cuisses. Je sens ruisseler cette petite vague de foutre qui se déverse tandis que P. est pris de spasmes. Il gesticule encore quelques secondes au dessus de moi, puis s’arrête et s’abandonne de tout son poids sur moi, comme un corps mort. » (Mike, idem, p. 44) ; « Quand c’est fini je lui caresse les cheveux. Il transpire, son front est humide. Il me dit ‘tu m’as fait mal’. Sa voix est étreinte par l’émotion. Je lui réponds : ‘C’est pas ce que tu voulais ? » (Mike à propos de son amant « R. » qu’il a pénétré, op. cit., p. 69) ; etc.

 

Film "Presque rien" de  Sébastien Lifshitz

Film « Presque rien » de
Sébastien Lifshitz


 
 

b) Pas plus doux entre femmes, faut pas croire ! :

Film "Lesbian Psycho" de Sharon Ferranti

Film « Lesbian Psycho » de Sharon Ferranti


 

Certaines héroïnes lesbiennes se targuent d’être « plus douces », « plus sentimentales », et « moins brutales » dans leur coït que leurs homologues masculins (« hétéros » comme gays). Mais à l’écran ou sur papier, on a des surprises ! Leur lecture angéliste, sexiste, et misandre, de la sexualité lesbienne rentre très souvent en porte-à-faux avec ce qui nous est montré (par elles ! c’est ça le comble) sur nos écrans et dans les discours : je vous renvoie à des œuvres telles que le film « Shoot Me Angel » (1995) d’Amal Bedjaoui (où la gendarmette et sa voleuse font l’amour ensemble), le roman Deux Dames sérieuses (1943) de Jane Bowles, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, le film « Looking For » (2006) de Michelle Pollino, le film « The Return Of Post Apocalyptic Cowgirls » (2010) de Maria Betty, le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman, le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose-Marie, le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, le film « Agathe et Lou » (2013) de Noémie Fy, le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina (avec l’écolière agressée par sa camarade sous la douche), etc.

 

Par exemple, dans la nouvelle « Une Langouste pour deux » (1978) de Copi, un parallèle direct est fait entre la scène d’amour lesbien qui unit Marina et Françoise, et la séance de torture entre les deux enfants François et Ludovic : « François lui enfonça le manche de la pelle dans l’anus de Ludovic et se mit à sauter sur lui ; cependant, François serrait très fort la main de Marina. » (p. 83) Dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa raconte ses étreintes torrides avec Tatiana (« enlacées comme deux petits bagarreuses ») qui prennent l’allure d’un rapt : « Elle me bâillonnait la bouche. » Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, on ne compte pas moins de quatre scènes et demi de pur sexe, dont certaines sont tellement interminables et poussées que même les deux actrices se sont en tournage considérées traitées comme des « prostituées » par le réalisateurs.

 

Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, quand Polly, la meilleure amie lesbienne de Simon, lui apprend comment s’est fait sauter dessus par sa « folle » de copine Anna (« J’ai poussé la fenêtre qui donnait sur sa chambre, plongée dans le noir, et dès que j’ai posé le deuxième pied à l’intérieur, elle a surgi de l’ombre et d’un coup, elle a posé sa main sur ma bouche, m’a plaqué face contre le mur. D’une seule main, elle a ouvert mon slim, et elle a glissé des doigts qu’elle avait mouillés préalablement dans sa bouche. Au début, j’avais mal, mais elle a continué en m’insultant. Si je gémissais, elle me mettait des baffes […] elle m’a attaché les poignets, bâillonné la bouche et elle m’a godée à fond, et juste avant que je jouisse une deuxième fois, elle a arrêté. Elle m’a libérée, elle m’a mise à genoux devant elle et elle m’a obligée à la lécher, à la faire jouir. Après, elle m’a laissé en plan, elle a dit ‘maintenant, je suis crevée, on dort’. », pp. 33-34), Simon s’insurge à sa place, en dénonçant la violence de leur coït : « Je trouve ça glauque. Pas l’homosexualité féminine, mais entendre quelqu’un raconter qu’il s’est fait violer et devoir trouver ça normal, ça me saoule. » (p. 34) Mais Polly a l’air de trouver que le viol est normal, car il serait compris dans la fougue passionnelle de la copulation lesbienne : « Je suppose qu’elle pense que le sexe lesbien est forcément violent. » (Mike, le narrateur, idem, p. 47) ; « Dans le sexe, c’est surtout Claude qui parle, qui dit ‘Maintenant je suis un mec, je viens de te voir passer devant moi dans la rue, je te chope dans un coin sombre et je te baise comme la belle salope que tu es…’ Polly aime bien être passive, ça l’arrange que Claude veuille toujours être dominante. » (cf. la description du couple lesbien Polly/Claude dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 74) ; etc.

 

La violence du coït homosexuel ne se situe pas forcément dans une brutalité objective mais plutôt dans la fuite de la Réalité et de la différence des sexes. C’est pourquoi elle se retrouve aussi, et de manière d’autant plus surprenante, dans les coïts fictionnels lesbiens. Au départ, le personnage homosexuel féminin ne mesure pas le danger qui se profile, bien au contraire : « Mathilde me domine de son mètre soixante. La victoire se lit dans ses yeux, une victoire sans défaite, sans bataille, sans adversaire. Voilà ce que le sexe a de fabuleux : rendre loisible à chacun, quelle que soit sa position, de savourer son triomphe hors d’une quelconque rivalité avec l’autre. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 62) Une fois la juste et nécessaire violence/réalité de tout coït humain évacuée, le clone travesti de cette dernière s’infiltre, mais cette fois de manière plus voilée, plus pernicieuse, plus inattendue, plus grégaire : « Dès la porte de sa maison franchie, nous nous étions ruées l’une sur l’autre et avions fait l’amour telles deux furies. Notre voracité avait de quoi surprendre. » (idem, pp. 8-9) ; « Je comprends le sens du verbe baiser. Je vais la prendre, la niquer, la mettre… Pas dans l’immédiat mais c’est exactement ce qui va se passer. Un instant, je suis marrie de ce constat : il choque mes principes ; il s’oppose à l’idée que je me fais de l’amour. Mathilde n’est pas un objet ; je ne peux me résoudre à adopter un comportement et des pensées à l’allure si misogyne. » (idem, p. 21) ; « Je veux qu’elle me prenne, presque qu’elle me fasse mal. » (idem, p. 23) Le viol passe inaperçu car il est scellé par le consentement mutuel entre les deux femmes (sachant qu’en réalité, le consentement n’a jamais été un gage de véritable liberté ni de respect en amour) : « Je me souviens simplement de mes gestes, de l’avoir poussée vers son lit, et, allant droit au but, d’avoir constaté que son désir était aussi violent que le mien. » (Suzanne à propos d’Héloïse, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 306)

 
 

c) Lors de l’accouplement homo, l’un des deux amants tente d’étouffer ou d’étrangler son compagnon :

Film "L'Inconnu du Nord-Express" d'Alfred Hitchcock

Film « L’Inconnu du Nord-Express » d’Alfred Hitchcock


 

Comme pour illustrer que le problème majeur du couple homosexuel est celui du rejet de la différence des sexes, et donc plus foncièrement celui du manque d’espace de chasteté qui permet une relation d’amour sereine et une assise solide dans le Réel, de nombreux romanciers, dramaturges, et réalisateurs homosexuels mettent en image des scènes d’« amour » homosexuel où les deux protagonistes s’empêchent de respirer, s’étripent, se tenaillent la gorge, se tordent littéralement le cou !

 

Film "Drôle de Félix" d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Film « Drôle de Félix » d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau


 

Je vous renvoie aux meurtres des amants homosexuels par strangulation dans le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky (avec la scène finale où Mona tente de noyer sa copine Tamsin), le roman Un Anneau d’argent à l’oreille (1982) de Tony Duvert (avec le Professeur Brisset, retrouvé étranglé dans son hôtel particulier de Neuilly), le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau (qui s’achève par le crime sur la couche : Henri étrangle Jean puis se met à pleurer sur son cadavre nu), le film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner (avec les coup de ciseaux et l’étouffement par oreiller entre amants), le film « L’Étrangleur de Boston » (1968) de Richard Fleischer, le film « Contradictions » (2002) de Cyril Rota, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Rope » (« La Corde », 1948) d’Alfred Hitchcock, le film « Dial M. For Murder » (« Le Crime était presque parfait », 1954) d’Alfred Hitchcock, le film « Casualty » (1999) d’Andy Abrahams Wilson, le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron (quand à la fin Paulo tente d’étouffer son copain avec un oreiller), le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, la pièce Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi (où Madame Lucienne a été étranglée d’une seule main), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (où Wilma, le flic travelo, aurait tué son amant par strangulation), les film « New Wave » (2008) et « Notre Paradis » (2010) de Gaël Morel, la pièce Ma double vie (2009) de Stéphane Mitchell (dans laquelle Tania, l’héroïne lesbienne, est soupçonnée d’avoir cherché à étrangler Léa au judo), le film « Cost Of Love » (2010) de Carl Medland, le film « L’Étrangleur » (1970) de Paul Vecchiali, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (Lorelei essaie de tuer sa copine Stella par strangulation), le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec Charlène qui finit par étouffer son amante Sarah avec un coussin), le vidéo-clip de la chanson « Ça fait mal et ça fait rien » de Zazie, etc.

 

« Aïe ! Aïe ! Aïe ! Vous m’étranglez ! » (le personnage de Pédé se faisant enculer par le travesti Fifi, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Plus j’aime quelqu’un, plus j’ai envie de le tuer. […] Moi, c’est parce que je t’aime que je veux te tuer. […] Je pourrais t’étrangler. » (Cherry à son amante Ada, dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Adam introduisant son membre urino-reproducteur dans le derrière d’un canard tandis qu’il l’étranglait. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 88) ; « Cinq autres [hommes] s’emparèrent de l’albatros pour lui enfoncer une bouteille de bière dans l’anus tout en l’étranglant. » (idem, p. 139) ; « Tu m’as étranglée. » (Joséphine à sa sœur Fougère, dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « Au moment de jouir, j’exulte et je l’égorge. » (le vampire Prétorius, racontant une de ses aventures sexuelles avec un homme, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander)

 

Quand Querelle étouffe son amant arménien dans Querelle de Brest (1947) de Jean Genet, il lui vient à l’esprit que le visage de l’homme étranglé ressemble au sien quand il éjacule. Dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, Veronika « viole » (pour ainsi dire, car l’acte ressemble à un cauchemar) Nina, et l’étouffe avec un coussin. Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, pendant que Luc et Jean font l’amour sous la douche, le premier essaie de noyer le second. Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, tandis que Dorian embrasse le peintre Basile, il l’étrangle jusqu’à le faire mourir. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Arnold, l’un des héros homosexuels, tente d’étrangler son meilleur ami (lui aussi homo) Georges. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Gatal, le jeune héros homosexuel, a opté pour « la strangulation en comité restreint » afin d’asphyxier et de punir son fiancé de l’avoir trompé avec un autre homme dans un hôtel. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent et Stéphane, les deux ex-amants, s’avouent qu’ils ont maintes fois rêvé de s’assassiner l’un l’autre… et notamment par strangulation : « Mourir par ta main, ça aurait été romanesque. » (Stéphane) Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Juna étouffe ses amies (Suki et Kanojo) à distance, pendant un combat de magie, en enserrant leur cou. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, est presque étranglé à mort par Dick, l’homme qu’il aime, sur un bateau. Plus tard, à la fin du film, il étouffe son amant Peter avec un coussin (« Tu m’étouffes… »), en se confondant en excuse pendant son forfait : « Pardon… pardon… »

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Kévin et Bryan, les deux amants, se chahutent et se battent. Au départ, Bryan fait semblant d’étrangler son copain, mais le geste devient sérieux, au point que Kévin le supplie d’arrêter : « Qu’est-ce que tu fais ? Arrête ! » (p. 163) Apparemment, la strangulation semble une pratique sexuelle courante du couple, vu qu’un peu plus tard, Bryan propose à nouveau à Kévin de lui « faire sa fête » en le faisant manquer d’air : « Quand tu rentres, d’abord je t’embrasse, parce que tu me manques de trop et que j’en meurs d’envie, ensuite je t’étrangle. » (idem, p. 220)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La violence du coït homosexuel masculin :

La violence dans la pratique homosexuelle et dans les couples de même sexe n’est malheureusement pas qu’un mythe (je vous renvoie à ce lien ainsi qu’à celui-ci.). Depuis toujours dans l’histoire des civilisations humaines, l’accouplement génital homosexuel est associé à un viol. Dans la Bible, par exemple, les actes homosexuels (sodomie, pédérastie, mais aussi sentiments actés) sont clairement définis par saint Paul comme une « abomination ». Le mot est certes fort, mais explicite. Nous pouvons penser par ailleurs aux représentations homosexuelles de David et Goliath marquées par le sadomasochisme, aux tableaux de Caravage (XVIe siècle) représentant le sacrifice d’Isaac par Abraham comme un viol, à Ganymède enlevé par un aigle noir sur ordre de Zeus (dans la mythologie grecque).

 

Film "La Baie sanglante" de Mario Bava

Film « La Baie sanglante » de Mario Bava


 

Plus proches de nous sont les témoignages des personnes homosexuelles elles-mêmes. Loin de contredire ce qu’ont deviné nos ancêtres, elles avouent également vivre un viol au moment de leurs ébats sexuels (avec ou sans pénétration anale, peu importe : l’essentiel n’est pas dans les rôles d’« actif/passif ») : « Pour lui, l’acte sexuel ressemble toujours à un viol. » (Jean-Paul Sartre parlant de Jean Genet, dans la biographie Saint Genet (1952), p. 127) ; « Lorsque je fais l’amour avec lui, je ne fais que reproduire un rite cannibale qui consiste à m’emparer de sa jeunesse […]. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 137) ; « J’ose t’aimer par effraction. » (Michel Bellin, Impotens Deus (2006), p. 75) ; « Je sais bien que T. m’a trahi. […] Je suspends la pierre juste au-dessus de la tête de T., qui dort sur le ventre, et enfin je la lâche, j’entends un fracassement, je suis douché d’un liquide chaud et collant, son sang, ses particules cervicales. […] Je vais me recoucher et j’enlace le corps humide qui m’a trahi, je me serre contre lui, je ne le retourne pas, je me fraye lentement un passage entre ses fesses. » (Hervé Guibert, Le Mausolée des amants (2001), p. 39) ; « Chouaïb était maintenant nu, entièrement nu. […] C’est à ce moment-là que j’ai réalisé ce qui allait physiquement m’arriver, se produire en moi. Exploser en moi. Pour la première fois. J’ai fermé mes fesses. J’ai fermé mes yeux. Avec force. […] Il a alors attrapé ma tête, m’a tiré les cheveux et a dit, autoritaire, vulgaire : ‘ouvre tes fesses, j’ai dit… Ouvre-les ou bien je te viole… Je le jure que je vais te violer, petite Leïla… […] Je m’étais transformé en petit tigre enragé. Il aimait ça. La bagarre. Les défis. Les offensives. Il était de plus en plus excité. Moi aussi. En colère et excité. On se donnait des coups, pour de vrai, pour de faux. Il m’insultait. Zamel. Salope. Petite Leïla. Je le mordais, au bras, aux cuisses. On se poussait. » (Abdellah Taïa décrivant le coït avec son cousin Chouaïb dont il est amoureux, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), pp. 22-23) ; « Je l’ai fait. Je savais ce que je faisais. J’ai fait avec ce garçon ce que je n’ai jamais fait avec toi. Des gestes nouveaux. Des pratiques nouvelles. Du danger. Une grande violence. Le noir autrement qu’avec toi. » (Abdellah Taïa s’adressant à son amant Slimane et lui racontant une infidélité, idem, p. 122) ; « Je flairais un brin d’allégresse, lorsque la sensation de ses doigts pour me pousser à danser contre lui pénétrait sur ma chair, créant une vive douleur. Cependant, je désirais cette souffrance pour reprendre conscience de mon corps, comme emporté loin de moi par la vague de plaisir. […] Ruisselant de sueur, il me mordillait les fesses en cherchant à introduire d’une manière décidée, son majeur dans mon orifice anal. La douleur me pinçait. En dépit du retrait que désirait ma conscience, mon corps finit sa course, prisonnier comme ces vers de terre au bout d’un hameçon. […] À peine fut-il sur moi, que je versais des larmes de désolation. L’instant de sodomie, rigoureusement chargé, vit tout mon être disparaître dans les profondeurs du mal pour ne devenir qu’une empreinte. Les filles pensais-je alors, subissent-elles le même sort ? J’avais terriblement mal et je hurlais que jamais plus je ne résisterais, mais qu’il fallait que cela cesse. Torture terrifiante qui m’incendiait de partout, son sexe sans pitié qui me ravageait par des tamponnements secs et violents. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 66-68) ; « En observant Bruno pénétrer Fabien, la jalousie m’a envahi. Je rêvais de tuer Fabien et mon cousin Stéphane afin d’avoir le corps de Bruno pour moi seul, ses bras puissants, ses jambes aux muscles saillants. Même Bruno, je le rêvais mort pour qu’il ne puisse plus m’échapper, jamais, que son corps m’appartienne pour toujours. » (Eddy Bellegueule simulant des films pornos avec ses cousins dans un hangar, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 154) ; « On s’est quand même furieusement envoyés en l’air. » (Bertrand parlant de ses coïts avec Pierre, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari, les coïts filmés lors du concert SM – et qui n’ont pas été du tout scénarisés ni joués par des acteurs (comme l’avoue très simplement le réalisateur lui-même) – sont en réalité de véritables scènes de torture. Dans le documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order », 2012) de Jan Soldat, les deux « vieux amants » se torturent l’un l’autre et montrent tout fiers à la caméra leurs instruments de torture sexuelle (raquettes électrisées pour se fouetter le cul, colliers piquants, menottes, etc.). La Fistinière bis ! Je vous renvoie à la violence « conjugale » observée dans les « couples » homos (cf. http://m.slate.fr/story/65941/violence-conjugale-couples-homosexuels)… qui n’ont évidemment le monopole de la brutalité dans les coïts (mais force est de constater que l’éjection de la différence des sexes est un facteur aggravant de violence !).

 

Film "L'Homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

Comment expliquer cette violence plus accrue dans le coït homosexuel ? Je crois qu’elle vient de la frustration engendrée par l’ennui, par la fadeur d’une uniformité amoureuse sans relief (narcissique, on peut le dire) et peu tournée vers les altérités fondamentales de l’Humanité, par la stérilité du trop-plein de ressemblances, par le désir sécuritaire et peu nourrissant de se rassurer en se centrant sur soi et sur ses jumeaux sexués.

 

En outre, l’acte génital humain est le lieu de découverte de nos plus belles beautés mais aussi de révélation de nos plus profondes blessures, limites, fragilités. Et comme le désir homosexuel, contrairement à la coupure fondatrice et relationnelle qu’est la différence des sexes (une saine et nécessaire blessure, une faille pouvant être porteuse de vie), est une blessure où la différence et la vie ont du mal à se nicher (même si en intentions il aspirerait à avoir les mêmes vertus que la différence des sexes), une blessure qui a pu provenir d’un viol et qui en tout cas en fait souhaiter un, il fait naître des sentiments paradoxaux et contradictoires au cœur de tout individu qui le ressent. « J’ai demandé au ciel de me dire pourquoi je suis là ? Qui j’étais ? Et quelques jours plus tard, on dit que le hasard n’existe pas, je regardais la télé le soir en zappant les chaînes, je vois un film érotique chouette et je vois un homme de dos, et l’autre personne je la voyais pas et après je me rends compte que ce sont deux homosexuels. Je n’avais jamais vu d’homosexuel en chair et en os et de les voir en plus en plein acte de violence. J’ai eu comme un coup de poignard, une monté de colère, un viol de mon être, une déchirure, je savais ce que c’était des pédés mais le voir physiquement a été comme un choc, comme une balle en pleine tête et à partir de ce moment-là ma vie est devenue un enfer, car je suis quelqu’un de craintif, et le moindre problème qui surgit faut que je tente de le résoudre sinon je peux paniquer très vite et là je me remémore ces images sans cesse. À m’en faire gerber et presser ma tête et ma poitrine continuellement comme dans un étau. Je me suis dit : ‘T’es un homme et eux aussi donc tu peux faire cet acte aussi’ et que je ne pouvais imaginer qu’un homme puisse descendre aussi bas dans l’instinct animal malsain. » (cf. le mail d’un ami, Pierre-Adrien, 30 ans, juin 2014) Et c’est le fait de reconnaître en son amant un désir de viol (jumeau du sien !) qui, bien souvent réveille l’homophobie, la violence, j’en suis de plus en plus convaincu (cf. je vous renvoie au code « Homosexuel homophobe », l’un des plus importants de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Chaque étreinte, chez les pédérastes, peut se terminer par la mort, par le crime purificateur ; un jour ou l’autre, la raison s’éveille – pour un instant – et le plus fort tue le plus faible, après avoir assouvi son désir ; il le tue d’autant plus facilement que la nausée, le dégoût montent toujours à nos lèvres d’êtres sans amour tout de suite après l’acte, comme une marée de remords. » (Jean-Luc, homosexuel, 27 ans, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 98) C’est la pratique de l’acte homosexuel qui crée conjointement l’homosexualité et l’homophobie, dans un même mouvement : « Tout à coup, il se retrouva sur mon dos. J’essayai de l’en faire tomber. Il me fit une habile clé de bras pour pouvoir s’enfoncer un peu en moi. Je me cabrai de douleur, comme un cheval, nous éjectant tous deux du lit. Nous roulâmes le long du sol, en nous frappant. Puis, épuisés, nous nous séparâmes. Il jura ; s’habilla ; partit. C’était la première et dernière fois que je me faisais presque enculer. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 146)

 
 

b) Pas plus doux entre femmes, faut pas croire ! :

Film "Kaboom" de Gregg Araki

Film « Kaboom » de Gregg Araki


 

Certaines femmes lesbiennes se targuent d’être « plus douces », « plus sentimentales », et « moins brutales » dans leur coït que les hommes (« hétéros » comme gays). Je nuancerai beaucoup le tableau ! Leur lecture angéliste, sexiste, et misandre, de la sexualité lesbienne (mais pas si farfelue à bien des égards : c’est vrai que les hommes ont, en général, une sexualité plus compulsives que les femmes) rentre très souvent en porte-à-faux avec ce qu’elles font dans le secret de l’alcôve : je vous renvoie aux clubs de sadomasochisme lesbien (à Paris, il existe même une association spéciale pour ça : les Maudites Femelles), et au phénomène accru – et si mal connu – de la violence conjugale entre femmes lesbiennes. De toute façon, il suffit d’écouter et de prêter l’oreille quand nos chères, douces, tendres, et poétiques amies lesbiennes parlent de « sexe entre filles » pour comprendre toute la part de violence, de « déchargement » pulsionnel (et de vengeance d’elles-mêmes, après tout) qui se vit dans leurs coïts.

 

Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, on assiste à au moins 4 scènes de pur cul, d’une indécence et d’une brutalité qui tentent de se faire passer in extremis pour « non-pornographiques » et « aimantes ». Mais en coulisses, les deux actrices (qui jouaient le rôle d’Adèle et d’Emma) ont avoué qu’elles avaient été traitées comme des « prostituées » par le réalisateur qui les a poussées à bout, notamment pour prouver coûte que coûte que deux femmes peuvent jouir au lit sans la présence d’un homme ou d’un pénis. À l’écran, on les voit d’ailleurs pousser des hurlements orgasmiques qui ne semblent ni beaux ni libres (par moment, le spectateur se sent mal à l’aise de les voir se mordre ou se donner des fessées, à l’apogée de leur « orgasme »…).

 
 

c) Lors de l’accouplement homo, l’un des deux amants tente d’étouffer ou d’étrangler son compagnon :

Comme pour illustrer que le problème majeur du couple homosexuel est celui du rejet de la différence des sexes, et donc plus foncièrement celui du manque d’espace de chasteté qui permet une relation d’amour sereine et une assise solide dans le Réel, on découvre qu’un certain nombre de personnes homosexuelles s’entretuent par étouffement et strangulation : cf. le Masque-empreinte de Jean Cocteau avec une main lui enserrant le cou (1930) exposé à la Cinémathèque de Bercy à Paris. Ne me regardez pas avec des yeux ronds : c’est véridique. « La strangulation est un mode d’assassinat qui a été souvent employé sur des pédérastes. » (Daniel Borillo et Dominique Colas, L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005), pp. 272-284)

 

Film "L'Homme blessé" de Patrice Chéreau

Film « L’Homme blessé » de Patrice Chéreau


 

La liste de faits divers dans lequel sexe/homosexualité non-assumée/strangulation sont liés est longue et très incomplète, mais déjà, elle peut nous donner une idée de l’ampleur du phénomène. Par exemple, en Allemagne, le serial killer Fritz Haarmann a défrayé la chronique car il a tué au minimum 24 hommes de tous âges entre 1918 et 1924, en les étouffant et en les découpant ensuite : « Au moment de l’étreinte sexuelle, Haarmann, à la façon de ces passionnées qui mordent leur amant à l’épaule, étouffait dans ses mâchoires, en les serrant à la gorge, les adolescents qu’il tenait sans défense et immobilisé sous le poids de son corps. » (cf. un extrait des rapports de police sur les crimes du « boucher de Hanovre », cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 224) Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, on voit Pierre Bergé essayer d’étrangler Jacques de Bachère, l’amant occasionnel de Yves Saint-Laurent. En 1983, le tueur en série homosexuel Dennis Nilsen, surnommé « l’Étrangleur à la cravate » tue ses victimes masculines (15 en tout) par strangulation. Le 11 décembre 1986, l’écrivain français Alain Pacadis, qui avait tenté de se suicider en 1982, meurt étranglé par son compagnon, âgé de 20 ans, qui voulait, dira-t-il à la police, le « délivrer de son désespoir ». Aux États-Unis, Jeffrey Dahmer (« le monstre de Milvaukee »), cannibale et nécrophile, homosexuel de surcroît, a tué entre 1978 et 1991 dix-sept jeunes hommes : il veut à chaque fois faire l’amour avec des hommes inanimés et morts, qu’ils aimaient asphyxier. Le 23 décembre 2002, dans les Hauts de Seine, Philippe Digard (26 ans) étouffe et tue Ilia, un jeune prostitué homosexuel. En 2001 à Houston aux États-Unis, Richard Masterson a tué par strangulation le travesti Darin Honeycut : selon lui, Darin lui avait demandé de lui serrer le cou pour lui causer une asphyxie érotique, une pratique consistant à priver d’oxygène le cerveau d’un partenaire pour décupler son orgasme. En septembre 2003, à Lausanne, le jeune Russe Salomon (34 ans) étrangle son amant de 63 ans au terme d’une soirée arrosée (le prévenu prétend avoir réagi de manière violente et impulsive, sous le coup d’un dégoût irrépressible qu’il fait remonter à une tentative de viol subie de la part d’un homme, lorsqu’il avait 10 ans). Le soir du 2 novembre 2008, à Saint-Aygulf, le Tunisien Ramzi Berrejeb (28 ans) étrangle un retraité avec qui il a eu une relation homosexuelle non-assumée. Le 15 février 2010, le prince saoudien homosexuel Saud Bin Abdulariz Bin Nasir al Saud (34 ans) a été reconnu coupable du meurtre du serviteur (32 ans) qui partageait sa chambre, et son lit, dans un luxueux hôtel londonien (ce dernier a été retrouvé étranglé, le corps couvert de bleus et de morsures au visage). En juillet 2012, Maurice Mjomba (29 ans et homo), un activiste engagé pour les droits des LGBT de Tanzanie, est retrouvé mort étranglé chez lui. En juin 2011, le Nîmois Laurent Julien, âgé de 30 ans, a été mortellement étranglé, juste après la feria. Le crime « homophobe » n’était en réalité qu’une séance « amoureuse » homosexuelle qui avait mal tournée… Au Texas (États-Unis), le 17 juillet 2015, Bryan Michael Canchola (20 ans) a tué son amant Stephen Sylvester (18 ans) en l’étranglant. What else ?

 
 

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Code n°95 – Inceste (sous-code : Père et fils homos tous les deux)

Inceste père

Inceste

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

« Ça n’existe pas chez nous, l’inceste, de toute façon. »

(Pascale Ourbih, présentateur transsexuel M to F, juste avant la projection du documentaire « Et ta soeur » au Festival Chéries-Chérie du 15 octobre 2011 au Forum des Images de Paris)

 

Film "Boy Culture" de Q. Allan Brocka

Film « Boy Culture » de Q. Allan Brocka


 
 

Telle famille, tel fils homosexuel ?

 

Pourquoi le cliché de la mère possessive, ou la thèse du gène gay qui se transmettrait de père en fils, agacent tant la communauté homosexuelle ? Parce qu’il met en lien direct l’homosexualité avec l’interdit majeur de l’Humanité : l’inceste. Ce rapport charnel et sexuel entre deux parents de sang.

 

Le désir homosexuel renvoie aussi bien à la transgression de la différence des sexes qu’à celle de la différence des générations. Il semble succéder au désir d’inceste : en réalité, il n’en découle pas causalement mais « coïncidentiellement », pourrait-on dire. Ce n’est pas par hasard si Christine Angot écrit au tout début de son roman L’Inceste (1999) que « L’inceste, c’est l’homosexualité ».

 

Bien qu’il soit évident que l’homosexualité n’est pas le résultat immédiat et causal d’une « mauvaise éducation » comme dirait Pedro Almodóvar, il n’empêche qu’il peut exister des ponts entre l’environnement familial et le désir homosexuel. Quand je regarde autour de moi, je constate que les situations familiales des personnes homosexuelles, sans être plus extraordinaires ni catastrophiques que d’autres, sont souvent complexes, et parfois perturbées. Même s’il est impossible, fort heureusement, de dresser un portrait-robot de LA famille d’où émergera une ou plusieurs personnes homosexuelles, nous pouvons tout de même définir des terrains porteurs, car oui, ils existent. Ce sont certaines coïncidences (une possible possessivité maternelle, un supposé absentéisme paternel, une certaine expérience de la gémellité, une influence écrasante des frères et sœurs, une éducation ressentie comme trop rigide ou trop laxiste, etc.) qui me le font dire.

 

Par exemple, la majorité des personnes homosexuelles sont orphelines de père ou de mère, symboliques surtout, réels parfois. C’est pourquoi certaines se définissent comme des enfants bâtards – alors même qu’ils ont leurs deux parents –, des « presque orphelins » pour reprendre la charmante expression de Tamsin dans le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky.

 

Par ailleurs, on rencontre un certain nombre de cas où plusieurs frères d’une même famille se disent « homosexuels », ou bien un des parents avec son fils (la famille Ackerley, la famille Mann, la famille Schwarzenbach, la famille Cocteau, etc.). Ce n’est pas rare, bien qu’en effet, personne dans le « milieu » ne le crie sur les toits par peur d’alimenter l’argument de la dégénérescence, c’est-à-dire d’une « hérédité homosexuelle », ou bien l’idée d’une « homosexualité éducationnelle » qui pourrait, si elle existait, être désapprise ou éradiquée.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles rejettent avec véhémence le concept de dégénérescence, parce qu’elles défendent inconsciemment, dans le rejet, le lien causal entre parents et enfant homosexuels. Il arrive que certains individus reconnaissent en leur père ou en leur fils un amant homosexuel, ou, sans aller jusque-là, leur propre désir homosexuel. Cette correspondance leur déplaît énormément, parce qu’elle renvoie à un autre interdit que celui de la transgression de la différence des sexes par le couple homosexuel ou par le viol génital : celui du viol de la différence des générations, donc de l’inceste. La similitude d’orientation sexuelle entre fils homosexuel et père est parfois troublante dans la réalité, non pas dans la mesure où elle serait causale ou exactement symétrique (tous les pères d’enfants homosexuels ne sont pas systématiquement homosexuels, et tous les fils homosexuels ne sont pas amoureux de leur père, bien entendu), mais parce qu’elle est imparfaitement gémellaire. La société actuelle a trop souvent coutume d’envisager cette possible gémellité dans les désirs incestueux sur le mode de la rupture ou de la fusion, pour ne pas la reconnaître telle qu’elle est : uniquement symbolique, fantasmatique, irréelle, et actualisable si elle n’est pas conscientisée.

 

Il est parfois fascinant d’observer les réactions saugrenues de certains pères au moment du coming out de leur fils, ou à l’inverse, la gêne ressentie de la part du second par rapport à son propre père. Les personnes homosexuelles qui affirment détester leur père ou leur mère, mais qui à côté de cela, choisissent souvent des partenaires amoureux qui ressemblent plus ou moins à leurs parents et à l’image idéalisée qu’elles s’en font, ne sont pas des cas isolés. Quelquefois, c’est vertigineux de voir les copies conformes ! (Ça m’est arrivé personnellement !) Un rapport idolâtre entre les générations peut s’instaurer à travers l’affirmation d’une homosexualité, paradoxalement sur le mode de la rupture, comme l’illustre l’incroyable remarque que j’ai entendue un jour de la part d’un ami homosexuel concernant sa position ambiguë entre son père et lui : « Avec mes parents, on a été un couple… un ‘trouple’ plus exactement… J’ai toujours été la chose de mon père. »

 

Pour terminer, je signale au passage que je ne parlerai pas dans ce code de l’inceste entre frères (ou entre cousins). Je réserve l’étude de ce sujet pour le code « Inceste entre frères » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels (j’y aborde entre autres le cas des familles où il y a plusieurs individus qui se déclarent « homos », ainsi que le rapport de jalousie au sein d’une même fratrie comme facteur d’homosexualité).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Mère possessive », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Pédophilie », « Orphelins », « Élève/Prof », « Éternelle jeunesse », « Clonage », « Parricide la bonne soupe » et « Inceste entre frères », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

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FICTION

 

Le personnage homosexuel entretient une relation incestueuse avec un proche parent :

 

INCESTE PÈRES 13 Lanoux

Film « La Triche » de Yannick Bellon


 

On retrouve la thématique de l’inceste dans énormément de créations à thématique homosexuelle : cf. le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, le roman Le Fou du père (1988) de Robert Lalonde, la chanson « My Heart Belongs To Daddy » (1938) de Cole Porter, le film « Premier amour, version infernale » (1968) de Susumu Hani (avec l’inceste père/fils), les films « Les Damnés » (1969) et « Sandra » (1965) de Luchino Visconti, le roman Le Vieillard et l’Enfant (1954) de François Augiéras, le roman Le Neveu (1964) de James Purdy, les films « Belle Maman » (1999) et « Ma Mère » (2003) de Christophe Honoré, le film « Mon Fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, le film « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar, le film « Luster » (2001) d’Everett Lewis, le film « Alice » (2002) de Sylvie Ballyot, le film « The Maids » (1975) de Christopher Miles, le film « Ostia » (1970) de Sergio Citti, le film « Sexe fou » (1973) de Dino Risi, le film « Sitcom » (1997) de François Ozon, le film « L’Enfer d’Ethan » (2004) de Quentin Lee, le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, le film « Jin Nian Xia Tian » (« Fish And Elephant », 2001) de Yu Li, le film « La Classe de neige » (1997) de Claude Miller, les films « Sonate d’automne » (1978), « Le Silence » (1962), et surtout « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman (avec la relation ambiguë père/fils), le film « Le Langage perdu des grues » (1991) de Nigel Finch, le roman Joli Papa (2003) d’Alain Meyer, la pièce Soudain l’été dernier (1958) de Tennessee Williams, la pièce Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès (avec la figure du père possessif et omniprésent), le roman L’Inceste (1999) de Christine Angot, la pièce Mon beau-père est une princesse (2013) de Didier Bénureau, le film « Le Bal des Vampires » (1967) de Roman Polanski, le roman El Retrato Amarillo (1956) de Manuel Mujica Lainez, le film « Twist » (2004) de Jacob Tierney et Adrienne Stern, le film « El Amor Del Capitán Brando » (1974) de Jaime de Armiñán, le film « Priscilla folle du désert » (1995) de Stephan Elliot (l’un des personnages a été abusé par son oncle), les chansons « L’Amour naissant » (« C’est un revolver, père, trop puissant ») et « Regrets » de Mylène Farmer, la chanson « Celui que j’aimerai » de Cindy dans le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon, le film « Après lui » (2007) de Gaël Morel (où une mère tombe amoureuse de l’assassin de son fils, Franck), le film « Une Soirée étrange » (1932) de James Whale, le roman L’Espace mortel (2005) de Patricia Duncker, les films « Madame » (1997) et « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, le roman Dream Boy (1995) de Jim Grimsley, la nouvelle Adiós Mamá (1981) de Reinaldo Arenas, le film « Jeux de nuit » (1966) de Mai Zetterling, le film « Agostino » (1962) de Mauro Bolognini (traitant de l’inceste avec la mère), le film « Sex » (1971) de Paul Morrissey, le film « La Couleur pourpre » (1985) de Steven Spielberg (avec Celie, violée par son père), le film « L’Histoire de Pierra » (1982) de Marco Ferreri, le film « Smukke Dreng » (« Joli Garçon », 1993) de Carsten Sonder, le film « The Everlasting Secret Family » (1988) de Michael Thornhill, le film « Only The Brave » (1994) d’Ana Kokkinos, le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair (avec la mention de Lolita), le film « Billy’s Dad Is Fudge-Packer » (2004) de Jamie Donahue, la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams (où un homme âgé vit avec une femme trop jeune pour lui), le film « Souffle au cœur » (1971) de Louis Malle (avec l’inceste entre la mère et le fils), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot (avec lady Philippa, violée par son père), le film « La Vie intermédiaire » (2008) de François Zabaleta (racontant l’histoire d’amour impossible entre une domestique de château sexagénaire et un photographe homosexuel de vingt ans son cadet), le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan (où le personnage d’Anne, 55 ans, interprétée par Muriel Robin, vit avec Marcello qui n’a que 25 ans), le film « Túnel Russo » (2008) de Eduardo Cerveira (avec une grande différence d’âges entre les deux amants), la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton (où Doris, l’héroïne lesbienne, détourne sexuellement le jeune Santiago), le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau (dans lequel est raconté la relation d’un homme de 50 ans avec une fillette de 14 ans), les films « Mommy Is Coming » (2012) et « My Baby’s Daddy » (2004) de Cheryl Dunye (où on assiste à un coming out croisé entre mère et fille), le film « Little Gay Boy, Christ Is Dead » (2012) d’Antony Hickling (Jean-Christophe et sa mère, une prostituée anglaise, prennent leur bain ensemble), le film « Honey Killer » (2013) d’Anthony Hickling, le film « Gerontophilia » (2013) de Bruce LaBruce, le film « Far-West » (2002) de Pascal-Alex Vincent (avec le papy de Ricky, en couple avec son jeune assistant-fermier), la pièce Un cœur de père (2013) de Christophe Botti, la chanson « La Maison en bord de mer » de Patricia Kaas (une fillette violée par son oncle), etc.

 

Film "Hannah Free" de Wendy Jo Carlton

Film « Hannah Free » de Wendy Jo Carlton


 

L’homosexualité se double d’inceste dans le roman Les Hors Nature (1897) de Rachilde. Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018, Jimmy, un des personnages homos, a été violé par son père, Joël. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, le Dr Alban Mann est qualifié par Jane, l’héroïne lesbienne, de « pédophile incestueux » (p. 76)… et les faits donneront raison à Jane car Mann viole sa jeune fille Anna : « Le dossier accusant Alban Mann d’avoir abusé d’Anna parlaient d’eux-mêmes. » (idem, p. 251). Dans le roman Confidence africaine (1930) de Roger Martin du Gard, Léandro Barbazano, le héros homo, est né d’un rapport incestueux, et meurt au commencement du livre. Dans le roman L’Obligation du sentiment (2008) de Philippe Honoré, Martin est violé à 14 ans par son père Louis. Dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, quasiment tous les membres de la famille de la jeune Irina lui sont passés dessus (l’oncle Pierre, la mère – présentée comme « l’amour de la vie d’Irina » –, la prof de musique Mme Garbo, etc.). Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, Madame Gras a connu l’inceste avec son père puis son frère. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Camille tombe amoureuse du meilleur ami de son fils homo Matthieu. Dans le film « Mon Arbre » (2011) de Bérénice André, Isabelle, une des héroïnes lesbiennes, trouve sa fille « canon ». Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca se jure qu’après la mort de son père (qui rêvait de le marier), il trouvera l’homme de sa vie pour le remplacer. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, le père de Charlène (l’héroïne lesbienne) surnomme sa fille « Princesa » et la chatouille de manière excessive et déplacée. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine idéalise la grande tante Lucie : « Sa tante Lucie est restée vierge. » avant de découvrir la vérité : « Cette salope… Elle a couché avec son fils. Moi qui la croyais vierge ! » Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, lorsque Jefferey fait son coming out à ses parents en pleine fête de famille, il s’étonne de voir son propre père lui demander « d’embrasser son parrain José », un homme de 58 ans ! Mais plus tard, il se soumet à cette projection : « Oui Madame, j’aime les hommes plus vieux. »
 

Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, la différence des générations est gommée : mère (Diane) et fils homosexuel (Steve) s’imitent dans le jeunisme, la délinquence, les bêtises… ou dans l’âgisme (« Traite-moi comme un adulte ! » récrimine le jeune homme). Le fils embrasse la mère sur la bouche, et est désespéré (au point de se tailler les veines) parce qu’elle ne le suit pas jusqu’au bout de sa passion incestueuse : « Toi et moi, on s’aime encore, hein ? » (Steve) ; « Je vais t’aimer de plus en plus fort, et c’est toi qui vas m’aimer de moins en moins : c’est la nature. » (Diane)

 

Dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015), Pierre Fatus nous fait croire qu’il a couché avec une femme… mais on découvre qu’il s’agit de sa mère biologique : « La première femme avec qui j’ai couchée : la bombe ! Avec des seins… »
 

B.D. "Le Monde fantastique des gays" (planche "Minitel") de Copi

B.D. « Le Monde fantastique des gays » (planche « Minitel ») de Copi


 

L’inceste a la violence du viol. « Je suis une fille de l’inceste. Voilà pourquoi je meurs. » (Antigone dans la pièce Antigone (1922) de Jean Cocteau) ; « Vous avez un problème de violence dans la famille ou quoi ? » (Kévin, le héros homosexuel, s’adressant à son amie lesbienne Sana, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone) ; « Mon père est un salopard et un manipulateur. Il a trompé ma mère même la dernière année de sa vie. Il a baisé ma prof de théâtre et il m’a… » (Zach, le héros homosexuel qui ne termine pas sa phrase, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Papa lui fourre sa bite dans la chatte. » (le skinhead efféminé Peter Pan, parlant d’Anna, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 96) ; « Maman a dit qu’il n’est jamais trop tard pour s’intéresser à la notion d’inceste. » (Océane Rose-Marie, l’héroïne lesbienne dans son one-woman-show Chaton violents, 2015) ; etc. Par exemple, Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny est un homosexuel abusé (symboliquement) par son père, et reproche à ce dernier d’« avoir eu envie de lui » ; et dans ce même film, le petit Jude se fait violer par son père. Dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, Christian s’est fait violer par son père, Helge, et l’annonce en pleine fête d’anniversaire de mariage de ses parents. Dans le film « Laberinto De Pasiones » (« Le Labyrinthe des Passions », 1983) de Pedro Álmodóvar, Queti a été violée par son père Michele. Dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, c’est au moment où Nina se masturbe dans son lit qu’elle a la vision horrifique de sa mère l’observant à côté d’elle. Dans le film « Lonely Boat » (2012) de Christopher Tram et Simon Fauquet, une prostituée couche avec le père de son copain. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, la mère-prostituée transsexuelle fait l’amour avec un client octogénaire qui meurt pendant l’acte sexuel : elle atteint l’orgasme en faisant l’amour avec ce cadavre.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann découvre que son amant Julien a couché avec sa belle-mère Solange, la cougar : « Tu t’es tapé la vieille ??? » Julien, lui-même, se révolte contre celle-ci en découvrant la vérité : « Pourquoi vous m’avez violé ?? » La belle-mère ricane : « Violé… Tout de suite les grands mots… » Finalement, Solange se rabat sur Yoann. Elle lui fonce dessus, et ce dernier, au départ, résiste : « Elle voulait me violer ! C’est elle ! C’est moi qui était en-dessous. » Puis Julien et Zoé, ex-amants qui se remettent ensemble, poussent Yoann dans les bras de la belle-mère de Julien. Yoann fait un gosse à la quinquagénaire…
 

Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, le téléspectateur assiste à un chamboulement complet des générations, des rapports d’autorité entre jeunes et adultes. Les moniteurs qui encadrent la colo se font complètement menés par le bout du nez par des ados qui se comportent comme les grands qu’ils ne sont pas et qui pourtant ont déjà une sexualité d’adultes. Cette inversion crée du dégoût et donc du lesbianisme chez la protagoniste principale, Clara.

 

Spectacle contemporain au "Invisible Dog" de Brooklyn

Spectacle contemporain au « Invisible Dog » de Brooklyn


 

Cependant, l’inceste n’apparaît pas nécessairement comme brutal et choquant aux personnages qui le vivent. En général, quand il est vécu, le père et le fils se flattent l’un l’autre de gommer leur différence générationnelle et leur lien du sang, en toute bonne foi. Par exemple, dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, le laisser-aller sexuel de la mère (Marie découvrant son lesbianisme) correspond à celui de la fille (Lili vivant ses expériences sexuelles trop tôt avec un gars peu fréquentable, Freddie)… et leur réconciliation s’instaure sur leur propre négligence. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Ahmed se qualifie lui-même comme « le fils et le père » de son fils Ali. L’éloignement et la négation du Réel, par la violation de la différence des générations, prend chez les héros homosexuels une dimension poétique, ludique, littéraire, affective. « Y’a que dans l’inceste qu’on ne trahit pas. » (le héros homosexuel de la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou) ; « La grenouille comprit que la Sigogne s’interrogeait sur l’Inseste avant d’être avalée par elle. » (cf. les mots inscrits sur une stèle de la Cité des Rats, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 146) ; « Un monsieur aimait un jeune homme, et parfois lui payait ses cahiers. Il était écolier. […] Il est si doux d’être papa. » (cf. la chanson « Le Monsieur et le jeune homme » de Guy Béart) ; « Un fils dormant avec son père, c’est normal ! » (Léopold parlant à son fils Roger, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « C’est toi que j’aurais dû épouser. » (Heck, le mari trentenaire ayant épousé une femme lesbienne Rachel qui l’a trompée, et s’adressant à Hache la petite sœur de cette dernière, qui a 7 ans, Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; « Kévin, ça se passe bien à la maison ? Ton père te viole-t-elle ? […] Ô bel éphèbe issu de la diversité ! […] Kévin, je suis ton père. » (le flic dans une parodie de film français sur la drogue, dans le one-man-show Blanc et hétéro (2019) de l’humoriste Arnaud Demanche) ; etc.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Par exemple, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, Leni Riefenstahl évoque la « beauté tragique de l’inceste ». Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Tom dit qu’il « aime » son père. Dans le film « Catilina ou le venin de l’amour » (2012) d’Orest Romero, Catalina, fils d’un ancien militaire propriétaire d’un supermarché, décide de se faire passer pour son père pour conquérir Marcus, un jeune garçon qui vient d’être embauché. Dans la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, l’héroïne lesbienne souffre d’avoir été traitée par son père militaire comme « la fille chérie », le « faire-valoir ». Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert, le héros gay en costume de marié, court dans une forêt après sa mère, elle-même en robe de mariée, pour lui demander de l’épouser en tant que « roi » et de « le rejoindre dans son Royaume ». Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, « L. » veut se marier avec le Rat alors qu’ils ont une grande différence d’âges : « Je pourrais te faire passer pour mon fils adoptif. » Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Stéphane, le héros homosexuel quinquagénaire, a 20 de plus que son partenaire de 30 ans, Vincent. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Todd et Frankie, deux amis du même âge qui viennent de coucher ensemble, se font au réveil le même constat : « Je couche rarement avec les mecs de mon âge. » (Todd) ; « Moi aussi. » (Frankie) Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Hugues, le médecin bourgeois, sort avec Fabien, un petit jeune. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Carol, l’héroïne lesbienne bourgeoise et déjà mère, vit le « grand amour » avec une femme nettement plus jeune qu’elle, Thérèse. Abby, l’ancienne amante de Carol, s’en étonne auprès d’elle : « Elle est jeune. Sais-tu ce que tu fais ? » Dans le film « Freeheld » (« Free Love », 2015) de Peter Sollett, Laurel, femme mûre, sort avec Stacie, la petite jeunette.

 

Il arrive que le héros homosexuel, d’âge mûr, soit attiré par son fils pour par ceux qui ont l’âge de son fils (cf. je vous renvoie au code « Pédophilie » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). « Ton père adorait vraiment nous regarder nager à poil. » (un ami de Daniel se référant à l’homosexualité du père de ce dernier, découverte post mortem, dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz) Par exemple, dans la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely, le père de Franck, le héros gay, dit qu’« il a trop aimé son fils ». Dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, Mister Jones, vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, est soigné dans une maison de repos par Bob, un jeune infirmier dont il tombe amoureux. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, Göran, le héros homosexuel, succombe au charme d’un jeune homme au commissariat, avant de découvrir que c’est son futur fils adoptif. Dans la pièce La Cage aux Folles (1973) de Jean Poiret, George, le héros homosexuel, drague son fils hétéro Laurent.

 

Beaucoup de héros homosexuels racontent leur émoi sexuel pour leur père (ou leur fils) : « Mon cœur est à papa. » (cf. une réplique de la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche) ; « Pendant quelques minutes, il me sembla que j’étais son préféré. » (Zac à propos de son père, dans le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée) ; « Seul homme de la maison, j’oubliais avec une étrange facilité les liens du sang, faisant ainsi du géniteur aux yeux indiscrets un objet de convoitise et la cause première de nos maladies respectives ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 96) ; « Père… J’aimerais tellement avoir votre assentiment. J’ai pourtant tout fait pour vous plaire. » (Stuart, l’un des héros homosexuels, s’imaginant qu’il rencontre son père, dans le film « Cruising », « La Chasse » (1980) de William Friedkin) ; « Le papa, c’est toujours Dieu. » (Thierry, le héros homosexuel de la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, dans l’épisode 8 « Une Famille pour Noël ») ; « Je regardais toujours mon père se déshabiller. » (Jacques Nolot dans le film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot) ; « J’ai eu honte j’ai souffert. Je ne vais pas sortir les violons même si pour mon père c’est l’instrument de prédilection. […] Mais j’ai toujours eu en tête d’un jour lui reconnaître que j’aime profondément son dos pour rendre justice aux mots. » (cf. le poème « Un Autre Dos » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, p. 46) ; « Mon amant était Madame Lucienne ! […] J’aimais ma mère ! » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’ai enterré l’alliance de mon épouse juste à côté du corps de Chris : ces deux-là étaient si proches. » (Randall, le père de Chris, le héros homosexuel, dans le roman La Synthèse du Camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 234) ; « Aujourd’hui, c’est moi l’homme. Un homme pour mon père. Beau et fort pour mon père. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 35) ; « Je ne crois pas [que ma mère va revenir]. Elle est partie… pour toujours… cette fois-ci. Je passerai désormais ma vie avec mon père. Seul avec mon père. À m’occuper de lui. Homme à homme. Je serai la femme de mon père. » (idem, p. 126) ; « Tu as été mon fils et en même temps l’amour de ma vie. Tu es sûrement l’homme que j’ai le plus embrassé ! […] Quand tu étais petit, on s’embrassait toujours sur la bouche. Quand tu as grandi, tu n’as plus voulu. Tu ne voulais même plus que je te tienne par la main. » (la mère de Bryan à son fils gay Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 353) ; « La seule et unique fois où j’aurais pu conclure avec une femme, j’ai pensé à ma mère. » (François, le héros homo du one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « J’étais si jalouse de vous. » (la mère de Kai, le héros homo, s’adressant à Richard l’amant de celui-ci, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « Mon père était l’agaçant quarterback beau gosse qui avait épousé la major sexy de la promotion. » (Simon, le héros homosexuel, en parlant de son père, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; etc.

 

Film "Tell Me A Memory" de Jon Bryant Crawford

Film « Tell Me A Memory » de Jon Bryant Crawford


 

Vianney – « Non, je ne fume pas, mais ça ne me dérange pas, j’aime bien les bouches qui sentent le tabac froid, ça me rappelle mon père.

Mike – T’as couché avec ton père ?

Vianney –

Mike – C’était de l’humour, bon, ok, je me tais. »

(Mike racontant son « plan cul » avec un certain, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 85)

 

Film "Gerontophilia" de Bruce LaBruce

Film « Gerontophilia » de Bruce LaBruce


 

Par exemple, dans le film « Funeral Parade Of Roses » (1969) de Toshio Matsumoto, Eddie tombe amoureux de son père. Dans le film « L’Île des amours interdites » (1962) de Damiano Damiani, Arturo, à 15 ans, voue une passion dévorante à son père. Dans le film « Le Secret d’Antonio » (2008) de Joselito Altarejos. Antonio, à 15 ans, tombe amoureux de son oncle Jonbert. Dans la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le fils cherche à séduire sadiquement son père, considéré comme un dieu diabolique : « Ouvre-moi ta porte pour l’amour de Daddy. » Dans le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, le père d’Ailín est tombé amoureux de sa fille. Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, George, le héros homosexuel, porte au doigt l’alliance de sa mère. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, établit une relation très étrange avec son père : à la fois il le fuit et il le drague : « Oh mon papili, emmène-moi dans la forêt ! » Il parvient même, en se faisant passer pour sa mère (et la femme de son père, donc), à s’introduire dans la salle de bain de ce dernier et à le voir cul nu. Dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, les rapports d’éducation s’inversent : ce sont les enfants qui éduquent leurs parents. Dans le film « Le Maillot de bain » (2013) de Mathilde Bayle, le jeune Rémi, 10 ans, ressent son premier émoi homosexuel pour un beau papa de 35 ans. Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon se moque de la réaction post-coming out de sa mère qui s’interroge avec horreur sur les pratiques lesbiennes de sa fille (« Mais qu’est-ce que vous faites ??? »), en lui rétorquant : « Qu’est-ce que vous faites ? Eh bien viens ! Je vais te montrer ! » Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Segundo s’endort contre son père Noé qu’il découvre homosexuel (il surprend ce dernier en train de masturber un conducteur de camionnette) : « Tu seras toujours dans mon cœur papa. » L’homosexualité paternelle finit par déteindre sur la sexualité du jeune garçon de 14 ans, qui se met à être dégoûté des femmes.

 

Film "Le Maillot de bain" de Mathilde Bayle

Film « Le Maillot de bain » de Mathilde Bayle


 

 

Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, entretient dès son adolescence une ambiguë relation fusionnelle avec son père (Sir Philip), une connivence très homosexuelle, qu’Anna Philip, la mère, détecte assez vite et ne voit pas d’un très bon œil : « J’ai découvert que mon père savait tout à mon propos, seulement… Peut-être m’aimait-il trop pour m’en parler. » (Stephen par rapport à son homosexualité latente, p. 549) ; « Stephen grimpait sur son dos. Sir Philip prétendait être grisé pour avoir eu son saoul d’avoine, sautait, bondissait et ruait sauvagement, de sorte que Stephen était obligée de s’accrocher à ses cheveux ou à son col, tout en le frappant de ses petits poings insolents et durs. Attirée par ce vacarme étrange, Anna les surprenait ainsi et indiquait du doigt la boue sur le tapis. Elle disait : ‘À présent, Philip, à présent, Stephen, c’est assez ! c’est l’heure du thé’, comme s’il s’agissait de deux enfants, alors Sir Philip se redressait, se dégageait de Stephen, après quoi il embrassait la maman de Stephen. » (idem, p. 21) ; « Sir Philip aimait Stephen, l’idolâtrait. » (idem, p. 23) « Stephen adorait son père […] ; il faisait partie d’elle-même […] elle ne pouvait envisager le monde sans lui. » (idem, p. 24) Quand Anna tente d’empêcher l’incestueux couple à trois – le fameux « trouple », ou triangle œdipien papa/maman/enfant – (« Stephen, ma propre enfant… elle s’est jetée entre nous » dit-elle à son mari), Sir Philip la renvoie à sa responsabilité : « C’est vous-même qui l’avez jetée entre nous, Anna. » (idem, p. 148)

 

Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, s’imagine en amant miniature dormant sur le gazon puis le torse velu de son père. On ne sait pas trop s’il s’agit de son père réel dont il n’a aucun souvenir (il semble se rappeler d’un souvenir d’enfance quand il avait 2 ans et qu’il était blotti contre lui : « Je m’endormais sur son torse. Il était hyper poilu. ») ou bien s’il s’agit de son père fantasmé, cinématographique. Sûrement les deux.

 

Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, le jeune Franz se met en « couple » avec Léopold, de quinze ans son aîné. Il lui raconte que, lorsqu’il était adolescent, il avait rêvé que son beau-père (le nouveau mari de sa mère, avec « ses grandes jambes de footballeur ») pénètre dans son lit et lui fasse l’amour : « Puis il est venu dans mon lit. J’avais l’impression de devenir de plus en plus petit. Comme une fille. Puis il est rentré en moi. » Et plus tard, s’il a des enfants avec sa copine Ana, il dit qu’il les appellera « Franz et Leopold »…

 

Dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, John, jeune homme de 15 ans, est amoureux d’un papy de 70 ans, Mr Carter : il lui écrit des lettres d’amour, essaie d’attirer son attention par tous les moyens… et sans succès. Dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont, le protagoniste homosexuel « nique » avec « beau papa » et finit par lui faire une éjaculation faciale ; plus tard, il se rend sur un site internet nommé Le Syndrome de Stockholm, dans lequel on peut retrouver la trace de son violeur : « Quand j’étais enfant, j’ai été violé. Franchement, c’était génial. Et ce site m’a permis de retrouver la trace de mon violeur. Et je suis drôlement content d’avoir retrouvé mon grand-père ! »

 

Dans le roman L’Amant des morts (2008) de Mathieu Riboulet, la première phrase commence par l’aveu de l’inceste paternel du héros, Jérôme, 16 ans, qui ensuite deviendra homo : « Tout commence avec le père. Avec le commerce sexuel d’un père avec son fils, tout juste adolescent. Un père bûcheron de la Creuse, à la sex/sensualité brute, quasi primitive. C’était arrivé un jour, au petit matin, sur le carreau de la cuisine, et le fils, que son père bichonnait depuis sa naissance, s’était laissée prendre sans réticence. […] Le père de temps en temps couchait avec le fils. Le fils de temps en temps couchait avec le père. » Dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, Marcel est amoureux de son oncle homo Alain ; il s’imagine même faire l’amour avec lui pendant la nuit ! : « Il passa de plus en plus de temps devant son écran, se créant tout un univers de rêve. Il avait ainsi un père qui ne l’eut pas abandonné et une mère qui ne chercha pas tant à le contrôler en voulant trop le protéger. Son oncle n’hésiterait pas à lui offrir son corps et sa beauté, car Marcel adulait son oncle, homme séduisant toujours entouré de beaux mecs aussi attirants que lui. Il lui arriva souvent de se branler en rêvant à ce type au charme irrésistible qui dormait dans la chambre d’à côté, ou en train de lui faire l’amour. » (p. 19)

 

Dans l’œuvre du dramaturge argentin Copi, le traitement de l’inceste comme facteur d’homosexualité passe par le motif récurrent de la relation conflicto-fusionnelle mère/fille. « Voici la mère de Lou, mère-fille ou fille-mère, la Reine de l’Atmosphère ! » (Martin dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) On a avec lui l’illustration qu’une possessivité maternelle peut encourager la recherche fiévreuse et passionnelle d’un père absent.

 

Dans certaines œuvres homosexuelles, les jeux de mots et les calembours coquins sur l’inceste s’enchaînent : « Un zeste de citron dans l’eau… » (cf. la chanson « Veni Vedi Vici » d’Alizée) ; « Hello, helli, t’es à moi… Lolita » (cf. la chanson « Moi… Lolita » d’Alizée) ; « Qu’aussitôt, tes câlins/Cessent toute ecchymose […] Optimistique-moi, papa. » (cf. la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer) ; « Pense à ton père. » (Robbie incitant Ezri à pénétrer Effi, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; etc.

 

Généralement, le personnage homosexuel idéalise ses parents pour mieux se substituer à eux ; et inversement, ses parents le mûrissent excessivement et font passer cet abus pour une confiance et une responsabilisation incroyables. Il arrive très fréquent que les coming out entre le père et le fils adultes se croisent, voire même que le père et le fils aient une liaison amoureuse ensemble ! « Je pense à mon oncle souvent. Lui, il vivait chez sa maman. » (un protagoniste homo à propos de son tonton gay et mort du Sida, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Je comprends, car avant, j’étais moi aussi homosexuelle. » (Marina à son fils homo Fred dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Moi-même, j’avais eu pour amant, il y a bien longtemps, un homme mature. » (Randall, père du héros homosexuel Chris, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 235) ; « J’ai couché avec ma mère. » (l’héroïne lesbienne à Bérénice, dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) ; « Ma femme sait tout de moi, et notre fils […] saura tout lui aussi. Et il apprendra à respecter les autres et à se respecter lui-même. » (cf. la phrase de conclusion du père homo, dans le film « Alang Lalaki Sa Buhay Ni Selya », « The Man In Her Life » (1997), de Carlos Siguion-Reyna) ; « Peut-être que mon père se maquillait un petit peu moins [que moi]. » (Roberto le trans dans la pièce Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphan Druet) ; « Si ces pulsions animales sont génétiques, ça ne peut venir que du côté de ton père. » (la mère parlant à sa fille Bénédicte de l’homosexualité de son fils Laurent, dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Vous savez que chez moi (faire l’amour à sa mère) c’est une coutume ? » (Jarry dans son one-man-show Atypique, 2017) ; etc. Par exemple, dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Vincenzo est obsédé par le qu’en-dira-t-on à propos de l’homosexualité de son fils Antonio : dans les lieux publics, il est persuadé que tout le monde l’a identifiée et en rient. Il s’est complètement identifié à la caricature qu’il s’est faite de son fiston.

 

 

Film "Big Mama, de père en fils" de John Whitesell

Film « Big Mama, de père en fils » de John Whitesell

 

Le père et le fils sont tous les deux gays dans la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « The Boy Next Door » (2008) d’un réalisateur inconnu, la pièce Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz (Henri et son père), le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson (Marcel et Arthur Proust), le film « Crustacés et coquillages » (2005) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec Marc et son fils Charly), le film « A Ferret Calles Mickey » (2003) de Barry Dignam, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le film « Odd Sock » (2000) de Colette Cullen (une mère et son fils se révèlent mutuellement leur homosexualité autour de la machine à laver familiale), le film « Un Arrangement » (1998) de Didier Blasco, le film « Le Langage perdu des grues » (1991) de Nigel Finch, le roman Las Locas De Postín (1919) d’Álvaro Retana (avec Polito et son père), le film « Quelque chose en son temps » (1965) de Roy et John Boulting, le film « La Résidence » (1969) de Narciso Ibañez-Serrador (la « fille à pédés » lesbienne surprotège son fils unique gay), le film « Père, Fils » (2003) d’Alexandre Sokourov, le film « Simon, El Gran Varón » (2002) de Miguel Barreda, le film « Respire ! » (2004) de Dragan Marinkovic (où le père et la fille sont homosexuels), le film « Caresses » (1997) de Ventura Pons, le film « Merci… Dr Rey ! » (2001) d’Andrew Litvack, le film « Burlesk King » (1999) de Mel Chionglo, le film « Choujue Dengchang » (2001) de Cui Zi’en, le film « La Rivière » (1996) de Tsai Ming-liang, la B.D. Dads And Boys (2007) de Josman (avec des images crues d’un père et d’un fils qui couchent ensemble, parfois avec le grand-père en prime !), etc.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

« Ton père est différent des autres pères. » (le père, travesti M to F, faisant son coming out à son fils Peter, dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau) ; « Moi aussi, j’ai une préférence pour les garçons. » (le père du transsexuel M to F Jessica, dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « Je dirai que ton père était un pédé. » (Hervé Nahel lors de son concert aux Sentiers des Halles le 20 novembre 2011) ; « Si ce que j’aime le plus au monde est gay, alors moi, je suis… [Rideau. Toute dernière réplique de la pièce] » (le père de Chris, le héros homosexuel en couple avec le joueur de foot dont son père est fan, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Je suis le père d’Howard et je suis gay ! » (le père d’Howard, le héros homosexuel, en soutien pour son fils homo privé de son titre de meilleur prof de son lycée, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Homos de père en fils depuis cinq générations ! » (Francis, le héros homosexuel de la pièce Hors-Piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt) ; « Dans la famille, on est gays de père en fils ! » (le père homo d’Henri, le héros qui feint l’homosexuel, dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz) ; « C’est pas parce qu’elle avait de la moustache que c’était un gars. » (la grand-mère de Rodolphe, lui parlant de son père qui serait allé vers sa mère parce qu’il aurait cru que c’était un homme, dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand) ; « Depuis l’armée, j’ai toujours pensé qu’il avait été un peu fiottasse. » (idem) ; « Le plus délicat, c’est de faire son coming out à son père. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Qu’est-ce que je vais trouver ? Peut-être que c’est un marin, un cow-boy dans un ranch, un hippie, un travesti, un taulard ou bien qu’il vend des armes. Va savoir ? » (Phil, le héros homo, parlant de son père inconnu qu’il va rejoindre aux États-Unis, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa) ; « Tel père tel fils. » (Grace, la mère folle de John le héros homo, à propos de l’homosexualité de ce dernier, dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; etc.

 

Film "Beginners" de Mike Mills

Film « Beginners » de Mike Mills


 

Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, pères et fils ont tous en couple homosexuel : nous est dépeint un monde sans différence des sexes, où la différence des générations s’est substituée à la différence des sexes à travers le clonage. Dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, la mère se présente comme « l’amie » de son fils homo Bruno, et rêve finalement qu’elle forme un couple lesbien avec la Tante Claudette. Dans le film « Kazoku Complete » (« La Famille au grand complet », 2010) d’Imaizumi Koichi, Shusaku a des relations sexuelles avec Koichi, son père. Dans le film « Uncle David » (2010) de Gary Reich, Ashley et son oncle ont une liaison. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Georges de la Ferrinière, le présentateur télé, et son fils homo Éric, découvrent qu’ils ont tous les deux le même amant : Jean-Loup ! Dans la pièce Moi aussi, je voudrais avoir des traumas familiaux… comme tout le monde (2012) de Philippe Beheydt, Eddy rêve, en tant qu’acteur, de jouer une Princesse byzantine, et que son « fils » Édouard soit gay (d’ailleurs, il lui offre le livre Père manquant, fils manqué). Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, Vidvn suce le sexe de son père Mimile. Dans le film « Ma Mère préfère les femmes (surtout les jeunes…) » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman, Sofía aime les femmes de l’âge de ses filles, et ces dernières se demandent si elles ne sont pas, elles aussi, lesbiennes comme leur mère. Dans le film « Beginners » (2010) de Mike Mills, quand Hal, un homme âgé, fait son coming out à son fils Oliver, cela provoque chez ce dernier énormément d’interrogations… Dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, David, homosexuel de 15 ans, est adopté par le couple homosexuel Ed et Arnold. Dans le film « Días De Boda » (2002) de Juan Pinzás, on apprend que Rosendo, le marié, et son beau-père ont eu une liaison homosexuelle. Dans le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, Rachel, l’héroïne lesbienne, rêve qu’elle fait l’amour avec sa propre mère, au moment du coït avec sa copine (les visages se transposent les uns aux autres). Dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, Scott s’imagine faire l’amour à sa mère. Dans la pièce La Reine morte (1942) d’Henry de Montherlant, la relation entre le père (le roi Ferrante) et son fils (Don Pedro) est très ambiguë : « Vous savez bien que je vous aime » dit Don Pedro à son père ; « On devrait pouvoir rompre avec ses enfants comme on le fait avec ses maîtresses » rétorque ce dernier. Dans le roman El Día Que Murió Marilyn (1970) de Terenci Moix, Jordi et son oncle sont tous deux homos. Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc est homosexuel comme son oncle Édouard. Dans le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, Andy va « tailler une pipe » à son père dans les toilettes. Dans le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, Brad, le héros, vit dans un monde où l’homosexualité est la norme sociale, et où son père comme sa mère vivent chacun en couple homosexuel de leur côté. Dans le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, Zac, le héros gay, aperçoit avec effroi (et comme un « flash ») son père en tant que client régulier dans la boîte gay qu’il a coutume de fréquenter ! Dans le roman J’apprends l’allemand (1998) de Denis Lachaud, Rolf, le personnage bisexuel, a un oncle homosexuel, Peter, « celui qui vit dans la forêt, l’excentrique de la famille » (p. 62). Dans le film « Néa » (1976) de Nelly Kaplan, Sybille a surpris sa mère Helen au lit avec sa tante Judith. Dans le film « The Parricide Sessions » (2007) de Diego Costa, Diego tente de convaincre son propre père de jouer devant sa caméra le rôle de ses différents amants. Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, on apprend que « L. » s’est fait sodomiser par son père avant qu’elle/il ne l’étrangle avec ses bas de soie. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, la tante d’Omar a dit à son neveu – qui dort avec des poupées – qu’« il était exactement comme son père »… et on découvre que Ralph, le père en question, est secrètement homo. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, la mère de Reggie (l’un des personnages homos) est homosexuelle comme son fils… ce qui fait mourir de rire ses comparses LGBT. Dans l’« Histoire de Kamaralzamân avec la Princesse Boudour » des Mille et une Nuits, « l’homosexualité latente du père à l’égard du fils et du fils à l’égard du père, est fortement indiquée. » (Christian David, « Les Belles Différences », Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 382) Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon raconte comment elle a fait son coming out auprès de ses parents ; face aux larmes de tristesse de son père, elle décrit celui-ci comme un semblable d’orientation sexuelle : « Arrête, papa. On dirait un pédé ! » Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Nicolas, en couple avec son demi-frère, rend responsable son père décédé de leur homosexualité à tous les deux (et, du coup, à tous les trois !) : « Tu vas voir tes deux fils s’aimer. Mais tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. » Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, après que Simon a révélé à son père son homosexualité, ce dernier, pour montrer qu’il est ouvert et qu’il accepte son fiston tel qu’il est, lui propose sérieusement de l’aider à trouver avec lui l’âme-frère : « On pourrait peut-être s’inscrire sur Grindr ensemble… »

 

Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, on assiste à un spectaculaire coming out croisé entre père et fils. Sammy, le père d’Elio (jeune homo de 17 ans), a deviné l’aventure homosexuelle qui a impliqué son fils et son collègue de travail Oliver (la trentaine). Sammy non seulement encourage son fils à l’homosexualité (en lui assurant que ce qu’il a vécu avec Oliver était « bien plus qu’une magnifique amitié ») mais en plus lui dit qu’« il l’envie », et que même s’il s’est marié à 30 ans avec sa maman, il a failli faire son coming out : « Je n’en ai pas été loin… » Sidérant. Elio demande à son père si sa mère est au courant de son homosexualité secrète… et ce dernier dit qu’il « ne croit pas ».
 

Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, Raymond découvre que son père, Marcel (70 ans), s’est marié avec un homme, Dominique, et s’inquiète de se découvrir lui-même homosexuel… et son homosexualité est latente : « J’espère que ce n’est pas héréditaire. Parce que je ne suis pas du tout comme ça ! Mais alors pas du tout comme ça ! […] J’espère… j’espère que ce n’est pas héréditaire. » D’ailleurs, Dominique essaie de l’en persuader, en s’approchant dangereusement de lui, et en sous-entendant que Marcel et lui sont tous deux homos : « Au fond de vous, je sais que vous êtes comme lui : les mêmes attirances ! » De plus, suite à un quiproquo, Caroline, la fille de Dominique, s’imagine, en voyant Raymond, que c’est lui le « mari » de son père (donc son beau-père), et est scandalisée que son papa « ait réussi à séduire un jeune ». Elle finira par découvrir que Dominique a signé un « mariage pour tous » blanc avec Marcel, et par se mettre en couple avec Raymond, donc pour le coup son « demi-frère » par alliance. L’incestuel arrive à son paroxysme dans cette pièce.
 

Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Yiorgos découvre avec horreur que Strella, l’homme transsexuel de 25 ans avec qui il a couché et dont il commençait à tomber amoureux, était en réalité son fils… Ce dernier l’a piégé en connaissance en cause, et s’était déjà illustré dans un autre cas d’inceste, puisqu’à l’adolescence, lui et son oncle (le frère de Yiorgos) avait eu une liaison : « Les hommes plus âgés me rassurent… » avoue-t-il. Strella est même traité par ses amis homosexuels de « gérontophile ». L’un de ses collègues transsexuels, Mary, a également eu pour amant son oncle Atonis.

 

Film "Strella" de Panos H. Koutras

Film « Strella » de Panos H. Koutras


 

Dans la violence de la répression de l’homosexualité de son fils, on lit parfois chez le père fictionnel une homosexualité latente : c’est le cas par exemple dans le film « Gun Hill Road » (2011) de Rashaad Ernesto Green (entre Enrique et son fils trans Michael), le film « K@biria » (2010) de Sigfrido Giammona (entre Giovanni et son fils gay Francesco), le film « Le Fils préféré » (1994) de Nicole Garcia, etc. « Un soir, il s’en est pris à moi. J’étais en CP, j’avais ramené un bulletin de notes un peu moins bon que d’habitude. Il m’a mis tout nu, m’a allongé sur le lit… j’étais terrifié. Il a défait sa ceinture et a commencé à me frapper, sans tenir compte de mon âge, comme si j’étais un adulteou un criminel. Mais le bulletin, ce n’était qu’un prétexte. Il trouvait que j’avais l’air efféminé. À six ans ! Il me traitait de petit pédé, qu’il allait faire de moi un homme. » (Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 422) Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, Alba, avant de se découvrir lesbienne, a jeté son fils Roberto dehors parce qu’il était homo. Dans le film « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues, au moment ou Ze María, le héros homosexuel, tue son copain d’une balle, il dit symboliquement que « son père est mort » ; il avouera après à ce dernier (qui est trans) : « J’ai tué un pédé comme toi qui méritais pas de vivre. »

 

Pièce "Gai Mariage" de Gérard Bitton et Michel Munz

Pièce « Gai Mariage » de Gérard Bitton et Michel Munz


 

Le personnage homosexuel critique parfois le lien d’hérédité – qu’on appelle « de dégénérescence » – qui est fait entre son homosexualité et celle de son père. « Il est exactement comme notre père, mais il le déteste. » (SDF parlant de son frère homo, dans le bâti Lars Norén (2011) d’Antonia Malinova) ; « T’as ça [= la politique ou l’homosexualité ?] dans le sang ! Tu as le sang de ton père ! » (Sofia s’adressant à Édouard le héros homo, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; etc. Mais pourtant, qui, sinon lui, a créé la causalité « homophobe » ? « Ça doit être mon père qui m’a fait ainsi ! Il était trop beau lui aussi ! Comme un gamin-papillon, j’étais fasciné par sa beauté d’homme solitaire. Peut-être que je m’y suis brûlé les ailes ! Je devrais jeter toutes ces photos que j’ai de lui ! Cesser de penser que j’aurais hérité de lui cette attirance pour les garçons. Un désir refoulé qu’il m’aurait transmis en quelque sorte. Et tout cela, parce qu’il nous prodiguait, à moi et à mon petit frère, la tendresse de la mère perdue. » (Malcolm dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 60) ; « Que signifiait le baiser qui l’avait tant troublé : défi, ou mépris ? L’homme les avait-il pris, son père et lui, pour des invertis ? » (le héros homos de la nouvelle« À l’Ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 31) ; « Allais-tu me ressembler ? Si tu étais un garçon, aurais-tu les mêmes goûts que moi ? » (Bryan, le héros homo ayant fait « accidentellement » un enfant à son amie Stéphanie, et parlant à son fils qui vient de naître dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 402) Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, l’argument de la dégénérescence revient sur le tapis : le personnage gay de Pédé, qui a déjà un fils homosexuel, n’est pas ravi d’apprendre que Lou, la fille qu’il a abandonnée pendant 17 ans, est également homosexuelle : « Trois folles dans la famille ! »

 

L’inceste ne concerne pas que les rapports familiaux. Il s’élargit ensuite à l’écart d’âges entre les deux partenaires adultes du « couple » homosexuel : cf. le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall (entre Mary et Stephen), le film « Ma Vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh (entre Scott et Liberace), le film « Le Derrière » (1998) de Valérie Lemercier (entre Francis et Pierre), le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure (entre Cédric et Laurent), etc. « J’ai été surpris par le nombre de jeunes, des mecs d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années, cherchant expressément des partenaires de plus de 45 balais. » (Michael parlant des rencontres Internet, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 17) ; « Dans certaines tribus de Nouvelle-Guinée, dans le cadre de rite d’initiation, on impose à de jeunes garçons de pratiquer des fellations sur leurs oncles ou leurs pères… Ah ben y’a beaucoup de papous alors, en France, non ? » (le comédien de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, pp. 92-93) ; « À part un Roi de la pédale [comme vous], j’vois pas qui aurait pu prendre des vieux queutards. » (les flics s’adressant à Armand, le héros homo de 43 ans, initialement attiré que par les hommes plus mûrs et plus vieux que lui… mais qui, pendant l’intrigue, finira par s’accoupler avec une petite jeune de 16 ans ; l’attraction pour les vieux va paradoxalement avec l’attraction pédophile ; c’est ce qui conclure au flic qui arrête Armand : « Le fait que vous aimiez les vieux m’incite à penser que vous aimez aussi les jeunes filles. ») ; « C’est pour ça que Lili c’est mon deuxième papa. » (une patiente lesbienne, accouplée à la vieille Lili, sa compagne de 73 ans, dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Le Zizi de Billy », les amants se traitent mutuellement de « neveu » et d’« oncle » (« Tu es mon oncle bien aimé ? » ; « Et toi, t’es mon neveu bien aimé ? »). Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William sort avec un homme marié, Georges, qui a le double de son âge. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris sort avec un homme (Ruzy) pendant que son père sort avec une nana de 15 ans : « À 15 ans, c’est tellement mignon, tendre. » (le père de Chris) Dans le film « Il Compleanno » (2009) de Marco Filiberti, le jeune et beau Diego séduit Mateo, l’homme marié faisant sa crise de la quarantaine. Dans le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, Jamie, maître nageur homo, fait en vain le bouche à bouche à un homme noyé beaucoup plus âgé que lui, et ce geste le plonge dans un profond trouble. Dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage, au départ, Jean-Louis confond le père du transsexuel M to F Jessica pour un client de celle-ci. Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, Anamika s’imagine en train de dégrafer les soutiens-gorge des femmes qui ont l’âge de sa mère ; plus tard, elle a liaison avec Linde, une mère de famille, dans les bras de laquelle elle accède à la vie d’adulte à vitesse grand V : « Toute ma vie, on m’avait appris à vénérer mes aînés. Quiconque avait cinq ans de plus que vous était un aîné. Presser les fesses de Linde enfreignait toutes les règles de la vénération. D’aînée, je la transformais en être sexuelle, en égale. Cela faisait de moi une adulte. » (p. 36) Dans le sketch « Le Couple homo » de Pierre Palmade et Michèle Laroque, Alain, 48 ans, sort avec son jeune amant brésilien Roberto, 19 ans. Dans le film « Storm » (2009) de Joan Beveridge, Jill vit en ménage avec Nicky, une femme qui a l’âge d’être sa fille (… et qui finira d’ailleurs avec la fille de Jill, Tasha !). Dans le film « Tell Me A Memory » (2010) de Jon Bryant Crawford, Jack tombe amoureux de Finny, un grand-père beaucoup plus âgé que lui, et qui a la maladie d’Alzheimer. Dans la publicité Renault « Bien dans son époque, bien dans sa Twingo », un jeune homme drague un travesti qui a l’âge d’être son père. Dans son roman Je vous écris comme je vous aime (2006), Élisabeth Brami essaie de nous faire avaler une grosse couleuvre : la beauté de l’histoire d’amour entre deux femmes mariées, ayant 30 années d’écart (Gabrielle, 80 ans, et Émilie, 50 ans) : « Pourquoi cette femme, de trente ans plus jeune qu’elle, a pris en un soir une telle place ? » (Gabrielle, p. 12) Pourquoi… On se demande, en effet… Pour parachever l’invraisemblance de cette intrigue, c’est bien sûr la plus jeune qui se montrera la plus demandeuse et la plus accro à alimenter la liaison épistolaire avec la plus âgée.

 

Les rapports homosexuels entre personnes de générations différentes sont parfois facilités/forcés par l’argent et les règles tacites de la prostitution. Par exemple, dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel se rend chez un de ses voisins d’immeuble et se déshabille devant lui… alors que celui-ci a l’âge d’être son papy. Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, tente de draguer le jeune barman du resto qu’il fréquente.

 

Film "Chacun sa nuit" de Pascal Arnold

Film « Chacun sa nuit » de Pascal Arnold


 

Enfin, nombreuses sont les œuvres de fiction homosexuelles où revient l’histoire incestueuse de Peau d’âne (cf. la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, le film « La Mante religieuse  » (2014) de Natalie Saracco, le film « Naissance des pieuvres  » (2007) de Céline Sciamma, etc.) ou d’Œdipe (cf. la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, l’opéra-oratorio Œdipus Rex (1927) d’Igor Stravinski, le film « Edipo Re » (1967) de Pier Paolo Pasolini, etc.). « Tu es très belle avec ton poncho qui sent l’âne. » (l’héroïne lesbienne à Bérénice, dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie) Par exemple, dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, Lacenaire se compare à Œdipe.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

« Mais l’amour n’a pas d’âge, enfin ! »

 

Même dans la réalité, inceste et homosexualité se rencontrent parfois, même si je n’appuie absolument pas la thèse de la dégénérescence ni de la transmission génétique de l’attirance homosexuelle. Je prends aussi le terme « inceste » dans son sens large et étymologique (incastus : ce qui est non-chaste), c’est-à-dire que je considère incestueuse/incestuelle toute relation où prédomine le rêve de fusion, de possession de l’autre, où l’espace nécessaire à la différence et à la relation/union n’est pas respecté.

 

B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi (cf. planche "Le Gai-Pied")

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi (cf. planche « Le Gai-Pied », revue homo)


 

Certaines personnes homosexuelles ont réellement subi l’inceste dans leur adolescence, et celui n’a pas été opéré nécessairement par des hommes, d’ailleurs : « En général 2% des statistiques sur l’inceste mentionnent des actes mère/fils. » (Daniel Welzer-Lang, Le Viol au masculin (1988), p. 190) ; « J’ai été retrouvé la Femme lunaire. Elle m’a confié comment elle avait été violée par son père. » (Simone de Beauvoir, parlant de son amante « la femme lunaire », dans une lettre rapportée dans la pièce-biopic Pour l’amour de Simone (2017) d’Anne-Marie Philipe) ; etc. Dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, Jean-Philippe (28 ans) est homosexuel et a subi les abus d’un oncle de 9 à 16 ans ; André (33 ans), sodomisé sauvagement par son père à l’âge de 13 à 16 ans, se dit à l’âge adulte d’orientation homosexuelle.

 

Lors de mes voyages et entretiens avec les personnes homosexuelles libanaises et martiniquaises en avril-mai 2013, j’ai été frappé de voir combien, dans des sociétés si culturellement peu préparées à accueillir la reconnaissance du désir homosexuel, il y avait à la fois beaucoup de pratique homosexuelle clandestine et beaucoup de cas d’inceste dans les familles.

 

À propos de l’inceste au sein du cadre homosexuel, il n’est pas nécessairement caché par le père, ni subi par le fils, surtout quand ce dernier arrive à maturité d’adulte. Quand il a lieu, en général, le père et le fils se flattent l’un l’autre de gommer leur différence générationnelle et leur lien du sang, en toute bonne foi. Par exemple, dans les synonymes d’« homosexuel », on trouve « daddy » (= papa), un terme très affectueux. Comme de par hasard… L’éloignement et la négation du Réel, par la violation de la différence des générations, prend chez certains père et fils une dimension poétique, ludique, littéraire, affective. Par exemple, le père d’André Gide, appelait souvent son fils « mon petit ami ». Dans le reportage « Les Fioretti de Pier Paolo Pasolini, 1922-1975 » (1997) d’Alain Bergada, le réalisateur italien Pier Paolo Pasolini dit avoir éprouvé étant jeune « un amour sensuel pour son père urinant dans un fossé ». Dans le documentaire « Cocteau et Compagnie » (2003) de Jean-Paul Fargier, le poète français Jean Cocteau sous-entend que son père était homosexuel comme lui, et qu’il s’est suicidé pour cette raison : « Le pédéraste reconnaît le pédéraste… » Dans le film « Family Outing » (2001) de Ben McCormack (présenté comme une histoire basée sur des faits réels), un jeune adulte découvre que l’homme mûr qu’il vient de sucer à travers un glory hole n’est autre que son père ! (la seule réplique qu’on entendra juste avant la fin de ce court-métrage, c’est l’exclamation du fils face à son amant : « C’est toi papa ? »)

 

Article Têtu de mars 2021

Il est possible que dans des familles où l’homosexualité se déclare, le père et le fils se soient trop rapprochés de s’être trop vite évités : « Mon époux aimait bien Jimmie. Je crains même qu’il ne l’ait trop aimé. » (Mrs Sewell en parlant de son fils homosexuel Jimmie, citée dans l’autobiographie Palimpseste – Mémoires (1995) de Gore Vidal, p. 48) ; « De là à ce que j’aie pensé, depuis mes toutes premières années, qu’il valait mieux être un homme qu’une petite fille pour lui plaire, il n’y a qu’un pas à franchir. » (Paula Dumont, écrivaine lesbienne, à propos de sa mère, dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), p. 35) ; « L’homosexualité féminine se dissimule encore plus que l’homosexualité masculine parce qu’elle touche au tabou le plus ancré chez tout être humain à savoir celui qui touche au corps de la mère. » (idem, p. 86) ; « J’ai besoin d’érotisme à cause du corps de ma mère, de sa vie. Souvent elle disait : ‘Je t’y prends !’ à faire ceci cela. Me surveillant. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), pp. 61-62) ; « Mon grand-père était un homme au sexe proéminent. […] Pendant longtemps, j’ai été jaloux de ma mère à cause de mon grand-père. » (Reinaldo Arenas, Antes Que Anochezca (1992), p. 31) ; « Quelques images me reviennent : il est assis dans l’auto. Son pénis est sorti. Il a une érection. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 244) ; « Nous rejoignons dans la nuit le lycée qui est à 20 km, route de Carhaix, celle de l’accident [de mon père]. C’est la chanson de Charlotte Gainsbourg avec son père, ‘Lemon Incest’ : ‘Je t’aime, je t’aime, je t’aime plus que tout…’, je suis certain d’avoir envie de pleurer […]. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 88) ; « Quand mes frères et sœurs s’étonnaient de mon absentéisme, ma mère le justifiait par le fait que j’étais l’aîné et qu’elle avait besoin de moi pour accomplir certaines tâches. Un peu comme on le dit d’un mari. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 18) ; « Je fais en sorte de rentrer tard pour éviter cette impression de vivre en couple avec elle… » (idem, p. 90) ; « Coco devait avoir cinquante-six ou cinquante-sept ans, mais l’idée d’inceste  avec un fils fictif remplissait son imaginaire érotique. » (Alfredo Arias dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 94) ; « C’est vrai, je suis un fantôme très sensuel. J’aime caresser les êtres chers. C’est vrai, j’aime caresser les jambes de mes filles, leurs seins. Je me permets même de caresser le sexe de mon fils. Un fantôme peut accéder aux désirs les profonds, n’est-ce pas ? » (la grand-mère d’Alfredo à son petit-fils, idem, p. 164) ; « On est descendus sur la terrasse pour sentir la fraîcheur de la nuit et on a entendu une voiture s’arrêter. On s’est déplacés silencieusement pour espionner. On a vu le beau garçon, l’athlète qui faisait de délicats dessins de fleurs. Il faisait chaud. Il était presque nu dans la voiture. Sa peau brillait, recouverte d’une fine pellicule de sueur. Le conducteur de la voiture était un homme plus âgé, aux cheveux blancs. Ils se sont embrassés sur la bouche. Et tu m’as dit que c’était son père. » (Alfredo à sa grand-mère, idem, p. 165) ; « Ma mère comptait tellement pour moi. J’ai passé ma vie à la séduire. »  (une femme lesbienne de 70 ans, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Faut que je te dise aussi un truc, c’est que je t’aime et que t’es mon fils, quand même, mon premier gamin. Je n’avais pas trouvé ça, comme on pourrait le penser, beau et émouvant. Son ‘je t’aime’ m’avait répugné, cette parole avait pour moi un caractère incestueux. » (Eddy Bellegueule citant son père, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 58) ; « Ton père il a un sacré engin. » (la mère à Eddy Bellegueule, op. cit., p. 77) ; « L’impudeur de mon père. Il disait aimer être nu et je le lui reprochais. Son corps m’inspirait une profonde répulsion ‘J’aime bien me balader à poil, je suis chez moi je fais ce que je veux. Jusqu’alors dans cette maison c’est moi le père, moi qui commande’. » (Eddy Bellegueule, idem, p. 77) ; « Je pourrais également être prostitué – et même travesti, navré si cela vous choque. Violé à l’âge de 12 ans, j’ai grandi dans une famille où l’inceste était monnaie courante. Les hommes de mon enfance – à commencer par mon père – n’étaient pas à la hauteur. Pire, ils auraient dû me dégoûter d’être un homme. » (Père Jean-Philippe, Que celui qui n’a jamais péché… (2012), p. 17) ; etc.

 

Planche "Les Comme ça" de la B.D. "Le Monde fantastique des Gays" de Copi

Planche « Les Comme ça » de la B.D. Le Monde fantastique des Gays de Copi


 

Dans l’émission C’est mon choix diffusée sur la chaîne Chérie 25 sur le thème « Elles ont osé sortir avec des personnes de la même famille », Léa, une femme trentenaire qui a d’abord collectionné les aventures masculines en sortant avec deux hommes qui étaient l’un vis-à-vis de l’autre oncle et neveu, s’est découverte lesbienne et est désormais en couple avec une femme. Face à l’étonnement du public, elle sort par provocation : « J’aurais dû me taper la mère ! »
 

Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, et son père Mathias se traitent mutuellement de « bitch » (« Bitch toi-même. » lui répond Mathias), et dorment ensemble dans le même lit. Le spectateur met d’ailleurs un temps fou à comprendre que Mathias est le père de Lara.
 

Il arrive que les coming out entre le père et le fils adultes se croisent, voire même que le père et le fils aient une liaison amoureuse ensemble ! « Mon coming out est devenu l’outing de papa. » (Stéphane dans la revue Têtu, n°130, février 2008, p. 134) ; « Ma mère passait la soirée chez la voisine. Elle rentrait ivre avec la voisine, elles se faisaient des blagues de lesbiennes ‘Je vais te bouffer la chatte ma salope.’ » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 66) ; « Je suis né auprès de deux soixante-huitards militants. J’ai eu une enfance très très heureuse et très très libérée. Mon père est quelqu’un extrêmement excentrique. C’est un peintre. Il m’a dit qu’il avait probablement des tendances homosexuelles cachées. » (Jonathan, séropositif et homosexuel, dans le documentaire « Prends-moi » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; etc. Des exemples connus de familles où le père et le fils sont homos tous les deux ne sont absolument pas rares : cf. la famille Ackerley (père et fils homos), la famille Mann (Thomas, Klaus, et Erika), la famille Schwarzenbach (mère et fille lesbiennes), la famille Burrough (mère et fils), la famille Éribon (oncle et neveu), etc.

 

Il est étonnant de voir, même si cela n’a rien de systématique, qu’il y a beaucoup de familles où l’homosexualité est ressentie chez les parents ET chez les enfants. J’en connais personnellement beaucoup ! Ce n’est pas mathématique, ce n’est pas génétique, ce n’est pas automatique, ce n’est pas statistique, ce n’est pas publicitaire (surtout dans les débats actuels sur l’adoption)… mais je crois aux influences des modèles médiatiques/concrets qu’on propose (je n’ai pas dit « qu’on impose ») à un enfant. Par exemple, en assistant au débat « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s, le samedi 10 octobre 2009, à la Salle des Fêtes de la Mairie du XIème arrondissement de Paris, un père témoignait publiquement – et presque avec fierté – de son homosexualité et de celle de son enfant : « Heureusement que je m’accepte en tant qu’homo parce que… ça fait 10 ans que ma fille vit avec une fille. » Apparemment, cela n’a interrogé personne. Pas même les concernés…

 

Ce coming out couplé, une fois deviné, n’est pas toujours bien accueilli par les deux parties… car l’effet-miroir peut être violent… peut même être le signe du viol même ! Par exemple, dans son ouvrage Les Deux Prostitutions (1889), François Carlier évoque le cas d’un fils parricide qui tua son père ayant abusé de lui : « Lintz, qui fut exécuté à Versailles le 31 mai 1882, après avoir porté à son vieux père les premiers coups de couteau, le traîne à terre et, avant de l’achever, se rend coupable sur lui du crime de viol. »

 

Dans la biographie Ramon (2008), Dominique Fernandez fait la prouesse de retracer la vie de son père. Ce dernier a écrit en 1924 un roman intitulé Philippe Sauveur et qui traitait d’homosexualité. Son fils s’en étonne encore, même s’il laisse échapper quelques indices d’homosexualité latente chez son père, qui était pourtant un homme marié et un coureur : « Écrire sur l’homosexualité, à cette époque, quand on était soi-même, ou qu’on passait pour l’être, un homme à femmes ! Quelle étrange curiosité poussait l’apprenti romancier ? Il est sans exemple, autrefois comme aujourd’hui, qu’un écrivain ait abordé ce sujet sans être lui-même de la famille ou tenté d’y entrer. Que devais-je donc penser ? […] Ce n’est pas que je craignais de me découvrir un père homosexuel, ou n’ayant échappé que de peu à l’inversion. Non, je redoutais plutôt le contraire : que l’inversion n’eût été pour lui qu’un objet de curiosité intellectuelle et que, comme la plupart des gens qui la considèrent du dehors, il n’y eût rien compris. » (pp. 129-130) L’homosexualité paternelle de Ramon Fernandez, habillée du vernis de l’hétérosexualité, ne semble pourtant pas faire de doutes puisque Louis Aragon a assuré à Dominique qu’il avait surpris son père au lit avec Drieu de la Rochelle. Et un peu plus tard, Dominique Fernandez semble corroborer cette thèse : « Question à laquelle je ne pourrai jamais répondre : sorti de l’adolescence, mon père avait-il renoncé aux liaisons homosexuelles ? Mûri, puis marié, eut-il encore des aventures ? » (p. 143) D’ailleurs, ce qui semble avoir facilité la transmission générationnelle d’homosexualité, c’est la rupture incestuelle qu’a imposée la mère entre le père et le fils : « J’avais intériorisé l’interdit maternel. […] Amoureux de mon père, je l’ai toujours été, je le reste. Ma mère, je l’ai admirée, je l’ai crainte, je ne l’ai pas aimée. Lui, c’était l’absent et c’était le failli, l’homme perdu, sans honneur. C’était le paria. » (idem, p. 45) ; « J’aimais mon père, j’en étais amoureux, mais c’était un amour interdit, qu’il me fallait refouler, nier, piétiner dans mon cœur – au point d’être incapable de m’intéresser à la vie de on père, incapable de l’écouter s’il parlait. » (idem, p. 36) ; etc. « Ramon Fernandez, à en croire son biographe de fils, Dominique Fernandez, est un ‘homosexuel raté’ incapable d’assumer son ‘orientation sexuelle’ comme on dit aujourd’hui. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 203)

 

Il existe un lien fort entre inceste et homosexualité (ou inceste-divorce-coming out), même si bien évidemment, les ponts entre le rejet de la différence des sexes (par l’homosexualité) et le rejet de la différence des générations ne sont pas causaux ni toujours flagrants. Je vois ce lien à travers l’étrange traumatisme – et le ravissement de ce traumatisme – que crée le coming out d’un père sur sa fille de sang, par exemple. Un traumatisme proche du flou incestueux/incestuel. Dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » (diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013), nous en trouvons plein d’illustrations. À travers certains binômes filiaux, on nous fait croire que la relation « fusionnelle » et de copinage entre père homo et fille biologique de ce dernier (ils discutent « mecs » ensemble, font du shopping et se conseillent vestimentairement) peut très bien se substituer à l’union conjugale passée du père et de la mère biologiques (à présent séparés ou divorcés) grâce au coming out, grâce à l’homosexualité, grâce à la fusion père homo-fille hétéro. La séparation ou la rupture conjugale est maquillée et surinvestie en fusion filiale homosexualisée/asexualisée. Et cela provoque dans bien des cas chez « l’enfant embarqué dans l’homosexualité par géniteur interposé » un trouble proche de l’expérience de l’inceste ou du divorce ou de la répudiation ou du viol : « Par la suite, j’ai eu des oublis par rapport à mon enfance et tout ce qui s’est passé à ce moment-là. […] Toute cette période, je l’ai effacée. Je n’ai pas de notion de temps. […] Ça n’a pas été un souci pour moi. […] J’ai quelques séquelles de tout ça, même si je l’ai toujours bien pris et que ça se passe très bien… mais j’ai des séquelles dans ma vie de femme. Et ça, par contre, je peux pas vraiment en parler avec lui. Pour moi, tous les hommes sont un peu homosexuels, donc c’est un peu compliqué tous les jours. » (Amandine, femme quarantaine qui, à 19 ans, a appris que son père était homosexuel, dans l’émission citée.) Certains fils de parents homos finissent parfois bisexuels pour survivre à la douleur de cet attachement faussé avec leur père ou leur mère homo.

 

Sans aller jusqu’à cet extrême, il n’est pas toujours facile, dans une famille, de découvrir une parenté homosexuelle. La similitude d’orientation sexuelle entre fils homosexuel et père est parfois troublante dans la réalité, non pas dans la mesure où elle serait causale ou exactement symétrique (tous les pères d’enfants homosexuels ne sont pas systématiquement homosexuels, et tous les fils homosexuels ne sont pas amoureux de leur père, bien entendu), mais parce qu’elle est imparfaitement gémellaire. Il est parfois fascinant d’observer les réactions saugrenues de certains pères au moment du coming out de leur fils, ou à l’inverse, la gêne ressentie de la part du second par rapport à son propre père. Pour vous donner un exemple personnel, j’ai le souvenir très précis, à l’époque où je me trouvais en études à Rennes (j’avais 23-26 ans), des sueurs froides qu’un ami homo de mon âge (on va l’appeler Romain) a ressenties lors de son déménagement d’appartement. Son père et sa mère l’avaient aidé à déplacer ses affaires, même pendant son absence. Et il avait eu la désagréable surprise de découvrir que son père était tombé par hasard sur un cadeau de mauvais goût que des potes gays lui avaient offert : le calendrier sulfureux des Dieux du Stade. Le papa de Romain avait embarqué sans rien dire le calendrier de son fils. Pourquoi un tel vol ? Attendait-il que son fils vienne lui réclamer l’objet du délit pour lui infliger une véritable humiliation ? Pourquoi n’a-t-il pas d’office blâmé son fils en lui rendant aussitôt son bien plutôt que de s’enfermer dans une honte bien trop personnelle et trop intime pour ne pas être révélatrice d’une blessure plus collective ? Romain n’avait pas la réponse. Et la réaction de son papa l’avait scotché. Quand il a finalement récupéré son calendrier de rugbymen à poil (avec un ballon ridiculement niché en dessous du nombril), son père s’est juste contenté d’une lamentation désespérée : « C’est un truc de fous… C’est un truc de fous… » Mais le plus amusant dans cette attitude paternelle incompréhensible (et c’est le détail qui a le plus interloqué Romain… même si je crois qu’il a préféré ne pas mener jusqu’au bout les conclusions qui s’imposaient… pour ne pas se faire trop peur, sans doute), c’est non seulement l’acte de confiscation, mais l’endroit choisi pour cacher le calendrier : le sommet de l’armoire à vêtements de la chambre à coucher parentale. Choix infantile, qui ne trahit pas pour autant une homosexualité latente chez le papa (il ne faut pas exagérer non plus), mais en tout cas qui nous montre simplement le fort rapport d’identification et d’inversion existant entre le père d’un fils homo et son fils, le lien de coïncidence entre inceste et homosexualité.

 

En ce qui concerne mon cas personnel, je me rappelle combien mon propre papa, lors de mon coming out, s’est – excessivement, mais bien naturellement aussi – interrogé sur une probable homosexualité refoulée en lui. La question de l’homosexualité travaille beaucoup les papas. Et pour cause : l’homosexualité dit une crise de la paternité, une brisure du lien filial, et certainement aussi une jalousie de l’individu homosexuel vis-à-vis de ses parents ( = la découverte qu’il ne s’est pas créé tout seul) : « La psychanalyse a mis en évidence le fantasme commun de la ‘scène primitive’, c’est-à-dire la scène de ma création, dont je suis nécessairement exclu. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 96)

 

Parallèlement à l’effet explosif des révélations familiales d’homosexualité groupées, il est curieux de voir que certains coming out confortent/camouflent les rapports incestueux dans les familles, et finalement arrangent à court terme parents comme enfants : « Va savoir ce qui s’est passé dans la tête de mon père, moi je n’en sais rien en fait. Je pense que ça a dû le troubler dans ses repères, enfin et puis finalement peut-être que ça l’arrange, je reste la fille à papa. Finalement, il n’y a plus de concurrence, quelque part je suis vraiment la fille à papa. » (Lise, femme lesbienne de 30 ans racontant son coming out à son père, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 103) Il est très facile d’utiliser l’étiquette de « l’homosexuel » comme un sparadrap pour cacher la misère. Ou celle du « couple » et de « l’amour homosexuel »…

 

Justement, parlons-en, du couple homo. L’inceste ne concerne pas que les rapports familiaux. Elle s’élargit ensuite à l’écart d’âges entre les deux partenaires homosexuels adultes (je rappelle qu’une génération, c’est 15 ans). On constate que l’inceste est souvent un choix de couple homosexuel qui s’euphémisera par la périphrase « différence d’âges ». « J’ai jamais aimé les jeunes. » (Bernard, l’un des témoins homos, affirmant qu’il n’aime que les hommes aux cheveux gris, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz)

 

Par exemple, la romancière lesbienne Pat Califia, dans des anthologies comme The Leading Edge (1987) et Macho Sluts (1988), défend des pratiques sexuelles radicales, dont l’amour sexuel entre mères et filles. Elle n’est pas la seule. D’autres (Adrienne Rich, Luce Irigaray, etc.) envisagent le lien mère/fille comme un modèle amoureux. La Comtesse bisexuelle Mathilde de Morny, dite « Missy », qui s’habillait en homme et qui est dépeinte comme la « belle mère sensuelle » dans Le Blé en herbe (1922) de Colette, était une cougar de 46 ans qui était sortie avec le jeune Bertrand de Journel, 16 ans.

 

Dans l’émission Dans les yeux d’Olivier spéciale « Les Femmes entre elles » d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011, Stéphanie, 24 ans, se met en couple avec Tina, de 20 ans son aînée. Dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Thérèse, un témoin lesbienne de 70 ans, raconte qu’elle a vécu une « passion » avec Emmanuelle, de 27 ans de moins qu’elle. Dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne), Xavier (67 ans) présente son nouveau copain Guillaume (30 ans), le plus sérieusement du monde : « Qui est-ce qui vous a dit qu’il y avait une différence d’âges ? »

 

Sans avoir connu concrètement l’inceste, car fort heureusement il s’agit d’une minorité dans la communauté homosexuelle (du moins, j’espère…), beaucoup de personnes homosexuelles sont en revanche interpellées esthétiquement par la scène de l’inceste, comme si leur désir homosexuel y trouvait son propre écho. Par exemple, le compositeur homosexuel Leonard Bernstein souhaite monter un projet d’opéra d’après Lolita (1955) de Nabokov. L’inceste est un thème omniprésent dans les films de Jacques Demy. Nombreuses sont les œuvres de fiction homosexuelles où revient l’histoire incestueuse de Peau d’âne ou d’Œdipe. Je crois d’ailleurs que le désir homosexuel, étant par nature un fantasme de viol, est aussi un élan d’inceste, ou au moins incestuel.

 

Nos sociétés contemporaines, qui tendent vers un effacement du Réel et de ses limites, encouragent à la transgression de la différence des sexes et des générations (les deux ensemble). D’ailleurs, on constate de plus en plus, dans les reportages traitant d’homosexualité, une revendication à l’inversion des générations (les fils qui jouent les pères, les enfants qui commandent aux adultes) : cf. le documentaire « Comment j’ai adopté mes parents » (2010) de Nasha Gagnebin, la chanson « Lisa tu étais si petite » de Faby (au sujet des « enfants qui grandissent plus vite que les parents »), etc. Un effacement progressif de l’humain par l’humain.

 

INCESTE PÈRE 7 Fantastique Papa (1)

 

INCESTE PÈRE 8 Fantastique Papa (2)

INCESTE PÈRE 9 Fantastique Papa (3)

INCESTE PÈRE 10 Fantastique Papa (4)

INCESTE PÈRE 11 Fantastique Papa (5)

INCESTE PÈRE 12 Fantastique Papa (6)

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi (Planche « Papa »)

Tryptique Sexe-Souffrance-Mort

Je vous donne mon humble avis. Je ne crois pas que les arguments sur l’écologie, la Nature et l’Humanité auront un quelconque poids sur la conscience de nos contemporains. Ce sont des problématiques qui les barbent. Nous n’arriverons à vraiment toucher les coeurs d’aujourd’hui qu’en parlant de sexe (et surtout d’homosexualité), de souffrance (en particulier tous les mots en lien avec la peur et qui finissent par « -phobie ») et de mort (en lien avec le viol, les avortements, les suicides). C’est de cela dont les gens veulent entendre parler. J’insiste ici sur l’importance de la présentation : il n’y a pas à mettre d’abord en avant ce que l’on sait de juste et ce que l’on veut dire ; il y a à être drôles et sexys dans nos propos, corrosifs, à manier les paradoxes, à réveiller et à secouer les autres, à dénoncer sans agressivité les injustices, à acquérir un parfum de scandale (sans être scandaleux), à s’adapter aux besoins et aux intérêts de nos auditeurs ! La thématique Sexe-Souffrance-Mort, ça accroche un peu plus que l’écologie.

 

Ma vie sans « Têtu »

Je vous interdis de mépriser Têtu (…vous savez, le magazine qui commence par un « T » et qui finit par du « Q »… ;-)). Y’en a marre de ceux qui critiquent la revue qui m’a appris que je devais me raser de préférence avant d’avoir mangé plutôt qu’après pour éviter les saignements : ça a révolutionné ma vie, sans rire.