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Le dieu « Liturgie sobre » du cardinal Sarah (étude de la Franc-Maçonnerie dans son pamphlet en l’honneur du chant grégorien)


 

La conférence du cardinal Robert Sarah « Le chant grégorien : du silence de l’âme unie à Jésus au silence de Dieu dans sa Gloire », qu’il a prononcée les 22-23 septembre 2018 dans l’Ain, a été publié le 2 octobre sur le site L’Homme Nouveau. Évidemment, ce journal traditionaliste pharisien, porteur d’un spiritualisme intégral christocentré et maçonnique identique à celui du cardinal, ne tarit pas d’éloges à son sujet, et n’y voit que du feu. Mais comme nous ne sommes pas tous aveugles, j’ai décidé de vous proposer cette petite étude de texte qui corrobore mes autres observations sur le cardinal Sarah et son appartenance inconsciente à la Franc-Maçonnerie (je dis « inconsciente » puisqu’il prétend ne pas en faire partie, et qu’il croit même être l’un des seuls prélats de la Curie romaine à la combattre). Je vous renvoie à mon article 1 et article 2.
 

Mes mots pourront paraître trop forts. Mais le cardinal Sarah fait exactement comme le traître Judas dans la Bible dans la scène de l’onction de Béthanie : il sacralise la liturgie comme un esthétisme (doré, soyeux, filandreux et délicat) de la pureté, de la pauvreté, de l’humilité, de la simplicité, de la déférence à Dieu, comme un travail de couturier de la haute ET du peuple d’en bas. Il fait du chant et du « silence d’adoration pour le Christ » (comme il le dit lui-même) une posture et une loi esthétiques, un formalisme « mélodieux » avec plein de règles strictes dont il détiendrait la recette, la perception, et dont il surveille scrupuleusement l’application. Le culte formel du Christ, les règles de bienséance et du « bien prier » – en l’occurrence ici, du « bien chanter » –, les vices de forme, semblent recouvrir plus d’importance à ses yeux que le Christ Lui-même et l’amour des gens désobéissants et bruyants.
 

Ce lyrisme de la simplicité silencieuse et pieuse est d’autant plus suspect et hypocrite qu’il sent la rétention d’une révolte intérieure et d’une exaspération réelles étant donné le contexte ecclésial explosif actuel. C’est comme si on était en plein champ de bataille et que le cardinal nous proposait une recette de cuisine, pour détendre l’atmosphère. Le calme et l’extase béate du cardinal Sarah, en plus d’être inappropriés aux besoins et aux urgences de notre temps, sentent la haine comprimée, la cocotte-minute sur le point d’exploser… explosion imminente dont il laisse quand même échapper déjà quelques gaz d’aigreur qui le trahissent : il étrille la musique « contemporaine », « commerciale », et notamment le « jazz » ; et vomit sur son époque et ceux qui ne vénèrent pas comme lui (« cette cécité », « cette surdité », « verbiage », « notre immersion dans un monde profane et sécularisé, sans Dieu et sans foi, saturé de bruits, d’agitation et de fureur mal contenue », « cet assemblage artificiel, ce magma informe mondialisé et dominé par l’argent et le pouvoir, qui est celui du nivellement si caractéristique du monde profane et sécularisé », etc.). Ce texte, en apparence rassurant, flatteur, positif, résonne comme un avertissement et une menace. Il est la parfaite illustration de ce que j’écris depuis un certain temps sur l’infiltration de la Franc-Maçonnerie dans la Réacosphère et dans l’Église Catholique côté conservateurs et traditionalistes, puisqu’on y retrouve les trois champs lexicaux de la Franc-Maçonnerie : 1) la lumière-tissu ; 2) l’architecture ; 3) l’humanisme intégral (hétérosexualité, pacifisme intégral), parfois déguisé en son extrême-inverse, le spiritualisme intégral (formellement christo-centré). Nous allons voir maintenant où se trouvent ces trois champs lexicaux, et à chaque fois, je conclurai les chapitres par un texte d’Évangile illustratif.
 

1) Tissu lumineux :

Dans le discours du cardinal Sarah, c’est la fête du tissu lumineux, des vendeurs d’étoffe rutilante, des scribes alchimistes et des orfèvres !
 

On retrouve le lexique du vêtement et du tissu : « revêtons » ; « sa parure visible et splendide », « au fil des siècles », « revêtir la Parole », « parement », « la châtelaine filant la laine à l’aide du rouet », « en lien », « faire parler les cordes vocales », « revêtu du vêtement royal », « déchirer », « en lambeaux », « toujours revêtu de sa soutane », « déracinés », « valse viennoise », « instrument à cordes pincées, la kora, qui est le luth africain », etc.
 

On retrouve aussi le lexique de la lumière et de l’or : « manuscrit enluminé du livre liturgique », « couverts d’ornements et d’enluminures », « ornements gothiques, armoiries, initiales en or », « les enluminures », « flamboiement », « jaillit » (3 fois), « nimbé de la Lumière incréée », « assortis », « tous les regards des enfants, petits et grands, convergent », « cristalline », « transfigurer », « lumineuse ».
 

On retrouve enfin le lexique du fil de l’écriture, de la calligraphie et de l’inscription (tables de la lois), si cher aux francs-maçons actuels : « lettres ornées », « le manuscrit enluminé », « Sainte Ecriture », « verset », « Bible », « sceau », « premiers manuscrits médiévaux », « incunables », « l’imprimerie », « psautiers », « antiphonaires », « lectionnaires », « évangéliaires », « lettres », « ouvrages », « moines copistes », « transcrire », « scriptorium », « copistes », « inscrite », « ponctue ». Aux scribes (dont beaucoup ont crucifié le Christ : je dis ça, je dis rien…), tous les honneurs !

 

 

Il ne faut jamais oublier que Judas, du temps de Jésus, n’était pas seulement gardien de la trésorerie : il veillait également à la bonne tenue cultuelle du Christ. Il n’était pas pour les effusions improvisées ni bruyantes ni désordonnées. Il fallait y mettre les formes, par respect pour la royauté et la grandeur de Jésus ! Dans l’atelier dentelle et couture du cardinal Sarah, on est très focalisé sur la forme (« formes », « formes les plus variées », « forme »), le décorum, l’image d’Épinal, l’exotisme pieux, la vitrine folklorique de la pauvreté. C’est la vitrine version bobo (bourgeoise-bohème) d’extrême droite : « dépouillée, élégante et raffinée », « à la fois les plus ordinaires et les plus nobles ». En gros, ça doit chic et élitiste, mais il ne faut pas que ça se voie. Il faut juste que ce soit suggéré et mâtiné de pudeur, d’humilité, de piété, de sobriété, de nostalgie pastorale (au sens littéraire du terme : les contes folkloriques pastoraux, avec le berger beatus ille et la bergère – « cantiques en langue bretonne », « la danse », « danse bretonne », « valses de Vienne », « pâturages », etc., Sarah adore !). Et puis surtout, chuuuut, les ouvrières doivent se taire dans l’atelier d’orfèvrerie. Ce n’est quasiment pas un travail fait de mains d’Homme, enfin ! C’est plutôt l’ouvrage de demi-dieux et d’anges !
 

Avec le discours du cardinal Princesse Sarah, on se retrouve face à du pur fétichisme, à un matérialisme cultuel, en fait. C’est de la bondieuserie et de la flamboyance rococo. Dieu le Père est transformé en Veau d’or : « le Père siégeant sur son Trône de Gloire, fait de jaspe – d’une couleur étincelante et transparente – et de sardoine – de couleur pourpre -, environné de l’arc-en-ciel de la fidélité de Dieu » (De qui parle-t-il ? Du vrai Dieu, ou du Pape qu’il veut être ? Là, j’ai un doute, tout d’un coup…). Le Christ est transformé en gravure de mode : « revêtu du vêtement royal ». Il devient plus un super-héros, un super-roi, une icône merveilleuse et une énergie, un enfant de crêche pastorale, qu’un homme pas encore ressuscité dans l’éclat complet de sa Gloire : « l’Agneau immolé, mais debout », « flamboiement de sa Gloire », « la Gloire de l’Éternel », « Jésus souverain »., « (Christ) représenté », « le Christ Pantocrator dans l’art byzantin », « Crucifié ressuscité », « la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l’honneur, la gloire, et la louange », « Cœur de l’Agneau pour la vie éternelle ». L’Esprit Saint, quant à Lui, est transformé en publicité pour eaux thermales ou parfums : « l’Esprit Saint, source et fleuve d’eau vive jaillissant du Trône », « pureté », « cristalline », « une vague qui porte la voix », etc. Rien n’est trop beau pour la Trinité, pour sa Majesté… pour « la personne créée à l’image de Dieu Trinité » ! Mais la Croix, concrètement, est absente. Et l’Humanité aussi.
 

Diaprures, belles lettres, dentelles, falbalas, bougies, soutanes et habits religieux, orchestre philarmonique ou petit chœur traditionnel épuré, imposantes cathédrales, cérémonies bien ciselées et réglées comme du papier à musique… : je ne suis pas sûr que Jésus demande toute cette gloire matérielle. Il veut de la simplicité et de l’Amour : pas un esthétisme (matérialiste) de la simplicité et de la piété/dévotion/adoration/sacrifice/obéissance, pas une onction « pour les pauvres » sans les vrais pauvres.
 

 

Les propos du cardinal sont similaires à l’attitude de Judas au moment de l’onction de Béthanie : Marie la pécheresse verse du parfum sur les pieds de Jésus…et Judas récrimine : « Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie où était Lazare qu’il avait ressuscité. Là, on lui offrit un repas; Marthe servait et Lazare était parmi ceux qui se trouvaient à table avec lui. Marie prit un demi-litre d’un parfum de nard pur très cher, en versa sur les pieds de Jésus et lui essuya les pieds avec ses cheveux; la maison fut remplie de l’odeur du parfum. Un de ses disciples, Judas l’Iscariot, [fils de Simon,] celui qui allait le trahir, dit : ‘Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum 300 pièces d’argent pour les donner aux pauvres?’ Il disait cela non parce qu’il se souciait des pauvres, mais parce que c’était un voleur et, comme il tenait la bourse, il prenait ce qu’on y mettait. Jésus dit alors: ‘Laisse-la! Elle a gardé ce parfum pour le jour de mon ensevelissement. En effet, vous avez toujours les pauvres avec vous, tandis que moi, vous ne m’aurez pas toujours.’ » (Jn 12.1-11) Version cardinal Sarah, ça pourrait donner : « Nous aurions pu donner la richesse de la délicatesse de la liturgie au Christ et à la pauvreté du silence ! »
 

2) Architecture :

 

Le cardinal Sarah joue aussi le grand architecte du culte christique, le maître d’œuvre !
 

On retrouve dans ses mots le lexique de la construction, de la pierre, de l’architecture : « à l’ombre des cloîtres », « cette double porte de l’âme », « son support visuel », « représentaient », « représentée, figurée », « la châtelaine », « la salle», « la cellule », « sanctuaire de l’abbatiale », « cristalline », « l’autel, la pierre du Saint Sacrifice », « tout l’espace intérieur de l’église abbatiale, entre les colonnes, tout au long de la nef », « autour de l’autel », « Devant l’autel du Saint-Sacrifice », « sa cellule », « la Croix », « nombre d’abbatiales, comme à Sénanque, Bonneval ou Quimperlé », « la clef », « accéder », « à coup de haches », « partie forte », « nos églises », « comme une digue cède sous la pression d’un torrent de boue », « abimer », « démolir », « la terre », « un humus », « labours », « dans la terre », « glèbe », « la crèche splendide d’une église de Bretagne », « L’Abbaye sénégalaise de Keur Moussa, fondée par Solesmes en 1962 », « monastère Saint-Joseph de Séguéya », « la glèbe et la poussière de notre terre », « ta maison », « salle », « nous faire franchir pour que nous puissions entrer dans cette communion infrangible et lumineuse, celle de l’Eglise catholique, une demeure aux multiples visages », etc. En gros, le cardinal vénère davantage l’église-bâtiment que l’Église-Cœur.
 

On retrouve également le lexique de la règle, de la Loi pour la Loi, du plan, du processus , du savoir-faire : « éléments essentiels», « double fondement », « Il est établi », « ont élaboré », « l’Arche », « l’élaboration lente et progressive », « constitue », « le modèle de l’élaboration des autres formes de musique et de chant liturgiques », « le rythme syncopé », « la mesure » (deux fois), « la formation », « formation liturgique de qualité », « trois temps », « rythme à trois temps », « troisième pas », « rythme », « instrument », « au premier plan de la liturgie », « ce troisième pas », « cet assemblage », « le critère » (3 fois), « l’atelier », « fabrication », etc.
 

On retrouve enfin le lexique du corporatisme des métiers et de la hiérarchie pyramidale institutionnelle : « l’association Pro Liturgia » (fondée en 1988 qui milite pour « l’application exacte des décisions du Concile Vatican II »), « armes », « la cuirasse », « casque », « travail » (trois fois), « travailler », « travaille », « griots, ces musiciens messagers, conteurs et poètes, historiens et chroniqueurs », « responsable de fabrication des koras », « bibliothécaire », « près de sa stalle », « la main parfois posée sur la miséricorde », « réalisatrice », « véritable ardeur à transmettre un patrimoine immémorial à des enfants trop souvent déshérités et déracinés », « souffle du laboureur hersant la terre », « le laboureur, l’artisan, le ménestrel », « le moine », « des lames de bois que l’on percute avec des baguettes », « le paysan africain », « roi David », « votre président, M. Denis Crouan et, par son entremise, à chacun d’entre vous », « l’abbé, le prieur, le sous-prieur et le bibliothécaire », « des évêques, et celle des prêtres, leurs collaborateurs », « séminaristes, des novices et aussi, bien évidemment, des fidèles », « chefs de chœur », « les choristes et les musiciens », « les membres des équipes liturgiques », « responsables du choix des chants liturgiques », « sous la conduite de leur curé », « le recteur », « le Père Luc Bayle, moine de Keur Moussa, et successeur du Frère Michel Meugniot dans la direction de l’atelier », etc. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le sens du protocole et de la déontologie sont là !

 

Avec le cardinal Sarah, on a affaire à une sorte de « Discours de la méthode » musicale christique, très codifié et protocolaire : « Rite romain », « liturgie catholique », « la liturgie monastique », « la liturgie des moines », « le phrasé cantillatoire », « la prosodie » (deux fois), « caractère modal », « respecte le rythme de la prosodie », « le rythme », « prière monastique », « silence comme condition du chant liturgique authentique », « chant liturgique », « la manière », « certaines formes », « faire prier », « promouvoir la liturgie en langue latine », « Le rythme est donc un élément très important », « beaux chants liturgiques », « Constitution Sacrosanctum Concilium », « Concile Vatican II » (comme ça, on ne pourra pas le suspecter de conspirationnisme sédévacantiste…), « reconnaissance par l’Église », etc. C’est son rôle, me direz-vous. Mais il y en a qui se prennent pour leur rôle (et là, c’est désastreux) et d’autres pas (exemple : le Pape François).

 

Le dandy des abbayes déambulant silencieusement dans leurs allées et leurs cloîtres rejoue toujours la même balade des gens pieux (Je viens te chanter la balade, la balade des gens pilleux…). Notre Drama Queen cardinalice s’extasie sur le travail musical et admirable de son chœur de tailleurs de pierres, sur le travail patient et minutieux de son cercle de petits artisans, de moines copistes et de religieuses chanteuses contemplatives. « C’est admirable : j’aime beaucoup de que vous faites. Même dans l’ombre (du silence, de l’invisibilité de la prière). Moi, je sais le voir… » promet-elle.
 

Le cardinal Sarah, encore une fois, défend un patrimoine culturel, des racines, une identité et une tradition de chrétienté, une civilisation grandiose, un Temple de pierres, et non Jésus : « véritable ardeur à transmettre un patrimoine immémorial à des enfants trop souvent déshérités et déracinés », « dépositaires de la mémoire culturelle de l’Afrique et de sa tradition orale », « culture ». Comme les francs-maçons écolos, il sacralise la création au détriment du Créateur : il parle par exemple de la « Merveille de la création », de « la réalité d’un humus doté d’une âme immortelle », des « plantes, des fruits, des animaux[…] oiseaux multicolores s’élançant vers le ciel, poissons dans l’onde bienfaisante de la rivière », « l’univers tout entier ». Dans un holisme panthéiste ampoulé, il évoque à plusieurs reprises (3 fois) « l’adoration du Dieu vivant », vénère le Vivant et ce qui « rend vivants » (c.f. je vous renvoie au code bobo « Je suis vivant » dans mon livre Les Bobos en Vérité). Il verse dans le millénarisme naturaliste et spiritualiste, où le formalisme et la Nature prennent la place du Christ : « ce rythme ‘ternaire’, sorte de ‘trinité’ naturelle inscrite profondément dans l’âme de chaque homme », « rythme ternaire est naturel », « l’authenticité du rythme qui respecte la nature humaine, et donc l’âme, dans sa relation silencieuse et aimante avec Dieu, son Créateur et Rédempteur », etc. Au passage, chez le cardinal Sarah, ce naturalisme christique et nataliste se déchainera contre le Gender et définit l’homosexualité comme « contre-nature ».
 

Il est d’ailleurs étonnant de voir comment, dans sa conférence, Sarah a déifié/personnifié l’outil que devrait rester le chant grégorien, pour en faire le nouveau Christ : « cette liturgie céleste », « silence sacré », « un silence absolu », « l’Office Divin », « déambulation processionnelle », « cette ronde majestueuse », « le beau déploiement de la liturgie de l’Église», « encore en chemin vers son accomplissement », « la genèse du chant grégorien », « sainte Liturgie », « le chant grégorien doit occuper la première place » (phrase qu’il détourne de son contexte d’énonciation pour l’isoler en Vérité dogmatique), « place éminente, la première », « la valeur intrinsèque inégalable de ce chant, inspiré par l’Esprit Saint », « chant liturgique jaillit », « chant liturgique constitue cette gestuelle », « l’Église dans sa sainte Liturgie », « Tolérer n’importe quelle musique ou chant, continuer à abimer la liturgie, c’est démolir notre foi, », « ce silence sacré », « son rythme ternaire », « la kora est l’apanage sacré des griots ». C’est le chant ou le silence ou le rite formel qui sont auréolés de sainteté ; très peu le Christ et les personnes de chair et de sang. L’expression « chant grégorien » est répétée 38 fois : c’est le personnage principal du discours sarahien (Jésus, à côté, est très peu cité, et c’est loin d’être le roi que sert le cardinal Sarah). À en croire le prélat, Dieu, comme dans les égrégores de la Franc-Maçonnerie, serait davantage le résultat et le produit d’une technique pour L’atteindre qu’un don gratuit de Dieu qui rejoint même celui qui n’a pas de technique : « le fruit de leur méditation silencieuse », « Seule la qualité du silence et de la prière personnels peuvent rendre sublime et profonde la prière communautaire. », « exténuant, mais régénérateur et sanctifiant », « compréhension profonde », « une ferveur sans pareille », « notre chant », « qui aboutissent au silence de l’adoration », etc. Incroyable inversion.
 

Le chant grégorien, c’est Dieu ; ce n’est plus un outil pour servir Dieu, ni un simple accompagnement : c’est Dieu ! Et le récepteur capable d’accueillir Dieu devient aussi un substitut de Dieu. On est vraiment dans l’égrégore : c’est le rituel qui créerait la divinité, et non l’inverse. Dans le discours du cardinal Sarah, le moyen a pris la place du But. Il y a un réel problème dans le sens de la prière. C’est presque unilatéral. Ça va de l’intérieur vers l’extérieur, et non, comme cela devrait être le cas, prioritairement de l’extérieur vers l’intérieur. C’est le priant qui, par la qualité de prière et sa docilité au rite méditatif silencieux, ferait advenir la divinité, et non l’inverse : « Du silence de l’âme unie à Jésus au silence de Dieu dans sa gloire », « naît du silence et conduit au silence », « prière monastique qui commence toujours dans l’intimité de la cellule et se poursuit jusqu’au sanctuaire de l’abbatiale. Seule la qualité du silence et de la prière personnels peuvent rendre sublime et profonde la prière communautaire. » « chant grégorien qui monte depuis l’autel, la pierre du Saint Sacrifice », « mouvement ascensionnel : qui monte », « le silence comme condition de la Parole, celle de Dieu », « C’est de l’intérieur du silence que Dieu parle, qu’il crée le ciel et la terre par la puissance de son Verbe. D’ailleurs, la Parole ne prend son importance et sa puissance propre que lorsqu’elle sort du silence… mais la réciproque est également vraie ici : pour que le silence ait sa fécondité et sa puissance réalisatrice, il faut que la parole s’énonce dans une élocution exprimée. », « La liturgie est comme une vague qui porte la voix, facilite le chant, rend la relation à Dieu plus profonde », « notre chant, uni à celui des anges et des saints, jaillit de ce silence sacré qui nous fait entrer dans la communion avec la Très Sainte Trinité. » On assiste à un glissement pervers et à un dévoiement de la prière… et le pire, au nom de la qualité de la prière ! L’Esprit Saint, telle une colombe libre, ne se laissera jamais mettre en cage.
 

Pour vous illustrer l’orgueil bâtisseur du cardinal Sarah, je reprendrais bien volontiers la parabole du pharisien et du publicain (qu’on pourrait aussi renommer « La parabole du silencieux et du bruyant » pour l’occasion) : « Jésus dit encore, à l’adresse de certains qui se flattaient d’être des justes et n’avaient que mépris pour les autres, la parabole que voici : ‘Deux hommes montèrent au Temple pour prier ; l’un était Pharisien et l’autre publicain. Le Pharisien, debout, priait ainsi en lui–même : ‘Mon Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ou bien encore comme ce publicain ; je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que j’acquiers.’ Le publicain, se tenant à distance, n’osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine, en disant : ‘Mon Dieu, aie pitié du pécheur que je suis !’ Je vous le dis : ce dernier descendit chez lui justifié, l’autre non. Car tout homme qui s’élève sera abaissé, mais celui qui s’abaisse sera élevé. » (Lc 18,9)
 

3) Humanisme intégral

En bon humaniste intégral qui se respecte, le cardinal Sarah salue des capacités, des qualités, des valeurs et des vertus humaines, que représente parfois le Christ mais qui ne sont pas le Christ : « prière », « l’écoute », « amitié », « fidélité », « soutien », « l’ouïe, et aussi la vue », « à l’ouïe et à la vue », « la foi », « la charité », « l’espérance du salut », « le silence », etc. C’est étonnant mais il reprend exactement les revendications du monde communiste et agnostique : « encouragement », « reconnaissance », « votre détermination », « engagement », « défendre », « défense », « défendez », « efforts », « réfléchissions ensemble », « unie », « promouvez », « avec ardeur », « chanté en commun », « communautaire, unanime, prononcée à voix haute, à pleins poumons, durant huit heures par jour », « culture », « l’éducation de l’enfant », « enseigne », « notre monde », « tout un peuple », « digne », « l’homme », « humaine », « essentiel », etc. Y compris pour dénoncer les « droits de l’homme », il se met à en créer des nouveaux. Il se situe du côté des soi-disant victimes (car ce sont plutôt des râleurs que des victimes) dont le droit-à-assister-à-une-messe-valide a été bafoué (« Telle est la souffrance qu’expriment tant de fidèles à la sortie de certaines Messes » (avec majuscules dans le texte : c’est dire s’il personnifie et sacralise le rituel christique à la place du Christ !), « vraie agression », « intrusion violente », « effraction de l’âme où Dieu s’entretient avec sa créature, comme un ami avec son ami », « cette violation d’un droit essentiel », « ce droit élémentaire de la rencontre de la personne humaine avec Dieu », « qu’on nous restitue d’abord le silence »), des victimes qui défendraient non seulement leur liberté d’expression, de culte et de croyance, mais surtout leur « choix et donc de la sélection des chants liturgiques » (ça, c’est la « liberté » défendue par le cardinal Sarah… On n’a pas la même notion de la « liberté » ni même l’objet de liberté…).
 

Autre détail d’humanisme intégral qui n’en est pas du tout un, en réalité : c’est la présence de l’hétérosexualité. L’hétérosexualité (ce culte de la diversité et des différences en soi, qui est le socle de la Franc-Maçonnerie, et le diable déguisé en différence des sexes) est très présent dans les mots du cardinal : « formes les plus variées », « aussi divers », « oiseaux multicolores », « splendide variété dans l’unité en Dieu des cultures », « aux mille voix », « aux multiples visages », etc. Comme je l’explique dans Homo-Bobo-Apo sur la Franc-Maçonnerie, le boboïsme est fondé sur l’intention (même l’intention de prière !). Et comme par hasard, le cardinal flatte dès le départ les intentions de son auditoire catholique (« Je vous assure de ma prière aux intentions qui vous sont chères »).
 

Ce qui frappe dans le discours du cardinal Sarah, c’est aussi le lyrisme échevelé. On retrouve exactement le style ampoulé et emphatique de la bourgeoise qui s’extasie : il emploie pléthore de superlatifs (« si délicate », « si méritants », « toujours plus fructueux », « très sainte de Dieu », « si délicate et subtile », « très humble », « les plus variées », « éminemment », « très lente », « la Très Sainte Trinité », « la communion avec la Très Sainte Trinité », « plus profonde », etc.), des listes d’adjectifs laudatifs (cette adjectivation frise la flatterie puante et la grandiloquence infantilisante : « crèche splendide », « visible et splendide » « délicate et subtile », « sa capacité irremplaçable », « au cours de sa lente et patiente éclosion », « présence réelle, visible, tangible, substantielle », « la place exceptionnelle et incomparable », « immense et cruciale », « ce merveilleux instrument à cordes pincées », « splendide », « légèreté diaphane »), un registre de langue touffu et désuet (vous savez ce que ça veut dire, « glèbe », « scories », « pantelant » ou « cantillation » ? vous savez ce que c’est que tous les termes techniques du monde monacal ? Moi, j’avoue que non… Et est-ce vraiment utile à la croissance de notre Foi ? Non. Le cardinal Sarah ne semble garder de la foi que l’aspect technique, gnostique, précieux et élitiste, extérieur… même s’il parle beaucoup de l’intériorité), des formules convenues de bienséance dans les sphères catholiques (« En vous assurant de ma prière », « profonde gratitude », « vos efforts si méritants »). Judas Junior sait où il met les pieds et sait se comporter en homme du monde (monde religieux, bien religieux), en parfait ambassadeur. Et toujours avec cette fausse humilité qui se dit trop elle-même pour rester véritablement humble : « très humble », « je n’hésite pas à déclarer avec insistance et humilité : je vous en supplie »). Oh oui… quelle humilité théâtrale !
 

Le problème, c’est qu’à force de jouer le parfait élève, ou plutôt le précepteur, il ne s’entend même plus parler. Il est facile de le prendre en flagrant délit de mysticisme, d’envolée lyrique chantant la magnificence formelle de la technique de prière et de chant : « une danse », « cantiques », « par excellence » (trois fois), « son grand geste », « gestuelle du silence », « balancement », « douce oscillation », « l’expérience ineffable », etc. Il s’envole, comme un ange (il est d’ailleurs fort probable qu’il se prenne pour un ange). Avec lui, on est dans la posture pieuse (simulant la Vision béatifique) : « silence de l’adoration du nouveau-né », « silence de la contemplation », « méditation silencieuse », « méditation », « la méditation et à l’adoration », « contemple » (2 fois), « contemplation silencieuse », « silence intérieur » (2 fois), « le silence dit ‘sacré’ », « un silence sacré », « intime », « l’intimité », « l’intimité de l’âme et de sa relation unique et ineffable avec son Créateur et Rédempteur », « la présence ou de l’absence de la contemplation », etc. Ou alors on est dans le réchauffé : il essaie de nous refaire du saint Augustin (« Chanter, c’est prier deux fois ») mais en raté : « prier, c’est chanter, c’est faire parler les cordes vocales de son cœur ». Il n’y a que les pharisiens anti-Pape-François de la Réacosphère pour trouver ça « beau et profond »…
 

 

Pour illustrer la dérive de l’humanisme intégral, voici un passage d’Évangile dénonçant les valeurs cérémonielles et rituelles spiritualo-mondaines : « Mes frères, ne mêlez pas des considérations de personnes avec la foi en Jésus Christ, notre Seigneur de gloire. Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps un homme aux vêtements rutilants, portant des bagues en or, et un homme pauvre aux vêtements sales. Vous vous tournez vers l’homme qui porte des vêtements rutilants et vous lui dites : ‘Prends ce siège, et installe-toi bien’ ; et vous dites au pauvre : ‘Toi, reste là debout’, ou bien : ‘Assieds-toi par terre à mes pieds’. Agir ainsi, n’est-ce pas faire des différences entre vous, et juger selon des valeurs fausses ? Écoutez donc, mes frères bien-aimés ! Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde ? Il les a faits riches de la foi, il les a faits héritiers du Royaume qu’il a promis à ceux qui l’auront aimé. » (Jc 2, 1-5)
 

En résumé…

En résumé, le plus paradoxal et dichotomique (le plus bobo, quoi), c’est que le cardinal Sarah d’une part cache le Christ au nom du Christ (autrement dit, il met la forme – le chant grégorien – à la place de Celui qu’elle est censée chanter), et d’autre part fait la promotion d’un chant silencieux (autrement dit d’un chant muet, d’un anti-chant) : il chante dans le même temps les louanges du chant (mot répété 38 fois) ET du silence (mot répété 31 fois). Il faudrait savoir. Pire : je crois qu’au fond, il propose une louange du bout des lèvres et du bout du cœur, une louange comptable. Et il est fort probable que celle-ci déplaise fortement à Dieu.

 

Le pseudo « courage » de Mgr Aupetit, et le fantasme d’une mobilisation de masse contre la GPA (dans l’imaginaire de Ludovine)


 

Concernant l’actualité de l’Église en France, les catholiques qui se gargarisent de voir en Mgr Aupetit un homme courageux et anti-PMA se trompent lourdement. Cet archevêque est pro-Union-Civile et confond la différence des sexes avec l’hétérosexualité, DONC il est pro-mariage-gay, pro-PMA et pro-GPA sans le savoir. N’avez-vous pas écouté ce que je vous avais expliqué à l’époque, et que je vous explique très clairement maintenant ? ? L’Union Civile et le « mariage gay » sont une seule et même loi, sont la même réalité affective (la justification de l’« amour homo » en tant qu’« amour universel non-homo »). L’hétérosexualité est le diable déguisé en différence des sexes. Vous vous égarez parce que vous ne m’écoutez pas.
 

 

Enfin, les catholiques qui en ce moment paniquent et agitent – avec la complicité des mass médias – un possible « retour » des Manifs Pour Tous et de la mobilisation de 2013, n’ont toujours pas compris que même l’avortement, la pédophilie, l’euthanasie, la PMA et la GPA, pourtant objectivement plus graves qu’un passage en mairie de deux personnes de même sexe, n’auront jamais la puissance de l’homosexualité, et que ce qui a permis de drainer deux millions de personnes en France en 2012-2013, mystérieusement, c’est l’homosexualité (je le démontre très clairement dans cette vidéo, et dans mes livres Homosexualité la Priorité niée et dans Homo-Bobo-Apo). Ludovine de la Rochère fait en ce moment des effets d’annonce absurdes, par carriérisme et, en réalité, homophobie. Mais elle leurre son monde. Il n’y aura jamais de manif multimillionnaire tant qu’il ne sera pas question d’homosexualité et tant que le mouvement de résistance sera porté par elle et non par des personnes homosexuelles, seules légitimes dans ces débats transhumanistes qui les impliquent prioritairement et à leur insu.
 

Le blabla habituel de François-Xavier Bellamy


 

N.B. : Pour compléter ce billet, un autre lien, cette fois sur la Réacosphère anti-papale.

Catholiques homosexuels (refoulés) de la Réacosphère, au lieu de vous acharner contre le Pape François, pourquoi ne règleriez-vous pas votre homosexualité ?


 

Quand je vois un certain nombre de catholiques (prêtres ou laïcs) de la Réacosphère actuelle qui en ce moment applaudissent les torchons médiatiques tels que Riposte Catholique ou Réinformation TV, qui applaudissent Mgr Viganò et qui sont hyper virulents envers le Pape François, uniquement parce qu’au fond ils refoulent leur homosexualité et la vivent non pas dans la continence mais dans une abstinence sèche et arbitraire, ça me démange et d’une, de balancer tout ce que je sais sur eux, et de deux, de leur dire « Au lieu de vous en prendre au faux ennemi qu’est le Pape, au lieu de tout casser et de vous morfondre sur l’état de l’Église, au lieu de draguer scolairement une certaine caste conservatrice ecclésiale dont vous ne ferez jamais vraiment partie, vous feriez mieux d’utiliser votre homosexualité pour de plus belles choses, et de vous réconcilier avec vous-mêmes ! Êtes-vous au courant que l’homosexualité n’est pas un martinet anti-papal ?? ». Que l’homosexualité dissimulée, refoulée, et « non-pratiquée comme ça », fait du mal !
 

 

N.B. : Pour compléter ce billet, un autre lien, cette fois sur le mirage d’une mobilisation contre la PMA.

20 conseils pour parler aux jeunes de l’homosexualité dans un contexte scolaire ou collectif

Pour éviter ce genre de décalages…


 

De plus en plus, les enseignants sont amenés à évoquer l’homosexualité en cours, soit parce qu’ils ont des élèves directement concernés, soit parce qu’ils doivent faire face à un harcèlement entre élèves relevant de l’homophobie, soit parce que le contenu du cours traite directement ou indirectement d’homosexualité ou que le sujet est évoqué explicitement par un ou plusieurs élèves. Alors, aux instits et au professeurs courageux qui ont décidé de ne pas se taire (et ils sont rares !), et qui voudraient en parler simplement et en vérité, sans tomber dans une indifférence gay friendly complaisante/validante, je vous donne ces quelques conseils :
 

1 – Faites parler une personne homosexuelle à votre place. Invitez-nous. Rien ne remplace le témoignage par la personne, et plus qu’un témoignage, l’analyse. Le reste n’est que littérature et psychologie de bazar. Les jeunes ne croient que ceux qu’ils voient. Surtout dans le domaine de l’homosexualité qui, dans leur esprit, est une personne réelle, en chair et en os, et une cause nécessairement juste. Tout discours rationnel sur l’homosexualité, fût-il juste, ne prend pas s’il ne vient pas d’une personne légitime et qui ressent cette tendance en elle.

2 – Formez-vous, lisez, intéressez-vous au sujet. Consultez par exemple mon Dictionnaire, bien documenté. Regardez mes vidéos. Avant de parler d’homosexualité, partez à notre rencontre. De toute façon, sans nous, personnes homosexuelles, vous ne pourrez rien faire (vous vous en rendez bien compte, d’autant plus en ce moment où la cathosphère panique et s’agite inefficacement autour de la PMA (sans père), alors que le centre du problème est le traitement de l’homosexualité : tant que vous n’aurez pas compris la gravité de l’hétérosexualité et de l’Union Civile – pourtant défendue par tous les opposants au « mariage gay », à commencer par Mgr Aupetit -, vous dénoncerez les conséquences dont vous chérissez inconsciemment les causes).

3 – Parlez directement du sujet, sans langue de bois. Pas de novlangue généraliste ni spiritualiste qui vous écarte du thème (tant de formateurs à l’affectivité détournent le sujet de l’homosexualité pour parler de « sexualité », d’« amitié », de « masculinité », de « féminité », de « paternité », de « complémentarité des sexes », du « corps », d’« identité », voire même de « chasteté » et de « sainteté, etc.) ! Sinon, vous jeunes vous tomberont dessus. De toute façon, désormais, vous êtes attaqués y compris quand vous ne dites pas de choses négatives sur l’homosexualité : ne pas en parler et ne pas encourager (au coming out ou à la pratique homo) est perçu comme de l’homophobie, comme suspect et comme un indice de catholicité. Alors autant y aller !

4 – Centrez votre discours sur les personnes (vos amis homos notamment): toujours. D’autant plus quand on vous lance sur le thème des lois (adoption, « mariage » gay, GPA, etc.) ou dans le débat d’idées, dans les concepts. Parlez des personnes homos, quitte à ne pas répondre directement à la question qui vous est posée. L’unique préoccupation des jeunes, c’est juste de savoir si vous nous aimez. Ce n’est pas plus compliqué que ça. Et après avoir vérifié cela, ils vous écoutent. Pas avant.

5 – Soufflez le chaud immédiatement après avoir soufflé le froid, et vice-versa : on ne fait pas voir la lumière du jour à quelqu’un qui a été enfermé pendant longtemps dans une caverne… ou alors il verra la lumière comme une ennemie et réagira très mal. Quand vous dites par exemple quelque chose de dur concernant « l’identité » ou « l’amour » homos, complétez ensuite par une remarque gentille qui reconnaît au moins la sincérité des personnes ; quand vous dites quelque chose de positif sur l’homosexualité, nuancez juste après, de telle sorte que votre propos ne soit ni une justification de « l’identité » homo ni un encouragement à la pratique homo. Un exemple de soufflage de chaud puis de froid, c’est avec la question : « Comment on sait quand on est homo ? », souvent posée par nos jeunes. Dans ce cas-là, si vous en arrivez à dire que l’attirance homosexuelle peut être temporaire ou une mode à ne pas surévaluer/surinvestir, dites ensuite que vous la prenez quand même au sérieux dans certaines situations et qu’elle ne s’en va pas toujours dans un temps humain. Si au contraire vous êtes amenés à dire que c’est une tendance qui s’avère suffisamment enracinée pour compromettre un mariage ou un sacerdoce, donnez après des exemples de personnes homos qui ont réussi à se marier, à avoir des enfants ou à être des prêtres heureux.

6 – Parlez d’homophobie. C’est un super sujet. Et le mot « homophobie » est très signifiant (haine/peur du même + violence faite à l’encontre des personnes homos). En plus, les jeunes sont particulièrement sensibles à l’injustice. Et très sensibles aussi au fait que vous connaissiez des personnes qui ont souffert à cause de leur homosexualité et/ou du mauvais accueil social de l’homosexualité. Alors ils vous écouteront. Le thème de l’homophobie a ceci d’avantageux (contrairement aux sujets souvent trop identitaires et passionnels de l’hétérosexualité et de l’homosexualité) de recentrer les débats de l’homosexualité sur les faits et les actes, puis ensuite sur les personnes, en sortant des considérations politiques, militantes, idéologiques et désincarnées.

7 – Quand vous allez dire quelque chose de dur sur un mot déifié par notre époque (exemple : « égalité »), opposez immédiatement ensuite ce même mot à un autre terme tout aussi sacralisé par notre époque (exemple : « différence »), pour créer un choc frontal entre les deux qui atténuera et apaisera la « bombe » que vous avez lâchée. Ex : « Les hommes et les femmes ne sont pas égaux puisqu’ils sont différents. Et heureusement ! » C’est là que la pilule passe le mieux.

8 – Revenez sur un mot évident pour tous et diabolisé socialement, pour prendre par surprise et en défaut d’ignorance votre auditoire. Ex : les termes « discrimination », ou encore « jugement », presque systématiquement connotés péjorativement dans la bouche de nos contemporains. Expliquez qu’il y a des bonnes et des nécessaires discriminations. Par exemple, pour l’apprentissage de la lecture, il est nécessaire de discriminer – c’est-à-dire de distinguer – les phonèmes. Sinon, on ne saura jamais lire. Nous ne devons proscrire que la discrimination de valeur entre les personnes. Pas les discriminations en soi.

9 – Utilisez abondamment l’idolâtrie mondiale actuelle (et hétérosexualiste) pour les Différences. Usez et abusez de ce mot-là pour prendre les idolâtres à leur propre piège. Ex : « Non, toutes les différences ne sont pas bonnes ni tous les mélanges réussis. Et tout ce qui nous est présenté comme ‘différence’ ne l’est pas nécessairement. Par exemple, la différence homosexuelle n’est pas une personne ni une identité : une personne ne se réduit pas à un ressenti ni à une orientation sexuelle. Et l’acte homosexuel exclut la différence des sexes. » « L’Amour accueille la différence. À chaque fois qu’on n’aime pas, c’est qu’on rejette la différence, et à plus forte raison la différence des sexes dont nous sommes tous issus et qui est le ferment de notre identité. Voilà pourquoi on peut dire que l’union homo n’est pas de l’Amour. » Le discours sur les différences, franchement, ça marche à tous les coups. Le rappel que la tolérance peut être dans certains cas très intolérante et intolérable, ça fait aussi son petit effet.

10 – Le plus efficace (en plus de la présence de la personne homo) : attaquez l’hétérosexualité. Car ça, ça rassure tout le monde. Puisque bien souvent, les défenseurs aveugles de l’homosexualité confondent la différence des sexes avec l’hétérosexualité (une différence des sexes sans amour, pour le coup), veulent se venger du mariage homme-femme ou de l’Église, et cherchent à savoir si vous critiquez autant les couples homos que les mauvais couples homme-femme. Si tel est le cas, et s’ils vous entendent défoncer l’hétérosexualité, vos jeunes seront soulagés et auront la preuve que vous n’êtes pas homophobes, que vous ne dénoncez pas la pratique homo pour idéaliser le mariage procréatif traditionnel (auquel ils ne croient plus).

11 – Renvoyez la personne qui vous sort des mots impressionnants (« homo », « lesbienne », « gay », « homophobe », « mariage gay », « Manif Pour Tous », « sodomie », « enculé », « hétérosexualité », « bisexualité », etc.) à ce qu’elle a dit pour les lui faire préciser… car en général, ceux qui les emploient en ont une grande méconnaissance, et ne connaissent rien à l’homosexualité. Ex : « Tu connais des couples homos qui s’aiment ? » « Qu’est-ce que tu entends par ‘homophobie’ ? » « ‘Enculé’, ça veut dire quoi ? », etc. Cela permet à la personne de la mettre devant ses contradictions, ou bien de sortir du procès d’intention pour revenir ensemble aux faits, au sens des actes, et aux personnes homos.

12 – Ne soyez pas catégoriques et montrez que vous pouvez changer d’avis sur le sujet : avec des marqueurs de nuances (« peut-être », « certains », « souvent », « quelques », « assez », « presque », etc.) ou bien en parlant à la première personne. Ex : « Pour l’instant, je n’ai jamais rencontré de couples homosexuels durablement épanouis un minimum et qui s’aiment. Je ne dis pas que je n’en rencontrerai jamais. Mais au jour d’aujourd’hui, je n’en ai pas vus. Et si vous en connaissez, présentez-les-moi ! Je ne demande qu’à changer d’avis. » Vous découvrirez que dans 99,9 % des cas, nos jeunes défendent les « couples homos de la télé ».

13 – Reconnaissez la valeur (relative) des sincérités, ainsi que les bienfaits réels des « couples » homos (amitié, parfois fidélité, complicité, engagements sociaux, soutien mutuel dans l’épreuve, valeurs éducatives et adoptives, etc.). Ne noircissez pas le tableau de l’homosexualité, pour ne pas froisser les susceptibilités, et surtout parce que si vous le noircissez, vos jeunes ne vous croiront pas : face à l’actuelle propagande guimauve et gay friendly des séries et des réseaux sociaux, vos mises en garde ne font clairement pas le poids ! Ne projetez jamais une souffrance ou une violence ou un malheur sur l’homosexualité et sur les personnes homosexuelles, que vous ne puissiez prouver par un vécu personnel ; si vous vous retrouvez face à une personne homo (qui vous soutient par exemple que tout va bien dans sa vie et qu’elle est très heureuse ; ou bien que ses amis gays sont très heureux), ne parlez pas à sa place et ne lui inventez pas un malheur ou une insatisfaction de sa situation tant qu’elle ne l’a pas abordé elle-même. Et si vraiment, les constats négatifs ne sortent pas, usez de la béquille de votre expérience et de ce qu’ont vécu vos amis homos, en toute objectivité, et sans verser dans le misérabilisme ou le dolorisme. L’aveu du négatif ne peut venir que de l’autre. Pas de soi. Ce n’est pas à vous d’apprendre à autrui qu’il est malheureux, ou dans l’erreur et dans l’insatisfaction.

14 – Usez de l’humour, de la douceur, de votre sourire, de blagues, tout en restant fermes et sûrs de ce que vous défendez. Une personne mal à l’aise avec le sujet s’accuse elle-même d’homophobie à son insu.

15 – Rencontrez préalablement des personnes homos et vivez avec nous des amitiés authentiques. Ainsi, votre discours sur l’homosexualité et l’homophobie s’incarnera. Personne ne peut récuser des amitiés. Surtout pas les jeunes.

16 – Montrez que le sujet ne vous fait pas peur. Sortez de la traditionnelle prudence dichotomique « Mieux vaut bien en parler ou ne pas en parler du tout »: dorénavant, nos jeunes vous mettent au pied du mur en vous interrogeant directement sur les 6 mots « homosexualité », « hétérosexualité », « bisexualité », « homophobie », « transidentité » et « Amour »… alors autant les affronter en face, sans prendre les devants ni les anticiper si ces sujets ne viennent pas de la bouche de vos jeunes.

17 – Mesurez la primauté de l’homosexualité, sans la dramatiser ni la surévaluer non plus. Ne minorez pas le phénomène et son impact émotionnel, affectif, médiatique, politique, collectif, mondial, eschatologique. L’homosexualité est le seul mal (ou « signe de mal » quand elle n’est pas pratiquée) que l’Humanité ne comprend pas. Alors le monde crie d’autant plus à son sujet. Ne perdez pas de vue qu’elle est une peur de la différence des sexes, même si, à l’âge adulte, cette peur se déguisera souvent en fierté ou en banalité.

18 – Ne méprisez pas la novlangue ni le langage de nos jeunes. N’esquivez pas le sujet et ne rejetez pas leurs mots, ne bottez pas en touche en disant que ce n’est pas important ni le vrai sujet. Ils ont soif de réponses. Et si vous ne le leur donnez pas, ils viendront les chercher avec insistance, et parfois dans l’agression.

19 – N’attendez pas l’aval de votre directeur ni des parents pour traiter d’homosexualité en cours… sinon, c’est un sujet tellement tabou, et avec lequel il est tellement facile de se trouver mille excuses prudentes pour l’esquiver, que vous n’en parlerez jamais.

20 – Lisez les quatre paragraphes du Catéchisme de l’Église Catholique pour bien vous en imprégner, et demandez à l’Esprit Saint de vous inspirer les paroles aimantes qu’il faut. Pour compléter, écoutez l’épilogue de mon livre Homo-Bobo-Apo, ainsi que mon document court « l’homosexualité expliquée à un ado de 11-17 ans ».
 

Plein de courage à vous ! Vos élèves vous le rendront.
 

 

N.B. : Vu que les établissements ne nous invitent pas – quand je dis « nous » je parle évidemment des personnes homosexuelles continentes vivant ce que demande l’Église – alors que pourtant les besoins sur ce sujet précis sont criants, j’en arrive quasiment à me dire que la prochaine fois que des groupes catholiques m’invitent pour donner un « témoignage » (à une session, dans une aumônerie, en paroisse, à un festival, dans un groupe de travail, sur un média pseudo « catholique »), je déclinerai l’invitation, et j’arrête définitivement les interventions publiques. Marre de cette mascarade des catholiques qui sont entrés durablement dans la peur et l’homophobie, et qui ne comprennent rien. Ils n’avaient qu’à se réveiller avant.

Le cadeau empoisonné de Wim Wenders au Pape François


 

Il a des cadeaux qui n’en sont pas vraiment, parce qu’ils ne servent pas la Vérité ; et qui peuvent également être reçus et honorés par politesse, alors qu’il eût mieux valu les refuser. C’est exactement ce que je pense du film « Le Pape François : un homme de parole », sorti en salles aux États-Unis en mai dernier et en France le 12 septembre 2018, gentiment offert par le réalisateur allemand Wim Wenders au Pape François, et poliment reçu et personnalisé par le Saint-Père lui-même puisque celui-ci y intervient directement (en « Face Time »). Cette mise en scène de remise-réception de cadeau agace les opposants au Pape (qui n’hésitent pas à traiter Wim Wenders de « lèche-cul », et le Pape de « dictateur » ayant construit sa propre propagande personnaliste), fait sourire jaune les quelques défenseurs du Pape (qui n’iront même pas voir le joli film enrubanné). À moi, elle me fait peur. Car j’y vois un piège autant qu’une funeste annonce de la mort définitive de la papauté terrestre.
 

Pourquoi ce film piège le Pape François ?

Ce film est un piège parce que c’est un mirage embelli de la réalité
 

Concrètement, aujourd’hui, le Pape n’est pas applaudi. Et loin de là. Comme dans un carnaval – et notre monde est en train de se transformer en véritable festival de blasphèmes généralisés, de travestissements, et d’offenses à Dieu –, il ne faut pas oublier que le roi, célébré un temps, finit piétiné, voire immolé. L’engouement papal mondial n’aura duré que cinq printemps, et est révolu. « Cinq. Cinq années à vivre. Pas une année de plus. » (c.f. la chanson « Cinq » du Clergyman dans la comédie musicale La Légende de Jimmy)
 

 

La preuve, c’est que la semaine même de la sortie du film de Wim Wenders, j’étais quasiment le seul dans la salle de cinéma, alors que pourtant, je me trouvais à Paris. Dès son entrée en scène, ce documentaire ne fait que peu d’entrées, se fait défoncer par la critique, et ne trouve pas son public. Il appartient au passé. Wim Wenders affiche sur grands écrans des foules agglutinées autour du Pape… alors que dans les salles, pas un chat ! Ce film arrive déjà trop tard, ne correspond plus à la réalité de terrain de l’Église et du monde, à la réalité de l’opinion publique, particulièrement inconstante et capricieuse : un jour le Pape est applaudi parce qu’il est étiqueté « gay friendly », le lendemain il est brûlé en place publique et traîné en procès d’homophobie parce qu’il fait le lien maladroit entre homosexualité et psychiatrie. Le documentaire « Le Pape François » est donc un film crépusculaire ; et à peine sorti, il est déjà périmé. Wim Wenders à la fois semble en avoir conscience, puisque l’incipit du film est empreint d’une forte teinte apocalyptique, et l’ignore car il ne souligne pas la gravité de la situation ni le danger concret (danger de mort et de persécution) qui guette le Pape et l’Église. C’est donc un film optimiste dans toute sa splendeur : positif, déprimé, déconnecté du réel… et même du Pape !
 

Ce film est un piège parce que le Pape François n’est pas aimé pour les bonnes raisons
 

En dépit des apparences, le film « Le Pape François » n’est pas un hommage. Il a tout l’air de la dédicace d’une groupie bobo soixante-huitarde, qui a célébré « pudiquement » et « nostalgiquement » une image d’Épinal d’un souverain pontife humaniste engagé qui n’existe pas tel qu’il est fantasmé. Wim Wenders se dit « chrétien œcuménique » : « Moi, Wim Wenders, j’ai quitté l’Eglise catholique en 1968 et n’y suis jamais revenu. » Son documentaire résonne comme un discours-fleuve sentimental déclamé à un mariage, ou comme une déclaration d’amitié échangée sur un agenda de collégien (griffonné sur papier recyclé, évidemment). Il exprime la nostalgie d’un ex-enfant de chœur encore un peu attaché à l’Église Catholique par le souvenir, mais qui ne L’accueille pas. Il semble l’œuvre d’un artiste contemporain vieillissant, qui ne fout plus du tout les pieds à l’Église, mais qui est toujours attaché à un reste de traditions et à ce qu’il appelle les « valeurs du christianisme », qui parvient encore à se laisser éblouir par le charisme médiatique et le rayonnement politique d’un homme d’Église aussi simple que le Pape François, et qui finalement s’est fait plaisir en interviewant une personnalité atypique.
 

Le film de Wim Wenders se situe dans la lignée des films pro-Pape construits par des réalisateurs bobos qui ne sont pas catholiques mais qui ont une admiration distante et une bienveillance reconnaissante envers lui. Je vous renvoie à ma critique du film latino-américain « Pape François » (2016) de Beda Docampo Feijóo et Eduardo Giana (cent fois plus catastrophique que le reportage de Wenders, il faut le reconnaître).
 

En fin de compte, nous, catholiques, sommes responsables d’avoir délégué à ces réalisateurs bobos le traitement cinématographique de nos propres chefs. Nous avons abandonnés ces derniers, et avons laissé les autres parler de nous et de nos parents dans la foi, opérer ce ravissement. Nous en paierons les pots cassés.
 

Nous nous sentons aussi, bizarrement, désavoués par nos pasteurs et par le berger en chef. Après avoir vu le docu-fiction de Wim Wenders, on ressort avec la même impression « malaisante » (comme disent beaucoup de jeunes d’aujourd’hui) d’un énième hommage raté… d’autant plus malaisante que là, c’est le Pape lui-même qui a participé à la construction de sa propre caricature, puisqu’en gros, il ne s’agit plus d’un biopic, mais d’un documentaire où quatre entretiens de deux heures ont été réunis – avec le Pape François s’exprimant « face-caméra » en nous regardant droit dans les yeux – pour en faire un film. Avec ce documentaire, on a dépassé le stade de la selfie. Maintenant, le Pape nous parle via une conversation Skype « améliorée » et « professionnalisée ». Wim Wenders a organisé une sorte d’opération charme, un speed-dating filial, un grand oral les yeux dans les yeux. Le Pape s’est fait prendre au jeu de l’« intimité grand public », et avec son propre consentement. Suprême confusion : on ne sait plus qui croire tellement témoin et ravisseur semblent marcher main dans la main. Et visuellement, ça marche. Le résultat est réussi. Quoi en penser ? À quel sein/saint se vouer ? C’est très difficile de répondre. Quel bordel…
 

 

Ce film est un piège parce que les propos papaux retenus ne sont pas les plus profonds ni les plus pertinents
 

Wim Wenders n’a retenu du discours du Pape que les phrases les plus convenues et simplistes : « La solution pour régler les conflits familiaux, c’est l’Amour » « Vive les différences » « L’argent ne doit pas être notre maître » « Agissons ensemble », « Sauvons la Planète », « Il faut partager », etc. Franchement, le Pape a autre chose à dire. Notamment sur Jésus et sur les vérités de dogme. Notamment sur la Bonne Nouvelle à annoncer aux pécheurs. Il y a des urgences à traiter, des thèmes importants à aborder, des vérités sur des sujets polémiques et incompris (tels que l’homosexualité ou le célibat sacerdotal) à dire. L’heure n’est plus aux sophismes et aux aphorismes.
 

L’image faussée que Wim Wenders a construite autour du Pape François (même s’il dira qu’il n’a rien construit du tout et qu’il est resté fidèle à ce que le Pape a bien voulu transmettre), c’est celle d’un homme touché par les injustices terrestres, luttant contre les exclusions, prenant position en faveur des pauvres. Le Pape audacieux. Le Pape des exclus. Le « petit Père ». Le Pape-frère. Le Pape-pote (qui raconte des blagues tordantes). Le Père-du-Peuple. Le Pape-Conscience-de-l’Humanité. Le chantre de concepts humanistes et communistes débiles (« le Bien Commun », « l’Amour », « les différences », « la Maison Commune », etc.).
 

 

Dans le film de Wenders, le Pape est envisagé comme un militant, un défenseur de la culture, de la Nature, de la Terre-mère (« Pachamama » et tout le bordel ésotérico-régionaliste), de l’Humanité, d’un naturalisme écologiste, d’un équilibre migratoire et démographique égalitaire, d’un humanisme intégral. C’est un conseiller en ressources et en relations humaines. D’ailleurs, le terme « Homme » est répété je ne sais combien de fois dans le film (le compteur a explosé !). Au final, on conserve l’image d’un Pape centré sur la Création et pas tellement sur le Créateur. En bon gauchiste qui se respecte, Wim Wenders a versé dans le naturalisme (culte anthropomorphique de la Nature), en établissant à certains moments une claire corrélation entre Humanité et catastrophes naturelles. Il nage en plein panthéisme moniste.
 

Il a finalement fait de François un Pape matérialiste, axé sur le corps et le matériel (et non sur l’âme, sur le Salut ou sur Jésus). Un promoteur d’un « style de vie », d’un « art de vivre », d’un savoir-être (« savoir écouter », « savoir rire », « savoir jouer avec ses enfants », etc.), d’un « modus vivendi » (le Pape emploie lui-même l’expression), d’un discours de la méthode (proche du discours de la décroissance adopté par la revue catho-bobo Limite). « Avec cette vie accélérée, on oublie les gestes les plus humains. » ; « Parents, jouez-vous avec vos enfants ? » ; « Tous, nous pouvons vivre avec moins. » ; etc.
 

 

On entend le Pape donner des conseils pour mieux vivre et s’aimer en famille, pour préserver la planète, pour dialoguer, pour vivre heureux. POUR POUR POUR. Toujours l’intention (d’agir, de parler). Comme je l’écris dans mes livres Les Bobos en Vérité, et aussi Homo-Bobo-Apo, le propre du boboïsme, c’est de s’attacher aux intentions, aux mots – bref, de tomber dans le nominalisme (cette idéologie franc-maçonne qui croit que la réalité peut être déformée par les mots, nos désirs, nos intentions, notre sincérité, nos convictions, notre volonté) et la franchise (le pilier idéologique de la Franc-Maçonnerie). Le Pape est transformé en diffuseur de conseils pratiques « pour les nuls », en petit guide vocal pour mieux vivre et mieux aimer, en story-teller vaguement philosophique et théologique.
 

Comme s’il n’était pas descendu assez bas, en plus de lui faire exprimer des phrases très convenues, Wim Wenders a filmé le Pape en train de tenir des argumentaires incomplets, incorrects (« Qui suis-je pour juger ? ») voire carrément pas justes (« L’Amour de Dieu est le même pour tous. » : c’est faux. Ce n’est pas parce que l’Amour de Dieu est donné et se dirige à tous qu’il n’est pas particulier et différent pour chacun). Le Pape ne règle pas les questions les plus brûlantes (et en particulier celles de l’hétérosexualité et de l’homosexualité). Et ça, au lieu de le servir, ça le décrédibilise. Je rappelle que l’injonction « à ne pas invoquer le nom du Seigneur en vain » est un des commandements du Décalogue. Et c’est malheureusement le contraire qui se passe dans le film de Wim Wenders.
 

 

Le réalisateur des « Ailes du Désir » semble avoir pris ses désirs pour des réalités. Il n’a gardé du Saint-Père que le discours populiste d’apparence franc-maçonne, en lui faisant défendre un communisme de la construction (je rappelle que la Franc-Maçonnerie repose principalement sur trois lexiques : la lumière, l’architecture et l’humanisme intégral) : « Nous ne pouvons construire l’avenir qu’ensemble. » ; « Nous avons tant à faire, et nous devons le faire ensemble. » ; « La lumière prévaut sur les ténèbres. » On a même droit à des images de Fiat Lux, le festival franc-maçon projeté en 2015 sur Saint Pierre de Rome au Vatican ! L’hétérosexualité (culte des différences) occupe également le haut du pavé : « C’est notre diversité qui nous rend plus fort. » (un astronaute au Pape) ; « Les différences nous font toujours peur mais elles nous font grandir. Elles sont le progrès de l’humanité. » (Pape).
 

Le Pape François a été dépeint plus en serviteur de l’Homme que de Jésus. D’ailleurs, Jésus est très peu nommé. La Vierge Marie est également peu montrée (La retransmission des images du Pape François à Fatima sont assez signifiantes : la Vierge n’a aucune place). Les prédécesseurs du Pape sont peu montrés (excepté saint François d’Assise) : le Pape émérite Benoît n’apparaît quasiment pas. Sous le prisme de Wenders, le Pape François a été carrément amputé de son lignage apostolique, a été isolé sous prétexte d’être mis en gros plan et honoré. Mine de rien, on a l’image d’un Pape seul (face à une foule). C’est perturbant.
 

Ce film est un piège parce que les propos du Pape François sont déformés
 

 

Un exemple tout bête de trahisons « involontaires » de Wenders, dues à l’absence d’éducation religieuse et de formation intellectuelle sur les définitions de mots : le sous-titre de l’affiche française « L’espoir est un message universel » n’est pas fidèle à ce que dit le Pape. Effectivement, dans le documentaire « Le Pape François », j’ai bien entendu, le Saint-Père ne parle pas d’espoir mais bien d’Espérance (« Esperanza » en espagnol). L’Espérance, contrairement à l’espoir qui est un vague optimisme éventé, une « positive attitude » combattive de principe, comprend la foi en la Résurrection du Christ après la Croix. Le documentaire de Wim Wenders, n’exagérons rien, n’est pas dénué de gravité, et n’est pas un film totalement naïf. Mais c’est avant tout une œuvre optimiste. Et l’optimisme est, contrairement aux apparences, la balle que se tire le monde dans le pied parce qu’il nie la réalité déjà effective de la Résurrection du Christ. Je voulais juste relever cet exemple de déformations langagières que Wim Wenders a opérées en trahissant la pensée du Pape. Mais il y en a bien d’autres.
 

 

En outre, les discours du Pape et les images d’archives choisis par Wim Wenders, en plus d’être coupés au montage, sont sentimentalisés, théâtralisés, à l’excès. On a droit à une surenchère de musique d’habillage, à une exhibition des effets et des réactions des paroles du Pape sur les visages en gros plan l’écoutant avec passion. De surcroît, ces réactions de spectateurs sont complètement artificielles puisqu’elles sont montrées en décalé, en différé, par rapport à la temporalité de l’énonciation « en live » du discours papal : cela rend comme les montages retravaillés et photoshopés des émissions de télé-réalité telles que la X-Factors, America’s Got Talents, The Voice, ou dans certains concerts/remises de prix/spectacles de magie, misant à fond sur l’émotion. Wim Wenders a voulu démontrer que le Pape émeut, fait rire, fait pleurer, fait réfléchir, est bon et altruiste, touche tout le monde. Il filme une foule enthousiaste, qui rit, médite, court après la Papamobile (de seconde catégorie), se lève en standing-ovation dans un hémicycle nord-américain, etc. En ce sens, même si Wim Wenders ne l’assume pas, son film est publicitaire, propagandaire. Et le Pape François est un peu responsable d’être rentré dans ce narcissisme flatteur de l’altruisme (Jésus, lui, quand il aidait les autres et allait visiter les malades, refusait les caméras, renversait les micros des marchands du Temple, sommait les personnes qu’il guérissait de ne rien rapporter). Force est de reconnaître que le souverain pontife, en participant directement au film de Wim Wenders sur lui, n’a pas eu cette sagesse, cette prudence et cette humilité. C’est une maladresse objective dans la communication. Il donne des bâtons pour se faire battre.
 

 

La papolâtrie de Wim Wenders s’observe en particulier dans le nominalisme qu’il a mis en place dans son reportage. Par nominalisme, je veux parler de la glorification des mots (au détriment du Réel qu’ils sont censés nommer et servir). Et il est fort probable que Wim Wenders ne s’en soit même pas rendu compte. Tout le long du documentaire, le Pape est réduit à un mégaphone, à un discours, à un enregistrement vocal, à des mots, à une oralité… et non à une personne (la personne du Pape, déjà, et surtout la personne du Christ que le Pape est censé représenter). C’est une mise en scène d’oralité. Même si, fort heureusement, le Pape François possède cette force et cette humilité surnaturelles qui l’empêchent d’être spectateur de lui-même ou de tomber dans le narcissisme du leader qui s’écoute parler, du priant qui s’observe prier, en mordant à la mise en scène de sa propre sincérité (au passage, ça m’a toujours sidéré, chez le Pape François, la conservation de son humilité et de sa simplicité, a fortiori dans le contexte surmédiatisé qui est le sien, où ses moindres paroles et gestes sont épiés et gravés sur pellicule), finalement, il n’a tout de même pas pu échapper au narcissisme personnaliste de la démarche cinématographique de Wim Wenders.
 

En lien avec cet écueil narcissique de la surévaluation des mots, je me suis gentiment arraché les cheveux pour traduire en français le titre du film de Wenders « A Man of his Word », car selon moi, la traduction la plus évidente « Un homme de parole » n’est pas assez forte pour rendre l’idolâtrie nominaliste que l’expression recèle originellement. Au départ, j’aurais traduit par « François par François ». Puis « Cet homme est sa Parole » ou bien « est son Verbe » me paraissait une meilleure option. Au bout du compte, grâce à l’aide d’amis sur Facebook, je trouve que la traduction la plus fidèle à l’esprit du titre anglais, c’est « François, Verbe incarné ». Wim Wenders ne met pas seulement le Pape à la place du Créateur des mots (le Père), mais également à la place des mots et de l’énonciateur des mots (le Fils). Et je dirais même à la place de l’Esprit Saint : à plusieurs reprises dans le film, il est dit que le Pape « inspire » le monde entier ; et dans la bande-annonce anglaise, on nous signale que « Les mots du Pape inspirent le monde », qu’ils sont ferments d’unité : « No matter what divides us : his words unites us. » (traduction : « Peu importe ce qui nous divise : ses mots nous unissent. »). Le Pape nous est vraiment présenté comme LE Prophète, LA Bible. Euh… comment dire… n’en faites-vous pas un peu trop, là ?
 

 

Le Pape est transformé en voix-off. C’est pourtant bien sa voix, ses vrais discours, prononcés dans un contexte historique daté, que le spectateur entend. Mais pourtant, ce n’est plus lui. Il s’agit en réalité d’un copier/coller, d’une voix magnifiée, fétichisée, presque dépouillée de son contexte, de son incarnation et de sa profondeur, comme dans les insertions audios « brutes » d’un Martin Luther King ou d’un Nelson Mandela, qu’on nous sert actuellement dans les concerts pour conforter/bercer la bien-pensance collective (c.f. l’insert de la voix de Mandela dans la chanson « Noir et Blanc » des Enfoirés 2014 à la 2’54, que le public s’est forcé à applaudir poliment). Il y a un décalage – écoute en différé – entre l’émission du discours ou les paroles du Pape et les portraits émus et éplorés en gros plan (c.f. je vous renvoie à mon code « Mosaïque multiculturalistes » dans mon livre Les Bobos en Vérité). Wim Wenders nous présente en réalité un faux « Pape direct » : il enrobe le discours de ce dernier de plein de fioritures (violons, chorale…), propose une mise en scène de simplicité, de dramaturgie « épurée ». On a finalement affaire à un documentaire carte-postale, à un clip avec la voix-off du Pape pour décorer. On est encore loin du TransCalment ou de l’annonce de la soi-disant « sortie du disque du Pape Jean-Paul II ». Mais on glisse vers une instrumentalisation sincère et solidaire, autrement dit bobo.
 

Sans compter que toute la bande originale du film, signée Laurent Petitgand, bénéficie de la collaboration de la figure de proue du monde musical bobo : Patti Smith. Par exemple, la chanson du générique final, intitulée « These Are The Words » (« Ce sont les mots »), est bobo à souhait. C’est un mélange de Adèle et de spot de téléphonie mobile (vous savez, le « hey hey » insupportable de Free). Puis, comme Wim Wenders a un faible pour le populaire latino (il avait déjà réalisé il y a quelques temps le film « Buena Vista Social Club » : Télérama avait a-do-ré) et qu’il a voulu cette fois faire un « discret » clin d’œil aux origines sud-américaines du Pape, il a réussi à caser une chanson de Mercedes Sosa, autre diva bobo (aux côtés de Lana del Rey ou encore de Cesaria Evora). Les musiques de fond habillant « Le Pape François » sont très world, font très chants ésotériques super-primitivistes. Bien entendu, pour entendre de la musique sacrée, ou le répertoire vraiment catholique, vous pouvez toujours vous brosser. Même la Misa Criolla n’y figure pas.
 

Ce film est un piège parce que trop de réalisme et d’intentions tue la Vérité
 

Cette déformation et scénarisation des propos du Pape est d’autant plus navrante et scandaleuse que le film de Wim Wenders, comme toute production bobo, a une prétention réaliste : il se présente comme un documentaire ; il nous sert des images d’archives « authentifiant » le propos ; le Pape en personne s’exprime face à nous, en caméra directe. Difficile de faire plus « authentique » ! La vraisemblance, la sincérité et la simplicité sont clairement recherchées par le réalisateur. Et en même temps, ce naturalisme est romancé. Wim Wenders a mêlé interviews, images d’archives et fiction. Comme dans « Amélie Poulain » avec les simulations de films des années 1930. Il nous propose une reconstitution en noir et blanc de la vie de saint François d’Assise : c’est de l’image d’Épinal. Ce mélange des genres est une vraie salade bobo ! Le réalisateur a voulu montrer un « Pape sans filtre », sans fioriture, intime : « Je tenais à ce que le public puisse voir le Pape François droit dans les yeux. » Il l’a mis en scène comme un simple père de famille nous ouvrant les portes de sa maison, nous présentant une Église de l’intérieur, dans une ambiance cosy et sobre à la fois (bobo, quoi). La seule différence avec les interviews « intimistes » de Carine Lemarchand, Frédéric Lopez, Marc-Olivier Fogiel, Olivier Delacroix (« Dans les yeux d’Olivier »), c’est que Wim Wenders n’apparaît plus à l’écran : le Pape est laissé tout seul… et doit simuler de nous parler à nous spectateurs… comme un youtubeur.
 

Le côté direct et franc(-maçon) donné au Pape le dessert… car cela renforce son côté brouillon, dispersé et expéditif : c’est le pape copain, frère de tous, un pape « star-system ET anti bling-bling » (bobo, quoi) qui n’a plus grand-chose à voir avec un pape (si ce n’est le titre, le décorum folklorique et le déguisement, l’audience planétaire, la ferveur), un pape qui sert à bâcler un film (8 heures de tournage d’entretien et c’est plié ! je te fais un film !), un pape de loterie du pauvre (il t’appelle quand tu t’y attends le moins, et il peut même visiter de manière inopinée ton bidonville ou ton foyer de SDF !), un pape tellement expéditif qu’il distribuerait (et braderait/dénaturerait/invaliderait) démesurément les sacrements (et vas-y que je te fais des absolutions collectives, et vas-y que je te marie en 15 minutes, et vas-y que je t’embarque des migrants dans mon jet privé, et vas-y que je te valide et bénis la pratique homo par un laconique « Qui suis-je pour juger ? », etc. : le pape distributeur automatique de bénédictions et de sacrements à la validité plus qu’approximative, d’un point de vue extérieur j’entends).
 

 

Ce film est un piège parce que le Pape est idolâtré
 

Je crois qu’avec le film « Le Pape François », on peut parler de papolâtrie, de « fanatisme » bobo… même si Wim Wenders est suffisamment subtil pour que son hommage prenne intentionnellement et formellement les atours de la pudeur, de la vraisemblance, de la camaraderie soft, de l’authenticité, et quitte la grandiloquence kitsch ou la beaufitude. La révérence est faite avec art, technique et goût. Mais c’est quand même too much.
 

Déjà, il présente le Pape comme s’il était la réincarnation/la résurgence de saint François d’Assise : « L’héritage de saint François est toujours vivant. ». On va se calmer tout de suite. Ce n’est pas parce que deux personnes s’appellent pareil qu’elles sont Une (encore ce fichu abus nominaliste, cette fois par l’onomastique). Faire le parallèle entre un saint déclaré (saint François d’Assise, du XIIIe siècle) et le Pape François (encore vivant et pécheur) est rapide et disproportionné, bien que flatteur et voulu humble. La corrélation nie 1) la singularité des personnes en générant un amalgame identitaire 2) les péchés et les fragilités de François. Ça montre d’emblée que le portrait du Pape François est orienté et biaisé.
 

 

De plus, le Pape n’est pas traité comme un être humain, ni même comme un serviteur du Christ. Il est traité comme Jésus lui-même. Comme le dit à juste raison Jean-Marie Guénois dans le Figaro, le film de Wenders est « une hagiographie [biographie excessivement élogieuse] qui gomme la dimension spirituelle, pourtant essentielle, du Pape ». Ce remplacement du Christ par le Pape est complètement déplacé.
 

Ce film est un piège parce que cette idolâtrie bobo n’est ni identifiée ni assumée
 

Ça fait râler mais tant pis, c’est la réalité : « Le Pape François » est un outil de propagande. Même si on nous dit que ce n’est pas une commande du Vatican, même si Wim Wenders nous jure ses grands dieux que le Pape François n’est pas rentré dans le jeu du personnalisme et du culte de sa propre personne, force est de constater que le Saint-Père est tombé dans un piège, et peut-être dans le piège qu’il s’est lui-même tendu. C’est quand même une auto mise en scène. De toute façon, à la base, ça a toujours été compliqué de faire un film où le protagoniste joue son propre rôle… Et alors, le rôle d’un homme saint, n’en parlons même pas !
 

Wim Wenders défend son docu en disant des évidences indéniables : que son film est indépendant et n’est pas une commande (coréalisation) de la Curie romaine, que faire un film en mettant quelqu’un à son avantage (donc une œuvre partisane, bienveillante, positive, amicale) n’est pas suspect ni un crime ni un manque d’objectivité ni une absence de distance critique ni un défaut de professionnalisme (la défense et la sympathie sont autant vraies – voire plus vraies – qu’une attaque ou une pseudo neutralité). Certes. Sauf que ce n’est pas là que se situe le problème. Wim Wenders a voulu être plus mature qu’un biographe folklorisant la vie d’un homme public surmédiatisé et construisant à partir de ce dernier une statue cinématographique à la plus grande gloire de son œuvre et de ses mots. Il a voulu fuir cet écueil-là, ne pas donner cette impression de groupie fan du Pape qui mettrait ce dernier sur un piédestal. Il a voulu dépeindre un pape humain, frère, fragile, parfois un peu sali. Il a souhaité s’attacher à la profondeur de son message et de ses idées plus qu’à l’enveloppe charnelle et physique du bonhomme, qu’à sa biographie, qu’à son C.V., qu’à son titre et son poste, qu’au qu’en dira-t-on : « Cela ne m’intéressait pas de raconter l’homme, Jorge Mario Bergoglio. Je déteste la culture people. Je voulais faire un film sur les convictions du pape François. » On a compris l’idée. Mais malgré tout, à son insu, il a sombré dans une idolâtrie pas assumée mais réelle, à la sauce bobo. Il a quand même fait un film de groupie. Qu’il le veuille ou non. Et je ne dis pas cela parce qu’il a montré un beau jour du Pape (bien au contraire : moi, j’aime les reportages qui parlent bien de mon papy !). Mais ce n’est pas le beau jour que je connais du vrai Pape. Là, Wenders a cédé à la flatterie narcissique et populiste. Il s’est pris (comme dans d’autres de ses productions) pour le monde, pour le Peuple, mais également pour Dieu : « Nous les avons tournées avec un ‘interrotron’, une sorte de prompteur, sauf qu’à l’écran, plutôt que ses réponses, le pape voyait mon visage. Donc, en parlant spontanément avec moi à travers cet outil, il était en fait en train de parler directement au public, les yeux dans les yeux. Pour moi, c’est là le cœur de ce film. » Il y a par conséquent un problème de focus.
 

Et les journalistes et critiques mainstream ne s’y sont pas trompés. Ils ont vu dans le documentaire de Wenders des rapports inversés… comme le titre Le Parisien le soulève : « Wim Wenders confesse le Pape François ». Et c’est bien logique. Dans « Le Pape François », c’est l’effet confessionnal, entretien intime (avec son psy), qui l’emporte. Il y a, malgré la camaraderie et même la paternité-filiation, une impudeur formelle et une violation d’intimité qui sont gênantes. Le Pape a beau être le frère de tous, il est aussi le père spirituel de tous et le successeur de saint Pierre. Ce n’est pas un titre de gloire : c’est une Croix. J’ai le regret de dire que le Pape François, tout en restant humain et faillible, n’est plus, par la Grâce de l’Esprit Saint et par le ministère qui lui a été confié, un « homme comme les autres ».
 

Autre méprise : la perversité d’un film bobo pareil, c’est qu’en citant les interviews papales, il donne à croire que c’est le discours du Pape qui nous est fidèlement livré. Or, non. C’est du « coupé au montage ». Le Pape n’a pas contrôlé l’agencement et l’insertion de ses propos dans l’ensemble du film, ni les passages qui allaient être conservés ou pas. Il a été pris en otage. En plus, il est sans doute rentré dans le piège d’accepter de s’exprimer lui-même en personne devant la caméra pour des paroles qui n’en valaient pas la peine. Donc l’impression que ça vient de lui et que ce serait son discours (voire son film) est encore plus confondante.
 

Dangers à l’horizon

En plus de se tromper lourdement sur les intentions/les idées du Pape et de les rétrécir au lavage (le Pape François n’a rien du « communiste cool et progressiste », qui dirait des pensées lisses, n’a rien non plus du grand philosophe ou de l’humble super-héros « ordinaire » qui révolutionnerait le monde des idées et qui changerait radicalement les lignes du Catéchisme, de l’Église et du monde), le film de Wim Wenders risque de générer non seulement des déçus (du côté des « progressistes »), mais surtout des hargneux et des diviseurs à l’intérieur de l’Église (du côté des « tradis » et de la Réacosphère : Salon Beige, Jeanne Smits, Riposte Catholique, Réinformation TV, et tous ces mauvais médias de désinformation « réinformante »). « Le Pape François » est le genre de films qui a tendance à crisper et à faire enrager des papolâtres d’une autre espèce (et pas des plus gentilles) : les tradis ennemis du Pape François (genre les cardinaux conservateurs à la cardinal Sarah), énervés par le portrait très « Théologie de la Libération » et « Che Guevara en blanc » anti-Clergé-carriériste, anti-cléricalisme, pro-pauvres et amis des personnes homosexuelles. Ces papolâtres traditionalistes rongent en ce moment le frein de leur insurrection, mais plus pour bien longtemps… Et ça, c’est très inquiétant. Le film de Wim Wenders vient mettre de l’huile sur le feu à ce niveau-là.
 

Ne nous y trompons pas. Ce film est fait par les ennemis bien-intentionnés du Pape, qui font au final partie de la même famille que les ennemis mal-intentionnés du Pape (même si dans un tout autre style). D’ailleurs, ils se font incroyablement écho à leur insu puisque ils portent le même nom : Viganò. En effet, quelle ne fut pas ma surprise de voir figurer dans le générique final du film de Wenders, en première place, le nom du cardinal remercié par Wim Wenders pour son film : Mgr (Dario Edoardo) Viganò, préfet du nouveau « Secrétariat de la communication » du Vatican et proche collaborateur du pape François… qui s’appelle exactement comme l’archevêque émérite Mgr (Carlo Maria) Viganò qui a lancé une récente accusation publique contre le Pape François ! On peut mettre cette correspondance sur le compte du hasard et de la coïncidence, comme le font la plupart des médias pseudo « catholiques » actuels (Famille Païenne, Aleteia, La Vie, KTO). Mais personnellement, je n’y crois pas du tout.
 

Contre toute attente, ce film enterre le Pape François avant l’heure. D’ailleurs, la musique du début résonne vraiment comme un requiem. Ça désigne accidentellement le documentaire de Wim Wenders comme un documentaire quasi testamentaire. D’où cette impression paradoxale de malaise qui envahit, je pense, toute personne catholique quand elle quitte la salle.
 

En résumé…

Finalement, le film de Wim Wenders a piégé le Pape François. Sans doute exactement comme ce dernier s’est laissé piéger précédemment, sur d’autres supports et plates-formes. On avait pu le constater par exemple dans beaucoup de petites vidéos Youtube auxquelles le souverain pontife a participé, où les messages sont hétérosexualistes et bien faiblards théologiquement parlant ; dans des prises de parole maladroites lors d’interviews d’avion ; ou dans diverses contributions hasardeuses (c.f. l’entretien avec Dominique Wolton – où on le fait justifier l’Union Civile…).
 

Il est toujours possible de positiver, de relativiser (ce qui « ne serait qu’un film »), de ne pas prendre les choses au tragique (pour « rester dans l’Espérance » et la « bienveillance vis à vis du Pape »), de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, et de se dire : ce film fait connaître le Pape, l’Église et des messages altruistes, humanistes, à des gens qui, sans ça, n’auraient jamais connu Jésus. On peut toujours se réjouir d’une vitrine positive, d’une image d’ouverture. Mais quand cette vitrine est un écran de fumée, il faut se rendre à l’évidence : il s’agit d’un piège de mauvais augure pour le Pape et l’Église. Voilà pourquoi, Monsieur Wim Werders, personnellement, je ne vous remercie pas, et n’applaudirai pas votre film-interview.

FRISE CHRONOLOGIQUE DE L’HOMOSEXUALITÉ EN FRANCE ET DANS LE MONDE

Cette frise chronologique est fait maison, et est à compléter avec la biographie de l’auteur, avec la em>Frise sur la pédophilie sacerdotale, ainsi qu’avec le Dictionnaire des Codes homosexuels.
 

1791 : Dépénalisation de l’homosexualité en 1791 : à la Révolution Française, les rapports homosexuels en privé entre adultes consentants ne sont plus poursuivis par la loi en France. Cependant, une police administrative est mise en place dès avant la Révolution et s’intensifie sous la Monarchie de juillet et le Second Empire : « registres des pédérastes ». Le but de ce fichage systématique était essentiellement de prévenir les chantages et les scandales publics tout en contrôlant la prostitution. Le fichage des individus homosexuels par la police s’est poursuivi jusqu’en 1981.

1868 : Création du terme « un homosexuel » par un Hongrois (Kertbeny) ; « un hétéro » un an après (1869). Bien sûr, à côté ont existé des termes renvoyant toujours aux actes et comportements sexuels (« pédérastes », « bougres ») ou à des théories (« invertis », « efféminés », « troisième sexe »). Mais pour la première fois, l’homosexualité devient une identité et un amour. On essentialise le fantasme et la pratique. Une personne est réduite aux personnes qui l’attirent érotiquement et par ses agissements.
 

1895 : Procès et condamnation d’Oscar Wilde en Grande-Bretagne pour homosexualité.

1896 : Parution à Berlin de Der Eigene, première revue homosexuelle au monde. En France, Akademos paraît en 1909.

1917 : À la suite de la révolution bolchévique, Lénine dépénalise les actes homosexuels en Russie. Staline reviendra sur cette loi en 1934.

1919 : Création à Berlin du premier institut de sexologie par Magnus Hirschfeld, détruit par les Nazis en 1933.

1930 : Opération de réattribution sexuelle de Lili Elbe, considéré comme une des premières personnes trans. Sa vie inspire le film « The Danish Girl » (2015) de Tom Hooper.

1937 : Début de la déportation des personnes homosexuelles dans l’Allemagne nazi à cause du paragraphe 175 du code pénal allemand.

Seconde Guerre mondiale : Camp d’extermination et triangles roses. Pas de personnes homosexuelles françaises déportées en tant que telles (Pierre Seel). Sous Vichy et à la Libération, réflexion sur le consentement et la majorité à 21 ans (peine d’emprisonnement quand l’acte homo implique un mineur ; peine double quand la pédophilie ou « attentat à la pudeur » est homosexuel). En 1974, la majorité est baissée à 18 ans. Entre 1960 et 1980, Amendement Mirguet considérant l’homosexualité comme un « fléau social ».

Fondation aux États-Unis de la première association homosexuelle, la Mattachine Society. Les Américaines lesbiennes se regroupent à travers Daughters of Bilitis. En 1954 en France, création du groupe Arcadie par André Baudry, ancien séminariste, prônant l’homophilie, connu pour ses « danses du tapis » et ses thés dansants (gay tea dance). Il est dissout en 1982.

1956 : Coccinelle, vedette de cabaret, est le premier Français à accomplir une opération de réassignation sexuelle, quatre ans après la très médiatisée transition de l’Américain Christine Jorgensen. Il obtient son changement d’état civil en 1959 et se marie en 1962 à l’église Saint-Jean-de-Montmartre.

1960 : Le député gaulliste Paul Mirguet fait adopter un amendement classant l’homosexualité parmi les « fléaux sociaux », au même titre que la tuberculose et l’alcoolisme.

Juin 1969 : Révoltes de Stonewall à New York (États-Unis), avec des descentes de flics réprimées par la population interlope. En 1970 a lieu à New York la première Gay Pride spontanée.
 

1971 : En France, émission radiophonique de RTL sur le thème « L’homosexualité, ce douloureux problème » animée en direct par Ménie Grégoire. Première « Gay Pride ». Les militants s’invitent au traditionnel défilé des syndicats du 1er mai. C’est cette même année qu’est créé le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR), renommé en 1974 Groupe de Libération Homosexuelle (GLH). Il se réunit à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts. Création des Gouines Rouges.
 

1973 : La Cage aux Folles de Jean Poiret jouée au Théâtre des Variétés. L’année suivante, en 1974, la télévision française consacre pour la première fois une soirée à l’homosexualité en diffusant le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, suivi d’un débat des Dossiers de l’écran.

17 janvier 1975 : Adoption de la Loi Veil sur l’avortement.

25 juin 1977 : Organisation à Paris de la première manifestation homosexuelle indépendante, de la Place de la République à la Place des Fêtes, à l’appel du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) et du GLH. L’année suivante, en 1978 aux États-Unis, premier homme gay élu conseiller municipal de San Francisco, Harvey Milk est assassiné. Et à Paris, le premier bar gay à ouvrir au quartier du Marais s’appelle Le Village (fin 1978).

1979 : Fondation de la revue Gai Pied par Jean Le Bitoux (elle cesse de paraître en 1992). L’année suivante, en 1980, ouverture des Mots à la Bouche, première librairie gay parisienne.

1981 : Homosexualité déclassifiée comme une maladie. C’est à partir du 4 avril de cette année qu’a eu lieu la première véritable marche : 10 000 personnes à Paris, et le candidat à l’élection présidentielle François Mitterrand s’engage, quelques jours après cette manifestation, à dépénaliser l’homosexualité en France, engagement qu’il honorera l’année suivante.

9 août 1982 : Attentat rue des rosiers, au restaurant juif Goldenberg, en plein Marais, faisant 6 morts et 22 blessés. Cette même année, aux États-Unis, premiers Gay Games à San Francisco.
 

1983 : Apparition des premiers cas de SIDA, nommé « cancer gay » (en 1981, un article du New-York Times en a parlé pour la première fois ; et en 1982, l’acronyme Sida a désigné la maladie). En 1984, Daniel Defert fonde Aidesn première association de lutte contre le Sida. Sang contaminé distribué à des hémophiles de 1984 à 1985 (scandale divulgué seulement en 1990).

1987 : Proposition de création de « sidatoriums » pour les « sidaïques » par Jean-Marie Le Pen. Cette même année, au centre d’Amsterdam (Pays-Bas), inauguration de l’Homomonument commémorant toutes les « victimes » homosexuelles du monde entier. En 1989, le Danemark est le premier pays à instaurer un partenariat enregistré entre personnes de même sexe. En France, création d’Act-Up Paris, deux ans après Act-Up New York.

1991 : Après une année 1990 qui n’avait vu que 1 500 manifestants défiler dans les rues de Paris, le collectif Gay Pride est formé : 6 000 personnes sont alors comptabilisées Place de la Bastille. En 1993, la mobilisation atteint de nouveau le niveau de 1981 : 10 000 manifestants défilent contre le SIDA et pour le projet de contrat de Solidarité (le contrat d’Union Civile). L’Organisation Mondiale de la Santé retire l’homosexualité de la liste des maladies mentales. Et toujours en 1993, toutes les chaînes de télévision françaises se réunissent pour diffuser le Sidaction.
 

1993 à 1995 : Gérard, le gérant de la salle de muscu, dans la série Les Filles d’à côté sur TF1.

1995 : Diffusion de la Nuit gay sur Canal +. Âge d’or des Gay Pride. Apparition des Europride et des Worldpride. Création du magazine mensuel Têtu par Didier Lestrade et Pascal Loubet avec le soutien financier de Pierre Bergé (la revue durera 20 ans, avec 212 numéros, et cessera de paraître en juillet 2015). Apogée d’associations comme AIDES, Act-Up, S.O.S. Homophobie. En 1996, Christophe Martet insulte Douste-Blazy en direct pendant le Sidaction : « C’est quoi ce pays de merde ? » (chute des promesses de dons). La même année, l’arrivée des trithérapies offre un avenir aux malades du Sida. L’Afrique du Sud devient le seul pays au monde dont la constitution interdit toute discrimination en raison de l’orientation sexuelle. Les « mariages » de même sexe y sont autorisés à partir de 2006. Le « père » de ces partenariats enregistrés, c’est le député hollandais Boris Dittrich.
 

1998 : Talk shows Ça se discute et Jour après jour, animés par Jean-Luc Delarue. C’est mon choix avec Évelyne Thomas. Génération AntiPaCS en 1998 : défilé sous la houlette de Christine Boutin. Création du CGL (Centre Gay et Lesbien) de Paris.

1999 : En France, reconnaissance des couples de même sexe comme partenariat enregistré.

2000 : Diffusion à la télévision du téléfilm « Juste une question d’amour » de Christian Faure sur France 2.
 

2001 : Loft Story, première télé-réalité, diffusée sur TF1 (avec Loana, Steevy Boulay, Jean-Édouard…).

2001 à 2014 : Bertrand Delanoë (PS) est maire de Paris. En 2002, les Pays-Bas sont le premier pays à accorder le droit au « mariage » et à l’adoption aux « couples » homosexuels.

2003 : Création de l’association Le Refuge à Montpellier (hébergement des personnes homos jetées dehors par leurs parents). Publication du Dictionnaire de l’homophobie dirigé par Louis-Georges Tin, et du Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes dirigé par Didier Éribon.

Promulgation d’une loi contre les insultes homophobes au même titre que les propos racistes ou antisémites. Il faut attendre 2012 pour voir adoptée une loi contre la transphobie. Le 5 juin, mariage illégal de Bègles par Noël Mamère. La même année, loi contre l’homophobie, et création de Têtue. Le 25 octobre, naissance de Pink TV sur le câble (aujourd’hui, la chaîne ne diffuse que des films pornos).

2005 : Création de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, célébrée tous les 17 mai. Initiative lancée par Louis-Georges Tin, président du Comité IDAHOInternational Day Against Homophobia »).

2006 : Succès en France du film « Le Secret de Brokeback Mountain » d’Ang Lee. En Italie, Vladimir Luxuria devient la première personne trans à être élue députée.

2008 : Adoption accordée à titre individuel pour les personnes homosexuelles.

2009 : Pour le Pape Benoît XVI, le préservatif « aggrave le problème » du SIDA en Afrique.

2010 : Retrait du transsexualisme de la liste des maladies mentales.

15 mai 2012 : Élection de François Hollande à la présidence de la France.

Octobre 2012 : Publication de l’essai L’homosexualité en Vérité de Philippe Ariño aux éditions Salvator.

12 février 2013 : Les Femen envahissent Notre-Dame de Paris. Toutes relaxées. Anne Hidalgo les trouve « touchantes ».
 

24 mars 2013 : Manif Pour Tous avec 2,4 millions de manifestants à Paris contre le « mariage pour tous ».

17 mai 2013 : Mariage pour les couples de même sexe approuvée (vote à main levée imposé par Jean-Claude Gaudin). Adoption ouverte aux couples de même sexe.
 

Été 2013 : Palme d’or à Cannes pour « La Vie d’Adèle » d’Abdellatif Kechiche.

Février 2014 : Publication du livre En finir avec Eddy Bellegueule d’Édouard Louis chez les éditions du Seuil.

4 août 2013 : Act Up attaque à la peinture rouge la fondation Lejeune à Paris.

Été 2014 : Le Refuge reçoit l’agrément d’État. Elle bénéficie du butin de Fort Boyard en août.

8 octobre 2014 : Conchita Wurst, le chanteur travesti barbu autrichien, gagnant de l’Eurovision en mai, défend les Droits LGBT au Parlement Européen de Bruxelles (Belgique), en lien avec les rapports Lunacek et Estrela.

2015 : Vandalisation de l’expo d’Olivier Ciappa (cf. le timbre Marianne) contre l’homophobie à Toulouse. Par ailleurs, les « mariages » homosexuels sont autorisés dans l’ensemble des États-Unis.

13 novembre 2015 : Attentats parisiens au Bataclan et dans le 10e arrondissement, faisant plus de 130 morts. À la fin du mois, comparution de Christine Boutin à son procès suite à ses propos sur l’abomination de l’homosexualité dans la revue Charles en mars 2014.

31 mars 2016 : Nuit Debout sur la Place de la République, contre la Loi Travail.

1er juin 2016 : Autorisation du don du sang pour les personnes homosexuelles.

12 juin 2016 : Attentat d’Orlando (Etats-Unis) au Pulse, par Omar Mateen (homo lui-même) : 49 morts.
 

14 juillet 2016 : Attentat du camion fou de Nice juste après les feux d’artifice, par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel (bisexuel) : 85 morts.

Avril 2017 : Découverte de « camps de concentration les homosexuels » en Tchétchénie : Poutine dément leur existence. Dévoilement de 200 cliniques de déshomosexualisation en Équateur. Le policier Xavier Jugelé, homo et franc-maçon, est assassiné sur les Champs-Élysées et a droit à des obsèques nationales.
 

18 mai 2017 : Canular téléphonique de Cyril Hanouna à l’émission Touche pas à mon poste sur la chaîne C8, qualifié d’« homophobe » parce qu’il a piégé en direct des internautes d’un site de rencontres gays.

14 mai 2017 : Élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République Française. Lors de sa campagne, il défendait « toutes les familles » et « tous les amours ».

12 septembre 2017 : Marlène Schiappa, la Secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes annonce que la PMA sera ouverte à toutes les femmes à partir de 2018. La mesure était l’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron. À la fin mois, Philippe Ariño publie son livre Homo-Bobo-Apo refusé par la maison d’édition (Téqui) qui lui avait initialement fait la commande.

1er mars 2018 : Vote au Parlement Européen d’interdiction des thérapies de conversion de l’homosexualité à tous les États-membres. Les 7 et 8 mars, annulation des conférences Courage à Pau et Narbonne. Et à l’été 2018, première fois où le festival Paray-Le-Monial, après 4 ans de « Parcours homosexualité », n’héberge pas Courage.

29 mars 2018 : Découverte (peu médiatisée) de l’homosexualité de Nordahl Lelandais, assassin de la petite Maëlys en Isère (2017) et du jeune caporal Arthur Noyer en Savoie.

Juillet 2018 : Affaire Benalla (garde du corps rapproché de Macron) qui secoue pour la première fois dangereusement le Gouvernement. La raison sous-jacente, c’est la présomption de dissimulation d’homosexualité chez le président.

15 août 2018 : Éclatement du scandale des 300 prêtres pédophiles de Pennsylvanie (États-Unis). Le rapport de Mgr Vigano accuse le Pape François d’avoir couvert les pratiques homos d’un autre ex-cardinal nord-américain, Mgr McCarrick. Les cardinaux du monde entier s’entre-déchirent sur la question homosexuelle (même si, extérieurement, ils parlent de pédophilie), surtout depuis que le Pape François, dans l’avion-retour du Festival des Familles à Dublin (Irlande), a fait un lien entre homosexualité et psychiatrie. Deux tendances se dessinent : les progressistes (incarnés par le prêtre jésuite américain James Martin, auteur de Building a Bridge) et les conservateurs (incarnés par le cardinal guinéen Robert Sarah, appuyant Daniel Mattson).

19 août 2018 : Attentat dans un commissariat de Catalogne (Espagne) : un terroriste algérien musulman (Abdelouahab Taib) poignarde une policière, et se révèle homo.

Août 2018 : Organisation des Gays Games (Jeux Olympiques) à Paris. Dans la série Demain Nous Appartient sur TF1, le couple homo Bart-Hugo occupe le haut de l’affiche.
 

2018 : L’Inde dépénalise l’homosexualité.

2019 : Taïwan devient le premier pays d’Asie à reconnaître le « mariage » homosexuel.

2019 : Le journal L’Équipe dote son supplément d’une couverture sur l’homophobie dans le sport avec l’image de deux nageurs qui s’embrassent (en l’honneur de la sortie du film « Les Crevettes pailletées »).

Procès de Marc-Yvan Teyssier pour homophobie le 5 juillet 2018 : un simple beauf jugé comme un dangereux criminel


 

(Note de l’auteur : Je publie ce rapport d’audience avec l’aimable autorisation de Marc-Yvan. Aimable… que dis-je ? Plus qu’aimable : Humble. Car vu comment je ne l’épargne pas dans mon descriptif, il faut être sacrément humble pour accepter d’être charitablement humilié de la sorte. Rien que pour ça, chapeau bas Monsieur Teyssier. J’ai passé (sans rire) trois bonnes journées (et notamment mon trajet aller-retour de Paris à Hautecombe) à mettre en forme et rédiger cet article. Donc merci de l’honorer, sachant en plus que ce procès est un avant-goût d’autres procès dont nous, catholiques ou clercs opposés au « mariage gay », allons faire les frais très prochainement.)
 
 

I – UNE ERREUR JUDICIAIRE EN PASSE DE DEVENIR ORDINAIRE

C’était le 5 juillet dernier (2018 : voir la biographie). J’ai eu l’opportunité d’assister à l’audience publique du procès de Marc-Yvan Teyssier au Tribunal de Grande Instance de Paris pour homophobie, orchestré par l’association Mousse (collectif homo de Sciences Po Paris). Je n’ai pas perdu une miette de ce moment d’anthologie de ladite « Justice » française. Et je vais à présent, avec l’autorisation de l’intéressé, mettre par écrit et publier sous forme d’article, tout ce que j’ai entendu d’hallucinant de part et d’autre, pour rendre un peu justice à Marc-Yvan, le critiquer aussi (car son ignorance et sa beaufitude est à l’image de l’homophobie et de la bêtise de la très grande majorité des catholiques pro-Vie de La Manif Pour Tous), et montrer combien la Justice de notre pays est en train de marcher sur la tête et de devenir une injustice, une loi du talion.
 

Étaient présents dans la salle d’audience : au centre, les trois juges (trois femmes : Madame la juge-rapporteur, Madame le Président, une assesseur) ; sur la gauche, Madame la greffière ; sur la droite, Madame le Procureur ; derrière, Marc-Yvan Teyssier (l’accusé), les deux avocats (l’avocat de l’association gay Mousse – maître Étienne Deshoullères – et l’avocat de Marc-Yvan Teyssier – maître Salim Mamlouk) ; et enfin, dans la salle, une dizaine de personnes assises (toutes des hommes).
 

L’objet de l’accusation, ce sont cinq tweets écrits sur Twitter par Marc-Yvan Teyssier, sur un compte qui a été depuis effacé : le premier date du 25 février 2017 (« Les déviances promues par la LGBTise sont abominablement reprises par les médias preuves de leurs aberrations »), le deuxième du 26 février 2017 (« Bien sûr que je persiste. L’amour vers sert d’alibi pour justifier les abominations indignes de l’être humain, pas pour moi ! »), le troisième du 12 mai 2017 (« Résolument #EnMarge car les Français ne méritent pas le chaos qui approche. #EnLutte contre la pornographie, la LGBTise, l’euthanasie, l’IVG »), le quatrième du 14 juin 2017 (« Demain ? Pire que l’union de 3 hommes celui de 3 femmes… L’homosexualité n’est que la négation de notre humanité homme-femme »), le cinquième du 14 juin 2017 (« Humainement et dignement un enfant ne peut être aimé et choyé que par un homme et une femme. Tous les autres sont des imposteurs, des loups. »).
 


 

Maintenant, je vais vous résumer par ordre chronologique les discours qui ont été tenus pendant cette audience, de la manière la plus fidèle et synthétique possible.
 
 

II – DÉROULEMENT DU PROCÈS

1) La juge-rapporteur :
 

La juge-rapporteur a démarré les festivités. C’est celle qui, aux côtés de la juge-procureur (dont je parlerai un peu plus tard), s’est montrée la plus incisive et la plus idéologue.
 

Dans un premier temps, Marc-Yvan a été appelé par elle à la barre et elle lui a soumis un interrogatoire sur ses cinq tweets. Ça a été un vrai dialogue de sourds, un échange stérile et de mauvaise foi, mais à l’apparente neutralité puisque la juge-rapporteur n’a fait que citer ce qui avait été écrit et inscrit de source sûre par Marc-Yvan. Je dis « apparente neutralité », parce que d’une part nous n’avions pas accès aux tweets des internautes qui avaient suscité les réponses incendiaires de Marc-Yvan, d’autre part parce que la juge a, pour chacun des tweets, fait résonner les mots les plus impressionnants, pour les couper de leur contexte d’énonciation, les diaboliser et leur faire dire la haine des personnes homos qu’ils ne disaient pas.
 

Tout d’abord, Marc-Yvan a été interrogé scolairement sur la culture G (G comme « Gay », bien entendu…). Pour commencer, la juge lui a demandé, de manière très infantilisante, s’il savait décliner le sigle LGBTSavez-vous ce que signifie le sigle LGBT ? »), comme si nous, personnes homos, nous réduisions à un sigle, et que connaître celui-ci était un gage d’amour et d’intérêt basique pour les personnes homos (Ça m’a fait penser à la question qui était posée systématiquement aux candidats à la présidence en 2017 pour savoir ce que symbolisait les couleurs du drapeau français, dans le but de vérifier s’ils feront de bons présidents ou non, et qui parmi eux serait le « mauvais élève » non-patriote et la risée de tous s’il ne savait pas « ça »…). Entre parenthèses, chercher à piéger Marc-Yvan sur une appellation somme toute très récente de la communauté homo, et avoir surtout la naïveté de croire que l’homophilie passerait par la connaissance d’un sigle – à rallonge en plus ! –, c’est un peu le bossu qui se moque du chameau, ou l’ignorant qui érige quelques éléments culturels en « évidences » et en « savoir universel » qu’ils ne sont pas… parce que si j’interrogeais la juge-procureur sur la vraie culture homosexuelle, je suis persuadé qu’elle n’y connaîtrait pas grand-chose et qu’elle blêmirait à la lecture de mon Dictionnaire des Codes homosexuels… Mais passons.
 

La juge-rapporteur ne s’est pas cantonnée au sigle « LGBT ». Elle a essayé de piéger Marc-Yvan sur des mots qu’il a parfois employés ou qu’elle lui a attribués (« Pensez-vous qu’il s’agisse d’une mode ? »), des concepts très relatifs et difficiles à définir (Qui, par exemple, saurait me définir ce qu’est une « mode » ? ou la « Vérité » ? Et concernant plus particulièrement l’homosexualité, s’il y a bien quelque chose qu’on ne connaît pas, c’est précisément sa genèse et sa durabilité…).
 

La magistrate a eu la malhonnêteté de faire les questions et les réponses à Marc-Yvan pour lui attribuer ses propres amalgames à elle, et donc pour le coincer : « ‘Abomination’, pour vous, c’est le mariage homo ? » Est-ce ça, le rôle d’un juge ? Elle a fait une fixette sur des mots impressionnants quand ils sont coupés de leur contexte biblique ou psychanalytique : « Qu’entendez-vous par ‘déviances’ promues par la LGBTise ? par ‘abominations indignes de l’être humain’ ? » ; « Quand vous parlez de ‘chaos’, de quoi s’agit-il ? ». La même erreur de lecture et extrapolation avaient été faites dans le cas du procès de Christine Boutin par rapport au mot « abomination ». Stigmatiser quelqu’un pour son seul usage de termes bibliques tels qu’« abomination », « chaos » et « déviances », c’est comme traîner en procès nos ancêtres pour des mots qui ont pris avec le temps des connotations bien différentes de leur création et emploi d’origine. Je pourrais prendre l’exemple du mot « perversion », qui dans le langage commun a pris une teinte extrêmement péjorative et limite insultante, alors que dans le jargon psychanalytique, « perversion » signifie « non-contrôle de pulsions » : quand Freud écrivait que l’enfant était un « pervers polymorphe », jamais il n’a induit que c’était un futur psychopathe ! Le discours de cette juge-rapporteur est l’illustration du travers nominaliste et sentimentaliste dans lequel nos institutions judiciaires sont en train de tomber. La magistrature française se remplit de gens pour qui les mots sont déjà les choses auxquelles ils renvoient ainsi que les conséquences (dramatiques et supputées) de ces choses.
 

De plus, la juge-rapporteur a posé à Marc-Yvan des questions sur des thèmes complexes qui ne réclament pas deux petites phrases de réponse pour être résolus (j’en sais quelque chose puisque j’en ai écrit plusieurs livres ! Et ce n’est pas fini !). Tout cela pour le pousser aux amalgames et les lui imputer ; « Pour vous, c’est sur le même plan, l’euthanasie, la pornographie, l’IVG ? Quelle est la logique ? » Au passage, face aux réponses de Marc-Yvan, elle ne se positionnait jamais. Elle se drapait dans un relativisme subjectiviste, en se contentant de répondre laconiquement et dédaigneusement : « C’est votre point de vue. » (traduction : cause toujours, tu m’intéresses). Ou bien elle assénait ses propres avis par une hypocrite posture questionnante, qui affirmait plus qu’elle n’écoutait et n’attendait de réponses.
 

La juge-rapporteur a infantilisé Marc-Yvan quand ce dernier a essayé de dire (avec des mots maladroits et mal choisis, j’en conviens) que dans cette histoire il a été attendu au tournant, surveillé, piégé sur son pire défaut (l’impulsivité). En effet, Marc-Yvan lui a déclaré textuellement qu’« il avait été poussé à la faute ». Et la juge-rapporteur a pris cette phrase pour une tentative chez l’accusé de nier sa responsabilité, pour l’attitude puérile qu’elle n’était pas… parce qu’en réalité, c’est elle qui le traitait comme un gamin : « Vous êtes majeur, que je sache, Monsieur Teyssier… »
 

À un moment, l’interrogatoire fut assez glaçant : la magistrate s’est mise – sans doute à son insu – à reprendre mot pour mot les paroles de Ponce Pilate (« Qu’est-ce que la Vérité ? » Jn 18, 38) face au Christ, pendant le procès de ce dernier : « C’est quoi, la Vérité ? (…quand vous parlez de ‘vérité’ dans votre tweet.) » Le procès a pris alors une tournure eschatologique que personne n’avait vu venir.
 

Plus flagrant était le chantage aux sentiments instauré par la juge-rapporteur. Son discours transpirait la spéculation sur les effets et les impressions générés par les fameux « tweets de la Honte », ainsi que la confusion (objectivement homophobe puisque nous, personnes homos, ne sommes pas un sigle mais des personnes) entre le sigle LGBT et les personnes homos : « ‘LGBTise’ : Ne pensez-vous pas que certaines personnes, en lisant ce néologisme, pourraient le percevoir de manière douloureuse ? » ; « Est-ce que vous pensez qu’une personne homosexuelle qui élève des enfants ne soit pas blessée par vos propos ? » ; « Comment pensez-vous que ces tweets peuvent être perçus ? » La juge-rapporteur a associé abusivement des actes – dénoncés par Marc-Yvan – et un collectif de personnes, pour ensuite attribuer son abus de langage à l’accusé : « Vous croyez vraiment que pour l’association Mousse, tout s’achète et se vend ? » En gros, elle a tenté de faire du débat légitime sur la PMA (Procréation Médicalement Assisté) et la GPA (Gestation Pour Autrui) une affaire d’attaque de personnes. Quelle malhonnêteté ! Elle a même déformé un des tweets de Marc-Yvan, pour le rendre homophobe et le convertir en agression personnelle (alors que par exemple, on peut tout à fait s’opposer à l’homosexualité en tant qu’actes : ce n’est pas de l’homophobie) : « L’homosexuel [à la place de « l’homosexualité »] n’est que la négation de l’Humanité homme-femme. »
 

Elle a également essayé de prendre Marc-Yvan au piège de son créationnisme… parce qu’au fond, c’est aussi elle qui essentialisait – et ça c’est ultra homophobe – le désir homosexuel en espèce (« les » homos), sous couvert de foi, et sous-entendait que « les homos seraient des créatures divines » : « Les personnes homos ont été elles aussi créées par le Créateur, non ? ».
 

Moment sidérant : elle a défendu (toujours en prêtant ses interprétations personnelles à la logique créationniste de Marc-Yvan, pour ne pas les assumer elle-même) que l’Humanité initiale créée par Dieu aurait été à la base asexuée, donc angélique, androgyne et/ou unisexuée. En se basant sur une lecture très personnelle et revisitée des Saintes Écritures, et en particulier de la Genèse, la juge a postulé que l’Humanité créée par Dieu (avant l’existence de « Ish » et « Isha ») était originellement asexuée : « Cette humanité est d’abord créé sans cette différenciation sexuelle. » Donc que la glorification de la différence des sexes par Marc-Yvan ne tenait pas debout et n’était même pas biblique… Ça sortait d’où, ce nouveau récit des origines de l’Homme formé par Dieu ? De la Kabbale ? De quelle version de la Bible ? Pas la catholique, en tout cas. Il s’agissait plutôt de la version luciférienne (Ish et Isha sont décrits comme des « êtres de feu » par les rosicruciens).
 

Comme elle n’était pas à une approximation près, la juge-rapporteur s’est également mise à défendre « l’homoparentalité » sous prétexte qu’elle ne croyait pas en la prévalence de la différence des sexes pour aimer, pour procréer et éduquer au mieux tout enfant (alors que l’Amour véritable, c’est par définition l’accueil de la différence des sexes). Et pour pousser une nouvelle fois Marc-Yvan à l’amalgame, elle lui a prêté un discours généraliste et simpliste, sans nuances, comparant pour le coup les couples homos avec les couples « hétéros », pour justifier par défaut les adoptions dites « homoparentales » : « Pensez-vous que tous les enfants qui ont un père et une mère sont choyés par leurs parents ? »
 

À la fin, en vraie midinette (je parle toujours d’une juge et d’une audience au Tribunal de Grande Instance, si si : pas du café du commerce), la juge-rapporteur s’est faite le chantre de l’Amour, en utilisant le Christ pour justifier tous les sentiments amoureux humains : « Il me semble que le message du Christ était un message d’Amour, non ? »
 

Et comme elle n’assumait pas ce qu’elle défendait, elle a tenu exactement le discours bobo-bisexuel qui, au nom de « l’amour », nie les étiquettes « hétéros, homos, bis, trans » (LGBT, en somme) qu’il a préalablement créées : « Est-ce que vous pensez qu’avoir une orientation sexuelle, ça se sépare ? » Là encore, elle nous a fourni une nouvelle preuve d’homophobie gay friendly, qui efface verbalement l’homosexualité tout en promotionnant sa pratique.
 
 

2) Marc-Yvan Teyssier :
 

Marc-Yvan est l’archétype de ce que j’ai l’habitude d’appeler le bobo catho anar d’extrême droite. Autrement dit, un franc-maçon de droite (pléonasme) qui s’ignore. D’ailleurs, ce n’est pas pour des prunes qu’il exerce le métier d’agent immobilier et qu’il habite Lyon (Boboland). Je rappelle, pour ceux qui ne savent pas détecter les francs-maçons « cathos », que leur discours repose sur les trois champs lexicaux de la Franc-Maçonnerie actuelle (lumière-tissu + architecture + humanisme intégral), et qu’ils y rajoutent un messianisme christocentré et un millénarisme transformant Jésus en puissance, en force lumineuse, en racines, en conquête, en croisade identitaire, en culture à transmettre, en patrimoine civilisationnel traditionaliste à rebâtir, en groupe armé des armes humaines, en géniteurs voués prioritairement au mariage procréatif ou au célibat consacré ascétique et abnégationniste.
 

Et avec Marc-Yvan, on retrouve presque tous ces ingrédients. Pendant son procès, il a d’ailleurs défendu ses points de vue et ses tweets au nom d’une radicalité sans concession, d’un jusqueboutisme à ses yeux « héroïque et saint » : « C’est spontané. Je l’exprime de façon honnête et cohérente. » Or la Franc-Maçonnerie, comme l’étymologie l’indique, est précisément fondée non sur la Vérité-Charité mais sur la franchise, la sincérité, la bonne (et parfois mauvaise) intention.
 

En vrai franc-maçon de droite, il a plaidé pour la construction et la perduration d’un système théocratique d’inspiration catholique, d’une civilisation. Il l’a soutenu pendant l’audience : le chaos, à ses yeux, c’est « tout ce qui ne va pas dans le sens d’un maintien de la civilisation ». Dans ses réponses, il a démontré qu’il sacralisait la différence des sexes en elle-même, en la vidant d’Amour et du célibat consacré, et donc en l’hétérosexualisant et en la décatholicisant : « L’abomination, c’est tout ce qui est hors du mariage homme-femme. » C’est une vision pas catholique et particulièrement hétérosexuelle de la vocation chrétienne, étant donné que la spécificité de l’Église Catholique, c’est précisément de ne pas proposer comme unique horizon de bonheur et de don entier à Dieu le mariage procréatif ; c’est aussi de proposer le célibat consacré (chose que ne font pas les autres religions monothéistes telles que l’islam ou le judaïsme). Marc-Yvan, au contraire, s’est fait le défenseur d’un « ordre naturel » (la présence des deux parents biologiques auprès d’un enfant) qu’il a présenté comme « l’Idéal » planétaire par excellence. Quand il a donné sa définition de la « Vérité », il a déclaré : « C’est l’union homme-femme. C’est la loi naturelle. C’est l’ordre des choses. Il y a des évidences. » Il a fermé le débat par un dogmatisme et un naturalisme spiritualiste qui vidait la différence des sexes d’Amour. C’était dramatique… et un terrible contre-témoignage. En plus, preuve qu’il a érigé la loi naturelle en idole, c’est qu’il l’a comparée au « Graal ». Ce naturalisme mystique est typiquement franc-maçon… même si c’est du maçonnisme à la sauce catholique (N’oublions pas que les francs-maçons sont fascinés par la Quête du Graal…). Pour son malheur, Marc-Yvan est un pragmatique machiavélique (au sens historique de l’adjectif). Il estime que la défense de la Vie, de la Vérité et de l’ordre naturel (incarné par le mariage femme-homme et la famille… et accessoirement par l’Église Catholique pré-Concile Vatican II) autorise tous les actes et les propos : « C’est un idéal qui justifie une certaine violence. » C’est une reprise de « La fin justifie les moyens » de Machiavel…
 

Concernant les lois transhumanistes, Marc-Yvan est tombé dans le créationnisme le plus archaïque : « C’est la logique d’exemption du Créateur. On repousse nos limites. On se coupe du Créateur. » Il fait partie de ces catholiques qui n’ont pas appris à justifier leurs points de vue sur des faits sociaux et sur la vie autrement que par des arguments spiritualistes (c’est une hérésie spirite qui pourrait être qualifiée de « spiritualisme intégral » : le cardinal Sarah nous en offre régulièrement l’illustration…). C’est une foi désincarnée, qui méprise notre époque et qui ne s’adapte pas aux personnes qui ne croient pas en Dieu. En somme, c’est du pharisaïsme, de l’hermétisme (… et Dieu sait si les francs-maçons sont disciples de l’hermétisme !).
 

La plus grosse bourde qu’il ait faite (alors que pourtant, je l’avais prévenu : si le mot « hétérosexualité » sort en tant que synonyme de « différence des sexes », tu es foutu), c’est de se présenter comme hétérosexuel : « Moi, je suis hétéro. » Même si après il a exprimé une vérité (« Distinguer l’hétérosexualité et l’homosexualité, c’est une bêtise. »), elle a été préalablement invalidée par le fait qu’il se soit défini comme « hétéro » juste avant (car ainsi, il a essayé de se démarquer de l’homosexualité… donc il a bien créé une distinction entre hétérosexualité et homosexualité, quoi qu’il en dise…).
 

Marc-Yvan est l’archétype de l’hétérosexuel gay friendly : il confond la différence des sexes avec l’hétérosexualité (sachant que l’hétérosexualité est le pilier du lobby LGBT, contrairement à l’idée reçue que ce groupe reposerait uniquement sur la défense de l’homosexualité), et en plus il observe (comme tous les gays friendly) un respect d’indifférence à l’égard des personnes homos (donc un respect en carton, très proche de l’homophobie) : « Pour moi, ça [l’homosexualité] n’a pas d’importance. » Étonnant mais pourtant vrai : le boboïsme d’extrême droite reprend en fait les arguments du boboïsme gauchiste. Par exemple, pendant l’audience, j’ai halluciné mais Marc-Yvan a défendu sa « liberté de penser » (Florent Pagny le Retour !). Depuis quand, nous, catholiques, défendons la « liberté de penser » ? Nous pensons (comme nous pouvons), tout simplement.
 

Il faut le dire : Marc-Yvan a été particulièrement nul pour se défendre (j’ai compris pourquoi cette fois-ci il avait loué les services d’un avocat, même incompétent…). Par exemple, il a nié qu’en parlant des loups (par une animalisation) dans ses tweets, il effaçait l’humanité des personnes homos… alors que c’est vraiment l’impression que donnait un de ses posts. Et il eût été honnête de le reconnaître. Quand je dis que Marc-Yvan a une fois de plus raté son oral, c’est qu’hormis le martèlement de ce créationnisme naturaliste, et quand il ne se justifiait pas par des arguments natalistes péremptoires, bizarrement, Marc-Yvan ne répondait pas directement aux questions concernant les points de morale soulevés par la juge-rapporteur, et esquivait les réponses en extériorisant au contexte de rédaction des tweets. Il ne fournissait pas d’explications aux questions de morale sexuelle formulées par la juge-rapporteur. Par peur, je crois, d’aggraver son cas. Mais c’est ainsi, par ces non-dits, qu’il a aggravé son cas !
 

Je vais être sévère mais réaliste. La seule chose intelligente que Marc-Yvan ait sortie pendant son procès (et d’ailleurs, ce fut l’unique moment suspendu où il a été vraiment écouté par tous, où on entendait les mouches voler dans la salle d’audience), c’est quand il a expliqué que l’homosexualité était un prétexte qui instrumentalisait les personnes homos, et le cheval de Troie des lois transhumanistes telles que le « mariage gay » et la GPA… ce qui, sur le terrain, se révèle très vrai : « Les personnes homos sont les victimes. […] Je suis contre la GPA, y compris pour les couples hétérosexuels. […] La victime, c’est l’enfant. » Mais sur la totalité d’un oral raté, ce moment de grâce et de Vérité a de grandes chances de tomber aux oubliettes. Et en plus, croire que les seules victimes du « mariage gay » sont les enfants, c’est négliger que les premières victimes (bien avant les enfants, les mères et les pères) sont d’abord et surtout les personnes homosexuelles.
 

À la fin de son interrogatoire ubuesque (digne du procès d’Alice dans « Alice au pays des merveilles » de Walt Disney), j’ai compris que Marc-Yvan a été transformé par ses auditeurs en non-personne. La preuve, c’est qu’au moment où sa « personnalité » a été déclinée par la juge-rapporteur, il n’était question que d’un descriptif d’État Civil on ne peut plus neutre : « Il est agent immobilier. Marié avec 9 enfants. » Point. Ça s’est arrêté là. C’est ça, la « personnalité » d’un individu, dans le jargon juridique français : un portrait-robot complètement désincarné, une nomenclature scientifique glaciale. À ce moment précis, j’ai réalisé l’inhumanité de notre système judiciaire.
 
 

3) Madame le Président :
 

Après l’« échange » entre la juge-rapporteur et Marc-Yvan, Madame le Président a pris brièvement la parole, en arrivant à la conclusion d’une « stigmatisation de certaines personnes » concernant l’affaire Teyssier. Bref, elle est rentrée dans le jeu idéologique et personnaliste de la magistrate assise à sa droite : les questions de la juge-rapporteur – qui d’une autre manière stigmatisait tout autant les personnes homos que les tweets de Marc-Yvan – ont eu leur petit effet. Madame le Président a cependant eu l’intelligence – ou la nuance – d’interpréter le mot « abomination » utilisé par Marc-Yvan non par rapport aux personnes homos mais en relation avec les « conséquences sociétales » de certaines lois. Mais cela va-t-il peser sur la décision finale ?… J’ai vraiment des doutes.
 
 

4) Maître Étienne Deshoullères (le petit bonhomme de Mousse)
 

Ensuite, ce fut au tour de l’avocat de l’association Mousse, Étienne Deshoullères (déjà contacté dans le cadre du procès beaucoup médiatisé contre Christine Boutin), de s’exprimer.
 

Sa plaidoirie fut spectaculairement courte : c’est une technique très courue de ceux qui croient trouver raison dans la concision… mais dans le cas précis de maître Deshoullères, c’est plutôt parce qu’il n’avait pas d’arguments : ce genre de personnes ne parlent jamais de l’homosexualité, de l’homophobie, ni de la pratique homosexuelle en tant que telles : pour eux, elles ne sont pas des sujets et ne doivent en aucun cas être problématisées, questionnées, entachées de négativité.
 

D’emblée, il a démarré en se justifiant de ne pas faire ce qu’il faisait : « Il ne s’agit pas d’un procès contre la religion ou par rapport à l’opposition à la GPA. » Ah bon ? Pourtant, les deux uniques alibis des tweets de Marc-Yvan étaient objectivement la Foi catholique et l’opposition à la GPA. Et Marc-Yvan siégeait au banc des accusés non pas uniquement à propos de la façon d’exprimer certaines idées, mais pour les idées en elles-mêmes (l’opposition à l’homosexualité en tant que pratique, la critique du lobby LGBT et des lois et droits soi-disant portés par la majorité des personnes homos, sa vision créationniste et catholique de l’amour et de la famille, etc.). Et ça, l’avocat de l’accusation s’est bien chargé de le lui faire comprendre, quand c’était possible, au moyen du chantage émotionnel et de la menace.
 

Effectivement, l’argumentaire de maître Deshoullères était presqu’exclusivement basé sur les « effets » (supposés « blessants ») surévalués des mots et des tweets. Il a répété ce terme plusieurs fois : « Ces mots ont des effets sur les personnes gays, bisexuels, lesbiennes, transsexuelles. » De quels « effets » parlait-il, au juste ? Il s’est bien gardé de les décrire, pour laisser tout imaginer, et a fortiori le pire (vague de suicides, dépressions, meurtres homophobes venus presqu’uniquement de l’extérieur, etc.). Maître Deshoullères a ainsi exprimé tacitement une absurdité : que les tweets de Marc-Yvan auraient tué. Et le pire, c’est qu’il présentait ces effets « désastreux » comme des preuves factuelles irréfutables, alors qu’en réalité, ils étaient le pur produit de son imagination (Si je me trompe, que les individus connaissant des personnes s’étant suicidées à cause des tweets de Marc-Yvan se signalent !). Maître Deshoullères, en plus de tomber dans l’amalgame – pourtant simpliste à éviter – entre faits et effets, a manifestement versé lui aussi dans le nominalisme (le mot qui remplacerait et créerait la réalité qu’il nomme). Et ce nominalisme est par essence psychotique : il brouille la frontière entre le mot et la chose (par exemple, pour la personne psychotique, le mot « chien » peut mordre). Venant d’un magistrat, ce genre de raccourcis est plus que limite…
 

Mais la paranoïa de l’avocat de Mousse ne s’est pas arrêtée là. Il s’y est pris de différentes manières pour justifier ses fantasmes personnels. D’abord, il a intériorisé l’ennemi pour mieux le grossir, surévaluer son influence et appuyer son propre complotisme. Il a parlé de « l’homophobie intériorisée » (et de son analogue tout aussi indémontrable : « la haine de soi »), ce nouveau concept très en vogue chez les militants homosexuels qui s’inventent un traître interne pour rendre dangereux tout opposant homosexuel à la boulimie de « droits homos » actuelle, un traître d’autant plus dangereux qu’il serait invisible et semblable à eux-mêmes ! : « L’homophobie blesse les gens principalement parce qu’elle est intériorisée. » ; « Les personnes vont intérioriser une haine d’elles-mêmes. » ; « Il convient de condamner l’appel à la haine de soi. » ; etc. Ensuite, il a utilisé l’homophobie comme un concept non-étayé et péjoratif – ce qui fait injure aux personnes homosexuelles et aux attaques réellement homophobes dont elles font l’objet –, tout ça pour stigmatiser une personne et exagérer la violence des actes dont il l’accusait. Et ça, c’est malhonnête. L’adjectif « homophobe » (exemple : il a parlé des « propos homophobes » de Marc-Yvan) n’est pas un argument, et encore moins un bout de scotch discursif qu’on colle sur la bouche de quelqu’un qu’on veut faire taire et attaquer. L’homophobie, ce sont des faits autrement plus lourds !
 

Le plus grave – car ça c’est la base de l’homophobie -, c’est que maître Deshoullères, sous couvert de nous défendre et de lutter contre l’homophobie, a brillé par son homophobie puisqu’il nous a réduits – nous personnes homosexuelles – à notre homosexualité, à nos actes et nos comportements amoureux et génitaux, à notre tendance sexuelle : « Viser un comportement sexuel qui est inhérent et constitutif des personnes homosexuelles, c’est viser les personnes homosexuelles. » Il a même imposé une censure sur tout discours et analyse de l’homosexualité : « Critiquer l’homosexualité, c’est critiquer un groupe de personnes. » Sous-entendu on ne peut plus dire du mal de l’homosexualité ni dénoncer les mauvaises pratiques posées par une personne homo, sous peine d’être jugé homicide et homophobe. Je ne savais pas que nous, personnes homosexuelles, étions des anges et des animaux, à l’abri de tout mal… Je ne savais pas non plus qu’il était interdit de parler d’homosexualité, et que cette interdiction était légale parce que « gay friendly »…
 

La vision cauchemardesque de l’homophobie adoptée par maître Deshoullères contrastait totalement avec un optimisme progressiste qui édulcorait celle-ci dans le même mouvement. Ses constats sociologiques étaient d’ailleurs des plus douteux : « La société est moins homophobe » : De quelle société parlait-il ? Celle du monde publicitaire et législatif, ou la société réelle ? Et sur quoi se basait-il pour avancer cette amélioration ? Parce que sur le terrain, je constate au contraire une recrudescence des actes homophobes, en particulier dans les pays dits « gays friendly » où les lois pro-gays sont passées contre l’avis d’une large partie de la population.
 

En guise de conclusion de sa démonstration bâclée, maître Deshoullères a réclamé contre Marc-Yvan « une sanction exemplaire ». Cette assertion prouve deux choses effrayantes : 1) Premièrement, que dans cette affaire, ce n’est pas Marc-Yvan qui a été véritablement jugé (en gros, ce dernier paye pour « les autres », et en particulier pour une catégorie de la population dont les contours sont très flous et dont l’existence reste à démontrer, à savoir « tous les homophobes invisibles », tous les « contre-exemples ») ; 2) Deuxièmement, la fonction majoritairement et purement symbolique du procès, procès qui pour le coup ne repose plus sur le Réel, mais sur un modèle qu’on veut appliquer à ce dernier. Ce type de réclamations et d’accusations ne brille pas par son professionnalisme ni par sa justesse.
 
 

5) Madame le Procureur :
 

Madame le Procureur est venue enfoncer le clou, en renfort de ses camarades gays friendly en robe. D’un côté, elle a avancé que « chacun a le droit d’exprimer ses opinions », de l’autre elle a placé arbitrairement les propos de Marc-Yvan hors du cadre acceptable et tolérable de la « liberté d’expression ». Autrement dit, si dans un premier temps elle a concédé à Marc-Yvan le bénéfice du contexte objectivement violent des réseaux sociaux (qui rendent quasiment impossible, surtout sur Twitter, la sérénité des débats), ça a été pour mieux invalider ensuite cette circonstance atténuante dans le cas précis de Marc-Yvan, et pour que l’argument du contexte ne soit plus pris en compte, tout comme l’argument de la liberté d’expression, et même l’argument de l’objet des tweets (à savoir l’opposition à la PMA et à la GPA) : « Ce n’est pas vraiment la PMA et la GPA qui sont visées » par la plainte de Mousse, a-t-elle décrété. Pourtant, les intentions réelles de Marc-Yvan, elles, visaient bel et bien la PMA et la GPA, et non les personnes homos. Je connais Marc-Yvan : je ne l’ai jamais vu s’en prendre à moi ou à une personne homosexuelle.
 

Madame le Procureur a continué à étoffer la corde sensible des lecteurs homosexuels ou gays friendly des tweets de Marc-Yvan, en faisant clairement du procès d’intentions pour nous victimiser : « Dans le cas de Monsieur Teyssier, c’est plus que de la maladresse. Il y a une intention de blesser. » Est-elle, elle aussi, dans l’esprit de Marc-Yvan ? « Comment une personne, à la lecture de ces tweets, ne puisse pas être blessée par des propos qui sont naturellement outrageants, qui peuvent blesser n’importe quelle personne homosexuelle normalement constituée ? » Ces magistrats ne restent pas à leur juste place : ils cherchent à rentrer dans notre tête et dans le ressenti des personnes homos, en extrapolant notre sensibilité et notre ressenti, nos blessures, nos impressions. Car par ces phrases lapidaires sur l’« idéologie LGBT », Marc-Yvan voulait-il sciemment nous blesser ? Non. On ne peut pas mettre sa bourrinerie du côté de la vengeance ou du calcul. Elle se situe plutôt dans l’impulsivité narcissique et dans la paranoïa conspirationniste.
 

De plus, à l’instar de maître Deshoullères, Madame le Procureur a eu l’homophobie de nous réduire, nous personnes homosexuelles, à notre homosexualité, comme si nous ne nous définissions que par notre tendance érotique, par les personnes qui nous attirent sexuellement, par nos sentiments et par nos actes génitaux ou corporels, par un groupe politique et par des lois qui passent en notre nom… : « L’acronyme LGBTise renvoie de facto aux personnes homosexuelles elles-mêmes. » ; « Ça renvoie à un groupe de personnes. » ; « ‘Tous les autres’, ce sont bien les personnes homosexuelles. » ; « Il y a quelque chose de très artificiel à distinguer l’homosexualité et les personnes homosexuelles. » Par ses tweets, Marc-Yvan aurait, selon elle, touché « à notre être, à notre vie » : là, on nageait en plein délire…
 

Enfin, loin d’observer le droit de réserve qui sied à son rang de magistrate, loin de rester neutre, Madame le Procureur a endossé son masque de passionaria gay friendly, s’est carrément montrée favorable aux droits pro-gays (« Ces droits devraient leur être accordés. ») et a demandé en conclusion « une peine d’amende de 5000 euros » contre Marc-Yvan. Bonjour l’impartialité !
 
 

6) Maître Salim Mamlouk :
 

Pour clôturer le tour de parole de cette belle chaîne d’union gay friendly, ça a été le jeune avocat de Marc-Yvan, maître Salim Mamlouk, qui s’est exprimé. Et concrètement, ce fut un désastre. Non seulement il n’a pas aidé son client, mais en « l’excusant » mal, il l’a inconsciemment enfoncé encore plus. Marc-Yvan a été dépersonnalisé par son seul « soutien » de l’audience.
 

Déjà, d’entrée de jeu, maître Mamlouk s’est mis à relativiser le délit d’homophobie, en soutenant qu’il s’agissait d’un « contentieux plus rare que l’antisémitisme ou le racisme ». En quoi – même si c’était vrai – la rareté d’une violence la rendrait moins grave que d’autres ? Objectivement, je ne vois pas…
 

Ensuite, il a folklorisé Marc-Yvan, comme s’il n’était plus une personne mais un personnage archétypal, excusable parce que « caricatural et typique socialement ». À entendre maître Mamlouk, « Monsieur Teyssier » (comme il n’arrêtait pas de l’appeler) représente un pan assez large et respectable de la population française, à savoir les catholiques opposés au « mariage gay ». C’est un personnage tout droit sorti de la collection des livres pour enfants Monsieur Madame : « Mon client n’est pas en marge : il représente l’un des visages de la France, de la Manif Pour Tous. » « Monsieur Teyssier » serait un cas parmi d’autres : pourquoi le pénaliser lui plus que les autres conservateurs, après tout ? « Monsieur Teyssier » représenterait l’un des visages du christianisme. Cette exotisation, ça s’appelle du racisme social positif. Et c’est tout bonnement du relativisme culturel et de la victimisation de bas étage, cette victimisation catastrophique qui fabrique le bouc émissaire et qui agit inconsciemment comme un appel à attaquer encore plus ce dernier. Il s’agissait pour maître Mamlouk de déresponsabiliser au maximum Marc-Yvan : « Monsieur Teyssier est responsable de ce qu’il écrit. Pas de ce qui est compris. » Traduction : Excusez-le… il est responsable mais pas coupable (de tout)… les torts sont partagés… Pour résumer, aux yeux de maître Mamlouk, Marc-Yvan est « un 15% », un quota à prendre en considération (15% de la population française n’admettrait pas l’homosexualité). Il est déjà en marge (c’est un père de famille de 9 enfants : on n’en croise plus beaucoup, des pater familias comme lui !), il est une espèce en voie de disparition. Vous n’allez pas le marginaliser encore plus… L’ours est un animal dangereux, mais ce n’est pas pour ça qu’il faut le tuer. Alors ne tuez pas non plus Monsieur Teyssier. Les dangereux de son espèce, qui sait, sont peut-être utiles à l’écosystème et à la biodiversité démocratique, malgré les apparences. Sur un malentendu.
 

La plaidoirie de maître Mamlouk était nullissime et stérile puisqu’il n’a fait que resservir exactement les mêmes arguments sabrés quelques minutes avant par les autres intervenants (la liberté d’expression, la pluralité des avis, le contexte d’Internet, la catholicité culturelle des réactions du client, etc.). « Il est fondamental que toutes les opinions puissent s’exprimer. » ; « Ses propos relèvent du débat d’idées circonstancié. » ; « Ses propos relèvent de la liberté d’expression. » ; « Je vous demande de relativiser. Au nom de la liberté d’expression. » ; etc. Par exemple, il a dissocié les associations LGBT des personnes homos, le monde réel du monde virtuel, les pensées (ou idées ou mots) des personnes, etc. « Monsieur Teyssier est sur le terrain des idées. Pas des personnes homosexuelles spécifiquement. » Le problème, c’est qu’une fois fait ces distinguos d’usage, il n’a jamais parlé du fond. Il en est resté aux intentions, aux circonstances, au système intérieur de Marc-Yvan. Tout comme maître Deshoullères, il a prétendu rentrer dans la tête des autres, et en particulier de son client : l’expression « Dans l’esprit de Monsieur Teyssier » ou « Pour Monsieur Teyssier » revenait en boucle dans sa bouche. Ça faisait vraiment discours du traducteur infantilisant et psychologue « Le Monsieur a voulu dire que… », « Dans sa tête, ça fonctionne comme ça. », « Ce sont les idées de Monsieur Teyssier ». La Justice française est devenue de la psychologie de l’introspection : une psychologie, par conséquent, de bazar, intrusive, et basée sur le fantasme, le sentiment et la pulsion, l’INTÉRIORITÉ. Maître Mamlouk s’est comporté en psy, pas en avocat. Il n’a pas défendu la part de Vérité du discours de Marc-Yvan, mais uniquement la logique et la cohérence d’un avis qui lui était extérieur : « Ça fait partie des combats de Monsieur Teyssier. » C’est son avis. C’est son fonctionnement. Les tweets cadrent avec le système de croyance des catholiques conservateurs. « Monsieur Teyssier est le produit de son histoire et de ses convictions religieuses. La Bible ne tombe pas sous le coup de la loi 1881. »
 

L’ironie de la situation, c’est que maître Mamlouk n’a pas défendu Marc-Yvan comme si ce dernier n’avait pas tort (Étonnant pour un avocat…). Au contraire, il est parti implicitement du principe que son client avait tort, et que par conséquent il fallait limiter les dégâts, atténuer la sentence ou nuancer les erreurs, et surtout ne pas rentrer dans la compréhension et la défense des idées de Marc-Yvan.
 

Le pire, c’est qu’il apparaissait gros comme une maison que maître Mamlouk était pro-gays, pro-amour homosexuel, en faveur des lois gays friendly… et que donc il ne soutenait absolument pas Marc-Yvan sur le fond. Concernant la législation en matière de sexualités (je mets à dessein le pluriel à « sexualité »), il a admis qu’« il y avait des avancées dans le sens de l’ouverture. » Son travail de défense n’a consisté qu’à un hypocrite exercice de cosmétique, pour atténuer les effets d’une accusation qu’au fond il cautionnait. En effet, contre toute attente, comme tous les gays friendly homophobes, maître Mamlouk a défendu la diversité, la liberté individuelle, le pluralisme, le progrès : « C’est comme cela que le débat public avance. » Il a reconnu, pour nuancer, la nécessité d’encadrer cette liberté, pour qu’elle ne soit pas « absolutisée » et qu’elle soit un minimum règlementée, mais en aucun cas il ne l’a remise en cause dans le cas de la législation pro-homosexualité. Le pompon, ça a été quand il a confondu, comme tout gay friendly idéologisé qui se respecte, la différence des sexes avec l’hétérosexualité : « les personnes, qu’elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles » ; « Pour Monsieur Teyssier, l’homosexualité est la négation de l’hétérosexualité, puisqu’il a parlé de l’Humanité homme/femme. » Car l’hétérosexualité est le soutien caché de l’homosexualité : toutes les lois pro-gays passent en son nom.
 

 

Le seul apport pertinent de l’argumentaire de maître Mamlouk a été de resituer la comparaison des promoteurs du « mariage gay » à des « loups » dans le tweet de Marc-Yvan par rapport au contexte biblique des « faux prophètes » (Mt 7, 15) : effectivement, Marc-Yvan n’a pas cherché à animaliser les personnes homosexuelles ou gays friendly, mais se référait, en parlant des loups, au déguisement des faux prophètes.
 

Mais excepté ce beau coup de maître, maître Mamlouk a défendu son client sans y croire. Comble du relativisme : pour dédramatiser les tweets de Marc-Yvan, il a pris une comparaison avec les propos de Christian Vanneste à l’époque de son procès en 2005 (ce dernier avait déclaré que « l’homosexualité était inférieure à l’hétérosexualité »), propos qu’il a présentés comme « autrement plus graves que ceux de son client ». Pourquoi ? On ne saura jamais. Ça, j’ai envie de dire, c’est « dans la tête de Monsieur Mamlouk »…
 
 

III – À L’ISSUE DE L’AUDIENCE


 

Après le sketch vivant qu’a constitué cette audience, j’ai pris un pot avec Marc-Yvan et un autre ami homo, non loin du Tribunal de Grande Instance, pour faire un débriefing du procès. Sans du tout me faire son coming out (car il est bien peu homosexuel), Marc-Yvan m’a avoué : « C’est bête qu’on me juge pour homophobie. Parce que l’homosexualité, vraiment, ça m’intéresse. » Et je crois que c’est on ne peut plus sincère. Ce qui ne transparaissait absolument pas dans les tweets litigieux, et qui n’a pas du tout été perçu ensuite par les juges du procès, c’est cet intérêt réel de Marc-Yvan pour l’homosexualité. Une fascination intellectuelle, et pourtant quasi irrationnelle. J’oserais même dire qu’il s’y intéresse davantage que bien des défenseurs gays friendly des lois pro-gays, qui sont « pour » l’homosexualité par idéologie, aveuglement et indifférence bienveillante. Sinon, jamais il n’aurait lu avec attention (même s’il ne m’a toujours pas compris) mon livre Homosexualité : la Priorité niée. Et surtout, il ne se serait pas rué à corps perdu (et quasiment à pure perte !) dans l’arène de Twitter précisément sur ce sujet-là.
 

En regardant, après le procès, Marc-Yvan, je me suis dit en moi-même : qu’il ait un côté beauf de droite, bourrin, sanguin, pas fin, et même bobo franc-mac d’extrême droite, c’est indéniable. Mais qu’il soit considéré comme un assassin, là, c’est du grand n’importe quoi. C’est un rapport pathologique aux réseaux sociaux que ce procès aurait dû sanctionner, et non une homophobie. C’est aussi cette loi sur l’homophobie (telle qu’elle est comprise par la Justice française) qui devrait être totalement revue voire abrogée, à la lumière d’une analyse de la véritable homophobie (à savoir « l’identité » et la pratique homos).
 
 

IV – CONCLUSIONS : LE DÉCLIN DE LA JUSTICE FRANÇAISE

Pour résumer dans les grandes lignes les idées fortes que l’on peut tirer de cette affaire Teyssier qui en apparences ne mérite pas de rester dans les annales, je dégagerais cinq grands enseignements :
 

Le PREMIER, c’est que nous nous retrouvons manifestement face à un procès perdu d’avance. La décision du délibéré tombera le 18 octobre 2018. Mais à mon avis, c’est mort de chez mort pour Marc-Yvan. Les dés sont déjà jetés, car la partie était inégale dès le départ. Maître Mamlouk n’a pas défendu en profondeur son client : tous les arguments qu’il a présentés ont été préalablement listés et déconstruits par Madame le Procureur, la juge-rapporteur et maître Deshoullères. De plus, il a relativisé des accusations qu’il a par défaut appuyées (parce qu’il ne les a pas contredites et n’est pas rentré dans le débat de fond, c’est-à-dire ce qu’est vraiment l’homophobie). Les plates excuses et promesses de Marc-Yvan, dignes des plus mauvaises supplications du cancre de la classe (« Hey M’dame, sur la tête de ma mère que j’le rfrai plus ! R’gardez, j’ai déjà payé. J’ai compris ! J’arrête, j’arrête, j’arrête ! ») ne sont pas crédibles pour un sou. Dire « J’ai compris » et assurer que la première sanction a été efficace et que les prochaines seront forcément inutiles, alors que la récidive démontre factuellement le contraire, ça revient à s’enfoncer davantage. Marc-Yvan a perdu toute crédibilité. C’est déjà son 4e procès pour homophobie (le premier à Paris en 2016 lui a coûté 3000 € d’amende ; au 2e à Lyon en 2016, il a été relaxé ; le 3e à Lyon en 2018 lui a valu 5000 € d’amende ; ici le 4e à Paris en 2018 se présente très mal ; et un 5e l’attend à Lyon, qui est un procès en appel qu’il a interjeté suite au 3e procès. À noter au passage que les 2e, le 3e et 5e procès sont à l’initiative de l’État français, carrément ! Marc-Yvan a été ou va être cité à comparaître par le Procureur de la République en personne, et non simplement par une association). Que risque Marc-Yvan ? Dans le pire des scenari, au pénal, 6 mois de prison avec sursis, plus 35 000 € d’amende ; au civil, 5000 € de dommages et intérêts, 3500 € de frais d’avocat, un condensé du jugement dans cinq journaux de France ou étranger à hauteur de 2000 € par publication. Mais ce ne sont pas les sanctions en soi qui sont impressionnantes dans cette affaire (il n’y a ni emprisonnement, ni peine de mort, et Marc-Yvan a de quoi payé les amendes, même si ça le fait suer). Le plus embêtant, c’est la symbolique. C’est la mutation de notre Justice, qui bascule vers les idéologies multiculturalistes et sentimentalistes sans aider vraiment les personnes réelles qui les portent ou représentent.
 

DEUXIÈME conclusion que nous pouvons tirer de l’événement : c’est que le procès de Marc-Yvan Teyssier s’est basé sur les fantasmes plus que sur le Réel. L’erreur judiciaire criante de cette audience, à mon sens, c’est l’omission du contexte d’énonciation des tweets. Un jugement juste (c’est une banalité de le dire mais bon…) eût été de replacer les propos de l’accusé dans un contexte de discussion internétique. Selon toute vraisemblance, Marc-Yvan a été pris dans le tourbillon réactionnel de Twitter. Et certainement que notre homme a le profil psychologique du réactionnaire, au sens étymologique du terme : le réactionnaire, au lieu de réfléchir avant d’agir, (sur-)réagit, et ce, de manière généralement impulsive, pulsionnelle, compulsive, mécanique. La longanimité, le silence, tourner deux fois sa langue dans sa bouche avant de se taire, concéder à l’autre le point final, se taire, il ne sait visiblement pas faire… Cela dit, ce qui frappe dans les arguments employés par l’accusation, c’est leur subjectivité et leur pauvreté. Ils sont le fruit au mieux de spéculations hasardeuses, au pire de fantasmes paranoïaques. Dans les tribunaux réels mais aussi virtuels, il existe désormais non plus des délits pour des faits réels, mais des délits pour des conséquences et des effets supposés réels et en général tragiques. Par exemple, Christine Boutin a été condamnée pour « incitation à la haine ». Quésaco ??? Et maintenant, une nouvelle typologie de délits condamnables émerge sous des appellations presque risibles tellement elles confinent au procès d’intentions et de réception, à la sensiblerie, à la douilletterie, à l’alarmisme, aux fantasmes : « préjudice d’angoisse ou moral », « injure publique » « provocation à la haine », « non-dénonciation », etc. C’est affolant. Nos magistrats semblent oublier qu’émotion n’est pas raison, semblent ignorer que l’homophobie est bien autre chose qu’une simple insulte ou un tweet : elle est les viols, les meurtres, les suicides, la prostitution et le tourisme sexuel, les agressions physiques, les passages à tabac, les chantages, les déportations et crimes de guerre, etc.
 

TROISIÈME conclusion que je ferais de ce procès : on a deux homophobies qui se font face et miroir. Certes, l’homophobie la plus évidente, c’est celle de Marc-Yvan, qui visiblement ne sait pas dire aux personnes homosexuelles qu’il les aime fraternellement. Il les transforme en complot et en lobby. Mais plus subtile et invisible est l’homophobie de la magistrature ainsi que des accusateurs pour « homophobie » de Marc-Yvan. Concernant l’homophobie de la magistrature, il est assez sidérant comme les juges gays friendly nous réduisent – nous personnes homosexuelles – à notre orientation sexuelle, à notre pratique sexuelle, à un lobby politique qui nous représenterait, en pensant nous respecter. Et par ailleurs, il est flagrant comme la magistrature, dans son ensemble, est ignorante du sujet de l’homosexualité et comme elle est inconsciemment homophobe (au sens premier du terme : elle a peur de l’homosexualité). Le cas du procès de Marc-Yvan Teyssier révèle une nouvelle fois combien les avocats chargés de défendre une personne accusée d’homophobie se défilent. Marc-Yvan a eu un mal de chien à trouver un avocat qui veuille bien plaider sa cause ! Maître Mamlouk a été le troisième avocat proposé. Et à l’évidence, ce jeune premier est apparu comme l’archétype de l’avocat-exécutant, qui a défendu son client comme un bon petit soldat qui devait accomplir sa tache, effectuer un exercice rhétorique ou une corvée, faire marcher sa boutique, mais qui aurait pu tout aussi bien défendre l’association Mousse. J’ai su d’ailleurs par Marc-Yvan qu’avant l’audience, maître Mamlouk lui avait conseillé de ne jamais prononcer le mot « homosexualité » pendant son procès, afin d’éviter tout dérapage. C’est dire si l’homophobie est profondément enracinée chez nos juges « anti-homophobie » !
 

Quant à l’homophobie des plaignants pour « homophobie » – l’association Mousse en l’occurrence –, ce collectif est un groupe sans visage et sans nom : il y a plus assumé, comme personnes homosexuelles et fières de l’être… Il me fait penser à ces mouchards masqués ou paparazzis justiciers qui vendent leurs clichés et leurs captures d’écran pour s’inventer des combats, des adversaires et une légitimité, et surtout pour empocher du fric et créer du buzz victimisant. Le drame, dans toute cette parodie d’héroïsme et de justice, c’est que la réelle homophobie (suicides, meurtres en lien avec la croyance en « l’identité et l’amour homos » et avec la pratique homo-bisexuelle) court toujours et n’est toujours pas identifiée/analysée/sanctionnée. On se trouve temporairement des boucs émissaires caricaturaux tels que Marc-Yvan à se mettre sous la dent, pour justifier/camoufler la grossièreté des procès pour « homophobie », et pour couvrir les réels homophobes, ceux qui nous tabassent et nous tuent vraiment. Le procès à l’encontre de Marc-Yvan n’a donc même pas été un procès pour homophobie puisque l’homophobie n’a jamais été réellement définie : il est juste induit que le concept d’homophobie englobe tout fait ou toute personne qui contrarie ou blesserait fortement les personnes homos. Spectaculaire réductionnisme !
 

QUATRIÈME malheureuse leçon que nous pouvons tirer de ce procès Teyssier : Il n’y a de moins en moins de justice digne de ce nom dans notre pays. Ce qui auparavant aurait été réglé à l’amiable par la concertation (et je crois que dans le cas précis de Marc-Yvan, la mesure la plus sage à prendre eût été l’interdiction pure et simple d’utilisation de Twitter, pour quelqu’un dont la pathologie bourrine – mais pas dangereuse – est décuplée par les réseaux sociaux. Personnellement, si j’avais été un juge chargé de l’affaire, j’aurais délivré à Marc-Yvan un certificat d’inaptitude à utiliser Twitter, ou mieux, je lui aurais offert une semaine de stage intensif d’études de l’homophobie, l’homosexualité et surtout de l’hétérosexualité) est désormais réglé par l’émotion, la vengeance et l’argent. On transforme un beauf en criminel. C’est là une erreur d’appréciation et de jugement grave et inquiétante pour la Justice française. Résultat des courses : des beaufs condamnent d’autres beaufs (les bobeaufs barbus ricanants et ignorants de ce qu’est réellement l’homophobie, il n’y avait quasiment que ça dans la salle d’audience). La voie du dialogue est délaissée au profit de la résolution expéditive de la sanction. C’est un échec désolant pour notre démocratie.
 

Je rajouterais, pour corroborer ce constat, que nous avons affaire à une justice partiale, à deux vitesses, et qui ne fait pas ce qu’elle dit et qui ne reconnaît pas les faits qu’elle dénonce. Preuve de cela : la parité n’était pas du tout respectée. Pendant ce procès, le déséquilibre entre les sexes était flagrant. C’étaient les femmes qui jugeaient et qui détenaient le pouvoir de décision finale, tandis que les hommes se trouvaient sur le banc des accusés, des accusateurs, des défenseurs et des spectateurs (… de la « justice » de ces dames). Pas des décideurs. Autre exemple du deux poids deux mesures et de cette Justice française déséquilibrée : c’est l’absence totale de jugement et de visibilité des tweets qui ont suscité les cinq réponses litigieuses de Marc-Yvan… alors que pourtant, ils étaient tout aussi orduriers et condamnables que ceux de l’accusé (Parmi eux, il y a des comptes ouvertement satanistes et anticléricaux). Mais là encore, la réalité même du dialogue internétique a été effacée. Quelle belle objectivité ! Français, vous pouvez dormir tranquilles avec une « Justice » partisane pareille !
 

 

CINQUIÈME et dernier constat que je ferais sur ce procès Teyssier : Les catholiques ne sont pas là. Ils ne se soutiennent pas entre eux. Et j’ai su qu’ils se sont désolidarisés complètement de Marc-Yvan, qu’ils le regardent de travers, qu’ils se sont éloignés de lui (par protection)… alors que pourtant, bien des gens de La Manif Pour Tous lui ressemblent et ont tenu des propos similaires, voire bien pires que les siens (sauf que dans leur cas, ça n’a pas été enregistré sur Twitter). Alors que son audience devrait servir de leçon à beaucoup de catholiques et est riche d’enseignements sur la manière des gens d’Église de traiter de l’homophobie, sur les prochaines persécutions anti-chrétiennes qui sont à nos portes ! Si j’ai pris la peine d’écrire ce descriptif de jugement, ce n’est pas seulement pour rendre justice, à ma mesure, à Marc-Yvan ; c’est aussi parce que je veux lutter contre le sceau de l’infamie de l’homophobie que beaucoup de catholiques et d’opposants au « mariage gay » portent et cautionnent, au point de rentrer concrètement dans le jeu de la présomption d’homophobie qui pèse sur eux. Je ne souhaite qu’une chose : que la très probable condamnation de Marc-Yvan Teyssier ne reste pas lettre morte et serve au moins à accroître chez un maximum de monde et de catholiques l’intérêt pour l’homosexualité et les personnes homosexuelles.

La Bête PASSION


 

Je vous avais dit précédemment que pour moi, la Bête de l’Apocalypse était trois choses : l’hétérosexualité (culte des différences), la puce électronique (Blockchain avec sa marque 666) et l’humanisme intégral (pacifisme sans Jésus). Mais j’en rajoute une quatrième : la passion (… pour les passions).
 

 

Grâce à mon étude sur la série Joséphine ange-gardien (où il est constamment question de la passion : vous le verrez quand j’aurai fini mon livre), mais également à mon observation des réseaux sociaux, je réalise que la PASSION est l’autre nom de la Bête technologique (n’est-ce pas Omar Sharif, avec tes bêbêtes numérotées ?). Sur les réseaux sociaux, les maîtres de la Bête font tout, en ce moment, pour nous bestialiser, pour que nous nous excitions (en rires, en plaintes et en insultes : nous avons quitté même la sobriété du cynisme et des larmes), en nous jetant en pâture des bouts de viandes vivants (des starlettes jouant les victimes – les Kim Kardashian, les Loana, les Nabilla, les Clémentine de Koh-Lanta – et des criminels attestés ou supposés : les Dutroux, les Nordhal Lelandais, les DSK, les Bernard Tapis, les Benzema, les Kaaris et Booba, les cardinal Barbarin) pour que nous nous bagarrions entre Humains et que nous nous fendions d’un tweet de réaction inutile, impulsive, épidermique, insultante, odieuse, instinctive (bestiale, quoi) qui viendra se rajouter à la pile de tweets-bashing de la Grande Meute réactionnaire informe (réactionnaire vient de « réaction », non ?).
 

 

 

Le Gouvernement Mondial fait tout pour que, pris dans l’avalanche informative d’Internet, et aveuglés par l’instantanéité, nous soyons prisonniers de nos passions humaines (on ne parle pas ici de la Passion du Christ, bien évidemment, mais au contraire des « désirs enflammés » décrits par saint Paul dans Rm 1, 27) et que nous soyons embrasés par elles.
 

 

 

Et le pire, c’est que ça marche. Comme de l’huile jetée sur le feu ! Parlez-nous à présent de demande de pardon, d’aide, d’apaisement, de calme, d’empathie, de compréhension, de réflexion, de nuance, d’abnégation, de prudence, de joie, de virginité, de célibat. Demandez à la foule internétique de faire des efforts, de renoncer, d’abandonner, de se taire, de relativiser, de faire preuve de clémence et de longanimité, d’offrir une seconde chance. Elle ouvrira sa gueule de Bête hideuse pour vous cracher à la figure son venin et sa… bêtise. Et les « journalistes » qui ont allumé l’incendie des scandales (voire carrément de leurs mensonges et de la calomnie) comptent les points, ramassent la moisson des raisins de la colère, frétillent avec ceux qui frétillent et récriminent, ricanent (« canis » en latin signifie « chien ») avec ceux qui ricanent, se choquent avec ceux qui se choquent, jubilent intérieurement de leur pouvoir de contrôle des masses abruties et sincères (avec des procès d’intention et plein d’abusifs « parce que »), feignent hypocritement de déplorer les conséquences des causes qu’ils ont créées.
 

 

 

Alors je vais nous donner une astuce pour ne pas être marqué du sceau de la Bête : dépassionnons-nous. Tout BÊTEment.

La légende des 300 prêtres « pédophiles » de Pennsylvanie : les chefs de l’Église ont-ils fermé les yeux ou n’est-ce pas plutôt les anti-pédophilie qui ne fermeraient pas les yeux au nom de leur défense de l’homosexualité ?


 

Étonnante focalisation médiatique sur la pédophilie (sacerdotale) pour exonérer l’homosexualité de tout soupçon…
 

L’actuel scandale des 300 prêtres dits « pédophiles » aux États-Unis est présenté de manière particulièrement malhonnête et hypocrite par les mass médias qui jettent toute la faute non seulement aux prêtres directement concernés (et pour la plupart décédés) mais aussi à la hiérarchie ecclésiale qui les aurait couverts et aurait volontairement fermé les yeux. Car qui a justifié les actes pédophiles en les appelant « homosexuels », si ce n’est la société civile et les libertaires anti-pédophilie mais pro-gays ? Tant pis si je vous choque en disant cela, mais je me base sur les faits : bien souvent la pédophilie n’est que le faux nez de l’homosexualité. Pédérastie et homosexualité se télescopent régulièrement et de manière non causale, non systématique, mais réelle et récurrente : le cas tout récent de Mgr McCarrick, où on nous parle de pédophilie sacerdotale alors qu’il s’agit plutôt d’homosexualité sacerdotale – les prêtres et séminaristes qui sont allés dans son lit étaient majoritairement adultes et « consentants », et l’abus sur l’adolescent est une exception dans le parcours sexuel et amoureux de ce cardinal ! – le prouve. Notre monde condamne par devant (la pédophilie, l’inceste, le viol) ce qu’il promeut par derrière (homosexualité, jeunisme, « l’amour qui n’a pas d’âge ni de sexe »).
 

Donc NON, ce ne sont pas certains membres de l’Église d’en haut uniquement qui protègent les prêtres pédophiles : c’est surtout le monde profane, anticlérical et païen qui condamne les conséquences (la pédophilie) dont il chérit les causes (la croyance en « l’Amour sans Foi ni lois » reposant principalement sur la croyance en « l’identité » et en « l’amour » homosexuels). Et quand on nous annonce en ce moment énormément de démissions remises au Pape François par des évêques ou des cardinaux pour avoir « couvert des actes pédophiles », en réalité, détrompez-vous, ce ne sont pas souvent des actes pédophiles qui sont couverts mais bien des actes homosexuels (malgré l’annonce publique). L’adjectif « pédophile » est le mot pieux et paradoxalement pudibond et euphémisant pour ne pas nommer/soulever le lièvre – beaucoup plus embarrassant pour l’Église et beaucoup plus gros – de l’homosexualité sacerdotale (tout le monde – y compris les personnes pédophiles – est contre les pratiques pédophiles et comprend pourquoi s’y opposer ; en revanche, peu de gens – y compris parmi les catholiques et leurs chefs – sauraient dire pourquoi l’homosexualité est un mal et un péché ; et par ailleurs, il y a numériquement autrement plus de prêtres et de religieux qui pratiquent l’homosexualité que la pédophilie !).
 

Méfiez-vous par conséquent des chasseurs de têtes de prêtres pédophiles : ce sont des militants gays friendly et des anticléricaux cachés, qui instrumentalisent les véritables victimes d’actes pédophiles sacerdotaux pour assouvir leur propre vengeance contre la différence des sexes (le sacrement du mariage) et contre la différence Créateur-créatures (Jésus et l’Église Catholique). Méfiez-vous également de vous-mêmes : combien de catholiques je vois banaliser l’homosexualité (parce qu’au fond ils la justifient à partir du moment où elle reste discrète) et à côté de ça s’offusquer de la pédophilie sacerdotale en buvant comme du petit lait ce que leur servent les médias et en croyant à tort que la pédophilie est un problème autrement plus important et urgent à traiter que l’homosexualité. Ouvrez les yeux sur ce que cache la chasse aux sorcières à l’encontre de la pédophilie sacerdotale : car c’est une propagande gay friendly EN FAVEUR de l’homosexualité sacerdotale… et donc contre l’Église. Il s’agit en filigrane d’une campagne d’intimidation et de terreur par l’homosexualité. Ni plus ni moins.
 

Dernière chose (et la plus importante) : bonne fête de l’Assomption (montée du corps de la Vierge Marie au Ciel) à tous! Je reviens de la messe de 11h à saint Nicolas des champs (pas du Chardonnet) à Paris. Ça faisait longtemps que je n’y étais pas allé. Eh bien ce fut une messe géniale, avec un prêtre seul à célébrer mais ô combien inspiré par l’Esprit Saint ! Il a fait une homélie qui dépotait, sans pour autant faire le show ni de blabla. J’ai appris plein de choses. Et pourtant, c’était un prêtre noir (le père Guy Noël). Et sans vouloir généraliser, c’est rare en France quand les prêtres noirs font de bonnes homélies. Donc aux prêtres noirs qui me lisent, je dis ceci: ce n’est pas parce que vous êtes noirs que vous êtes obligés de faire des homélies nulles, indigentes, paraphrastiques, à la sauce télévangéliste protestante, molles ou trop longues. Votre couleur de peau n’est pas une excuse pour être médiocres et faire de mauvaises homélies. La preuve : certains d’entre vous sont excellents et ne blablatent pas. Merci pour nous ! Merci pour eux ! Merci pour vous !