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Code n°40 – Cour des miracles homosexuelle (sous-code : Choeurs de tragédie grecque)

cour des

Cour des miracles homosexuelle

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La nostalgie d’une royauté bafouée

 

COUR DES MIRACLES Bossu

Film d’animation « Le Bossu de Notre-Dame » de Walt Disney


 

Un certain nombre de personnes homosexuelles s’intéressent à la Cour des miracles du Moyen-Âge. Cette étrange passion homosexuelle se fait passer pour un grand élan de solidarité (= éloge du multiculturalisme, de la pauvreté), de militantisme (= éloge de la marginalité « dérangeant » le « Système ») ou bien artistique (= éloge de l’originalité). En réalité, elle cache un grand orgueil (celui de se rêver Christ à la place du Christ, de vivre une royauté égocentrée… par manque d’amis véritables), un fantasme d’irréalité transgressive et de fantaisie festive qui finissent par montrer toute leur vanité et leur horreur une fois confrontées au Réel, une haine de soi (= homophobie) maquillée d’autosuffisance et de rire.

 

Nous aurions tort de nous fier aux apparences. Au vrai pauvre, bien des personnes homosexuelles lui préfèrent son icône – souffrante ou euphorique – et son absence. Elles le transforment en image folklorique. Le nécessiteux qu’elles bercent sur leur sein n’est autre que la « romanichelle de luxe » (Esméralda dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo), le vagabond sublimé des poètes maudits, le « bon sauvage » étranger, « la transfiguration d’un état de misère » pour reprendre les termes d’un de mes amis romancier homosexuel. Elles dépeignent une pègre qui, au lieu d’être constituée de vrais pauvres, se compose plutôt de cercles d’intellectuels libertins – donc un peu d’elles-mêmes ! – s’amusant à imiter, par moquerie ou/et générosité, les images d’Épinal de pauvres qu’ils se fabriquent dans leur imaginaire pour se donner bonne conscience. Elle sert de prétexte à l’exhibition carnavalesque et au déni de la pauvreté. C’est la raison pour laquelle les motifs du cirque, des fêtes foraines, du chœur de tragédie grecque, et des cours des miracles, reviennent excessivement souvent dans les œuvres homosexuelles. Vêtus de haillons, les faux mendiants homosexuels se donnent en spectacle, en entonnant la litanie de la honte de l’Occidental narrant son malheur face au soi-disant malheur planétaire apocalyptique. Ils se glissent subtilement dans la foule colorée et masquée qu’ils ont eux-mêmes créée pour s’élever en chefs. « En attendant d’être des rois, mes amis et moi sommes les acteurs d’une version de la folie des grandeurs, … sous une pluie de confettis » chante Arnold Turboust dans sa chanson « Mes amis et moi ». Intellectuellement, l’esthétique de la folie du SDF-bouffon donquichottesque séduit beaucoup les auteurs homosexuels bobos : pour eux, le délire « transgressif » est davantage vecteur de Vérité que la Vérité même. Elle est en réalité l’expression de leur propre homophobie/misanthropie/athéisme.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homosexualité noire et glorieuse », « Faux révolutionnaires », « Milieu homosexuel infernal », « Milieu homosexuel paradisiaque », « Reine », « Folie », « Milieu psychiatrique », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Bobo », « Défense du tyran », « Homosexuels psychorigides », « Amour ambigu de l’étranger », « L’homosexuel riche/L’homosexuel pauvre », « Cirque », « Magicien », « Mariée », « Doubles schizophréniques », « Grand-mère », « Drogues », « Quatuor », « Voleurs », « Homosexuel homophobe », « Méchant pauvre », « Prostitution », « Putain béatifiée », « Humour-poignard », « Voyante extralucide », à la partie « Carnaval » du code « Clown blanc et Masques », et à la partie « Nain » du code « Amant modèle photographique », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La cour des miracles, une rêverie :


 

Dans beaucoup d’œuvres homo-érotiques apparaît une pègre, une foule carnavalesque grimaçante et ricanante, un groupe de personnages atypiques et difformes (nains, drogués, trans, travestis, prostituées, femmes déguisées en mariées, escort boys, personnages siamois, vieillards, géants, etc.) entourant le héros homosexuel : cf. le film « Die Unendliche Geschichte » (« L’Histoire sans fin », 1984) de Wolfgang Petersen (avec la cour de la jeune reine), le vidéo-clip de la chanson « Le Brasier » d’Étienne Daho, le vidéo-clip de la chanson « Substitute For Love » de Madonna, le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, le film « Antes Que Anochezca » (« Avant la nuit », 2000) de Julián Schnabel, le concert de Mika à Paris Bercy le 26 avril 2010 (et surtout la chanson « Big Girl »), le film « Totò Che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresco, le film « Mann Mit Bart » (« Bearded Man », 2010) de Maria Pavlidou, le film « 30° couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue, le film « Le Sang du Poète (1930) » de Jean Cocteau (entouré de gitans), le roman Joyeux animaux de la misère (2014) de Pierre Guyotat, le film « Splendori E Miserie Di Madame Royale » (« Madame Royale », 1970) de Ugo Tognazzi, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « Jugatsu » (1990) de Takeshi Kitano, la nouvelle L’Encre (2003) d’un ami homosexuel angevin (avec la Cité des Laiderons), le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman, le film « Opera De Malandro » (1986) de Ruy Guerra, les films « Accattone » (1961), « Mamma Roma » (1962), et « La Ricotta » (1963) de Pier Paolo Pasolini, la pièce Quai Ouest (1985) de Patrice Chéreau, le roman Monsieur de Phocas (1901) de Jean Lorrain, la nouvelle « De La Melancolía De Las Perspectivas » (1983) d’Héctor Bianciotti (avec sa population bigarrée : des nains, des prostituées, des alcooliques, des mariées, etc.), le roman La Noche De Walpurgis (1910) d’Antonio de Hoyos (avec la cour des miracles de bourgeois homosexuels déguisés en pauvres), le film « A Rainha Diaba » (1975) de Antonio Carlos Fontoura, le film « Die Hure Und Der Hurensohn » (1982) de Dagmar Beiersdorf, le vidéo-clip de la chanson « Relax » du groupe Frankie Goes To Hollywood, le roman Los Alegres Muchachos De Atzavará (1988) de Manuel Vázquez Montalbán, le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot (avec les aborigènes et les trois drag-queen réunis autour d’un grand feu de joie), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand (décrivant à la fin la « faune » homosexuelle dans toute sa diversité), le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, le film « The Greatest Showman » (2017) de Michael Gracey, le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion (avec le chœur de pédales chantant « Alléluia »), etc. Par exemple, dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Vincenzo est obsédé par le qu’en-dira-t-on à propos de l’homosexualité de son fils Antonio : dans les lieux publics, il est persuadé que tout le monde l’a identifiée et en rient sarcastiquement.

 

Film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

Se crée le mythe snobinard du « bonheur entre exclus » et de la « force jouissive » (jubilatooooire) de la transgression des codes sociaux : « Ici on est tous des frères dans la joie dans la misère… À la cour des miracles, mendiants et brigands dansent la même danse… » (cf. la chanson « À la cour des miracles » de la comédie musicale Notre-Dame de Paris de Luc Plamondon) ; « Les vieux nobles qu’elle recevait étaient des amis de son père, aussi laids qu’elle. Le vieux comte des Asturies était couvert de verrues et le duc de Castille, son parrain, était bossu. » (Copi dans sa nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978), p. 12) ; « On est tous des imbéciles, on est bien très bien débiles. » (cf. la chanson « On est tous des imbéciles » de Mylène Farmer) ; « Son visage se tordit tandis qu’il regardait le labyrinthe de livres. Littérature ! Littérature – les Olympiades des nains de jardin ! Bavardage des déments ! Il fit un pas vers l’avant et renversa une étagère de livres par terre. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 176) ; « Goudron organisait tant de salons et de soirées fréquentées par des centaines de personnes ridicules de toutes sortes. Il les collectionnait, vous savez. Et il y avait nom pour chacune. Cette courtisane communiste, Madame Kortovsky était ‘Le Ballon rouge’ et Francœur, l’éditeur catholique, était ‘La Mante religieuse’. Picasso était ‘Le Minotaure’ et vous ‘Le Prince noir’. » (le pervers Comte Smokrev s’adressant à Pawel Tarnowski, au sujet de son mécène homosexuel Goudron, idem, p. 308) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, le couple Khalid/Omar se rend à Douar Dbada, qui est une sorte de cour des miracles : « Ils sont un peu dangereux là-bas. […] En plus des prostituées, il y a des maquereaux, les dealers de drogue… Les fous… Des assassins aussi… Les voleurs d’enfants… » (p. 125) Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, la cour des miracles entourant l’héroïne est composée de dandys efféminées, de femmes-à-barbe, d’hommes travestis en nonnes, de nains, de Noirs, de « copines » transgenres, etc.

 

Au départ, le héros homosexuel prétend trouver dans cette cour des miracles multiculturelle et marginale un refuge à la soi-disant intolérance sociale par rapport à son homosexualité, une famille qui reconnaît enfin sa royauté et la primauté de ses désirs identitaires/amoureux profonds : « Peut-être que ce qui fut jadis la Cour des Miracles saurait le guérir de sa peur, l’aider à s’affirmer auprès des siens. » (Ahmed en parlant du quartier gay du Marais, dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 52) ; « Tout est permis au bal de Savoy. » (Madeleine, dans la comédie musicale Ball Im Savoy, Bal au Savoy (1932) de Paul Abraham) ; etc. Par exemple, dans la bande dessinée La Foire aux Immortels (1992) d’Enki Bilal, Jean-Ferdinand Choublanc, « Gouverneur de la Cité autonome de Paris » est manifestement homosexuel et a réuni une cour d’adhérents autour son parti dont tous sans exception très fortement maquillés. Et Choublanc s’adresse à ses maquilleurs en les appelant « les filles » et à son intendant en l’appelant « chéri », intendant avec lequel il partage son bain. Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, les deux compères Bill et Étienne sont décrits comme des « lutins farfelus et fantoches ». Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, suit un cortège carnavalesque mystique de squelettes mexicains masqués. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, le petit monde de la nuit de la ville italienne de Catano s’anime autour de la prostitution : les prostitués, les travelos, les sosies de Mary Poppins ou Marilyn Monroe, les macs, les gigolos, le vieux disquaire muet, etc.

 

La particularité de cette cour des miracles homosexuelle, c’est qu’elle est souvent prise d’hilarité (comme les hyènes… juste avant ou après de frapper violemment) : « Je cours, je cours. Sans respirer. Puis je tombe. Des gens rient. […] Autour de lui [Hassan II], un souk. Beaucoup de femmes. […] Elles rient de moi. Cela les amuse : moi qui tombe et sur le point de pleurer. Elles rient longtemps sans vraiment me regarder. » (Khalid, le protagoniste homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 10) ; « Tout le monde a ri. Tout le monde. Tous ces gens avec qui j’ai grandi. […]  Le pire, c’est que je ne les ai même pas détestés. » (Pauline, l’héroïne lesbienne racontant un spectacle public où elle a été la risée des gens de son village parce qu’elle a joué le premier rôle et s’est travestie en homme, dans le film « Pauline » (2009) de Daphné Charbonneau) ; « Parfois je la voyais au milieu d’autres hommes habillés. Allongée sur le dos, les jambes en l’air, avec pour toute parure ses talons aiguilles. Il y avait là des profs de la fac, des laborantins en blouse du département de chimie, quelques-uns des garçons au rire gras avec qui j’avais déjeuné au RU. Ils ne la caressaient pas. Ils se contentaient de la regarder, de la montrer du doigt et de rire. Et elle riait avec eux, dans cette posture humiliante. Dans d’autres rêves, elle se moquait de moi avec sa copine, pendant les cours de Gritchov. Je ne comprenais pas ce qu’il y avait de si comique dans ma tenue. » (Jason, le héros homosexuel décrivant Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 59) ; « La foule riait aux éclats, ils lançaient sur Truddy des pavés. » (Copi dans sa nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 40) ; « Tous nous ovationnèrent, pleurant et riant […] » (Gouri, le rat bisexuel du roman La Cité des Rats (1979), p. 94) ; « Les rires de la foule des hommes » (idem, p. 104) ; etc. Par exemple, dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, la cour homosexuelle de Bob (composée de drogués) passe insensiblement de l’agression au rire : ça passe ou ça casse. Dans sa chanson « À table » de Jann Halexander, le protagoniste homosexuel décrit « le rire déformant des visages » des membres d’une fête de famille.

 
 

b) La cour des miracles homosexuels, un cauchemar :

Film "Poltergay" de

Film « Poltergay » d’Éric Lavaine


 

Symboliquement, la cour des miracles homosexuelle ressemble à la voix d’une schizophrénie. Le héros homosexuel se sent entouré de nains et de clowns rieurs qui, après s’être amusés et après l’avoir intronisé, vont le momifier, le trahir et le brûler sur un char (cf. je vous renvoie au code « Méchant Pauvre » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. la chanson « L’Horloge » de Mylène Farmer, la chanson « Porno-graphique » de Mylène Farmer, la chanson « No More I Love You’s » d’Annie Lennox, la comédie musicale Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, les vidéo-clips des chansons « Sans contrefaçon », « Sans logique », « Désenchantée », « L’Âme-Stram-Gram » et « Optimistique-moi » de Mylène Farmer, etc. Par exemple, dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, lors d’une séance de karaoké, où Steve (le héros homosexuel) se ridiculise, la prestation vire à la vision d’enfer : il voit tous les clients du bar ricaner (au ralenti), puis en menace violemment un avec une bouteille de bière car il ne gère pas l’humiliation.

 

« Le fond de leur rire avait quelque chose de métallique. » (Pretorius, le héros homosexuel parlant des clients de l’Hôtel du Transylvania, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander)

 

 

La cour des miracles, c’est aussi le retour homophobe d’un désir homosexuel pratiqué (retour violent prêté uniquement à « la société »… mais qui n’est en réalité que la société des amants, que le monde de la prostitution et de la drogue) : cf. le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau (avec la gare parisienne se transformant en cour des miracles), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz (avec la cour homosexuelle gitane de Sébastien, qui finit par l’assassiner, en représailles), le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec le gang des Étoiles Noires), le film « Twist » (2004) de Jacob Tierney et Adrienne Stern, le film « Garçons d’Athènes » (1998) de Constantinos Giannaris, etc. « C’est une chose difficile que d’être homosexuel au pays des cow-boys. » (4 journalistes en chœur, et en direct du Wyoming, dans la pièce Le Projet Laramie (2012) de Moisés Kaufman) ; « Autour de moi, les hommes forment une ronde. […]  Le spectacle de la gare est immuable. Presque rituel. » (Léo, le héros homosexuel du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 213) ; « Vous n’avez jamais rencontré de vrais homosexuels. Ce sont des bossus qui riraient de votre mariage. » (le père de Claire, l’héroïne lesbienne, s’adressant à sa fille et à sa compagne Suzanne à propos de leur projet de « mariage pour tous », dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « C’est un petit monde. Vous devez tous vous connaître, non ? » (l’Inspecteur s’adressant à Franck, le héros homosexuel, pour enquêter sur les crimes homophobes de l’île qui est un lieu de drague gay hostile et impitoyable, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie) ; etc.

 

Queen

Queen


 

Cette cour des miracles représente donc la conscience du viol, exprimée par le traditionnel chant du chœur de tragédie grecque qui annonce la mort prochaine (physique et déjà symbolique) du héros homosexuel : cf. le film « Hey, Happy ! » (2001) de Noam Gonick (avec les trois femmes asiatiques), la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare (avec le chœur des sorcières), le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne (avec les trois drag-queen), le film « Anguished Love » (1987) de Pisan Akarasainee, le film « Puta de Oros » (1999) de Miguel Crespi Traveria (avec le cortège des pleureuses), le film « Les Sorcières » (1966) de Pier Paolo Pasolini et Luchino Visconti, les pièces de Federico García Lorca telles que La Savetière prodigieuse (1926) ou Doña Rosita la célibataire ou le langage des fleurs (1935), la chanson « Bohemian Rhapsody » du groupe Queen, la chanson « Duel au soleil » d’Étienne Daho, la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim (avec les trois bonnes fées travesties), les films « Pepi, Luci, Bom Y Otras Chicas Del Montón » (1980), « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) et « Mujer Al Borde De Un Ataque De Nervios » (« Femme au bord de la crise de nerfs », 1987) de Pedro Almodóvar, le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus (avec le chœur des femmes ouvrières galloises), etc. Par exemple, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, les chœurs des voisins – qui se fait appeler aussi « le chœur des âmes » – sont toujours les annonciateurs de mort ou de violence, et la symbolisation de la contemplation de l’horreur à distance. Ils annoncent le viol, et dans le même mouvement, le nient. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Nicolas, Gabriel et Rudolf, les trois héros gays sans avenir, forment le chœur montagnard de « Sissi », une cantatrice fantomatique transgenre M to F autrichienne.

 

« Au milieu d’un désordre phénoménal (les tables cassées parmi les bouteilles arrosées de confettis) […] À chaque fois que je laissais échapper un cri, l’assistance repartait d’un gros rire […]. Et ne songeons même pas à demander de l’aide aux esquimaux : pour cette peuplade, Glou-Glou Bzz représentait plus qu’une reine. » (le narrateur homosexuel se faisant trucider la bite, après le carnage de la reine du carnaval Glou-Glou Bzz, dans la nouvelle « La Mort d’un Phoque » (1983) de Copi, pp. 22-24) ; « Je ne fais jamais partie des chœurs. On a quand même son orgueil ! Les chœurs sont les seuls morceaux d’opéra que j’écoute de l’extérieur, en restant assis dans mon fauteuil, en ‘regardant’ dans ma tête un spectacle plutôt qu’en le vivant comme si j’étais un des protagonistes. J’aime écouter les chœurs, je n’aime pas les vivre. » (le narrateur homosexuel parlant de l’opéra La Bohème de Puccini dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 19) ; « Je ne savais plus si j’étais heureux de l’observer parce que je le trouvais émouvant dans son ridicule ou si je souffrais avec lui de chanter des choses idiotes dans une œuvre idiote, entouré d’idiots déguisés comme pour un carnaval de pauvres. J’aimais croire qu’il était conscient de la petitesse et de l’insignifiance de ce qui l’entourait sur ce plateau et que ce qu’il ressentait était la honte d’en faire partie. Le Prince Charmant existait donc et il était habillé en petit page d’opérette dans une mauvaise production d’opéra ! » (le narrateur homosexuel parlant du chanteur Wilfrid Pelletier, idem, p. 50) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La cour des miracles, une rêverie :

Quand j’étais enfant et adolescent, j’étais très attiré par l’univers moyen-âgeux de la Cour des miracles. Il m’arrivait d’en faire un jeu (par exemple, j’avais créé « Les Aventures de Jean », une mise en scène nocturne théâtralisée de personnages fictifs habitant l’univers de mon frère jumeau, Jean), et j’aimais ces univers clos avec des personnages étranges autant qu’inquiétants (le jeu du Cluedo, le jeu télévisé Fort Boyard, etc.).

 

Cette attraction pour les salons de précieuses, pour les bals masqués peuplés de Colombine, de voyantes extra-lucides, de brigands, de sorcières, de courtisanes, de nains, d’Esméralda et autres créatures extraordinaires, je pense la partager avec un certain nombre de personnes homosexuelles. Et il n’est pas étonnant que dans l’imaginaire collectif LGBTI, la « communauté homosexuelle » mondiale soit régulièrement décrite comme une pâle copie de la cour des miracles littéraire. Par exemple, lors de son entretien avec J. O’Higgins en 1982, le philosophe homosexuel Michel Foucault assimila les quartiers homosexuels des grandes villes nord-américaines comme San Francisco ou New York aux « cours médiévales, qui définissaient des règles très strictes de propriété dans le rituel de cour » (Michel Foucault, « Choix sexuel, Acte sexuel », Dits et écrits II, 1976-1988 (2001), p. 1150). Dans sa thèse « Avatares De Los Muchachos De La Noche » qui précède son recueil de poésies Austria-Hungría (1992), Néstor Perlongher évoque le monde extrêmement codifié de la nuit et de la prostitution masculine. Dans ses mémoires Coto Vedado (1985), Juan Goytisolo aborde « la réalité brutale de la cour des miracles espagnole » dans les quartiers homosexuels de Barcelone.

 

Beaucoup d’auteurs homosexuels se plaisent à chanter les louanges d’une cour des miracles interlope, d’une nation « élue » qui aurait le devoir d’annoncer au monde la grandeur transgressive de la marginalité, de la négation de la différence des sexes : John Cameron Mitchell, Pier Paolo Pasolini, Steven Cohen, Essobal Lenoir, Philippe Besson, Hervé Guibert, Federico Fellini, Jean Cocteau, Marcel Proust, Severo Sarduy, Osvaldo Lamborghini, Rancinan, etc. « Un gigantesque bidonville. Ernestito et moi adorions ces habitants grossiers, populaires, dangereux. Ils faisaient souvent partie de nos histoires, de nos fantaisies. Ils devenaient, à leur insu, les interprètes de nos feuilletons imaginaires. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 186)

 

Cette nation-pègre voulue par beaucoup de personnes homosexuelles/transsexuelles ressemble, dans les faits, à une cour royale de maison close, dans laquelle gravitent les maquereaux et leurs dandys escort-boys (leurs mignons) fêtant la jouissance libertine, la mixité sociale et intergénérationnelle : « À soixante-dix ans, Lito [une femme transsexuelle transformée en homme] continuait à mener une existence de play-boy. Toujours tiré à quatre épingles, il était le plus souvent escorté par une cour de jeunes gens aux casiers judiciaires chargés. Par on ne sait quel miracle, cette petite pègre l’adorait. Ils avaient l’élégance de prolonger son règne lorsque l’un d’eux devait s’éclipser quelques temps à l’ombre d’une cellule. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 291) On en trouve un exemple parlant avec la bande des Cockettes dans les années 1970 à San Francisco (États-Unis), groupe d’érotomanes et cocaïnomanes revendiqué : « On ne pensait qu’à faire la fête, à s’éclater. On ne se rendait pas compte qu’on créait quelque chose de magique. On vivait dans notre monde. On réalisait nos rêves et nos fantasmes. On se fichait de ce qui se passait à l’extérieur. Les Cockettes étaient très incestueuses. Tout le monde couchait avec tout le monde… sous LSD… » (Rumi, un survivant travesti M to F des Cockettes, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Je vous renvoie également au documentaire « Paris Is Burning » (1980) de Jennie Livingston, sur la sous-culture du voguing dans les bas quartiers nord-américains, avec des concours de travestis noirs.

 

COUR DES MIRACLES Rois

Francky Goes To Hollywood


 

Plus gravement, il est possible d’entrevoir dans cette foule indiscernable de personnes gay friendly, hétéro, homo, bi, transgenre et transsexuelle, le phénomène (décrit magistralement par Philippe Muray) de possession hystérique collective, prenant l’étrange masque de l’euphorie carnavalesque agressivement plaintive : « Le Possédé. Comme tel, il souffre. Tout ce qui ne lui plaît pas le fait tellement saigner qu’il porte plainte ; mais il jouit encore tellement lorsqu’il porte plainte qu’il est incapable de se voir en train de porter plainte et de rire de lui-même. C’est ainsi qu’il est comique, d’un douloureux comique que plus personne n’ose nommer ainsi. C’est un comique de doléance, comme il y a un comique de répétition, et ce nouveau comique, absolument inconnu des anciennes littératures, est souvent très réussi. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 71) Ça sent la misère culture et affective à plein nez.

 
 

c) La cour des miracles homosexuels, un cauchemar :

La cour des miracles, symboliquement, c’est la voix de la schizophrénie. Par exemple, ce n’est pas un hasard si le téléfilm « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve, dont la trame est l’homosexualité, commence par un débat sur l’obligation du pluralisme des langues. Cette question de la « prose babélique », de la pluralité du langage et des sexualités, a intéressé des chercheurs tels que Michel Foucault ou Nicolás Rosas. Il existe une correspondance entre le monde babélique/babylonien et le « milieu homosexuel ».

 

Dans le monde homosexuel actuel, je retrouve des actualisations incomplètes de la cour des miracles médiévale dans beaucoup de mouvements LGBTI : le milieu associatif homosexuel dans son ensemble (peuplé souvent de « cas sociaux »), les Gay Pride (avec les chars des Maghrébins, des daddies, des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, etc.), les discothèques et les bars (de plus en plus compartimentés en sous-catégories : les bears, les crevettes, les minets bodybuildés, les fem, les butch, les trans, les sadomasos, etc.) et surtout surtout les sites de rencontres internet (les fameux chat, hyper ritualisés et habités par des profils improbables de profonds mythomanes). Là, on a vraiment l’impression de rentrer dans un monde de fous, très codifié.

 

La cour des miracles, c’est aussi le retour homophobe d’un désir homosexuel pratiqué (retour prêté à « la société »… mais qui n’est en réalité que la société des amants ou le monde de la prostitution). Le libertinage donne une illusion de liberté et construit en réalité un ghetto doré, avec des nouvelles règles d’autant plus rigides et féroces qu’elles constituent des barreaux invisibles, tacites : la société homosexuelle est en effet fondée sur la double vie, la dissimulation, le mensonge, le paraître, l’anonymat, la pulsion sexuelle (…et ses caprices inattendus), un désir sexuel qui n’ose pas assumer son nom ni ses pratiques : « Outre la mauvaise réputation qu’avait la Savane la nuit, je lui rapportais en détail certaines agressions dont j’avais été témoin. Sur la place, je rencontrais toutes sortes d’individus ; les ‘branchés’ étaient une population très hétéroclite. On était du même bord, mais on ne se fréquentait pas. Sans doute par manque de confiance, beaucoup se méfiaient de leur propre clan et jouaient à cache-cache en permanence, se dénigrant et se méprisant mutuellement. Impensable pour un groupe déjà victime du malheur de sa propre différence ! C’est quand même surprenant et regrettable d’en arriver là. […] Cette histoire de clans est une fatalité pour la communauté et l’on ressentait une rivalité oppressante entre les groupes différents. En fait, chaque groupe entrait dans une catégorie bien distincte : les extravagants, les cancaniers, les très discrets et enfin les ‘leaders’, ceux qui incitaient à la prise de conscience contre les discriminations et l’homophobie dans la région d’outre-mer. Je trouvais bien dommage cette diversification au sein de la communauté. » (Ednar parlant des lieux de drague antillais, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, pp. 188-189) ; « Quant aux quais de la Seine, il y a belle lurette qu’ils abritent, en plus des traditionnels clochards, les idylles d’horribles couples. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 59) ; etc.

 

Enfin, la cour des miracles fictionnelle représente, une fois transposée dans le réel, la conscience du viol (un viol réel ou/et fantasmé), le chœur symbolique des garçons sauvages et adolescents qui annoncent la mort prochaine (physique et/ou psychique) de la personne homosexuelle. « Ils se sont rapprochés de moi en se masturbant. J’étais allongé sur le dos au milieu du lit bleu. J’ai fermé les yeux et j’ai essayé de m’imaginer encore une fois à la piscine, l’eau, le chlore, le plongeoir, la paix, le luxe. Un rêve impossible à l’époque. Je nageais mais dans la peur. Je tremblais, à l’intérieur. Je ne voyais plus les garçons sauvages mais je les sentais venir, se rapprocher de mon corps, le renifler et le lécher. Dans un instant le violenter, l’un après l’autre le saigner. Le marquer. Lui retirer une de ses dernières fiertés. Le briser. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 25) Pour ma part, j’ai vécu au collège cette petite descente aux enfers qu’a opérée sur moi la cour des miracles de mes camarades collégiens. En effet, tous les garçons de ma classe de 5e m’ont violenté sur la cour d’école du collège Jeanne d’Arc à Cholet, ceux-là mêmes qui m’avaient intronisé roi et délégué de classe en 6e, un an auparavant.

 

La cour des miracles est finalement la représentation fantasmagorique (et parfois l’actualisation concrète) de l’idolâtrie sociale. Un désir passionnel déçu. Elle sied donc parfaitement au désir homosexuel.

 
 

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Code n°46 – Destruction des femmes (sous-codes : Misogynie homosexuelle / Femme-singe / Femme-pute)

Destruction des

Destruction des femmes

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Les personnes homosexuelles : meilleurs ami(e)s des femmes ??? C’est une blague ou quoi ?

 

Tout est dans cette phrase : « Cette femme, j’ai aimé la haïr. » (Heinrich dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 198) En règle générale, les personnes homosexuelles pensent sincèrement aimer la femme par la haine. Quand on comprendra qu’elles entretiennent avec la femme réelle – qu’elles confondent avec la femme cinématographique – une haine jalouse, on aura touché à une des plus grandes clés de l’énigme de l’homosexualité !

 

C’est en me baladant (par hasard ?) au Centre Pompidou de Paris en avril 2005, à l’exposition consacrée au réalisateur homosexuel allemand Rainer Werner Fassbinder, que la misogynie du désir homosexuel m’est apparue dans toute son horreur, toute sa banalité aussi. En effet, dans un pauvre coin du sous-sol du Centre, déserté des visiteurs, était projeté sur un écran géant une succession de toutes les nombreuses scènes des films de Fassbinder où les femmes sont giflées, battues, humiliées, écrasées par des voitures, tuées, à quatre pattes… le tout diffusé sans son, dans un silence glaçant, qui passerait presque inaperçu. Je croyais rêver. Qui avait fait ce montage ? Et surtout, pourquoi un réalisateur tel que Fassbinder, qui a toujours aimé mettre les femmes au centre de sa vie et de son cinéma, en donna une image aussi désastreuse ? Je touchais là à un des grands paradoxes du désir homosexuel : adorer (quelqu’un qui n’est pas Dieu) n’est pas aimer, mais en fin de compte souhaiter détruire. Et j’ai trouvé un élément de réponse à ce paradoxe de la vénération homosexuelle de la femme dans mon propre rapport aux femmes réelles et cinématographiques, et dans le rapport des personnes homosexuelles elles-mêmes à la gent féminine. Je me suis dit qu’il n’y avait pas d’amour dans tout cela : il y avait surtout de l’idolâtrie. Une fascination identificatoire inconsciente, qui ressemble à de l’Amour ou à de la rêverie, mais qui est en réalité du fanatisme destructeur. Pour nier cette violence en germe, la société s’amuse à faire croire au mythe d’un légendaire copinage entre les garçons « sensibles » et les filles. Mais avons-nous de la merde dans les yeux pour croire encore à cette fausse idylle amicale ?

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Bergère », « Prostitution », « Matricide », « Violeur homosexuel », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « FAP la « fille à pédé(s) » », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Actrice-Traîtresse », « Poupées », « Sirène », « Duo totalitaire lesbienne/gay » et « Carmen », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

La faute impardonnable

 

Film "Reflets dans un œil d’or" de John Huston

Film « Reflets dans un œil d’or » de John Huston


 

Comme la femme réelle (non-hétérosexuelle et non-homosexuelle) ne correspond évidemment ni à son image parfaite de victime blonde ni à celle de tigresse machiavélique toute-puissante, elle finit par apparaître comme une traîtresse décevante aux yeux de beaucoup de personnes homosexuelles qui pensaient s’être mis en quatre pour la mettre sur un beau podium. « C’est ça que je n’aime pas chez la femme : c’est cette fragilité. » (Alain dans le reportage « Jeune homme à louer » (1992) de Mireille Dumas) ; « L’imperfection du féminin est la plus grande des fautes. » (la Reine Christine, pseudo « lesbienne », dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; etc. La femme-objet, qui leur avait promis de ne jamais collaborer avec l’ennemi bourgeois capitaliste et patriarcal, de rester éternellement vierge, n’a pas tenu ses promesses. Mais plus que pour son indécence, elle est fautive de ne pas parvenir à être universelle ni totalement réelle, de ne pas devenir celui qui désire s’y identifier. Elle incarne un rêve collectif impossible que beaucoup de personnes homosexuelles ont elles-mêmes construit ou contribué à fomenter : c’est là son seul crime… mais il est énorme ! Beaucoup de personnes homosexuelles décident alors de se venger des simples femmes « mortelles » qui les entourent et de prendre leur distance avec elles. La plupart du temps, l’ensemble des femmes réelles paient pour la trahison d’une poignée d’actrices opportunistes et lâches. Dans les créations homosexuelles, ce sont souvent les personnages impuissants et homosexuels qui finissent par violer leur idole féminine ou leur meilleure amie.

 
 

La misogynie homosexuelle inattendue

 

Planche "Sida" dans la B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi

Planche « Sida » dans la B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi


 

Actuellement, les media et la communauté homosexuelle se plaisent à nous faire croire que les personnes homosexuelles sont les meilleurs amis des femmes (cf. l’article « George Cukor, l’homme qui aimait les femmes… (jusqu’à un certain point !) », sur le site suivant). Rien n’est plus faux ! Certains hommes gay, connus pour être doux comme des agneaux avec les filles (ils passaient parfois leur temps en leur compagnie depuis la cour d’école), ou les « hommes de compagnie » des vieilles bourgeoises, se prennent volontiers pour l’antithèse des « machos ». Mais il suffirait qu’ils se penchent un peu sur leurs propres discours, créations artistiques et fantasmagorie pour changer d’avis ! Il y a parmi eux énormément de misogynes qui à la fois s’ignorent et qui revendiquent ouvertement leur aversion pour les femmes.

 

Ne nous y trompons pas. Beaucoup de personnes homosexuelles n’ont pas compris la femme réelle, et veulent régler leurs comptes avec celle qui leur aurait imposé un « martyr d’amour à dix-huit ans » (Arthur Rimbaud, Un Cœur sous la soutane, 1869-1872) parce qu’elles ont eu le malheur de la sacraliser dans leur jeunesse. Elles n’ont majoritairement perçu que l’enveloppe émotionnelle, sentimentale, plastique ou scientifique, de la femme, celle qui ne donne pas envie de percer plus loin le mystère féminin. Elles célèbrent une femme idéale qui n’est pas la femme réelle. La femme de chair et de sang, elles la transforment en « spectre du sex-appeal » (comme dirait Salvador Dalí), en caricature de petite fille modèle ou de matrone autoritaire, en monstre sacré intouchable avec qui elles pourraient maintenir une relation platonique à distance. Mais au fond, elles passent à côté.

 

Certaines psychanalystes féministes actuelles qui annoncent que l’arrivée des personnes homosexuelles et des femmes aux commandes du monde audiovisuel et professionnel va « préserver l’image de douceur de la femme » (Loïs Bonner dans le documentaire « Pin-Up Obsession » (2004) d’Olivier Megaton) se voilent complètement la face, surtout quand nous prenons conscience que la plupart des membres de la communauté homosexuelle, en collaboration avec des individus machistes et hétérosexuels (Russ Meyer, John Waters, et bien d’autres), ont contribué à construire et à intérioriser des images insultantes ou déréalisées de la gent féminine. Les personnes homosexuelles sont héritières, et parfois conceptrices, de la culture de l’image violente de la femme née après la Seconde Guerre mondiale (cf. je vous renvoie à l’important documentaire d’Olivier Megaton, « Pin-Up Obsession », diffusé sur la chaîne ARTE le 21 novembre 2004, et qui retrace l’inquiétante histoire de la vision de la femme dans nos médias).

 

Le paradoxe se situe dans le fait que la misogynie homosexuelle passe par la glorification de la femme imagée. Au cinéma par exemple, certains réalisateurs homosexuels ont parfois le don de la sublimer, de la rendre magnifique, de capter finement la psychologie et la sensibilité féminines. Et pourtant, c’est précisément parce qu’ils prétendent résoudre comme une équation esthétique ou émotive celle qui restera pour eux un mystère corporel et symbolique tant qu’ils se déroberont à elle qu’ils passent précisément à côté de son identité profonde. Catherine Breillat a tout à fait raison de parler du « regard intégriste sur la femme » (« Entretien… avec Catherine Breillat » (2004) de Gaillac-Morgue) porté par la majorité des individus homosexuels, car tel est le cas, y compris dans l’idéalisation.

 

Par leur imitation de la femme glamour, beaucoup de personnes homosexuelles ne rendent pas hommage à la femme réelle puisqu’elles la réduisent à une poupée Barbie, à une chanteuse sophistiquée de music-hall, ou à une actrice de films X. Le travestissement (chez les hommes gay) ou le refus radical du travestissement féminin (chez les femmes lesbiennes, et même chez les personnes transsexuelles : pour se dire travesti, il faut déjà avoir conscience d’être déguisé ; or, comme pour certaines, le déguisement est leur être profond, elles ne pensent pas se travestir (Vincent McDoom dans le magazine Égéries, n°1, décembre 2004/janvier 2005, p. 52) !) se veulent un chant à la femme. En réalité, il s’agit pour elles d’être « plus que femme », d’imiter la bombe sexuelle ultra-siliconée ou la grande actrice hollywoodienne. Au bout du compte, la surféminité est conquise par un dépassement du féminin, une caricature de femme-objet, ou (pour le cas lesbien) un rejet viscéral du « féminin d’accessoire » se traduisant par son absorption inconsciente par une sur-virilité d’apparat.

 

La passion homosexuelle pour la femme cache en réalité un sublime mépris. Plus les actrices connaissent un destin tragique, un succès foudroyant et éphémère, une réputation de pestes, plus elles ont de chances de devenir des icônes gay. Nous ne sentons pas d’amour entre les personnes homosexuelles et la femme médiatique. C’est bien plus fort et plus vil que cela. On va jusqu’à la folie passionnelle du fan prêt à défigurer sa star pour s’approprier le droit d’être le seul à la violer iconographiquement. Les artistes homosexuels qui toute leur vie ont le plus célébré la femme sont aussi ceux qui l’ont le plus maltraitée, au moins à l’écran, et parfois concrètement. C’est une triste réalité qu’il faut bien reconnaître.

 

Il arrive aussi que les femmes lesbiennes s’attaquent énormément aux femmes. Je peux vous assurer qu’on rencontre beaucoup plus de femmes machistes et misogynes dans les rangs lesbiens que parmi les femmes et les hommes dits « hétérosexuels ». Ces femmes si heureuses d’être « plus que des hétérosexuelles » méprisent très souvent les femmes mariées, bisexuelles, ou trop conformes aux canons de la beauté féminine définis par les media. Elles associent en général leur beauté de femmes à la superficialité, la maternité au summum de la soumission, l’engagement dans le mariage à un emprisonnement et un viol, la réalité de leur nature spécifique de femmes à une simple étiquette culturelle ou à un destin anatomique aliénant. Il n’est pas rare d’en entendre certaines – celles qui paradoxalement se battent pour l’homoparentalité ou le mariage gay – mépriser les femmes enceintes (Anne Hurtelle dans l’émission Ça se discute, sur la chaîne France 2, le 18 février 2004) en les traitant par exemple de « poules pondeuses » (véridique).

 

Croire que les femmes ne peuvent pas être machistes est précisément une attitude machiste. Le machisme, au fond, n’est que le mépris ou la célébration excessive de la faiblesse humaine : il n’a pas, comme certains se plaisent à le croire, de sexe ni d’orientation sexuelle prédéfinis. Beaucoup de femmes lesbiennes n’aiment pas la femme réelle, même si elles prétendent la défendre par une image victimisante. En voulant tirer la couverture à elles sous prétexte qu’elles seraient femmes (… éternellement spoliées et fières de l’être), elles oublient que le machisme est également l’affirmation d’une homosexualité féminine assumée. Cathy Bernheim, dans son autobiographie L’Amour presque parfait (2003), a tout dit quand elle écrit qu’« elle doit être un peu macho quelque part, au niveau du désir » (p. 132). Le lesbianisme semble être majoritairement une obéissance docile aux codes du machisme et du matriarcat, tout comme l’homosexualité masculine. Que certaines femmes lesbiennes ne s’étonnent pas que tout comportement ou apparence relevant du masculin social violent soit souvent perçu comme symptôme de lesbianisme. Les plus bisexuelles d’entre elles sont généralement les premières à affirmer que les hommes dits « hétérosexuels » sont en général bien plus doux avec elles que ne le sont leurs camarades lesbiennes, les premières aussi à dénoncer leur misogynie et leur haine d’elles-mêmes traduite en misanthropie (Marguerite Yourcenar, Le Coup de grâce (1938), citée dans la biographie Marguerite Yourcenar (1990) de Josyane Savigneau, p. 144).

 
 

La misogynie enrubannée de rose

 

Au lieu d’avouer frontalement aux femmes réelles qu’elles les rejettent via les femmes médiatiques et qu’elles les considèrent comme des putains, les personnes homosexuelles s’y prennent généralement de manière plus clean, avec des gants de velours. L’éjection se pare des meilleures intentions. L’excuse n° 1, en théorie très valable, trouvée par bon nombre d’hommes gay pour ne pas aller vers les femmes réelles, c’est l’évitement des souffrances : « Si je vais vers une femme, elle souffrira, et moi aussi. » Mais cette souffrance est bien souvent écrite avant qu’elle n’arrive. Certains supportent mal d’entendre Serge Lama chanter que « les amitiés particulières, c’est quand les filles nous font peur ». Mais il n’a pourtant pas tort. Beaucoup d’entre eux sont tétanisés par la femme, et camouflent leur peur par la fausse proximité et l’idolâtrie sincère ou singée. Ils envisagent, à tort mais non sans bons motifs, l’union sexuelle avec la femme comme l’inceste diabolique qu’elle n’est pas, puisqu’ils ont pour la plupart mis leur mère à la place de la femme.

 

Pour convaincre les femmes réelles de ne pas insister en matière d’amour, ils jouent les pestiférés homosexuels, inconsciemment troublés par une maladie incurable qui les dépasse. « Juan-Carlos oserait-il proposer le mariage à une femme s’il connaissait la gravité de son mal ? » (Manuel Puig, Boquitas Pintadas, Le Plus beau tango du monde (1972), p. 120) Ils pensent que les obus de Madonna ou de Dolly Parton les perforeront, que le passage à l’acte sexuel les fera disparaître – au moins symboliquement –, c’est-à-dire qu’il leur fera oublier qui ils sont, les rendra éternellement malheureux parce qu’ils vont commettre un meurtre et voir dans le visage de leur femme pénétrée par eux l’expression de la femme cinématographique violée. « Richard avait un grand respect du corps des femmes. Presque trop. Il avait toujours peur de faire mal. » (la compagne de Tanguy dans le film « L’Ennemi naturel » (2003) de Pierre-Erwan Guillaume) Ils trouvent cette peur de la sexualité anormale et révélatrice d’une identité minoritaire normale – l’homosexualité –, alors que pourtant, aucun homme ne s’aventure sans crainte dans le sexe de la femme, qu’il soit homosexuel ou dit « hétéro ». La sexualité nous met en face de nos richesses et de nos propres morts : ce n’est ni dramatique ni anodin.

 

La misogynie homosexuelle prend parfois une forme plus subtile : celle de la sincérité, de la « mixité de circonstance », celle de la camaraderie temporaire, de l’amitié adolescente en apparence désintéressée… mais en réalité, très intéressée (cf. je vous renvoie au code « FAP la « fille à pédés » » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) et qui cache une grosse misère affective, et du côté de la dénommée « fille à pédés » ( = FAP) et de celui de l’individu homosexuel.

 

L’hypocrisie de l’intégration forcée de la différence des sexes dans un cadre (= le couple homosexuel) qui la rejette trouve son climax dans la simulation de mixité femme-homme au sein de la communauté homosexuelle. J’aborde très largement le rejet des femmes lesbiennes par les hommes gay dans le code « Duo totalitaire gay/lesbien » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) La misogynie homosexuelle en mots :

Film "Teorema" de Pier Paolo Pasolini

Film « Teorema » de Pier Paolo Pasolini (et la bonne enterrée vivante…)


 

On retrouve le personnage homosexuel haïssant la femme dans énormément de productions artistiques homo-érotiques : cf. la pièce Hamlet, Prince de Danemark (1602) de William Shakespeare (avec la légendaire misogynie du héros), le film « Reflection In A Golden Eye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec Weldon, l’ours mal léché, méprisant Leonora), la chanson « Cette fille est une erreur » du groupe Taxi Girl, le roman Les Jeunes Filles (1936) d’Henri de Montherlant, le film « Le Petit César » (1930) de Mervyn LeRoy (avec le personnage de Rico), le film « L’Aurore » (1927) de Friedrich Wilhelm Murnau, le film « Amours particulières » (1969) de Gérard Trembaciewicz, le film « Lonesome Cowboys » (1968) d’Andy Warhol, le film « Je vous hais petites filles » (2008) de Yann Gonzalez, la chanson « Henri, pourquoi n’aimes-tu pas les femmes ? » de Dranem, etc.

 

Le héros homosexuel se désigne lui-même comme misogyne, ou bien est traité de misogyne par un autre personnage : « Nous, les lopes, misogynes et misanthropes » (les quatre comédiens de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « C’est un avantage d’être pédé : au moins, on n’a pas à supporter ces connasses ! » (le Dr Labrosse parlant des femmes, dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone) ; « Elles sont idiotes ! » (Étienne et Bill s’adressant à deux de leurs partenaires féminines, dans le film « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy) ; « À l’exception de Cossima, vous avez méprisé les femmes. » (Wagner à Nietzsche, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Pédale misogyne, va ! » (Daphnée à Luc dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Misogyne en plus… Enfin, ça, c’est pas un scoop… » (Frédérique, l’héroïne lesbienne à son camarade gay Romuald, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali) ; « Son histoire était un concentré de tous les préjugés les plus misogynes. Les filles y étaient présentées comme des caricatures de femelles. Des goules anthropophages, lubriques et frigides à la fois. » (la voix narrative à propos de l’histoire racontée par Jason le héros homosexuel, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 65) ; « Je me méfie des femmes. Comme toi. » (Harge, le héros hétérosexuel, s’adressant à sa femme Carol, l’héroïne lesbienne, dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes) ; etc.

 

L’homosexualité est parfois montrée comme la cause ou la conséquence directe de la misogynie ou de la misandrie (haine des hommes) : « À cause d’une femme, il en veut à toute ! » (Jean-Luc parlant de son amant Romuald, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali) Par exemple, dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, le couple d’amants gay se forme sur la base d’un plan de vengeance contre l’inconstance amoureuse des femmes. Dans la pièce Lettre d’amour à Staline (2011) de Juan Mayorga, l’écrivain Boulgakov, sous l’emprise d’un Staline homosexuel, rejette sa femme Boulgakova, et ne ressent plus rien au lit avec elle : « Tu te sens coupable d’être avec moi plutôt qu’avec elle… » dira Staline, satisfait. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, la misogynie de Georges, l’homme marié bisexuel, va s’accroître à mesure qu’il choisit de devenir un homosexuel exclusif : « Les femmes sont de plus en plus insupportables. » Il se met à rêver d’un monde sans femmes, puis s’en excuse à peine : « On ne peut pas s’empêcher d’espérer l’impossible. C’est humain. »

 

Chez le héros homosexuel, l’aversion pour la gent féminine se manifeste par le désintérêt : cf. la pièce A Woman Of No Importance (Une Femme sans importance, 1894) d’Oscar Wilde, le film « On est toujours trop bon avec les femmes » (1970) de Michel Boisrond, le film « A Mí, Las Mujeres, Ni Fu Ni Fa » (« Les femmes, ni chaud ni froid », 1972) de Mariano Ozores, etc. « Une femme sur les bras ? Qu’est-ce que j’en ferais ? » (Serge dans le film « L’Invité de la onzième heure » (1945) de Maurice Cloche) ; « Le pouvoir et les femmes ne m’intéressent pas. » (Thibaut de Saint Pol, Pavillon noir (2007), p. 13) ; « Faut pas croire. C’est bien, une femme. Ça tient compagnie. Mais après, ça peut devenir très chiant, une femme, quand ça s’y met. » (le héros homosexuel dans la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Sacré boulet, cette Wendy… » (Clark dans la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès) ; « La meilleure femme ne vaut pas un bon cheval. » (une réplique du film « Le Banni » (1941) d’Howard Hawks et Howard Hughes) ; « Les femmes se sont tellement émancipées. » (le Dr Katzelblum, homosexuel, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Pour moi, on ne peut pas faire confiance à une femme. » (Arnaud, homo, idem) ; « Si seulement elles avaient le sens de l’humour… » (le Dr Katzelblum, idem) ; « Aaaaah les femmes… Y’a toujours quelque chose de dérangé dans ces machines compliquées. » (Monsieur de Rênal, le mari efféminé de Louise, dans la comédie musicale Le Rouge et le Noir (2016) d’Alexandre Bonstein) ; « Quelle machine compliquée que la femme. » (idem) ; etc. Par exemple, dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder, quand Joe demande à son ami Jerry lui annonçant qu’il va se marier avec un homme « Pourquoi un homme en épouserait un autre ? », Jerry lui répond du tac au tac : « Pour être tranquille. »

 

Mais bien souvent, l’indifférence laisse place au mépris et à l’insulte claire et nette : « Je parle à vous, femmes traîtresses ! » (Cachafaz à ses voisines, dans la pièce éponyme (1993) de Copi) ; « Ô femelles ennemies ! » (Jean-Luc, le héros homosexuel de la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali) ; « Une dame ici ?!? Ce ne peut être que ma belle-sœur. Dites-lui que j’ai détesté sa robe de chambre et que je n’ai pas l’intention de les recevoir. » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Je ne veux pas mourir assassiné par une femme. J’ai passé ma vie à fuir les femmes ! » (idem) ; « Les vraies femmes ?!? Ça va pas ! Quelle horreur !!! » (Pedro dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet) ; « Il en faut du courage pour supporter les gonzesses ! Moi j’ai encore du mal ! Ah moi j’assume, je déteste les femmes. » (la bourgeoise de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Sacré monstre ! » (Ignace à propos de sa future belle-fille, dans la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz) ; « Putain de femelles. C’est toujours aux gars de se taper le boulot ! » (l’amant de Gary dans le film « À la recherche de M. Goodbar » (1977) de Richard Brooks) ; « Aaaah les femmes… J’aurais dû épouser un âne ! […] Voyez-vous cher ami, les femmes, c’est pervers. » (Didier s’adressant à son amant Bernard, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Putain de meufs ! » (Matthieu, le héros homosexuel du film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser) ; « Donatienne est en cuisine. Après tout, c’est une femme. » (Bernard, le héros homo parlant de sa meilleure amie, dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo) ; « Y’a tant de femmes ! Y’a tellement de femmes ! Pourquoi l’a-t-il épousé ? » (Cal – interprété par James Dean – parlant de son frère, dans le film « East Of Eden », « À l’Est d’Éden » (1955) d’Elia Kazan) ; « Moi ?!? Être une femme ?!? Oh quelle horreur ! » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « C’est toutes des sacs à foutre, les bonnes femmes ! » (Simoney dans le film « Cruising », « La Chasse » (1980) de William Friedkin) ; « J’ai envie de pisser comme une femme enceinte. » (Smith, le héros homosexuel, dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Vous êtes connes comme des bourriques ! » (Bacchus s’adressant aux trois sœurs Minias, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; « Une fille moche, ça va sans dire… » (Rodolphe Sand parlant de Rosetta, dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; « Voici ce qui se passe quand on laisse sortir les femmes de la cuisine ! » (Jean-Jacques, l’un des héros homosexuels refoulés de la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Elle va se taire, la pintade ! » (Ruzy, le héros homosexuel s’adressant à Marilyn, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Tu ferais mieux de rentrer chez toi faire tes lessives ! » (Marjan et sa pote s’adressant à Rana, chauffeur de taxi femme, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce La Reine morte (1942) d’Henry de Montherlant, l’Infante lesbienne trouve la femme – qu’elle idéalise en la personne d’Inès de Castro – trop « molle ». Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, Simon, le héros homo, est « très exigeant avec les filles », selon les dires de sa meilleure amie Leah. Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, après avoir adulé l’actrice Sibylle, Dorian Gray la méprise suite à une représentation décevante : « Tu as tout gâché. Tu es vaine et stupide. » Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Jonathan, l’un des héros homosexuels, insulte une femme dans le public de « vieille conne ! » simplement parce qu’il la fait rire. Dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, Jean-Paul, le héros homosexuel (rentrant un instant dans la peau de Léonard de Vinci) dit à Catherine (interprétant Mona Lisa) qu’elle est « du caca ». Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, qualifie les femmes de « bombonnes de merde » : « Les femmes, tu les déplaces, elles se constipent. »

 

Dans le film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, le danseur et chorégraphe homo Rudolf Noureev est misogyne et ignoble avec les femmes, en particulier avec son amie Clara Saint qui semble pourtant amoureuse de lui. Il lui demande d’« arrêter de poser des questions idiotes ». Il refait le même procès en « idiotie » à Xenia, sa prof de danse. Plus tard, avec le plus grand sérieux, il insulte Clara en plein restaurant : « Fuck you ! ». La jeune femme n’est pas rancunière puisqu’après l’avoir emmené dans des clubs de danseuses dénudées, elle l’absout de toutes les crasses et de tous les coups bas qu’il lui a fait subir : « Je te pardonne d’être le plus égoïste des hommes. » dit-elle.
 

Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi et Damien se rencontrent dans une laverie. À priori chacun est hétéro, mais les femmes dont ils parlent sont soit invisibles (Marie, la copine de Damien, et l’ex de Rémi), soit transsexuelles (Vanina). Elles sont tellement dématérialisées que Rémi finit par tomber amoureux de Damien. « Marie ne m’a pas remplacé par un con. Elle a toujours bon goût. » La femme est éjectée du triangle amoureux, après avoir été flattée et exploitée. « J’arrête. Toutes des chieuses ! » (Rémi justifiant son célibat) Les deux hommes découvrent de la lingerie féminine (culotte et soutien-gorge) oublié dans une des machines à laver de la laverie. Au départ, ils singent l’excitation, mais très vite, les dessous affriolants suscitent chez Damien (pourtant en couple avec une femme) le plus grand des dégoûts : « C’est une pute !! Salope !! »
 

Dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch (2015), Fabien, le héros homosexuel, ne mâche pas ses mots quant à la gente féminine : « Elles sont vivaces, ces p’tites bêtes. » ; « J’ai été obligé de laisser Cécile étendue sur le sol. C’est pas grave, c’est qu’une fille. On s’en fiche. » ; « Il y a une fille dans mon lit !! Qu’est-ce que je vais faire avec ça ?? J’espère qu’elle ne va pas me toucher, la vicieuse ! Je ne suis pas un sex-toy, Mademoiselle ! » ; « C’est mal fichu, une fille. Il manque l’essentiel ! » ; « C’est pas drôle d’être homo. Y’en a marre, je deviens hétéro. Comment ça marche, une fille ? Ça mange quoi ? Ça boit quoi ? Faut arroser combien de fois par jour ? »
 

Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Arnaud, l’un des héros homos, a des démêlés professionnels avec une collègue de boulot qui l’emmerde. Benjamin, l’amant d’Arnaud, surenchérit : « La peste ! » ; « C’est une sale petite peste de pute de connasse de merde ! » Plus tard, quand Arnaud découvre que Benjamin a eu, dans son parcours amoureux, une aventure avec une femme, lui pique une crise de jalousie : « Quoi ?!? Tu t’es tapé une meuf pour de vrai ?!? Mais c’est dégueulasse !! C’était une lesbienne, c’est ça ?!? »
 

Les femmes sont présentées comme des godiches, des bourgeoises sans cervelle, ou bien des caricatures de féminité fatale/violée, dans des créations telles que le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le film « Girls Will Be Girls » (2004) de Richard Day, la pièce Jeffrey (1993) de Paul Rudnick, la pièce Les Homos préfèrent les blondes (2007) d’Eleni Laiou et Franck Le Hen, le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, le film « Boat Trip » (2003) de Mort Nathan, le roman El Día Que Murió Marilyn (1969) de Terenci Moix, le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot, etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, on assiste à une parodie de la chanson « Être femme » de Nicole Croisille, transformée pour l’occasion en « Être infâme », qui en dit long sur ce que pensent les concepteurs de la pièce sur l’essence féminine…

 

Dans la bouche de beaucoup de personnages homosexuels, la féminité est associée à la violence, à la jalousie, à l’hystérie, au caprice, à la médisance, au danger sexuel, à l’animalité. Par exemple, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, méprise les femmes enceintes, comparées à des « cachalots » ou à des vaches qui « mettent bas », et montre la jalousie comme une caractéristique typiquement femelle : « Toutes les femmes du mariage étaient jalouses. » Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Nounours, l’un des héros homos, est un artiste d’art contemporain qui peint des vagins en forme de nénuphars roses… et tout le monde trouve ça moche et ignoble.

 
 

b) Toutes des guenons !

Film "Cabaret" de Bob Fosse

Film « Cabaret » de Bob Fosse


 

Il arrive même au héros homosexuel de comparer les femmes à des êtres laids, des cruches décervelées, et même des singes ! : « Ce qui rend les femmes bêtes, c’est d’avoir la cervelle en trop. » (le travesti M to F Charlène Duval, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Tous les deux, si on les écoute, toutes les filles sont moches, seuls les mecs sont des tops models ! » (la mère de Bryan parlant de son fils et du petit copain de ce dernier, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 410) ; « Je préfèrerais coucher avec un chimpanzé plutôt qu’avec Martine. » (Jules le héros homosexuel s’adressant à Martine, la prostituée, dans la pièce Les Sex friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Regarde ces jambes de guenon. J’ai même pas eu le temps de m’épiler. » (Gwendo, la « fille à pédés », dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Elles étaient allées chez Jacques Desinges. » (Zize, le travesti M to F décrivant les belles jeunes femmes en compétition au concours de Beauté avec lui, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « On dit à la Comédie Française qu’on choisit toujours des filles de concierge qu’on habille en singe… » (l’efféminé Villedieu – Jean-Claude Brialy – dans le film « Le Juge et l’Assassin » (1976) de Bertrand Tavernier) ; etc.

 

Très souvent dans les fictions homosexuelles, la féminité est liée à un animal, la guenon : cf. la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau (avec le singe en peluche de Léonore, l’héroïne lesbienne), le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec la référence à « une vieille rombière fagotée comme une guenon »), le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall (avec Mme Blackeney comparée à un singe, p. 367), le roman Le Singe et la Sirène (2001) de Nicolas Dumontheuil et Éliane Angéli, la chanson « Where’s My Girl… And Where’s My Monkey ? » d’Étienne Daho, la chanson « Adelaïde » d’Arnold Turboust (« De temps en temps, je vous observe quand votre singe vous promenez. »), le vidéo-clip de la chanson « Land Of Confusion » du groupe Genesis, la pièce Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès, le film « The Monkey’s Mask » (2001) de Samantha Lang, le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol (où la khôlleuse est comparée à une « guenon »), le film « Dans la peau de John Malkovich » (1999) de Spike Jonze, le roman Autopsie d’un petit singe (1998) d’Andrea H. Japp, le film « Rebel Without A Cause » (« La Fureur de vivre », 1955) de Nicholas Ray (avec la scène de Natalie Wood qui, au moment de sortir son miroir de poche pour se refaire une beauté, se fait comparer à un singe), la pièce L’Autre monde, ou les états et empires de la lune (vers 1650) de Savinien de Cyrano de Bergerac, le spectacle musical Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec la femme-guenon), le film « All Men Are Apes » (1965) de Joseph P. Mawra, le film « B. Monkey » (1998) de Michael Radford, la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer, le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse (avec le Maître de cérémonie, très efféminé, mimant un mariage avec une guenon en robe de mariée), le roman La Journée de la guenon et le patient (2012) de Mario Bellatin, le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, etc.

 

Aussi surprenant et insultant que cela puisse paraître, la femme-singe est un archétype de la fantasmagorie homosexuelle : « cette singe d’Élise » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 202) ; « À son tour, Leyla gesticulait contre mon flanc en manquant de me faire tomber. Singe qui singe sa guenon, agacée, je l’envoyais rouler sur le parquet. » (Nina Bouraoui, La Voyeuse interdite (1991), p. 130) ; « C’est pas à une vieille guenon qu’on apprend à faire la grimace… » (Grany dans le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte) ; « On avait dit ‘Pas celle avec le singe’. » (Patrick Bruel quand Michèle Laroque le menace de dévoiler sa sex-tape avec la marionnette Jean-Marc, dans Mission Enfoirés 2017); etc.

 

Par exemple, dans la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz, Yvonne, la femme-objet blonde, est imitée en macaque ; un peu plus tard, elle est qualifiée de « guenon ». Dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, Nietzsche traite Salomé de « petit singe » ; par la suite, Élisabeth la nomme « singe rachitique » ; Goebbels renchérira : « On représente la femme sous la forme d’un gorille. » Dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, Lola est traitée de « vieille guenon ». Dans le roman L’imposture (1927), Jules, le jardinier-masseur homosexuel, ancien légionnaire est mis en scène par Georges Bernanos. Il sert le critique littéraire obèse Henri Guérou que vient visiter M. Pernichon. Une fillette fait irruption dans la pièce et il la chasse. Puis en parlant de son maître, il lui dit : « … Et il faut que ça se laisse détruire par des femelles, des garces – respect de vous monsieur – et qui n’ont pas l’âge, des vrais singes ! Dieu sait ce qu’il en consomme, et de pas ordinaires ! … » Dans la pièce Elles s’aiment depuis 20 ans de Pierre Palmade et Michèle Laroque, Mathilde racontant à son amante Isabelle son rêve, avec « une majorette avec une tête de babouin ».

 

Cette animalisation de la femme est parfois une vengeance secrète réservée à une incestueuse famille, réelle ou symbolique : « Mal à l’aise, ta mère te fait penser aux femelles orangs-outans qui, même après la mort de leur bébé, continuent de le transporter d’arbre en arbre, de mimer l’allaitement, de le choyer comme si de rien n’était. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 170) Par exemple, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le Père 1, homosexuel, se présente comme le « Gorille de feu son père », en prenant ainsi le place et le rôle de la femme soumise auprès de son « mari » le Père 2.

 

Sinon, la métaphore du singe associée à la féminité peut tout à fait être une image triviale et potache du sexe génital des femmes. Par exemple, dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afailal et Yannick Schiavone, dès le début de l’histoire, Sana, l’héroïne lesbienne, parle d’un singe qu’elle a vu en songe : « J’ai rêvé d’un singe. » Sa ex-compagne, Noémie, qui essaie de revenir subtilement à elle, joue sur la même corde sensible : « Sana, je dois te parler. Je sais que toi aussi, tu as rêvé du p’tit singe… »

 

Dans l’expression « femme singe », il y a « femme singée ». On voit que la femme-singe correspond tout simplement à la femme-objet, à la femme-potiche (parfois valorisée) : « Ça me faisait plaisir de la voir habillée comme moi à côté de moi, comme un singe, à la tribune officielle. Pauvre Fanny. » (Evita dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « À quinze ans, mon père m’a échangée à un Marocain contre un singe. » (Arlette dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, p. 105) ; « Le doute vous habite… Vous vous attendiez à Demis Roussos dans le rôle de Dieu ? Et vous vous retrouvez avec Anna Nicole Smith/Lolo Ferrari/La Cicciolina… De toute façon, je vais décevoir toutes vos attentes » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « J’étais une esclave dans mon propre foyer, un animal en cage. Un singe que l’on donnait en spectacle dans la rue. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 132) ; « Je les regardais s’engouffrer tous dans l’escalier qui menait au balcon, lorsque je reconnus Perrette Hallery de dos… accompagné d’une magnifique femme en manteau de poil de singe, rousse à mourir sous son chapeau à voilette, la peau laiteuse et la démarche assurée. Le cliché de la belle Irlandaise, Maureen O’Hara descendue de l’écran pour insuffler un peu de splendeur à l’ennuyeuse vie nocturne de Montréal, la Beauté visitant les Affreux. […] La fourrure de singe épousait chacun de ses mouvements et lui donnait un côté ‘flapper’ qui attirait bien des regards admiratifs. Les hommes ne regrettaient plus d’être là, tout à coup. » (le narrateur homo décrivant la belle Maureen O’Hara, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 44) ; etc.

 

La femme-singe, c’est quelquefois aussi le personnage homosexuel ou bien travelo : « Moi, c’est Chita mais je suis épilée. » (Francis, le héros homosexuel de la pièce Hors-piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt) ; « Qu’est-ce qu’elle est monstrueuse, cette fille, oh la la, et comme elle s’habille ! Tu es un singe, mon pauvre vieux ! Ça se voit à cent mètres que tu es un travelo ! » (Daphnée à Micheline dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Alors, elle, resplendissante, monterait et redescendrait la Butte, comme une pute enveloppée de Chanel à la lumière de la lune, toute seule avec son destin, singe, guenon ou femme cruelle, souvenir d’un Carnaval solitaire de fille à bite ou d’homme sans apparat ! » (Fifi à propos de Lou dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Et si je mettais une cape en singe noir ? Le singe noir et le cygne blanc c’est très intéressant ensemble. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Eh ! vous, commença-t-il, la bouche pleine, que diriez-vous de certaine jeune demoiselle à la chasse ? Que diriez-vous d’une grosse jambe de chaque côté de son cheval, comme un singe sur une branche. » (Roger critiquant l’héroïne lesbienne Stephen, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 69) Dans le film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma, le père de Laure la traite affectueusement de « petit singe ». Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie, l’héroïne lesbienne, se fait traiter de singe par Julien quand elle n’a que 7 ans : « On dirait une vraie guenon ! ». Cela la blesse profondément, même si elle ravale son orgueil en jouant au « p’tit mec ».

 
 

c) Toutes des putes !

Les femmes réelles ont le malheur d’être fragiles, de ne pas être des Superwomen… ce qui attise chez le héros homosexuel une déception et une méfiance croissantes. Par exemple, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, le juge Kappus, secrètement homosexuel, décrit Lucile (avec qui il est marié) comme une femme « trop douce pour que cela ne vire pas au mensonge. » (p. 118)

 

Film "Remember Me In Red" d'Hector Ceballos

Film « Remember Me In Red » d’Hector Ceballos


 

Dans les fictions homo-érotiques, la femme, jadis désincarnée en vierge, finit, parce qu’elle est incarnée, par être traitée de prostituée, de femme impure, de putain, par le héros homosexuel : « T’as l’air d’une pute. Cache-moi ces mamelles. » (Alba à Claudia sa servante, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « Les femmes sont toutes des putes. » (Franck, le personnage homosexuel de la pièce Mon Amour (2009) d’Emmanuel Adely) ; « Tu vas la fermer, salope !!!! » (Romain Carnard, le coiffeur homosexuel, à la concertiste Isabelle, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « Toutes les femmes sont des salopes. » (Raphaël, le héros homosexuel de la pièce Open Bed (2008) de David Serrano et Roberto Santiago) ; « Toutes les femmes sont des putes. » (Willie, le héros homosexuel du roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 103) ; « Tu es toujours habillée comme une pute ! » (Louis à son « mari » Marie-Gabrielle, dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone) ; « Les filles ?… Vous voulez dire des putains. » (Marie Besnard dans le téléfilm « Marie Besnard, l’Empoisonneuse » (2006) de Christian Faure) ; « C’est que des catins ! » (les héros de la pièce Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou) ; « Nathalie, c’est une pute ! » (Stéphane, le héros homosexuel de la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Et il paraît qu’il y en a qui s’en serve comme un ventriloque. » (Samuel Laroque parlant du vagin des femmes, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Toutes des putes. Même maman ! » (Gwendoline dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Je suis sûr qu’elle a laissé un parfum de pute sur l’oreiller ! » (Benjamin, en parlant avec ressentiment d’Isabelle à son amant Pierre, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « T’es habillée comme une pute. » (Jean-Pierre s’adressant à sa femme Fanny – qui va se lesbianiser –, dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat) ; « Ça fait pute. » (Seb, homosexuel, s’adressant à sa meilleure amie Marie à propos de sa tenue, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman Des chiens (2011) de Miko Nietomertz, Polly, la meilleure amie lesbienne de Simon, l’un des héros homosexuels, est dépeinte comme une femme embauchée dans un peep-show ; et on voit clairement que dans l’esprit de Cody, le héros homosexuel nord-américain hyper maniéré, être une femme se limite à être violé : « Il a venu pour s’excuser […] Il a été obligé de ma voler, mais il a dit désolé, quoi et on a fait l’amour ensemble. » (p. 112).
 

Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, le couple « marié » Dominique et Marcel rivalise de misogynie. D’ailleurs, Raymond, le fils de Marcel, le leur fait remarquer : « Ah bravo ! Au rayon Misogynes, vous vous placez large ! » Par exemple, ils traitent de « salope » leur amante commune.

 

Dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, Pierre, le héros homosexuel, envisage les femmes comme des objets, des faire-valoir ou des mères porteuses (il organise une « Soirée Génitrices » chez lui), exactement comme le font les personnages hétéros : « J’ai adoré me taper des femmes plus belles que les leurs. Juste pour faire chier mes copains hétéros. » Il veut un enfant et surtout pas une fille : « Déjà, si tu prévoies de me faire une fille, tu pars mal. […] Si c’est une fille, on la noie. » (Pierre, le héros homosexuel, à sa meilleure amie Sylvie qui désire porter un enfant de lui par tous les moyens) Et Isabelle, l’étrangère hétérosexuelle de l’histoire, se définit elle-même comme « une salope » qui ne peut pas se satisfaire d’un seul homme et qui peut coucher et faire des enfants à n’importe quel homme-objet qui saura la valoriser matériellement.

 

Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Viviane se fait traiter de « grosse pute ». Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) Abdellatif Kechiche, Emma insulte sans s’arrêter sa copine Adèle de « sale pute », de « traînée », de « prostituée », une fois qu’elle a découvert ses fidélités hétérosexuelles. Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny traite « gentiment » sa meilleure amie Abbey de « pute ». Dans le one-man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set, une mère traite sa fille Kimberley de « petite pute ». Dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, Alejandra est traitée de pute par Raúl, l’irascible héros homosexuel. Dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays, les filles sont définies comme « des pétasses » et des « putes ». Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Xavier, l’un des héros homosexuels, traite les femmes de « grosses poufs », de « grognasses ». Dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1971) de Rainer Werner Fassbinder, Petra qualifie sa copine de putain : « Tu n’es qu’une misérable petite putain… » Dans la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, Clark rebaptise sa bien-aimée Lili Jane « Lillipute ». Dans le film « Crocodile Dundee II » (1988) de John Cornell, la femme est traitée de « pute » par le personnage homosexuel. Dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, comme Marie, la « fille à pédés », a été « infidèle » à son meilleur ami homo Loïc (elle a osé sortir avec un autre homme que lui !), ce dernier la traite de « pute ». Dans le film « Eating Out » (2004) de Q. Allan Brocka, Gwen, la FAP, se fait également insulter de « pute » par son copain gay Joey. Dans la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne, Bernard qualifie France de « pute » parce qu’elle sort avec une femme. Dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, Damien, l’homosexuel, traite sa meilleure amie de « garce ». Dans la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, Damien injurie Amélie de « salope » parce qu’elle a osé coucher avec son frère Samuel. Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Cindy, la « fille à pédé » dont Tom, le héros homo, se sert comme couverture hétérosexuelle, est maltraitée et méprisée par l’ensemble de la famille de Tom ; par exemple, la mamie de Tom parle d’elle comme « la traînée qui pose dans les magazines avec mon petit-fils ». Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, le pasteur Ralph traite sa femme de « salope » parce qu’ils ont chopé une maladie vénérienne et qu’il n’assume pas sa propre pratique homosexuelle extra-conjugale. Dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Léo, le héros homosexuel, traite sa sœur lesbienne Garance de « pute ». Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Alban Mann traite sa propre fille de « pute » (p. 18), et finira par la tuer, comme il a assassiné sa femme Greta, elle-même prostituée « professionnelle ».

 
 

d) Toutes des diablesses !

Chez le personnage homosexuel, le dégoût des femmes semble presque épidermique : « J’étais terrorisé. Elle était tout près de moi. Elle n’était plus la même jeune femme qui m’avait abordé. Plus elle parlait, plus elle devenait une autre. Avec une autre voix. Un autre âge. Elle était collée à moi. Je sentais son odeur. Je reconnaissais cette odeur. Il fallait fuir. C’était l’odeur de la mort. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa (2010), p. 47) ; « Tu sais bien que les femmes, nues ou pas, ça m’écœure. » (François, le héros homosexuel, à Marc, dans la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos) ; « Elle me répète qu’elle m’aime et je joue avec elle comme un petit animal effrayé. Ses baisers me donnent la nausée. La manière dont elle s’est jetée dans mon lit, dont elle s’est couchée contre moi, sans que je lui demande rien, me dégoûte. […] Son insouciance, sa beauté me répugnent. » (Heinrich parlant de Madeleine, dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 65) ; « Ce sont de vraies femmes, chéri. Regarde. Vomis au besoin mais ne les touche pas. L’homme naît d’elles, de ces grossiers objets de reproduction. » (Louis XIII dans le film « Les Diables » (1971) de Ken Russell) ; « Dans toute femme, il y a une Ève malveillante qui sommeille. » (Rodin, l’un des héros homosexuels de la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, épisode 8 « Une Famille pour Noël ») ; « La femme est l’avenir des pommes. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Cette femme diabolique […] qu’est-ce que je la déteste ! » (le narrateur parlant de Marilyn, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 97) ; etc.

 

La femme-serpent, la femme-ventouse, ou la femme-pieuvre fait son apparition dans l’imaginaire fantasmatique homosexuel : « Quand je quittais la scène, elles m’attendaient en coulisse par grappes ! Parfois elles montaient par le trou du souffleur ! » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « La grosse Carole, pute géante à bras tentaculaires, est entourée de nabots besogneux, tous occupés à ses aises. Ils sont fourmis naines à côté d’elle. » (Vincent Garbot dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 8) ; etc. Par exemple, dans la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, le narrateur homosexuel essaie de se débarrasser de « cette inconnue dont les bras serpentaient autour de la taille de son Didier » (p. 22). Dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, il est question des « tentacules de Marilyn » (p. 100).

 

Dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, par exemple, l’ensemble des femmes passe au crible du regard sexiste et asexualisant du héros Antoine : « Martine Van Decker puait. Martine était une énigme pour tous. Ses collègues la surnommaient ‘l’erreur de casting’. Antoine se dit qu’il vaudrait mieux l’éviter à l’avenir, surtout le matin, à cause de son haleine. » (pp. 58-59) ; « Magda Sterner arborait une saharienne rouge munie de quatre poches et ceinturée d’une série d’anneaux métalliques. […] Elle avait quelque chose de froid, d’asexué. » (idem, p. 74) ; « Magda, intimidante dans son fourreau rouge sang » (idem, p. 75) ; « Magda dans sa combinaison rouge, le fouet à la main, faisant tinter sa ceinture métallique. Une dominatrice, sans doute. Une dangereuse perverse cérébrale. » (idem, p. 76) ; « Magda faillit s’étrangler avec la fumée de cigarette. Elle toussait comme une truie. » (idem, p. 82) ; « Magda s’arrachait un poil du nez quand Antoine frappa à sa porte. » (idem, p. 142) ; « la ceinture en python agressive » (idem, p. 142) ; « Magda portait un masque oriental rouge sang aux traits grossiers, épouvantables. Des yeux furieux, révulsés. Des dents tranchantes comme des couteaux. » (idem, p. 243)

 

Dans beaucoup d’œuvres homosexuelles, la féminité est présentée comme diabolique, monstrueuse : cf. le film « The Devil Wairs Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2005) de David Frankel (avec l’odieuse Miranda), les films « La Diablesse en collant rose » (1959) de George Cukor, le film « Les Diables » (1971) de Ken Russell, le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau (avec le proviseur Madame Smelker qui est un vrai monstre qui pue), la chanson « L’Enfer et moi » d’Amandine Bourgeois, etc. Je vous renvoie à la partie sur les femmes habillées en rouge dans le code « Carmen » de ce Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

La beauté de la femme n’est pas envisagée comme une force fragile, mais bien comme une arme redoutable, qui soumet et assigne un cruel destin. Pour beaucoup de héros homosexuels, une vraie femme belle est une femme jalouse, fuyante, dangereuse, peste, voleuse, bavarde, bruyante, intrusive, curieuse, parlant pour ne rien dire ou pour médire, séductrice, maléfique, manipulatrice (cf. le film « Un Mariage de rêve » (2009) de Stephan Elliot) : « Sa sœur cadette, la duchesse de Malaga, était réputée être la plus belle femme d’Espagne et avait fait tourner la tête à plusieurs couronnes jusqu’au moment où, à sa majorité, elle dût décider entre trois jeunes rois et qu’elle déclara tout simplement qu’elle entrait dans les Ordres. » (Copi, nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978), p. 9) ; « Vous, les gouines, et les femmes toutes, qui venez mettre le nez dans les affaires du quartier, vous êtes des vrais gangsters ! […] Vous nous chantez des chansons pour met’ les pauvres à l’Hospice, les voleurs dans les prisons, les Arabes en Arabie et garder tout le pognon ! » (Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Et puis les femmes avaient des cris trop stridents, alors nous sommes partis. » (cf. la dernière phrase de la nouvelle « Crime dans la cité » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 74) ; « Pour imaginer au mieux l’état d’esprit du type écrivant, il faut se figurer une immonde et très grossière Salope. Vincent Garbo se propose de la nommer Carole. Carole la Monstrueuse. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 8) ; « Avec sa bouche d’anthropophage rouge carrosserie, ses cheveux façon perruque en nylon du Crazy Horse, elle aurait pu jouer dans une parodie porno de films de vampires. » (Jason, le héros homosexuel décrivant Varia Andreïevskaïa, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 56) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, le père homosexuel d’Henri (le héros qui feint l’homosexualité) traite Elsa, la copine de son fils, de « folle » : elle serait « une de ces tordues » qui va détourner son fils du « droit chemin de l’homosexualité ».

 

Pour le dramaturge argentin Copi, une femme, ça cancane, forcément ! (cf. le titre de la nouvelle « Les Potins de la femme assise », 1978) Ça tue aussi ! « T’as jamais rencontré une femme de ta vie, toi ? Une vraie femme, de celles qui te font cher jusqu’à la mort ? » (Daphnée dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi)

 

La femme est jugée maudite, quand bien même cette malédiction la rende soi-disant belle, désirable, forte : « Dalida, l’orchidée noire, la maudite, la veuve noire, le monstre à deux têtes, Luigi, Lucien, Richard, pris dans un lien inextricable. » (cf. la pièce Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) Par exemple, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018, Crunch, l’un des personnages homos, a cogné sa femme en lui faisant l’amour parce qu’il a vu en elle le visage du diable.

 
 

e) La misogynie en actes (Toutes des martyres !) :

Une telle vision de la femme n’est pas sans conséquence dans le comportement du héros homosexuel. La misogynie se traduit en actes. D’abord une distance : les femmes sont mises à distance, abandonnée. Par exemple, dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, Paul, le héros homosexuel, abandonne Mousse. Dans le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, Lena se fait pousser dans les escaliers. Dans le film « Un autre homme » (2008) de Lionel Baier, François brutalise Catherine et simule qu’il tire un coup de feu sur sa copine Christine. Dans le film « Il Compleanno » (2009) de Marco Filiberti, Francesca, la femme de Mateo, se fait écraser par une voiture après qu’elle ait découvert son mari au lit avec un homme. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), la langue de Laurent Spielvogel, le héros homosexuel, fourche : au lieu de dire l’expression « exécution des Bar Mitsvah », il dit « exécution des Miss ».

 

Film "The Gay Bed & Breakfast of Terror" de Jaymes Thompson

Film « The Gay Bed & Breakfast of Terror » de Jaymes Thompson


 

L’homosexuel fictionnel entraîne la FAP à la mort (cf. la tante d’Angelo dans le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault ; Marie qui se suicide après que Loïc l’ait espionnée et isolée des prétendants masculins avec qui elle aurait pu faire sa vie, dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, Amira Casar qui tente de se suicider dans le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat, etc.). Par exemple, dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas a viré sa cuti et avoue avoir « une ex suicidaire ».

 

Ensuite, le personnage homosexuel passe au viol, notamment en détruisant, par le passage à l’acte sexuel, le lien d’amitié qui l’unissait à la femme. « Ça fait combien de temps que tu la supportes, l’autre folle ? » (Philippe, le personnage homosexuel de la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier) Par exemple, dans le téléfilm « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve, Vincent, le héros homo, brise la virginité de sa meilleure amie Noémie, avant de se résigner à une homosexualité exclusive. Dans le film « Edge Of Seventeen » (1998) de David Moreton, Éric, le personnage homosexuel, embrasse sa meilleure amie Maggie avant de la laisser tomber. Dans le film « Eating Out » (2004) de Q. Allan Brocka, Joey a couché avec sa meilleure amie Gwen pour tester s’il était gay. Dans le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, Marianne, la FAP, est utilisée sexuellement puis jetée par Nicolas, le héros homo. Dans la pièce Son mec à moi (2007) de Patrick Hernandez, Daniel couche avec Nina pour découvrir qu’il est finalement gay. Dans le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, Carole sert de couverture sociale à son meilleur ami Laurent qui ne s’assume pas en tant qu’homosexuel ; ensuite, il la force plus ou moins à coucher avec lui pour tester sa propre « hétérosexualité », puis a une « panne » au lit. Dans la pièce Pas folle, le gay ! (2006) de Gianni Corvi, Fred teste son hétérosexualité avec sa meilleure amie avant de se découvrir « 100% homo ».

 

Très souvent, le personnage homosexuel impuissant finit par violer son idole féminine ou sa meilleure amie FAP (qui lui aura préalablement servie d’appât à mecs), pour se venger de sa faiblesse et de sa virilité blessée, ou bien parce que la femme convoitée ne se laisse pas posséder. « Toutes ces femmes dont il avait envie (bien que ce désir en soi lui fît horreur), jamais il ne pourrait les obtenir au moment même où il les voulait, c’est-à-dire tout de suite, car il faudrait d’abord trouver le moyen de leur être présenté, puis leur parler avec adresse, alors que dans son cœur il les méprisait. » (Emmanuel Fruges dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 169) ; « Mon plan consistait à passer une nuit avec toi. Cette nuit-là, je t’aurais baisée jusqu’à te fendre en deux. » (Victor à Helena, dans le film « Carne Trémula », « En chair et en os » (1997) de Pedro Almodóvar) ; etc. Par exemple, dans la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy, Sébastien l’homosexuel trahit sa meilleure amie Stéphanie parce qu’il lui avoue finalement qu’il veut la posséder pour lui tout seul.

 

J’étudie plus largement le thème du « Violeur homosexuel » dans le code du même nom, sur mon Dictionnaire des Codes homosexuels. La misogynie peut aller jusqu’à l’envie de meurtre ou le meurtre : « Vous ne savez pas le mal dont vous êtes capables. » (Amira Casar en parlant des hommes homosexuels, dans le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat) ; « J’t’attendais pour te violer. » (« JP », le héros homosexuel, en boutade à son amie Clara, dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, l’épisode 2 « Intuition féminine »)

 

Par exemple, dans le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar Benigno, l’infirmier homosexuel, viole sa patiente Alicia, qu’il a soignée pourtant apparemment avec sollicitude, et veillée comme une idole. Dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, Bruno tue la femme de Guy. Dans le film « ¿ Qué He Hecho Yo Para Merecer Esto ? » (« Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? », 1984) de Pedro Almodóvar, le flic impuissant viole Gloria sous la douche. Dans le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, João bat et défigure sa star-fétiche Victoria. Dans le film « Reflections In A Golden Eye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, Williams, le héros homosexuel, viole Leonora. Dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, Bosco tente de violer Angela. Dans le film « Psycho » (« Psychose », 1960) d’Alfred Hitchcock, Norman Bates tue Marion après l’avoir désirée et observée à travers les murs. Dans le film « Scandale aux Champs-Élysées » (1948) de Roger Blanc, Étienne assassine plusieurs femmes. Dans la pièce La Muerte De Mikel (1984) d’Imanol Uribe, Mikel l’homosexuel mord le clitoris de Begoña pendant son sommeil. Dans le film « J’ai pas sommeil » (1993) de Claire Denis, un homo psychopathe tue des vieilles dames. Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel, le personnage homosexuel, maltraite physiquement les femmes.

 

Film "Matador" de Pedro Almodovar

Film « Matador » de Pedro Almodovar


 

Dans les fictions homo-érotiques, on nous offre régulièrement des descriptions explicites de gestes de maltraitance opérés sur les femmes : « Ayez pitié d’une pauvre femme par-dessus vieille ! J’allume la boule. Vous la voyez votre petite Delphine pendue ? Monsieur, me dit-elle, je me sens mal. Mes sels ! Je la gifle. Je l’attrape par les cheveux, lui cogne le front contre la boule de cristal, elle râle, elle s’affaisse sur sa chaise, elle a une grosse boule bleue sur le front, un filet de sang coule de son oreille. En bas on entend le bruit régulier de la caisse, je regarde par la fenêtre, le boulevard Magenta est toujours le même. La vieille continue de râler, je l’étrangle, elle meurt assise. Je me recoiffe de mon peigne de poche, j’enfile mon imperméable. » (le narrateur homosexuel assassinant la voyante extra-lucide Mme Audieu, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 89) ; « Delphine est morte ! crie l’une, Madame Audieu est morte ! crie l’autre. L’une pendue, l’autre étranglée. » (idem, p. 91) ; « Qu’est-ce que je regrette de ne pas m’être débarrassé d’elle au début, ça aurait été facile de l’empoisonner au Pim’s lui mettant de l’arsenic dans son verre de vodka-orange, qui m’aurait soupçonné ? […] Aïe, ma mère, pourquoi m’as-tu fait si misogyne ! » (idem, p. 87) ; « Mimile ramasse une pierre et frappa la Reine des Hommes sur la tête jusqu’à ce que le sang inonde ses cheveux blancs et qu’elle roule par terre. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 65) ; « Son visage et ses beaux cheveux blonds étaient couverts d’excréments. » (le narrateur décrivant la belle Truddy, dans la nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978) de Copi, p. 33) ; « Il a poignardé Suzanne York. » (Stephany présentant Jonathan, homosexuel, à son ami Joe, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; etc.

 

Le héros homosexuel réserve bien souvent à la femme qu’il met en scène les pires sévices. Par exemple, dans le roman Vincent Garbot (2010) de Quentin Lamotta, le héros balance de l’acide chlorhydrique sur l’une de ses camarades de classe, Sophie, qu’il défigure (p. 64), et fait sa fête à Adrienne (« J’ai résolu de faire mourir Adrienne Toiture. Elle mourut culbutée par une auto. », p. 125). Dans le film « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, Dutrouz découpe en morceaux « Lola Lola » qu’il met dans une malle. Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, Álvaro choisit une drôle de manière de déclarer son amour à Octavia : il la frappe, la fait tomber, l’écrase contre les murs, la maltraite sauvagement ; Pedro fait de même, en ruant de coups Claudia avec sa guitare. Dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont, Sofia est la femme-tronc qui ressemble à un tableau de Picasso après un tragique accident de moto que son mari, qui a survécu, lui a infligé. Dans la mise en scène en 2010 de Florian Pautasso et Maya Peillon de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, le personnage de Daphnée se fait particulièrement maltraiter physiquement par les héros homosexuels : Jean la jette par terre, Luc lui hurle dessus, etc. Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afailal et Yannick Schiavone, les femmes sont souvent maltraitées verbalement et physiquement, y compris celles qui sont adulées : par exemple la vendeuse du resto japonais qui se fait insulter, la mère de Kévin (« Lâche-moi, la vieille !!! » râle Angelo en pointant son arme à feu sur elle), la figure de Carla Bruni harcelée, etc. Dans le film « Dressed To Kill » (« Pulsions », 1980) de Brian de Palma, un homme transsexuel M to F qui se déguise en blonde, tue des femmes blondes à la lame de rasoir pour leur ravir leur personne et leur sexe. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin), dans les vitrines du magasin de Joe, couturier homosexuel, les mannequins féminins ont les bras en croix, sont crucifiés comme des pin-up.

 

Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Jules, le héros homo, joue au départ l’affliction, le veuve endeuillée, par rapport à son ex-femme (« La femme de ma vie s’est tuée dans un accident d’avion il y a 7 ans. »), pour ensuite révéler la vraie nature de sa relation : « Je la haïssais. C’est une grosse merde. » Par ailleurs, il se comporte très mal avec les trois femmes qui l’entourent : il gifle Michèle, domine sexuellement Lucie, et traite Martine de « morue » : « Vous êtes des bêtes sauvages ! »

 

Le héros homosexuel reproche finalement à la femme tout ce qu’il lui fait… et qu’il ne devrait se reprocher qu’à lui-même…

 
 

f) D’où vient cette misogynie homosexuelle ?

Cela peut paraître complètement fou que tant de héros homosexuels, qu’on persuade d’être les meilleurs amis des femmes (et qui finissent par le croire !), soient aussi ignobles avec leur entourage féminin. Les motifs rationnels semblent même leur échapper ! « Pourquoi est-ce que je la tue ? Il doit y avoir une raison mais je ne me l’explique pas. » (le roi Ferrante parlant d’Inès de Castro, dans la pièce La Reine morte (1942) d’Henry de Montherlant)

 

Comment expliquer cette décharge de haine ?

 

La raison la plus évidente, mais aussi la plus insuffisante si on ne l’explique pas, c’est la peur de la sexualité. La misogynie du personnage homosexuel traduit certainement chez lui une angoisse (qui se déclinera parfois plus tard en révulsion) de la différence des sexes : « J’étais lâche avec les femmes. Et j’vais vous dire une chose : les femmes m’emmerdent ! » (Érik Satie dans la pièce musicale Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « J’te fais peur ? Tu voudrais me tenir dans tes bras pourtant. » (Chloé à Martin, le héros que tout le monde prend pour un gay, dans la pièce Scène d’été pour jeunes gens en maillot (2012) de Christophe Botti) ; « En fait, ils n’ont jamais compris ce qu’on était. Ils ont peur de nous comme les enfants ont peur du noir. En réalité, c’est qu’ils ont peur qu’elles ne leur appartiennent pas […] Sous prétexte de protéger les femmes d’elles-mêmes, pour conjurer le sort. » (Amira Casar en parlant des hommes homosexuels, dans le film « Anatomie de l’enfer » (2002) de Catherine Breillat) ; « Les amitiés particulières, c’est quand les filles nous font peur. » (cf. la chanson « Les Amitiés particulières » de Serge Lama) ; « Richard avait un grand respect du corps des femmes. Presque trop. Il avait toujours peur de faire mal. » (la compagne de Tanguy dans le film « L’Ennemi naturel » (2003) de Pierre-Erwan Guillaume) ; « J’espère qu’on aura un garçon, murmura-t-elle. Les filles sont trop vulnérables. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte s’adressant à sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 101) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder, Sherlock Holmes dit qu’il « se méfie des femmes ». D’ailleurs, la misogynie du héros homosexuel est toujours le signe d’un irrespect des femmes beaucoup plus global, social, hétérosexuel. Dans le film « Boygames » (2012) d’Anna Österlund Nolskog, deux meilleurs amis, John et Nicolas, âgés de 15 ans, sont intéressés par les filles mais redoutent la première expérience sexuelle, alors ils décident de s’entraîner d’abord entre eux.

 

Mais nous pouvons également lier la misogynie homosexuelle à l’inceste. Car en effet, elle est un mécanisme instinctif de résistance que le personnage homosexuel met en place pour gérer/étouffer tant bien que mal un inceste opéré par une mère abusive, une star de télévision indécente, une femme intrusive. Par exemple, dans le film « Maigret tend un piège » (1958) de Jean Delannoy, Marcel Maurin, homosexuel, tue des femmes car il est doté d’une mère castratrice.

 

Il est possible que la misogynie homosexuelle vienne aussi de l’excès de proximité du héros homosexuel avec les femmes de son entourage, y compris celles qu’ils présentent comme ses amies d’enfance ou ses « meilleures amies ». La fusion précoce et incestueuse avec le monde féminin, notamment dans l’enfance, entraîne en général une rupture progressive à l’âge adulte, une distance, un agacement : « Non que les études de lettres lui déplussent, ni la compagnie des filles, qui avaient toujours constitué la majeure partie de ses relations et amitiés ; mais l’absence de tout visage masculin sur qui poser son regard pendant les cours finissait par lui peser, et lui donnait parfois quelque accès de misogynie […]. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Cœur de Pierre » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 47)

 

En outre, je crois que la misogynie homosexuelle repose surtout sur le rapport réifiant et idolâtre (qu’on pourrait appeler aisément « fanatisme ») qui s’instaure entre les femmes et le personnage homosexuel. Aux femmes réelles, celui-ci leur préfère les femmes-objets, ces poupées qu’il peut manipuler, et vider du mystère qui lui fait tellement peur : « Jamais les femmes ordinaires ne donnent l’essor de notre imagination. Elles ne sortent pas de leur siècle. Aucune magie ne les transfigure. Rien en elles qui ne puisse pénétrer. Pas une qui soit mystérieuse. Toutes, elles ont le même sourire stéréotypé et les belles manières du jour. Elles sont claires et banales. Mais les actrices ! Oh ! Combien les actrices sont différentes ! » (Dorian Gray dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1983) d’Oscar Wilde, pp. 72-73) ; « Je n’aime Lucile que lorsqu’elle se tait. » (le juge Kappus, homosexuel planqué, parlant de sa propre femme, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 60) ; « Une actrice = une pute, c’est bien ce que je dis. » (Benjamin parlant à son amant Pierre, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade)

 

Film "Soudain l'été dernier" de Joseph L. Mankiewicz

Film « Soudain l’été dernier » de Joseph L. Mankiewicz


 

Dans les fictions, il n’est pas rare que le héros homosexuel se serve de la femme comme un objet. Par exemple, dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, Catherine est utilisée explicitement comme un « appât » par son cousin homosexuel Sébastien qui veut attirer à lui les prétendants. C’est aussi le cas des FAP des films suivants : « Le Bon Coup » (2005) d’Arnault Labaronne, « Boychick » (2001) de Glenn Gaylord, « Les Monstres » (1963) de Dino Risi, « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq, « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy (où Maxence tombe amoureux de son « idéal féminin » pour que de la femme qu’il aime), etc. Dans la pièce Les Amazones, 3 ans après… (2007) de Jean-Marie Chevret, Martine sert de couverture à Loïc. Dans la pièce Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Didier utilise sa cousine-FAP comme faire-valoir : « Tu es mon public ! » lui dit-il.

 

C’est cette confusion dans le cœur du héros homo entre femme réelle et femme-objet qui nous fait dire que l’acte de destruction de la femme n’est pas tant une démarche misogyne qu’une démarche iconoclaste. « Moi, Dalida, je l’ai éclatée, je l’ai fracassée. » (la figure d’Élie Kakou, homosexuel, dans le one-woman-show Sandrine Alexi imite les stars (2001) de Sandrine Alexi) Il y a comme un double mouvement d’adoration/destruction. Par exemple, dans le roman Las Locas De Postín (1919) d’Álvaro Retana, Rafaelito déteste les femmes alors qu’il passe son temps à les imiter.

 

Le personnage homosexuel se venge en réalité de sa propre prétention à se prendre pour un objet, pour un mythe : cf. le film « El Asesino De Muñecas » (« L’Assassin de poupées », 1975) de Michael Skaife, le film « Le Refroidisseur de dames » (1968) de Jack Smight, etc.

 

La femme-objet est livrée, comme la Reine du Carnaval, aux flammes et à la risée générale, pour, en intentions, prouver qu’elle est bien humaine et immortelle, et intellectuellement, pour prouver qu’elle n’est qu’un objet méprisable qui a capturé l’espace psychique désirant du héros : « Les filles, ça te prend la tête, ça ne te la rend plus. » (Lennon, le héros homosexuel de la pièce Scène d’été pour jeunes gens en maillot (2012) de Christophe Botti) ; « Je hais les majorettes. » (Madame H., travesti M to F, dans son one-(wo)man-show Madame H. raconte la saga des transpédégouines, 2007) ; « Nous pendouillerons Cher. » (les protagonistes homos parlant de la chanteuse Cher, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; «  Catherine D. est en chantier. » (l’humoriste Philippe Mistral se moquant de Deneuve, dans son one-man-show Changez d’air, 2011) ; « Moi, Dalida, je l’ai éclatée, je l’ai fracassée. » (la figure d’Élie Kakou s’adressant à sa star fétiche, dans le one-woman-show Sandrine Alexi imite les stars (2011) de Sandrine Alexi) ; « Jolie, crinière au vent, ses dessous dépassant de l’ouverture du fourreau pailleté, boitant sur une seule chaussure, traînant d’une main le renard, de l’autre son sac, elle le suivit sans rien dire. […] Son maquillage dégoulinait. Jolie de Parma, celle qui l’avait tant ému au cinéma ! réalisa-t-il tout d’un coup. Hier encore, vous étiez mon idole, mon idéal de femme. » (Silvano, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, pp. 22-23) ; « Chaque invité, après avoir déposé son cadeau dans le vagin flétri de la reine Rancie, devait s’agenouiller pour baiser l’anus royal, lequel avait mauvaise haleine. » (cf. la nouvelle « L’Apocalypse des gérontes » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 127)

 

Le mythe de la séduction féminine est mis à plat et sacralisé dans la noirceur camp. Par exemple, dans la nouvelle « La Mort d’un phoque » (1983) de Copi, Glou-Glou Bzz est une femme qui « sentait fort la morue et le gin » (p. 20). Dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, les épouses des rats mâles Gouri et Rakä, Iris et Carina, sont particulièrement pénibles : elles se comportent en vraies harpies, geignent tout le temps, ont mauvais caractère, se plaignent de migraine, tombent enceintes, et font chier tout le monde (p. 137).

 

La destruction du mythe de l’Éternel Féminin trouve in extremis ses lettres de noblesse dans la figure non moins misogyne de la Diva Camp horrorifique ou du personnage de l’affreux transsexuel gothique. Par exemple, dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, le Coryphée est un homme travesti avec une perruque tombante, une canne, un maquillage coulant, un déguisement féminisé volontairement rebelle et raté. Dans la comédie musicale Le Cabaret des hommes perdus (2006) de Christian Siméon, la grande diva interprétée par Denis D’Archangelo est fortement handicapée, bardée de prothèses à la jambe, et se déplace avec une béquille… un peu comme Sarah Bernhardt avec sa jambe de bois. Dans sa pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011), Jérémy Patinier a choisi de faire jouer une Marilyn Monroe – appelée « Lourdes » – version hippopotame de « Fantasia » : « Eh oui ! Même Marilyn faisait caca. Ça casse le mythe ! » déclare la comédienne bien en chair, qui suppliera à son public qu’il la viole (« Fouettez-moi, battez-moi ! »). Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1985) de Copi, Vicky Fantomas est une femme avec une cicatrice sur la joue gauche, et une attelle à la jambe : elle a été victime d’un attentat au drugstore (peut-être qu’elle-même portait la bombe). La féminité détruite est l’icône identificatoire préférée des personnes homosexuelles misogynes.

 

La femme détruite et incarnée par le héros homosexuel est en fait un personnage, un rôle, et non la vraie femme sexuée. C’est un androgyne interlope que tous peuvent incorporer (il suffit de le désirer et de le singer) : « Je suis bisexuelle. Bisexuée. Je porte les deux sexes. J’ai été envoyé par des extra-terrestres. […] N’oubliez jamais ça : en chacun d’entre vous sommeille une mémé comme moi. » (Mémé Huguette, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Oui, moi aussi, je suis comme vous. Je suis une pute. Je suis une pute. Comme vous. » (Jules, le héros homosexuel s’adressant à ses deux comparses Michèle et Martine – l’une est actrice, l’autre est prostituée de profession – dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) La femme-salope est au fond un fantasme asexué et hypersexué. C’est pourquoi la misogynie homosexuelle peut tout à fait prendre la forme de l’homophobie dans certains cas. Par exemple, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Engel traite tout le temps son futur amant Marc, initialement hétérosexuel, de « gonzesse » pour le dévaloriser et le faire basculer dans l’homosexualité.

 

Finalement, on voit que le héros homosexuel hait la femme de l’avoir trop aimée, de l’avoir transformée en fantasme hypersexué et asexué : « Elle que j’ai eu le malheur d’aimer à outrance. » (Didier, le héros homosexuel, par rapport à son ex-copine Yvette, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Il me respecte. Presque trop… […] Je ne veux pas anticiper… mais j’ai très peur pour ma féminité. » (Catherine par rapport à son mari homo Jean-Paul, dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor) ; etc. Il l’a traitée comme une déesse et comme une merde, l’a détruite pour prouver qu’elle était toute-puissante, l’a adulée puis massacrée… mais pas aimée telle qu’elle est : fragile, accessible, humaine, aimante.

 

Derrière ce lynchage verbal/physique misogyne se cache justement la jalousie du personnage homosexuel qui reproche aux femmes de ne pas être lui. « J’aimerais être une femme parfois. Je suis jaloux de tes orgasmes. J’vois bien que l’intensité du plaisir est plus forte chez toi. J’ai entendu dire que la femme jouissait huit plus que l’homme. » (Jupiter s’adressant à Junon, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré)

 
 

g) La misogynie des femmes lesbiennes envers les femmes : si si, elle existe ! On PEUT être contre soi-même

Nous aurions tort de penser que la misogynie a un sexe. La haine des femmes, on a maintes fois l’occasion de le vérifier dans les fictions traitant d’homosexualité, est exprimée autant par les personnages masculins gays que par les héroïnes lesbiennes. Le même rapport idolâtre – et donc jalousement destructeur – avec les femmes réelles, confondues avec les femmes-objets, est observable côté lesbien ! « J’en ai marre de ces femmes ! Où est le revolver ? » (Leïla dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « C’est des vraies salopes, ces femmes ! » (Fougère, op. cit.) ; « J’en ai marre de toutes ces femmes ! » (la psy dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Il faut avoir beaucoup de patience avec les femmes, n’est-ce pas ? et ne jamais croire un seul mot de ce qu’elles vous disent. » (la voix narrative lesbienne du roman La Dame à la Louve (1904) de Renée Vivien, p. 22) ; « Je lui ai arraché les yeux pour m’en faire un bilboquet. » (Doris, l’héroïne lesbienne parlant de sa rivale Truddy, l’actrice blonde, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; etc. Par exemple, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Heïdi, l’héroïne lesbienne, traite toutes les femmes de « dindes ». Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Fanny, l’héroïne lesbienne, aurait préféré un chihuahua plutôt qu’une femme comme colocataire.

 

Dans les phrases misogynes des héroïnes féministes (et parfois lesbiennes), pourtant en théorie pro-femmes, l’agression plaintive se mêle au constat fataliste… et on ne sait pas trop démêler les deux : elles se plaignent et pourtant donnent raison, dans la citation mimétique/ironique de leurs « ennemis les hommes », à leurs fantasmes auto-dévalorisants : « On est toutes des salopes pour les hommes ! » (Léa dans la pièce Scène d’été pour jeunes gens en maillot (2012) de Christophe Botti) ; « J’oublie que je ne suis qu’un ventre reproducteur. » (la voix narrative du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 142)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La misogynie homosexuelle en mots :

À de nombreuses reprises (même si cela est très inconscient), l’homosexualité est montrée comme un moteur privilégié de la misogynie ou de la misandrie (haine des hommes : je traite plus amplement de celle-ci dans le code « Parricide la bonne soupe » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Ce drame a pour base la haine de la femme… » (Jean-Louis Chardans parlant de l’homosexualité, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 72) Et pour cause ! Si, sur la photo des manif’ des années 1970, nous voyons la communauté homosexuelle et les féministes marcher main dans la main, la réalité de leur association est beaucoup moins chantante (l’a-t-elle vraiment été un jour, d’ailleurs ?). Comme l’exprime crument mais lucidement Éric Zemmour dans son essai Le Premier Sexe (2006) : « Au fil du temps, les femmes sont devenues les otages des homosexuels. Elles ont lié leur sort à celui de leurs ennemis. » (p. 24)

 

La misogynie est une pratique courante dans la communauté homosexuelle. Elle a été exprimée ouvertement par des personnalités telles que César Lácar, Thomas Bernhard, Kitchener, Marcel Jouhandeau, Oscar Wilde, William Shakespeare, Henri de Montherlant, Sade, Pierre de Coubertin – qui refuse les « Olympiades femelles », selon sa propre formulation –, Yukio Mishima, André Gide, le Marquis de Vauvenargues, Jean Cocteau, John Shear, etc. « J’espère que vous êtes comme moi. J’ai horreur des femmes. Je n’aime que les garçons. » (Oscar Wilde à André Gide, cité dans l’article « L’Immoraliste et le ‘King of Life’ » de Claude Martin, sur le Magazine littéraire, n°343, mai 1996, p. 38) ; « Je méprisais les filles : comment pouvait-on comparer les corps doux, mous et bulbeux de ces créatures bêtes et inconsistantes à la beauté musculaire du corps masculin ? Leur place était au harem d’où elles n’auraient jamais dû sortir ; le vrai amour, l’amour sur un pied d’égalité et avec une compréhension mutuelle, se donnait uniquement entre hommes. » (J. R. Ackerley, Mon Père et moi, 1968) ; « C’est horrible ce que je vais dire, mais je pense que la femme est inférieure à l’homme. Elle n’a pas la même intensité. Le yin et le yang, tout ça… » (Guillaume Dustan, l’écrivain homosexuel, dans l’émission de Patrick Buisson traitant du « communautarisme gay », sur la chaîne LCI en 2003) ; « Ce qui est rejeté, c’est le genre féminin dans sa globalité. » (Sébastien Carpentier, lors de sa conférence au Centre LGBT de Paris, à l’occasion de la sortie de son essai sociologique Délinquance juvénile et discrimination sexuelle en janvier 2012) ; « J’ai horreur de moi parlant à une femme. » (Drieu La Rochelle) ; « Malheur à l’homme qui succombe à la femme ! Malheur à la civilisation qui se livre aux femmes ! … Les femmes rêvent toujours de posséder l’homme en entier. Cette trappe vers le néant, qui se cache derrière chacune d’elle, réclame sa victime… L’homme de la confrérie ne peut sombrer car il engage le meilleur de lui-même dans l’homme. » (Hans Blüher cité dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 145) ; « Je suis persuadé d’être homosexuel. J’ai fréquenté de nombreuses femmes. Sans plaisir particulier, il est. Cela m’a valu trois chaudes-pisses que j’ai considérées par la suite comme le châtiment de la nature pour des relations contre-nature. Aujourd’hui, toutes les femmes me font horreur, et, plus que toutes, celles qui me poursuivent de leur amour ; elles sont malheureusement très nombreuses. En revanche, j’aime ma mère et ma sœur, de tout mon cœur. » (lettre de Ernst Röhm, à 42 ans, le 25 février 1929) ; « Les femmes ne devraient jamais régner. » (la Reine Christine, pseudo « lesbienne », dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; etc. Par exemple, Serge de Diaghilev (1872-1929), le fondateur des fameux Ballets russes, interdisait à ses danseurs de sortir avec des femmes : « Pas de femme ! Pas de femmes : La fatigue sacrée de la danse doit chasser les tentations mauvaises. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 197)

 

Un certain nombre de personnes homosexuelles (il suffit de les écouter, ou qu’elles prêtent elles-mêmes attention à ce qu’elles racontent) considèrent les femmes comme des godiches, des bourgeoises sans cervelle, ou bien des caricatures de féminité fatale/violée… tout cela pour les mettre concrètement à distance, et mentalement sur un piédestal. « Le corps des femmes ne m’excite guère plus que n’importe quel autre objet de première nécessité et d’usage quotidien. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « Si j’aimais les femmes, j’en verrais davantage. » (idem) Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, on apprend que Yves Saint-Laurent, le couturier, a viré comme une malpropre son ancienne mannequin-égérie, Victoire : « Tu n’es belle que sophistiquée. […] Avec des cheveux comme ça, on dirait une souillon. Tu es d’une vulgarité, ma pauvre, c’est effarant. […] Laissez-la partir. Son style, ce qu’elle est, c’est déjà dépassé. » Les paradoxes inattendus de l’idolâtrie/jalousie…

 
 

b) Toutes des guenons !

Il arrive même que les femmes soient comparées à des êtres laids, des cruches décervelées, et même des singes ! « Les femmes valent moins que des guenons. » disait le cinéaste homosexuel français Michel Simon.

 

DESTRUCTION Singe

 

Aussi surprenant et insultant que cela puisse paraître, la femme-singe est un archétype de la fantasmagorie homosexuelle. Elle peut renvoyer au reflet narcissique monstrueusement déformé par l’eau, par exemple : cf. l’autobiographie Le Ruisseau des singes (2000) de Jean-Claude Brialy. C’est une interprétation possible.

 

Cette animalisation de la femme est parfois aussi une vengeance secrète réservée à une incestueuse famille, réelle ou symbolique, où la différence des sexes n’a pas été respectée (le père a exploité la mère comme une guenon, ou bien a été considéré comme un singe par la mère) : « Le soir, j’étais souvent réveillé par un bruit métallique, un grincement qui augmentait peu à peu. Je croyais qu’un tramway s’était arrêté en face de chez nous et qu’il ne parvenait plus à démarrer. Le conducteur essayait en vain et son véhicule avançait et reculait de quelques mètres, dans un rythme qui devenait effréné, frénétique. C’était comme si voyageaient dans le tramway un singe et son dompteur. Je pouvais entendre les cris hystériques du singe, la voix rauque du dompteur, qui dialoguaient. D’abord ils se disputaient, ensuite ils élevaient la voix, ce n’étaient plus des mots : c’étaient des râles, des soupirs. Il y avait aussi les hurlements du singe très aigus. L’étonnant, c’est que tout s’arrêtait d’un coup. On n’entendait jamais le tramway repartir. D’ailleurs, il n’y avait pas de tramway qui passait devant chez nous. L’eau coulait dans la salle de bains. Au bout de quelques années, tu m’as dit : ‘C’étaient tes parents.’ » (Alfredo à sa grand-mère dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, pp. 153-154)

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

La figure de la femme-singe peut même être une analogie injurieuse recherchée par les personnes homosexuelles elles-mêmes ! Par exemple, le documentaire « Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse, la mandarine » (2009) de Marion Cajori et Amei Wallach nous montre justement les féministes du mouvement Guerilla’s Girls déguisées en femmes-macaques au Musée Guggenheim.

 

En outre, beaucoup d’individus homosexuels ou gay friendly, soucieux de défendre la normalité « naturelle » de leur désir et de leurs actes amoureux, comparent les comportements homosexuels à ceux des singes, entre autres les bonobos : « On a observé un comportement homosexuel chez 13 espèces appartenant à 5 ordres de Mammifères (Beach, 1968). En voici quelques exemples. Il se produit chez la truie, la vache, la chienne, la chatte, la lionne et les femmes du singe Rhesus et du Chimpanzé. » (cf. l’article « Les Facteurs neuro-hormonaux » de Claude Aron, dans l’ouvrage collectif Bisexualité et différence des sexes (1973), pp. 161-162)

 

Certaines icônes de la communauté homosexuelle ont, de leur vivant, aimé s’entourer de singes : on peut penser à Mylène Farmer et ses chimpanzés, à Joséphine Baker l’amie des singes (le singe Binki fut l’un de ses nombreux protégés), etc.

 

Dans l’expression « femme singe », il faut surtout reconnaître qu’il y a « femme singée », caricaturée, cinématographique, hypersexuée. On voit que la résurgence symbolique de la femme-singe correspond tout simplement à la femme-objet, à la femme-potiche, à l’individu homosexuel, travesti, transsexuel : « La fille qui enseigne le dessin est un vrai singe : le visage couvert de poils. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 133) ; « Tola levait la jambe, marchait à quatre pattes pour imiter un singe, puis sortit brutalement une poupée en tissu qui reproduisait grossièrement sa silhouette. » (idem, pp. 305-306) ; « Entre-temps, Tola avait entrepris son final, enveloppée dans une étole de vison. Elle aimait toujours présenter ses légendaires fourrures. » (p. 307) ; « La deuxième partie du programme montrait la vie quotidienne chez les Ricardo, une famille de chimpanzés. » (idem) Par exemple, dans la biographie La Véritable Joséphine Baker (2000) d’Emmanuel Bonini, Joséphine Baker est comparée à un « singe qui aurait fait de la gymnastique suédoise » (p. 45).

 
 

c) Toutes des putes !

Les femmes réelles ont le malheur d’être fragiles, de ne pas être des Superwomen… ce qui attise chez un certain nombre de personnes homosexuelles une déception et une méfiance croissantes à leur égard. La femme, jadis désincarnée en vierge, finit, parce qu’elle est incarnée, par être traitée de prostituée, de femme impure, de putain : « Sale pute. » (Christophe Honoré à propos de Fanny, la femme avec qui il vient de coucher, dans l’autobiographie Le Livre pour enfants (2005), p. 30) ; « J’ai d’abord imaginé que je lui faisais l’amour, à elle, Sabrina, sachant qu’une pareille image ne pouvait pas me faire bander. Puis j’ai imaginé des corps d’hommes contre le mien, des corps musclés et velus qui seraient entrés en collision avec le mien, trois, quatre hommes massifs et brutaux. J’ai imaginé des hommes qui m’auraient saisi les bras pour m’empêcher de faire le moindre mouvement et auraient introduit leur sexe en moi, un à un, posant leurs mains sur ma bouche pour me faire taire. Des hommes qui auraient transpercé, déchiré mon corps comme une fragile feuille de papier. J’ai imaginé les deux garçons, le grand aux cheveux roux et le petit au dos voûté, me contraignant à toucher leur sexe, d’abord avec mes mains puis avec mes lèvres et enfin ma langue. J’ai rêvé qu’ils continuaient à me cracher au visage, les coups et les injures ‘pédé’, ‘tarlouze’ alors qu’ils introduisaient leur membre dans ma bouche, non pas un à un mais tous les deux en même temps, m’empêchant de respirer, me faisant vomir. Rien n’y faisait. Chaque contact de Sabrina avec ma peau me ramenait à la vérité de ce qui se passait, de son corps de femme que je détestais. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 193) ; etc.

 
 

d) Toutes des diablesses !

Chez beaucoup de personnes homosexuelles (surtout gays, mais pas uniquement), le dégoût des femmes semble presque épidermique : « J’avais vite compris que Liane était une fille extrêmement jalouse : une vraie tigresse cette nana ! Sa paranoïa m’excédait ; j’étais constamment épié et cela m’exaspérait. » (Ednar, le personnage homosexuel ayant tenté de sortir avec une femme, dans le roman semi autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 157) Je l’ai beaucoup observé et entendu chez mes amis homosexuels, hommes et femmes confondus.

 

Pour ma part, ce dégoût physique pour les femmes, je ne le méprise pas… Au contraire. Je ne le justifie pas, mais je le comprends complètement puisque je le ressens aussi en moi, de manière inexplicable, dans mon corps et dans mon cœur. Il me dépasse pour l’instant. Comme une blessure énigmatique, invisible mais réelle. Les femmes, même si je les trouve belles, ne sont pas, à mes yeux, désirables. Je les trouve sensuelles à distance, à partir du moment où elles ne me touchent pas et n’éprouvent pas de sentiments amoureux à mon encontre. Dès qu’elles s’approchent ou jouent la séduction, je débande, me glace. Et leurs tentatives de proximité excessive m’exaspèrent, me dégoûtent, et surtout me laissent complètement indifférent. C’est très étrange. Je vois les femmes, c’est vrai (et c’est terrible) comme des êtres collants, ventouse, un peu pieuvre, et j’en suis le premier navré, car l’effet repoussoir, même si je me refuse à le définir comme uniquement physiologique, a pourtant tout l’air d’être naturel et imposé par des lois antérieures à ma conscience de mon attrait physique pour les hommes.

 

Pour revenir aux personnes homosexuelles en général, j’ai l’impression que, de leur point de vue, La beauté de la femme n’est pas envisagée comme une force fragile, mais bien comme une arme redoutable, qui soumet et assigne un cruel destin. Pour beaucoup d’entre elles, une vraie femme belle est une femme jalouse, fuyante, dangereuse, peste, voleuse, bavarde, bruyante, intrusive, curieuse, parlant pour ne rien dire ou pour médire, séductrice, maléfique, manipulatrice. Par exemple, dans son roman L’Hystéricon (2010), Christophe Bigot se centre souvent sur les femmes manipulatrices, diaboliques, capricieuses, inaccessibles.

 

Dans l’esprit d’un certain nombre de personnes homosexuelles, la féminité se réduit à la possessivité de la mère cinématographique étouffante : une femme, ça cancane, forcément ! ça jalouse ! ça tue aussi ! La femme est jugée maudite, quand bien même cette malédiction la rende soi-disant belle, désirable, forte.

 

Par exemple, Marc Cherry, le créateur homosexuel de la série Desperate Housewives (2004-2012), en même temps qu’il propose des portraits diversifiés de (sa vision de) l’émancipation de la femme, caricature très négativement les femmes en croqueuses d’hommes, en bourgeoises réactionnaires, en femmes hystériques, etc. D’ailleurs, en ses fonds, l’idée originale de la série s’appuie sur un fait divers glauque, où la féminité est dangereuse : Marc Cherry explique en effet qu’il s’est inspiré en 2002 de l’infanticide qu’une femme, Andrea Yates, a opéré sur ses cinq enfants qu’elle a noyés dans une baignoire…

 
 

e) La misogynie en actes (Toutes des martyres !) :

DESTRUCTION Menottes

Film « Mathilda Paradeiser » de Lisa Aschan


 

Une telle vision de la femme n’est pas sans conséquence dans le comportement des personnes homosexuelles. La misogynie se traduit en actes. D’abord une distance : les femmes sont laissées de côté en amour, et, par une logique compensatoire, on leur décerne quand même le trophée précaire et aléatoire de « meilleures amies ».

 

La misogynie peut aller jusqu’à l’envie de meurtre, ou carrément l’assassinat : « Je hais les femmes, il n’y a que des esprits malins qui tirent de ce dégoût de quoi me faire plusieurs crimes… » (le Marquis de Vauvenargues, Maximes posthumes, 1746) ; « Je l’ai frappée. Je l’ai saisie par les cheveux et j’ai claqué sa tête contre la tôle du car du collège qui stationnait là, avec violence, comme le grand roux et le petit au dos voûté dans le couloir de la bibliothèque. Beaucoup d’enfants nous voyaient. Ils riaient et m’encourageaient, ‘Vas-y défonce-la, défonce-lui la gueule.’ Amélie qui pleurait me suppliait d’arrêter. » (Eddy Bellegueule, le garçon homosexuel efféminé, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 106) ; etc. On connaît les violences conjugales que des Paul Verlaine ou des Nijinski ont infligé à leur femme. « Nijinski avait déjà frappé sa femme, allant même jusqu’à la pousser violemment dans l’escalier de la villa. » (Christian Dumais-Lvowski, dans l’avant-propos de Vaslav Nijinski, Cahiers (1919), p. 11) Je vous renvoie à mon étude plus approfondie du meurtre de la femme dans les codes « Matricide », « Violeur homosexuel », et la partie sur la « Prostituée tuée » dans le code « Prostitution », de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Finalement, on se rend compte que les personnes homosexuelles misogynes reprochent à la femme tout ce qu’elles lui font (iconographiquement/concrètement)… et qu’elles ne devraient se reprocher qu’à elles-mêmes…

 
 

f) D’où vient cette misogynie homosexuelle ?

Cela peut paraître complètement fou que tant d’individus homosexuels, qu’on persuade d’être les meilleurs amis des femmes (et qui finissent par le croire !), soient aussi ignobles avec leur entourage féminin. Les motifs rationnels semblent même leur échapper !

 

Comment expliquer cette décharge de haine ?

 

Il est important de souligner, avant de commencer mon listing d’hypothèses, que, même si elle est très marquée dans les rangs homosexuels, la misogynie n’est évidemment pas exclusivement homosexuelle. D’un point de vue extérieur, à bien des égards, ce code pourrait sembler un peu impitoyable et accablant pour l’ensemble des personnes homosexuelles. Mais à leur décharge, j’aimerais dire qu’il ne faudrait pas leur jeter trop vite la pierre : d’une part, leur misogynie est toujours le signe d’un irrespect des femmes beaucoup plus global, social, hétérosexuel ; d’autre part, elle est bien souvent un mécanisme instinctif de résistance (une résistance bien légitime) mis en place pour gérer/étouffer tant bien que mal un inceste opéré par une mère abusive, une star de télévision indécente, une femme intrusive : « Au départ de presque toutes ces lamentables existences, il y a les mères. Les petites vies étriquées de ces êtres qui vivent à deux ou se contentent des sordides aventures d’urinoirs sont les résultats de la bonne éducation, les fruits de leçons trop bien suivies sur la crainte du péché, les dangers de la femme, tout ce qui fait la honte d’une religion mal comprise. Cette haine de la femme et cet excessif attachement à la mère, je les ai connus et je sais qu’ils peuvent, par instants, atteindre à la véritable névrose. Encore aujourd’hui, je ne suis pas tout à fait habitué à l’absence de ma mère et, lorsque je suis loin d’elle, je cherche à la joindre par téléphone et lui écrits tous les jours. C’est elle, cependant, qui est en grande partie responsable de mon état misérable, par la façon dont elle m’a obligé à vivre constamment dans son sillage. » (Jean-Luc, homosexuel, 27 ans, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 104) ; « La fixation haineuse ou crainte vis-à-vis de sa mère devient, par suite du sentiment de culpabilité, de l’amour et le malade transfère la haine qu’il avait pour sa mère sur les femmes dont, en réalité, il a peur. L’impression de domination, acceptée de sa mère, devient, devant les femmes, un sentiment de révolte, de haine et de dégoût. Très souvent même, d’angoisse. Ces observations expliquent l’exécration des homosexuels à l’égard des femmes. Bien des observateurs ont remarqué qu’une grande partie des homosexuels avait été élevée dans des pouponnières ou au contact exclusif des femmes. Devenus par le caractère des femmes, ils en sont des rivaux et, tout naturellement se comportent comme tels. » (Jean-Louis Chardans, op. cit., p. 107) ; etc.

 

La raison la plus évidente de l’existence de la misogynie proprement homosexuelle, mais aussi la plus insuffisante si on ne s’en tient qu’à elle seule, c’est la peur de la sexualité, angoisse qui se déclinera parfois plus tard en révulsion : « Je faisais croire que j’étais branché sur les filles ! En réalité, elles me faisaient très peur. Dès qu’elles étaient trop proches, je reculais. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), pp. 29-30) ; « Sur le plan de l’amitié, je m’entends très bien avec les femmes. Je les considère comme des êtres précieux, intouchables, c’est le cas de le dire en ce qui me concerne. Un je-ne-sais-quoi en elles me fait peur, je ne sais pas comment m’y prendre et je sens bien que je ne les rendrai pas heureuses, et que je ne serai pas à la hauteur. » (idem, p. 41) ; « Une fille, après tout, ça ne sert à rien et ça ne fait que se plaindre. D’un autre côté, elle me fait peur. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 9) ; « J’ai eu quelques relations sexuelles avec des filles. J’ai essayé avec une fille vers 22 ans : je n’ai pas réussi à être en érection donc pas de pénétration. À 28 ans, je sors à la mer avec une fille. Le premier soir, c’est la panne assurée. Ensuite en réessayant avec elle et en me disant que j’étais un homme, j’ai réussi à être en érection correcte et à me dépuceler. Mais pas une érection pleine, comme si la douceur d’une femme m’effrayais, y’avait un jugement, une pression de performance et de fragilité accompagnée d’insécurité pour ma part. Comme si mon énergie est une énergie féminine. Mon énergie masculine est quasiment inexistante, et deux énergies féminines ne peuvent s’unir. Je suis sorti il y a un mois avec une fille mais elle n’a pas aimé ma manière de faire l’amour. Comme si je l’avais violée dans son être. Elle me disait que y’a eu aucune douceur comparé aux autres garçons et que je ne pensais qu’à moi. Comme si le fait de la sauter était primordial. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) ; etc.

 

La misogynie homosexuelle dit surtout un rejet de la différence des sexes dans son ensemble, de la sexuation, et du Réel, bref, une misanthropie et une haine de soi reportée sur les autres : « J’aime pas les filles. J’aime que les garçons. » (Pascal lors du débat « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s », organisé le samedi 10 octobre 2009, à la Salle des Fêtes de la Mairie du XIème arrondissement de Paris) ; « Misogynie ? Mettons que je sois très sensible à un certain côté étroit et borné, superficiel et pesamment matériel tout ensemble, chez la plupart des femmes. […] Le mot misanthropie me semblerait plus juste, dans le découragement qu’il implique vis-à-vis des êtres humains quel que soit leur sexe, et souvent sans s’excepter soi-même. » (Marguerite Yourcenar, Le Coup de grâce, 1938) ; « Pour Michel Ange, la femme était contre nature. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 185)

 

La misogynie homosexuelle est aussi une rébellion (mal gérée) face aux menaces de réification, aux privations de liberté, aux viols, aux lois du marché capitaliste : « Après, toutes les nanas, je les prenais pour des choses bizarres, elles avaient des choses que je trouvais superflues, des passions complètement débiles : le vernis à ongle. » (Gaëlle, femme lesbienne de 37 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 57)

 

L’exclusion des femmes dit également une conscience identitaire déplacée, un orgueil mal placé, une jalousie inavouée : « Quand les hommes critiquent les femmes, cela vient souvent de leur dépit de n’avoir pas la possibilité d’être eux-mêmes une femme. » (cf. l’article « Le Complexe de féminité chez l’homme » de Félix Boehm, dans l’ouvrage collectif Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 444) ; « La jalousie des hommes à l’égard des femmes n’est ni plus rare, ni moins profonde que celle des femmes à l’égard des hommes, mais elle est moins bien reconnue et comprise. » (Mélanie Klein, Joan Riviere, L’Amour et la haine (1936) ; « On reconnaît les homosexuels masculins au mépris qu’ils professent pour la femme en général (très souvent en proportion de leur manque de virilité propre). » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 260) ; « Je ne suis pas née dans le bon corps et j’ai toujours su que j’étais une femme. Je n’étais pas dans le bon corps. J’étais jalouse des filles. » (Kellie Maloney, homme transsexuel M to F, et ex-manager de Lennox Lewis, interviewé dans cet article de la revue Têtu) ; etc.

 

Il est possible que la misogynie homosexuelle vienne de l’excès de proximité avec les femmes, y compris celles qui sont présentées comme des amies d’enfance, des « meilleures amies », d’adorables substituts maternels. La fusion précoce et incestueuse avec le monde féminin, notamment dans l’enfance, entraîne en général une rupture progressive à l’âge adulte, une distance, un agacement, une déception. Les femmes ont eu le malheur d’être fragiles, de ne pas être des despotes, et certains individus homosexuels ne le leur ont pas pardonné : « C’est ça que je n’aime pas chez la femme : c’est cette fragilité. » (Alain, un témoin homosexuel dans le reportage « Jeune homme à louer » (1992) de Mireille Dumas) Par exemple, dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, on érige en déesses les « scums », à savoir la nouvelle race de « femmes indépendantes, arrogantes, dominantes, violentes, qui s’estiment faites pour régner sur l’univers » ; en revanche, « les gentilles fillettes, passives, soumises, ternes, cultivées, dépendantes, au ‘caractère mâle’, mariées, connes » sont mises plus bas que terre.

 

En outre, je crois que la misogynie homosexuelle repose surtout sur le rapport réifiant et idolâtre – qu’on pourrait appeler aisément « fanatique » – qui s’instaure entre les femmes et le sujet homosexuel. Aux femmes réelles, celui-ci leur préfère en général les femmes-objets, ces poupées qu’il peut manipuler, et vider du mystère qui lui fait tellement peur. Si l’on en vient à rejeter la femme, c’est surtout parce que l’on fait la confusion (non intellectuelle… encore que… mais surtout la confusion dans l’intimité du cœur) entre fiction et réalité, entre intentions et actes : « Il nous faut d’abord tuer le mythe de la femme. » écrit par exemple Monique Wittig dans son pamphlet La Pensée Straight (1979-1992).

 

En effet, la misogynie homosexuelle se traduit paradoxalement par une sacralisation de la femme et une tentative de réification de celle-ci. Un certain nombre de créateurs homosexuels prouvent d’ailleurs régulièrement qu’ils tentent de transformer les femmes en bibelots pour les garder pour eux seuls : « La mode et la décoration restent leurs deux plus grands fiefs : ce sont eux qui, par haine de la femme, la coiffent en éphèbe, la vêtent en sac de pralines ou en cylindre de drap et la couronnent de n’importe quel échafaudage de paille ou de feutre. Dans ces ‘créations’, au travers de ces élucubrations, que chaque femme est obligée d’interpréter considérablement si elle ne veut pas perdre le sommeil à sa propre vue, on perçoit la jalousie du pédéraste devant cette créature qu’il voudrait intensément imiter. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 20) ; « La nature féminine se transforme sous le crayon des créateurs de mode. […] Ils entraînent l’humanité consentante vers des corps de femmes sans seins ni fesses, sans rondeur ni douceur, des corps de mec, longs et secs. Ce sont leurs fantasmes que les créateurs de mode imposent à l’humanité, leurs fantasmes d’homosexuels (puisque l’énorme majorité d’entre eux le sont), qui rêvent davantage sur le corps d’un garçon que sur celui d’une femme. […] Aujourd’hui, les jeunes filles, toujours au bord de l’anorexie, se fabriquent un corps de garçonnet pour plaire à des créateurs homosexuels qui n’aiment pas les femmes, qui les considèrent comme de simples ‘portemanteaux’, et les terrorisent pour quelques grammes de trop. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), pp. 19-20)

 

Aux femmes réelles, beaucoup de personnes homosexuelles leur préfèrent les femmes-objets, ces femmes dont elles peuvent se servir, puis jeter une fois usées, des hommes à la féminité caricaturale et forcée : « Des transsexuelles me prirent sous leur coupe, persuadées qu’elles avaient la solution à mon chagrin. Amour divin, amour profane, nous entretenions les sentiers d’une relation juste et sensible. Mais, ces ébats qui ne me procuraient aucun plaisir, ne faisaient qu’aggraver le trouble existant de la scène de violence vécue avec mon frère. Cette scène qui me hantait et réveillait ces horribles douleurs au ventre. Et puis pour moi, c’était des filles ; et les filles, franchement, ne m’attiraient pas. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 119) ; « Plus le temps passe, plus je trouve Natacha collante. Je suis juste content d’être avec elle quand nous allons en boîte et que tout le monde la regarde avec envie. […] Natacha, la blonde pulpeuse à robe blanche, […] c’est juste un faire-valoir. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 111) ; « J’avais des couvertures. J’avais beaucoup de filles qui venaient à la maison. » (Denis, un témoin homosexuel, dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 68) La femme est utilisée comme une couverture, un appât, une « bonne copine » qui tient compagnie : on ne lui donne pas de rôle valorisant. « Laura, c’est ma copine la dodue qui vient me voir, elle est gentille. » (Kamel dans l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli, p. 67) ; « C’est ma voisine Ariane. Elle est folle. » (André à son amant Laurent, dans le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; etc. L’expression « Fag-Hag », traduction de « fille à pédés » en anglais, si on la traduit littéralement, signifie « vieille sorcière de pédales », ce qui n’est évidemment pas très flatteur… L’union entre le sujet homosexuel et la FAP est souvent une union de misère(s) fondée sur des échecs amoureux successifs, une union d’intérêts individuels, une fascination pour le viol : « Le monde de mon enfance était un monde peuplé de femmes abandonnées. » (Reinaldo Arenas, Antes Que Anochezca (1992), p. 20)

 

Plus une femme est médiatisée, connaît un destin tragique, un succès fulgurant et malheureux, plus elle a des chances d’être élue une icône gay ! Cela se vérifie presque à tous les coups. Les femmes auréolées par les personnes homosexuelles se sont parfois fait avorter ou ont subi des fausses couches, ont vécu l’inceste ou le viol, se sont fait battre (Dalida, Marilyn Monroe, Mylène Farmer, Maria Callas, Édith Piaf, Judy Garland, Whitney Youston, etc.), bref, représentent la féminité fatale. Il y a clairement dans la misogynie homosexuelle l’expression d’un fantasme de viol (qui dit, dans certains cas, l’expérience d’un viol réel) : d’ailleurs, que ce soit dans les films de Josef von Sternberg, les pièces de Copi, ou les intrigues de Tennessee Williams, le thème de prédilection est la femme violée.

 

Le paradoxe de la misogynie homosexuelle repose sur une forme d’inversion, un tour de passe-passe, une substitution entre désirs et Réalité : on assiste à la destruction/disparition de la femme réelle par la glorification de la femme-objet. Plus que le féminisme (qui reconnaît les spécificités des femmes sans les opposer systématiquement à celles des hommes), c’est la femme en tant que « caractère », « personnage », « personnalité », donc en tant que fantasme individualiste, qui est célébrée par la population homosexuelle.

 

C’est cette confusion dans le cœur des personnes homosexuelles entre femme réelle et femme-objet qui me fait dire que l’acte de destruction de la femme n’est pas tant une démarche misogyne qu’une démarche iconoclaste. Il y a comme un double mouvement d’adoration/destruction : la femme-objet est livrée, telle la Reine du Carnaval, aux flammes et à la risée générale, pour, en intentions, prouver qu’elle est bien humaine et immortelle, et intellectuellement, pour prouver qu’elle n’est qu’un objet méprisable qui a capturé leur espace psychique désirant. Par exemple, lors du concert Météor Tour du groupe Indochine à Paris Bercy le 16 septembre 2010, on nous montre sur les écrans géants une Miss Italy sur un bûcher embrasé. Dans son film « Serial Mother » (1994), John Waters s’amuse à détruire le mythe de la mère au foyer bien sous tous rapports. Certains groupes musicaux homosexuels se baptisent de nom dédiés précisément au meurtre de la femme-objet : le groupe lesbien français Barbieturix, le groupe nord-américain Destroy All Blondes (créé par le cinéaste Gus Van Sant), etc. En quelque sorte, le sujet homosexuel semble se venger sur sa poupée fétiche de sa propre prétention à se prendre pour un objet, pour un mythe.

 

Film "Salò ou les 120 Journées de Sodome" de Pier Paolo Pasolini

Film « Salò ou les 120 Journées de Sodome » de Pier Paolo Pasolini


 

Le plus paradoxal dans la relation des personnes homosexuelles aux femmes, c’est que ce sont les créateurs qui ont le mieux construit le mythe de l’Éternel Féminin et qui se sont entourées des plus belles femmes du monde, qui ont aussi le plus méprisé les femmes réelles, et ont finalement le plus cherché à les détruire à l’écran ! Par exemple, en 1966, Francis Bacon détruit iconographiquement Isabel Rawsthorne, une belle femme qu’il aime pourtant beaucoup. Le poète argentin Néstor Perlongher, de son côté, va cultiver tout au long de son œuvre son étiquette d’« unique poète à avoir osé violer poétiquement Eva Perón », une femme que néanmoins il adore et qui restera la passion de sa vie. Dans ses films, le réalisateur italien Pier Paolo Pasolini est capable de transformer les femmes en divas magnifiques… ou en chiens coprophages et en prostituées (cf. les films « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » « Salò ou les 120 Journées de Sodome » en 1975, « Teorema » « Théorème » en 1968, etc.). Russ Meyer est un bon exemple de ces créateurs homosexuels et pères de la « femme libérée » : il a transformé la femme en tigresse, en poupée gonflable, en star du porno, en femme-amazone « pour machos un peu malades… car lui-même est un peu comme ça » (cf. le documentaire « Pin-Up Obsession » (2004) d’Olivier Megaton). Je vous renvoie à ses films « Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! » (1985) et « Beyond The Valley Of The Dolls » (1969). Federico García Lorca, qui dans toute son œuvre élève la femme au panthéon des anges stériles et des matrones toutes-puissantes, fait quand même dire à ses personnages féminins : « Maudites soient les femmes ! » (Magdalena à la scène 4 de l’Acte III, dans la pièce La Casa De Bernarda Alba, La Maison de Bernarda Alba, en 1936). Ses héroïnes sont toutes condamnées à vivre mal mariées, et à être seules. Marcel Jouhandeau aime beaucoup les femmes (il a beaucoup honorer sa mère, ou bien encore Élise, et Véronique Pincengrain) et les traite pourtant de « monstres » (cf. l’émission Apostrophe, sur la chaîne Antenne 2, le 22 décembre 1978). George Cukor est présenté comme « l’homme qui aimait les femmes » (cf. l’article « George Cukor, l’homme qui aimait les femmes… (jusqu’à un certain point !) », sur le site suivant). Seulement voilà : comment les dépeint-il ? Comme des caricatures de féminité ! (On pensera à Judy Holliday dans le film « The Women » en 1939, à Ingrid Bergman dans le film « Hantise » en 1944). Il les associe purement et simplement à des créatures diaboliques (cf. les films « La Diablesse en collant rose » (1959), « La Femme aux deux visages » (1941), « No More Ladies » (1935), etc.). Quant au réalisateur allemand Rainer Werner Fassbinder, il passe pour un amoureux de la femme (il a immortalisé Lola, Lili Marleen, Veronica Voss, Petra von Kant, etc.) alors qu’il leur réserve un traitement particulièrement odieux à l’écran : il n’y en a pas une actrice fassbindérienne qui ne se fasse pas gifler ou battre dans ses films (cf. l’exposition Rainer Werner Fassbinder au Centre National Pompidou, à Paris, en avril-juin 2005). L’image de la femme est à nouveau mise à mal par un autre réalisateur homo qui est pourtant connu pour être un ami des femmes : Werner Schroeter. Par exemple, son film « Willow Springs » (1973) reprend le thème du danger féminin : un cercle de femmes tenant une auberge rouge tue tous les voyageurs masculins qui s’y arrêtent. Jetons maintenant un œil sur la filmographie de Pedro Almodóvar, le réalisateur espagnol souvent présenté comme le pygmalion majuscule des stars féminines du cinéma ibérique : ses actrices sont brûlées au quatrième degré par une tasse de café renversée (cf. le film « ¿ Qué He Hecho Yo Para Merecer Esto ? », « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » en 1984), soumises ou putains (cf. les films « Pepi, Luci, Bom Y Otras Chicas Del Montón » en 1980, « Entre Tinieblas » « Dans les ténèbres » en 1983, « Mujer Al Borde De Una Crisis De Nervios » « Femme au bord de la crise de nerfs » en 1988, etc.), théâtrales et meurtrières (cf. les films « Todo Sobre Mi Madre » « Tout sur ma mère » en 1998, « Tacones Lejanos » « Talons aiguilles » en 1991, « Matador » en 1985, « Volver » en 2005, etc.). Dans un registre similaire, même s’il ne s’agit pas du tout de la même époque, le peintre français Gustave Moreau (1826-1898) traite les femmes de « folles, perverses et diaboliques » dans son Journal, alors que paradoxalement il a sublimé sur ses toiles les plus grandes héroïnes des mythologies humaines (Salomé, Hélène de Troie, Cléopâtre, Hérodiade, Andromède, Léda, etc.). Le portrait que le réalisateur français François Ozon dresse de la féminité dans son film « Huit Femmes » (2002) n’est pas plus tendre. On a l’impression qu’il sacralise la femme : en réalité, ses héroïnes ne sont que des caricatures de féminité. Il dépeint la soi-disant capacité des femmes à broder des tas d’histoires mesquines autour d’un homme et d’un crime qui n’existent pas. Toutes les attitudes étiquetées « négativement féminines » y sont : le romantisme naïf, la nunucherie, la moralisation, la superstition, les commérages, la jalousie paranoïaque, le cynisme, les coups bas, le respect hypocrite des traditions, la tempérance lâche, l’espièglerie, la manipulation froide, la séduction courtisane, etc. D’ailleurs, ses huit femmes finissent par conduire l’unique homme de l’histoire au suicide. Dans son one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008), Jérôme Commandeur ne se gêne pas pour détruire les (caricatures des) femmes (réelles/médiatiques) qui l’entourent, et qui composent pourtant l’essentiel de son spectacle : il traite par exemple son personnage de Pénélope de « buffle ». Dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ! (2012), l’humoriste Samuel Laroque n’y va pas de main morte avec les femmes : à la fois il semble visiblement adorer ses actrices et ses chanteuses préférées, et pourtant il les détruit, tout en niant son fantasme de transfert d’identité (« Moi ?!? Être une femme ?!? Oh quelle horreur ! ») ; par exemple, il traite la bourgeoise Liliane Bettencourt d’« Horreur de Loréale » (cf. jeu de mots avec l’aurore boréale), ridiculise le vagin des femmes (« Et il paraît qu’il y en a qui s’en serve comme un ventriloque ! »), singe Mylène Farmer ou encore Chantal Goya. Bref, il vénère les femmes dans la destruction/dans la simulation de destruction. Ses meurtres misogynes ne seront principalement qu’iconographiques et symboliques. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), le travesti M to F David Forgit défonce la présentatrice télé Sophie Davant, « cette perruche peroxydée », sans cacher sa propre jalousie. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel passe son temps à détruire les femmes (réelles et fictionnelles) par l’imitation caricaturale : mère possessive, tante, actrices, chanteuses…

 

C’est plus le mythe de la femme (la femme-objet en l’occurrence) qui est massacré que la femme réelle. Mais le problème de la majorité des personnes homosexuelles est que la différence entre les deux femmes n’est pas souvent faite ! … si bien que leur misogynie est probable, prioritairement iconographique, sans pour autant devenir automatique ou effective.

 

Cette confusion inconsciente entre les femmes-objets hétérosexuelles et les femmes réelles, c’est en réalité le fruit d’une inversion entre les bonnes intentions et les actes. Parfois, on peut lire de la part de certains membres de la communauté homosexuelle une défense des pratiques qui concrètement ne respectent pas les femmes, même si en théorie elle se fait au nom de leurs droits et de leur liberté : l’avortement (cf. le documentaire « Regarde, elle a les yeux grand ouverts » (1978) de Yann Lemasson), la sodomie pratiquée sur les femmes (« La sodomie peut apporter du plaisir à une femme » soutiennent Daniel Borillo et Dominique Colas dans leur essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005), p. 169), la prostitution (Alberto Mira, Roland Barthes, et tant d’autres, osent présenter la prostitution comme un acte libre et d’émancipation de la femme), etc.

 

La misogynie homosexuelle se pare souvent des meilleures intentions : c’est pour cela qu’elle est efficace, et invisible aux yeux de celui qui la pratique. Par exemple, lors de sa conférence « L’Homoparentalité aux USA » à Sciences Po Paris, le 7 décembre 2011, Darren Rosemblum, qui, avec son compagnon, a fait appel à une mère porteuse en GPA (Gestation Pour Autrui) pour « obtenir » sa petite fille, joue la proximité avec la mère à qui ils ont payé/volé le bébé : « On est devenus très très proches de la femme qui a porté notre enfant. » La proximité va jusqu’à l’identification et la substitution à cette génitrice : « Je me sentais enceinte. » On voit bien ici que les deux parties – le couple gay d’un côté, la mère porteuse de l’autre – s’utilisent mutuellement sans scrupules. D’ailleurs, Darren Rosemblum avoue bien tard que la femme qui a accepté de collaborer avec eux lui a dit explicitement que ce qu’ils venaient de faire ensemble était de « l’exploitation mutuelle ».

 

La femme détruite et incarnée par certaines personnes homosexuelles est en fait un personnage, un rôle, et non la vraie femme sexuée. C’est un androgyne interlope que tous peuvent incorporer (il suffit de le désirer et de le singer). La femme-salope est au fond un fantasme asexué et hypersexué. Beaucoup de comédiens homosexuels (souvent travestis) traitent de « salopes » ou de « copines » non pas toutes les femmes mais tous les gens (et notamment les hommes) qui désirent se prendre pour la femme-objet cinématographique. Signe provocateur (et presque tendre) de connivence fraternelle de fantasmes schizophréniques, de folie, d’orgueil mégalomaniaque assumé. Par exemple, dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), le travesti M to F David Forgit s’en va en laissant un message mi-agressif mi-communionnelle destiné à son public : « Mes sœurs salopes ». Dans son spectacle Charlène Duval… entre copines (2011), le travesti M to F Charlène Duval nous convie précisément à passer un petit moment « entre copines », en féminisant parodiquement son public (principalement mâle et homosexuel).

 

Film "Liebe Ist Kälter Als Der Tod" de Rainer Werner Fassbinder

Film « Liebe Ist Kälter Als Der Tod » de Rainer Werner Fassbinder


 

Si les individus homosexuels mesuraient que ce n’est pas contre les femmes aimant vraiment leur mari (qu’ils appellent à tort « hétérosexuelles »), mais bien contre les femmes-objets hétérosexuelles sans désir (pléonasme), donc bisexuelles voire homosexuelles, que leur misogynie se déchaîne, ils seraient sûrement moins inconsciemment misogynes !

 

C’est la féminité forcée, singée, en gros le travestissement sexué, qui est haï et qui est facteur de haine.

 

Planche "Le Miroir" de la B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi

Planche « Le Miroir » de la B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi


 

Quand on lit les mots d’une écrivaine comme Paula Dumont dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), on décèle bien que la haine de la bisexualité, ou la lutte contre « l’homophobie intériorisée », font écran, dans l’esprit de beaucoup de personnes homosexuelles, à leur propre misogynie : « Nous autres, les goudous à cent pour cent, c’est à ça qu’on est bonnes, elles viennent se faire baisouiller un moment, et tout à coup, elles reprennent leurs esprits et elles nous proposent d’être leurs amies ! […] Ces femmes nous méprisent. Elles se servent de nous quand elles sont en manque et le premier argument leur suffit pour tirer l’échelle quand elles ont eu ce qu’elles voulaient. » (p. 123) La misogynie homosexuelle vient prouver nettement quelque chose d’ahurissant aux yeux des personnes homosexuelles : que leur désir homosexuel est par nature misogyne et homophobe : « Paradoxalement, son homophobie affichée rimait avec sa misogynie. » (Ednar parlant de son grand frère homophobe, dans le roman semi autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 34) Toutes les haines humaines sont liées, je le dis bien.

 

En fin de compte, la misogynie – d’autant plus quand elle est homosexuelle – me révolte. Car elle se fait sous couvert d’esthétisme et de recherche de beau, de lutte contre l’hétérosexisme, d’« affirmation de soi » et de l’« Amour », de droit d’exister, d’authenticité, de victimisation, de résistance héroïque et légitime à « l’envahisseur hétérosexuel »… alors qu’elle marche pourtant au diapason des diktats hétérosexuels du machisme ! J’ai pour le prouver un très bel exemple : ma dernière soirée à la boîte gay et lesbienne Le Tango à Paris, une discothèque que je vous invite d’ailleurs à boycotter, même si elle reste, vue de l’intérieur, un petit paradis de convivialité interlope, où on peut danser sur des chansons rétros et actuelles très sympas. L’illusion d’amitié et d’amour à l’intérieur est inversement proportionnelle à la dictature extérieure qui la permet. Vous allez vite comprendre pourquoi je dis cela. C’était le 20 janvier 2008. Je fêtais l’anniversaire d’une amie, Eva, en compagnie de ses amis, et nous avions « naturellement » décidé de faire la deuxième partie de soirée en discothèque. Nous formions un groupe de dix personnes, dont trois garçons homos (moi + un couple), et sept filles (plusieurs très bisexuelles). En tout cas une bande particulièrement gay friendly et habituée à fréquenter les lieux d’homosociabilité, les locaux associatifs, les Gay Pride. C’était le début de soirée. Nous étions rue au Maire. Et le videur a refusé que nous rentrions dans la boîte. Pour nous prouver le bien fondé de son scepticisme, il a demandé aux filles de mon groupe de s’embrasser sur la bouche pour « prouver qu’elles étaient bien lesbiennes ». Magnifique… Les filles n’ont pas obtempéré. Par conséquent, nous avons été obligés de débarrasser le plancher. Scénario regrettable mais peu grave, et très classique si l’on suit la « logique » exclusive du monde de la nuit, me direz-vous… Et pourtant, derrière la banalité de l’incident, nous avons trouvé, mes amis et moi, la réaction de ce gérant du Tango d’une grande violence. Et elle l’était. Sinon, nous n’aurions jamais pété un pareil scandale à l’entrée de la boîte, et Eva ne serait pas allée prévenir les flics (qui ont été bien impuissants pour réparer l’injustice, d’ailleurs…). Les raisons de notre expulsion invoquées par le videur – avec qui j’ai échangé sur l’instant, puis après par mail – étaient les suivantes (d’ailleurs, elles se succédaient les unes après les autres sans lien, tellement aucune ne tenait debout !) : d’abord, la boîte était soi-disant pleine et ne pouvait pas nous accueillir (gros bobard puisqu’on était arrivés à une heure tout à fait normale si l’on s’en réfère aux habitudes du lieu ; d’ailleurs, tous les mecs qui faisaient la queue derrière nous sont rentrés ! Ça alors… cette boîte, c’est comme le sac de voyage de Mary Poppins !) ; ensuite, selon notre cerbère, il était hors de question que notre groupe puisse rentrer (« Pour vous, c’est mort » nous a-t-il sorti froidement, après avoir réussi à décourager le groupe de 6 filles qui nous devançait, et qui ont quitté la file d’attente sans discuter). Puis, suite à mon mail dénonçant les faits – un mail largement diffusé à mes contacts Internet, et qui était arrivé entre les mains de notre cher videur, j’ai reçu d’autres justifications encore plus bidons quelques jours après sur ma boîte mail : comme quoi d’une part mon groupe se devait de respecter la spécificité identitaire « gay et lesbienne » de la boîte (spécificité qu’en plus je ne remets pas du tout en cause, bien au contraire ! L’étiquette « boîte gay et lesbienne » a sa raison d’être. Je m’oppose uniquement à ce que cette spécificité devienne totalement excluante !), et d’autre part à chaque fois qu’il y aurait des problèmes et que notre cher videur aurait fait l’objet d’insultes homophobes pendant les soirées, cela viendrait majoritairement des « femmes hétérosexuelles » ! (je demande à voir ça…) Si encore, il m’avait dit que les agressions qu’il a subies venaient « des hétéros » (tous sexes confondus), j’aurais encore pu le croire… mais là, sa focalisation sur les femmes hétérosexuelles m’a estomaqué ! Si l’on suit sa logique jusqu’au bout, ce videur n’a pas de problème avec les hommes, y compris ceux qui sont « hétéros ». Tiens tiens, comme par hasard… En réalité, il n’a de problème qu’avec les êtres qu’il ne pourra jamais « détourner » ni baiser, et qui ne le font pas fantasmer sexuellement. Logique sexiste s’il en est ! Étant donné qu’il m’a parlé d’actions que je ne peux pas vérifier (je n’étais pas là quand « les hétérosexuelles » l’ont/l’auraient agressé), et que lui même n’a même pas pris le temps de décrire ces méfaits, je me suis retrouvé bien désarmé pour lui prouver ses mensonges. Mais j’ai juste compris que cet homme, bien plus qu’hétérophobe, était au fond misogyne. Dans son mail de réponse, il a enrobé sa mauvaise foi de fleurs et de jolies formules polies, mais au final, il n’a jamais formulé la moindre excuse. Je n’ai même pas pris la peine de lui répondre. Cette affaire m’a dissuadé de ne jamais plus mettre les pieds dans cette boîte où pourtant j’aime beaucoup danser. Quelques mois après, cependant, nos chemins se sont à nouveau croisés sans que nous le programmions. J’allais à une pièce de théâtre, et j’ai reconnu avant d’entrer un pote dans la foule. Il attendait patiemment trois autres amis à lui. Quand j’ai vu débarquer les amis en question, le videur du Tango en tête, on n’a pas eu le temps de s’éviter : il a fallu tous les deux qu’on se salue oralement. Et j’ai compris qu’il m’avait tout de suite identifié. Il a fait semblant de ne pas me reconnaître, et on n’a pas eu d’autre choix que de se retrouver placés à deux mètres de distance l’un de l’autre dans la petite salle de spectacle où nous allions voir le one-man-show. Le plus amusant, c’est qu’avant le lever de rideau, je l’entendais très distinctement dire à ses amis « qu’au bout du compte, c’était un garçon blasé, vraiment blasé ». C’était presque touchant tellement il avait fait exprès de parler bien fort pour que je puisse l’entendre de loin, et qu’il n’y avait rajouté aucune ironie ou provocation. Blasé… Oui, tu l’as dit, Bouffi… Blasé.

 
 

g) La misogynie des femmes lesbiennes envers les femmes : si si, elle existe ! On PEUT être contre soi-même

Nous aurions tort de penser que la misogynie a un sexe. La haine des femmes, on a maintes fois l’occasion de le vérifier dans les discours et les attitudes, est exprimée autant par les hommes gay que par les femmes lesbiennes. Le même rapport idolâtre – et donc jalousement destructeur – avec les femmes réelles, confondues avec les femmes-objets, est observable côté lesbien ! « Je hais les femmes d’ici ! Je hais les femmes d’ici ! Je hais les femmes d’ici ! » (Martha Jane Canary, alias « Calamity Jane », à sa fille Janey Hickok, dans Lettres à sa fille, 1877-1902) ; « Quand nous étions ensemble, Martine et moi, nous étions seules. […] Nous étions deux vieux garçons misogynes, mais à qui était-ce la faute ? » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 134) ; etc.

 

Beaucoup de femmes lesbiennes adoptent une vision catastrophiste de la condition féminine (vie de couple et de famille, maternité, coït sexuel, appartenance à un mari, rôle social soi-disant pré-défini, taches ménagères, etc.) : « Elles ont subi la double malédiction biblique : leurs désirs les ont portées vers leurs mecs et elles ont enfanté dans la douleur. Moi, j’ai échappé à cette malédiction. […] Bref, la moitié de l’humanité, celle qui a le pouvoir de donner la vie, reléguée au statut de bête de somme, voire de morceau de viande. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 17)

 

On peut d’ailleurs interpréter le rejet d’endosser l’image et l’apparence des femmes réelles – et je parle ici des images bien éloignées des poncifs marchands et déshumanisants de la mode – comme une misogynie lesbienne voilée (et très tenace !). L’anticapitalisme sert de mauvais alibi, dans ce cas précis, pour nier sa propre sexuation. D’ailleurs, les femmes lesbiennes se travestissant en homme (ex : la comtesse de Morny, Colette, et tant d’autres), « les Jules », « les Butch » ou « les camionneuses » comme on les appelle usuellement, les dragkings, ne sont pas spécialement connues pour leur sympathie envers la gent féminine. C’est le moins que l’on puisse dire…

 

La misogynie de ces « femmes qui (soi-disant) aiment les femmes » étonnera certainement. Et pourtant, il n’y a qu’à observer la violence prédominante dans les rapports relationnels sapphistes (et pas seulement de drague ; déjà simplement amicaux) pour mesurer combien la misogynie lesbienne est forte. Les femmes bisexuelles, qui sont à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de ces cercles, sont les premières à le constater : « J’ai eu beaucoup plus de problèmes avec les femmes qu’avec les hommes. Les mecs m’ont toujours accepté à 85% avec mon penchant pour les filles. Les filles ne m’ont pas accepté à 85% avec mon penchant pour les mecs. » (Christine, femme bisexuelle qui s’est fait huer par le public de l’émission Ça se discute, sur la chaîne France 2, le 18 février 2004)

 

Fait curieux et en apparence paradoxal : dans les phrases misogynes des femmes lesbiennes, pourtant en théorie féministes et pro-femmes, l’agression plaintive se mêle au constat fataliste… et on ne sait pas trop démêler les deux. Elles se plaignent et pourtant donnent raison, dans la citation mimétique/ironique de leurs « ennemis les hommes », à leurs fantasmes auto-dévalorisants : « Les femmes seront toujours à côté de l’espace public. » (cf. propos de Michèle Riot-Sarcey, pour la sortie de son essai De la différence des sexes, à la Librairie Violette & Co de Paris, le 2 février 2011) Par exemple, dans son essai King Kong Théorie (2006), la très féministe Virginie Despentes énonce que le commun des femmes est « une imbécile quelconque » (p. 121). Mais comment faire comprendre que la victimisation excessive des femmes, loin de rendre service aux vraies femmes et d’exprimer un amour sain, est l’instrument idéal de la misogynie inconsciente ?

 

Par exemple, dans le documentaire « Debout ! » (1999) de Carole Roussopoulos, on voit clairement que les femmes féministes, lesbiennes ou non, sont attirées par la « femme violée du bout du monde », afin de se servir d’elle comme « opportunité » pour prouver l’oppression machiste qui les domine/dominerait. Dès qu’un fait d’actualité concernant le malheur des femmes se présente (par exemple les mères célibataires dans les hôpitaux, les femmes qui veulent se faire avorter, les femmes talibanes, etc.), le MLF accoure vers ses victimes pour les instrumentaliser à leurs fins : « Les femmes battues, c’était parfait ! Parce que si les femmes étaient battues, c’est bien parce qu’il y avait quelqu’un pour les battre. » (Annie Sugier)

 

Dans son autobiographie Mauvais Genre (2009), Paula Dumont dénonce ce « monde misogyne où toutes les femmes sont emprisonnées » p. 116), tout en se montrant agressivement solidaire à ses semblables sexuées : « Je tiens à mon genre, je mesure ce qu’il m’a coûté et ce dont je lui suis redevable. » (p. 116) ; « Aujourd’hui, je considère que j’ai eu de la chance d’être ce que je suis, femme et homosexuelle. Que soient donc bénis mon genre, qui n’est mauvais que pour les imbéciles, et mon amour des femmes. Amen. » (p. 117). Celle qui demanda à sa maman pourquoi elle n’était pas dotée d’un pénis comme les garçons, et qui s’habillera en cow-boy à l’âge adulte, défend, comme par amnésie, qu’elle n’a jamais détesté son identité sexuée de femme, et jalousé les hommes : « En aucune façon j’aurais voulu être un homme. » (p. 117) Quel incroyable fossé entre intentions et actions !

 

Le rapport des femmes lesbiennes à la femme lesbienne proche de la femme-objet ou de la beauté est souvent idolâtre, c’est-à-dire destructeur dans la convoitise. « Être fem n’a jamais été une expérience simple, ni dans les anciens bars lesbiens des années 1950, ni maintenant. Les fems étaient profondément chéries mais aussi dévalorisées. » (Joan Nestle parlant des femmes féminines – lesdites fem – , dans Attirances : Lesbiennes fems, Lesbiennes butchs (2001) de Christine Lemoine et Ingrid Renard, p. 26) Il apparaît donc clair aux femmes lesbiennes défendant les femmes et leur amour des femmes qu’elles ne peuvent pas être misogynes ni contre elles-mêmes, alors que pourtant, beaucoup de faits et paroles montrent l’excès destructeur et misogynes de leurs bonnes intentions !

 
 

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Code n°51 – Doubles schizophréniques (sous-codes : Dialogue contradictoire / Ventriloque / Schizophrénie)

doubles schizophréniques

Doubles schizophréniques

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La bilatéralité avec les autres et avec soi

 

François Sagat

François Sagat


 

Le désir homosexuel est l’expression du climat fortement anti-naturaliste de nos sociétés actuelles qui encouragent l’individu à vider ses actes de leur portée symbolique et à dissocier l’être du faire, le corps de l’esprit, les actes de leurs sens. Même si la schizophrénie n’est pas l’apanage du désir homosexuel, je crois que celui-ci fait partie, avec le désir hétérosexuel, des plus puissantes forces humaines écartelantes qui existent. Si j’avais à en donner une seule définition, je pourrais dire que le désir homosexuel tend davantage à la désunion réifiante de l’être qu’il habite qu’il ne veille à son unité humanisante. C’est la raison pour laquelle bon nombre de personnes homosexuelles l’associent inconsciemment ou volontairement à la schizophrénie (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1973), p. 37).

 

Jonathan Caouette

Jonathan Caouette


 

Pour expliquer cette déconnexion de l’être et du faire, nous découvrons souvent que c’est la discordance entre les moyens et le but que nous nous fixons sincèrement, encouragée par la sacralisation de nos propres bonnes intentions, qui nous impose parfois ce pénible décalage de la schizophrénie. Beaucoup de personnes homosexuelles postulent qu’on peut très bien arriver au Bien par le Bien mais aussi par le mal, car elles ont la passion impatiente du Bien. Par exemple, lorsqu’un Érik Rémès avoue avoir contaminé plusieurs personnes du Sida, et qu’il déclare peu après qu’il est « un garçon très romantique, très fleur bleue » (Érik Rémès, dans l’article « Érik Rémès, Écrivain » de Julien Grunberg, sur le site www.e-llico.com consulté en juin 2005), nous avons de fortes raisons de penser qu’il est malgré tout sincère. Dans le monde des intentions, son action et ses propos sont explicables et respectables, même si, une fois considérés à la lumière de la Réalité et de la Vérité, ils ne sont bien évidemment plus justifiables.

 

La discordance entre le moyen et le but fait réellement souffrir beaucoup de personnes homosexuelles car elles ne récoltent pas les « bons » fruits de leur sincérité. Étant donné qu’elles font du Bien leur priorité sans faire attention aux moyens qu’elles vont mettre en œuvre pour le rendre concret, elles auront tendance à assigner au mal les vertus (et parfois même la création !) du Bien. À force de dire que l’échec peut être le cadre du succès, elles finissent par penser que le mal est la condition de l’existence de la Vérité, voire la Vérité même. « C’est par les fautes que nous sommes les plus vrais » déclare par exemple Jean Cocteau (Jean Cocteau, dans le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un Inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky).

 

L’élan schizoïde et déchirant du désir homosexuel s’exprime par ce qu’on appelle l’androgynie psychique. On entend par cette expression la dualité psychologique rencontrée dans le processus d’individuation, et, comme le souligne Barbara Gagné dans L’Androgynie psychique chez Carl Gustav Jung (2001), la « rencontre dans l’esprit (humain) des deux principes, féminin et masculin » (p. 10), mais je rajouterais aussi jeune et adulte (pour la différence des générations), ainsi que serviteur et maître (pour la différence des espaces). Elle se résout chez l’Homme au mieux dans la différenciation et la rencontre non-fusionnelle pacifiée d’un duo de personnages symbolisant dans l’iconographie les deux principes de l’androgynie psychique (la femme et l’homme, l’enfant et l’adulte, le serviteur et le maître), au pire dans la fusion destructrice de ces mêmes personnages (alors différenciés à l’extrême par la caricature : la femme-objet et le macho, le sale gosse et l’adulte despotique, l’esclave-bouffon et le tyran). Cette réalité psychologique n’est pas propre aux personnes homosexuelles, bien sûr. L’androgynie psychique est, selon Jean Libis, le signe d’une blessure que porte chaque Homme en lui du fait de se savoir incomplet et fragile. Si elle est intégrée comme naturelle, elle permet la reconnaissance de ses manques humains, et donc l’accueil du Désir. Mais plus elle est camouflée ou cultivée dans l’ignorance et l’orgueil, plus elle peut être le signe à la fois d’un viol réel subi et l’expression d’un désir de violer, de se diviser à nouveau. Elle se traduit alors par une séparation en deux de la conscience, donc par la schizophrénie ; et plus particulièrement chez les personnes homosexuelles, en orientation sexuelle homo-érotique.

 

C’est pourquoi les auteurs homosexuels traitent fréquemment du thème des doubles schizophréniques, figurés dans les fictions par deux personnages burlesques réagissant comme des jumeaux toujours en accord/désaccord. Comme nous pouvons le constater dans la pièce de William Shakespeare Macbeth (1623) par exemple, le roi et sa femme symbolisent, selon les termes de Pierre Leyris, « l’androgyne psychique », c’est-à-dire le conflit intérieur d’une conscience né d’un crime fictionnel, et exprimé à l’image par deux personnages épuisant à eux deux toutes les possibilités de réactions au meurtre (remord, défi, indifférence, euphorie, culpabilité, angoisse, etc.) comme le feraient les parties détachées d’une même individualité. De même, dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, il nous est dit que Paul et sa sœur Élisabeth sont « les deux membres d’un seul corps ». Dans les créations artistiques homosexuelles, les monologues intérieurs prennent en général la forme du dialogue schizophrénique en couple. Se superposent dans cet échange l’invitation perverse et l’appel au déni et à la résistance au viol. Mais cette joute verbale schizophrénique n’est ni si horrible ni si banale que ne nous le montre l’image. Elle a quand même pour but inconscient d’occulter par son vacarme la guerre fantasmée et parfois réelle que se livre l’individu réel à lui-même en se laissant faire par son désir de viol.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Fusion », « Androgynie bouffon/tyran », « Inceste entre frères », « Miroir », « Ombre », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Femme et homme en statues de cire », « Substitut d’identité », « Pygmalion », « Jumeaux », « Désir désordonné », « Folie », « Moitié », « Poupées », « Animaux empaillés », à la partie « Laurel et Hardy » du code « Amant modèle photographique » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Ne faire qu’Un avec un autre que soi :

Pièce Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès

Pièce Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès


 

Dans les fictions homo-érotiques, le désir homosexuel est souvent représenté par deux marionnettes (comme les deux papys du Muppet Show) : cf. la chanson « Alice et June » d’Indochine, le film « Le Frère, la sœur… et l’autre » (1970) de Douglas Hickox, la pièce Juste la fin du Monde (1999) de Jean-Luc Lagarce (avec la relation jalouse entre Louis et Antoine), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé (avec Stan et le héros), le film « Le Roi Jean » (2009) de Jean-Philippe Labadie (avec les deux soldats de plomb), le roman Bob et Bobette s’amusent (1919) de Francis Carco, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, le tableau Robinson et Vendredi (2007) d’Éric Raspaut, le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza (avec le gardien de la fac, une sorte de fantôme et une voix de la conscience), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec Mateo Blanco et Harry Caine), la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi (avec Cyrille et Hubert, le journaliste-bras-droit), le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec les deux sénateurs), le film « La Fiancée de Frankenstein » (1935) de James Whale (avec les docteurs Frankenstein et Pretorius), le film « La Femme et le Pantin » (1931) de Josef Von Sternberg (avec les deux politiciens), la pièce Les Bonnes (1947) de Jean Genet (avec les deux domestiques Claire et Solange), la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin (avec Avril et Lacenaire), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears, la pièce Une Nuit au poste (2007) d’Éric Rouquette (avec Isabelle la shootée et Diane l’hystérique), le film « The Virgin Soldiers » (1969) de John Dexter, la pièce Arlequin, Valet de deux maîtres (1745) de Goldoni (avec Federico et sa sœur Beatriz qui se fait passer pour lui), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1969) de Billy Wilder, le roman Les deux morts de John Speidel (2003) de Joe Haldeman, le film « Un Amour de Swann » (1983) de Volker Schlöndorff (avec le duo androgynique Swann/Odette), la pièce Le Cri de l’ôtruche (2007) de Claude Gisbert (avec Paul et Bob), la chanson « La Chanson du coq et de l’âne » du spectacle musical Émilie Jolie de Philippe Chatel (chantée par Arnold Turboust et Étienne Daho), le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec Eva et Mathilda), le dessin animé « Alice au pays des merveilles » (1951) de Clyde Geronimi (avec le Chapelier toqué – particulièrement efféminé – et le lièvre – animal connu pour ses pratiques « homosexuelles »), la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher (avec David et Philibert), le roman Mi Novia Y Mi Novio (1923) d’Álvaro Retana, la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi (avec Louise et Jeanne, amies « collées » depuis l’enfance), la pièce Attachez vos ceintures (2008) de David Buniak (avec Ibrahim, le double du protagoniste homosexuel), le film « Collateral » (2004) de Michael Mann (avec Vincent et Max), la chanson « Laure et Lise » de Renaud Hantson, le film « L’Heure du désir » (1954) d’Egil Holmsen, le film « La Polka des marins » (1951) d’Hal Walker, le film « Trannymals Go To Court » (2007) de Dylan Vade, le film « Satyricon » (1969) de Federico Fellini, la pièce Les Précieux Ridicules (2008) de Damien Poinsard et Guido Reyna (avec les deux nièces), le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair (avec les deux oiseaux homos Édouard et Luigi), le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, les films « Le Soldat récalcitrant » (datant de 1950, avec le fameux tandem Lewis/Martin), le film « Irma à Hollywood » (1950) et « Bon Sang ne saurait mentir » (1951) d’Hal Walker, la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer (avec Janine et Simone), la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall (avec Victor et Bobby, les deux cabarets boys identiques), la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Céglia (avec Didier le grand et Bernard le maigre), l’opéra King Arthur (2009) d’Hervé Niquet (avec les deux moinillons homosexuels), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec les deux CRS Pardieu et Donadieu), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec Smith, le héros homosexuel, et London sa demi-sœur), le film « Bancs publics (Versailles Rive droite) » (2009) de Bruno Podalydès (avec les deux vieux joueurs de Backgammon 2 comparés au duo comique Poiret/Serrault), la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet (avec les deux servantes Claudia et Elsa ), le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes (avec Sulky et Sulku), etc.

 

« Tu es Laurel et moi Hardy. Tu es Batman et moi Robyn. Tu es Tom et moi Jerry. » (Karma s’adressant à sa copine Amy, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; « Mon histoire sans la sienne n’a aucun sens. Cyril est ma réciproque. Nous sommes réunis à jamais dans cet univers qu’il affectionnait tant. […] Je suis entrée en lui comme il est entré en moi. […] Sans lui, je n’existe pas. » (la psychiatre concernant son patient Cyril, dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, pp. 219-221) ; « J’avais affaire à un double cas de Docteur Jekyll et Mister Hyde. » (Jean-Marc en parlant du couple homo Dan et Gerry, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 205) ; « Faisons à nous deux un héros de roman. […] J’irai dans l’ombre à ton côté. Je serai l’esprit. Tu seras la beauté. » (Cyrano s’adressant à Christian dans la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan) ; « Ah, non, Linda, arrêtez ! Ah, la salope, elle m’est rentrée dedans ! Allô, Linda, sortez tout de suite ! » (Loretta Strong, le héros travesti M to F, dans la pièce éponyme (1978) de Copi) ; « J’étais chez Khalid. Je dormais avec mes vêtements de jour dans son lit. Seul dans son lit. Puis avec lui. Mais, du plus loin de mon sommeil, c’est moi qui parlais cette fois-ci. ‘Non, non, ce n’est pas moi… Oui, oui, c’est moi… Moi… Sûr… Sûr…’. » (Omar, le héros homosexuel dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 44) ; « Nous n’aurions dû être que deux êtres humains à la fois. » (Jacques, le héros homosexuel quinquagénaire s’adressant à son amant Mathan, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Mes dieux chéris adorés, faites que jamais nous ne nous séparions, lui de moi et moi de lui. » (la naïade abusive fusionnant avec Hermaphrodite, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; « Nous sommes toutes deux emplies de la vieille paix de Morton, parce que nous nous aimons si profondément… et parce que nous sommes une perfection, une chose parfaite, vous et moi… non deux personnes distinctes, mais une seule. » (Stephen, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Angela, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 191) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, les deux ex-amants Danny et Zach sont l’un pour l’autre une conscience. Par exemple, à chaque fois que Zach fume dans un lieu non-fumeur, Danny le surprend et le rappelle à l’ordre par surprise. Ils partagent une seule et même vie, comme deux moitiés d’homme : « On peut rendre notre vie plus belle. » (Zach) ; « Seulement un petit désagrément avec moi-même… » (Zach après l’engueulade avec son double, Danny) ; etc. Ils se marchent fatalement sur les pieds : « On ne s’entend pas très bien, pas vrai ? » (Danny s’adressant à son amant Zach, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Toi et moi, on a connu une trahison de trop. » (Zach à Danny, juste après l’avoir embrassé sur la tête, idem) Quand Zach déclare à Danny « Tu peux me sauver grâce à ta vie. », celui-ci lui répond : « Écoute-moi : je ne suis pas toi ! » Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil et Valmont s’amusent à interchanger leur rôle et leur peau, en parlant à la place de l’autre.
 

Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel intercale toujours dans son discours des interruptions d’Aurélie, sa meilleure amie, qui lui coupe la parole avec des questions gênantes et inquisitrices. Il la présente comme « son double » On découvre petit à petit que le double en question est plutôt un modèle narcissique impersonnel (d’autre fois, Aurélie devient « Armelle ») et un peu trouble : « Les soirées déguisées, on adore ça. C’est le moment parfait pour être quelqu’un d’autre. Pour montrer son double. » ; « Eh ben oui. Tous mes copains ont une sœur maléfique ! » Le héros ne se gêne pas pour la maltraiter : « Pourquoi Armelle est là à toutes les soirées ? C’est de la schizo. »

 

Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homosexuel, considère son colocataire Benji, très loquace, comme sa « petite voix » : « T’es pas les autres : toi, c’est moi. »

 

Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, quand Kévin fait remarquer à son copain Bryan qu’il parle de son cerveau et de lui-même comme s’ils étaient deux entités dissociées, Bryan lui répond : « C’est un peu ça. Des fois, j’ai l’impression d’être un étranger dans ce corps. Je ne sais pas si c’est le mot qui va bien. C’est plus l’impression de désaccord, de perte de contrôle, avec des envies, des pulsions et des idées que je préférerais ne pas avoir, dans lesquelles je ne me reconnais pas, qui me mettent mal à l’aise… Tu comprends ? » (p. 374)

 

Dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage, la schizophrénie est au centre de l’intrigue : « C’est mon lot quotidien, les schizophrènes. […] Traiter deux patients qui partagent le même psychisme, c’est comme en traiter un seul qui en aurait plusieurs. » (le psy) Les deux meilleurs amis, Jean-Louis (l’hétéro) et Jean-Charles (le transgenre M to F Jessica) « partagent le même psychisme » : « Je deviens sa demi-sœur. » (Jean-Charles parlant de Jean-Louis)

 

Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Jenko (le grand beau gosse) et son collègue Schmidt (le gros petit) se disputent beaucoup : « Tu me tires vers le bas. » (Jenko) ; « Tu étais une petite fleur et je t’étouffais. » (Schmidt) À la fin, face à cette drôle de fraternité, Zook, leur camarade-rival, conclut à propos de Schmidt : « C’est lui son âme-sœur. »

 

DOUBLES Jumeaux diaboliques

 

Le double schizophrénique peut être un animal. « Le rat sortit son museau de la poche du veston grisâtre et secoua ses moustaches ; il écouta les pas du propriétaire du veston, M. Alphand, qui entrait dans la bibliothèque, furieux, et faisait sonner sa canne contre le dossier de la chaise où la veste était accrochée ; le rat poussa un cri et alla se cacher entre les livres. […] Le rat avait pris possession de la bibliothèque de M. Alphand. » (cf. la première phrase de la nouvelle « La Servante » (1978) de Copi, p. 61) Par exemple, dans son one-(wo)man-show Madame H. raconte la saga des transpédégouines (2007), Madame H. parle à « Montherlant », son écharpe en hermine. Dans la pièce Toutes les chansons ont une histoire (2009) de Quentin Lamotta et Frédéric Zeitoun, les deux mainates dans leur cage sont les commentateurs désopilants des humains qui les entourent. Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi, le perroquet de doña Mechita fait des siennes.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

L’animal en question est l’indicateur, chez le personnage homosexuel, à la fois du voyeurisme et de la paranoïa : « Goliatha, le rat me regarde ! J’ai peur ! » (« L. », le héros travesti M to F de la pièce Le Frigo (1983) de Copi) Par exemple, dans le film « Le Naufragé » (2012) de Pierre Folliot, la mère d’Adrien (le héros homo), par une hallucination, voit en vrai son fils mort dans sa baignoire : Adrien vient habiter ses pires cauchemars.

 

Ce double androgynique est aussi bien souvent un membre de la famille du héros (la mère et surtout le frère ou la sœur). Par exemple, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Jules, le héros homosexuel, avoue que sa sœur a fait une dépression. Dans la pièce Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès, Mathilde et Adrien symbolisent une androgynie psychique. D’ailleurs, à un moment, on ordonne leur séparation (« Séparez-les ! ») tellement le frère et la sœur sont fusionnels. Dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, les deux frères Sandre (le pessimiste terre à terre) et Audric (le rêveur) forment une seule entité. Dans le film « Psychose » (1960) d’Alfred Hitchcock, l’esprit de la mère morte occupe l’esprit de son fils Norman. Dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, la Reine et sa fille sont les deux parties encéphaliques d’un même cerveau, celui de leur auteur : « Dès que ma fille n’est plus là, ma mémoire défaille. » Dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, le frère d’Europe entend sa sœur lui parler de l’intérieur, de manière invisible, par transmission de pensées : « Je t’aime. Faut pas t’inquiéter pour moi. » Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, la grande sœur de Juna (l’héroïne lesbienne) est une voix-off accaparante qu’on ne voit jamais et que Juna tuera en la carbonisant. Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, Adineh l’héroïne transsexuelle F to M a un frère – à la fois de sang et symbolique –, qui se nomme Emad, qu’elle invoque et qui va l’aider à s’exiler en Allemagne pour son opération de changement de sexe : « C’est mon frère. Il n’est pas d’ici. »
 

En toile de fond de ce duo uni à la vie à la mort se lit très souvent l’inceste (en général entre frères), le narcissisme et le viol. « J’ai passé mon temps à vous séparer et à recoller les morceaux ! » (Jasmine s’adressant à ses frères Djalil et François – Djalil est le demi-frère de François – dans la pièce Frères du Bled (2010) de Christophe Botti) ; « On finit toujours par se disputer. » (François et Jasmine, frère et sœur jumeaux, idem) ; « Tu lis en lui comme dans un livre ouvert à l’envers. » (Félix, le héros homosexuel parlant de son frère Victor, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 177) ; « Je l’aime. Il a une double personnalité, ça me fascine. Soit il reste immobile pendant des heures, soit il saute sur moi. » (le narrateur homosexuel parlant de son amant Pietro, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 66) ; « Vous êtes habituée à vivre avec votre sœur qui vous facilitait tout. Toute seule, vous êtes comme un enfant. » (Fougère dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « Le ventre collé contre le grand lit de fer. Je cherche mon frère. J’avance vers le sommier. Le dos fermé couché, j’ai mal à reconnaître. La voix de mon frère, un sanglot étouffé. Pour le rencontrer, j’ai fait un millier de mètres à pied car ils nous ont séparés. » (cf. le poème « Le Dos d’un cœur » (2008) d’ Aude Legrand-Berriot) ; « Dianne et moi, on était comme McGyver et son couteau, les asperges et la sauce hollandaise ou les jumelles Olsen. Elle était mon ange gardien, mon amie et alliée. Et moi, son deuxième cœur. » (Phil, le héros homo à propos de sa sœur jumelle, dans le film « Die Mitter der Welt », « Moi et mon monde » (2016) de Jakob M Erwa); etc.

 

Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, la mère apparaît comme une voix de la conscience, un double schizophrénique « attachiant » et désagréable, qui ne lâche pas son fils homosexuel Guillaume d’une semelle, et qui le transforme en moulin à parole parlant pour deux (« Tu promets de ne pas monopoliser la conversation, hein ? » demande Clémence, une amie de Guillaume pendant une soirée entre filles) : d’ailleurs, c’est le même acteur qui joue le fils et la mère. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William, le héros homo, et Adèle sa sœur, ont une relation particulièrement fusionnelle et incestuelle. Ils semblent inséparables et sont même une menace pour l’amant de William, Georges, qu’ils torturent psychologiquement pour lui faire payer sa double vie de bisexuel : « Qu’est-ce que c’est que cette sangsue ?? » demande ce dernier pour les déscotcher, en vain. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Jane, l’héroïne lesbienne et la jeune Anna, 13 ans, sont comme des jumelles, des reflets narcissiques : elles ont la même éraflure au visage… et le même fantasme de viol/la même expérience du viol.

 
 

b) Ne faire qu’Un avec deux soi-même (schizophrénie) :

Parfois, le personnage homosexuel ne fait qu’Un avec deux lui-même. C’est ce qui s’appelle la schizophrénie… pardon… la « transidentité ». « Une moitié de lui est en lutte contre une autre. » (la Belle par rapport à la Bête, dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau) ; « Vous aviez raison. Je suis pas hétéro. Je suis bipolaire, c’est tout. » (Arnaud, le héros homo s’adressant à son compagnon Benjamin et à son psy, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Elle est María José et lui José María, deux personnes à part entière si l’on tient compte des prénoms, mais rien à voir avec l’idée que se font ceux qui opèrent l’amalgame des deux en un être unique. Il s’agit de quelque chose de profondément religieux, d’ineffable. Ils sont deux, je le répète. » (Luisa Valenzuela, « Leyenda De La Criatura Autosuficiente » (1983), p. 68) ; « Il faut que je me parle. D’homme à homme. De mâle à mâle. De sujet à sujet. » (Jarry se parlant à lui-même, dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Votre petite fille intérieure fait du mal à votre petit garçon intérieur. » (John, le héros homosexuel s’adressant à Mr Carter dont il est amoureux, dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron) ; « Je suis une femme coincée dans un corps d’homme. » (Mia, le héros transsexuel M to F, dans la série Hit & Miss (2012) d’Hettie McDonald) ; « Signé : Sarah Connor. C’est mon vrai prénom à l’intérieur. » (Karine Dubernet dans le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate !, 2011) ; « Jean-Marc, c’est le cerveau caché de notre groupe. » (Jean-Henri dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « J’ai un mec à l’intérieur de moi qui me dit : ‘Il faut pas que t’aies un mec à l’intérieur de toi ! » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Maintenant, mon corps me dit : ‘Fais ta vie. Je fais la mienne. » (idem) ; « J’ai toujours eu deux facettes. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc.

 

Il est question de schizophrénie dans beaucoup de créations homo-érotiques : cf. le film « Abre Los Ojos » (« Ouvre les yeux », 2002) d’Alejandro Amenábar, le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le one-man-show Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, le film « Der Januskopf » (1920) de Friedrich Wilhelm Murnau, le film « Doctor Jekyll And Sister Hyde » (1971) de Roy Ward Baker, le film « La Vie intime du Docteur Jekyll » (1974) de L. Ray Monde, le film « Dr Jekyll And Mrs Hyde » (1995) de David Price, la chanson « Pull-over » de Mélissa Mars (avec l’hémisphère gauche et droit), les romans Mr Burke et Mr Hare, Assassins (1891) et Cœur double (1891) de Marcel Schwob, le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, le film « Body Double 22 » (2010) de Brice Dellsperger, la pièce Ma Double Vie (2009) de Stéphane Mitchell, la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo (traitant du dédoublement de personnalité), le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky (avec Nina, l’héroïne lesbienne mi-ange mi-démon, mi-cygne blanc, mi-cygne noir), la pièce Le Frigo (1983) de Copi mise en scène d’Érika Guillouzouic en 2011 (avec le héros transgenre M to F, déguisé et coupé en deux pour figurer la mère et le fils), etc.

 

« Seul, tu vis comme à deux, quand tu y repenses ! Moi, je vis comme pour deux ! » (Nathalie Rhéa dans son one-woman-show Wonderfolle Show, 2012) ; « Je n’ai pas l’impression de jouer la comédie mais d’imiter une actrice de cinéma détestable, comment s’appelait-elle ? Elle ne jouait que dans les films de vampires. » (Vicky dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Je suis comédienne. Je suis habitée par plusieurs personnages. » (Nathalie Rhéa dans le one-woman-show Wonderfolle Show, 2012) ; « Seul, tu vis comme à deux, quand tu y repenses ! Moi, je vis comme pour deux ! » (idem) ; « Les patients qui viennent pour les troubles de la personne ont les mêmes troubles que vous. » (Dr Apsey s’adressant à son patient homo Frank, dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes) ; « Ils – mes doubles – sont les ennemis des psychiatres. » (Renaud dans la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo) ; « Je pensais que ça me libèrerait de mon ambivalence. » (Tom parlant de l’amour homo qui le déçoit, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, la Comédienne dit que lorsqu’elle interprète un rôle, elle « n’a pas l’impression de jouer » : « Ce qu’il y a de plus éprouvant, c’est que soi-même on devient théâtral. […] Si au moins je sentais le personnage… » Dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, Dominique, le héros homosexuel, évoque sa « dualité fondamentale » (p. 13). Dans la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, Linda se fait les questions/réponses à elle-même. Dans la série nord-américaine United States Of Tara (2009-2011) de Diablo Cody, on retrouve le thème de l’homosexualité en lien avec la schizophrénie : Tara est une mère de famille qui a des troubles dissociatifs de l’identité, et elle se met par exemple dans la peau d’un vétéran du Vietnam tombant amoureux d’une femme. Dans le roman Stella Manhattan (1993) de Silviano Santiago, l’homosexualité d’Eduardo se manifeste dans un dédoublement de personnalité en Stella. Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry fait les questions et les réponses à lui tout seul, en devançant son public. « Vous savez pourquoi ?/Non on ne sait pas pourquoi. » Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, Jacques, Mathan, le jeune héros homosexuel, dit que son prénom intègre l’hybridité entre deux noms : Matthieu et Nathan.

 

Le héros homosexuel dit « s’absenter sur place » : « Je le vois bien que vous êtes là. Mais moi, est-ce que je suis là, moi ? Voilà le problème. » (Jeanne au Vrai Facteur dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) Il n’arrive pas à comprendre ce qu’il fait : « Qu’est-ce que je suis en train de faire ? » (le héros homo suite à la révélation de son homosexualité, dans le film « Komma Ut », « Coming Out », 2011) de Jerry Carlsson) ; « Je ne sais pas vraiment ce que je fais. » (Elena par rapport à sa relation lesbienne avec Peyton, dans le film « Elena » (2010) de Nicole Conn) ; « Puis-je penser quelque chose et agir autrement ? » (la voix-off d’Audrey, l’agresseur homophobe dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; « Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Aujourd’hui je ne sais pas ce qu’il m’arrive. » (Jeanne dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « Je n’aime pas ce mélange de rêve et de réalité, j’ai peur d’être encore amené à tuer comme dans mes précédents rêves. […] Je sais que même si je ne suis pas un criminel, mon emploi du temps de ces quatre derniers jours m’est complètement sorti de la tête, n’aurais-je pas pendant cette période tué pour de bon ? Est-ce que Marielle ne courra pas un danger restant seule avec moi ? Non, voyons, je suis la personne la plus pacifique du monde. Les gens violents dans leurs rêves sont dans la réalité incapables de tuer une mouche. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 134)

 

Il invente parfois un métalangage narcissique où il parle de lui à la troisième ou la deuxième personne du singulier : « Je’ a disparu. Je suis plus moi même… C’est plus moi dans le jeu. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; « Je lève les yeux sur la fenêtre d’une chambre de bonne où j’ai habité il y a bien quinze ans. Avant Pierre. Tu es en train de t’inventer un roman pour toi seul. Est-ce que ce n’est pas me dis-je là la raison pour laquelle tu as perdu deux débuts de romans, tu refuses d’avance l’accueil d’un public, tu te fâches avec ton éditeur ? » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi) ; « Après j’ai mieux compris l’expérience du Louvre. Devant le tableau de Raphaël, c’était sûrement Vincent imbécile ébahi qui au lieu de se contenter du plaisir des yeux s’était livré à un peu discret touche-pipi dans la poche du plus large futal de Garbo. À moins que ce ne fût le contraire. Car même aujourd’hui, avec un recul de six ans, il m’est encore impossible de dire en toute honnêteté lequel de Vincent ou de Garbo a depuis le début de ce micmac sexuel manipulé l’autre, à qui en réalité la main, à qui le manche. D’ailleurs Vincent Garbo se fout bien de le savoir. […] De ce nouveau point de vue, évidemment, ma déjà pénible existence se complique de jour en jour. Très conscient d’être tantôt Vincent et tantôt Garbo, et de plus en plus rarement l’un et l’autre à la fois, je me retrouve continûment dans le complexe souci de savoir avec exactitude qui je suis. […] Il faut vous figurer deux types en moi, deux types comme à l’affût sur un toit, j’ai dit. Si vous voulez, deux Vincent Garbo face à face et l’un dans l’autre, à la fois confondus et dissociés dans une hypostatique engeance. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 56 à p. 81) ; etc.

 

Cette schizophrénie revient souvent sur le héros sous forme de culpabilité malsaine qui le maltraite parce que cette culpabilité n’est précisément pas connectée à la conscience ni à la réalité : « Pourquoi j’ai appelé ? Pourquoi j’ai fait ça ? Je n’aurais pas dû. » (Bernard après avoir appelé son premier amour Peter par téléphone, forcé par le diabolique Michael, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Donald !!! Donald !!! Qu’est-ce que j’ai fait ??? Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait ? Ça commence. L’angoisse. Je la sens. Seigneur, je n’y arriverai pas !!! » (Michael après avoir traîné tous ses amis homos en procès, idem) ; « L’homme qui vivait en moi, j’en avais même peur. » (Adineh l’héroïne transsexuelle F to M, dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo », « Une Femme iranienne » (2014) de Negar Azarbayjani) ; etc.

 

Il y a plus grave. La division du héros homosexuel avec lui-même peut se résoudre par un coup de folie, voire un meurtre. « C’est vous l’ambiguïté ! » (Didier, le héros hétéro s’adressant à son futur amant Bernard, l’homo déclaré, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) Par exemple, dans le film « Dressed To Kill » (« Pulsions », 1980) de Brian de Palma, le tueur psychopathe travesti M to F est atteint d’un dédoublement de personnalité. Dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet, Mathilda est atteinte du syndrome de Gilles de la Tourette. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Karl Becker et sa femme Heike maquille le meurtre du Dr Alban Mann en cachant le cadavre de la femme de celle-ci, Greta, dans l’immeuble délabré qui fait face au leur. Karl (exactement comme la Lady Macbeth shakespearienne) traduit la conscience cachée du meurtre de Mann ou la conscience de la collaboration de Heike : « Je me souviens de la couverture dans laquelle nous l’avons enveloppée, du bruit des planches qui couinaient quand tu les soulevais. Quelqu’un pleurait. Par moments, je crois que c’était moi, mais à d’autres, je crois que c’était toi, ou peut-être Greta. Peut-être qu’elle n’était pas morte quand tu l’as clouée là-dessous. » (p. 248)

 
 

c) Ventriloque et dialogue contradictoire :

Lon Chaney

Lon Chaney


 

Comme le héros homosexuel (à cause d’une pratique amoureuse qui exclut la différence des sexes) est en proie à une division entre son corps et son âme, ou en proie à la dissociation entre son désir profond et ses actes, la voix de sa conscience lui revient souvent sous forme de voix de ventriloque avec qui il instaure un dialogue de sourd, en général houleux et passionnel, dans lequel ses pulsions (domination/soumission) s’entrechoquent et s’expriment par le paradoxe (cf. je vous renvoie aux codes « Androgynie bouffon/tyran » et « Fusion » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Film "Cabaret" de Bob Fosse

Film « Cabaret » de Bob Fosse


 

On retrouve régulièrement le ventriloque dans les fictions homo-érotiques : cf. le film « La Triche » (1984) de Yannick Bellon, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, le film « The Unholy Three » (1925 pour Tod Browning, et 1930 pour Jack Conway), le film « The Mostly Unfabulous Social Life Of Ethan Green… » (2005) de George Bamber (avec Mari Carmen et sa marionnette homosexuelle, le lion Rodolfo), le roman La Ventriloque (1998) de Claude Pujade-Renaud, la pièce Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou, le film « Au cœur de la nuit » (1946) d’Alberto Cavalcanti, le film « Broadway 39e rue » (1999) de Tim Robbins (avec les deux ventriloques), la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, le poème « Les Ventriloques » (1981) d’Harold Pinter, la pièce Des Lear (2009) de Vincent Nadal, le film « Bienvenue à bord » (2011) d’Éric Lavaine (avec le ventriloque et sa marionnette en forme de boa rose), le roman Les Garçons (2009) de Wesley Stace (George est un volubile pantin de ventriloque), la série télévisée H (2000) (où Sabri a acheté une marionnette à un ventriloque), la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet (avec Myriam parlant à sa poupée), etc.

 

« Je t’ai vue te plier en deux lentement, comme la poupée d’un ventriloque. » (l’écrivain s’adressant à Laura, l’un des héroïnes lesbiennes du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 118) ; « J’écoutais ce Don Juan qui ventriloquait par ma voix Sganarelle. » (le narrateur de la nouvelle « Terminus Gare de Sens » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 65) ; « Et il paraît qu’il y en a qui s’en servent comme un ventriloque. » (Samuel Laroque parlant du vagin des femmes, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; etc.

 

Par exemple, dans le dessin animé South Park, Herbert Garrison, le héros homosexuel, discute à la façon d’un ventriloque avec une marionnette actionnée par sa main droite, qu’il appelle M. Toque. Dans le roman Parole de ventriloque (2002) de Pauline Melville, le père Napier, un missionnaire jésuite exalté et homosexuel refoulé veut la destruction de la relation incestueuse entre un frère et une sœur, Béatrice et Danny McKinnon. Dans la pièce Musique brisée (2010) de Daniel Véronèse, Madame Adela est schizophrène : elle se travestit en homme pour se désengager du meurtre de son beau-frère qu’elle a perpétré, en disant que c’est son voisin, un certain « Monsieur Carve », qui l’a tué avec le révolver. D’ailleurs, on retrouve le thème du ventriloque : Adela joue sa sœur Josefina avec sa main. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, lorsque la narratrice transgenre F to M se travestit, elle rentre dans la peau de différents personnages masculins, et croit s’enfanter elle-même. Elle se fait les questions et les réponses à elle(s)-même(s), joue à la marionnette avec son bras. Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Noémie et Alfonsine, respectivement habillées en rouge et noir, sont des cousines éloignées, « toujours collées l’une à l’autre » et parlant tout le temps, se disputant et s’injuriant : « Vous n’êtes pas fute-fute ! » ; « Vous êtes laide ! Moi, je suis quelconque. » ; « Bécasse ! » ; etc. Dans le film « Les Douze Coups de Minuit » (« After The Ball », 2015) de Sean Garrity, Maurice, le styliste homosexuel, associe toujours ensemble Tannis et Simone, les deux filles épouvantables de sa chef Élise, en disant qu’elles sont jumelles : « Il dit ça tout le temps ! » se plaint Simone. Tannis et Simone sont inséparables, menteuses, voleuses, expriment tout haut ce que pense l’autre.

 

Dans la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust, le narrateur tombe amoureux de son jouet en bois, « Kiki », que lui avait offert son parrain décédé quand il était petit. Il dit que « c’est comme une présence apaisante et rassurante pour lui » : « Je ne l’ai pas choisi. Il ne m’a pas choisi. » Il semble vivre avec cet être-machine une relation fusionnelle où l’un existe au détriment de l’autre : « Il y a eu assemblage de cellules. Il va grandir. Moi pas. Il va gémir. Moi pas. Il va finir. Moi pas. Je suis pourtant dedans. Il se racle la gorge… et c’est ma voix qui sort. »
 

Dans les fictions, on a droit au dialogue schizophrénique du viol consenti : cf. la chanson « Bohemian Rhapsody » du groupe Queen (« We will not let you go/Let me go !/We will not let you go/Let me go ! »), la chanson « Point de suture » de Mylène Farmer (« Prends-moi dans tes draps. Donne-moi la main. Ne viens plus ce soir. Dis, je m’égare. »), la chanson « Les Yeux noirs » du groupe Indochine (« Viens là. Viens avec moi. Reste là. Ne pars pas sans moi. Et cette nuit, dans ce lit, t’étais si jolie. »), la chanson « Ainsi soit-je » de Mylène Farmer (« Tu sais bien que je mens./Je sais bien que je mens./Je sais bien que tu mens. »), la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer (live 1989 à Bercy avec Carole Fredericks dans le rôle de la mère : « Je suis ta mère, je suis ta mère, alors tu es ma fille !/Mais je suis pas ta fille, mais je suis pas ta fille et tu n’es pas ma mère !/Je suis ta mère, je suis ta mère, alors tu es ma fille !/Mais je suis pas ta fille, mais je suis pas ta fille et tu n’es pas ma mère ! »), « Alejandro, please, just let me go ! Alejandro, just let me go ! » (cf. la chanson « Alejandro » de Lady Gaga) ; « Je ne veux pas qu’elle s’introduise. J’aime être contrainte. Je ne veux pas qu’elle m’introduise. Même si elle me dit qu’elle m’aime. » (SweetLipsMesss dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au 3e Festigay au Théâtre Côté Cour à Paris en avril 2009) ; etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet, Muriel et Magdalena, les deux vieilles qui se déplacent comme deux sœurs siamoises, de manière très mécanique, s’exprime par un étrange dialogue alterné où l’une finit les phrases de l’autre, et c’est un disque qui tourne à vide.

 

Dans la chanson « Regrets » de Mylène Farmer se superpose l’invitation perverse au viol à la résistance à celui-ci. Tandis que Mylène évoque avec son amant Jean-Louis Murat leurs « jeux d’antan, troublants… », elle l’incite à nier le viol (« N’aies pas de regrets, fais-moi confiance et pense à nous… N’ouvre pas la porte. Tu sais le piège. ») ; et ce dernier tient le discours de l’appel séducteur : « Viens ce soir, viens me voir. Viens t’asseoir près de moi. Reste-là. »

 

Dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, la mère et la fille passent leur temps à simuler leur séparation tout en partant jamais, comme les deux moitiés siamoises d’un même corps : « Tu ne sortiras pas d’ici avant que je sois morte, ça tu peux en être sûre ! » (Evita s’adressant à sa mère) ; « Écoute, Evita, donne-moi le numéro du coffre-fort. Ou bien laisse-moi partir. Laisse-moi partir ? Tu n’as pas besoin de moi ! » (la mère à sa fille) C’est le même scénario entre les autres personnages : « Allez-vous-en ! Allez-vous-en ! Allez-vous-en ! » (Ibiza frappant la mère) ; « Allez-vous-en ! Restez là ! Allez-vous-en ! Non, restez là ! » (Evita à l’infirmière)

 

Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, maintient une relation tellement fusionnelle avec sa sœur hystérique Florence qu’il finit par l’animer comme une marionnette et à lui prêter sa voix, en jouant ses répliques puis les siennes.
 

Le héros homosexuel croit pouvoir incarner à lui seul la différence des sexes. Pour le meilleur… et surtout pour le pire. Par exemple, dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, quand il parle devant sa glace, imite un dialogue entre Dick et sa compagne Marge, en alternant la voix masculine puis féminine… parce qu’il est amoureux de Dick. Plus tard, face à Marge, Tom se noie dans le dédoublement schizophrénique du psychopathe ou du mythomane : « Il vit dans des tas de réalités différentes, Dickie… » À la fin, Tom étouffe son amant Peter avec un coussin, en se confondant en excuse pendant son forfait : « Pardon… pardon… »
 
 

 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Ne faire qu’Un avec un autre que soi :

Mannequins de Thierry Mugler

Mannequins de Thierry Mugler


 

Dans le discours de certaines personnes homosexuelles, le désir homosexuel est représenté par deux marionnettes (comme les deux papys du Muppet Show). Beaucoup d’auteurs homosexuels ont créé des duos de personnages à l’image de leurs tendances sexuelles duelles et divisantes : cf. Sherlock Holmes et le Dr Watson d’Arthur Conan Doyle (cf. l’article « Sherlock Holmes, l’ombre du héros » de Meryl Pinque, sur le site www.faustroll.net, consulté en juin 2005), Don Quichotte et Sancho Panza de Miguel de Cervantes, Laurel et Hardy, les deux régisseurs plateau homosexuels Élie Semoun et Dieudonné, Wilfred Jackson et Hamilton Luske, la photo Le Festin des Barbares (2013) de Gérard Rancinan (fonctionnant beaucoup sur les associations de doubles), etc. Par ailleurs, des duos comiques homosexuels se sont fait connaître comme des frères siamois terribles : c.f. la chanson « Nous voici réunis » de Charpini et Brancato.

 

 

Ce double schizophrénique est bien souvent un membre de la famille du héros (la mère et surtout le frère ou la sœur). Par exemple, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko dit que pendant son enfance, les amis de son père le « confondent toujours avec ses sœurs » (p. 17).

 

En toile de fond de ce duo uni à la vie à la mort se lit très souvent l’inceste (en général entre frères), le narcissisme et le viol. « Là, dans cette obscurité, dans cette exécution, cette mort volontaire, je me suis souvenu de ma sœur hantée. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 123) ; « C’est Laurel et Hardy. Don Quichotte et Sancho Panza. » (Pierre racontant sa première impression quand il a rencontré son « mari » Bertrand, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; etc.

 
 

b) Ne faire qu’Un avec deux soi-même (schizophrénie) :

Vu à Paris près du métro Barbès

Vu à Paris près du métro Barbès


 

Parfois, l’individu homosexuel pense ne faire qu’Un avec deux lui-même. C’est ce qui s’appelle la schizophrénie ou troubles bipolaires… pardon… la « transidentité » ou la « transsexualité ». « Greta Garbo avait deux voix. L’une […] était une voix un peu élevée. […] La seconde était sa douce voix ‘masculine’, dont elle se servait à l’écran. Elle parlait toujours d’elle-même à la troisième personne du masculin. Elle aimait porter mes habits. Je pense qu’elle se voyait comme un garçon accompagné d’un autre garçon. Elle gardait toujours un œil sur les filles… » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 454) ; « Ma maison avait deux tours : l’une plongée dans la lumière et l’autre obscure. » (Hugues Pouyé parlant de son enfance dans le site Les Toiles roses en 2009) ; « Tous les matins se ressemblaient. Quand je me réveillais, la première image qui m’apparaissait était celle des deux garçons. Leurs visages se dessinaient dans mes pensées, et, inexorablement, plus je me concentrais sur ces visages, plus les détails – le nez, la bouche, le regard – m’échappaient. Je ne retenais d’eux que la peur. » (Eddy Bellegueule parlant de ses deux agresseurs le grand roux et le trapu, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 63) ; « Il y a plusieurs personnages en moi. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; etc.

 

Un certain nombre de personnes homosexuelles souffrent de schizophrénie, même si elles ne le nomment pas comme ça. Le désir homosexuel, tel quel, est un désir marquant déjà chez l’individu qui le ressent une division identitaire. Et cette division s’accentue dès qu’il se pratique. Comme chaque acte homosexuel nous éloigne du Réel puisqu’il nous fait éjecter la différence des sexes (qui est le socle de notre existence et de l’amour quand elle est vraiment accueillie), il entraîne vers une forme de schizophrénie, autrement dit de décalage entre la sincérité et la Vérité, entre le désir et l’action, entre le vouloir et le faire.

 

Photo Henri Michaux (1925) de Claude Cahun

Photo Henri Michaux (1925) de Claude Cahun


 

C’est pourquoi certaines personnes homosexuelles vantent ouvertement les bienfaits de la schizophrénie : Gilles Deleuze, Félix Guattari, Néstor Perlongher, Claude Cahun, etc. « Le schizophrène n’est pas homme et femme. Il est homme ou femme. Il est mort ou vivant, non pas les deux à la fois, mais chacun des deux au terme d’une distance qu’il survole en glissant. Il est enfant ou parent, non pas l’un et l’autre, mais l’un au bout de l’autre comme les deux bouts d’un bâton dans un espace indécomposable : tout se divise, mais en soi-même. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972/1973), p. 91) D’autres sont connues pour être schizophrènes, comme par exemple le mathématicien John Nash. En 1990 lors de la Troisième Conférence annuelle des gays et lesbiennes des Premières Nations à Winnipeg (États-Unis), une nouvelle dénomination et catégorie identitaire queer sont nées : les « Deux-Esprits », ou encore « les bispirituels ».

 

Il est fréquent de les voir sur scène rentrer dans la peau de plusieurs personnages : pensez à Philippe Mistral, Laurent Laffitte, David Forgit, Karine Dubernet, Jérôme Commandeur, Alex Lutz, Thierry Le Luron, Yves Lecoq, etc. Par exemple, dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013), le travesti M to F David Forgit endosse le rôle de trois personnages (la mère, la grand-mère et la fille), trois schizophrénies pour ainsi dire. Dans son avant-dernière pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1984), Copi, habillé de bleu marine, interprétait chacun des 11 rôles qu’il avait composé en changeant sa voix. Dans sa pièce Le Frigo (1983), il jouait en travesti tous les rôles, changeait 14 fois de costumes. Le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne traite véritablement d’un dédoublement de personnalité chez un homme qui a toujours pensé qu’il était une femme, et qui a été entretenu dans ce mensonge schizophrénique à cause du prétexte de « l’identité et de l’amour homosexuels » matraqué par son entourage et sa famille. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M joue à être un mélange « cisgenre » d’homme et de femme : « Après Victor, je suis devenue Mimi. Mi-homme, mi-femme. » À la fin de son spectacle, dans un délire travesti sérieux, la comédienne achève son spectacle en barbu et en enfilant des boucles d’oreilles de diva, avec une question désinvolte « Et alors ? » qui lui fait quitter la salle. Magistral…

 

DOUBLES - claude cahun que me veux te 1928

Photo Claude Cahun que me veux-tu? (1928) de Claude Cahun


 

On se retrouve quelquefois face à la schizophrénie de l’acteur qui ne s’éprouve pas jouer, qui mord à l’hameçon de sa propre sincérité autoparodique : « Paradoxal et rare, il pouvait ‘faire l’acteur’ sans se sentir Acteur. » (Jorge Lavelli dans la biographie du frère de Copi, Jorge Damonte, Copi (1990), p. 32) ; « En ce qui concerne ses romans Copi aimait ses personnages. Souvent il leur prêta son nom. Il prenait du plaisir à la confusion qui s’installait. » (Jorge Damonte, idem, p. 9) ; « Lui-même aurait pu tout quitter d’un seul coup. Faire sa valise pour ailleurs. Exactement comme ses personnages. » (Jorge Lavelli parlant de Copi, dans l’article « Copi : toujours souffrir, toujours mourir, et toujours rire ! » d’Armelle Héliot, dans le journal Le Quotidien de Paris du 16 février 1988) ; « Le seul problème était de parvenir à se démaquiller. » (Alfredo Arias parlant de son ami Copi qui ne parvenait pas à faire la distinction entre fiction et Réalité, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 12) ; « Je m’enfermais dans un personnage à deux visages. J’étais l’illustration vivante du héros né de l’imagination de Robert Louis Stevenson dans la nouvelle L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde. Le bon grain et l’ivraie qui nous habitent tous se scindaient sous l’effet d’une drogue chez ce notable anglais. » (Jean-Michel Dunand, dans le chapitre intitulé « Dr Jekyll et Mr Hyde », sur l’autobiographie Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 50) ; « Je serais intéressé de discuter plus longuement avec toi à ce sujet, notamment sur les symboles de division très présents dans l’inconscient homosexuel. J’ai cru un temps sombrer dans la schizophrénie sous le poids de mon homosexualité refoulée. J’ai créé mon alter ego, Joseph First qui pouvait faire en cachette ce que Julien Parent ne pouvait pas faire. Bien sûr Julien détestait ce que Joseph faisait et rêvait de le tuer, dans ce sens tu as raison, c’est très destructeur. Mais si on regarde bien, c’est Julien le bon catho qui souhaitait devenir père de famille qui a créé Joseph, parce que Julien ne pourrait jamais faire ou exprimer ce qui était en lui véritablement. Je pense donc que l’expression intérieure de division de l’homosexualité est une conséquence plutôt qu’un caractère intrinsèque. » (Julien, mai 2012, sur Facebook) ; « J’ai procédé à une césure sans m’en rendre compte entre mon corps et ma tête. » (personne intersexe qui se fait appeler « M », dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018) ; etc.

 
 

c) Ventriloque et dialogue contradictoire :

Jean Cocteau

Jean Cocteau


 

Comme les personnes homosexuelles (à cause d’une pratique amoureuse leur faisant exclure la différence des sexes) sont en proie à une division entre leur corps et leur âme, ou en proie à la dissociation entre leur désir profond et leurs actes, la voix de leur conscience leur revient souvent sous forme de voix de ventriloque avec qui elles instaurent un dialogue de sourd, en général houleux et passionnel, dans lequel leurs pulsions (domination/soumission) s’entrechoquent et s’expriment par le paradoxe (cf. je vous renvoie aux codes « Androgynie bouffon/tyran » et « Fusion » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Photo Conversation avec mon moi par Annakarin Quinto

Photo Conversation avec mon moi (2011) par Annakarin Quinto


 

On assiste parfois dans la réalité à une rencontre étonnante entre homosexualité et monde des ventriloques. Par exemple, dans le Figaro du 24 février 1980, Copi fait une simulation d’interview avec ses propres personnages. Il s’adresse à la Eva Perón de son spectacle et lui fait faire sa promo. Dans sa photographie Autoportrait (1939), Claude Cahun pose à côté d’un mannequin. Dans la pièce Le Frigo (1983), le rat est employé comme une marionnette de ventriloque par Copi. C’est « l’obsession-fétiche, une marionnette de mousse à laquelle il prétendait ressembler comme un frère » (cf. l’article « Copi, à jamais pas conforme » d’Armelle Héliot, dans le journal Le Quotidien de Paris du 15 décembre 1987).

 

 

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