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Code n°67 – Faux révolutionnaires (sous-codes : Révolution trahie / Rebelle / L’homo combatif face à l’homo lâche / Anti)

faux rév

Faux révolutionnaires

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

« Je veux faire comme tout le monde, mais à l’envers. » (cf. la chanson « Chemins de croix » du groupe Niagara)

 

Film "Pecadillo" de Royston Tan

Film « Pecadillo » de Royston Tan


 

La révolution homosexuelle n’a pas eu lieu et n’aura pas lieu. Je préfère vous prévenir. Les trois seules révolutions sexuelles – dignes de ce nom – que je connaisse, c’est le jour de la création de la différence des sexes aimante, le jour de la naissance de chacun de nous, et l’existence de Jésus-Christ. Le reste – dont la révolution homosexuelle, qui repose sur une pulsion et un fantasme, je le rappelle – , ce sont des révolutions de bazar, des modes éphémères, des châteaux de cartes, des fascismes ambulants qui se donnent des airs de Mère Teresa. Des chimères.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Faux intellectuels », « Artiste raté », « Défense du tyran », « Homosexuels psychorigides », « Entre-deux-guerres », « Patrons de l’audiovisuel », « Milieu homosexuel paradisiaque », « Mère gay friendly », « Duo totalitaire lesbienne/gay », « Se prendre pour Dieu », « Bobo », « L’homosexuel riche / L’homosexuel pauvre », « Homosexuel homophobe », « Doubles schizophréniques », « Parodies de mômes », à la partie « Je suis un traître » du code « Homosexualité noire et glorieuse », à la partie « Aventurier » du code « Super-héros », à la partie « Le Bien par le mal » du code « Se prendre pour le diable », et au code « Inversion », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

PETIT « CONDENSÉ »

 

Le fantasme de Révolution chez les personnes homosexuelles

1- La révolution souriante

 

Film "Nés en 68" d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau

Film « Nés en 68 » d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau


 

Pour partir en croisade contre leurs ennemis (et surtout contre eux-mêmes !), bon nombre d’individus homosexuels décident de mener une révolution monumentale. Celle-ci va prendre deux principaux visages : une face euphorique, une autre agressive.

 

"Kissing" de Marseille, à l'automne 2012 à Marseille, par deux lycéennes

« Kissing » de Marseille, à l’automne 2012, par deux lycéennes « hétéros »


 

À l’époque de la Guerre froide, se déclarer à la fois révolutionnaire et homosexuel était chose difficilement possible et conseillée. À présent, les media ont réalisé le « rêve » de beaucoup de personnes homosexuelles : l’association des deux termes est devenue quasi obligatoire. Sur nos écrans de télévision et dans la presse, les critiques lèguent souvent aux sujets homosexuels des réputations d’anti-conformistes extraordinaires, de rebelles aux idées osées et à l’humour irrespectueux, d’intellectuels très engagés et ridiculisant les lieux communs du progressisme démocratique. Et le pire, c’est que beaucoup d’entre eux ont fini par croire en leur notoriété. « Moi je suis toujours pour changer les codes, quels qu’ils soient. Je suis contre toutes les institutions bourgeoises, quelles qu’elles soient. Vous savez, je suis né révolutionnaire, je mourrai probablement comme ça. J’ai un peu tété le lait de l’anarchie dans ma jeunesse. J’ai pas cessé de le faire. Je suis contre les discriminations. » (Pierre Bergé, actuel PDG de la revue Têtu, ami de François Mitterrand, et créateur de Yves Saint-Laurent, interviewé dans l’émission Culture et Dépendances sur la chaîne France 3 le 9 juin 2004). Maintenant, ils sont relativement nombreux à se dire ouvertement révolutionnaires. Mieux encore : ils affirment qu’« il y a de fortes chances pour qu’un homosexuel soit parmi les plus révolutionnaires des révolutionnaires » (H. P. Newton, ministre de la défense du Black Panther Party, cité dans l’essai Le Désir homosexuel (1972) de Guy Hocquenghem, p. 173).

 

La communauté homosexuelle magnifie le parcours de ses membres. Selon elle, tous les artistes homosexuels célèbres auraient fait « de brillantes études » (Michel Larivière, Dictionnaire des Homosexuels et Bisexuels célèbres (1997), p. 343), eu une « jeunesse éclatante » (cf. l’article « Oscar Wilde » de Jean-Philippe Renouard, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2001) de Didier Éribon, p. 501), et été de preux défenseurs de la démocratie. Elle tresse des couronnes et dresse des listes de personnalités admises au panthéon homosexuel dans des dictionnaires. Elle fait inlassablement les fonds de tiroirs pour trouver ses figures emblématiques dans l’Histoire humaine et reconstituer une Grande Famille homosexuelle. Mais, face à la noirceur de certaines œuvres artistiques ou vies, elle a de quoi s’arracher les cheveux ! « Comment trouver une image positive de l’homosexualité chez des artistes qui n’ont présenté que l’angoisse, la violence, la destruction, le désespoir, la peur ? » (cf. l’article « Francis Bacon » d’Élisabeth Lebovici, op. cit., p. 53) La recherche de l’héroïsme homosexuel n’est pas si évidente que cela… et pour cause : je crois que d’une part, le désir homosexuel pousse davantage les êtres humains à la bassesse qu’à la grandeur, et d’autre part, que « l’homosexuel » n’existe pas. C’est ce qui explique que les historiens gay partent à la chasse aux Grands Hommes « homosexuels » de la Seconde Guerre mondiale non sans une certaine inquiétude : « N’aurions-nous donc, pour cette période terrifiante de l’histoire, que des héros ‘négatifs’ ? » (Jean Le Bitoux, Les Oubliés de la mémoire (2002), p. 225) Ils nous présentent l’excuse de la rareté des témoignages et de l’absence de descendance chez les personnalités homosexuelles de l’époque pour attester de leurs exploits présumés. Par conséquent, ils ne peuvent que supposer des héroïsmes. « On peut formuler l’hypothèse que dans les maquis se trouvent aussi des jeunes dont l’orientation homosexuelle aura hâté l’entrée en clandestinité. […] Si la Résistance favorise l’émancipation de certaines jeunes femmes, on peut supposer que c’est aussi le cas pour certains homosexuels. » (cf. l’article « Résistance » de Corinne Bouchoux, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2001) de Didier Éribon, p. 403)

 

Personnellement, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de se lancer dans des fouilles pseudo historiques pour prouver qu’il a existé par le passé, non pas « des homosexuels » ni des « personnes homosexuelles », mais des Hommes remarquables (… habités par un désir homosexuel plus ou moins durablement inscrit en eux). En revanche, la recherche désespérée des révolutionnaires visant à prouver par a + b que « les homos » n’étaient vraiment pas du côté des « salauds de fascistes » signale un fait très important : que certaines personnes homosexuelles sont les dernières à devoir encore s’en persuader, aux côtés de la poignée d’indécrottables personnes homophobes. À vouloir fuir à tout prix l’image stigmatisante du « héros homosexuel négatif », elles la justifient bien souvent dans une entreprise de béatification ratée.

 

Certains réalisateurs annoncent des lendemains chantants pour la communauté homosexuelle. Ils croient en une révolution homosexuelle grandiose, exprimée par leurs personnages de fiction. « Après la Révolution, on trouvera toutes le Grand Amour ! » exulte Karen dans le film « Sex Revelations » (1996) de Martha Coolidge. Au niveau associatif, les militants homosexuels présentent souvent la politique comme un champ de bataille « merveilleux » pour leurs victoires législatives futures. Leur principal slogan révolutionnaire repose sur l’idée de progrès. À leurs yeux, tout ce qui rompt avec la tradition est forcément juste et transcendant. Par leur utilisation de l’expression « jouir de ses droits », ils sous-entendent que l’obtention, même infime, de « droits pour les homosexuels » serait absolument géniale, même si, une fois exaucés, ils reportent leurs Everest ailleurs pour au final les bouder tous.

 

FAUX REV Pacs

 

Certains intellectuels homosexuels se plaisent à présenter la communauté homosexuelle comme un mouvement identitaire puissant, une famille ultra-soudée (cf. je vous renvoie au code « Milieu homosexuel paradisiaque » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Lassés des productions artistiques au message sinistre qu’ils avaient jadis construites eux-mêmes, ils créent sur papier ou sur pellicule des épopées extraordinaires où tout le monde rigole et applaudit, où les happy end parachèvent l’utopie, où l’homosexualité a forcément le dernier mot. Ils essaient de faire de la révolte de Stonewall une nouvelle prise de la Bastille, le déclenchement d’une révolution homosexuelle prometteuse. Quant aux personnes homosexuelles moins lettrées, elles ont tendance à se persuader qu’elles ne sont elles-mêmes et heureuses qu’entre les quatre murs du « milieu homosexuel ». Ceci est dû en général à l’influence de certains films visant à démontrer que la camaraderie homosexuelle est là à tout instant, que « les homos » sont d’infatigables fêtards, une bande de copains inséparables et toujours prêts à s’épauler dans l’épreuve.

 

Mais la première phrase de Dennis dans le film « Le Club des cœurs brisés » (2000) de Greg Barlanti vient nous ramener les pieds sur terre : « Je ne peux pas me décider à savoir si mes amis sont la meilleure ou la pire chose qui me soit arrivée. » Dans la réalité concrète, nous découvrons que la révolution homosexuelle n’est souvent qu’un joli concept romantique sorti des cerveaux des universitaires queer. Beaucoup de personnes homosexuelles n’aiment pas le collectif : c’est dommage, mais c’est souvent un fait. Les réunir autour de lieux-symboles, d’événements fédérateurs, de personnages emblématiques, de bars, d’associations, a souvent été particulièrement ardu. La majorité des militants associatifs vous le confirmeront, surtout les soirs ingrats de Gay Pride où, exténués, ils se forcent à sourire en disant que « ça a été une fois de plus un succès » alors que la joie est loin d’être dans tous les cœurs. La communauté homosexuelle constitue une famille turbulente dont la cohésion est bien plus une utopie sucrée marketing qu’une réalité. Si les personnes homosexuelles se retrouvent dans le « milieu », ce n’est pas vraiment par choix ni par engagement : elles viennent surtout consommer, trouver chaussure à leur pied, ou bien dans une logique d’adversité plus que d’unité. Même pour l’habitué des établissements gay friendly, l’entourage d’orientation sexuelle ne constituera jamais vraiment une seconde famille.

 

Le chanteur Emmanuel Moire pose un grand Acte de Solidarité contre l'homophobie (... dans son palais doré)

Le chanteur Emmanuel Moire pose un grand Acte de Solidarité contre l’homophobie (… dans son palais doré)


 

Quand les personnes homosexuelles utilisent le terme « révolution », il est en général plus à entendre dans le sens publicitaire de « mode » que d’un point de vue concret. Elles confondent la révolution avec la rébellion, avec l’image artistique qu’elles s’en sont faites. Chez elles, tout devient révolutionnaire à partir du moment où l’image violente ou déréalisante prévaut sur la Réalité. Le traitement du thème révolutionnaire sert presque uniquement de prétexte à filmer le corps musclé de l’homme prolétaire et ne relève pas d’une démarche clairement politique. La préoccupation des personnes homosexuelles pour la révolution est d’abord esthétique. En effet, pour elles, décrire avec passion les actions qu’elles voient, cela revient à les poser réellement. Elles s’imaginent qu’elles changeront le monde à coup de conditionnels, de synesthésies, et de larmes. « J’aimais d’instinct ce monde de la mer, ces hommes qui ne vivaient qu’auprès de la mer, des bateaux. Je voulais de tout mon cœur appartenir à ce monde-là, être en compagnie de ces hommes. Je pressentais que je saurais amarrer les bateaux, répondre à des ordres qu’on gueule, avoir ce visage buriné, ces rides ensoleillées, ces vêtements usés. Les premiers rêves de mon enfance ont été des rêves de marins. […] Je ne suis pas devenu marin. » (Philippe Besson, Son frère (2001), pp. 29-32) Elles préfèrent l’aventurier littéraire et libertin à l’aventurier réel. D’ailleurs, dans les œuvres homosexuelles, le personnage homosexuel est souvent associé à l’esthète bourgeois oisif, mis en opposition avec l’homme d’action communiste, son autre pendant homo-érotique. Dans les deux cas, nous retrouvons les deux visages d’une même révolution désincarnée (Je vous engage à lire mon livre Homosexualité sociale, publié aux éditions l’Harmattan en 2008, et dans lequel j’explicite le concept de révolution autour du pardon, le plus grand acte révolutionnaire qui soit ; ainsi que le code « Bobo » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 
 

2 – Le mirage cynique de la révolution inversante

 

Film "The Raspberry Reich" de Bruce LaBruce

Film « The Raspberry Reich » de Bruce LaBruce


 

Quand la révolution que les sujets homosexuels défendent adopte un sourire qui n’est pas de circonstance, puisqu’il dissimule énormément de drames vécus au sein du « milieu homosexuel » et dans le vécu individuel de ses habitants, elle apparaît dans toute son horreur. Les talk show télévisés actuels, promettant un bonheur parfait aux personnes homosexuelles, correspondent rarement à la réalité, et causent bien des dégâts dans la vie des intervenants gay qui, par narcissisme ou inconscience, ont déballé leur « joie d’être homos/malheur d’être rejetés en tant qu’homos » devant les caméras (il finissent pour la plupart en dépression, abandonnés par leurs amis, séparés de leur compagnon de l’époque, démolis par leur(s) tentative(s) de suicide, etc.). La révolution festive homosexuelle a son cynisme et sa violence. Avant de les lâcher sur la place publique, la communauté homosexuelle dorlote ses porte-drapeaux, les décore, les épile, leur oxygène les cheveux, les place sur un char, leur ordonne d’être reconnaissants et d’arborer un visage de fierté afin de lui faire honneur. Les moins fragiles d’entre eux, ravis d’occuper pendant un quart d’heure le haut de l’affiche et de défendre une utopie collective, deviennent souvent des militants « agressivement heureux d’être gay ». C’est une manière comme une autre pour eux de se venger de leur propre naïveté.

 

Le "kissing" public homo = paradoxal geste d' "amour" agressif et militant

Le « kissing » public homo = paradoxal geste d’ « amour » agressif et militant


 
 

Aux yeux de beaucoup de personnes homosexuelles, la révolution est telle qu’on la leur a montrée dans les spots publicitaires : elle se réduit au silence du poète visionnaire incompris, à la rébellion, à l’anarchisme, au scandale, à la provocation, à l’anticonformisme, à l’irrespect des figures d’autorité, en somme, à tout ce que n’est pas la vraie révolution. La plupart des sujets homosexuels rentrent docilement dans l’archétype du bad boy qui n’existe que parce qu’il dit le « non » de l’enfant de trois ans à sa société. Dans le style faux révolutionnaire homosexuel, nous pouvons rencontrer par exemple le picaresque Oliver Twist du XIXe siècle (cf. le vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer), le rebelle underground de la Beat Generation, le loser belle-gueule du rêve américain, le hippie bisexuel Flower Power, le chanteur insolent de la vulgarité punk des années 1980-1990, l’artiste cocaïnomane et pornocrate de la Movida espagnole, l’écrivain cynique voyant dans le retrait social une démarche ultra-subversive, le journaliste barbu homo « anti-milieu » écrivant de temps en temps aux Inrock ou dans Minorités, etc. La révolution dont les intellectuels homosexuels parlent est prioritairement destruction. Guidés par la croyance manichéenne au mythe de la suppression totale du mal, il s’agit pour eux « de rayer, d’effacer l’infamie » (Pierre Bergé dans l’émission Culture et Dépendances, op. cit.) que la communauté homosexuelle aurait subie. L’utopie de l’éradication totale du mal, typique de la dialectique de la conquête chez les idéologies totalitaires, revient souvent dans leur argumentaire.

 

Étant donné que le mal dont ils découvrent que l’Homme est porteur ne peut être détruit par leurs propres efforts, beaucoup d’individus homosexuels vont faire semblant de renoncer à son extermination en proposant une version résignée, mais non moins orgueilleuse, de celle-ci : l’inversion (cf. je vous renvoie au code « Inversion » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ce mot, qui définissait déjà les personnes homosexuelles du début du XXe siècle (on les appelait les « invertis »), remplace actuellement dans les discours celui de révolution : « les homosexuels » (et maintenant « les amoureux » tout court) seraient cette race d’Hommes dont le désir soi-disant révolutionnaire transformerait toute chose. Avec lui, « les choses se prennent à l’envers, par le revers. » (Néstor Perlongher, « La Fuerza del Carnavalismo » (1988), dans le recueil Prosa plebeya (1997), pp. 59-61). L’inversion s’exerce prioritairement sur la sexuation : le révolutionnaire par excellence est l’homme efféminé, le garçon manqué (cf. le dessin animé « Lady Oscar »), ou bien le transgenre/transsexuel. L’inversion carnavalesque homosexuelle consiste en une juxtaposition fusionnelle et imprévisible du féminin et du masculin, du bas et du haut, de ce qui est méprisé et de ce qui est consacré, ou bien en un retour de carte donnant l’illusion du changement de carte ou de la suppression de celle-ci. Beaucoup d’individus homosexuels s’imaginent qu’ils peuvent avoir leur supposé ennemi avec ses armes, en rentrant dans son jeu et en se jouant de lui par la technique de la contrefaçon inversante. Mais dans les faits, leur inversion n’est qu’un pastiche de révolution, qu’un échange de déguisements entre victime et bourreau fictionnels (Pensez par exemple au retournement du fouet de la sentence dans le vidéo-clip de la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer, fortement chargé esthétiquement), et non un changement concret d’identités et de réalités. Leur « retournement stratégique » (Michel Foucault, « Non au Sexe Roi », dans Dits et Écrits II (2001), p. 261) n’est pas si « stratégique » qu’ils le disent, puisqu’il est davantage esthétique que réel. En croyant échapper au totalitarisme par l’inversion, beaucoup de personnes homosexuelles ne font qu’imiter ce qu’elles prétendent évincer puisqu’elles auront amorcé leur réaction d’opposition en négatif de la réaction première ou supposée des autres. Dans leur cas, au lieu de « révolution », je parlerais plutôt de copiage inconscient, car excessivement motivé par l’intention de fuir l’objet d’aliénation, fruit la plupart du temps de leurs propres fantasmes. Par exemple, puisque pour certaines, l’interdiction est en soi mauvaise, inversement, elles vont soutenir que tout ce qui est interdit est juste, ou bien qu’il est interdit d’interdire. « Il est bon d’être sale et barbu, de porter des cheveux longs, de ressembler à une fille lorsqu’on est un garçon (et vice versa). Il faut mettre ‘en jeu’, exhiber, transformer et renverser les systèmes qui nous ordonnent paisiblement. » (idem, p. 1061) Mais elles restent ainsi à leur proie tout entières attachées. L’anti-conformisme est souvent un conformisme qui s’ignore, étant donné qu’il se focalise davantage sur sa volonté sincère de détruire que sur l’acte de destruction. Les idéologies de « l’Anti » (l’anti-hétérosexualité, l’anti-homophobie, l’anti-fascisme, etc.), dont la communauté homosexuelle est friande, sont généralement celles de l’idolâtrie, du mimétisme spéculaire dont parle si souvent René Girard. C’est pourquoi la dictature « mol-pensante » (Alain Minc, Épîtres à nos nouveaux Maîtres (2002), p. 98) homosexuelle rejoint souvent la dictature bien-pensante tant haïe, comme l’illustre le révolutionnaire communiste homosexuel Valentín dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig : « Je… parle beaucoup mais… mais au fond ce qui… continue de me plaire, c’est que… je suis pareil à tous ces fils de pute de réactionnaires qui ont tué mon camarade. Je suis comme eux, tout pareil. » (p. 142)

 
 

3 – La Révolution ratée

 

FAUX REV Spirit of 69

 

Trahies par le surplus de confiance qu’elles font à leurs intentions anti-totalitaristes, beaucoup de personnes homosexuelles découvrent parfois avec effroi qu’elles imitent inconsciemment leurs ennemis – intellectuels, scientifiques, religieux, sociaux, et bourgeois – en cherchant à les fuir pour mieux les déifier. Sans réellement réaliser pourquoi leur désir homosexuel trompe leurs utopies politiques, elles traitent avec grand cynisme des faux révolutionnaires et des révolutions trahies. Elles se demandent parfois comment elles en sont arrivées à intérioriser l’opprobre qu’elles ont/auraient subi, par quel mystère elles ont pu confondre la révolution avec la dictature – notamment celle de gauche : le castrisme, le stalinisme, le maoïsme, le socialisme –, et à se soumettre aux modèles sociaux qu’elles prétendaient combattre de tout leur cœur (cf. Wilhem Reich, La Fonction de l’orgasme, 1970). « Comment expliquer que le désir se livre à des opérations qui ne sont pas des méconnaissances, mais des investissements inconscients parfaitement réactionnaires ? » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972-1973), p. 306) La réponse est simple : comme l’enfer est pavé de bonnes intentions, c’est-à-dire d’une sincérité non suivie des actes, et que le désir homosexuel pratiqué éjecte le socle du Réel qu’est la différence des sexes, il arrive qu’une idéologie révolutionnaire pétrie de jolies valeurs et d’idéaux humanistes comme l’est l’idéologie pro-droits-homos bascule très vite dans le totalitarisme, car elle ne se voit plus agir, vu qu’elle passe son temps à se regarder aimer, ressentir, sans tenir compte du Réel.

 
 

GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 
 

a) On annonce le personnage homosexuel comme un grand « révolutionnaire » :

Très souvent les fictions traitant d’homosexualité aborde le thème de la révolution : la pièce La Revolución (1972) d’Isaac Chocrón, le film « Shôjo Kakumei Utena : Adolescence Mokushiroku » (« Utena, la Fillette révolutionnaire », 1999) de Kunihiro Ikuhara, le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, la chanson « Réveiller le Monde » de Mylène Farmer, la chanson « Réévolution » d’Étienne Daho, la chanson « Ma Révolution » de Jenifer, le spectacle « Révolution » (2013) de Rebeka Brown, le film « Good Morning England » (2009) de Richard Curtis (avec l’équipe très queer de Radio Rock), la chanson « Ma Révolution » de Cassandre, le roman Quand nous étions révolutionnaires (2013) de Roberto Ampuero, etc.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

On nous annonce les personnages homosexuels comme la fine fleur de la modernité. « Un homme vint me serrer la patte, me félicitant pour mon éloquence et une vieille hippie se mit à chanter s’accompagnant d’une guitare quelques mélopées afro-indiennes. » (Gouri, le rat homosexuel, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 104) ; « C’est nous qui lançons la mode. Nous, les blacks et les gays. » (Maria, la prostituée, s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 165) ; etc. Par exemple, dans la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim, la chanson « Comme ils disent » de Charles Aznavour est présentée comme une œuvre « vraiment engagée ». Dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, on fait passer Steven pour un héros-martyr. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, tout un amphi d’université finit par avoir le courage de se lever pour défendre Howard, le prof homosexuel bafoué, et pour dire qu’il « est gay » (une sorte de parodie sincère du fameux « Ô Capitaine mon Capitaine ! » du « Cercle des Poètes disparus »). Et le film postiche « Servir et protéger », traitant d’une intrigue homosexuelle, reçoit une pluie d’Oscars à Hollywood. Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien homosexuel insupportable et misanthrope, est présenté comme un génie (« un prodige des mathématiques ») qui aurait sauvé 14 millions de vies pendant la Seconde Guerre mondiale parce qu’il aurait cassé à lui seul Enigma, un programme de guerre nazi. Il serait parvenu à déchiffrer l’Indéchiffrable. Il aurait fait reculer la Guerre de deux ans.

 

Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Otis le héros hétéro va voir la comédie musicale Hedwig and the Angry Inch et offre une place à Éric son meilleur ami gay pour son anniversaire (c.f. épisode 5 de la saison 1) : ils s’y rendent tous les deux travestis en femmes. Otis célèbre ce navet théâtral et cinématographique comme « une véritable icône dans la communauté LGBTQI », et son amie Ola dit qu’« elle adore ce film ». Plus tard, Éric est applaudi par son propre père homophobe comme un héros (c.f. épisode 7 de la saison 1). Que fait-il ? Aide-t-il les autres ? Sauve-t-il des vies ? Pas du tout : il ose juste se déguiser publiquement en femme dans son lycée et affronter le regard des autres : « C’est le courage de mon fils qui me donne des leçons. »
 

Tout le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus associe lutte ouvrière et lutte gay, ou bien communauté « hétéro » et communauté LGBT, comme si le fait d’avoir fait fusionner les mondes que tout séparerait relevait du miracle : « On écrit l’histoire. Gays et hétéros ensemble ! » (Dai, le père de famille gay friendly) Dans ce film démagogique et anachronique, les membres gays friendly du village de mineurs gallois qu’un groupe de militants LGBT a aidé, tressent des couronnes à leurs compagnons homos (tels que Joe, par exemple) : « Tout un village gallois pense que Joe est un héros. » (Sian, la villageoise universitaire s’adressant à la mère homophobe de Joe)

 

Dans le docu-fiction « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, on nous présente les militants homos d’Act-Up comme de courageux révolutionnaires qui font éruption dans les soirées cocktail bourgeoises, pour bousculer l’ordre établi. Le réalisateur entend nous prouver que le sexe serait révolutionnaire, ou bien encore la violence et la colère… Les scènes de sexe entre Thibault et Nathan se juxtaposent à l’happening du cocktail.
 

Le héros homosexuel s’annonce aussi lui-même comme un révolutionnaire. « ¡Viva la Revolución ! » (Zamba, le travesti M to F du film « 30° couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue) ; « Je voudrais une Révolution. » (cf. la chanson « Bastille Day » des Valentins) ; « Mon vieux hippie, je vous adore toujours ! » (L. s’adressant à Hugh, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Mon Cachafaz, mon doux trésor, faisons la révolution ! » (Raulito parlant à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Finalement, on a réussi. » (Citron s’adressant à Radmilo pendant dans première Gay Pride à Belgrade en 2010, dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic) ; « Elia Kazan est un génie. » (Roger dans la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn) ; etc.

 

Par exemple, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque compare la première Gay Pride à la Révolution Française de 1789. Dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, l’objectif premier de Sheila est de « propager la Révolution ». Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, l’oisiveté et le cloisonnement des héros « hétéros et homosexuels de salons » s’opèrent dans un climat brûlant de révolte sociale et de grèves alentours… et pourtant, ils ont l’impression que ce sont eux les vrais révolutionnaires : « Tu n’imagines pas, c’est le monde à l’envers. La vraie révolution, c’est ici qu’elle a lieu. » (Amande, p. 420) Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi, le héros bisexuel, porte un sweat du Che Guevara, se dit attiré par le bouddhisme et les philosophies orientales. Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Virginia Woolf écrit en 1929 une autobiographie, Orlando, qu’elle présente comme « une Révolution ».

 

Les protagonistes homosexuels s’expriment souvent à coup de slogans (identitaristes ou sentimentalistes) publicitaires, centrés sur la « réalisation de soi par soi-même » ou sur l’opposition de principe : « Moi, je dis que le vrai défi, c’est d’être soi-même ici et maintenant. » (Vincent, le héros homosexuel du téléfilm « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve) ; « Place à la Révolution sexuelle ! » (la Mère maquerelle et patronne du club échangiste, dans le film « Plus on est de fous », « Donde caben dos » (2021) de Paco Caballero) ; etc.

 

Jenifer, la nana qui défend l'amour alors qu'elle ne croit pas en l'Amour...

Jenifer, la nana qui défend l’amour alors qu’elle ne croit pas en l’Amour (cf. photo d’Olivier Ciappa)


 

C’est la raison pour laquelle ils ont tendance à prendre pour modèle d’action « révolutionnaire » et d’affirmation de soi la femme féministe indépendante, qui veut s’affranchir de son sexe, qui est « mère toute seule », qui a un désir machiste, qui est parfois lesbienne : « Jane Randolph a 24 ans. Elle a toujours été révolutionnaire. Elle est pour la révolution sexuelle. Elle est d’une famille bourgeoise ; des gens pas très riches, mais tu sais, à l’aise. Toute son enfance et sa jeunesse, elle a souffert de voir ses parents se détruire mutuellement. Avec son père qui trompait sa mère, tu vois ce que je veux dire… Et la mère passait son temps à le critiquer devant sa fille, elle passait son temps à se poser en victime. […] Elle a été élevée pour faire une femme d’intérieur. Leçons de piano, de français, de dessin ; et à la fin du lycée, université catholique. […] Là, elle a connu un garçon, ils sont tombés amoureux et ils ont eu une liaison. […] Et le garçon voulait se marier. Mais Jane ne voulait retomber dans aucun vieux schéma, elle se méfiait. Elle s’est fait avorter une fois. Cela l’a affermie davantage, au lieu de la déprimer. Elle a vu clairement que si elle avait un enfant, cela l’empêcherait de mûrir, d’évoluer. Sa liberté resterait limitée. » (Molina, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, pp. 47-49) ; « Je suis complètement indépendante et je fais l’inverse de ce qu’on me dit de faire. Vivo al revés. Je vis à l’envers. » (Alba, l’héroïne lesbienne de la pièce Se Dice De Mí (2010) de Stéphan Druet) ; « Les voisines disaient qu’elle était devenue un homme. Elles avaient raison. Ma mère faisait sa révolution. Elle se libérait. Retrouvait sa jeunesse. Et pour cela, elle avait besoin de détruire notre monde, le centre de notre monde : mon père. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 34-35) ; « Max, pour combien t’es juif, résistant, homosexuel et communiste ? » (Léon dans le le film « La Folle Histoire de Max et Léon » (2016) de Jonathan Barré) ; etc. Cette femme se propose en général de reproduire le péché d’Ève : celui de « vouloir un enfant toute seule », ou bien d’être vierge sans être mère. « Je deviens mère mais je reste une femme libre. » (Isabelle, la mère-porteuse-prostituée de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade)

 
 

b) Le personnage homosexuel est un rebelle, joue les durs :

Vidéo-clip de la chanson "Désenchantée" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer


 

Vestimentairement et au niveau des attitudes, certains personnages homosexuels rentrent dans la peau de l’image stéréotypée du « rebelle » désobéissant, bref, dans ce qu’ils imaginent être la rebellitude : cf. le roman La Rebelle (2004) de Benoît Duteurtre, le film « Furyo » (1983) de Nagisa Oshima (avec le soldat inflexible joué par David Bowie), le film « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears (avec le personnage de Johnny), le film « Rebel Without A Cause » (« La Fureur de vivre », 1955) de Nicholas Ray, le vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer, la chanson « Rebel Rebel » (1974) de David Bowie, la chanson « Éternel Rebelle » de la Groupie dans la comédie musicale La Légende de Jimmy (1992) de Michel Berger, le film « Le Rebelle » (1980) de Gérard Blain, le vidéo-clip de la chanson « Who’s That Girl ? » de Madonna, le vidéo-clip de la chanson « Hasta Siempre » de Nathalie Cardone, le film « Jacquou le Croquant » (2007) de Laurent Boutonnat, le film « Les Rebelles du dieu Néon » (1992) de Tsai Ming-liang, le film « Thelma et Louise » (1991) de Ridley Scott, le film « L’Équipée sauvage » (1953) de Lazlo Benedek (avec Marlon Brando dans la peau de Johnny), la chanson « En rouge et noir » de Jeanne Mas, le film « Rimbaud Verlaine » (1995) d’Agnieszka Holland, le film « Rebelles » (2003) de Léa Pool, le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet, la série télévisée « La Forja De Un Rebelde » (1951) d’Arturo Barea, « Young Soul Rebels » (1991) d’Isaac Julien, la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade (avec Claude, « la rebelle des Glaïeuls »), le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec Romain, « le rebelle »), la pièce La Tragi-comédie de Don Cristóbal et Doña Rosita (1936) de Federico García Lorca (avec Doña Rosita, la femme rebelle), le film porno « 100% Wesh » (2010) de Citébeurs (avec « Jawel le Rebelle »), l’album Rebel Heart de Madonna, le roman Le Diable emporte le fils rebelle (2019) de Gilles Leroy, La Bande Dessinée Deux Lesbiennes rebelles à Paris (2021) de Laure Bernard et Danielle Charest, etc.

 

« Je suis un bébé très rebelle. » (Vanina, la protagoniste lesbienne de la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias) ; « On a été rebelles, nous aussi. » (le père d’Ati, l’héroïne lesbienne, dans le film « Circumstance », « En secret » (2011) de Maryam Keshavarz) ; « Nous, les tantes, nous sommes résistantes. » (les personnages homosexuels de la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; « J’ai été élevée dans l’orthodoxie juive, moi, et parfois, j’ai besoin d’afficher un symbole clair de rébellion. […] J’ai commencé à marcher, en femme indépendante que je suis. » (Ronit, l’héroïne lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 91) ; « À sa façon, quelque peu vague et enfantine, Stephen [l’héroïne lesbienne] s’était rebellée contre la vie et cela rétablissait à ses yeux sa dignité personnelle. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 22) ; « Dites-moi… Qu’est-ce qui fait de vous la rebelle de la famille ? » (Agnès, l’héroïne lesbienne s’adressant à sa future amante, Marie, dans le film « Pièce montée » (2010) de Denys Granier-Deferre) ; « Ces fachos me font pas peur ! » (Dany, le héros homosexuel du film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras) ; « À bas la société bourgeoise ! » (Carole, l’héroïne lesbienne à poil au balcon, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, les Virilius, parodie des Hommens (version puceaux homosexuels refoulés), s’annoncent comme des supers rebelles : « Les Sentinelles, c’est un truc de passifs. » (Jean-Paul) ; « Nous, jeunes étudiants progressistes ! » (Jean-Marc, homosexuel) ; « J’étais jeune dissident rebelle. » (Jean-Jacques, l’amant secret de Jean-Marc, et la tête du mouvement) ; etc. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dépeint les différentes catégories d’homos qu’il a identifiées dans la communauté LGBT , dont « les rebelles homos ». Dans le film « 20 ans d’écart » (2013) de David Moreau, Vincent Khan, le boss homo et pédant de la revue de mode féminine intitulée Rebelle est homo… et quand il voit son assistante Alice se dévergonder avec un petit jeune, il la félicite de sa rébellion :« T’as l’esprit rebelle. C’est ça que j’aime. »

 

La rébellion suit davantage une logique esthétique, orgueilleuse ou intentionnelle qu’un désir d’action concrète : « J’ai envie d’amour et d’être belle, c’est pour ça qu’on m’appelle rebelle, rebelle, rebelle. » (cf. la chanson « Rebelle » de Cindy dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « Chrysanthème, rebelle plus que lesbienne » (Océane Rose Marie dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « Moi qui suis mi-voyou, mi-voyelle. » (cf. la chanson « Celles qui aiment elles » de Marie-Paule Belle) ; etc. Par exemple, dans le film « Un autre homme » (2008) de Lionel Baier, est prôné le « plaisir de désobéir ». Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie est la femme lesbienne insoumise, incorrecte, rebelle et indépendante. Dans la série Demain nous appartient, à l’épisode 87 diffusé sur TF1 le 14 novembre 2017, Sara Raynaud, l’héroïne bisexuelle, porte un tee-shirt « Belle et Rebelle ».

 
 

c) Le personnage homosexuel s’oppose par principe à tout, en adoptant l’idéologie de l’Anti :

Les héros homosexuels pratiquants ont tendance à appréhender la révolution non pas sous l’angle de la proposition réaliste mais bien sous l’angle de la proposition angéliste et de la contestation de principe. Ils sont « anti » et « contre », parce que ça fait joli, ça fait fort, ça fait déterminé, ça fait réel : cf. la pièce Antigone (1922) de Jean Cocteau, la pièce Les Anticlastes (1886-1888) d’Alfred Jarry, le poème « Non » (1915) de Gertrude Stein, la pièce Wrong (1993) de Dennis Cooper, les chansons « Maman a tort » et « La Poupée qui fait non » de Mylène Farmer, la pièce Contradanza (1980) de Francisco Ors, la pièce Antiphon (1958) de Djuna Barnes, le film « Antibodies » (2005) de Christian Alvart, l’album « En vert et contre tout » de Véronique Rivière, la chanson « À contre-courant » d’Alizée, la chanson « A contrapié » de Marta Sanchez, le film « Mathi(eu) » (2011) de Coralie Prosper (avec le cours sur les antonymes), le film « Contre-chaos » (2006) de Jérôme Legoff, le film « Contracorriente » (2009) de Javier Fuentes-Leon, la chanson et l’album « Désobéissance » de Mylène Farmer, le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare (avec l’écriteau « Anti » dans les buts de water-polo), etc.

 

« Je dis non, je dis non, je dis non, je dis non. » (cf. la chanson « Porno graphique » de Mylène Farmer) ; « Normalement, devrait y avoir en tout pédé un potentiel énorme de révolte, largement de quoi baser la Carole et faire disjoncter le système. […] On est dangereux, pour la Carole, dangereux, par nature, parce qu’on est ce qu’on est… » (Vincent Garbo, le héros homosexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 177) ; « Vous êtes contre beaucoup de choses… mais vous êtes pour quoi ? » (Question posée à Harvey Milk dans le film éponyme (2009) de Gus Van Sant) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, les héros queer défendent leur manifeste des « anti-sexe », autrement dit des « anti-sexuation ». Dans le film « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, les protagonistes participent à la manif anti-FN suite à la victoire de Jean-Marie Le Pen au premier tour des présidentielles en 2002 en France. Dans le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, le héros homosexuel, Nicolas, est directeur de la revue Anti-Pouvoirs. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Adèle défile avec la CGT contre la privatisation de l’enseignement public, et chante « On lâche rien » ; puis, une fois en couple avec Emma, elle s’excitera à la Gay Pride parisienne.

 

Au bout du compte, la plupart des héros homosexuels finissent par devenir ce qu’ils reprochent aux autres, car à force de ne pas vouloir être comme les autres (alors que les autres sont une part d’eux), ils les imitent. Concrètement, l’« idéologie de l’Anti » est mimétique, est une soumission, même si en intentions, elle se rêve comme une rupture, une indépendance extraordinaire. Beaucoup de personnages homosexuels adoptant comme mode d’existence « l’anti » manquent totalement de personnalité (ils s’adaptent excessivement et obsessionnellement à ce contre quoi ils prétendent s’opposer) et deviennent cet homme « si transparent qu’on peut s’y voir dedans » décrit par Doriand dans sa chanson « Manque de personnalité » : « Je suis tout ce que je ne suis pas. » Ils sont même souvent sur le point de recréer un nouveau fascisme en prétendant éradiquer les anciens fascismes historiques. « En fait, rebondit Polly, t’es en train de nous dire qu’il y a autant de personnels armés en France que de gays et de lesbiennes ? Si je suis ton raisonnement, on pourrait faire une révolution gays-lesbiennes contre les uniformes armés, pour obtenir le pouvoir ? » (Polly, l’héroïne lesbienne, s’adressant à son meilleur ami gay Simon, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 30) Par exemple, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, la pensée anti-totalitaire de Nietzsche est inconsciemment présentée comme le miroir inversé de la pensée nazie : c’est la raison pour laquelle la figure de Goebbels dit de Nietzsche qu’« il aurait fait un excellent nazi ».

 
 

d) Le personnage homosexuel échoue sa révolution :

Film "Salo ou les 120 journées de Sodome" de Pier Paolo Pasolini

Film « Salo ou les 120 journées de Sodome » de Pier Paolo Pasolini


 

Finalement, après s’être excité pour ses fantasmes de révolté et des mirages télévisuels, le héros homosexuel découvre la vanité de ses combats (identitaires, amoureux, politiques, etc.), de son action militante, de sa fuite du Réel. Très souvent dans les oeuvres homo-érotiques, il est question des révolutions ratées ou trahies : cf. la pièce Une rupture d’aujourd’hui (2007) de Jacques-Yves Henry, la fin du vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer (où la fuite au désert après la mutinerie se révèle un fiasco), la fin du film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (qui est un cri de l’homme nu face au vide désertique de son combat existentiel), le film « Voyage à Niklashausen » (1970) de Rainer Werner Fassbinder, le roman El Anarquista Desnudo (1979) de Luis Fernández, la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg (avec l’allusion déçue au marxisme et au communisme), le film « Deutschland Im Herbst » (« L’Allemagne en automne », 1978) de Rainer Werner Fassbinder, le film « OSS 117 : Rio ne répond plus » (2009) de Michel Hazanavicius (avec les hippies bisexuels), etc. « Le feu vert s’éclaira et le taxi redémarra. Ils passèrent devant Rosa-Luxemburg-Platz et Jane pensa à Rosa tombant dans l’eau. Était-elle déjà morte lorsqu’ils l’avaient jetée dans le canal ? » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 36)

 

Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Georges, le héros homosexuel face aux résistances de Pierre l’hétérosexuel (qui s’obstine à être gêné par le « mariage pour tous »), se montre inquiet concernant la montée de « l’homophobie » en France : « Comme quoi, 3 ou 4 décrets, c’est pas suffisant pour assurer notre liberté du jour au lendemain. » Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca rentre dans la peau d’une actrice vieillissante qui fait des publicités, Marie-Astrid : « Dans ‘Autant en emporte le vent’, en 1939, c’est moi qui faisais le vent. » Il se moque de sa prétention à vouloir jouer la militante… alors qu’elle se contente de faire une publicité pour le cassoulet : « J’veux faire que des choses engagées. » Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, le personnage libertin de Mireille à la fois encense mai 1968 (« Ceux qui ont connu cette période voyageaient sur les nuages. ») et décrit ceux qui l’ont vécu comme des lâches (« Vous êtes une génération de révolutionnaires qui n’ont jamais su faire la Révolution ! »).

 

La révolution proposée par le héros homosexuel reste cantonnée dans le domaine du pictural (radicalisé) : « La révolution, harmonie de la forme et de la couleur. » (Frida Kahlo dans la pièce Attention : Peinture fraîche (2007) de Lupe Velez) ; « On demande du changement. On obtient la révolution ! » (une cliente du salon de coiffure mécontente, dans le film « La Confusion des genres » (2000) d’Ilan Duran Cohen) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, pour se justifier face aux journalistes d’avoir annexé arbitrairement tout un village de mineurs gallois avec son association LGBT, en vue de défendre les droits des mineurs en même temps que les droits homos, Mark, dit sur le ton de l’humour : « Ils créent avec le charbon l’électricité qui me permet de prendre mon pied sur du Bananarama ! » En réalité, Mark a tout du faux héros qui n’a rien maîtrisé de l’euphorie qui l’entoure ou de l’élan du mouvement homosexuel qu’il a lancé : « Je ne sais pas à quoi ça rime de défendre les droits gays… mais je le fais quand même pour les autres. » À la fin du film, le spectateur découvre que Mark n’a eu quasiment que le mérite d’avoir été un agitateur, et d’être mort jeune du Sida (à l’âge de 27 ans). Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Kyril, le dandy anarchiste maniéré avec son monocle, prétend vouloir « brûler tous les bourgeois ». Il organise des spectacles scandaleux qui se finissent en baston.

 

FAUX REV laGayRevolution

 

Dans les œuvres homo-érotiques, le thème révolutionnaire sert presque uniquement de prétexte à filmer le corps musclé de l’homme prolétaire, à se rincer l’œil et à se faire (sensuellement et génitalement) du bien, à baiser tranquille, à s’auto-contempler narcissiquement : cf. le film « Far West » (2003) de Pascal-Alex Vincent, le film « Du sang pour Dracula » (1972) de Paul Morrissey, le vidéo-clip de la chanson « Cargo de nuit » d’Axel Bauer, le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe (avec Peyrac tombant sous le charme du beau mécanicien), etc. « La muscu a révolutionné ma vie ! » (Stéphane, le héros homosexuel de la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Ce jardinier, on le dirait sorti d’un calendrier des Dieux du Stade. » (Tom, le héros homosexuel en parlant de son futur amant qui le fait fantasmer, Louis, le jardinier sexy de la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen) ; « Si tu veux faire le potager tout nu, tu le fais. » (Graziella s’adressant à Louis, idem) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, « refait la Révolution russe en film » (selon Alexandrov). Plus tard, quand il se fait sodomiser par son amant et guide Palomino, ce dernier lui plante un drapeau rouge dans le cul après l’avoir dépucelé : la sodomie homosexuelle est présentée comme une révolution.
 

La Révolution a été confondue avec l’inversion (or l’inversion n’est pas la suppression de la carte qu’on prétend détruire mais simplement un retournement de la même carte) : cf. le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee ; etc. « La secrétaire modèle qui se transforme en furie syndicaliste » (Joëlle décrivant ironiquement Nadège dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon) Je vous renvoie au code « Inversion » du Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Le héros homosexuel est en réalité un faux révolutionnaire qui ne veut de la révolution que la réputation, que l’image et les paillettes : pas l’action (constructive) ni ses contraintes. Il s’est installé dans le doux confort du militantisme à distance, en choisissant deux maîtres que tout – ou presque – oppose et qu’il ne pourra jamais servir bien entièrement : l’effort et la facilité. « Vous vous prenez pour des révolutionnaires ?!? Mais vous êtes juste des glandeurs ! » (une réplique du film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « Sous vos airs révolutionnaires, vous n’avez pensé qu’à vivre comme un bourgeois. » (Nietzsche s’adressant à Wagner, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Je suis pour le communisme, je suis pour le socialisme, et pour le capitalisme. » (cf. la chanson « L’Opportuniste » du groupe Indochine) ; « J’avoue : je me suis trompée ! J’ai dépensé des millions à te vouloir excentrique, bien élevée en liberté, en même temps sauvage et chic, cultivée et anarchique ! » (Solitaire s’adressant à sa fille lesbienne Lou, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je me rends compte à quel point Marcel est, avant tout, un homme tout entier tourné vers le passé, comme s’il cherchait un âge d’or à jamais disparu, comme s’il tâchait de retrouver des sensations enfuies dont il éprouverait le regret. Son œuvre scrute le passé et lui-même paraît étranger aux révolutions qui se sont produites ces dernières années. […] Marcel est le contraire d’un moderne. » (Vincent en parlant de la figure de Marcel Proust, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 160-161) ; etc. Je vous renvoie au code « Bobo » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Par exemple, dans la pièce Les Babas Cadres (2008) de Christian Dob, Mimil est défini comme un « humaniste passif ». Dans le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, les « révolutionnaires » bisexuels s’empattent et deviennent avec le temps des businessmen corrompus par l’appât du gain et du sexe. Dans le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier, Pierre Arroux (joué par Claude Rich) se targue d’avoir été un révolutionnaire en mai 1968… alors qu’il est la caricature vivante de l’homosexuel bourgeois installé. Dans le film « Saturn’s Return » (2001) de Wenona Byrne, les parents de Barney, le héros homosexuel, sont des ex-hippies encore accros à l’héroïne, des « révolutionnaires » irresponsables qui mettent des posters de Fidel Castro dans la maison familiale mais qui, à côté de cela, ont fui leur réalité et ont initié Barney à la drogue depuis qu’il est adolescent. Dans le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman, Mao et Lénine, deux lesbiennes marginales à la dérive, donnent une image désenchantée de la révolution. Dans la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, on observe la déprime du trentenaire bobo qui voit l’hypocrisie de la révolution gauchiste. Dans le film « The Raspberry Reich » (2004) de Bruce LaBruce, on assiste à un pastiche de révolution homosexuelle. Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, révolte syndicale et défoulement/infidélité sexuels s’entremêlent : la mère-pute bourgeoise, Suzanne, couche avec M. Maurice Babin, un ouvrier. Dans la nouvelle « La Mort d’un phoque » (1983) de Copi, le narrateur homosexuel fait partie d’un contingent d’Européens (quasiment tous homos) venu sauver les bébés phoques. Dans le film « Les Lendemains qui chantent » (2014) de Nicolas Castro, le milieu homo est associé à la gauche caviar (avec la couverture du magazine GLOBE « 3 millions d’homos : où en sont-ils ? » filmée en gros plan).

 

Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Carole, l’héroïne lesbienne à poil au balcon, hurle « À bas la société bourgeoise ! » après sa nuit d’amour avec Delphine. Elle est passée d’une vie hétérosexuelle avec Manuel, à une vie lesbienne avec Delphine. Manuel finit par lui envoyer dans la figure son incohérence : « T’as aucune rigueur, Carole. Aucune. L’engagement, c’est pas dans un amphi avec les copines. C’est dans la vie aussi. »
 

Le vertige d’avoir été trompé par ses parents soixante-huitards et ses potes ou de s’être illusionné soi-même est parfois exprimé par une question ou par une révolte amère : « Est-ce qu’on peut faire confiance aux masses ? » (une réplique de la pièce Le Cabaret des utopies (2008) du Groupe Incognito) ; « On baisait, on était politique. Tu embrassais un mec, tu faisais la révolution d’Octobre. […] et là c’est fini, oui. C’est mal fini. » (Domi à propos des années 1980 dans le « milieu homo », dans le roman La meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, pp. 37-38) ; « Les vautours ont surgi. Les cancers de la contre-révolution. » (Trotsky dans le film « L’Assassinat de Trotsky » (1970) de Joseph Losey) ; « Le PaCS, ça ne change rien. » (une réplique de la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « Le film ‘The Owls’ (2010) de Cheryl Dunye embrasse la vision utopique de la Lesbian Nation. À l’approche de la quarantaine, la révolution s’éloigne de leurs rêves. » (cf. la critique du catalogue du 16e Festival Chéries/Chéris au Forum des Images de Paris, en novembre 2010) ; etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim, les « chansons homo-humanitaires » et gay friendly (de Francis Lalanne, de Charles Aznavour, et plus actuelles) sont tournées en dérision ou bien taxées d’arrivisme misérabiliste : « La révolution, la provocation a laissé place à l’indifférence… » regrette Gérard.

 

Le héros homosexuel se rend compte du conformisme de son anticonformisme. « Comment je fais pour rien faire comme tout le monde, mais réussir quand même à être aussi con ? » (Jarry dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Maintenant, c’est de la merde, Paris ressemble à un musée pour vieux cons fachos, avec des gays (il prononce ‘géïzes’) qui tètent du petit lait électronique avec des airs ingénus et qui se branlent devant Xtube. Des petits moutons. On a transformé une armée de pédés rebelles qui dérangeaient le modèle hétéro en gays, c’est-à-dire en tarlouzes de droite incapables de réfléchir plus loin que le bout de leur bite. » (Simon dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 23-24) ; « Je veux faire comme tout le monde, mais à l’envers. » (cf. la chanson « Chemins de croix » du groupe Niagara) ; etc.

 

Et pour cause ! Que c’est dur, irréaliste et violent, de chercher à être révolutionnaire sans se mettre au service des seules instances et incarnations qui incarnent vraiment la Révolution sur Terre : Jésus et son Église catholique ! Les héros homosexuels se trompent de Révolution parce que tout simplement ils se trompent de maître. Au lieu de choisir Dieu, ils ont élu sa doublure : le diable, l’androgyne. Un mélange de Bien et de mal. « Bientôt, l’île [de la Cité] fut déserte d’humains et couverte de rats qui chantaient bien fort nos vieilles chansons révolutionnaires. […] Nous comprîmes que nous bénéficiions de la protection d’un être de nature soit divine, soit diabolique, ou une alliance des deux. » (Gouri, le rat homosexuel du roman La Cité des Rats (1979), p. 93)

 
 

e) Le couple homosexuel est formé d’un preux défenseur de la cause gay et d’un lâche « qui ne s’assume pas encore » :

Philippe le coincé et Marc le naturel, dans le film "La meilleure façon de marcher" de Claude Miller

Philippe le coincé et Marc le beauf naturel, dans le film « La meilleure façon de marcher » de Claude Miller


 

En général, dans les fictions représentant le couple homosexuel, l’échec de la « révolution homosexuelle » est imputé soit à l’extérieur (la société et les méchants « homophobes »), soit à la lâcheté d’un des deux partenaires du binôme… sachant que cette lâcheté se déplace ou s’échange entre eux comme un virus censé rehausser le courage de l’un au détriment de l’horreur de la haine de soi de l’autre : Steven et Johnny dans le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, Pablo et Antonio dans le film « La Ley Del Deseo » (« La Loi du désir », 1986) de Pedro Almodóvar, Alexis et David dans le film « Été 85 » (2020) de François Ozon, Charlie et son agresseur dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, William et Weldon dans le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, Marthe et Karen dans le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961) de William Wyler, Max et Horst dans le film « Bent » (1997) de Sean Mathias, Martin et Lucas dans le film « L’Homme que j’aime » (2001) de Stéphane Giusti, Molina et Valentín dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, Roy et Jack dans le film « Roy Cohn/Jack Smith » (1993) de Jill Godmilow, Walt (ultra-conservateur) et Rusty (le débridé) dans le film « Personne n’est parfait(e) » (1999) de Joel Schumacher, Édouard (l’homo refoulé) et Georges (son partenaire décomplexé) dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, le footeux et son amant qui le romantisme belge dans la pièce Ma première fois (2012) de Ken Davenport), Louis ne s’assumant pas homo et son amant Nathan qui subit les quolibets au lycée à cause de leur liaison dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, Markus (l’homo cool) et Gabriel (l’homo coincé) dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, Marco l’homo blasé et Cibrâil le puceau dans le film « Cibrâil » (2010) de Tor Iben, Ivo et Sandro dans le film « More Or Less » (2010) d’Alexander Antunes Siqueira, Tania « la courageuse » et Élodie « la lâche » dans la pièce Ma double vie (2009) Stéphane Mitchell, Paul (qui veut croire en son histoire d’amour) en couple avec Jean-Louis (qui ne l’assume pas) dans la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset, Jason (l’homo conservateur) et Mourad (son amant détendu) dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, Seth et David dans le film « And Then Came Summer » (« Quand vient l’été… », 2000) de Jeff London, Ronit (la lesbienne célibattante et indépendante) et Esti (sa compagne frustrée et « à libérer » de son carcan de femme juive et mariée) dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Lars (l’homo courageux par rapport à son homosexualité) et Fatso (l’amant qui n’assume pas) dans le film « Broderskab » (« Brotherhood », 2010) de Nicolo Donato, Ivan (pas encore prêt à « s’assumer ») et Vedran (son copain plus libre) dans le film « Straight-Pull » (2010) de Filip Sovagovic, Bernard (l’artiste) et Philippe (le pompier homo refoulé) dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier, Sarah qui ne s’assume pas et Charlène qui assume leur relation dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, le film « Close » (2022) de Lukas Dhont (avec Rémi l’assumé et Léo le refoulé), etc. « J’ai le courage d’un lâche. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway)

 

Par exemple, dans le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee, Jack, le personnage homosexuel « assumé », finira en martyr innocent de l’homosexualité non-assumée de son ami Hennis : le réalisateur veut nous faire comprendre que l’« homophobie homosexuelle » (entendre ici « identité homosexuelle non reconnue comme la Vérité profonde de l’individu homosexuel », et non ce qu’est vraiment l’homophobie, à savoir une « identité homosexuelle à la fois niée et trop célébrée ») tuerait. Dans le film « Memento Mori » (1999) de Kim Tae-yong et Min Kyu-dong, Hyo-Shin est victime de la lâcheté de Shi-eun : elle se suicide à cause de la non-validation de son amour homosexuel par son amante. Dans le film « Loin du paradis » (2002) de Todd Haynes, la culpabilité du mari de Cathy Whitaker, homosexuel effondré parce qu’il ne peut réprimer ses tendances, est accentuée pour que le spectateur ait en horreur et en compassion les crises soi-disant « injustifiées » de la « honte pédaloïde » (comme diraient Jean-Louis Bory et Guy Hocquenghem). Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Emma incarne la lesbienne assumée, décomplexée, qui a assurée et a su rester cohérente, tandis qu’Adèle est celle qui a trahi et a tout gâché par sa bisexualité. Dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, c’est la lâcheté de Miguel (homme marié bisexuel) qui rend d’abord Santiago invisible aux yeux des autres puis qui finit par le conduire à la mort. Dans le film « Save Me » (2010) de Robert Cary, Mark se sent coupable du suicide de Lester. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Glen est pro-infidélité et pro-visibilité gay (même s’il ne croit plus en l’amour) alors que Russell son amant croit au grand Amour mais n’est pas prêt à assumer une visibilité de couple homo… Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Engel est l’homosexuel entreprenant, et son amant Marc l’homme marié qui n’est pas prêt à tout quitter pour lui : Engel a beau lui soumettre un chantage aux sentiments (« T’es homo, Marc, assume ! »), Marc lui répond : « Je suis pas homo ! » et lui fout un pain. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, même scénario : Peter est le gay qui a osé afficher médiatiquement son homosexualité, et il reçoit un coup de poing de son futur amant Howard qui n’accepte pas son outing. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Franck veut vivre son amour au grand jour avec Michel qui s’y refuse et qui tuera pour que ça se fasse pas. Dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Chris se sert de la « fille à pédé » Marilyn comme couverture pour ne pas afficher son « amour » pour Ruzy, le « courageux homo » qui s’assume. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny semble s’assumer homosexuel plus facilement que Romeo… et en même temps dans la vie, il est la mauviette qui a peur de tout, et Roméo le téméraire qui n’a peur de rien (véritable incohérence du scénario). Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Tom, le héros homosexuel jouant l’hétéro pour rester un chanteur à minettes célèbre, se voit corrigé par son futur amant, Louis, le jardinier sexy : « Pourquoi tu veux faire croire que t’es hétéro ? » « Parce que j’ai peur. » lui répond Tom. Louis fait du chantage au coming out à Tom en lui soutenant que si ce dernier avait osé être un modèle télévisuel gay assumé, lui aurait eu plus de facilité à s’assumer homo quand il était ado. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Nathan est l’homo assumé, sans-gêne (il fume, boit, dévergonde Jonas), et Jonas est l’homo honteux, introverti, coincé, qui ne veut pas être associé à un gay par ses camarades de classe de 3e.

 

Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Bryan est présenté comme l’homo courageux qui s’assume, et son amant Tom, catholique, comme « quelqu’un qui n’a pas le courage de penser qu’il a le droit à l’amour ». L’ironie du sort, c’est que le second se rend à l’association gay catholique Courage ! « Seul un gars lâche peut s’engager à une association qui s’appelle Courage. » (Irène, la sœur gay friendly de Bryan, s’adressant à Tom) ; « Courage… quel nom débile… » (Bryan)

 

Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, avant de sortir « durablement » ensemble, Carole rejette les avances de Delphine, en ne se déclarant pas lesbienne : « J’ai des copines lesbiennes. Je ne le suis pas, c’est tout. » Delphine lui répond « Moi non plus », et juste après, elles s’embrassent à pleine bouche. Plus tard, la vapeur s’inverse : c’est Carole qui va assumer à fond d’être en couple avec Delphine, et Delphine qui ne renoncera pas à afficher leur lesbianisme auprès des gens du village : « Dis que je te fais honte, en plus ! » récrimine Carole.
 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, tous les duos homosexuels (Harold et Michael, le couple Larry/Hank, le couple Bernard/Peter, le couple impossible entre Alan et Michael, le couple platonique Justin/Alan, etc.) sont composés de ce tiraillement entre coming out et outing, pratique homosexuelle et acte homophobe : « Tu es un homme triste et pathétique. Tu es homosexuel et tu ne veux pas l’être. Mais tu ne peux rien y faire. Toutes les prières du monde, toutes les analyses n’y changeront rien. Tu sauras peut-être un jour ce qu’est une vie d’hétérosexuel, si tu le veux vraiment, si tu y mets la même volonté que celle de détruire. Mais tu resteras toujours un homo. Toujours Michael. Toujours. Jusqu’à ta mort. » (Harold s’adressant à son coloc homo Michael) ; « Pourquoi est-ce que j’ai toujours le mauvais rôle ? » (Larry reprochant à Hank de l’aimer et sa propre infidélité) ; « Il rejette les faits. » (Michael essayant de convertir Alan à l’homosexualité) ; « C’est la révolution. » (Harold en parlant ironiquement d’Alan qui risque de virer sa cuti) ; etc.

 

Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Adèle reproche à Georges, le copain de son frère William, de ne pas vivre pleinement son homosexualité au grand jour avec William. William est l’homosexuel courageux et malheureux à cause de la lâcheté de Georges « l’homme qui n’assume pas l’amour qu’il lui porte ». C’est une pièce où on nous fait la morale, pour nous faire comprendre que la culpabilité de l’homme marié bisexuel qui ne s’assume pas pleinement homo et qui ne reconnaît pas « l’amour véritable » (comprendre homosexuel) est criminelle.

 

Dans quasiment aucun cas l’échec de la révolution homosexuelle (amoureuse et politique) n’est attribué à ce qui, pourtant, devrait être identifié comme l’unique source du problème : la pratique homosexuelle et la dualité schizophrénique du désir homosexuel, étant donné que le désir homosexuel est un élan de haine de soi, qui fait que le personnage qui s’y adonne (s’)adore et (se) déteste dans un même mouvement. C’est cette ambivalence ou cette bipolarité violente du désir homosexuel cru vrai et pratiqué qu’illustrent ces nombreux duos homosexuels fictionnels formés de l’homo assumé et de l’homo non-assumé, unis à la vie et surtout à la mort/à l’ennui par une union charnelle (je vous renvoie également aux codes « Androgynie bouffon-tyran » et « Doubles schizophréniques » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ils sont même parfois l’illustration de l’homophobie qu’est l’identité ou l’« amour » homos. Par exemple, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Konrad impose à son compagnon brésilien Donato de couper les ponts avec sa famille au Brésil (« Tu es un lâche. ») et de rester avec lui en Allemagne… alors que leur couple ne durera pas.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) On annonce les personnes homosexuelles comme des grands « révolutionnaires » :

Delacroix revisité par l'arc-en-ciel...

Delacroix revisité par l’arc-en-ciel…


 

Très souvent les personnes homosexuelles pratiquantes (et leurs sympathisants) traitant d’homosexualité abordent le thème de la révolution dans leurs propos et leurs écrits : cf. l’essai Homosexualité et Révolution (1983) de Daniel Guérin, l’essai La Rebelión De Los Homosexuales (1977) d’Alfonso García Pérez, l’essai La Trayectoria De Las Revoluciones (1919) d’Antonio de Hoyos, le documentaire « Schwestern Der Revolution » (1969) de Rosa von Praunheim, l’essai Global Gay : Comment la révolution gay change le monde (2013) de Frédéric Martel, le documentaire « Revolution Happen Like Refrains In A Song » (1987) de Nick Deocampo, le chapitre « Une Homosexualité révolutionnaire » dans l’essai L’Homosexualité au cinéma (2007) de Didier Roth-Bettoni, (p. 545), l’essai Gay Manifesto (1970) de Carl Wittman, le documentaire « Moralist Instruction Musical : The Revolutionary Conduct » (2010) de Lasse Längström, l’essai Révolution des corps homogènes (2012) de Bruno Cissinato, etc.

 

Beaucoup de mouvements et d’association LGBT se donnent une étiquette révolutionnaire, et ce, surtout à partir des années 1950-1960, partout dans le Monde : par exemple le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR) qui traduisit en France un rapprochement entre les intérêts homosexuels et l’extrême gauche maoïste. Cela peut prendre une forme politique comme artistique. Par exemple, la photographe lesbienne Claude Cahun adhère en 1939-1940 à la FIARI (Fédération Internationale de l’Art Révolutionnaire Indépendant).

 

On nous annonce très souvent dans les mass médias, dans les gouvernements occidentaux, que les personnes homosexuelles sont comme la fine fleur (ou le chiendent poil-à-gratter) de la modernité. « Le film ‘Priscilla, folle du désert’ fut une véritable révolution. » (Ximo Cádiz cité dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 112) ; « Porfirio Barba Jacob fut un révolutionnaire complet, un martyr de l’immoralité. […] L’audacieux poète bohème ne respectait rien. » (cf. l’article sur Porfirio Barba Jacob (1883-1942) de Nicolás Suescún, sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) ; « En 50 ans, Yves Saint-Laurent a révolutionné le vestiaire féminin. » (cf. la note finale du générique de la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; « Il n’y a qu’une fortune : celle d’être un génie. » (le commentateur parlant de Charles Trénet, dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata) ; « Pour moi, Jean Genet est un révolutionnaire. » (le réalisateur homosexuel Rosa Von Praunheim dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; « The L World a vraiment été une révolution. » (une des actrices de The L World, idem) ; « Bronski, ça a vraiment été une révolution. C’était pas un groupe show biz. » (Didier Lestrade dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, l’ancien ministre de la Culture français Jack Lang parle de Pierre Bergé (président du Sidaction) comme un héros, et le couple homo Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent comme la lueur d’espoir pour toute personne homosexuelle en quête de modèle de couples solides. La biopic « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway présente Sergueï Eisenstein, homosexuel, comme un génie. Je vous renvoie à l’article suivant.

 

Ils nous présentent ce qu’elles vivent et les batailles législatives qui se jouent en leur nom comme des hauts faits « qui marqueront à jamais l’histoire du pays » et qui prouvent une incroyable ouverture nationale : cf. je vous renvoie à cet article. « Les droits et les libertés des personnes homosexuelles n’ont cessé d’évoluer durant ces quarante dernières années. […] Immersion au cœur de l’association Contact, dont les bénévoles : parents, homos, membres de la famille ou amis se démènent autour d’un mot qui manque bien souvent au sein de nos familles aujourd’hui, le dialogue. Au travers de cette mixité intergénérationnelle, regard sur des histoires de vie, d’acceptation ; de fierté, de honte et surtout d’amour. » (cf. la critique du documentaire « 20 ans de Contact » (2013) d’Héloïse Lester, dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 89) ; « C’est la Révolution. Une authentique Révolution de l’intime. » (personne intersexe qui se fait appeler « M », dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018) ; « C’était vraiment à vous couper le souffle. » (Perry Brass, vétéran gay décrivant les premières Gays Pride à New York dans les années 1970, dans le documentaire « Stonewall : Aux origines de la Gay Pride » de Mathilde Fassin, diffusé dans l’émission La Case du Siècle sur la chaîne France 5 le 28 juin 2020) ; etc.

 

Par exemple, selon Jean-Noël Segrestaa, dans son article « Le Désir à l’œuvre chez Jean Genet » sur la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, Jean Genet aurait une « écriture révolutionnaire » (p. 190). Selon Michel Larivière, dans son Dictionnaire des Homosexuels et Bisexuels célèbres (1997), les ouvrages passéistes de Lytton Strachey seraient des « biographies révolutionnaires par l’ironie et l’irrespect de l’auteur » (p. 315). Même les colères imbibées d’alcool de Paul Verlaine sont jugées « révolutionnaires » (Steve Murphy, « Colères révolutionnaires », dans le Magazine littéraire, n°321, mai 1994, p. 36). Selon Connolly, les étudiants homosexuels de l’Homintern d’Oxford sont des « révolutionnaires psychologiques » (Connolly cité dans l’essai Historia De La Literatura Gay (1998) de Gregory Woods). Pierre Bourdieu considère que le « mouvement gay et lesbien » est probablement à « l’avant-garde des mouvements politiques et scientifiques » (Pierre Bourdieu, « Quelques questions sur le mouvement gay et lesbien », La Domination masculine, 1998). Didier Roth-Bettoni, dans son essai L’Homosexualité au cinéma (2007), qualifie les films (merdiques : je n’ai pas d’autres mots) de Bruce LaBruce de véritables « manifestes politiques » (p. 431). Dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004), Fernando Olmeda prête un grand « talent artistique » à Juan Fersero pour ses exhibitions de bodybuilding « malheureusement passées inaperçues à l’époque à cause de l’homophobie ambiante »… (p. 47) Peut-être fait-il ici la confusion entre « culture » et « culturisme »… Le réalisateur Pierre-Clément Julien dit que son documentaire « Ma très chère sœur Olivia » (2012), retraçant le parcours d’Olivia C. (transsexuel M to F et franc-maçon), « montre une femme combattive, militante et touchante, qu’il admire ». Dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi, les deux partenaires du couple homosexuel qui tente d’« ouvrir les mentalités » de leurs contemporains italiens par rapport à la revendication de l’« égalité des droits entre homos et hétéros », sont qualifiés par la voix-off de « héros ». Dans le docu-fiction « Brüno » (2009), Sacha Baron Cohen est célébré comme un grand révolutionnaire par tout le gratin bobo du showbiz nord-américain. Dans son article « Dessinateur, écrivain, acteur : Copi, l’enfant pornographe » sur le journal Le Matin de Paris daté du 15 décembre 1987, Gilles Costaz baptise Copi de « révolutionnaire ». Par exemple, dans le docu-fiction « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, la lecture publique du poème d’Allen Ginsberg, effectuée par l’auteur (qui se décrit lui-même comme « prophétique »), est filmée comme un instant sacré qui envoûte littéralement l’assistance (suspendue à ses lèvres), un pamphlet qui révolutionne l’Humanité (… alors que c’est franchement de la merde).

 

Et beaucoup de personnes homosexuelles, flattées par tant d’éloges, sont prêtes à croire leur réputation de grands héros des temps modernes « démocratiques ». Elles se définissent souvent comme « révolutionnaires », se congratulent entre elles… et gare à celui qui remettrait leur titre en doute ! « J’étais réformiste à un moment qui se voulait révolutionnaire, mais j’étais révolutionnaire sur un sujet qui ne pouvait se vivre dans le compromis. Et l’histoire m’a donné raison. » (Geneviève Pastre, De l’amour lesbien (1980), p. 27) ; « On construit un moment historique. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, on voit le couturier Yves Saint-Laurent (qui a pourtant, pendant toute sa vie, fuit concrètement beaucoup de combats, et notamment l’armée et la Guerre d’Algérie) créer une collection de haute couture appelée « Libération », et son amant Pierre Bergé applaudir à leur acte « subversif » (qui n’était au fond qu’un business) : « Tu maltraitais les bourgeois. Et la Révolution s’est très bien vendue. »

 

FAUX REV Drapeau planté

 

Elles n’hésitent pas, d’ailleurs, à confondre la révolution avec la période historique de la Révolution française (période qui était tout sauf révolutionnaire puisqu’Elle a rejeté Dieu et l’Église violemment et a inauguré l’individualisme libéral et matérialiste), en essayant de réactualiser l’image d’Épinal du révolutionnaire laïcard et libertaire construite par les bourgeois républicains des Lumières, soucieux d’écrire la légende noire de la monarchie et de l’Église catholique. Par exemple, lors de sa conférence « Différences et Médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon à la Mairie du IIIème arrondissement le 18 novembre 2010, l’écrivain Christophe Bigot a adoré la Révolution française : « Je faisais le bourreau du Tribunal Révolutionnaire sur la cour d’école. » Il s’est identifié très tôt – avant de le dés-idéaliser – au procureur Camille Desmoulins, la figure du traître par excellence : « Il est jeune, courageux, fougueux, c’est un amoureux. J’ai voué un culte à Camille Desmoulins pendant toute mon adolescence. […] C’est un homme violent qui désigne, à la vindicte populaire, les contre-révolutionnaires. »

 

La plupart des personnes homosexuelles se croient héritières d’un passé et d’un futur conquérants, infinis. « Durant ces 30 dernières années, on a fait énormément de progrès. » (Michael Michalsky interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Par exemple, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), la romancière lesbienne Paula Dumont se remémore nostalgiquement les « temps héroïques des mouvements féministes » (p. 65).

 

FAUX REV United Colour

Mariage homo United Colour of Benneton


 

Et actuellement, elles distribuent des médailles de « révolutionnaires » à tous les membres de la « communauté homosexuelle » qu’elles estiment méritants ou partie prenante de ce grand courant que serait la révolution et l’émancipation homosexuelles. Les exemples pleuvent, mais je m’arrêterai juste sur quelques-uns.

 

Par exemple, le 22 juillet 2011, la revue Têtu célèbrait un couple lesbien, Hege Dalen et Toril Hansen, qui aurait prêté main forte aux rescapés du massacre d’Utoya. On nous laisse entendre qu’elles sont révolutionnaires PARCE QUE HOMOSEXUELLES. « Ces deux lesbiennes courageuses ont fait parti des premières personnes à porter secours aux jeunes ciblés par la terrible fusillade sur l’île d’Utoya, en Norvège, vendredi dernier. Grâce à un bateau, ce couple de femmes a aidé quarante personnes à s’enfuir lors du drame. »

 

Dans l’émission Aventures de la médecine spéciale « Sexualité et Médecine » de Michel Cymes diffusée sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, les figures de proue de la Gender Theory (Ronald Virag – inventeur des injections de papavérine pour lutter contre l’impuissance érectile –, Margaret Sanger – instigatrice du Planning Familial aux États-Unis –, Alfred Kinsey – maître à penser du tout-le-monde-est-bisexuel – , les médecins William Masters et Virginia Johnson – pornocrates cliniciens utilisant des cobayes sexuels –, Magnus Hirschfeld – savant fou homosexuel –, Rodolf/Dora Richter – premier homme trans M to F et complètement dépressif, etc.) sont montrées comme des héros, des martyrs, des sauveurs qui se sont offerts en victimes pour nos droits et notre liberté sexuels. On nous présente même les travaux d’Alfred Kinsey comme « révolutionnaires » !
 

Toujours dans Têtu, le chanteur Ari Gold, en juillet 2011 dans l’État de New York, est baptisé de « nouveau Rosa Parks », parce qu’il aurait tenu tête à un chauffeur de bus qui lui aurait demandé que lui et son compagnon (qui se tenaient par la main) aillent s’asseoir au fond du bus.

 

Sur les affiches du film « Freeheld » (« Free Love », 2015) de Peter Sollett, on nous présente l’amour lesbien entre Stacie et Laurel, basé soi-disant sur des faits réels, comme « une histoire d’amour qui a changé l’histoire ».
 

FAUX REV Revolucion du Désir

 

C’est souvent le désir individuel (même porté par une communauté minoritaire, au nom des minorités et de l’« Amour universel ») qui est avancé comme le levier qui va équilibrer et guider l’Histoire de l’Humanité : cf. le documentaire « La Révolution du Désir » (2006) d’Alessandro Avellis. « Jean Genet, lui, est un révolutionnaire authentique. C’est au nom de la liberté qu’il entend conquérir sa liberté personnelle. » (Susan Sontag, « Une Fleur du mal », L’Œuvre parle (1968), p. 126)

 

Madonna, la femme-objet... mais féministe et pro-gays, la chanteuse anti-mondialisation... mais qui incarne la mondialisation

Madonna, la femme-objet… mais qui ose se prétendre féministe et pro-gays ! ; la chanteuse qui a le culot de se dire anti-mondialisation… mais qui incarne à elle seule la mondialisation !


 

Dans leurs discours, beaucoup de personnes homosexuelles pratiquantes (et leurs défenseurs hétérosexuels) s’expriment à coup de slogans (identitaristes ou sentimentalistes) publicitaires, centrés sur la « réalisation de soi par soi-même » ou sur l’opposition de principe. C’est la raison pour laquelle, très souvent, elles prennent pour modèle d’action « révolutionnaire » et d’affirmation de soi la femme féministe indépendante, qui veut s’affranchir de son sexe, qui est « mère toute seule », qui a un désir machiste… même si elle saura de temps en temps le cacher par un discours mielleux, émotionnel, poétique. Modèles du genre : la nouvelle Marianne d’Olivier Ciappa (la Femen Inna Shevchenko), Christiane Taubira, Caroline Fourest, etc.

Toute la rhétorique de Mme Taubira tourne autour des concepts publicitaires de « droit », « égalité », « générosité », « tolérance » et « progrès »

 

Leur révolution est symbolique : pas concrète. « Le mariage, c’est à la fois très symbolique et très matériel. Très symbolique parce qu’on est dans un monde qui colle des étiquettes et qu’avant il n’y avait pas de case pour nous. » (Christophe et Mehdi en couple depuis 13 ans, dans l’article « Pacsés… un jour mariés ? », sur le magazine Psychologies, juin 2004, n°231, p. 77) Elles luttent pour des idées abstraites (« la société », « le progrès », « l’égalité », « la solidarité », « la tolérance », « la liberté », « l’amour », « la lutte contre les discriminations » – discriminations jamais nommées, comme par hasard… –, « la reconnaissance », « le dépassement des préjugés » – jamais les leurs non plus, comme par hasard…), pour le paraître, en faveur de slogans poétiques : ce n’est ni pour elles, ni vraiment pour les autres, ni par réelle conviction qu’elles demandent un droit ou une loi : « C’est au sein de la société que ça fait évoluer les choses ; pas pour nous. » (Juliette et Sophie, op. cit., p. 76) ; « C’est la révolution la plus incarnée qui ait existé sur la planète. Amantes ou non, nous étions en amour les unes avec les autres. Nous étions en amour avec les idées et avec tout ce qui était possible… » (Lise Weil interviewée dans le documentaire « Lesbiana : une Révolution parallèle » (2012) de Myriam Fougère) ; etc.

 

FAUX REV Têtu

 

Et à présent, beaucoup d’hommes et de femmes politiques non-homosexuels et tout fiers de se qualifier d’« hétérosexuels », se servent de la communauté homosexuelle, de la défense de « ses » droits ou de la « lutte contre l’homophobie et les discriminations », pour se faire passer pour des bons samaritains révolutionnaires : « Je suis engagée depuis longtemps. » (Anne Hidalgo, femme politique socialiste, par rapport à son engagement politique en faveur du « mariage homo » dans l’émission Mots croisés d’Yves Calvi, sur le thème « Homos, mariés et parents ? », diffusée sur la chaîne France 2, le 17 septembre 2012) ; « Chacun sa révolution. » (c.f. la chanson « Lily Passion » de Barbara) ; etc.

Le Président Obama luttant efficacement contre l’homophobie en disant que « c’est triste » et que « c’est pas bien » (Programme It Gets Better)

La ministre Najat Vallaud-Belkacem qui pense que « lutter contre les discriminations », c’est « détruire les clichés », alors que c’est précisément l’absence d’explication des clichés qui contribue à leur actualisation violente et aux discriminations…

 

FAUX REV Frigide

 

Les bécasses du gouvernement français actuel (Dominique Bertinotti, Roselyne Bachelot, Cécile Duflot, Najat Vallaud-Belkacem, Christiane Taubira, Anne Hidalgo et même Frigide Barjot) et leurs homologues suiveurs masculins (Erwann Binet, François Hollande, Jean-Pierre Michel, en première ligne) n’ont rien compris à l’homophobie. Non seulement ils ne la dénoncent pas, mais en plus ils l’alimentent par leurs bonnes intentions, s’en servent comme étendard révolutionnaire, en ne parlant jamais de ce qu’elle est vraiment (= le viol) ni de comment elle marche et par qui elle est posée (= les personnes homosexuelles pratiquantes). Ils la réduisent à l’« opposition aux droits des homos » ou bien à l’« accusation d’homophobie » (comme le fait Frigide Barjot, qui est bien incapable d’expliquer la véritable homophobie ou de porter un diagnostic sur les couples homosexuels, surtout parce que précisément dans le privé elle tient des discours clairement homophobes… et rien ne sert de s’entourer, comme elle le dit elle-même, « d’homos qu’elle aime », ni de clamer sa « non-homophobie », pour masquer cette homophobie). L’attitude hypocrite et moralisante de ces faux pourfendeurs des discriminations homophobes est révolte. Ils instrumentalisent les personnes homosexuelles en niant les drames et les insatisfactions amoureux qu’elles vivent, juste pour le plaisir de rentrer au panthéon des justiciers. Ils sont catastrophiquement sincères, ignorants de leur combat, et en plus opportunistes et pères-la-morale. Honte sur ces révolutionnaires de pacotille !

 

FAUX REV Xavier Bongibault

Xavier Bongibault, le militant homo anti-mariage-gay opportuniste (qui pense qu’être révolutionnaire se limite à se présenter en tant qu’« homo », à se dire « anti-homophobie » et « anti-militantisme LGBT », mais qui ne réfléchit jamais sur l’homosexualité et l’homophobie).


 
 

b) Beaucoup de personnes homosexuelles jouent les rebelles, les dures :

James Franco

James Franco


 

Vestimentairement et au niveau des attitudes, certaines personnes homosexuelles rentrent dans la peau de l’image stéréotypée du « rebelle » désobéissant, inflexible, qui ne se laisse pas faire : James Dean (« l’éternel rebelle » comme on l’appelait), Marlon Brando, Rock Hudson, beaucoup de célébrités bisexuelles « planquées », de femmes lesbiennes butch (= camionneuses), de drama queen hystériques, nous le démontrent.

 

Je vous renvoie au documentaire « Une Suissesse rebelle » (2000) de Carole Bonstein, à l’essai Séverine, une Rebelle (1982) d’Évelyne Le Garrec, à l’essai Rimbaud, la double vie d’un rebelle (2011) d’Edmund White, au rassemblement de Blois autour des « rebelles » Eddy Bellegueule/Didier Éribon/Geoffroy de Lagasnerie en 2014, le Festival Ciné Rebelle de Nanterre, etc.

 

La rébellion suit davantage une logique esthétique ou intentionnelle qu’un désir d’action concrète, qu’une intelligence et une réelle liberté : « Je suis rebelle, résistante, indocile et rêveuse. » (Gislin cité dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 110) ; « Je ne suis pas douce je ne suis pas aimable je ne suis pas une bourge. J’ai des montées d’hormones qui me font comme des fulgurances d’agressivité. […] Je viens du punk-rock et je suis fière de ne pas très bien y arriver. » (Virginie Despentes, King Kong Théorie (2006), p. 131) ; « Le rock’n’roll est une rébellion, une musique tout sauf sage… et aussi un peu gay. » (la voix-off dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Je crois qu’à l’époque, je ne me rendais pas compte du rôle que je jouais. » (le chanteur Boy George, idem) ; etc. Par exemple, le film « Charming For The Revolution » (2009) de P. Boudry & R. Lorenz est un film muet, sans dialogue.

 

D’ailleurs, dans certains passages littéraires ou filmiques, l’adjectif « rebelle » remplace tacitement celui d’« homosexuel » : « Madame Berditcher […] déclara qu’elle [Ronit, l’héroïne lesbienne] l’était. Absolument. Ronit avait toujours été rebelle, même petite fille. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), p. 158)

 

La révolution défendue par les personnes homosexuelles pratiquantes repose uniquement sur la croyance en l’hétérosexualité, c’est-à-dire une conception récente (fin du XIXe siècle), marchand, techniciste, violent et cinématographique, de la différence des sexes : « La société des hétéroflics ne nous convient pas. La seule position qui nous convient est une position révolutionnaire. » (une gouine rouge en mai 1968 en France, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) On voit donc sa vacuité.

 
 

c) Beaucoup de personnes homosexuelles s’opposent par principe à tout (sauf au flou), en adoptant l’idéologie de l’Anti :

Les personnes homosexuelles pratiquantes ont tendance à appréhender la révolution non pas sous l’angle de la proposition réaliste mais bien sous l’angle de la proposition angéliste et de la contestation de principe. Elles sont « anti » et « contre », parce que ça fait joli, ça fait fort, ça fait déterminé, ça fait réel, ça fait « sans concession » : cf. l’essai L’Anti-Œdipe (1972-1973) de Gilles Deleuze et Félix Guattari, la boîte de production de films gays Anti-Prod, la revue militante homosexuelle L’Antinorme dans les années 1970 en France, les éditions Contre-Dires, l’essai Manifeste contra-sexuel (2000) de Beatriz Preciado, le site de critiques Non-Fiction chapeauté par Frédéric Martel, le CUARH (Comité d’Urgence Anti-Répression Homosexuelle) dans les années 1970 en France, le documentaire « Jean Genet, le contre-exemplaire » (2010) de Gilles Blanchard, etc. Par exemple, le compositeur Érik Satie se définissait comme « anti-Français », l’écrivain Jean Genet comme « anti-Blancs », les poètes Arthur Rimbaud et Paul Verlaine comme « anti-bourgeois », etc. La photographe lesbienne Claude Cahun participe en 1936 à la fondation du regroupement Contre-Attaque.

 

Elles recyclent les vieux poncifs, adages et imageries rebattues des mouvements révolutionnaires historiques (prioritairement de gauche, cela va sans dire). Par exemple, lors du générique du 18e Festival Chéries-Chéris (ayant eu lieu en octobre 2012 au Forum des Images de Paris), un homme déguisé en évêque arbore un tee-shirt avec, inscrit dessus, le fameux slogan révolutionnaire communiste/républicain « No Pasarán ».

 

Pour elles, peu importe si la fin justifie les moyens : « Je revendique la provocation comme outil politique. » (Noël Mamère, homme politique des Verts qui a célébré le premier PaCS dans sa mairie de Bègles, entretien avec Christophe Gendron, le 23 mai 2006) ; « Ce que le public te reproche, cultive-le, c’est toi. » (Jean Cocteau, Le Rappel à l’ordre, 1926) ; « Cocteau incarne l’anticonformisme absolu. » (cf. l’article « Une constante remise en cause » d’André Derval, cité dans le Magazine littéraire, n° 423, septembre 2003, p. 24) ; « Toutes les minorités se retrouvent dans le personnage du vampires. C’est le symbole du marginal de toutes les époques. Il est toujours un contre-pouvoir. » (Tony Mark, l’écrivain homosexuel lors de sa conférence « Vampirisme et Homosexualité » au Centre LGBT de Paris le 12 mars 2012) ; « Il s’agissait d’être pour et contre tout. » (Dan Savage, homosexuel, parlant de la bisexualité de David Bowie, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; etc.

 

Par exemple, le réalisateur allemand Rainer Werner Fassbinder fonde avec des amis une troupe de théâtre, l’Antiteater, à la fin des années 1960. Dans sa pièce Docteur Faustroll (1898), Alfred Jarry définit la pataphysique comme la « science des exceptions ». Le philosophe homosexuel Michel Foucault invite à « la traque de toutes les formes de fascisme » et prétend définir les règles de la « vie non fasciste » (Michel Foucault, « Préface » de L’Anti-Œdipe (1972-1973) de Gilles Deleuze et Félix Guattari).

 

En général, les personnes homosexuelles pratiquantes (et leurs suiveurs hétérosexuels) s’attaquent aux socles du Réel pour asseoir leur mouvement révolutionnaire de destruction (eux disent « déconstruction », « déplacement », « ouverture » : ça passe mieux et c’est plus discret) : ils cherchent prioritairement à déminer la différence des sexes (ils la définissent comme un système conservateur et totalitaire dangereux, qui imposerait la domination des hommes sur les femmes), à déminer la différence des générations (il s’agit pour elles de s’affranchir du « joug familialiste », de tout héritage et tradition du passé réel), à déminer la différence des espaces (les « penseurs du désir » tels que Foucault, Derrida, Deleuze, Guattari, qui ont construit leur réflexion sur la base des travaux de Reich et Marcuse qui proposaient de faire de la révolution des mœurs une révolution politique, notamment par le ré-examen complet du freudisme, ne pensent l’Homme et ses frontières que dans la projection de ses désirs) et à déminer enfin la différence entre Créateur et créature (leur cible est bien évidemment l’Église catholique et les prêtres qui sont les garants de cette distinction salutaire). Ces théoriciens, qu’on appelle aujourd’hui plus communément les « théoriciens du Genre », s’attachent, selon la formule de Tony Anatrella dans son essai Le Règne de Narcisse (2005), à « désincarner le sexuel » (p. 109) : « La théorie du gender s’appuie sur divers auteurs marxistes, structuralistes et d’inspiration psychanalytique, notamment ceux de la révolution sexuelle avec Wilhelm Reich (1897-1957) et Herbert Marcuse (1898-1979) qui invitent à vivre toutes les expériences sexuelles afin de se libérer des normes sociales pesant sur la sexualité. Simone de Beauvoir (1908-1986) est également une référence avec sa formule ambiguë et ‘constructiviste’ : ‘On ne naît pas femme, on le devient.’ » (p. 120)

 

Leur conception de la Révolution est mue non pas tant par la joie et l’humanisme que par la vengeance et la misanthropie : « Un peu révolutionnaires mais sûrement différents, mes ressentiments à l’encontre de la société s’accroissaient. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 42)

 

Très souvent, les personnes homosexuelles pratiquantes mènent une guerre iconoclaste (démarche typique des fanatiques des images et des idolâtres iconodules s’il en est !) : on les entend constamment être « contre les préjugés », « contre les clichés »… alors que nous sommes tous « à l’image de… » (c’est ce qui fait que nous existons : nous avons besoin des images) et que nous avons tous des préjugés (et heureusement : ce sont eux qui nous montrent que nous pensons, que nous ressentons, que nous désirons et que nous sommes libres de les changer).

 

Dans leurs discours, il y a une confusion récurrente entre révolution (qui reconnaît les limites et intègre l’échec) et transgression (qui nie les limites et qui cherche la toute-puissance). « Le légalisme est une abomination. Je déteste… Reste anarchique. » (Claude Cahun dans sa Lettre à André Breton, 1953) Par exemple, dans leur essai Le Cinéma français et l’homosexualité (2008), Anne Delabre et Didier Roth-Bettoni célèbrent la « grâce transgressive » (p. 74) des œuvres filmiques homosexuelles.

 

FAUX REV pètent la gueule

 

Au bout du compte, la plupart des sujets homosexuels finissent par devenir ce qu’ils reprochent aux autres, car à force de ne pas vouloir être comme les autres (alors que les autres sont une part d’elles-mêmes), ils les imitent. Concrètement, l’« idéologie de l’Anti » est mimétique, spéculaire, est une soumission, même si en intentions, elle se rêve comme une rupture totale, une indépendance extraordinaire. Beaucoup de personnes homosexuelles adoptant comme mode d’existence « l’anti » manquent totalement de personnalité (elles s’adaptent excessivement et obsessionnellement à ce contre quoi elles prétendent s’opposer) et recréent un nouveau fascisme en prétendant éradiquer les anciens fascismes historiques. « L’antitotalitarisme moralisant est le fondement de la censure d’aujourd’hui. » (Élisabeth Lévy, Les Maîtres Censeurs (2002), p. 19) ; « Le fascisme s’est présenté comme étant l’antiparti. […] Il s’est identifié avec la psychologie barbare et antisociale de certaines couches du peuple italien, qui n’ont pas encore été modifiées par une tradition nouvelle, par l’école, par la coexistence au sein d’un État bien ordonné et bien administré. » (Antonio Gramsci, « Forces élémentaires », L’Ordine Nuovo, 26 avril 1921)

 

Par exemple, l’anti-kitsch par le camp revient à reproduire du kitsch, quand bien même les artistes camp tels que Copi s’en défendent : « Nous allons vers la propreté, l’hygiène politique, sociale, artistique. Nous glissons délicieusement sur les pentes douces du ‘consensus’. L’esprit du temps est au kitsch : miauler avec les loups !… Cet esprit du temps m’emmerde ! Il se paye de trop de soumission (vous, moi). »

 
 

d) Les personnes homosexuelles pratiquantes échouent souvent leur révolution :

Finalement, après s’être excité pour ses fantasmes de révolté et des mirages télévisuels, les personnes homosexuelles pratiquantes découvrent la vanité de leurs combats (identitaristes, amoureux, politiques, etc.), de leur action militante, de leur engagement associatif ou artistico-journalistique, de leur fuite du Réel. Je vous renvoie aux essais La Fonction de l’orgasme (1970) de Wilhem Reich, à la Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary Club (1986) de Guy Hocquenghem, au documentaire « Después De La Revolución » (2008) de Vincent Dieutre, au film « Revolutions Happen Like Refrains In A Song » (« Les Révolutions surviennent comme des refrains dans les chansons », 1987) de Nick Deocampo (traitant de la prostitution masculines), et à l’excellent reportage « Les Lendemains tristes du mariage gay » (2013) de Matthieu Barbier (le seul qui revient fidèlement sur la bataille du « mariage pour tous » en France en 2012-2013), le film « La Révolution sexuelle n’a pas eu lieu » (1998) de Judith Cahen, etc.

Par exemple, Manuel Vázquez Montalbán, en écrivant son roman Los Alegres Muchachos De Atzavará (1988), dit avoir utilisé la thématique homosexuelle pour illustrer « l’hypocrisie du changement » de la transition démocratique espagnole aux lendemains chantants de la mort de Franco. Le réalisateur français Jean-Luc Godard règlera son compte avec les personnes homosexuelles dans le film « Masculin-féminin » (1966) en faisant graffiter « À bas la république des lâches » par Jean-Pierre Léaud sur la porte des toilettes où il vient de surprendre deux hommes enlacés.

 

« Avant ma mort, je ne verrai pas la société que j’ai toujours rêvée depuis que j’ai 10-15 ans. Je ne la verrai pas. J’ai cru à un moment que j’allais la voir, cette génération. Au moment de 1945, j’étais de tous ces jeunes cons qui ont cru qu’on allait passer de la résistance à la révolution, selon le merveilleux slogan. J’ai su maintenant que j’ai été couillonné. J’appartiens à une génération couillonnée jusqu’à l’intestin-grêle. Je sais que c’est cuit pour moi. C’est pour ça que j’attends tellement des jeunes. J’espère qu’ils réussiront ce que ma génération et la vôtre n’a pas réussi. On a loupé notre coup, Chancel, vous le savez très bien. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976)
 

La révolution que les personnes homosexuelles pratiquantes proposent reste en effet cantonnée dans le domaine du pictural. Par exemple, selon Gilles Deleuze et Félix Guattari, la schizophrénie qui nous entraînerait dans un devenir « anti-fasciste » braverait les obstacles de la réalité avec succès : « Des hommes savent partir, brouiller les codes, faire passer des flux, traverser le désert des corps sans organes. Ils franchissent une limite, ils crèvent un mur, la barre capitaliste. […] À travers les impasses et les triangles, un flux schizophrénique coule, irrésistible, sperme, fleuve, égout, blennorragie ou flot de paroles qui ne se laisse pas coder, libido trop fluide et trop visqueuse : une violence à la syntaxe, une destruction concertée du signifiant, non-sens érigé comme flux, polyvocité qui revient hanter tous les rapports. » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972/1973), p. 158) Mais ensuite, ils sont un peu obligés de nuancer l’euphorie de leur propos : « Sans doute toute intensité s’éteint-elle à la fin, tout devenir devient lui-même un devenir de mort. Alors la mort arrive, effectivement. » (idem, pp. 394-395)

 

Dans les discours des militants pro-droits-LGBT, le thème révolutionnaire sert presque uniquement de prétexte à filmer le corps musclé de l’homme prolétaire, à se rincer l’œil et à se faire (sensuellement et génitalement) du bien, à baiser tranquille, à s’auto-contempler narcissiquement, à se draguer entre « camarades » d’« actions » : « Copi était fou amoureux de Guy Hocquenghem. » (Christian Belaygue cité dans l’essai Le Rose et le Noir, les Homosexuels en France depuis 1968 (1996) de Frédéric Martel, p. 158) ; « Pendant que mon cousin prenait possession de mon corps, Bruno faisait de même avec Fabien, à quelques centimètres de nous. Je sentais l’odeur des corps nus et j’aurais voulu rendre palpable cette odeur, pouvoir la manger pour la rendre plus réelle. J’aurais voulu qu’elle soit un poison qui m’aurait enivré et fait disparaître, avec comme ultime souvenir celui de l’odeur de ces corps, déjà marqués par leur classe sociale, laissant déjà apparaître sous une peau fine et laiteuse d’enfants leur musculature d’adultes en devenir, aussi développée à force d’aider les pères à couper et stocker le bois, à force d’activité physique, des parties de football interminables et recommencées chaque jour. » (Eddy Bellegueule, l’enfant de prolétaire simulant des films pornos avec ses cousins dans un hangar, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 153) ; etc. Pensons aux Gay Pride qui, sous couvert de lutte politique, n’est qu’une immense foire aux bestiaux où la plupart des participants sont davantage intéressés par la drague que par les slogans militants qui sont scandés dans les haut-parleurs et affichés sur les chars.

 

En général, l’engagement révolutionnaire des personnes homosexuelles n’est qu’intentions : pas un don entier de leur personne. Par exemple, Steven Cohen, le performer homosexuel travesti M to F, se rend dans des grandes mégapoles internationales, mais propose un art trash-bourgeois qui ne vient absolument pas en aide aux personnes qu’il visite : celui-ci se fige en posture silencieuse, exhibitionniste et destructrice (Cohen dira « iconoclaste »), en démobilisation quasi complète, en contemplation désespérée du genre humain urbanisé, en hargne contre l’Humanité (à commencer par ses propres parents).

 


 

Je pense également au dramaturge Copi, qui s’est mis nu aussi dans ses pièces, à tous les artistes bobos homos qui mettent en scène l’alliance sexe-mort, et qui sont persuadés que « révolutionner » c’est juste « choquer ».

 

Dans l’esprit de ces activistes, la Révolution a été confondue avec l’inversion (or l’inversion n’est pas la suppression de la carte qu’on prétend détruire mais simplement un retournement de cette même carte). « La transgression, c’est toujours quelque chose qui m’intéresse. Dans la vie. Dans mon travail. Et c’est quelque chose que j’aime dans la culture gay en général. C’est de vraiment twister les choses, de les rendre différentes. Et en fin de compte qu’arriver à coder quelque chose, je trouve que c’est assez drôle. » (Michel Gaubert interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) Je vous renvoie au code « Inversion », ou encore à la partie « Le Bien par le mal » du code « Se prendre pour le diable », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels. Par exemple, Lionel Souquet défend « un mentir vrai », « dévastateur et révolutionnaire », lors de sa soutenance de thèse « La ‘folle’ révolution autofictionnelle : Arenas, Copi, Lemebel, Puig, Vallejo (à la Sorbonne à Paris, en 2009). Je crois qu’il y a là une mauvaise compréhension et une caricature de ce qu’est la véritable révolution : un don entier de soi pour la Vérité et par des actes justes et bons.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Les personnes homosexuelles pratiquantes sont en réalité des faux révolutionnaires qui ne veulent de la révolution que la réputation, que l’image et les paillettes : pas l’action (constructive) ni ses contraintes. « La révolution sexuelle est en marche à Hollywood ! » (cf. la critique par rapport à un film sur le SM, « Interior. Leather Bar » (2013) de James Franco et Travis Matthews, dans le plaquette du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 29) ; « Mon seul combat, c’est d’habiller les femmes. » (Yves Saint-Laurent dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; « J’adorais suivre la mode. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 21) ; « J’ai le Sida. J’attrape toutes les modes. » (Copi s’adressant à Facundo Bo, cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 479) ; « On est à bonne école ici : on est chez les soumis ! » (cf. une blague d’un membre du Centre LGBT de Paris, entendue le 2 avril 2010) ; etc. Elles se sont installées dans le doux confort du militantisme à distance, en choisissant deux maîtres que tout – ou presque – oppose et qu’elles ne pourront jamais servir bien entièrement : l’effort et la facilité. « Les auteurs de la Beat Generation pensaient avoir fait un grand coup en se retirant et en prenant la route du Maroc, pour ne pas dire du haschich, mais ils n’avaient jamais commencé quoi que ce soit. C’étaient des marginaux qui n’auraient jamais été remarqués par personne sans le génie publicitaire d’Allen Ginsberg. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 357)

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Le vertige d’avoir été trompé par ses idéaux révolutionnaires, par ses parents soixante-huitards et par ses potes de combat, ou de s’être illusionné soi-même est parfois exprimé par une question ou par une révolte amère : « La fête est finie. » (Alberto Mira, De Sodoma A Chueca (2004), p. 565) ; « Que reste-t-il de l’explosion des années 1970 ? » (Jean-Luc Hennig cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 8) ; « En cette fin de siècle, tout semble s’être refermé. Comment être outrageant en ces années outragées ? » (Bill T. Jones, idem, p. 288) ; « Comment passe-t-on d’une rive à l’autre ? Comment se fait-il que le désir puisse défier et même provoquer la mort ? » (Néstor Perlongher, « Matan A Una Marica » (1985), dans son recueil Prosa Plebeya (1997), p. 35) ; « Employer la terreur pour la révolution : c’est en soi une idée totalement contradictoire. » (Michel Foucault, « Le Savoir comme crime », entretien avec S. Terayama en 1976, cité dans Dits et écrits II, 1976-1988 (2001), p. 83) ; etc.

 

Par exemple, dans son essai Il Teatro Inopportuno Di Copi (2008), Stefano Casi qualifie le dramaturge homosexuel argentin Copi de « timide révolutionnaire » (p. 13).

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Beaucoup de personnes homosexuelles se rendent compte du conformisme de leur anticonformisme. « Avant, c’était excitant et original d’être homo. Ça faisait de vous quelqu’un de spécial. Ça vous rendait différent des autres. Alors que maintenant, vous êtes aussi ennuyeux ou intéressant que n’importe quel hétérosexuel au monde. C’est comme ça. » (Steve Blame, en conclusion du documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Le PaCS ne donne pas plus d’amour. » (Christophe, en couple depuis 13 ans avec Mehdi, dans l’article « Pacsés… un jour mariés ? », sur le magazine Psychologies, juin 2004, n°231, p. 77) ; « Le problème, c’est que l’homosexualité n’a plus rien de subversif. […] Ne plus croire en Dieu n’est pas non plus exceptionnel. […] En vouloir à l’Église, c’est lassant, ça ne sert à rien. […] Aujourd’hui, ce qui est subversif, c’est justement d’adhérer à tout ça, de ne pas voir le Loup avant le mariage. […] Même voter à gauche n’est plus signe de rébellion, et si l’on y regarde de plus près, c’est l’inverse qui est bien souvent la preuve d’une bravade insolente. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), pp. 257-258) ; « J’escroque un peu mon monde. » (Allen Ginsberg dans le docu-fiction « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman) ; « Quant à la visibilité des homosexuels, j’ai l’impression que c’est un peu un leurre. On ne s’est pas battu pour rien, mais la gay pride et le PaCS restent de fausses libertés ; on reste emprisonné dans un ghetto, et si on est visible, c’est derrière un paravent. » (Jean-Daniel Cadinot cité dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 72) ; etc. Leurs constats confinent au cynisme. « L’Essobal, c’est un gars bon. Il est vachement engagé socialement, que même Béachelle et l’abbé Pierre à côté, c’est des veaux. Dès l’âge de douze ans, au sein du comité d’action révolutionnaire de son lycée, le petit Essobal fonda le groupe de lutte contre la tonte et le découpage des oreilles des caniches. » (Essobal Lenoir parlant ironiquement de lui-même à la troisième personne, dans sa nouvelle « Une Vie de lutte » (2010), p. 168) ; « Essobal Lenoir ne rate jamais une marche de la section Neuilléenne de lutte contre le Front national. Tous les week-ends, au golf, il est très farouchement opposé à toute forme d’antisémitisme, voire même de racisme, vous savez le truc des nègres et des bougnoules. » (idem, p. 171)

 

Dans la pièce musicale Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi, une très longue liste de noms d’auteurs dits « révolutionnaires » (dont le dramaturge Copi) est citée. Le plus significatif, c’est que l’immense papier où est inscrit le mot « Révolution » finit par être chiffonné… ; plus tard est diffusé avec ironie un extrait du film « Spartacus » (1960) de Stanley Kubrick, comme un symbole kitsch des révolutions d’antan, plus flamboyantes que celles d’aujourd’hui.

 

La passion soudaine chez les personnes homosexuelles pour des fausses réalités (l’égalité, la tolérance, leur conception erronée du droit et de la liberté, etc.) et des réalités travesties (l’homosexualité, la famille, le couple… les Jeux Olympiques « Gays » !), qui n’émane pas d’un désir profond mais plutôt d’une révolte inconsciente, n’est chez elles que l’expression, au fond, d’une désaffection de l’engagement, en plus d’un fanatisme. C’est parce que beaucoup de couples homosexuels sont infidèles et ne savent plus s’engager en amour, c’est parce que les individus homosexuels ne savent plus qui ils sont, qu’ils font précisément semblant de s’exciter pour des causes (le coming out, le mariage, l’adoption, les enfants…) qui ne les emballent pas vraiment, qui ne concernent pas véritablement leur situation de vie, qui tuent leur ennui ou leur angoisse d’être si mal assortis, et qu’une fois obtenues ils écartent. Ils ne les voulaient que « pour le symbole », « pour la reconnaissance sociale », que pour le paraître et la sincérité, parce que « ça faisait solidaire ».

 

L’humoriste Océane Rose-Marie s’engage pour les Gay Games (J.O. « homosexuels »)… parce que c’est HYPER important (pourquoi? Parce que c’est HYPER important)

 

Par exemple, invité du Petit Journal de la chaîne Canal + le 22 juin 2013, Pierre Bergé a admis qu’il n’était pas pour le mariage homo mais juste pour l’union civile (exactement comme Frigide Barjot), après avoir fait croire à tout le monde pendant des mois qu’il le voulait : « Je trouve que le mariage, c’est une institution bourgeoise. Donc je ne suis pas pour le mariage des hétéros, et je ne suis pas pour le mariage des homos. C’est clair, ça, je suis pour une grande union civile. » Lors de l’émission, il a l’aplomb de répondre à la question « Quel est votre plus gros défaut ? » : « La mauvaise foi. » Pour une fois, il dit vrai !

 

Caroline Fourest et les Femen, pleines de bonnes intentions

Caroline Fourest et les Femen, pleines de bonnes intentions


 

Pire encore, l’action « révolutionnaire et antifasciste » des personnes homosexuelles pratiquantes finit par devenir encore plus violente que le fascisme ou le totalitarisme qu’elles prétendaient dénoncer et éradiquer. « Contrairement à ce qui se passait aux Antilles, ici en métropole, nous poursuivions le combat avec acharnement. L’imminence d’une manifestation sur la voie publique se précisait à mesure que nous imposions nos idées. […] Plus que jamais le moment était venu de sortir de l’ombre, et les grands chambardements de la société de mai 68 furent une aubaine. » (Ednar dans les premiers groupes de revendication homo, dans le roman très autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 172) Par exemple, dans le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau, le collectif « Grève du ventre » est un groupe commando voulant « arrêter de faire des enfants » et imposer leur idéologie infanticide/abortive à l’ensemble des femmes, des mères et de la Planète.

 

Cette violence militante vient d’une frustration de découvrir l’inutilité du combat, d’une bouderie. Les militants homosexuels découvrent inconsciemment que l’identité homo et l’amour homo ne sont pas des causes réelles… donc ils se mettent à faire la gueule, et même à faire passer leur coup de gueule pour minoritairement homosexuel (alors qu’il s’agit précisément du contraire). Il existe en effet une attitude homosexuelle présentée actuellement comme « révolutionnaire » : celle du rejet de l’étiquette « homosexuel » sous couvert d’ouverture à l’universalité et de rejet de la ghettoïsation du « milieu homo ». Par exemple, le réalisateur Xavier Dolan rejette avec virulence l’existence de prix spécifiquement « gays ». En réalité, ni les promoteurs de ces prix artistiques, ni ceux qui les détruisent (et qui sont au fond les mêmes personnes) ne font preuve de courage et de discernement par rapport au désir homosexuel. Dolan a l’attitude (bobo et homophobe) du commun des personnes homosexuelles pratiquantes qui ne veulent pas voir leur désir et leurs actes identifiés. Rien de révolutionnaire ni d’extraordinaire dans sa démarche. La marque de fabrique du désir homo, c’est qu’il se renie pour mieux se pratiquer. La grande majorité des personnes homos sont si homosexuellement correctes en pensant ne pas l’être !

 
 

e) L’homophobie : fragile et ultime rempart de la « Révolution LGBT »

Chris Colfer et Jim Parsons, pour la revue "Rolling Stone"

Chris Colfer et Jim Parsons, pour la revue « Rolling Stone »


 

En général, dans le quotidien des « couples » homosexuels, l’échec de la « révolution homosexuelle » est nié en bloc, ou bien est imputé soit à l’extérieur (la société et les méchants « homophobes »), soit à la lâcheté d’un des deux partenaires du binôme… sachant que cette lâcheté se déplace ou s’échange entre eux comme un virus censé rehausser le courage de l’un au détriment de l’horreur de la haine de soi de l’autre. « Je voulais montrer deux générations successives d’hommes gays, deux extrêmes, deux pôles, l’un qui est dans la honte et la culpabilité et l’autre qui est totalement libre. Et comment témoigner de ses sentiments lorsque l’on ne peut pas ? » (Tor Iben, le réalisateur du film « Cibrâil » (2010) de Tor Iben, s’exprimant sur la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris en octobre 2011)

 

On observe la même démarche de clivage manichéen à l’échelle cette fois communautaire ou nationale. « Sans être militant, Copi aura contribué, sans doute davantage que les Groupes de Libération Homosexuelle qui naissent en 1974, à façonner l’imaginaire homosexuel. » (Frédéric Martel, Le Rose et le Noir, les Homosexuels en France depuis 1968 (1996), p. 159) Il y aurait, selon les journalistes et les « intellectuels » pro-gay, la communauté homosexuelle « qui s’assume » et qui courageusement luttent pour l’épanouissement de la communauté homosexuelle « qui ne s’assume pas » et qui crache sur la première. Selon ces manichéens homosexuels actuels, soit on vit ouvertement son homosexualité comme ils le suggèrent/imposent, soit on finit frustré et malheureux : « Au final, il convient de rappeler une évidence majeure : […] l’homosexualité n’est pas un choix moral. Sauf dans le cas d’une homosexualité temporaire ou de circonstance, le seul et unique choix, pour la plupart de ceux d’entre nous qui naissent homosexuels et le découvrent très jeunes, est de vivre ouvertement et sereinement leur sexualité et leur vie ou de se replier dans la solitude, le refoulement et l’aigreur. Dans le premier cas, ils n’en seront que plus équilibrés et n’ennuierons en rien leurs voisins pas trop obtus, dans l’autre, cela ne peut qu’engendrer des conséquences fâcheuses pour eux-mêmes, leur entourage, et pour la société tout entière. » (Bertrand Desfossé, Henri Dhellemmes, Christèle Fraïssé, Adeline Raymond, Pour en finir avec Christine Boutin (1999), pp. 21-22)

 

Dans quasiment aucun cas l’échec de la révolution homosexuelle n’est attribué à ce qui, pourtant, devrait être identifié comme l’unique source du problème : le coming out et la formation du couple homo, autrement dit la pratique homosexuelle et la dualité schizophrénique du désir homosexuel, étant donné que le désir homosexuel est un élan de haine de soi, qui fait que la personne qui s’y adonne (s’)adore et (se) déteste dans un même mouvement.

 

Beaucoup de militants pro-gays se servent de l’homophobie comme seul et unique rempart/socle de leur « Révolution homosexuelle » fantasmée, mourante parce que basée sur une pratique homosexuelle violente.

 

Par exemple, le documentaire « L’Affaire Pasolini » (2012) d’Andreas Pichler essaie de faire passer le meurtre de Pier Paolo Pasolini pour un crime politique national, un complot collectif sournois, et non pour un assassinat dû avant tout aux actes honteux du fameux réalisateur opérés dans un cadre privé concret (celui du tourisme sexuel, de la drague homosexuelle et de la prostitution masculine), et dû à la terreur homosexuelle/homophobe du jeune voyou Pelosi… tout ça juste pour magnifier le personnage de Pasolini par la victimisation, pour l’ériger en héros et en martyre gênant d’une société qui a tué l’un de ses maîtres à penser parce qu’il lui aurait révélé de terribles vérités : « Comme tous les poètes, il entrevoyait l’avenir. » En réalité, le meurtre de Pasolini a été un « plan cul » qui a mal tourné.

 

Autre cas similaire. Avant de découvrir que le jeune Matthew Shepard, assassiné aux États-Unis en 1998, avait été massacré par ses deux ex-amants et fournisseurs de drogues, beaucoup présentaient (c’est très clair dans le docu-fiction Le Projet Laramie (2012) de Moisés Kaufman) et continuent de présenter le garçon décédé comme un révolutionnaire christique, qui s’était engagé pour les Droits de l’Homme et la Cause gay, alors que concrètement, ce n’était pas le cas. « Mon sentiment, c’est que les médias dépeignent Matthew comme un saint… alors que c’était un pilier de bar. » (une des rares autochtones lucides du Wyoming) Il est comparé à un Jésus crucifié sur un poteau, ligoté à une clôture : « Cet endroit est devenu un lieu de pèlerinage », déclare le père Steeven. Même le jeune cycliste (Aaron) qui a découvert le corps de Matthew, prétend que c’est Dieu qui l’a conduit sur les lieux du martyr. On constate tout l’opportunisme sincérisé des militants pro-gay et des mass médias qui se sont servis de la mort du jeune homme pour hurler à l’homophobie, pour satisfaire leur voyeurisme narcissique, pour justifier leurs propres actions militantes (« Il y avait dans la personnalité de Matthew Shepard un aspect politique. » avouera Doc O’Connor) en organisant partout aux USA une grande chaîne émotionnelle de solidarité, de veillées aux flambeaux (les fameuses « candlelight vigils » qu’on a pu voir aussi suite à l’assassinat du maire homosexuel Harvey Milk à San Francisco) : « Je crois vraiment que c’est une des plus belles choses que j’ai faites dans ma vie. » (Matt, un homme homosexuel parlant des veillées) ; « Quelle chance d’avoir vu une chose pareille dans sa vie. » (Harry, un autre veilleur, 52 ans)

 

(avec toujours l’insupportable et classique voix-off susurrée des films bobos)

 

Cette récupération du malheur ou de la violence dits « homophobes », pour tresser des couronnes révolutionnaires « aux homos » et se glorifier d’être leurs sauveurs, est observable dans tous les cas de meurtres non-élucidés (suicides, agressions, assassinats, épidémie de Sida, etc.). Elle est opérée avec la complicité des associations LGBT (Le Refuge, Act-Up, l’inter-LGBT, l’APGL, les Panthères roses, les Antifas, etc.), des revues de la presse homo (les officielles tout comme les officieuses : Têtu, Minorités, Yagg, etc.), et maintenant de nos gouvernants politiques.

 

On a pu la voir lors de l’affaire Sébastien Nouchet (homosexuel qui s’est auto-incendié à l’essence en 2004 en France), qui fut récupérée et montée en épingle par les mass médias pour accélérer l’adoption de deux amendements anti-discriminations réprimant notamment les propos homophobes en France. C’est aussi ce qu’on peut observer avec le meurtre de Clément Méric lors de la bataille du « mariage gay » en France en 2013 (la communauté homosexuelle a fait croire au crime politique impulsé par la « Manif Pour Tous » avant de se rendre compte que l’activiste anti-fasciste avait lui-même agressé ses tueurs).

 

Dans nos contrées occidentales pseudo « démocratiques », se dressent depuis un certain temps, autour des concepts d’homophobie et de fascisme, des tribunaux « révolutionnaires » formés en réalité de trouillards, d’ignorants, de condamnateurs et de personnes particulièrement homophobes (il n’y a qu’à voir comment elles traitent et insultent leurs pairs homosexuels qui ne pensent pas comme elles), qui culpabilisent tout le monde et surtout traînent la Terre entière (excepté leur élite) en procès de fascisme (ou d’intégrisme ou d’extrémisme), en les faisant comparaître dans leurs films, pièces, talk-shows, conférences, plateaux télé politiques (transformés en arènes par l’entremise de l’« équipe à Ruquier » et autres journalistes véreux). Quand le militantisme manichéen, agressif, idéologue, ose se présenter comme l’incarnation de l’humanisme, de l’amour, du respect, de l’humour, de l’engagement audacieux, on oscille, en tant que spectateur, entre rire, consternation et révolte. Car oui, ceux qui prônent l’amour en vous insultant ou en vous menaçant de penser/pleurer comme il faut, c’est-à-dire comme eux, sont littéralement tragicomiques (c’était palpable lorsque j’ai assisté à la projection du documentaire « Et ta sœur ! » (2011) de Nicolas Barachin et Sylvie Leroy, ou bien lors de la représentation de pièces dites subversives et engagées comme Golgota Picnic (2012) de Rodrigo Garcia, Grand Peur et Misère du IIIe Reich (2008) de Bertold Brecht, Le Projet Laramie (2012) de Moisés Kaufman, Bent (2007) de Martin Sherman, etc.). Ces idéologues « bienfaiteurs » vous crachent à la gueule le sourire aux lèvres, la larme à l’œil, et avec la satisfaction d’accomplir une œuvre de justice et de progrès. Sidérant. Déplacé. Indécent. Puant. Surtout au vu des crises dramatiques (économiques mais surtout morales) que traversent en ce moment tous les pays (Espagne, Belgique, France, Suède, États-Unis, Afrique du Sud, etc.) approuvant les yeux fermés les lois pro-gays en pensant que ça fera écran aux divisions dans les familles, entre concitoyens, et sur notre Planète qui perd pied avec le Réel, alors que c’est tout le contraire qui arrive.

 

FAUX REV Espagne

 

La défense sociale et la banalisation de la pratique homosexuelle (une pratique qui est tout sauf aimante car elle expulse la différence des sexes et repose sur une discrimination contraire à l’Amour et au Réel), loin de marquer un progrès humain et une ouverture, indiquent une régression civilisationnelle très grave, qui risque de se retourner contre les plus fragiles de notre société (les femmes, les enfants, les personnes homosexuelles, en premier lieu). L’égalitarisme bon ton est un rouleau compresseur extrêmement inhumain et dangereux, qui transforme le troupeau de moutons de panurge anti-conformistes et pro-Égalité en macaques décérébrés, incapables de penser par eux-mêmes (ce n’est pas moi qui le dis : ce sont eux-mêmes qui se représentent ainsi! cf. la photo ci-dessous que j’ai prise dernièrement), oubliant leur humanité, et présentant (par cynisme désabusé) leur décadence et leur barbarie comme de l’esprit et du progrès social.

 

Photo d'un graffiti des pro-mariage-pour-tous défendant l'égalité, et représentant un singe

Photo d’un graffiti des pro-mariage-pour-tous défendant l’égalité, représentant un singe (Paris, IVe arrondissement, 2013)


 

Finalement, que c’est dur, irréaliste et violent, de chercher à être révolutionnaire sans se mettre au service des seules instances et incarnations qui incarnent vraiment la Révolution sur Terre : Jésus et son Église catholique !

 
 

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Femme et homme en statues de cire (sous-codes : Couple hétérosexuel / Scène de répudiation / Ombres chinoises)

femme et homme cire

Femme et homme en statues de cire

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 
 

Je revendique mon hétérophobie

et mon amour des couples femme-homme aimants !

Le couple hétéro et le couple homo sont catastrophiques : ils sont jumeaux historiques et de violence car ils ont tous deux sacralisé l’altérité sans laisser d’espace à la différence des sexes aimante. Pas un pour rattraper l’autre !

 

CIRE 1 noir et blanc

 

« Hétérosexualité » ne rime pas avec « Amour ». Je ne sais pas si on vous l’a déjà dit. En tout cas, moi, je vous le dis ! Et cela ne change rien en ma foi en l’Amour, que Celui-ci soit vécu dans un célibat consacré ou dans un couple femme-homme non-hétérosexuel : elle reste intacte. C’est justement parce que je crois en l’Amour vrai que je ne valide ni les couples hétéros ni les couples homos, ces pâles fac-similés de l’Amour qu’on a voulu mettre en scène à la télé en unissant artificiellement l’homme-objet et la femme-objet, deux statues de cire souriantes et perpétuellement en conflit, passant leur temps à se déchirer parce qu’elles cherchent en vain à se substituer l’une à l’autre.

 

CIRE 3 noir et blanc rouleau

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Haine de la famille », « Femme fellinienne géante et pantin », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Don Juan », « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », « Corrida amoureuse », à la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », et surtout à la partie « Parents divorcés » du code « Orphelins », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels, ainsi qu’au site CUCH (Cathos Unis Contre l’Hétérosexualité : www.cuch.fr).

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Roméo, Juliette et tous les autres,

au fond de vos bouquins, dormez en paix !

 

CIRE 5 Barbie

 

Au fil des siècles, la littérature et les arts audiovisuels ont pris une telle place dans notre quotidien qu’ils ont réussi à nous faire croire que les couples-objets femme-homme étaient plus vrais que nature, et qu’ils avaient le pouvoir de se substituer aux couples réels non-photographiques. Grossière idolâtrie !

 

Le couple hétérosexuel est un binôme qui intègre la différence des sexes, mais, contrairement aux couples femme-homme aimants, sans désir : il a pour particularités d’être prioritairement fictionnel, et d’être en voie de bisexualisation, voire d’homosexualisation (d’ailleurs, les hommes-objets et les femmes-objets actuels, présentés comme de « parfaits hétéros », font tour à tour leur surprenant coming out : fans féminines de Ricky Martin, Zachary Quinto, Tiziano Ferro, George Michael, vous n’avez plus qu’à vous rhabiller !). En général, les deux membres de ce couple hétérosexuel ne s’entendent pas, se chamaillent (et font l’amour pour recoller les morceaux : réconciliation sur l’oreiller bien connue), vivent dans le fantasme de fusion (qui concrètement aboutit à une brève passion et à une rupture/à la mort), cherchent à copier l’homme-objet et la femme-objet de leurs écrans de télé, autrement dit « les hétéros » et « les homos ».

 

Je vous encourage fortement à compléter la réflexion sur ce trompe-l’œil qu’est « l’hétérosexualité » en lisant l’autre code du Dictionnaire des Codes homosexuels fortement imbriqué avec celui-ci : « L’homosexuel = L’hétérosexuel ». Il vous explique que l’hétérosexualité est un concept très récent qui était, à sa création (1870), synonyme de « bisexualité » (et non de relation de fidélité exclusive et aimante femme-homme), et qui est apparu pile à l’époque où précisément le mythe du « self-made man sans Dieu » et de l’Homme-objet naissaient grâce aux progrès scientifiques et audiovisuels humains.

 

En effet, avant d’emprunter le chemin du couple homosexuel, qui est une copie exacte du couple hétérosexuel, la grande majorité des personnes homosexuelles a été fortement influencée par le couple hétérosexuel formé par Ken et Barbie. Elles ont intégré dans leur cœur une vision complètement cucul et violente, fusionnelle et conflictuelle, rose et noire, du couple femme-homme et de l’Amour. Celle que leur ont donnée les films pornos, les magazines, les comédies romantiques/dramatiques, les romans à l’eau de rose, la peinture, et parfois leurs parents désunis (je traite plus largement du lien entre divorce et homosexualité dans le code « Orphelins » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Généralement, quand on les interroge sur les couples intégrant la différence des sexes, on se rend vite compte que les personnes homosexuelles sont d’une naïveté incroyable : elles ont vraiment pris les couples médiatiques pour des réalités (à imiter dans le rejet ou l’adulation).

 

CIRE Jenifer

 

Tous les ménages que nous connaissons qui se disputent, mais qui paradoxalement vivent encore dans le mythe fusionnel/fiévreux du prince charmant et de la princesse charmante (utopie passionnelle qui envisage la structure du « Couple » comme une plénitude absolue et facile, comme un duo qui se nourrira exclusivement du feu des sentiments amoureux), ou au contraire dans la haine de ce mythe, sont dignes d’être appelés « homosexuels » (s’ils sont formés de deux personnes de même sexe) ou « hétérosexuels » (s’ils se composent de deux personnes de sexes différents).

 

La famille « hétérosexuelle » type se compose de « Monsieur Papa » d’un côté, de « Madame Maman » de l’autre, bien séparés ou carrément trop collés (… et de « Monsieur Bébé » entre les deux… parce qu’il faut bien…) : c’est la famille artificielle des pubs. Dans les médias, « les hétéros » sont souvent représentés par deux poupées Barbie et Ken emballées sous cellophane et juxtaposées l’une à l’autre, par les figurines de mariés sur les pièces montées de mariage, par des ombres chinoises en conflit, par des siamois partageant un même buste, par un homme d’affaires en vadrouille et une femme au foyer esseulée et malheureuse, par les couples déchirés des comédies sentimentales, par les acteurs froids et fusionnels des films pornos, ou bien par une photo déchirée d’une actrice et d’un acteur sur les couvertures de journaux à scandale. Ils se nomment Chouchou et Loulou, les Bidochons, Marie-Chantal et Charles-Édouard, George et Margaret dans leur chambre à coucher, Brandon et Samantha (sur la Ferrari rouge), les « bobos » anti-sociaux, etc.

 

CIRE 6 Pierre et Gilles

Photo de Pierre et Gilles


 

La distinction que j’établis entre couple hétérosexuel (composé de deux êtres-objets vivant l’un à côté de l’autre, mais sans âme) et couple femme-homme désirant avait déjà été faite par Plutarque au Ier siècle après J.-C. : dans Dialogue sur l’Amour, il parle d’un côté de « l’union intégrale » des « époux qui s’aiment », et de l’autre « des relations des gens qui vivent côte à côte sans avoir entre eux ce lien profond ». Ceux qui à l’heure actuelle associent « les hétérosexuels » à tous les couples femme-homme, ou pire, à tous les pères et mères de la Terre, prennent les choses à l’envers en faisant passer l’image médiatique avant la Réalité : ce n’est pas le couple femme-homme (et encore moins la famille) qui fait le couple hétérosexuel, mais le désir de copier le « couple hétérosexuel » imagé qui transforme certains individus en caricatures d’« hétérosexuels » ; c’est une application scolaire et rigide de la différence des sexes, une sacralisation démesurée de celle-ci. Le couple femme-homme qui s’aime d’un amour vrai ne mérite même pas de s’appeler « hétérosexuel » puisqu’il n’est ni statique ni violent, et qu’il ne fait pas du paraître sa priorité désirante. Une seule orthographe pourrait convenir aux hétérosexuels : les « éthers au sexuel ».

 

Le couple homosexuel est une copie conforme inversée du couple hétérosexuel, et une pâle imitation du couple femme-homme uni par l’amour. Par exemple, dans le film « Dimanche matin » (2001) de Robert Farrar, nous retrouvons bien cette transposition du couple hétérosexuel au couple homosexuel, avec la « tantouze » menée par le bout du nez par son « mari » ultra-macho. C’est intrigant comme dans l’inconscient collectif, l’union homosexuelle est spontanément associée aux couples femme-homme en conflit (donc hétérosexuel) et jamais aux couples femme-homme unis et non-hétérosexuels. On peut observer que dès que deux amis du même sexe se querellent en public, tout de suite s’abat sur eux le soupçon d’homosexualité. Se chamailler entre semblables sexués, cela « fait homosexuel » ou « vieux couple hétéro ». Ceci est tout à fait significatif de la nature du désir homosexuel qui encourage à l’identification aux deux membres du couple hétérosexuel, à savoir l’homme-objet et la femme-objet, tous deux haineux et simulant une entente de façade qui cache une guerre impitoyable.

 
 

Les contre-coups de l’absence de séparation des sexes ou de l’excès de séparation entre les sexes

 

Il est probable que le viol que les personnes homosexuelles ont cru subir/ont vraiment subi est celui de la séparation excessive entre les sexes, mais aussi celui de l’absence de séparation. « Paradoxe ou incohérence : au moment même où la différence des sexes ne parvient plus à structurer la sexualité et les rapports entre les corps, elle prend valeur constituante dans le corps politique où le genre sexuel devient un critère déterminant. […] On s’étonnera de voir nos socialistes faire de la différence des sexes un critère là où elle n’a rien à en faire (parité, conquête et exercice du pouvoir) et vouloir l’effacer là où elle est structurante (sphère privée, famille). Visant à réduire les discriminations, on désexualise les institutions (mariage, procréation), et à l’inverse on sexualise le langage (féminisation des noms de fonction, transmission du patronyme). » (Michel Schneider, La Confusion des sexes (2007), pp. 23-24)

 

CIRE PINK

 

Socialement, l’effacement progressif des espaces féminins et masculins va crescendo. La parité et la mixité sont des valeurs de plus en plus imposées – et donc menacées – dans nos civilisations, et le trouble pour celui qui essaie de se construire une identité sexuée et d’apprivoiser son corps de femme ou d’homme s’accentue. La définition sexuelle semble être laissée non plus à la Nature, à l’extérieur, à la société, à la famille, aux parents, mais à l’appréciation personnelle de l’individu qui risque, du coup, de ne plus savoir qui il est. De l’excès du partage des sexes connu dans les siècles antérieurs, nous sommes passés à un autre, tout aussi handicapant pour la réalisation de la rencontre entre femmes et hommes : le retrait de la démarcation. Il est handicapant dans la mesure où la séparation temporaire, loin d’impliquer nécessairement la rupture, peut dans le meilleur des cas signifier « reconnaissance », « condition préalable à la relation », « espace d’échanges », « préparation de la rencontre ». Une société qui laisse ses membres se regrouper et se séparer selon les âges, les sexes, les religions, les cultures, les pays, les passions communes, les affinités, les convictions politiques, les liens familiaux, etc., est une collectivité humaine qui respire la démocratie. L’encouragement à la distinction entre les sexes n’a rien de militaire ni de « fasciste » : c’est l’empêcher à tout prix (sous couvert d’« égalité de droits » ou « des sexes » par exemple) qui devient totalitaire.

 

Les personnes homosexuelles, par ce qu’elles sont et désirent, expriment ce malaise social de l’indifférenciation des sexes. La plupart du temps, elles le justifient : certaines n’acceptent pas la distinction filles/garçons faite dans les écoles, les hôpitaux, au seuil des toilettes et des vestiaires, chez le coiffeur, dans les dictionnaires, etc., parce que pour elles, elle équivaut à la séparation totale entre les sexes, et plus fondamentalement à la remise en cause de leur désir d’être tous les sexes. Mais de temps en temps, inconsciemment, elles regrettent que l’effacement de cette frontière empêche les femmes et les hommes de se rencontrer.

 

Le désir homosexuel est l’indicateur de la blessure que la femme et l’homme s’infligent dans leur couple par l’image médiatique d’abord, et parfois dans la réalité concrète. C’est pourquoi mon insistance sur les liens entre désir homosexuel et viols sociaux. L’homme est actuellement de plus en plus condamné à porter l’étiquette du « beauf bourrin » et ennuyeux ou du parfait prince charmant qu’il n’est pas. La femme, quant à elle, est réduite à l’image de tigresse « salope » ou de femme au foyer, blonde et soumise. L’un comme l’autre se réifient à l’image… si bien qu’au final, certaines femmes et certains hommes réels ne veulent plus se côtoyer simplement, et prétendent parfois s’autosuffire dans l’affirmation d’une homosexualité ou d’un isolement fier de lui-même. Beaucoup de femmes et d’hommes actuels s’enlisent dans le débat sexiste, ou esthétisent leur angoisse par rapport à la disparition des membres du sexe « opposé » en questionnement disco (cf. les chansons « Où sont les femmes ? » de Patrick Juvet, « Où sont passés les Hommes ? » du groupe L5, « Toc, Toc, Toc » de Zazie, « Les Brunes comptent pas pour des prunes » de Lio, etc.) n’indiquant pas un renoncement aux mythes télévisuels de l’hypervirilité ou de l’hyperféminité, mais au contraire une réinstauration de ceux-ci. On le voit rien qu’aux reproches que formulent certaines femmes médiatiques aux hommes : elles s’adressent davantage à des Monsieur Muscle plantés passivement devant leur petit écran, ou posant sur leur Harley comme des objets, qu’à des hommes de chair et de sang. « Los chicos son de molde y nosotros de corazón. » (Beyoncé défendant les « femmes », dans sa chanson « Si Yo Fuera Un Chico » ; traduction personnelle : « Les hommes sont de pierre alors que nous, nous sommes sentimentales. »)

 

Certaines personnes homosexuelles illustrent en image que c’est en partie l’abandon des femmes par les hommes, ou l’abandon des hommes par les femmes, qui ont fait d’elles « des homos » (cf. les films « W » (1998) de Luc Freit, « Que faisaient les femmes pendant que l’homme marchait sur la lune ? » (2000) de Chris Vander Stappen, « Beignets de tomates vertes » (1991) de Jon Avnet, « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, etc.). Il est indéniable, même si nous ne pouvons pas en faire une règle, qu’il y a énormément d’enfants de parents divorcés parmi les personnes homosexuelles, ou bien de jeunes adultes dont les géniteurs restent ensemble par convenance ou pour l’image. Il n’est pas très étonnant non plus que les militants gay les plus intransigeants sur la pureté homosexuelle soient aussi ceux qui ont un passé hétérosexuel particulièrement lourd. Ce conflit (fantasmé) entre leurs parents peut se traduire par une intériorisation identificatoire, une affirmation officielle d’une identité homosexuelle factice qui est à l’image du clash entre leur père et leur mère. Le « Je souffre de votre (possible) désunion/du viol que vous vous infligez » se mute en « Papa et maman, je suis homo… et je garderai secret votre (désir de) divorce ».

 
 

La validation, et parfois la construction homosexuelle, du couple hétérosexuel

 

Par leur façon de parler du couple « hétéro », nous comprenons tout de suite que beaucoup de personnes homosexuelles confondent la famille composée de la femme et de l’homme réels, avec la famille décrite par les prospectus : par exemple certaines parlent de la première comme d’une « idéologie lourde et coûteuse » (cf. l’article « Hétérosexisme » de Louis-Georges Tin dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 209), donc d’une propagande publicitaire et politique, alors que jamais le couple femme-homme réel n’a eu besoin d’argent, ni de la télévision, pour éprouver la joie et le besoin ludique de se rencontrer : il s’est formé spontanément, gratuitement, volontairement, même s’il a bénéficié par la suite de l’appui des structures sociales pour célébrer son union. L’attachement des personnes homosexuelles au mythe du prince charmant et de la princesse blonde, qu’elles attribuent bizarrement à tout individu qui s’accouple avec une personne du sexe « opposé », leur apparaît évidemment intolérable puisqu’elles le choisissent comme modèle de référence ou anti-modèle, et qu’elles ont pour la plupart du temps contribué à le rendre iconographiquement réel, par leur création d’une image violente du couple femme-homme. Car qui transforme la femme et l’homme en statues de cire à la fois stoïques et en conflit, sinon une majorité d’entre elles ? Elles prouvent souvent à l’image qu’elles confondent le couple réel avec leurs effigies parce qu’elles le regardent précisément comme un objet destructeur, tout-puissant, et enviable. Le motif de la femme fellinienne géante et du pantin masculin, de la blonde vénéneuse qui manipule le mâle avec un rire sardonique, ou bien de l’amant amoureux de sa figurine qui se refuse sans arrêt à lui, reviennent fréquemment dans les œuvres homosexuelles.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles empêchent la rencontre entre la femme et l’homme en la diabolisant ou en la romançant sur les écrans. Dans certains films homo-érotiques, il n’est pas anodin que ce soit le personnage homosexuel qui, on ne sait jamais vraiment pourquoi (peut-être s’interpose-t-il pour leur éviter une guerre dramatique élaborée par ses propres fantasmes ?), sépare la femme et l’homme. Le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion en fournit un parfait exemple. Les représentations stylisées du combat entre le camp des filles et celui des garçons – notamment dans les comédies musicales et les jeux télévisés – excitent souvent beaucoup les personnes homosexuelles. Elles mettent fréquemment en scène l’impossibilité de l’union femme/homme, souvent par le traitement tragi-comique, à travers une scène de répudiation entre une femme hautaine et un homme désespéré l’implorant à genou, ou bien des disputes cataclysmiques jouées par des stéréotypes agressifs de chacun des deux sexes.

 

CIRE Dujardin

 

Cette vision diabolisée ou mièvre de l’union femme-homme implique aussi l’illusion de la compréhension parfaite entre les femmes et les hommes réels. Beaucoup de personnes homosexuelles divinisent le couple hétérosexuel, y compris aux dépens du mariage et du couple femme-homme réel non-hétérosexuel. Elles croient à la fois que tous les humains sont condamnés à ne jamais être heureux en amour, et paradoxalement, qu’ils goûtent tous au bonheur magique et « normal » dont elles seules seraient privées. Par exemple, certaines pensent naïvement que « les enfants hétéros n’auront jamais aucun problème dans leur vie » (Denis, un trentenaire homosexuel interviewé dans l’émission Bas les masques (1992) de Mireille Dumas). Comme elles attribuent à ceux qu’elles appellent parfois « les heureux » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 128) une vie selon les stéréotypes de la publicité, elles assurent que l’existence des autres est peu enviable, mais cependant plus harmonieuse que la leur. « Je pensais jalousement à ces hommes anonymes qui à cette heure s’amusaient, grossièrement peut-être, mais qui étaient supérieurs à moi par leur connaissance du plaisir, dont j’avais seulement le désir… » (cf. le poème « El Placer » de Luis Cernuda)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles idéalisent le couple femme-homme non-hétérosexuel parce qu’elles le jalousent secrètement, lui et le couple hétérosexuel. La jalousie semble être l’un des moteurs principaux du désir homosexuel. Certaines personnes homosexuelles la justifient en la projetant en haine « hétérophobe » sur ceux qui ne seraient que des « homophobes envieux » (Gregory Woods, Historia De La Literatura Gay (1998), p. 294) faisant une allergie inexpliquée à « leur bonheur d’homosexuels ». En définitive, elles envisagent que le bonheur puisse être gênant, non pas parce qu’il le serait réellement, mais parce qu’elles-mêmes en font une expérience paradoxale. La félicité des autres a souvent quelque chose d’écœurant quand on ne la vit pas exactement soi-même. S’il y a une haine de leur part pour le couple femme-homme qu’elles qualifient de « tyrannique », c’est parce qu’effectivement il est matraqué en tant que « modèle hétéro » idyllique dans les médias, mais aussi parce que la supériorité du couple femme-homme désirant (donc non-hétérosexuel) réveille leur orgueil mal placé et les renvoie de fait aux déficiences des structures conjugales homosexuelles (et hétérosexuelles !). En effet, que signifie l’expression « omniprésent schéma oppressif de la famille traditionnelle » ou « famille hétérosexuelle standard et idéale » dans un pays comme la France où un tiers des couples ne sont pas mariés, où plus de la moitié des enfants naissent hors mariage ? La modèle conjugal imposé n’est-il pas plutôt, en 2008, la famille éclatée et recomposée ? Le mépris affiché des couples intégrant la différence des sexes exprime chez les personnes homosexuelles leur quête désespérée d’approbation et la volonté de se substituer à ces couples dans l’inversion mimétique homosexuelle.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) Où sont les membres de l’autre sexe ? :

Très souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, c’est l’absence des membres de l’autre sexe qui a impulsé l’homosexualité du personnage gay ou lesbien. « Les femmes sont parties. On va pouvoir bouger. » (Bernard, le héros homosexuel draguant son voisin Didier, fragilisé parce qu’il apprend que sa copine a un amant, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Tous ces hommes, que sont-ils devenus ? » (Madeleine dans la comédie musicale Ball Im Berlin, Bal au Savoy (1932) de Paul Abraham) ; « Si tu continues à les laisser filer les uns après les autres, les filles seront plus rapides. » (Maurice s’adressant à sa fille lesbienne Delphine, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc. C’est pourquoi ce dernier pose la question top Disco « Où sont les femmes (ou les hommes, dans le cas lesbien) ? » : cf. le film « Que font ces dames… quand leurs maris bossent ? » (1971) d’Ernst Hofbauer, la pièce Où va le cœur des filles quand ils sont partis ? (2008) d’Annelise Uhlrich, la chanson « Où sont les femmes ? » de Patrick Juvet, le film « Va voir maman papa travaille » (1977) de François Leterrier, le film « ¡ Cariño, He Enviado Los Hombres A La Luna ! » (1998) de Marta Balletbo-Coll, le film « Que faisaient les femmes pendant que l’homme marchait sur la lune ? » (2000) de Chris Vander Stappen, le film « Where The Boys Are » (2010) de Bertrand Bonello, etc.

 

Par exemple, dans la mise en scène d’Esteban Morilla (2008) de la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (1938) de Witold Gombrowicz, on entend la chanson de Patrick Juvet « Où sont les femmes ? ». Dans le film « W » (1998) de Luc Freit, ce sont les parties de flipper de l’héroïne qui font que son petit ami va s’homosexualiser avec le serveur transsexuel dans les toilettes du bar. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah, l’une des héroïnes lesbiennes, fait croire que sa mère est absente et partie en ONG en Afrique. Dans la comédie musicale Non, je ne danse pas ! (2010) de Lydie Agaesse, quatre femmes célibataires racontent leurs déboires sentimentaux avec des hommes qu’on ne voit jamais, qui sont comparés à des « ombres ». Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire et Joséphine sont toutes les deux abandonnées d’un seul être invisible : « On est amoureuses du même homme et nous allons trouvé une solution. » ; elles finissent par le laisser tomber, et par se tourner amoureusement l’une vers l’autre, faute de mieux. Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Nina finit lesbienne après être sortie avec des hommes volages (Marc) et indécis (Baptiste). Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno devient homo parce que sa copine le délaisse. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, ce sont les absences répétées de son mari Heck (il rentre bourré d’une soirée entre copains, il se défile au moment de coucher avec sa femme et reporte le « coup ») qui conduisent Rachel, l’héroïne lesbienne, à se rapprocher de Luce. Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Catherine arrive à séduire Fanny parce que celle-ci se sent délaissée par son mari. Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Henri, le bûcheron marié, a viré sa cuti quand sa femme est partie. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Bettina, la femme de Marc, dort quand ce dernier arrive du travail, raccroche au téléphone, s’absente, livre finalement son mari à l’homosexualité par son indifférence. Dans le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann, Marie et Aysla, chacune mariée, finissent par sortir ensemble car elles sont abandonnées par leurs maris respectifs, et/ou les abandonnent : Bernd, le mari de Marie, trompe sa femme avec une collègue de travail, et Marie les surprend ; quant à Aysla, elle doit supporter les absences et les voyages de son mari Dom : « Dom va être très souvent en déplacement. Alors il va falloir qu’on s’occupe d’Aysla. » conseille même Bernd à Marie. Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Mona se laisse aller au lesbianisme parce qu’elle est délaissée par son mari, Harvey, un homme au chômage qui se laisse entretenir par elle, et qui la trompe en cachette.

 

Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, Adineh l’héroïne transsexuelle F to M a manqué de référentes féminines pour s’identifier en tant que femme : « J’avais cinq ans quand ma mère est morte. Il n’y avait pas de femmes dans mon entourage. » Plus tard, le père d’Adineh arrive à la même conclusion que sa fille : « Si Adineh avait été élevée par sa mère [décédée quand elle avait 5 ans], ça ne serait jamais arrivé. »
 

De plus en plus ouvertement, les princes charmants renoncent à leur titre et à conquérir leur princesse (cf. les chansons « J’suis pas ton prince charmant » de Keen-V, « Manque de personnalité » de Doriand, « Fais-moi un chèque » de Jena Kanelle) ; et la princesse jette ses colliers (cf. les chansons « My Love Don’t Cost A Thing » de Jennifer Lopez, « J’envoie valser » de Zazie, etc.). Ceci est fait dans la désinvolture la plus totale… mais si, à de rares moments, une lueur de regret s’éclaire timidement : « Qu’est-ce que je vais faire maintenant qu’elle est partie ? » (le mari abandonné par sa femme qui s’est découverte lesbienne, et bien démuni, dans la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora); « Je ne suis pas le Superman viril que tu attendais !! » (Gabriele, le héros homo, violentant son amie Antonietta qui souhaitait « se faire sauter sur la terrasse » de l’immeuble, dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; etc.

 
 

b) Le couple hétérosexuel est une union-objet de deux individus de sexe différent, mais sans désir l’un pour l’autre, voire même en conflit :

Film "Cabaret" de Bob Fosse

Film « Cabaret » de Bob Fosse


 

En général, dans les créations homosexuelles, le couple femme-homme est réifié en statues de cire ou en ombres chinoises se battant en duel. C’est le cas dans le film « Chouchou » (2003) de Merzak Allouache (avec les statues d’hommes et de femmes nus de la boîte gay L’Apocalypse), le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder (avec les mannequins de l’atelier de Petra), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec le couple femme-homme Janet/Brad statufié par le Dr Frank-N-Furter), la chanson « Derrière les fenêtres » de Mylène Farmer (« Homme et femme de pierre, au destin sans gloire »), le vidéo-clip de la chanson « Nothing Compares 2 U » de Sinnead O’Connor, le vidéo-clip de la chanson « Parler tout bas » d’Alizée, le film « Topaz » (« L’Étau », 1969) d’Alfred Hitchcock (avec les statuettes du berger et de la bergère brisées), le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec l’image du couple de grands-parents, momifiés sur leur chaise longue dans un jardin), la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier, la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez (dans l’appartement de Vivi, le héros homo, il y a deux statues d’un homme et femme qui ressemblent à un berger et une bergère de pastorale), la pièce Ma première fois (2012) de Ken Davenport, la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall, la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec le couple Jean-Paul/Catherine), le vidéo-clip de la chanson « Sounds Of A Melody » d’Alphaville, etc. Par exemple, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel, matte sur la plage un couple hétéro (formé en réalité par Léonard et sa copine blonde, allongés sur le sable). Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Vita Sackville-West, lesbienne, contracte un mariage de convenance avec sir Harold Nicolson. Ils sont tellement distants que lorsqu’ils s’embrassent le matin au réveil dans le lit commun, ils se traitent de « voisins » : « Bonjour voisin. » (Vita) « Bonjour voisine. » (Harold).

 

Pour ce qui est des ombres chinoises femme-homme en guerre, on a par exemple le film « Sancharram » (2004) de Licy J. Pullappally, le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, le film « Rear Window » (« Fenêtre sur cour », 1954) d’Alfred Hitchcock, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta, la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton (avec Jenny et Joe à la fin), le film « La Chair et le Sang » (1985) de Paul Verhoeven, le film « Chacun cherche son chat » (1995) de Cédric Klapisch, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, la performance Golgotha (2009) de Steven Cohen, la comédie musicale Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphane Druet (avec un couple femme-homme en ombres chinoises, dans lesquelles la silhouette masculine tend un sexe dru en forme de matraque), le film « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch (avec Michel, le héros gay et un de ses amants en ombres chinoises derrière un rideau imitation panthère, en plein feu de l’action), etc. Par exemple, dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Mathilde et son meilleur ami homo Guillaume méprisent le couple marié formé par Michael (secrètement homo) et sa femme : ce dernier est réduit au binôme Bière/Chipsters. Dans l’épisode 363 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 25 décembre 2018, André Delcourt, le père de Chloé l’héroïne, fait son coming out, après un « mensonge » et une disparition de plus de 35 ans, pendant lesquels il a abandonné femme (Marianne) et enfants (Anna et Chloé). En parlant de sa vie d’homme marié à Marianne, il conclut non pas à la « farce » (comme celle-ci voudrait bien le croire) mais au couple d’ombres chinoises : « Notre vie était un théâtre d’ombres. »

 

Le couple hétérosexuel est le couple de poupées Barbie sous cellophane, des figurines moisissant sur une armoire et respirant la poussière : « Je ne suis pas curieux des meubles dans lesquels vous vivez. » (Denis à son amant Luther, marié à Alice et vivant son homosexualité en cachette de sa femme, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Petra marqua une nouvelle pause, comme pour se souvenir des boîtes de nuit bourrées de garçons maquillés et de filles attendant de se faire draguer. » (Louise Welsh, The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012), p. 82) ; « J’ai eu peur qu’on l’ait empaillée. » (Citron en parlant de sa compagne Pearl, dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic) ; « J’ai l’impression que je ne suis qu’une pièce rapportée. » (Monsieur de Rênal, le mari efféminé de Louise, dans la comédie musicale Le Rouge et le Noir (2016) d’Alexandre Bonstein) ; etc. Dès qu’un personnage s’hétérosexualise, il est vue comme une statue par les personnes homos. Par exemple, dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, Laura, décrivant Sylvia son « ex » hétérosexualisée, la durcit : « Je vis soudain ce qui, chez elle, avait changé : son visage […] s’était fait plus dur, plus féminin. » (p. 164) Le mari hétérosexuel et sa femme hétérosexuelle se regardent toujours en chiens de faïence : « Mon mari est un sphinx. » (Simone, l’hétérosexuelle de la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) Les parents sont d’ailleurs rangés au rayon « vieilleries » : « Retourne chez toi, ma mère, va dans ton Musée de Cire épousseter les saphirs ! » (Lou à sa mère Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je suis tellement loin de lui. Mais j’peux pas le quitter. » (Charlotte, l’héroïne bisexuelle ne se sentant pas de quitter Michel pour Mélodie, dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell) ; « On t’a appris qu’Ève était en Mac et Adam en PC ? » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; « Et c’est comme ça qu’on se met en ménage. Tout ignorant de l’autre. Comme des martiens. » (idem) ; « Je connais plein d’hétérosexuels qui n’aiment pas la leur. » (Caroline par rapport aux maris qui n’aiment pas leur femme, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; « Je connais plein de femmes hétérosexuelles qui n’aiment pas leur mari. » (Raymond, idem) ; « Alors vous deux, ça y est ? C’est fait ? Vous avez fusionné ? » (Mireille s’adressant à Caroline et à Raymond, idem) ; etc. Dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, les couples femme-homme ou parfois les couples homos sont figés en portraits peints avant d’exister dans la réalité, comme des prémonitions : c’est l’image statique qui fabrique et prédit le couple, et non la Nature ou la liberté. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, Henri, le héros homosexuel, regarde ses deux parents dormir sur le canapé-lit comme des objets de musée méprisables… puis avec plus d’envie le couple Élisabeth et Jean nus. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, le couple marié formé de l’homosexuel refoulé Georges et de sa femme Christelle est typiquement hétérosexuel. Il se caractérise par deux poupées très bisexuelles et séparées par un mur : « Nous sommes murés tous les deux dans l’incapacité de communiquer. » Dans le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion, Isabelle, l’héroïne bisexuelle qui va former un mariage désastreux avec un homme qu’elle n’aime pas, s’arrête dans une église face à deux stèles funéraires d’un roi et d’une reine côte à côte qui la pétrifient (elles sont jugées « morbides ») et la dégoûtent du mariage : « Je crois que je ne suis pas faite pour le mariage. » Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine, la femme de Nicolas le héros homosexuel, est contrainte d’assister au mariage d’inconnus, Laurence et Martin, qu’elle cherche à détruire de son regard critique assassin : elle ne supporte pas « le mariage de ces guignols ». Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel et Léo vont au cinéma ensemble voir un film où un robot monstrueux tient dans sa main un marié et une mariée qu’il écrabouille. Dans la chanson « Soyez pédé » de GiedRé, il est question du « couple borné et statique » hétérosexuel : « Pour freiner le flot des mariages bâclés, il n’est qu’un remède : soyez pédé ! » Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, le héros homosexuel, découvre une photo encadrée de ses parents planquée dans la remise familiale par son père, et respirant la poussière.

 

Par exemple, dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Evelyne suit des stages féministes sur la sexualité, et se voit conseiller par sa collègue Missy, qui lui vante les bienfaits du divorce, de s’envelopper comme par hasard dans du papier cellophane : « Tu te rappelles qu’ils nous ont conseillé de nous envelopper dans de la cellophane pour les supporter, ces séances sur le mariage ? » L’espace d’un instant, dans une drôle de rêverie, elle s’imagine concrètement la scène.
 

Film "Victor Victoria" de Blake Edwards

Film « Victor Victoria » de Blake Edwards


 

La particularité du couple hétérosexuel, c’est qu’il est sans désir, comme nous le voyons avec la description du couple Lucile/Xavier Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre (« Lucile et moi avions oublié le désir. », p. 123) ou bien encore dans la bouche des personnages du roman Trainspotting (1993) d’Irwin Welsh : « On est hétéros par défaut. » « Nous allons plutôt bien ensemble. S’aimer… c’est autre chose. […] Parfois, nous restons tout simplement assis, comme ça, sans rien nous dire. » (Franz, le héros homosexuel parlant de son ancienne relation avec Ana, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) Quand ils sont en couple, ils passent leur temps à s’engueuler, se tromper, et à former un mariage catastrophique : cf. le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer (Lena est battue et menacée par son mari Ralph – homosexuel refoulé -, le père de Johnny est un gros beauf à femmes, Roméo le héros gay joue à l’hétéro avec une fille qu’il n’aime pas), le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron (Mr Carter et sa copine Lucilla), la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz (le père de Chris, le héros homo, s’est fait larguer par sa femme et a une copine, Sultana, qui a la moitié de son âge), etc. « Mes parents ne font pas l’amour. Ils font juste des enfants. » (Jean-Henri dont les parents se disputent et cassent des assiettes, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis)

 

Le couple hétéro est l’androgyne. « Je suis Sultana, la moitié de votre père. » (Sultana, la copine du père de Chris, le héros homosexuel, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Mes dieux chéris adorés, faites que jamais nous ne nous séparions, lui de moi et moi de lui. » (la naïade abusive fusionnant avec Hermaphrodite, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Bal du Comte d’Orgel (1924) de Raymond Radiguet, le Comte Anne d’Orgel et sa femme Mahaut forment un couple androgynique ( = deux moitiés d’homme) au sein duquel il y a une inversion des sexes : on nous dit qu’Anne a « une voix efféminée » et que la voix de Mahaut au contraire « apparaît rauque et masculine aux naïfs ». (p. 25) Dans le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, la vision du couple femme/homme est androgynique (il est question de « moitiés »), donc hétérosexuelle. Dans le film « Une Femme sans tête » (20) de Lucrecia Martel, Marcos et Véro figurent le couple hétéro coupé en deux au mariage par un trait blanc.

 

Dans le couple hétérosexuel, la rupture précède ou succède de/à la fusion : « Quand on est mariés, on est collés, comme avec de la glue. » (Mundu dans le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta) ; « Ils étaient incapables de se toucher sans penser que l’un voulait faire de mal à l’autre. » (Carmen en parlant de ses parents – le père au bistrot et la mère tricotant sur son fauteuil devant la télé, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay) ; « Quand j’étais petit, mes parents faisaient l’amour devant moi. J’ai même dormi nu sur ma mère. Alors avec ça, dans la vie, t’es mal barré. Je devais être prédisposé. Je regardais même mon père se déshabiller. » (Jacques Nolot, le héros homo du film « La Chatte à deux têtes », 2002) ; « Vous étiez vraiment les deux pôles opposés d’un aimant. » (Jasmine s’adressant à sa mère en parlant de ses parents, dans la pièce Frères du Bled (2010) de Christophe Botti) ; « Ils [les parents de Stephen] étaient indivisibles, ne formaient qu’une chair, qu’un esprit, malgré tout ce qui avait pu se glisser entre eux pour essayer de rompre cette unité : c’était pourquoi leur enfant devait se lever et les aider si elle le pouvait, car n’était-elle pas le fruit de leur unité ? » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 114) ; « Stephen vit un homme et une femme qui se tenaient enlacés comme si aucun d’eux ne pouvaient se résoudre à s’arracher des bras de l’autre et, comme ils étreignaient et s’embrassaient, ils vacillèrent, ivres d’amour. Alors, comme il arrive parfois dans les moments de grande angoisse, Stephen ne put se rappeler que le côté grotesque. Elle ne put que se rappeler une servante aux seins replets dans les bras d’un valet de pied grossièrement amoureux, et elle se mit à rire, à rire comme une démente… » (idem, p. 257) ; « Je les regarde, les parents. Tous deux sont assis mollement, leur tête penchée, chacune de son côté, comme juste pendant d’une affliction bicéphale, corps tristes résignés dans une posture de compromis foireux entre bonne conscience bêtasse et assoupie culpabilité. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, pp. 86-87) ; « Les deux êtres se laissent aller à un dernier long, langoureux et savoureux baiser. Ils profitent de chaque instant passé l’un contre l’autre. Ils savent qu’il faudra attendre longtemps avant de revivre un tel moment. L’ombre des amoureux enlacés vacille sur le mur. Les bougies n’éclairent que très peu l’atelier en cette douce nuit d’été. » (cf. la description de la fille du potier Ditubades et du guerrier, immortalisés au moment de leur adieu par une sculpture, dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, p. 274) Par exemple, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Sandrine est malheureuse en couple avec Rodolphe, son petit copain qui veut coucher trop tôt avec elle. Dans la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks, le couple hétéro Freddie et Elisabeth joue au yoyo (avec une chanson intitulée « Stop on touche »), en étant tout à la fois trop distant et trop fusionnel entre eux. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, Adèle en vient à l’homosexualité parce que la pression sociale et amicale la pousse dans les bras (et le lit) des garçons beaucoup trop tyranniquement et fusionnellement, à un âge où elle n’est pas prête pour vivre la fusion des corps.

 

Le couple hétéro est par essence fusionnel et incestuel : « Écoutez, Rodrigo, habituez-vous à marcher tout seul ! J’en ai assez de vous avoir accroché à mes jupons ! » (la Reine parlant à son mari Rodrigo le Jésuite dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Il était arrivé déjà le même doute pour les corps de son père, il est possible que les deux cadavres qui cohabitent dans cette tombe minuscule ne se soient jamais rencontrés de leur vie. » (le narrateur homosexuel, concernant les parents de Pietro son amant, morts calcinés, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 14) ; « Tu es comme ma mère. » (l’homme s’adressant à sa femme dans la pièce Couple ouvert à deux battants (2010) de Dario Fo et Franca Rame) ; « Mes dieux chéris adorés, faites que jamais nous ne nous séparions, lui de moi et moi de lui ! » (la naïade violeuse fusionnant avec le bel Hermaphrodite, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; etc.

 

Eau de toilette de Thierry Mugler

Eau de toilette de Thierry Mugler


 

Chronique d’une mort conjugale annoncée par Proust… : « Les deux sexes mourront chacun de son côté. » (Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, 1921) Par exemple, dans le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron, les parents de Paulo se lavant dans la salle de bain se disent des horreurs tout en se regardant chacun droit dans la glace, dans un immobilisme qui laisserait presque croire à la banalité d’un quotidien amoureux éternel. Dans le film « Maurice » (1987) de James Ivory, le couple hétérosexuel est représenté par deux personnages vivant en concubinage côte à côte, mais ne se parlant pas. Le couple hétéro est formé de deux individualités séparées dans un même lit de chambre à coucher, à l’image des parents de Julien dans le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron. Dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso, le « théâtre hétéro » est présenté comme minable et rasoir par rapport au théâtre homo. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Russell, l’un des héros homosexuels, est filmé en train d’écouter des discussions barbantes de mecs hétéros beaufs écœurantes et misogynes. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Rita et Massimo, les parents de Davide le héros homo, sont l’archétype du couple hétéro qui ne communiquent pas à table. Dans la pièce Veuve la mariée ! (2011) de David Sauvage, Roger a divorcé 5 fois et se met « à regretter d’être hétéro ». Dans la pièce The Importance Of Being Earnest (L’Importance d’être Constant, 1895) d’Oscar Wilde, Cecily explique à Algernon (qui se fait passer pour Constant, le frère de Jack) les relations qu’elle a construites de toutes pièces avec un Constant imaginaire. Elle s’envoyait des lettres, s’offrait des cadeaux de sa part, se fiance avec lui, rompt ses fiançailles, puis se fiance de nouveau… Bref, l’amour qu’elle s’est imaginée vivre avec Constant est tout sauf réel ! Au tout début du roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Jane, l’héroïne lesbienne, observe dans la rue un couple hétérosexuel, en décrivant un homme censé effectuer « sa corvée d’amour » (p. 13) auprès de sa compagne.

 

Film "Tick Tock Lullaby" de Lisa Gornick

Film « Tick Tock Lullaby » de Lisa Gornick


 

« Les femmes d’un côté. Les hommes de l’autre. On dirait que la mixité dans les écoles depuis la maternelle a entraîné non pas le rapprochement des sexes, mais au contraire une certaine ségrégation. Normal ! Le petit garçon ou la fille d’au-delà de la clôture attise plus la curiosité et la convoitise que le petit garçon et la petite fille réunis en liberté dans le même enclos. » (Françoise Dorin, Les Julottes (2001), p. 46) ; « Esti et Dovid sont ensemble sans l’être vraiment, ils regardent devant eux, plus qu’ils ne se regardent, comme s’ils craignaient de s’apercevoir à tout moment qu’ils sont étrangers l’un à l’autre, et de partir chacun de son côté. Mais non. Ils sont ensemble et quand Esti s’avance, Dovid la suit. En les observant, Ronit pense aux gens qui restent mariés même si l’un des partenaires change de sexe, ou perd l’une ou l’autre partie essentielle de son corps, ou l’esprit. C’est un peu condescendant, elle le sait, mais cette idée lui trotte dans la tête » (Ronit, l’héroïne lesbienne, parlant de son amante cachée Esti, une femme mariée à Dovid et vivant la vie terne d’une hétérosexuelle de base, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 298) ; « Tu te plains tout le temps qu’on s’ennuie. » (Bernd s’adressant à sa femme Marie, lesbienne, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; « Les couples hétéros n’ont pas le monopole de la longévité. » (Antoine, le héros homosexuel infidèle à son copain Adar avec qui il continue pourtant de vivre et avec qui il achète une maison, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin) ; « J’espère finir comme les parents, avec quarante ans d’amour malheureux. » (idem) ; etc.

 

CIRE 4 noir et blanc

 

Pour beaucoup de héros homosexuels, l’union de l’homme et de la femme est mercantile, hygiénique, violente et égoïste : « Après ils jetteront le papier toilettes souillé de leur sperme dans la cuvette, ils tireront la chasse et ils iront s’allonger tranquillement à côté de leur femme pour dormir et péter dans les draps. Bande de cons. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 43) ; « Si j’étais comme les gens avec qui j’ai grandi, je regarderais le catch en buvant des bières en canette. J’amènerais ma copine sur un parking pour lui tripoter les seins. J’aime être différent. Parce que je vaux mieux. » (Paul, l’un des héros homosexuels du film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « J’imagine que tu dois souvent avoir envie de tuer Tielo. » (Jane l’héroïne lesbienne s’adressant à Ute, la femme mariée à Tielo son mari, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 33) ; etc. Par exemple, dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand a vu le film « Amour » de Michael Haneke racontant l’histoire d’un papy qui tue sa femme, âgée, « par amour ». Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon désigne « Brenda et Brandon » comme l’archétype du couple de colons nord-américains esclavagistes hétérosexuels. Dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, Cindy, la « fille à pédé » dont Tom, le héros homo, se sert comme couverture hétérosexuelle, est qualifiée par la mamie de ce dernier de « traînée qui pose dans les magazines avec mon petit-fils », de « Miss Camping ». Leur couple postiche ne fait pas longtemps illusion car son artifice est de notoriété publique : « Que dites-vous aux journalistes qui disent que votre couple c’est bidon ? » (Graziella, la présentatrice de l’émission Star chez eux s’adressant à Tom et Cindy). Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, Kena tombe dans l’homosexualité car elle est témoin des ruptures et des consommations entre hommes et femmes dans son entourage (ses parents sont divorcés, son pote Blacksta couche sans amour avec Nduta, son père volage qui a un enfant avec une autre femme, etc.), commises en toute impunité dans la société kényane.

 

L’image du mariage femme-homme dans les créations homosexuelles est souvent désastreuse : cf. le film « La Confusion des genres » (2000) d’Ilan Duran Cohen, le film « In And Out » (2001) de Franz Oz, le film « Loin du paradis » (2002) de Todd Haynes, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « 5 X 2 » (2004) de François Ozon, le film « Boat Trip » (2003) de Mort Nathan, le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot, le film « L’Arbre et la forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (d’ailleurs, plus l’homosexualité refoulée des personnages s’expriment au sein de leur union, plus le couple s’hétérosexualise et devient infidèle), etc. Dans beaucoup de cas, le mariage (ou simplement l’union entre l’homme et la femme) est clairement associé au viol et à l’ennui : « Bon, d’accord, ton mari t’a violée. » (Zulma à sa fille Alba qui se découvrira lesbienne, dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « Il la violera tous les soirs pendant 7 ans dans sa cave. » (Rodolphe Sand décrivant la Rosetta des frères Dardenne qui rencontre l’homme de sa vie, dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; etc.

 

Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, dresse un tableau catastrophique de la famille de sa sœur Lili : celle-ci est hystérique, son mari est un beauf alcoolique, leur fils est trisomique et leur fille est une graine de prostituée. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent, le héros homosexuel, compte se marier avec une femme, Sophie à qui il cache son passé homosexuel. Le mariage est vraiment montré comme le refuge du mensonge. D’ailleurs, Vincent engueule Sophie, la bat de temps en temps. Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Rosa la prostituée et son client Jules, avant de passer au lit dans une scène SM, simule le joli petit couple à table qui va manger du canard à l’orange. Plus tard, Rosa rejette l’amour sincère que lui propose son bel amant Julien : « J’ai pas mérité ton mépris, Rosa. »

 

Les couples en conflit, formés de la femme-objet et de l’homme-objet, sont légion, surtout dans l’univers musical homo-érotique des années 1980-90 : cf. le vidéo-clip de la chanson « Je t’aime Mélancolie » de Mylène Farmer (avec le combat de boxe), le vidéo-clip de la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer (avec la scène de tauromachie), le vidéo-clip de la chanson « The Power Of Goodbye » de Madonna (avec le combat d’échecs), la chanson « America » du film « West-Side Story » (1961) de Robert Wise (avec la joute chorégraphique et vocale entre hommes et femmes), la chanson « Embrasse-moi idiot » de Bill Baxter, la chanson « Boys And Girls » du groupe Charlie Makes The Cook, la chanson « À cause des garçons » du groupe À cause des garçons, les chansons « Fallait pas commencer » et « Les Brunes comptent pas pour des prunes » de Lio, le « Medley Match » du concert des Enfoirés 2008, etc. Par exemple, dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca, homosexuel, imite les mannequins des défilés femmes puis des défilés hommes.

 

Vidéo-clip de la chanson "Adélaïde" d'Arnold Turboust

Vidéo-clip de la chanson « Adélaïde » d’Arnold Turboust


 

On nous montre en général toujours la même scène kitsch de répudiation du Don Juan opérée par la femme hautaine se refusant à lui ; une sorte d’amour courtois médiéval inversé : cf. la chanson « Adelaïde » d’Arnold Turboust (avec l’odieuse Mademoiselle Adelaïde rejetant son mendiant d’amour), la chanson « C’est trop tard » d’Alizée, la chanson « Je te dis non » d’Élodie Frégé, la chanson « Ego Trip » de Stella Spotlight et Zéro Janvier dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec la demande en mariage ratée), la chanson « Le Jour J » de Zazie et Philippe Paradis, le film « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman (avec la pièce de théâtre entre Mino et sa sœur Karin), la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès (dans laquelle Leslie – jouant la princesse condescendante – repousse Anna – le chevalier servant – d’un « non » catégorique), le vidéo-clip (réalisé par Pierre et Gilles en 1990) de la chanson « A Lover Spurned » de Marc Almond (avec la femme acariâtre refusant le pardon imploré par l’amant à genoux), la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz (avec la princesse insaisissable, qui se dérobe à son amoureux éconduit), le film « Loulou » (1928) de Georg Wilhem Pabst, la pièce La Reina Del Silencio (1911) de Ramón Gy de Silva, le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb (avec Texor, rejeté dans sa jeunesse par la seule femme qu’il a aimée), etc.

 

 

Par exemple, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, parce que lors d’une représentation Sibylle a déçu Dorian, ce dernier considère l’actrice Sybil Vayne avec qui il sort comme une traîtresse, et il finit par la jeter : « Tu as tué mon amour. Tu me laisses indifférent. Tu as tout gâché. Tu es vaine et stupide. » Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Chloé n’est pas venue au rendez-vous amoureux qu’elle avait donné à Martin. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Séverine fout un vent à Yassine qui croyait à leur flirt. Dans le one-woman-show Chatons violents (2015) d’Océane Rose-Marie, Jérôme, le pote hétéro d’Océane, se prend trois râteaux en boîte en accostant des femmes, dont une Samantha, Marseille hyper vache avec lui. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse, l’héroïne lesbienne, envoie ballader son amant Richard ; et sa compagne Carol fait de même, de son côté, avec son mari Harge.

 

« Je t’aime… mais c’est trop tard. » (Léa s’adressant à Chéri dans le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears) ; « J’ai pris des airs de comtesse qui se moque. » (cf. la chanson « La Pudeur » d’Oshen) ; « Elles ne font rien d’autre que les femmes ordinaires : exploiter le désir des hommes. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 219) ; « Un baiser s’il vous plaît un seul et le dernier ! Ô belle Tristana je vous en prie, cédez-moi un peu de vos lèvres ! Savez-vous donc que je vous aime ?’ Voilà enfin que Tristana le comprenait. Aussi s’approcha-t-elle de l’infortuné Nippon, berça contre son ventre son visage dans ses mains, et tout en consolant ses pleurs elle chantonna des comptines, afin d’apaiser ses yeux clos boursouflés de rougeurs. Puis, émue par le chagrin du gentil samouraï, elle murmura à l’oreille ces mots que sa gorge étranglée chuchotait avec peine. ‘Laissez-moi mon enfant vous offrir ce baiser… Pour qu’encore et toujours vous ayez foi en vos chimères…’ Mais le Nippon ne bougeait plus. Il semblait déjà mort. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami romancier homosexuel en 2003, p. 40) ; « Cette femme était de celles qui aiment à dire non. » (Roger dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 46) ; « Je ne suis pas de celles qu’on prend avant de passer par l’autel. Il m’a séduite, mais jamais il ne posera ses lèvres sur les miennes. » (Madeleine en parlant d’Heinrich, l’homme avec qui elle a couché, dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 65) ; « Scott, je ne pensais pas t’appeler, seulement…’ J’ai fait une pause, histoire de ménager un effet dramatique. Je suis comme ça. Je l’admets. J’ai fait une pause, pour le laisser imaginer que j’allais lui dire ‘Je t’aime’ ou ‘Reviens’. Et qu’il se sente complètement nul, mesquin et pitoyable. Puis j’ai enchaîné : ‘Je viens d’apprendre la mort de mon père.» (Ronit, l’héroïne bisexuelle à Scott, son amant de passage, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 46) ; « Are you strong enough to be my man ? » (cf. la chanson « Strong Enough » de Sheryl Crow) ; etc.

 

Dans le film « Farinelli » (1994) de Gérard Corbiau, le castrat Farinelli essuie un refus de Marie-France Pisier quand il la demande en mariage. Il rompt son verre en disant : « J’ai eu l’audace de croire que je pouvais être un homme… » Dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, le protagoniste Garnet Montrose « se fait jeter » par la veuve Nance à qui il envoie en vain pléthore de lettres. Dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, le Jésuite implore la Reine de revenir à lui : « Tout peut recommencer comme au temps où nous étions heureux ! Je t’en supplie, Pépita ! » ; mais celle-ci lui répond avec agacement : « Non, non et non ! » Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi, Mechita refuse de donner sa main au vieux Largui qui lui déclame pourtant de jolis mots d’amour (« Doña Mechita, maintenant que nous sommes seuls, il faut que je vous dise la vérité : je vous aime !) ; il se fait renvoyer sur les roses par elle (« Taisez-vous, Largui, et continuez à ramasser les champignons ! Et n’allez pas me prendre les vénéneux ! »). Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, c’est quand le Don Juan Álvaro déclare sa flamme à Yolanda que celle-ci le jette comme un malpropre (« C’est trop tard ! ») et lui dit qu’elle est incapable d’aimer un seul homme : elle révèlera plus tard sa bisexualité.

 
 

c) Le couple homosexuel est une union-objet, et un pastiche de l’union réifiante hétérosexuelle :

CIRE 11 fer à repasser

 

Pas un pour rattraper l’autre… : le couple homosexuel, tout comme le couple hétérosexuel, manque de désir, ne s’aime pas vraiment, se révèle aussi fragile et normatif. « Tu vois, ce sont des couples. Des couples normaux. » (le docteur Bosmans présentant ironiquement un lieu de baise, de fornication et de prostitution bisexuels à Henri, le héros homo du film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « Tu es là, je suis là, et nous sommes deux étrangers. » (cf. la chanson « Ne s’aimer que la nuit » d’Emmanuel Moire) ; etc.

 

Les personnages homosexuels et hétérosexuels sont des jumeaux de désir (réifiant)… ou plutôt d’absence de désir ! Pensons aux figurines de gâteau de mariés (représentant d’abord les hétérosexuels, puis remplacées par les homosexuels) dans le générique de début du film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick. Par exemple, dans le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe, le duo d’amis (très hétéros) de la série nord-américaine Deux flics à Miami est transposé en couple gay sur le duo de flics chargé de suivre discrètement Arthur et Émilie : « C’est fini, les couvertures ringardes : vous êtes un couple gay à Miami. » leur dit leur chef. Dans le film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer, les couples hétéro Lena/Révérend Ralph (homosexuel refoulé et homophobe) et le couple homo Johnny/Roméo sont mis sur le même plan. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, le couple homo Franz/Léopold est formé de deux hétéros : Franz a une copine Ana et Léopold est resté 7 ans avec Véra. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Frédérique la lesbienne et Romuald le gay font l’amour ensemble alors qu’ils sont chacun respectivement en couple homo. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, le couple homo William/Georges et le couple hétéro impossible Adèle/Pierre sont à l’image l’un l’autre. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, à la fin du film, on nous fait croire que Peter et Howard se préparent à leur propre mariage à l’église avant qu’on nous montre le mariage de la mère d’Howard avec son nouveau mari. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, les groupes de garçons et de filles hétéros se travestissent en soirées, et inversent (ponctuellement ?) leur sexuation. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, le couple lesbien Rachel/Luce et le couple hétéro Tessa/Ned (les parents de Rachel) s’embrassent simultanément au milieu de l’embouteillage. Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, c’est la dictature sociale et la sommation d’être en couple qui poussent le jeune protagoniste Sieger à s’homosexualiser en réaction. Le grand frère de Sieger, Eddy, lui met la pression : « Tu vas te maquer ? » Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, le duo Thérèse-Carol finit en petit couple bourgeois cheminée-salon-piano à Noël, comme dans les cartes postales de couple hétéro installé.

 

B.D. de la P'tite Blan

B.D. de la P’tite Blan


 

Dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie, le couple homo se comporte « comme dans un vrai couple hétérosexuel ». Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dit qu’avec son compagnon Claudio, ils veulent un enfant de manière hétéro. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Vivi (diminutif de Victor) et Norbert vivent une vie rangée très hétéro. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homosexuel, reproche à Jean de former avec son compagnon Juan un couple aussi conformiste qu’un couple hétéro. Dans la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy, le couple hétéro Pascal/Stéphanie et le couple homo Sébastien le gay/Dadou la lesbienne sont mis en parallèle. Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Stéphane l’homosexuel et Florence la lesbienne pensent faire un enfant ensemble : le couple hétérosexuel est remplacé par son fac-similé homosexuel. Dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, le couple homosexuel est décrit comme un couple-objet, au même titre que le couple hétérosexuel : « Patreese s’est mis à genoux, a plaqué le nez contre le renflement du caleçon de Ben et m’a attrapé par l’entrejambe de mon pantalon pour m’attirer à lui. En l’espace de quelques secondes, il nous avait tous les deux en main et pressait nos queues l’une contre l’autre tel un enfant content que ses deux poupées Barbie fassent plus amples connaissance. » (p. 149) Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dit qu’avec son compagnon Claudio, ils veulent un enfant « de manière hétéro ». Ils collaborent pour cette raison avec un couple super beauf et gay friendly, Serge et Nadia (la mère-porteuse) : « Un enfant, qu’il soit élevé par deux pédés du cul ou par un père et une mère, l’important c’est qu’il ait de l’amour. » Les deux couples, hétéros comme gays, considèrent l’enfant comme un objet. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Annella, la mère de Elio, lit à son fils de 17 ans le conte du XVIe siècle d’un prince qui avoue son amour interdit à une princesse… ce qui poussera Elio à oser déclarer sa flamme à Oliver tout de suite après.

 

Dans la bien-nommée pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les deux « pères » de Gatal, en couple homo, tiennent un discours nataliste, familialiste, pro-vie, productiviste, déshumanisé, matérialiste, étiqueté « hétéro », focalisé sur la réussite sociale, la descendance biologique et le paraître. Ils se comportent en véritables despotes avec leur fils unique : ils téléguident sa vie à sa place pour qu’il ne soit plus célibataire et qu’il procrée avec un homme : « Ça ne peut plus durer. Ça rime à quoi ?? » Ils sont la caricature de l’obsession sociale pour le couple (sans amour) et pour l’enfant (sans amour) : « Ta semence est épaisse et riche. » (le père 2 s’adressant à Gatal) D’ailleurs, le seul couple d’« amour » qui va se former dans la pièce va être rendu impossible, d’abord à cause des pressions alentours, mais aussi parce que ceux-là même qui essaieront de le former sont anti-couples : Gatal et son fiancé voulaient rester célibataires toute leur vie, et dénoncent le fait que leur société « considère le couple comme une unité indivisible » ; ils finissent par composer un couple très proche du cliché du couple femme-homme hétéro musulman (à un moment, l’un d’eux porte un costard, et son « fiancé » une burka féminine sur le visage).
 

Je vous renvoie au film « Je Tu Il Elle » (1974) de Chantal Akerman, au film « Pon Un Hombre En Tu Vida » (1999) d’Eva Lesmes, l’autoportrait Les Mariés (1992) de Pierre et Gilles, la photo déchirée du couple homo dans le film « A Family Affair » (2003) d’Helen Lesnick, les figurines des mariées lesbiennes sur le gâteau de mariage dans le film « Ma mère préfère les femmes » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman, la photo coupée en deux du couple Wendy et Mia – homme transsexuel M to F – dans la série Hit & Miss (2012) d’Hettie McDonald, la photo de mariage de Mariela et Miguel – le mari homo – exposée dans le salon le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec le parallélisme voulu entre le couple hétéro de vieux retraités Junn/Alan découvrant l’amour sur le tard, et le couple Kai/Richard vivant un amour secret), etc.

 

 

Le couple hétérosexuel est en réalité bisexuel. « Mais à chaque fois j’arrivais à brouiller les pistes, en sortant avec une fille. Avec une copine, on a le droit d’avoir un copain. Sans copine, on est pédé. » (Bryan, l’un des héros homosexuels du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 160) ; « Pierre Palmade ? Hétéro ! Il s’est marié avec Véronique Sanson. » (Rodolphe Sand montrant la photo du comédien Pierre Palmade pour son jeu « Gay ou pas gay ? », dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; etc. Par exemple, dans le film « Bye Bye Blondie » (2011) de Virginie Despentes, Frances est mariée à Claude Muir, un romancier, mais cela ne l’empêche pas d’aimer les filles, et son mari les garçons (puisqu’il est homo !) : en public, ils s’affichent comme un couple hétéro parfait et uni, alors que dans le privé, chacun vit son homosexualité. Dans le film « The Artist » (2011) de Michel Hazanavicius, pendant la scène de dancing incluse dans le tournage du film « A German Affair », le héros George Peppy (Jean Dujardin) passe, accidentellement et par effet comique, de la danse en couple femme-homme à la danse en couple homme-homme. Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, le célèbre romancier homosexuel Philippe de Monceys joue, devant la press people, à être en couple avec l’actrice Sophie Marceau, pour sauver les apparences. Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, on observe que, dans les binômes de danseurs en couple femme-homme, les hommes sont très efféminés. Dans le film « The Morning After » (2011) de Bruno Collins, pendant que Harry, le héros, embrasse sa copine, il se voit embrasser Thom. Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, Laurent et sa femme Vanessa se sont rencontrés dans un bar gay. Dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, le couple Catherine/Jean-Paul est toujours en conflit… et Jean-Paul se révèle homosexuel pratiquant. Cette union est particulièrement hétérosexuelle puisqu’elle choisit comme modèle relationnel le schéma dominant/dominé (Jean-Paul considère Catherine comme une chienne qu’il commande comme un maître), elle s’appuie sur la fusion (les deux amants reçoivent en cadeau de mariage plusieurs pyjamas où on rentre à deux dedans), elle copie les grands couples mythiques (César/Cléopâtre, Bonnie & Clyde, Rose et Jack dans « Titanic », Mulder et Scully dans X-Files, Jane et Tarzan, Adam et Ève…). Dans le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier, le faux couple composé de Kim la lesbienne et de César l’hétéro, photographiés de tous côtés comme des criminels à l’aéroport thaïlandais (à l’écran, on a tous les profils et visages de face), est venu acheter une petite fille pour que celle-ci soit donnée au couple lesbien de Kim. Ils ont tout du couple homo-hétéro qui sacralise tellement l’altérité qu’il en devient froid et hétérosexuel (César appelle même sa pseudo femme « l’Autre »). Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, le couple hétéro est en réalité un couple artificiel constitué de deux homos : Ralph (gay et présenté comme un « homme faible » : « C’est comme si Ralph essayait de compenser par l’esprit de vengeance ce qui lui manque en virilité. », p. 238) et Angela (lesbienne).

 

Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, les hétéros et les homos se donnent la main pour défendre les droits LGBT et collaborent ensemble (« On écrit l’Histoire. Gays et hétéros ensemble ! » déclare Dai, le père de famille hétéro)… et à la fin, on comprend pourquoi : pendant une scène de la vie quotidienne où le couple hétéro Cliff/Hevina tartine des sandwichs, ils se font un coming out croisé (Cliff se sent gay « depuis que les gays sont arrivés » dans leur village gallois ; et Hevina dit qu’elle est lesbienne « depuis 1968 ») ; la femme d’Allan, sous l’effet de l’alcool, devient lesbienne et embrasse Stephany, la lesbienne déclarée, sur la bouche ; le couple hétéro Sian/Martin, si gay friendly, défile à la Gay Pride.

 

Le point commun entre les couples hétéros et homos semble être l’obsession pour le plaisir génital sentimentalisé : « Cela va peut-être te surprendre, mais je partage l’avis de ta mère qui dit que pour beaucoup de gays la vie se résume à la recherche du sexe. Cependant, je ne crois pas que la vie d’un jeune hétérosexuel se résume à autre chose… Au Canada, comme ici en Floride, tous les garçons de ma classe ne pensent qu’à coucher. Et l’explosion du nombre de divorces montre que les hétérosexuels ont (aussi) un problème avec la notion d’engagement… » (Chris s’adressant à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 119) ; « Mourad [l’un des héros homosexuels], seul dans sa chambre côté rue, était affolé à l’idée que Ludivine et Hugues n’étaient plus là pour faire tampon entre lui et Jason [l’amant de Mourad]. Il allait devenir de plus en plus difficile de se contenir. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 244) ; etc.

 

Dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, la ville de Stepford a pour particularité d’afficher une perfection d’apparat de la différence des sexes (puis de l’homosexualité), masquant un lourd secret machiste et homophobe : les femmes sont toutes des poupées gonflables très sages, impeccablement pomponnées et bonnes ménagères, qui ont été transformées en épouses soumises à leur mari à cause d’implants chirurgicaux qu’on leur a mis dans la tête à travers un programme mené par le maire de la ville. Cette manigance réifiante marche aussi bien chez les couples hétéros du film que chez les couples homos : en effet, Roger, le héros gay (grand ami des deux héroïnes, Joanna et Debbie), disparaît mystérieusement, puis quelques jours après, réapparaît sur l’estrade d’une tribune politique de la ville, guindé : il présente son compagnon comme « son partenaire dans la vie et en Dieu », et entame un couplet patriotique glacial. Les deux femmes qui assistent à la scène, se rendent compte qu’il n’a plus rien à voir avec le gars amusant et frivole qu’elles connaissaient. Dans ce film, les hommes et les femmes se détestent ; maris et épouses sont en guerre pour le pouvoir au sein du couple ; les couples homos les imitent également (le couple Roger-Jerry est en instance et consulte un sexologue). Avant comme après l’opération chirurgicale robotisante, l’hétérosexualité tout comme l’homosexualité sont des couples-objet masquant les apparences et occultant/créant leurs conflits. Et pourtant, ce film se veut pro-gay et donnant une image positive des couples homos !

 

Finalement, le couple homo et le couple hétéro se rejoignent dans la médiocrité, l’uniformité, et la brutalité (des pulsions). « Le couple chez les homos, ça se passe exactement pareil. » (une réplique du film « Une petite zone de turbulence » (2009) d’Alfred Lot) ; « Vous et elle avez décidé de faire un ménage… Autant que j’en puisse juger, c’est aussi mauvais que le mariage ! » (Brockett à propos du couple lesbien Stephen/Mary, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 451). Par exemple, dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, il est question, dans la communauté homosexuelle, des « pacsés hétéros similaires ».

 

Dans tous les couples hétérosexuels ou homosexuels, il s’agit de vivre avant tout un « célibat à deux » (cf. une expression tirée du film « Ce soir, je dors chez toi » (2007) d’Olivier Baroux). Les deux partenaires du couple vont butiner chacun dans leur coin. Dans la pièce Les Deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, Damien (assis sur le canapé, lisant Têtu) et Charlotte (plongée de son côté dans sa revue Modes et Travaux) composent un bon exemple du couple hétérosexuel, voire bisexuel : la communication est impossible entre eux. La pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch s’ouvre sur une scène très hétérosexuelle : un mari et sa femme lisent chacun leur revue sur le sofa (Jean-Luc son journal ; Hélène son Femme actuelle)… et comme par hasard, l’homme-objet marié s’apprête à faire son coming out ! Dans le film « Einaym Pkuhot » (« Tu n’aimeras point », 2009) d’Haim Tabakman, le couple homosexuel est montré à l’image d’un mariage hétérosexuel forcé. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, le couple homosexuel est une parodie de couple hétéro : Sven est bourru, alcoolique et amateur de pizzas, Göran est plus féminin et fleur bleue. Dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, la dispute du couple hétéro Harper/Joe répond simultanément à celle du couple homo Louis/Prior. Le duo de flics du film « Partners » (1982) de James Burrows est composé d’un macho homophobe et d’un sissy refoulé. Dans le film « Dimanche matin » (2001) de Robert Farrar, le couple homo est une parodie du couple hétérosexuel poussée à l’extrême : l’un est le « mari » macho, l’autre joue la « femme » soumise. Dans la comédie musicale Dr Frankenstein Junior (1974) de Mel Brooks, le Dr Frankenstein Junior et Frankenstein joue au couple hétéro. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo reproche à Jean d’être dans son couple avec Juan aussi conformiste qu’un couple hétéro. Dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, Raulito la passive et Cachafaz qui veut jouer le « mâle », est une caricature du couple hétéro.

 

« Polly ferait mieux de devenir hétéro et coucher avec un boxeur italien qui la mettrait sur le trottoir et la tabasserait de temps en temps, chuis sûr que là, et là seulement, elle prendrait son pied ! » (Simon, l’un des héros homos, faisant un bilan négatif de la vie de couple lesbienne de sa meilleure amie Polly, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 46) ; « Pierre qui fait les courses, me gâte : je suis devenu extrêmement capricieux, je ne le laisse jamais sortir, il passe la journée à faire le ménage et à me faire la cuisine avec beaucoup de laurier. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 63) ; « Faire un enfant, ça fait plus hétéro avec l’actrice. » (Benjamin s’adressant cyniquement à son amant Pierre qui veut faire appel à une mère porteuse pour obtenir un enfant, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; etc.

 
 

Comme le montrent les propos de Molina dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, le personnage homosexuel a intériorisé la conception machiste et déséquilibrée du couple femme-homme télévisuel, qu’il transfèrera ensuite sur sa propre relation de couple homosexuel :

Valentín « Tu n’as pas à te… soumettre.

Molina – Mais si un homme… est un mari, c’est lui qui doit commander pour qu’il se sente bien. C’est naturel, c’est lui… l’homme de la maison.

Valentín – Non, l’homme et la femme de la maison doivent être à égalité. Sinon, c’est une exploitation.

Molina – Alors ça n’a pas de charme. Bon, ça c’est très intime, mais puisque tu veux savoir… Le charme c’est que, quand un homme t’embrasse… tu as un peu peur de lui.

Valentín – Non, ça, c’est très mal. Qui t’as mis cette idée en tête ? C’est très mal, ça.

Molina – Mais je le sens ainsi.

Valentín – Tu ne le sens pas ainsi, on t’a monté le bourrichon en te farcissant la tête avec ces stupidités. Pour être femme, il ne faut pas être… je ne sais pas, moi… martyre. »

(Manuel Puig, Le Baiser de la Femme-Araignée (1976), p. 230)

 
 

Avant d’être reporté forcément sur un couple, c’est d’abord à lui-même que le personnage homosexuel s’inflige sa vision désenchantée et brutale de l’amour femme-homme : « Et bien moi, depuis l’adolescence, c’est la guerre entre les deux. Dès que le mec en moi s’affirme, la femme prend le dessus et le mec n’ose plus s’exprimer. Au quotidien, c’est terrible. […] Je dois contrôler ma part masculine et féminine, empêcher la femme en moi d’opprimer l’homme. Peut-être que ça améliorera mes relations avec les femmes… […] Franchement, il est temps que le mec en moi, il triomphe. Ça doit être mon côté majorette qui résiste. » (Jarry dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Où sont les membres de l’autre sexe ? :

On constate que dans les sociétés où les sexes sont trop les uns sur les autres, ou bien à l’extrême inverse, dans lesquelles les membres de l’autre sexe sont en déficit, les relations homosexuelles se multiplient. Par exemple, ce fut le cas dans l’Argentine de la fin du XIXe siècle, pendant l’âge d’or du tango, quand, faute de femmes, les hommes dansaient et sortaient ensemble : Buenos Aires était démographiquement une ville d’immigration principalement masculine. Mais on pourrait parler plus largement de toutes les homosexualités de circonstance pendant les guerres, dans les tranchées, dans les « sociétés sans femmes » ou « sans hommes », dans les pensionnats, les navires, les casernes, les prisons (j’aborde plus longuement ce sujet dans le chapitre « Homosexualité de circonstance » du code « Entre-deux-guerres » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « La séparation des sexes dans les écoles peut fournir des encouragements aux relations homosexuelles. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48)

 

Même si la plainte sociale de la non-rencontre des sexes se fait de moins en moins entendre, elle ne cesse pas d’exister, et de s’exprimer sous forme d’estampes et de phrases spontanément prononcées par les innocents : « Elle est triste parce que les garçons sont partis. » (un enfant dans le film documentaire « La Domination masculine » (2009) de Patric Jean) ; « Les hommes sont frénétiques et les femmes sont tristes. » (Louise Bourgeois dans le film documentaire « Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse, la mandarine » (2009) de Marion Cajori et Amei Wallach) ; « On était devenus deux étrangers. » (James, amer par rapport à Veronica, sa compagne qui avait accepté de porter l’enfant d’un couple gay, dans le documentaire « Deux hommes et un couffin » de l’émission 13h15 le dimanche diffusé sur la chaîne France 2 le dimanche 26 juillet 2015) ; etc.
 

La plupart du temps malheureusement, l’appel au secours se fige en chanson disco seventies à la Patrick Juvet « Où sont les femmes ? » : « Où sont les femmes ? » (Pierre riant nerveusement en tombant sur cette chanson pour composer sa playlist de « mariage » avec Bertrand, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2)

 
 

b) Le couple hétérosexuel est une union-objet de deux individus de sexe différent, mais sans désir l’un pour l’autre, voire même en conflit :

Tout me porte à croire que les premiers couples hétéros soient arrivés avec l’amour courtois, à l’époque féodale qui a valorisé le mariage du libre consentement (consacré par la suite surtout à la Révolution française), autrement dit le mariage-contrat (et le divorce qui va avec) basé non plus sur l’engagement indissoluble mais sur les sentiments, l’amour fusionnel ET platonique du XVIIe siècle (exemples : Tristan et Iseult, Roméo et Juliette). « C’est pas parce que t’es dans le même lit que tu fais l’amour. » (Xavier, homosexuel, parlant de sa femme avec qui il ne fait plus l’amour, dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne)

 

L’hétérosexualité, avatar de l’amour romantique souffrant, est une conception à la fois idolâtre et irrespectueuse de la différence des sexes, car elle se choisit la désincarnation platonicienne et le choix individuel comme principaux critères d’expérience et de discernement de l’Amour, le Couple (éphémère) comme unique manière de vivre l’Amour. Comme le dit très justement Sébastien Carpentier lors de la conférence pour la sortie de son essai Délinquance juvénile et discrimination sexuelle en janvier 2012 au Centre LGBT de Paris, « ce n’est pas l’altérité [des sexes] en soi qui crée cette violence. C’est le fait de vouloir la sacraliser. »

 

Dans son essai Le Premier Sexe (2006), Éric Zemmour décrit très bien l’androgynie chez les couples hétéros (il y dénonce la « couplisation » (p. 101) de la société) : « Aujourd’hui, […] il n’y a plus d’individu, homme ou femme, il n’y a plus que des couples. » (p. 37) ; « On peut les voir, dans les rues de Paris et d’ailleurs, main dans la main, vêtus du même uniforme, pantalon large et informe, baskets, chemise ample et pull-over moulant, les cheveux mi-longs. Un même corps de garçonnet androgyne pour deux. Ils sont l’incarnation de la vieille métaphore de Platon sur le corps coupé en deux que l’amour ressouderait miraculeusement. Ils sont plus que frères et sœurs, ils sont jumeaux. Depuis le plus jeune âge, ils sont en couple. Ils ne conçoivent pas la vie, le désir, la rencontre, autrement que dans un cadre immédiatement installé. Parfois, les éléments du couple changent, mais c’est chaque fois une déchirure. Mais peu importe, ce ne sont pas les individus qui comptent, c’est le couple. » (p. 57) ; etc.

 

Par exemple, dans son documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011), Patricia Mortagne a épinglé sur pinces à linge les moitiés de visage de ses parents (père + mère biologiques), qui maintenant ne s’aiment plus d’amour puisque son père couche avec des hommes.

 

L’hétérosexualité est donc une vision païenne et déchristiannisée de l’Amour (même si elle peut apparaître, par certains côtés, très spirituelle et vaguement catholique, comme le pense à tort un Éric Zemmour, par exemple ; Saint Paul a bien montré que le couple femme-homme n’était pas l’unique horizon d’Amour vrai humain puisqu’il y a aussi les eunuques pour le Seigneur, le célibat consacré). Le « mariage d’amour (asexué) », ça a 130 ans. C’est tout récent.

 

Dans son essai L’Invention de la culture hétérosexuelle (2008), Louis-Georges Tin souligne à raison « l’absence de réflexion sur l’hétérosexualité » (p. 6), la naturalisation spiritualisée forcée du Couple… mais il fait l’erreur d’associer cette violation, cet artifice, à tous les couples femme-homme (« La pratique hétérosexuelle est universelle. », p. 9) et à la soi-disant « méchante Église catholique ». Il n’a pas compris que l’Église s’est elle-même opposée à l’hétérosexualité, dès le Moyen-Âge. Au départ, pourtant, il partait bien (« Les hommes d’Église réprouvaient non seulement l’adultère, inhérent à la logique courtoise, mais plus généralement cette promotion nouvelle de l’amour, de la femme et du couple. », p. 80), mais ensuite, il réduit les oppositions de Celle-ci à une peur de la sexualité (« Les hommes d’Église s’opposent à la culture hétérosexuelle surtout parce qu’elle est sexuelle. » p. 194) alors qu’à mon avis, elles sont motivées par des raisons plus nobles et positives : Elle s’oppose à la culture hétérosexuelle parce qu’elle est irréelle et peu aimante.

 

CIRE 13 musée statues

 

Par définition, le couple hétérosexuel est le couple de poupées Barbie sous cellophane, statufié par la médecine légale, la photographie, la peinture, le cinéma. « C’est le XIXe siècle bourgeois qui a voulu figer les choses pour enfermer les gens dans des petites cases. » (cf. des propos tenus lors de l’émission Les Enfants d’Abraham sur l’homoparentalité, spéciale « Adoption homosexuelle : Pour ou contre ? », le 1er décembre 2009, sur la chaîne Direct 8)

 

L’idéologie de l’hétérosexualité impose une conception binaire et clinique des relations femme/homme, les montrant implicitement sous la forme du rapport de forces contraires ou d’ombres chinoises, où l’un des deux est perdant et l’autre gagnant. « Soirée à la Comédie-Française. […] Je nous revois, ma mère, ma sœur et moi, penchés sur un des médaillons : il représente, en ombre chinoise, le profil de Charlotte. Nous relevons la tête. De l’autre côté de la table, mon père et Betty examinent la page d’un manuscrit. Ils relèvent la tête. Mon père et ma mère s’aperçoivent l’un l’autre, ils s’aperçoivent au même instant. J’aperçois mon père et Betty. Mon père m’aperçoit. Moins d’un mètre nous sépare. Il suffirait de contourner la table. La famille est là, réunie. Réunie ? Mon père détourne la tête et feint de ne nous avoir pas vus. Ma mère fait de même et nous entraîne dans la foule. » (Dominique Fernandez, Ramon (2008), p. 41) C’est cela, le manichéisme contemporain. « Aujourd’hui, l’un des caractères les plus évidents de la masculinité est l’hétérosexualité. […] L’identité masculine est associée au fait de posséder, prendre, pénétrer, dominer et s’affirmer, si nécessaire, par la force. L’identité féminine, au fait d’être possédée, docile, passive, soumise. ‘Normalité’ et identité sexuelles sont inscrites dans le contexte de la femme par l’homme. » (Élisabeth Badinter, X Y de l’identité masculine (1992), p. 149) ; « À l’intérieur de l’armoire, les vêtements tombaient l’un après l’autre des cintres. Au fond, accrochées ainsi que des marionnettes, deux poupées, de taille humaine, étaient enlacées comme pour danser le tango. Ernestito voulait désespérément comprendre à qui elles ressemblaient. L’homme tournait, la femme pivotait. Lui, il ressemblait au plus grand chanteur de tango. Elle, elle ressemblait aux plus grandes chanteuse de tango : Olinda, Tita, la Negra Bozan, Tania. Elles se succédaient : la lumière capricieuse donnait à chaque tour une nouvelle identité à la poupée femelle. En revanche, lui, il se définissait comme le seul, l’unique Carlitos Gardel, la voix du tango. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 263) ; « Être un homme ou une femme était avant tout un rang, une place dans la société, un rôle culturel, et non un être biologiquement opposé à l’autre. […] À la fin du XVIIIe siècle, des penseurs d’horizons différents insistent sur la distinction radicale entre les sexes, qu’ils fondent sur les nouvelles découvertes biologiques. De la différence de degré, on passe à la différence de nature. […] Non seulement les sexes sont différents, mais ils le sont dans chacun des aspects du corps et de l’âme, donc physiquement et moralement. C’est le triomphe du dimorphisme radical. À l’inverse du modèle précédent, c’est le corps maintenant qui apparaît comme le réel et ses significations comme des épiphénomènes. La biologie devient le fondement épistémologique des prescriptions sociales. L’utérus et les ovaires qui définissent la femme consacrent sa fonction maternelle et font d’elle une créature en tout point opposée à son compagnon. L’hétérogénéité des sexes commande des destins et des droits différents. Hommes et femmes évoluent dans deux mondes distincts et ne se rencontrent guère… sinon le temps de la reproduction. » (Élisabeth Badinter, X Y de l’identité masculine (1992), pp. 20-21)

 

L’hétérosexualisation des rapports amoureux est bien décrite par Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner dans l’essai Le Nouveau désordre amoureux (1977) : « On traite le corps masculin et le corps féminin en contraires irréductibles, et l’on trace entre eux […] les voies de la coexistence. On s’efforce, dans un mélange de libéralisme moral et de sexologie, de dialectiser l’opposition. » (p. 99)

 

CIRE 14 lit couple opposé

 

Les hétéros sont parfaitement bien définis par Marcel Proust. Ce dernier parle de « la métaphore des boîtes ou des vases clos » fonctionnant comme un système où « les deux sexes sont à la fois présents et séparés » dans le même individu ou au sein d’un couple, « contigus, mais cloisonnés et non communicants », exactement comme dans le règne végétal (Gilles Deleuze citant Marcel Proust dans son essai Proust et les signes (1964), dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 607).

 

« Pour nous, les enfants, il y avait entre nos parents comme une cloison étanche. Pour moi, de onze à quinze ans, il y eut deux mondes sans communication possible. Le monde de la mère et le monde du père. Incompatibilité renforcée par la division politique : le monde de la mère gaulliste et le monde du père collabo. Mais la division politique restait secondaire par rapport à la coupure morale décidée par notre mère, veto originel et d’autant plus fort, d’autant plus paralysant qu’il n’était pas exprimé. Affreuse oppression du non-dit. (Dominique Fernandez, Ramon (2008), p. 36)
 

Un des couples hétérosexuels les plus connus de la Planète est celui d’Eva Braun et Hitler, né d’un mariage de convenance fait à la va-vite, pour sauver les apparences. Il suit d’ailleurs une logique tout à fait androgynique, comme le montrent certains films : « Sans Eva, je ne suis qu’une moitié d’homme, une moitié de pomme. » (Hitler dans le film « Mon Führer : La vraie histoire d’Adolf Hitler » (2007) de Dani Levy)

 

Et le pire, c’est que beaucoup de personnes bisexuelles et homosexuelles ont cru que ces couples hétérosexuels étaient tous les couples femme-homme de la Terre ! « L’autre jour au Petit-Palais pour voir l’exposition de Sumer, d’Assur et de Babylone. Deux personnages inoubliables, statues peintes, homme et femme. Lui a la barbe et les cheveux annelés ; tous deux avec des yeux grands comme des assiettes à soupe et peints en bleu-gris. Que regardent-ils ? Un dieu ? » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp.23-24) Certaines appuient littéralement sur le bouton « pause » de leur télécommande pour se persuader que tous les couples femme-homme sont restés aussi figés (depuis la nuit des temps !) que le couple hétérosexuel : pensons au titre choisi par Hervé Caffin et Maria Ducceschi pour leur one-man-show Hétéropause (2007). Comme on peut le constater dans le documentaire « La Domination masculine » (2009) de Patric Jean, la population interlope confond le monde des couples homme-femme aimants et le monde de la poupée, puisque pour aborder les questions de l’identité sexuée, le reportage démarre précisément dans les rayons jouets d’un supermarché.

 

La confusion entre la famille médiatique et la famille réelle est souvent faite par les membres de la communauté homosexuelle : « Nous avons tous une définition de ce qu’est une famille traditionnelle, ces familles parfaites de sitcoms, un papa et une maman ensemble avec les enfants. » (Joseph Hagan dans la revue Têtu, juin 2002) D’où la remarque de Tristan Bernard par rapport aux couples femme-homme en général : « Ils croient qu’ils sont heureux parce qu’ils sont immobiles. » (Tristan Bernard cité dans le magazine Première, avril 2004) La famille réelle est alors transformée à tort en « mythe de la famille naturelle » (cf. l’article « France » de Pierre Albertini, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 186). Quand cette confusion est à juste titre remise en cause par des intellectuels et sociologues, certaines personnes homosexuelles jugent leur discours sur la famille réelle « trop idéaliste », en se valant de la comparaison par défaut avec leur « réel à elles », en général catastrophiste et misérabiliste : « Là, vous donnez une image très idéalisée du couple hétérosexuel ! Vous savez que beaucoup d’enfants dans les couples hétérosexuels ne sont pas des enfants de l’amour et n’ont pas été désirés ! » (Uli Streib-brzić face au psychanalyste Jean-Pierre Winter, dans l’émission De quoi j’me mêle ! (2004) de David Leconte)

 

Selon beaucoup de personnes homosexuelles, il ne fait aucun doute que les couples femme-homme vit un bonheur parfait, parce qu’elles confondent le couple hétérosexuel, par essence médiatique/scientifique, avec le couple femme-homme, vivant quant à lui un bonheur plus réel et exigeant, d’une autre perfection que celle qu’elles leur attribuent : une relation idéale dans ses petites imperfections.

 

Elles adoptent une vision blessée et salie de la relation entre la femme et l’homme, que ce soit parce qu’elles ont vu un viol de loin (à la télé, aux infos, verbalement), ou parce que leurs parents se sont déchirés devant elles, ou qu’elles ont mal vécu des histoires d’amour d’adolescence avec les membres de l’autre sexe : « J’ai toujours craint que mon père frappe ma mère, pourtant je ne l’ai jamais vu se comporter violemment avec elle. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 38) ; « Le couple, c’est toujours un rapport SM. » (François Ozon, entretien avec Didier Roth-Bettoni, dans la revue Illico, 16 mars 2000) ; « Ma mère était assez violente, peut-être plus que mon père, en réalité, et dans la seule confrontation qui, à ma connaissance, les opposa physiquement, ce fut elle qui le blessa, en lançant sur lui le bras du mixeur électrique qu’elle était en train d’utiliser pour préparer une soupe : le choc fut tel qu’il en eut deux côtes fêlées. Elle est assez fière de ce fait d’armes, d’ailleurs, puisqu’elle me l’a raconté comme on raconte un exploit sportif. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 81) ; « On se mariait en toute innocence. En toute bêtise. […] J’avais une partie de mon désir qui avait été tué. » » (Thérèse, femme lesbienne de 70 ans, interviewée dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « La jeunesse du futur poète [Oscar Wilde] s’écoule, non pas dans le calme, mais dans les échos et les remous d’un scandale qui désagrège sa famille : la maîtresse de son père fait du chantage, intente un procès aux Wilde en prétendant avoir été endormie au chloroforme puis violée par sir William. Les amis de collège d’Oscar, qui suivent le procès dans les journaux, ne lui épargnent aucun détail… ‘Voilà donc où conduit ce grossier amour des hommes pour les femmes, à cette boue !’ écrira-t-il plus tard, en parlant de cette lamentable affaire. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 170) ; « Bien à l’âge de neuf ans, j’ai été abusée sexuellement par un adolescent et sa sœur. J’ai alors expérimenté une activité hétérosexuelle et homosexuelle affreuse à un très jeune âge et en même temps, j’étais élevée par la télévision – j’avais la permission de regarder des films réservés aux adultes, des films d’horreur, des films à contenu sexuel, donc mon éducation à l’amour et au sexe s’est faite par l’abus et en gros par la négligence parentale, puisqu’ils nous autorisaient à regarder ces choses. » (Shelley Lubben, ex-actrice porno) ; etc.

 

Par exemple, dans l’émission Mots croisés d’Yves Calvi (sur le thème « Homos, mariés et parents ? », diffusée sur la chaîne France 2, le 17 septembre 2012), il n’est pas anodin que la journaliste lesbienne Caroline Fourest qualifie de « parfaitement hétérosexuelles » les « mères qui congèlent leurs embryons ». Elle a essentialisé son fantasme hétérosexuel – très médiatique – en perfection vivante qu’elle veut abattre.

 

Dans le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau, une guerre ouverte est menée contre « tous les gens qui se reproduisent ». Les mères sont considérées par les interviewés comme des « victimes consentantes », les pères comme des inconnus ou des tyrans, les ventres arrondis sont hués. Et sur une banderole est écrit : « La famille ne sera plus jamais notre horizon et notre tombe. » Comme ça, c’est réglé !

 

Certaines personnes homosexuelles se mettent même dans la peau de la scène de répudiation entre le valet et sa promise cruelle, scène qu’elles incarneraient à elles seules ! « Quelque part, t’es une reine et t’es répudiée. » (Manuela, un homme transsexuel M to F parlant de la non-acceptation sociale de sa nouvelle « identité », dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan) Le mime de la vierge effarouchée capricieuse, toute-puissante, et castratrice, est d’ailleurs très apprécié des hommes travestis ou transsexuels. Par exemple, lors du spectacle « Rouge et noir » de So Show ! à la Soirée « Années 80 » au Réservoir à Paris (le 3 mars 2010), une comédienne genre Jeanne Mas veut se faire désirer du public en se refusant à lui : « Suppliez-moi ! Suppliez-moi ! » Elle est source de fantasme identificatoire. Une identification au viol cinématographique femme-homme, qui peut traduire chez l’individu qui se l’impose l’expérience d’un viol de la différence des sexes réellement vécu dans l’enfance. En effet, certains hommes, avant de se dire « exclusivement homos », se sont parfois pris des vents par des femmes (et dans le cas des femmes, elles sont tombées sur des gars qui ne les ont pas respectées), ou bien ont été effrayés de violenter des filles. « Pendant cette période de formation à l’école sociale, j’ai aussi été très amoureux d’une fille : Pascale. Un jour je lui ai révélé mon attirance pour elle mais elle m’a répondu que ce n’était pas réciproque. J’avais donc pour la première fois eu des sentiments pour une fille ! » (un ami homosexuel de 52 ans, dans un mail datant du 19 octobre 2013) ; « Au primaire je draguais beaucoup, et arrive mon premier baiser à la plage avec une fille. Pour moi, j’étais l’homme et j’ai été effrayé de cette fille qui m’a littéralement sauté dessus dans sa façon d’embrasser. J’ai de suite été effrayé comme si elle m’aspirait, m’étouffait, me violentait dans mon intégrité d’homme. Ensuite, au collège, je tombe amoureux d’une fille avec lequel je suis sorti. Mais à cause du regard des autres, ils m’ont lancé un pari pour casser. C’est ce que j’ai fait et je l’ai regretté, même si j’ai eu toujours l’impression que l’embrasser faisait bizarre, Pas désagréable ni agréable. J’ai redoublé 3 fois, et j’ai eu très peu de petites copines, par peur de ne pas être un homme à la hauteur, d’être nul et d’être rejeté, abandonné, sans aucun goût pour tout. Au lycée, je suis sorti avec une fille. Je la trouvais magnifique. Nous avons fait des préliminaires mais je n’ai pas couché avec elle. Puis elle me largue sans un mot. Surtout qu’elle était dans ma classe. J’ai eu de la rage envers elle et dépression de 2 ans sans presque plus manger. Je suis comme invisible auprès des femmes, j’ai même eu la preuve encore aujourd’hui ou elles ne remarquent pas ma présence et l’une me l’a dit comme invisible. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) ; etc.

 
 

La simulation théâtrale du rejet du viol/de l’amour ressemble à un appel au viol, comme on peut le voir dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, avec le dialogue entre la cougar Véronique, et le jeune homme de 18 ans (p. 223) :

« – Je vous veux, dit le garçon, laconique.

Non ! répond Véronique.

Il prit sa main et lui fit tâter son érection.

Non, non, poursuivait Véronique. Vous ne pouvez pas me violer. Vous me devez le respect. Je suis une femme âgée.

Mais ses gestes de femme en chaleur contredisaient ses protestations. Véronique, comme possédée, se retrouva par terre, les jambes écartées, les bras ouverts en croix, disant :

Non, je ne l’ai pas mérité, je suis une sainte, une femme vouée à son mari, à son métier… pourquoi voulez-vous me souiller ? »

 
 

Encore une fois, on constate que fusion violente et rupture marchent main dans la main sur les chemins de la passion.

 

Pour Copi, par exemple, le mariage est équivalent à la prostitution, au viol. « Cette cérémonie [de la prostitution entre jeunes Indiennes et des marins] qui perpétue le viol possède un atout : elle exclut le mariage. Le couple argentin, dès le mariage, ne se parle plus. » (Copi à Paris en août 1984, cité dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 90)

 

La « philosophe » nord-américaine Judith Butler, l’une des conceptrices de la Gender Theory, dans sa paranoïa, voit le mariage comme un régime de contrôle démographique, un nationalisme. Elle est suivie intellectuellement par les militants homosexuels pro-gay (et pro-mariage gay maintenant ! quel paradoxe…) du monde entier. C’est la raison pour laquelle un certain Joseph Ratzinger (l’actuel Pape Benoît XVI) dit qu’il est difficile de soutenir le militantisme féministe ou homosexuel puisqu’il repose à la base sur une conception conflictuelle du couple femme-homme. « Ce processus conduit à une rivalité entre les sexes, dans laquelle l’identité et le rôle de l’un se réalisent aux dépens de l’autre. […] Toute perspective qui entend être celle d’une lutte des sexes n’est qu’un leurre et qu’un piège. » (Joseph Ratzinger, « Lettre aux évêques de l’Église catholique sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le Monde » (2004), cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 487 et p. 495)

 

Sur le journal Le Monde, Sylviane Agacinski écrit dans son article « L’homoparentalité en question » du 21 juin 2007, des propos très justes concernant l’utilisation fallacieuse par certains militants homosexuels du mythe de l’hétérosexualité pour faire passer en douce des lois spécifiques aux personnes homos : « La revendication du ‘mariage homosexuel’ ou de l’‘homoparentalité’ n’a pu se formuler qu’à partir de la construction ou de la fiction de sujets de droit qui n’ont jamais existé : les hétérosexuels. C’est en posant comme une donnée réelle cette classe illusoire de sujets que la question de l’égalité des droits entre homosexuels et hétérosexuels a pu se poser. Il s’agit cependant d’une fiction, car ce n’est pas la sexualité des individus qui a jamais fondé le mariage ni la parenté, mais d’abord le sexe, c’est-à-dire la distinction anthropologique des hommes et des femmes. »

 

Tant que les défenseurs de la famille, même non-homosexuels, pointeront l’hétérosexualité comme idéal d’amour ou d’identité à imiter (comme c’est le cas d’un psychanalyste comme Tony Anatrella, par exemple : « L’homosexualité est le résultat d’un complexe psychologique et d’un inachèvement de la sexualité qui ne s’achemine pas vers l’hétérosexualité. » dans l’essai Le Règne de Narcisse (2005), p. 76), on tournera en rond, et les débats s’embourberont sur le terrain de la gémellité conflictuelle des désirs homos et hétéros.

 
 

c) Le couple homosexuel est une union-objet, et un pastiche de l’union réifiante hétérosexuelle :

Comme le répètent à tue-tête les pro-gay (mais ils ne mesurent pas la vérité de leur intuition), le couple hétérosexuel et le couple hétérosexuel sont à mettre exactement sur le même plan (historiquement et symboliquement). Dans le docu-fiction « Elena » (2010) de Nicole Conn, des interviews de couples homos ou présentés comme « hétéros » sont intercalées, pour prouver l’authenticité et la gémellité entre les couples sans différence des sexes et les couples avec.

 

Le couple homo mime le couple hétéro : « C’est le prince charmant qui chausse Cendrillon. » (Bernard se faisant mettre ses chaussettes par Jacques dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « L’homosexualité correspond forcément à un stade ‘avancé’ du désir mimétique mais à ce même stade peut correspondre une hétérosexualité dans laquelle les partenaires des deux sexes jouent, l’un pour l’autre, le rôle de modèle et de rival aussi bien que d’objet. » (René Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), p. 471)

 

L’homosexualité pratiquée n’est qu’une hétérosexualité forcée (pléonasme…). Par exemple, à propos des films d’Alain Robbe-Grillet, Roland Barthes dit que lorsqu’on voit deux femmes dans un rapport sexuel, « ce n’est toujours pas de l’homosexualité mais de l’hétérosexualité redoublée ». (Anne Delabre et Didier Roth-Bettoni, Le Cinéma français et l’homosexualité (2008), p. 195).

 

Documentaire "We Were Here" de David Weissman

Documentaire « We Were Here » de David Weissman


 

Je me répète. « Pas un pour rattraper l’autre… » Le couple homosexuel est formé de deux individualités vivant côte à côte sans dialoguer (exactement comme le couple hétérosexuel), comme on peut le constater clairement au fil du documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre.

 

CIRE Dean

James Dean


 

Le couple hétérosexuel est en réalité bisexuel. La femme qui collectionne les maris est celle qui s’oriente à la fois vers l’hétérosexualité et vers la bisexualité ; le mari qui maltraite sa femme a de toute manière un problème avec sa sexualité : « Que ce soit un homo honteux ou pas, finalement, peu m’importe… C’est d’abord et avant tout un homme violent qui cherche à humilier autrui, à l’écraser, à l’utiliser comme un objet au service de son plaisir. J’imagine que c’est ainsi qu’il traite son épouse… » (Brahim Naït-Balk parlant d’un de ses violeurs homosexuels refoulés, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), p. 114)

 

D’ailleurs, il est fréquent que le couple hétérosexuel serve de façade aux couples libertins ou à des unions où l’un (au moins) des deux partenaires est homosexuel pratiquant (régulier ou occasionnel). En Espagne par exemple, la press people (« Revistas del Corazón ») regorge de couples-paravents ou postiches, composés d’une fille à pédé et d’un acteur homo planqué : Alaska et Marco, Rocío Jurado et Ortega Cano, Rafa et Natalia, etc. En France, ce fut le cas de Mila Paréli et Jean Marais.

 

L’hétérosexualité et l’homosexualité se ressemblent davantage dans la nullité et la violence que dans la réussite. Il existe une « égalité sentimentale entre homosexuels et hétérosexuels ». (Actes de la Recherche en sciences sociales, n°113, juin 1996, cité dans l’essai L’Infidélité : La relation homosexuelle en question (2009) de Christophe Aveline, p. 10) ; « On constate une modification chez les couples hétérosexuels qui entraîne une césure entre sexualité et reproduction. Si bien que le couple hétérosexuel nouvelle version se rapproche du couple homosexuel. In fine, les homosexuels se rapprochent du modèle de vie hétérosexuel et les hétérosexuels du couple gay. » (p. 34) ; « Un couple [homosexuel], en fait, peut être mis en parallèle, dans la banalité de son fonctionnement quotidien, avec n’importe quel couple hétérosexuel. » (Didier Roth-Bettoni par rapport au couple Orton/Kenneth, dans l’essai L’Homosexualité au Cinéma (2007), p. 544) ; « C’était la conclusion banale de l’aventure, calquée horriblement sur celles des hétérosexuels… » (Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, racontant la succession de ses échecs sentimentaux avec les hommes, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 97)

 

Les couples homos, tout comme les couples hétéros, viennent du monde des objets : « Je ne suis pas curieux des meubles dans lesquels vous vivez. » (Daniel, le héros homosexuel, par rapport au couple Luther/Alice – Luther étant son amant secret – dans le docu-fiction « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Le couple pédé chic est une caricature. » (cf. l’article « Le Visionnaire » de Fabienne Pascaud, dans le journal Télérama du 6 avril 2005, p. 68) ; etc.

 

Dans l’exposition « Des Jouets et des Hommes » (2011) au Grand Palais de Paris, les « installations » audiovisuelles de Pierrick Sorin illustrent parfaitement l’ambiguïté homosexuelle des poupées hétéros : on voit deux hommes à l’écran, un en peignoir rose, et l’autre barbu, à côté d’une poupée Barbie et d’une poupée Ken (comme s’ils étaient leurs clones, leurs nouvelles mutations) ; et on entend une voix dire, à propos de l’homme en peignoir : « En fait, c’est ma mère. Elle a toujours une fausse barbe depuis que mon père est parti. »

 

CIRE 14 berceau

 

L’homosexualité et l’hétérosexualité, en tant que concepts essentialistes contemporains de la sexualité, sont le fruit de cette peur idolâtre de l’engagement conjugal femme/homme, de cette quête fiévreuse de la destruction du célibat et de l’unicité de tout être humain, et de la sacralisation schizophrénique du « Couple » (cinématographique, scientifique, objet, violent…). « Tu as fait de moi ce que tu as voulu. Je suis devenu une femme arabe soumise pour toi. […] C’est vrai, je l’avoue, j’ai aimé faire tout cela. Laver tes vêtements sales, te nourrir, m’occuper de ton corps. » (Abdellah Taïa s’adressant à son ex-amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 115) ; « J’ai beaucoup de mal pour aller dans des milieux exclusivement féminins, parce qu’il y a une espèce de brutalité dans laquelle je ne me reconnais pas. […] Ce que je ressens dans ces milieux-là parfois, c’est qu’on reproduit, tu as des femmes qui reproduisent des comportements masculins que j’exècre totalement, dans la manière de draguer principalement, c’est ça. Je trouve que c’est vulgaire, pour moi ça casse l’image de l’amour que j’ai pour les femmes. […] Ce qui me gêne c’est la contradiction, pour moi, entre une revendication de l’amour des femmes et cette vulgarité, qui pour moi n’est qu’une reproduction de ce qui se passe chez les hétéros. » (Catherine, femme lesbienne de 32 ans, interviewée dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, pp. 58-59) ; « Je repérai très rapidement l’existence de cinémas pornos. Les films projetés étaient destinés aux hétérosexuels. En 1984, il n’était pas envisageable qu’un cinéma gay ait pignon sur rue. Mais c’était l’occasion de voir des corps d’hommes nus et excités. L’abstinence maintenue à force de suractivité et de prières depuis le lycée vola en éclats : j’achetai un billet pour une séance. Les toilettes du cinéma étaient couvertes d’inscriptions identiques à celles des carrelettes des toilettes de la gare d’Albertville. Elles servaient de boîte aux lettres, de lieu de rendez-vous et les cabinets permettaient aux couples formés de passer à l’acte. J’y eus ma première véritable expérience sexuelle. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 47) ; « Bruno m’a donné une des bagues, l’autre à Fabien, ‘Vous deux ferez les femmes, et moi et Stéphane on fera les hommes’. » (Eddy Bellegueule mimant avec ses cousins les couples hétéros du porno, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 152) ; etc.

 

C’est la raison pour laquelle les personnes hétérosexuelles (et non les couples femme-homme aimants qui vivent vraiment du mariage) sont largement favorables actuellement pour le « mariage homosexuel » et la « reconnaissance des couples homosexuels ». Les couples hétéros sont les paravents de la violence des couples homos, et inversement.

 

CIRE s'engagent

 

Dans l’essai L’Homosexualité au cinéma (2007), Didier Roth-Bettoni dénonce à juste titre « l’obsession du couple » (p. 368) dans notre société, même s’il omet de dire qu’elle est le dénominateur entre les couples hétérosexuels et les couples homos, et non une caractéristique spécifiquement hétérosexuelle.

 

Même le couple lesbien est à l’origine un fantasme machiste hétérosexuel (qu’on voit dans beaucoup de films pornos hétéros), avant d’avoir été imité et pris au sérieux par des couples de femmes réels.

 
 

HIT PARADE DES SLOGANS NAZES ET 100% HÉTÉROSEXUELS DE LA MANIF POUR TOUS

Et je finis ce code sur les couples hétéros par quelques exemples de slogans de la Manif Pour Tous (hiver 2012-2013), qui loin de rendre hommage à la différence des sexes couronnée par l’Amour et aux couples femme-homme aimants, ont été typiquement hétérosexuels (et donc pro-gay sans le savoir) puisqu’ils ont défendu la différence des sexes en SOI, la filiation en SOI, mais pas l’alliance d’amour entre l’homme et la femme.

 

CIRE SLOGAN HÉTÉRO 2

(Il ne s’agit pas de leur mentir systématiquement, mais de banaliser l’amour entre le père et la mère biologique)

CIRE slogan hétéro 3

(Complémentaires, oui ; égaux, non)

(Ah bon ? Et que fait-on des mauvais pères et des mauvaises mères, ou des couples femme-homme qui se déchirent?)

(Ah bon ? Et que fait-on des mauvais pères et des mauvaises mères, ou des couples femme-homme qui se déchirent?)

(Et alors? Pourquoi ne pas l'ouvrir à d'autres formes de couples?)

(Et alors? Pourquoi ne pas l’ouvrir à d’autres formes de couples?)

(Le pire des pires...)

(Le pire des pires…)

(Ouais. Dites ça aux couples femme-homme stériles, qui ont vécu des fausses couches ou qui ont des enfants par FIV, GPA, PMA et par adoption. Ils seront ravis!)

(Ouais. Dites ça aux couples femme-homme stériles, qui ont vécu des fausses couches ou qui ont des enfants par FIV, GPA, PMA et par adoption. Ils seront ravis!)

(Ça dépend laquelle. Il n'y a pas à glorifier toutes les différences)

(Ça dépend laquelle. Il n’y a pas à glorifier toutes les différences)

(... pour les enfants battus, maltraités et orphelins, peut-être?)

(… pour les enfants battus, maltraités et orphelins, peut-être?)

(Et alors? C'est pas un gage de réussite et d'amour dans une famille...)

(Et alors? C’est pas un gage de réussite et d’amour dans une famille…)


 
 

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Code n°72 – Femme étrangère (sous-code : Princesse orientale)

femme étrangère

Femme étrangère

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Étrangère à son pays et à elle-même

… à l’image de l’éloignement homosexuel de la différence des sexes et de soi-même

 

 

Très prégnant. Et pourtant, difficile d’en faire une généralité. Mais oui, force est de constater que la grande majorité des personnes homosexuelles aiment les femmes étrangères. Non pas tant les étrangères réelles que les étrangères cinématographiques. Non pas tant des femmes que des hommes hyper-féminisés et hyper-masculinisés. Non pas tant les étrangères qui parlent une langue autre que la nôtre que celles qui emploient notre propre langue avec un fort accent qui frise la sophistication glamour, un brin de prononciation curieuse entretenant le mystère de son origine et incarnant la classe internationale, une exagération qui paraît si involontaire qu’elle se naturaliserait presque.

 

 

Voilà : la femme étrangère (cinématographique), c’est en quelque sorte la victoire apparente de la séduction queer (littéralement, queer signifie « étrange », « bizarre »), c’est l’alibi vivant parfait de la superficialité, c’est la magicienne qui arrive (si on l’imite bien) à faire passer pour vraie et crédible la transgression de la différence des espaces/des sexes. Sa comédie identitaire a tout de l’exotisme excusable, charmant, délicieux, accidentel, du non-choix. Exactement comme l’homosexualité, a priori.

 

 

Après, quand on voit concrètement l’opportunisme de cette fausse ingénue (En effet : qui croit encore à l’accent franglais de Jane Birkin ? à l’honnêteté de Céline Dion ? à la virginité d’Anggun ou de Paris Hilton ? à l’innocence de Björk, franchement ?), sa réputation de « suceuse » professionnelle, son passé de collabo (espionne allemande ou strip-teaseuse russe du Crazy Horse ?), sa carrière de prostituée et de femme violée consentante, il est difficile que la communauté homosexuelle assume complètement cette femme venue d’ailleurs et repartant on ne sait vers quel destin tragique et suicidaire.

 

Colette dans Rêve d'Égypte

Colette dans Rêve d’Égypte


 

L’exotisme folklorique de l’Étrangère suinte. Car l’étranger vit toujours sous l’épée de Damoclès de l’éphémère. L’Étrangère court toujours le risque que son étrangeté soit connue et de moins en moins étrange. D’ailleurs, dans les faits, elle est souvent la risée de tous et les gens finissent par parodier et par se lasser de son accent. L’Étrangère, qui dans un premier temps ravissait, charmait, minaudait, conquérait, montre la vanité des apparences et de l’anticonformisme de principe, rappelle à ses dépens la vacuité du désir homosexuel, vient révéler la violence de la pratique homosexuelle (et de la pratique libertine tout court). C’est ce qui explique que ses fans homosexuels l’idolâtrent autant qu’ils la détruisent. Ce sont les femmes réelles, nettement moins exotiques et médiatiques qu’elle, qui paient en général la note de la déception homosexuelle pour l’Étrangère médiatique…

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Bourgeoise », « Bergère », « Planeur », « Actrice-Traîtresse », « Reine », « Carmen », « Vierge », « Voyage », « Destruction des femmes », « Putain béatifiée », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Homosexualité noire et glorieuse », « Substitut d’identité », « Amour ambigu de l’étranger », « Amant diabolique », « Méchant pauvre », « Liaisons dangereuses », « Prostitution », « Femme fellinienne géante et pantin », et à la partie « Joséphine Baker » du code « Noir », dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) L’exotisme attrayant de l’Étrangère (cinématographique) :

Film "Kaboom" de Gregg Araki

Film « Kaboom » de Gregg Araki


 

Régulièrement dans les fictions homo-érotiques, la femme étrangère apparaît et séduit le personnage homosexuel : cf. le film « Robe d’été » (1996) de François Ozon (avec la femme espagnole), le film « La Comtesse aux pieds nus » (1954) de Joseph Mankiewicz, le spectacle-cabaret Dietrich Hotel (2008) de Michel Hermon, le téléfilm « L’Homme que j’aime » (2001) de Stéphane Giusti, la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi (avec Regina Morti, la cantatrice italienne), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec la Reine des Rats, une sorcière provenant de l’Hémisphère Sud), la chanson « A Bailar Calypso » d’Elly Medeiros, le vidéo-clip de la chanson « Who Is It ? » de Michael Jackson, le vidéo-clip de la chanson « Too Funky » de George Michael, la chanson « Candle In The Wind » d’Elton John, le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh (avec Jane, l’héroïne lesbienne, la femme écossaise perdue en Allemagne), la nouvelle La Nuit est tombée sur mon pays (2015) de Vincent Cheikh, etc. Par exemple, dans le film « Social Butterfly » (2012) de Lauren Wolkstein, une Américaine de 30 ans fait irruption dans une soirée d’adolescents sur la Côte d’Azur : la plupart des invités se demandent qui elle est, et ce qu’elle fait là. Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, est attiré par Paqui, la femme mûre espagnole, beaucoup plus âgée que lui ; elle lui apprend à danser les sevillanas, mais comme une femme. Plus tard, il se fait déflorer l’anus par Ingeborg, une assistance sexy norvégienne en Thalasso. Dans le roman The Age Of Innocence (1920) d’Édith Wharton, le personnage homosexuel adore « les femmes cosmopolites et étranges » (cf. le chapitre 20). Dans le roman Off-Side (1968) de Gonzalo Torrente Ballester, Domínguez se déguise en princesse russe. Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Ana, la belle Suédoise, séduit avec succès Jérémie, le héros homosexuel. Dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion, André, un des personnages homo, se lâche sur la chanson « Salma Ya Salama » de Dadida et fait un strip-tease dans la boîte gay Chez Eva.

 

« J’avais pour patronne une Hongroise […] une dame sans âge. » (Pretorius, le vampire homosexuel au service de la bourgeoise Élisabeth de Bataurie, dans la pièce Confessions d’un Vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « J’adore les Russes. Enfin, surtout les femmes russes. Je suis une femme russe. » (Anne Cadilhac lors de son concert Tirez sur la pianiste, 2011) ; « L’amie de ma tante a le teint pâle et les cheveux d’une rousseur typique. Son accent lui donne un charme indéfinissable. Quoiqu’elle soit assez maigre, fluette presque, je suis rapidement séduite. » (Alexandra, la narratrice lesbienne en séjour à Londres, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 17) ; « Celle qui parlait était une grande fille très brune avec un magnifique port de tête d’Espagnole. Malgré mon jeune âge et le peu de conscience des désirs qui m’agitaient, je me rendis bien compte qu’elle me plaisait beaucoup. » (idem, p. 224) ; « Je les regardais s’engouffrer tous dans l’escalier qui menait au balcon, lorsque je reconnus Perrette Hallery de dos… accompagné d’une magnifique femme en manteau de poil de singe, rousse à mourir sous son chapeau à voilette, la peau laiteuse et la démarche assurée. Le cliché de la belle Irlandaise, Maureen O’Hara descendue de l’écran pour insuffler un peu de splendeur à l’ennuyeuse vie nocturne de Montréal, la Beauté visitant les Affreux. […] La fourrure de singe épousait chacun de ses mouvements et lui donnait un côté ‘flapper’ qui attirait bien des regards admiratifs. Les hommes ne regrettaient plus d’être là, tout à coup. » (le narrateur homo parlant de la distinguée Maureen O’Hara, qu’il voit à l’opéra de Montréal, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 44) ; etc.

 

Dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), Charlène Duval, le travesti M to F, avoue être attiré par les « chansons de femmes exotiques ». Il chante la beauté troublante de celles qu’il appelle « les Brésiliennes », et qui ne viennent pas tant du Brésil que de son imaginaire cinématographique déterritorialisé. Les Brésiliennes en question ne sont pas véritablement des femmes : ce sont des travelos ou des transsexuels asexués, des extraterrestres incarnant la féminité dangereuse et machiste : « Prenez bien garde aux Brésiliennes… […] Les Brésiliennes ont des yeux incandescents. »

 

 

La princesse orientale Schéhérazade (le « piège à hommes » par définition) est un fantasme fortement homosexuel : cf. le roman La Noche Más Alegre de Scherezada. Escenas De Libertinaje Oriental (1915) d’Álvaro Retana, le poème « Abuela Oriental » de Witold Gombrowicz, le film « Les Mille et une Nuits » (1974) de Pier Paolo Pasolini, la chanson « Envole-moi vers les étoiles » de la comédie musicale Cindy (2005) de Luc Plamondon (avec Cindy déguisée en princesse orientale), le film « Taxi Zum Klo » (1980) de Frank Ripploh, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, le film « Brutti Di Notte » (1968) de Giovanni Grimaldi, le film « Pink Narcissus » (1971) de James Bidgood, le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair, la chanson « À demi nue » d’Oshen, le one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) du travesti M to F Charlène Duval (qui se déguise en danseuse du ventre à un moment), la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi (avec deux des personnages homosexuels, Ahmed et Jean, qui portent une djellaba), les pièces L’Alligator et Thé (1966) de Copi et Jérôme Savary (déguisés en robe arabe), le vidéo-clip de la chanson « Todos Me Miran » de Gloria Trevi, le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz (avec la danseuse du ventre orientale), etc. « Je suis Sultana, la moitié de votre père. » (Sultana, la nouvelle copine du père de Chris, le héros homosexuel, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) Par exemple, dans la pièce Agatha Christie’s Lesson In Crime (2011) de Ken Starcevic, l’Indien effectue une danse très efféminée et ambiguë. Dans le téléfilm « Just Like A Woman » (2015) de Rachid Bouchareb, Mona, l’héroïne lesbienne, s’entraîne à danser la danse orientale devant une danseuse du ventre, Samia Kamaal (la plus grande danseuse d’Égypte), diffusée à la télé. Dans l’épisode 364 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 26 décembre 2018, Chloé Delcourt se rappelle les soirées extravagantes que son père homo, André, organisait : « Il m’avait organisé une soirée : c’était les 1001 nuits. »

 

Film "“Taxi zum Klo” de Frank Ripploh

Film « “Taxi zum Klo” de Frank Ripploh


 

Le héros homosexuel, en se mettant dans la peau de la femme étrangère, cherche à attirer le regard des autres sur son originalité, tout en exprimant paradoxalement par son exhibitionnisme étrange son malaise d’être dévisagé de la tête aux pieds, de passer pour une bête curieuse et vulgaire (surtout s’il est travesti).

 

 

Quelquefois, la femme étrangère est en réalité une projection sentimentale/esthétique/asexuée du héros homosexuel sur son amant : cf. le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec Monica, la lesbienne italienne), le film « Unveiled » (2007) d’Angelina Maccarone, le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, etc. « Chez Adrien [le héros homosexuel], chose étrange, la figure de la mère perdue aurait pris les traits de l’être métissé, les traits de l’homme à la peau noire : ceux de Malcolm. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 40)

 
 

b) L’Étrangère devient étrange et vénéneuse :

Petit à petit, l’irréalité et l’étrangeté, qui semblaient toutes-puissantes laissent place à la désillusion. L’Étrangère cristallise le mal-être existentiel du héros, qui, en marginal bobo ou drama queen, se sent littéralement étranger à sa propre vie. « Hier encore j’avais le cœur étranger à mon décor. » (cf. la chanson « Opaline » de Nourith) ; « Un taxi jaune éventre la nuit et l’étrangère en surgit. Le mascara coule de ses yeux gris et se mélange à la pluie. Dans les rues on sent l’énergie bouleversante odeur de vie. Le taxi la dépose au Chelsea où elle venait avec lui. À la radio ‘Call Me’ de Blondie. Contagieuse mélodie. Ronger sa mélancolie. » (cf. la chanson « L’Étrangère » d’Étienne Daho) ; « Yo quiero morir. » (Max, le héros homosexuel, s’improvisant sosie de Shakira, dans la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; « On est des étrangers partout. » (Maria par rapport à sa terre natale d’Albanie et son arrivée en Grèce, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras) ; etc.

 

Le sentiment d’être une étrangère n’est pas plaisant du tout : c’est celui de ne pas se sentir aimé ni intégré là où on vit et où on croit aimer. « Oh oui, vraiment, on me fait souvent sentir que je suis une étrangère. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 184) ; « Je trouve une jeune personne sortie des Mille et Une Nuits à qui j’offre ma fortune : aussitôt elle m’abandonne ! » (Pédé parlant d’Ahmed, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; etc.

 

L’Étrangère est tellement distante et inaccessible que son fan homosexuel finit par la détester et par l’adorer dans un même mouvement. Par exemple, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, la vénéneuse Russe Varia Andreïvskaïa, présentée comme « une espionne russe digne d’un vieux James Bond » (p. 66), est l’incarnation du danger sexuel étranger : « J’étais frappé par un fort accent dans sa prononciation. En détaillant sa physionomie, je me suis dit qu’elle devait être russe. Au moment où j’ai fait cette découverte romanesque, j’ai compris que je venais d’avoir ce qu’on appelle un coup de foudre. » (Jason, le héros homosexuel, op. cit., p. 56) ; « Je lui trouvais une froideur de vamp rétro. Quelque chose d’Eva Marie Saint dans ‘La Mort aux trousses’, l’exotisme slave en plus. » (idem, p. 53-54) ; « Quand elle écrivait, elle devait appuyer très fort sur son stylo, car son ongle devenait blanc à l’extrémité, et rosissait à la base, sous l’afflux du sang. Ce détail me prouvait qu’elle n’était pas de marbre. Comme pour me confirmer cette découverte, en réalité sans doute parce que j’avais passé les bornes en la détaillant de manière assez insistante, elle est sortie de son immobilité de statue, a tourné la tête et m’a lancé un regard excédé. » (idem, p. 54) ; « De toute évidence, je n’existais pas à ses yeux. » (idem, p. 54) Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Atos Pezzini, el Divo, se fait insulter par une de ses actrices espagnoles de sa troupe après leur spectacle interlope : « Vieille pédale ! Va te faire enculer ! ». Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, se fait refouler par une danseuse de sevillanas espagnole pendant un festival andalou.

 

Le héros sent une attraction paradoxale pour cette femme interdite et scandaleuse sans qu’il comprenne pourquoi : « Ma mère, avant de partir, m’avait mis en garde contre les femmes étrangères : ‘Elles pourraient t’utiliser pour jeter des sorts à d’autres femmes. Éloigne-toi, toujours, toujours, des femmes étrangères.’ » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 45) ; « C’est la reine des rumeurs et des ouï-dire. Simone a la réputation d’être une fille volage et le fait qu’elle ait frayé autrefois avec un Boche n’arrange rien. C’est le genre de femmes que les gens bien-pensants haïssent. » (Thibaut de Saint-Pol, À mon cœur défendant (2010), p. 175)

 

L’attraction pour la femme étrangère, c’est aussi fatalement l’attraction vers l’inceste (elle est étrangère à notre génération), vers la prostitution (elle est étrangère à notre classe sociale), vers le viol et la guerre (elle est étrange dans ses pratiques sexuelles, et étrangère à notre pays) : cf. le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (avec Pierrette la femme intrus par qui le scandale arrive), le poème « Canción De Amor A Los Nazis En Baviera » de Néstor Perlongher (avec la figure de Marlene Dietrich), le film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot (avec la guichetière), le roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo (avec Rachel la Juive d’Europe Centrale), la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec Leni Riefenstahl), le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq (avec Fina, la mère-porteuse), le film « Gigola » (2009) de Laure Charpentier, etc.

 

Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, veut transformer sa mère en étrangère pour mieux se l’approprier et vivre l’inceste avec elle : « Maman, j’adore quand tu parles espagnol. T’es encore plus belle que les secrétaires de papa. »

 

L’Étrangère est aussi cet(-te) amant(-e) manipulateur, intrusif, bisexuel, montrant son véritable visage diabolique, et refusant d’aimer le héros homosexuel : « Je n’appartiens à aucun endroit… vous oubliez que je suis l’étrangère. » (Angela Crossby, la femme bisexuelle s’adressant à son amante lesbienne Stephen, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 189) Ce partenaire sexuel peu fiable (cf. je vous renvoie aux codes « Méchant pauvre », « Liaisons dangereuses » et « Prostitution » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) rentre dans la peau de la femme « étrangère à elle-même », un peu folle, extravagante, superficielle, diabolique, étrange, dont l’ambiguïté inquiète. « Sans logique, je me quitte, aussi bien satanique qu’angélique. » (cf. la chanson « Sans logique » de Mylène Farmer) ; « Tu as toujours cet air étrange… » (cf. la chanson « Cet air étrange » d’Étienne Daho) ; etc.

 

Plus profondément, le fait que la quasi totalité des personnages homosexuels prennent les femmes pour l’Étrangère, même si ça a l’air fun de prime abord et à la gloire de l’esthétisme de la femme-objet, est le signe de leur incroyable et inconsciente misogynie. La femme réelle est mise à distance, reléguée à l’état de femme étrangère qu’on ne veut plus approcher, et qui ne viendra pas conquérir « notre espace corporel vital »…

 

Et plus profondément, l’attraction des héros homosexuels pour ce qui est étranger, ou leur souhait de changer carrément de nationalité, au-delà de l’humour et de la provocation légère, traduisent un racisme inversé, esthétisé… mais un racisme homophobe (dans le sens strict du terme « homophobie ») quand même. On peut le voir par exemple dans l’usage homosexualisant d’une féminisation xénophobe dépréciative : « J’lui trouve l’air tapette. Il paraît que tous ces messieurs en Georgie sont du genre folles tordues. » (Grady parlant de Bennett, dans le film « Fried Green Tomatoes », « Beignets de tomates vertes » (1991) de John Avnet)

 
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’exotisme attrayant de l’Étrangère (cinématographique) :


 

 

Un nombre non-négligeable de personnes homosexuelles aiment les femmes excentriques au physique atypique (Juliette, Anne Roumanov, Marianne James, Rosi de Palma, Alice Sapritch, Adriana Karembeu, Dolores O’Riordan, etc.), les femmes étrangères (Sade, Joséphine Baker, Marlene Dietrich, Greta Garbo, Anggun, Carole Fredericks, The Corrs, Maria Callas, etc.), les femmes un peu extra-terrestres (Cher, Björk, Mylène Farmer, Zazie, Jane Fonda, Lindsay Wagner, Jodie Foster, Brigitte Fontaine, Nabilla, Afida Turner, Arielle Dombasle, etc.), les femmes dont on ne comprend pas bien les paroles des chansons tellement elles cultivent leur accent étranger (Madonna, Jackie Kennedy, Jane Birkin, Carla Bruni, Axelle Red, Marilyn Monroe, Ingrid, Vanessa Paradis, etc.). Par exemple, le chanteur gay britannique Jimmy Somerville affectionne chez la chanteuse Donna Summer son côté « exotique » (cf. le documentaire « Sex’n’Pop, Part IV » (2004) de Christian Bettges). Frédéric Mitterrand s’est entouré de femmes étrangères durant toute sa vie : « Talitha, dont le prénom exotique me plaisait énormément. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 283) Le chanteur homosexuel Étienne Daho a fait appel, pour ses compositions, à des chanteuses venues d’ailleurs (Astrud Gilberto, Marianne Faithfull, Jeanne Moreau, etc.) qui incarnent tout à fait l’esthétisme queer & camp de l’Étrangère dont j’ai parlé en première partie de ce code. Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert est filmée l’attraction de Yves Saint-Laurent pour les femmes algériennes : « Magnifiques, ces bijoux. Le toc, j’adore. » s’exclamera-t-il face à Loulou.

 

L’Étrangère, c’est apparemment la classe au féminin, en lettres majuscules.

 

 

Cette femme – réelle mais surtout médiatisée – est souvent la mascotte de la communauté LGBT : « Les femmes étrangères me fascinent. » (James Dean dans la biographie James Dean (1995) de Ronald Martinetti, p. 209) ; « Quelle femme singulière ! Ce mélange inextricable de véritable folie créatrice et de coquetterie… » (Klaus Mann en parlant d’Else Lasker-Schüler, dans Journal (1945), p. 33) ; etc.

 

 


 

Par exemple, on peut penser au nom La Barbare choisie par une association lesbienne française (association qui dura de 1999 à 2007). Ou bien à la présence de l’actrice Joséphine Baker, qui fut la marraine et l’ambassadrice de nombreuses soirées interlopes des Nuits parisiennes. Autre exemple marquant : Dalida, la femme égyptienne exilée, à l’accent étranger à couper au couteau, avait toutes les cartes en main pour plaire aux personnes homosexuelles françaises : classe + beauté + voix unique + malheur. Elle était l’Originalité indétrônable !

 

 

Souvent, Mylène Farmer, la plus grande icône gay en France, aime se mettre dans la peau de femmes étrangères : cf. les vidéo-clips des chansons « California » et « L’Âme-stram-gram », le film « Giorgino » (1994) de Laurent Boutonnat, la chanson « Dans les rues de Londres » (avec Virginia), etc. C’est la même chose chez Madonna : cf. le film « Evita » (1996) d’Alan Parker, le vidéo-clip de la chanson « Nothing Really Matters », le vidéo-clip de la chanson « Don’t Tell Me », etc.

 

L’étrangère n’est pas tant une personne réelle qu’une attitude, une manière de parler et de prononcer bizarrement les choses, une façon de bouger/de danser : cf. la chanson « Je ne veux pas travailler » de Pink Martini, le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont (avec l’imitation de Cristina Cardoula, la relookeuse de la chaîne M6), les chansons de Carole Fredericks, etc. Par exemple, un soir où je me trouvais dans une boîte gay au Liban – le Bardo – (c’était en avril 2013), sur les écrans géants défilaient en boucle des images d’un cours de sevillanas andalouses pour accompagner nos danses modernes.

 

 

Il est fascinant de voir comme le chanteur homosexuel Mika est envoûté par les femmes étrangères, qu’elles soient orientales ou occidentales.

 

Mika face à Aline Lahoud

Mika face à Aline Lahoud


 

Dans l’émission de télé-crochet The Voice 3, en tant que coach, il répète sans cesse la même phrase pour expliquer pourquoi il a craqué pour l’une ou l’autre des artistes qu’il a intégrée à son équipe : « Tu étais si étrange… » Par exemple, le 25 janvier 2014, il flashe sur la chanteuse libanaise Aline Lahoud et dit sa passion pour la diva libanaise Fairuz et d’autres chanteuses « qui conduisent leur orchestre d’un index levé », à la baguette. Le 8 février cette fois, il jette son dévolu sur la chanteuse métisse Mélissa Bon, toujours avec la même obsession pour le queer féminin : « Tu es étrange. Tu es Sadéenne. » (en référence à la chanteuse soul-jazz Sade)

 

Pour ma part, j’ai, depuis ma plus tendre enfance, été touché esthétiquement par les femmes étrangères. Aux mariages, je me rapprochais des femmes étrangères, qui jouaient un personnage qui les isolait (et moi, je m’isolais par la même occasion ! je me sentais isolé) en même temps qu’il les mettait en valeur. J’aimais beaucoup regarder le concours Eurovision de la chanson, pour y voir des chanteuses étrangères. Encore aujourd’hui, les actrices/chanteuses étrangères avec un léger accent, voire un énorme accent (Axelle Red, Tina Arena, Ingrid, Ace of Base, Céline Dion, Cristina Rus, Cristina Marocco, Nourith Siboni, Anggun, Noa, Madonna, Amina, Ofra Haza, Radia, etc.) charment ma fantaisie.

 

 


 


 


 

 

C’est assez flagrant. La princesse orientale est source de fantasme dans la communauté homosexuelle. Je pense à la période Bollywood de la chanteuse Zazie ou de Madonna. Pierre Loti, quant à lui, aimait à se travestir vraiment en princesse orientale.

 

Film "Pink Narcissus" de James Bidgood

Film « Pink Narcissus » de James Bidgood


 

Actuellement, dans les pays indiens ou orientaux, les chanteuses-danseuses des vidéo-clips façon Bollywood (en général, ce sont des top models super bien gaulées, qui se contentent de faire du play-back mais qui ne sont pas toutes chanteuses) sont des icônes gays. Certains de mes amis homos vivant là-bas ou originaires de là-bas en sont méga fans ! Côté DOM-TOM, beaucoup d’hommes gays se reportent sur le zouk ! Et moi aussi ^^…

 

Par exemple, dans la pièce Le Frigo de Copi mis en scène par Gilles Pastor en 2004, le comédien algérien « Kiki » fait une danse du ventre en costume de femme orientale. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, un homme homosexuel est filmé déguisé en danseuse orientale voilée, sur un char de Gay Pride à Paris. Rodolf/Dora Richter – premier homme trans M to F – se déguisait en danseuse orientale.

 

Sofia Essaïdi et Kamel Ouali

Sofia Essaïdi et Kamel Ouali


 


 

L’Étrangère n’est pas une femme réelle : c’est une actrice qui joue l’étrangère, et que les personnes homosexuelles peuvent devenir en l’imitant : « Tu n’étais pas contente de me voir pleurer, mais j’éprouvais une tendresse particulière pour la Princesse indienne de Patagonie. Le jour où on l’a fait prisonnière et où la sorcière de la tribu ennemie lui a arraché ses boucles d’oreilles, j’ai trouvé le monde injuste. J’aurais voulu pouvoir voler jusqu’à la Terre de Feu et la reprendre aux mains d’êtres aussi sauvages. Je sais : c’était un feuilleton radiophonique. Mais il me donnait un avant-goût des atrocités à venir. » (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), pp. 157-158) ; « Les deux copines [Jacques et Luisito] prirent le chemin du retour, en récitant alternativement les noms d’actrices françaises et argentines. ‘Ginette Leclerc, Mona Maris, Martine Carol, Olga Zubarry, Arletty, Tita Merello, Leslie Caron, Elsa Daniel, Elvire Popesco…’ ; Ah non, celle-là n’est pas française’, protesta Luisito avec force. ‘Oui, elle est polaque ou roumaine’, dit Jacques. ‘Ou juive, comme toi. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 227-228) Par exemple, le dramaturge argentin Copi, à propos de sa toute première pièce Un Ange pour Madame Lisca (1962), dira que sa « Madame Lisca » est partie de « l’idée d’une femme d’Europe centrale, et d’une odalisque » (cf. l’article « Copi : Le Théâtre exaltant » de Michel Cressole, 1983)… mais il ne s’agit pas d’une femme connue, de chair et de sang.

 

 

b) L’Étrangère devient étrange et vénéneuse :

Petit à petit, d’étrange, la femme étrangère adulée par la communauté LGBT passe à dangereuse et à éloignée. Son irréalité (n’oublions pas que cette créature est avant tout cinématographique, comportementale) et son petit jeu trop visibles laissent place à la déception. L’Étrangère cristallise le mal-être existentiel des personnes homosexuelles, qui, en marginales bobos ou drama queen, se sentent littéralement étrangères à leur propre vie.

 

Le sentiment d’être une étrangère n’est pas plaisant du tout : c’est celui de ne pas se sentir aimé ni à sa place dans son corps/dans son milieu de vie. « Difficile d’imaginer ce brusque sentiment d’être étranger dans son propre pays ! » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 62)

 

L’étrangère est la jumelle narcissique de mort dans laquelle certaines personnes homosexuelles en dépression s’admirent avec émotion : « Ce jour-là, je courais vers une image, une femme. L’actrice égyptienne. Une grande star. Une grande dame. Souad Hosni. Elle passait à la télévision dans un feuilleton que j’adorais. Houa et Hiya : Elle et Lui. Je courais vers elle pour l’embrasser. Être pendant une heure avec elle, amoureux en pleurs, danseur libre, comédien de ma propre vie. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 32) ; « Je n’ai jamais oublié Souad Hosni. Je n’avais pas oublié son feuilleton Houa et Hiya qui me faisait courir dans mon adolescence, à la sortie du collège. J’avais depuis rattrapé mon retard en regardant presque tous les films qu’elle avait tournés. Je l’avais suivie de près, de très près, avec attention et une certaine admiration. Et puis, au début des années 90, après l’échec retentissant de son film ‘Troisième Classe’, elle avait disparu. Pendant deux ou trois ans, on ne savait pas où elle était. Elle se cachait en fait à Londres où elle soignait un mal de dos et une dépression chroniques. On la disait sans le sou, ruinée. L’État égyptien, qui payait pour son hospitalisation, avait fini par la lâcher, l’abandonner. En juin 2001, elle s’était suicidée en se jetant du balcon de l’appartement où elle résidait à Londres. […] Il m’a fallu beaucoup de temps pour trouver sa tombe. Face à elle, j’ai prié machinalement. J’ai lu des versets du Coran. J’ai dit des mots de ma mère. […] Je ne sais pas pourquoi je suis allé sur sa tombe. Mais je sais que dans les allées de cet immense et magnifique cimetière en ruine, je me suis vu dans ma fin, en train de partir définitivement. J’ai vu encore une fois le monde arabe autour de moi qui n’en finissait pas de tomber. Et là, j’ai eu envie de pleurer. De crier de toute mon âme. De me jeter moi aussi d’un balcon. » (idem, p. 91)

 

C’est aussi la femme « étrangère à elle-même » qui intéresse l’individu homosexuel, une femme un peu folle, extravagante, superficielle, diabolique, étrange, prisonnière de ses pulsions et de sa sincérité, une capricieuse dont l’ambiguïté inquiète : « Lattéfa était possédée mais je n’ai jamais su comment cela avait commencé pour elle. Pour quelle faute ? Quel crime ? Quel but ? Et jusqu’à quand allait-elle être étrangère à elle-même, juste à côté de la folie ? J’étais Lattéfa. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 86-87)

 

La femme étrangère cinématographique évoque le charme suranné de l’alliance entre timidité et audace, entre violence et charme ravageur. Elle est icône du viol consenti.

 

 

Plus profondément, le fait que la quasi totalité des personnes homosexuelles prennent les femmes pour l’Étrangère, même si ça a l’air fun de prime abord et à la gloire de l’esthétisme de la femme-objet, est le signe de leur incroyable et inconsciente misogynie. La femme réelle est mise à distance, reléguée à l’état de femme étrangère qu’on ne veut plus approcher, et qui ne viendra pas conquérir « notre espace corporel vital »…

 

Et plus profondément, l’attraction des personnes homosexuelles pour ce qui est étranger, ou leur souhait de changer carrément de nationalité, au-delà de l’humour et de la provocation légère (par exemple, Érik Satie se disait « anti-Français »), traduisent un racisme inversé, esthétisé… mais un racisme homophobe (dans le sens strict du terme « homophobie ») quand même.

 
 

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Code n°73 – Femme fellinienne géante et Pantin (sous-code : Cruelle marionnettiste)

femme fellini

Femme fellinienne géante et pantin

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Si tu es grande, blonde et à forte poitrine, tu m’intéresses aussi

 

Par leur façon de parler du couple « hétéro », nous comprenons tout de suite que beaucoup de personnes homosexuelles confondent la famille composée de la femme et de l’homme réels, avec la famille décrite par les prospectus publicitaires ou cinématographiques : un couple fusionnel et vivant la domination de l’homme sur la femme ou de la femme sur l’homme. L’attachement des personnes homosexuelles au mythe du prince charmant et de la princesse blonde, qu’elles attribuent bizarrement à tout individu qui s’accouple avec une personne du sexe « opposé », leur apparaît évidemment intolérable puisqu’elles le choisissent comme modèle de référence ou anti-modèle, et qu’elles ont pour la plupart du temps contribué à le rendre iconographiquement réel, par leur création d’une image violente du couple femme-homme. Car qui transforme la femme et l’homme en statues de cire à la fois stoïques et en conflit, sinon une majorité d’entre elles ? (cf. je vous renvoie au code « Femme et homme en statues de cire » dans mon Dictionnaire des Codes homos). Elles prouvent souvent à l’image qu’elles confondent le couple réel avec leurs effigies parce qu’elles le regardent précisément comme un objet destructeur, tout-puissant, et enviable. Le motif de la femme fellinienne géante et du pantin masculin, de la blonde vénéneuse qui manipule le mâle avec un rire sardonique, ou bien de l’amant amoureux de sa figurine qui se refuse sans arrêt à lui, reviennent fréquemment dans les œuvres homosexuelles.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles mettent fréquemment en scène l’impossibilité de l’union femme/homme, souvent par le traitement tragi-comique, à travers une scène de répudiation entre une femme hautaine et un homme désespéré l’implorant à genou, ou bien des disputes cataclysmiques jouées par des stéréotypes agressifs de chacun des deux sexes. C’est tout simple : la plupart d’entre elles ont tellement peur de la femme qu’elles adorent et qu’elles ont mise sur le piédestal de la vierge maternelle toute-puissante, qu’elles imaginent qu’elle les manipule, qu’elle va les engloutir, que la Madone va les percer de ses obus (= seins).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Femme-Araignée », « Femme allongée », « Talons aiguilles », « Bergère », « Actrice-Traîtresse », « Femme et homme en statues de cire », « Destruction des femmes », « Parricide la bonne soupe », « Frankenstein », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Amant modèle photographique », « Poupées », « Sirène », « Regard féminin », « Pygmalion », « Putain béatifiée », et « Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme », dans le Dictionnaire des codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La Géante :

Pièce Les Insatiables d'Hanokh Levin

Pièce Les Insatiables d’Hanokh Levin


 

Dans les fictions homo-érotiques, on retrouve souvent une femme géante, à la poitrine généreuse et dangereuse : cf. le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Élia Kazan, la comédie musicale Fame (2008) de David de Silva, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le film « Carne Trémula » (« En chair et en os », 1997) de Pedro Almodóvar, le film « Serial Mother » (1994) de John Waters, la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec Jenny, le plantureux transsexuel M to F), le film « Ma mère préfère les femmes (surtout les jeunes…) » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman, le roman Man And Superman (1903) de Bernard Shaw, la chanson « Poupée psychédélique » de Thierry Hazard, le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009) d’Océane Rose Marie (avec la référence à « une grande dame »), le film « Brüno » (2009) de Larry Charles, le film « The Dead Man 2 : Return Of The Dead Man » (1994) d’Aryan Kaganof, la chanson « Monsieur Sainte Nitouche » de French Cancan, la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat (avec le personnage lesbien de Catherine), la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier (avec Adèle, la femme féministe en rouge, à la poitrine imposante, et défendant la « montée » du pouvoir des femmes), le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems (avec la femme et ses « hautes bottes »), la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling, avec Merteuil perchée sur sa chaise géante), etc.

 

Cette femme est un être sur-féminisé et sur-masculinisé, à peine sexué (elle peut être transsexuelle), et qui a tout de la vamp phallique et castratrice, avec des jambes interminables et des obus à la place des seins. Par exemple, dans le one-(wo)man-show Le Jardin des Dindes (2008) de Jean-Philippe Set, Vaginette, le travesti M to F, dit qu’il a « des seins comme des obus ». Dans le film « Alice In Wonderland » (« Alice au Pays des Merveilles », 2010) de Tim Burton, Stayne, le valet, aime la « grandeur » d’Alice. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, se déguise en Madonna, avec le corset pointu qui met en valeur sa poitrine imaginaire. Et quand elle conseille à sa nièce Claire de faire le tapin et d’appâter le client, comme elle, elle lui dit : « Tu lui fais de l’œil avec les jambes. » Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, il est question d’une prostituée russe géante, Katouchka, qui est surnommée par Yoann l’amant de Julien « Catouchatte », par jalousie. Celle-ci aurait couché avec Julien, et fait des défilés pour Karl Lagerfeld, à poil, « avec un diamant à la place de la chatte ». Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine, la femme de Nicolas le héros homosexuel, est contrainte d’assister au mariage d’inconnus, Laurence et Martin, qu’elle cherche à détruire de son regard critique assassin : « On ne peut pas se concentrer avec deux obus pareils ! Une pute ! Avec des seins énormes ! » Dans le roman Harlem Quartet de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018, Amy Miller a des « jambes interminables », une poitrine opulente, et des talons aiguilles. Dans le téléfilm Under the Christmas Tree (Noël, toi et moi, 2021) de Lisa Rose Snow, Alma, l’héroïne lesbienne, dit sa fascination pour l’actrice aux longues jambes Vera Ellen, qui aurait réveillé chez elle son attraction lesbienne.
 

« Il est aussi grand que Wonder Woman… avec des talons. » (la bande de prostitués masculins homos face à la cantatrice trans M to F, Louvre, une grande blonde siliconée en concert, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; « Comme dans un film américain, elle a croisé les jambes si haut. » (Jean-Paul, le héros homosexuel par rapport à Catherine, dans la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor) ; « Truddy n’avait plus de force dans aucun muscle, le bourreau la soutenait par les cheveux comme un pantin malgré ses quatre-vingts kilos. » (Copi, « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 40) ; « D’habitude les seins gros me font un effet puissant. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 222) ; « Pas la pointe des seins ! Je suis frigide ! » (« L. », le héros travesti M to F s’adressant au Rat dans la pièce Le Frigo (1973) de Copi) ; « Ah ! Comme il aimait être bien au chaud dans ses gros bras et contre ses seins énormes et mous, plus que son oreiller. » (Patrick à propos de sa mère adoptive lesbienne Ginette, la compagne de Lucie, dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 27) ; « Le doute vous habite… Vous vous attendiez à Demis Roussos dans le rôle de Dieu ? Et vous vous retrouvez avec Anna Nicole Smith, Lolo Ferrari, la Cicciolina… De toute façon, je vais décevoir toutes vos attentes. » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « J’aime surtout les talons hauts. » (Laurent Spielvogel imitant sa maman dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « T’étais beau quand t’étais bébé. T’étais beau, t’avais l’air d’une petite fille. J’m’amusais bien avec toi : t’avais l’air d’une poupée. T’étais mignonne. » (Laurent Spielvogel imitant sa mère s’adressant à lui, idem) ; « Curieusement, cette fille a de grands pieds. » (Vera, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Lola à propos de leur première rencontre, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « En général, elle se plie à ma volonté. » (Vera parlant de Lola à Nina, idem) ; « Si je comprends bien, ma relation avec Lola est sous ton contrôle ? » (Nina s’adressant à Vera par rapport à Lola, idem) ; « Je me demande si tu ne manœuvres pas dans l’ombre pour manipuler Lola. » (Nina s’adressant à Vera, idem) ; « D’une manière générale, je suis à ta disposition. J’éprouve une réelle volupté à laisser diriger ma vie par toi. » (Lola s’adressant à Vera, idem) ; etc.

 

Comédie musicale Blanche-Neige et moi (2014) de Cindy Féroc

Comédie musicale Blanche-Neige et moi (2014) de Cindy Féroc


 

La lesbienne et l’homosexuel fictionnels sont fascinés par la poitrine de la femme-objet juchée sur ses talons hauts. Par exemple, dans le film « Lingerie d’occasion » (1999) de Teresa Marcos, Luisa est subjuguée par la poitrine gigantesque de sa tante Marcella ; pareil pour Marcia dans son magasin de lingerie de Buenos Aires dans le film « Tan De Repente » (2002) de Diego Lerman. Dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa raconte ses aventures sexuelles lesbiennes, notamment les seins énormes de son amante Tatiana, ou bien la grosse touffe de l’entre-jambe du sculptural mannequin démesuré Adriana Karembeu qu’elle regarde d’en bas (« Oh ! Une petite femme barbue ! »). Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Eva, la femme mariée tentatrice, exhibe ses seins à Adam, avant que ce dernier ne découvre son homosexualité.

 

 
 

b) La cruelle marionnettiste manipulant un pantin masculin :

Souvent, cette femme géante manipule comme une marionnette l’homme miniature qui jadis a essayé de la séduire en orgueilleux King Kong : cf. le roman La Femme et le Pantin (1898) de Pierre Louÿs (avec Concha et Pancho), le film « La Dolce Vita » (1960) de Federico Fellini, le vidéo-clip de la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer, le film « La Femme et le Pantin » (1936) de Julien Duvivier, la chanson « Miss Paramount » du groupe Indochine, le conte La Princesse et le Nain (1888) d’Oscar Wilde, le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar (avec le film en noir et blanc « L’Amant qui rétrécit » que Benigno est allé voir au cinéma), le film « The Devil Doll » (1936) de Tod Browning, le film « La Femme et le Pantin » (1931) de Josef von Sternberg, le film « Una Pareja Distinta » (1975) de José María Forqué (avec la femme à barbe et le travesti-clown), le vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer, le roman Le Visionnaire (1934) de Julien Green (avec Madame Plasse), la chorégraphie de la chanson « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec Leni Riefenstahl et Goebbels), la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner, le spectacle musical Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro, le roman L’Autre (1971) de Julien Green (avec Mademoiselle Ott et son frère nain), le film « Le Mystère Silkwood » (1983) de Mike Nichols, le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne (avec Ingeborg dans le centre de thalasso), le film « Reflections In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, le film « Elevator Girls In Bondage » (1972) de Michael Kalmen, la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams (avec Archie, l’homme soumis à sa future femme Mégane), la pièce Musique brisée (2010) de Daniel Véronèse (avec la mendiante lesbienne présentée comme une marionnettiste), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears (avec Léa et Chéri l’homme-glaçon), etc.

 

« Si je comprends, maintenant, c’est moi la potiche ? » (Robert Pujol s’adressant à sa femme Suzanne, devenue chef de son entreprise, dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon) ; « On dirait la fiancée de King Kong. » (Georges s’adressant à Mercedes/Henri dans la pièce La Cage aux Folles (1973) de Jean Poiret) ; « Si au moins elle l’aimait, mais elle ne l’aimait pas, elle tenait à lui, un peu comme on tient à un objet d’art. Et il était à elle. » (Stéphanie par rapport à son mari Camille, dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 260), « À elle seule elle était l’archétype de la blonde vénéneuse qui manipule le mâle, avec un rire ravageur. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami homosexuel angevin en 2003, p. 17) ; « Là, elle s’élève une jambe. Ici, elle touche un coude. […] Qu’elle s’en aille ! Qu’elle vous laisse tranquille ! Elle s’approche de vos pieds. Va-t-elle vous caresser un orteil ? Rien ne se passe. Elle s’approche de votre oreille et y susurre un ‘Détendez-vous’. » (le narrateur homosexuel à propos de l’infirmière de l’atelier de sophrologie, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, pp. 203-204) ; « Elle manipule celui qui dit non. » (cf. la chanson « Hey, Amigo ! » d’Alizée) ; « Ton fil tu l’aimes déjà. » (cf. la chanson « Et tournoie… » de Mylène Farmer) ; « Des poupées qui disent oui ou non. Je dis non, je dis non, je dis non… » (cf. la chanson « Porno graphique » de Mylène Farmer) ; « Caroline says that I’m just a toy. She wants a man, not a boy. » (cf. la chanson « Caroline Says » de Lou Reed) ; « Elle se recule un peu et me contemple comme on le ferait d’un tableau. […] L’embaumeuse est une artiste. » (Luca, le héros homosexuel, cadavre parlant à la morgue, dans le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, pp. 33-34) ; « Give me all your love boy, You can be my boy, You can be my boy toy. » (Nicki Minaj dans la chanson « Give Me All Your Love » de Madonna) ; « Quand la porte s’est ouverte, je suis resté planté devant elle comme une grosse merde. Elle portait une robe noire moulante et décolletée, qui faisait ressortir sa peau laiteuse, ses seins pareils à deux blocs de beurre frais. Aux pieds, elle avait des mules en soie noire, avec un liseré genre plumes d’autruche de la même couleur. Elle avait des ongles vernis eux aussi de la même couleur, enfin si on considère que le noir est une couleur, aussi bien ceux des mains que ceux des pieds, comme j’ai pu m’en rendre compte quand elle a négligemment fait glisser sa mule gauche pour caresser son mollet droit avec ses orteils. Sa tenue, ça faisait limite pute du quartier rouge à Amsterdam, sauf que sur elle c’était superclasse, je sais pas comment vous dire, elle était superbelle, et superflippante. Je m’assois sur le tabouret en ébène. Elle m’apporte un verre avec une substance un peu trouble dedans, genre sirop d’orgeat ou de gingembre, vous voyez ce que je veux dire ? Je lui demande ce que c’est. Elle me dit de deviner. Je goûte. Un machin indescriptible. Amer, mais avec une note de citron, de sucre, et un arrière-goût un peu fade aussi, limite farineux, sauf que la farine ça a pas de goût, alors je dirais limite lacté, mais plus comme du lait en poudre que comme du vrai lait. Je lui dis que je ne devine pas. Et alors là, véridique, elle me fait : ‘C’est un philtre d’amour.’ » (Yvon parlant de Groucha dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 262-263) ; « Les auréoles des seins qui pointent sous le tissu, qui ont l’air de vouloir le transpercer […] » (idem, p. 264) ; « Elle me paraît minuscule, et comme en hauteur, au sommet d’une montagne, parmi les neiges éternelles. Pour couronner le tout, elle a beau être assise immobile dans le canapé, j’ai l’impression qu’elle remue ses hanches, qu’elle ondule de droite et de gauche, comme si elle faisait la danse du ventre, avec des oscillations de sirène, des variations régulières de courbe sinusoïdale. Vu d’ici, ça fait plein de petites étoiles scintillantes. L’image se décompose, à travers une sorte de filtre brumeux, un diamant taillé ou un kaléidoscope, comme dans les films psychédéliques ou les premiers épisodes de Columbo» (idem, p. 264) ; « Ça ressemble à un petit bonhomme, avec un tronc, deux bras, deux jambes, une tête un peu fibreuse, avec des petits fils comme à la base des poireaux. Là, je m’aperçois que c’est pas juste une illusion, que c’est véritablement un petit bonhomme. Sur ce qui fait office de tête, il y a des yeux dessinés, une petite bouche. Et au milieu du ventre, des aiguilles plantées. ‘Tu ne te reconnais pas ? qu’elle me fait. C’est toi. C’est une poupée vaudoue. Tu ne vois pas ? Les petits fils, sur la tête, ça ressemble à tes cheveux. J’ai même prévu d’accrocher des petites perles pour mieux imiter les dreadlocks.’ Au moment où je me reconnaissais, j’ai identifié les symptômes d’un bad trip. » (idem, p. 265) ; « J’avais pour patronne une Hongroise […] dame sans âge. » (Pretorius, le héros homosexuel en domestique de la bourgeoise Élisabeth de Bataurie, dans la pièce musicale Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Toi, tu es mon pantin confondu. » (la femme en robe de soirée s’adressant à l’homme, dans la pièce Démocratie(s) (2010) d’Harold Pinter) ; « Il y a une fille dans mon lit !! Qu’est-ce que je vais faire avec ça ?? J’espère qu’elle ne va pas me toucher, la vicieuse ! Je ne suis pas un sex-toy, Mademoiselle ! » (Fabien Tucci, homosexuel, s’adressant à une femme qu’il surnomme comme la chanteuse Rihanna, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, la Carole est décrite par Vincent Garbo, le narrateur homosexuel, comme « la Marionnettiste » (p. 178) : « La grosse Carole, pute géante à bras tentaculaires, est entourée de nabots besogneux, tous occupés à ses aises. Ils sont fourmis naines à côté d’elle. » (idem, p. 8) ; « Ma Vieille m’impressionne trop, d’une autorité que je n’explique pas, quasi surnaturelle. Elle vit dans un monde qui n’est pas le mien, plane à une hauteur de vue qui me rapetisse d’autant. » (idem, pp. 104-105). Dans le film « La Manière forte » (2003) de Ronan Burke, le couple de femmes lesbiennes ausculte comme une momie le corps d’Adam plongé dans un semi sommeil tourmenté, en enfilant les gants pour extraire le précieux liquide spermique qui leur donnera un enfant. L’une d’elle, au moment où Adam commence à se réveiller, parle de l’homme comme d’un objet : « Nom d’un chien. C’est normal que ça soit aussi éveillé ? » Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Élisabeth se présente à son frère Paul comme l’Ariane dont il ne doit surtout pas lâcher le fil. Dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, Lucie, l’héroïne lesbienne, surnomme son agent artistique Jean-Chri « Jiminy Cricket ». Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Strella, le héros transsexuel M to F, manipule sa figurine de Ken. Dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, les fées Preciosa et la Religieuse s’emparent d’Elliot. Dans la comédie musicale Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, la figure homo-érotisée de Victor Hugo est dirigée concrètement comme un pantin. Dans le film « La Fiancée du pirate » (1969) de Nelly Kaplan, Marie est une femme qui veut être libre et fait semblant de se soumettre aux hommes pour mieux les avoir sous contrôle. Dans le film « Friendly Persuasion » (« La Loi du Seigneur », 1956) de William Wyler, Jacques se fait manipuler physiquement par les femmes qui le courtisent (les trois filles hideuses de la veuve Hudspeth), qui se le passent comme un objet, un ballon de foot, après l’avoir observé d’un air médusé. Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, le lien entre les écrivaines-amantes Vita Sackville-West et Virginia Woolf est à plusieurs reprises décrit comme toxique et filandreux.

 

L’union de la géante et du pantin symbolise d’abord une invraisemblance (on assemble les contraires), un paradoxe, un mensonge : « Son histoire, c’est comme un 69 entre Adriana Karembeu et Passe-Partout : ça tient pas du tout debout. » (Jérémy Lorca dans son one-man-show Bon à marier, 2015)
 

Évidemment, la femme géante tirant les ficelles du héros homosexuel, étant mère ou actrice ou même amant(e), est figure d’inceste et de viol : « Lady Griffith aimait Vincent peut-être ; mais elle aimait en lui le succès. […] Elle se penchait avec un instinct d’amante et de mère au-dessus de ce grand enfant qu’elle prenait à tâche de former. Elle en faisait son œuvre, sa statue. » (André Gide, Les Faux-Monnayeurs (1997), p. 273) ; « Je me rappelle ma mère sous la douche. Elle avait une foufoune gigantesque. » (Nikki dans le film « Toy Boy » (2009) de David MacKenzie) ; « Ma mère, c’était peut-être pas un homme, mais c’était un génie. C’était une grande dame. » (Gabriele, le héros homo, s’adressant à son amie Antonietta, dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; « Ma mère travaille en usine en haut des fils en bobine. Dans les nuages, elle va, elle rêve. » (Rosa dans le spectacle musical Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi) ; « Tu te passionnes pour les mères des autres, les reines de France, leurs petits maris, et toute l’histoire du temps. » (Félix, le héros homosexuel du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 205) ; « Résolument tournée vers le masculin, cette femme [« la marquise »] prenait un plaisir très particulier, s’évertuant, malgré le goût vif qu’elle en avait, à les réduire à rien. Elle aimait à faire naître une passion qui lui permettait de les faire souffrir. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 211) ; « Comment te dire ? Je suis un vieux pantin en lendemain de fête, un vieux pantin entre les mains d’un enfant bête. » (cf. la chanson « En miettes » d’Oshen) ; « Elle avait, mon père n’avait pas cessé de le répéter, ce par quoi il était irrésistiblement attiré. Ce qui le rendait jaloux, possessif, fou. Elle avait en elle cette part de lui qu’il ne comprenait pas et qu’il ne comprendrait jamais. Elle avait le sexe sur sa figure, à en croire mon malheureux père. Elle avait le pouvoir. Et c’est pourquoi il l’avait emprisonnée les premières années de leur mariage. » (Omar, le héros homo parlant de son père et de sa mère, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 56) ; « Ils me croient trop petite pour le retrouver. Mais je suis maligne. Ses yeux seuls m’ont boudée. Il me paraît plus petit dans ce grand lit, le cœur démuni au sein de la colonie. » (cf. le poème « Le Dos d’un cœur » (2008) d’Aude Legrand-Berriot) ; etc. Par exemple, dans sa chanson « Les Liens d’Éros », Étienne Daho cite « La Vénus à la fourrure » de Leopold Von Sacher-Masoch en faisant référence à « une femme qui fait de l’homme son jouet et le piétine impitoyablement ». Dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015), Pierre Fatus nous fait croire qu’il a couché avec une femme… mais on découvre qu’il s’agit de sa mère biologique : « La première femme avec qui j’ai couchée : la bombe ! Avec des seins… »
 

Parfois, le héros homosexuel ne supporte pas d’être humilié et rabaissé. Il planifie sa vengeance contre la femme fellinienne : « Tu t’es créé un monde pour être la reine. Mais réveille-toi. Tu ne l’es pas ! T’es juste une lycéenne comme toutes les autres. Tu vas tomber de ton piédestal. Pour une fois, c’est moi qui te regarderai de haut. » (Juna, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Kanojo, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « C’est une petite poupée de chiffon. » (Juna parlant de son amante Rinn, idem) Par exemple, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Charlène, l’héroïne lesbienne, se soumet complètement à la fille dont elle est amoureuse, Sarah. Mais Laura, une amie de la mère de Sarah, désacralise le personnage et la fait descendre de son piédestal : « Elle n’est pas si impressionnante que ça, ta Sarah. » Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, décrit sa mère de 130 kg comme une géante monstrueuse.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

La géante manipulatrice :


 

Certains sujets homosexuels disent aimer une femme toute-puissante et immense : « Ce corps féminin sensuel et triomphant a quelque chose d’étrange quand il surplombe celui qui repose inanimé et recouvert. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 270) ; « Le soir, à table, je regardais les seins d’Anne Dubosc. […] Anne avait les seins relevés dans une dernière fureur, deux seins de métal blanc. J’en fus jaloux. » (Christophe Tison, Il m’aimait (2004), p. 37) ; « Une femme se cogne contre mon visage, sa main gantée se resserre sur mon bras […] Ses yeux m’attaquent, c’est exceptionnel […] » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 9) ; « J’adore les filles qu’on peut escalader. » (Lea Delaria, femme lesbienne, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; etc.

 

Par exemple, pendant le « prime » de l’émission The Voice 3 diffusée sur la chaîne TF1 le 22 février 2014, le chanteur homosexuel Mika présente la chanteuse Kylie Minogue (petite de taille) comme une géante (face à une Mélissa Bon qui complexe de se tenir droit parce qu’elle est grande de taille) : « Elle se tient comme un homme de huit pieds ! » Et lors de son concert à Paris-Bercy en avril 2010, Mika a choisi pour ses décors une femme géante, comme par hasard. Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent rencontre Betty, une grande blonde en boîte et lui sort : « Vous me plaisez. Je vous trouve moderne. Je vous trouve longue. » Il en fera sa nouvelle égérie. Dans son Autoportrait (1939), la photographe lesbienne Claude Cahun s’immortalise à côté d’un mannequin. Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, une femme géante nocturne vient annoncer à Bertrand Bonello dans son sommeil, en murmurant à son oreille, qu’il va mourir : « Répète après moi : ‘Je vais mourir d’un sectionnement des mains.’ »

 

FELLINIENNE Deneuve

 

J’ai remarqué chez mes amies lesbiennes un rapport très particulier à leurs seins et à ceux de leur(s) partenaire(s) sexuelle(s). À la fois elles les adorent ; et certaines complexent d’être plates, ou bien cherchent à le devenir en se faisant ôter les seins.

 

Cette tendance incestueuse et violente à célébrer une femme surdimensionnée est sociale et tout autant homosexuelle qu’hétérosexuelle. Elle est bisexuelle : cf. les publicités Kookaï avec les hommes miniatures soumis à des femmes géantes, le corset pointu de Madonna conçu par le couturier Jean-Paul Gaultier, le fameux lamé or de Marilyn Monroe, les collections de Thierry Mugler, la publicité de la Peugeot 205 (« On The Road again ») avec les autostoppeuses en cuir, les corsets-obus d’Yves Saint-Laurent, etc. « Pourquoi cette attirance pour les musées ? Il ne l’a jamais su. On passait des heures devant les agneaux à deux têtes. Il était bouleversé. Nous étions en plein syndrome de Stendhal. Ivres de beauté. Il voulait vivre là. À côté. Et moi j’étais là, sans savoir quoi faire. C’est dans un musée que j’ai senti que mon fils était un homme. (la voix-off de la mère de Bertrand, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud)

 

Publicité Kookaï

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« À Vienne, Gustave Klimt, à Paris, Regnault, le jeune prix de Rome ami de Mallarmé, Gustave Moreau dont c’est le cœur de la mythologie intime, à Londres Oscar Wilde et Aubrey Bearsley, en Allemagne von Stuck, en Belgique Delville, Toorop, Mellery ou Ferdinand Knopff : tous ont été obsédés par le thème de la femme destructrice. Ce ne sont qu’Hérodiades, Salomés et Judiths, que femmes thraces déchirant le corps d’Orphée ou contemplant rêveusement sa tête coupée. On retrouve, en costumes 1900, les mêmes redoutables et sataniques amazones dans les romans de l’époque : chez D’Annunzio (Il triomfo della morte), chez Pierre Louÿs (La Femme et le pantin) ou Octave Mirbeau (Le Jardin des supplices). L’homme – ou ce qu’il en reste : la tête, belle, douloureuse et asexuée – est donc chaque fois la victime d’une femme et comme prédestiné à l’être par ses aspirations célestes et sa nature ambiguë. » (cf. l’article « Monsieur Vénus et l’ange de Sodome : L’androgyne au temps de Gustave Moreau » de Françoise Cachin, Bisexualité et différence des sexes (1973), pp. 84-85) ; « Triomphe de la femme dominant un carnage de victimes masculines. Les héroïnes de Moreau sont fatales : les Érinnyes, Hélène de Troie, Salomé, inlassablement repeinte, Dalila, Circé, Lucrèce, Messaline, Lady Macbeth. » (idem, p. 88) ; « La Eva Duarte de Perlongher n’est pas la Evita de Perón. Elle est une princesse plébéienne qui distribue du ciel, non pas des couvertures, mais des portions de marijuana. Sa Eva est une déesse inoubliable, amazone péroniste, sortant ses griffes – induite de vernis à ongles Revlon –, qui hurle à la ‘trahison’ dès qu’on la touche et qui descend du ciel pour séjourner bordel en bordel. » (Introduction du recueil d’articles Prosa Plebeya (1997) de Néstor Perlongher, p. 10) ; « La macrogynophilie consiste à s’imaginer comme dans King Kong, mais à l’envers. C’est l’homme qui est lilliputien ! […]  Ce goût pour les géantes date d’ailleurs des années 1950 : les femmes occupent une place croissante dans la société. […] L’Américain Ed Lundt, 43 ans, est un pionnier du genre. Il rêve d’une femme inaccessible, plus monstrueuse que Godzilla. En 1988, il édite le premier magazine au monde uniquement consacré aux Giantess et des bandes dessinées où d’immenses créatures se font ‘escalader’. » (Agnès Giard, Le Sexe bizarre (2004), pp. 174-176) ; « J’eusse aimé vivre auprès d’une jeune géante. Comme au pied d’un arbre un chat voluptueux. » (Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal (1857), idem, p. 178) ; etc.

 

La cougar Madonna

La cougar Madonna (et le fameux corset de Jean-Paul Gaultier


 

Beaucoup de chanteuses lesbiennes ou les icônes gays friendly s’amusent à regarder l’homme enfermé dans sa boule de neige, dans son bocal ou dans son théâtre de marionnettes : cf. les chansons « It’s Raining Men » des Weather Sister, « Lui ou Toi » d’Alizée, « Tu nages » d’Anggun ou de Céline Dion, « Tchiki Boum » de Niagara, etc. « Je suis plutôt King Kong que Kate Moss, comme fille. » (Virginie Despentes, King Kong Théorie (2006), p. 11) ; « Los chicos son de molde y nosotras de corazón. » (cf. la chanson « Si Yo Fuera Un Chico » de Beyonce) ; etc.

 

Steven Cohen

Steven Cohen


 

Chez les personnes homosexuelles, cette tendance à s’identifier à une femme géante dominatrice et castratrice peut être l’expression d’un viol jadis vécu, ou bien d’un inceste avec la mère (biologique mais surtout cinématographique), voire d’un désir suicidaire de transidentité. « Wanda, le travesti, dansait, insouciante, avec Angelito. Géante, la crinière déployée, avec ses chaussures d’homme à talons aiguilles, c’était un monument de près d’un mètre quatre-vingt-dix qui se mouvait comme un serpent. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 83) ; « La Chola avait caché ses courbes dans une serviette et avait formé avec une autre un énorme turban. Celle qui enveloppait son corps était trop petite et l’autre, immense, lui donnait une apparence de géante. Elle portait, matin et soir, des talons aiguilles, toujours pailletés. […] À chaque pas, ses hanches chaloupaient et ses seins vibraient légèrement. […] La plantureuse voisine avait trouvé une autre solution, une autre religion, proposée par une secte qui, selon la Chola, s’appelait l’Église scientifique» (idem, pp. 187-188) ; « Ernestito parvint à ouvrir les yeux, à se décoller du matelas et à récupérer la liberté de ses mouvements. Tiré par un fil invisible, il se retrouva au pied du lit de sa mère. Cecilia [la mère d’Ernestito] dormait, un sourire aux lèvres. Il crut qu’elle ronflait. » (idem, p. 263) ; etc. Par exemple, l’artiste Niki de Saint-Phalle, après avoir été violée dans son enfance, sculpte des « Nanas » plantureuses et dominatrices.

 

Geri Halliwell (Spice Girls)

Geri Halliwell (Spice Girls)


 

Elles désirent inconsciemment être dominées par une femme forte, soit parce qu’elles ont été dominées par une figure maternelle imposante, ou bien parce qu’elles ont été maltraitées et veulent reprendre le dessus.

 

Inna Shevchenko, fondatrice des Femen

Inna Shevchenko, Femen


 

En figurant mentalement ou iconographiquement les femmes ainsi, c’est une manière aussi pour elles ne mettre la gent féminine réelle à distance. Et pour ce qui est des femmes lesbiennes, c’est une manière de se justifier d’exploiter les hommes réels (dans les cas par exemple d’« homoparentalité », où les hommes sont considérés comme des vaches à sperme). « Les mecs sont interdits… non… en fait, j’dis en déconnant. C’est une affaire de proportion. Il nous faut une part des garçons comme il nous faut une part d’handicapés dans les entreprises. (rires) » (Charlotte et Marion dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy dans l’émission Tel Quel diffusée sur la chaîne France 4 le 14 mai 2012)

 

Par exemple, selon les propres mots du peintre homosexuel Gustave Moreau adressés à Henry Rupp (Cahiers III, p. 25), la femme est bien l’incarnation du Mal (= Mâle = femme macho) : « Cette femme ennuyée, fantasque, se donnant le plaisir très peu vif pour elle de voir son ennemi à terre, tant elle est dégoûtée de toute satisfaction de ses désirs. »

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi

 

« Pour le psychanalyste Alfred Adler, l’orgueil que certains homosexuels tirent de leur ‘particularité’ représente la compensation d’un profond sentiment d’infériorité et d’insécurité vis-à-vis de la femme. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 198) Tout est dit.
 
 

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Code n°74 – Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois

femme vierge se faisa

Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée d’un bois

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

 

« Le prologue fut la clairière des chênes… »

 

Si je vous dis que la grande majorité des personnes homosexuelles se prennent pour une actrice de film d’épouvante que le destin a envoyée courir au fin fond d’une forêt noire où elle se fait violer un soir d’été ou de carnaval, vous me rirez au nez… et vous aurez bien raison ! C’est ridiculement vrai !

 

Elles célèbrent la femme-objet surtout en tant que martyre violée, d’abord à l’image, et parfois dans la réalité télévisuelle (pensons à Barbara, Dalida, Marilyn Monroe, Rita Hayworth, Édith Piaf, etc.). L’identification à la femme violée est un moyen pour elles d’exister et de se forger un destin maudit grandiose. Loin de s’insurger pour le triste sort réservé à la reine du carnaval, elles cristallisent la scène en estampe à imiter. Le viol est un fantasme esthétique homosexuel lié à la féminité fatale.

 

Cette poupée carnavelesque brûlée « vive » symbolise à mon avis deux choses : d’une part l’existence d’un fantasme de viol (chez la plupart des individus homosexuels ; parfois l’expression inconsciente d’un viol réellement vécu par une minorité d’entre eux) ; et d’autre part l’hypocrisie et la violence dramatique qui se cachent derrière la fête organisée socialement autour de l’homosexualité. La communauté homosexuelle met régulièrement en scène le viol cinématographique de leurs icônes féminines, non pour dénoncer le viol des femmes réelles, mais pour le magnifier et s’y identifier afin de cacher leur propre viol/fantasme de viol.

 

La scène du viol de leur actrice fétiche contient souvent les mêmes ingrédients : la femme vierge qu’elles adorent court comme une folle (c’est le cas de le dire !) et se fait violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois. Cette héroïne tragique se prend les pieds dans sa belle robe, est ridiculisée/honorée par les carcans de sa féminité (les talons hauts, les grandes robes à crinoline, la couronne de diadèmes de travers, les cheveux longs décoiffés, le maquillage qui coule, etc.).

 

Il ne s’agit pas d’un vrai viol, mais prioritairement d’une mise en scène de fantasme de viol. La majorité des personnes homosexuelles s’intéressent davantage à l’actrice qui singe l’agression qu’à la femme véritablement violée. Même les moins excentriques et efféminées d’entre elles adorent se mettre dans la peau de la « folle perdue » effarouchée, ayant de la peine à parler, feignant la fausse résistance pour qu’on la viole sans qu’on ait besoin de le lui demander, s’excusant mélodramatiquement d’avoir enclenché une situation cataclysmique, implorant le pardon pour sa conduite involontairement scandaleuse. Plus qu’un réel désarroi, ces personnes exhibent un fantasme de viol parce qu’elles le trouvent esthétiquement beau et émouvant, bien avant de le juger ridicule. Déjà très tôt, dans la cour de récréation, elles aimaient particulièrement les filles qui criaient au viol pour un oui pour un non, et qui prenaient la fuite (…en ralentissant un peu pour vérifier qu’elles étaient bien poursuivies par les garçons) en n’attendant qu’une chose : qu’on leur soulève la jupe. En particulier beaucoup d’hommes gay, dans leur jeunesse, se prenaient vraiment pour ces filles-là. Au lieu de leur courir après, ils se sont joints discrètement à leur course. Ils voulaient que le loup les attrape pour le simple plaisir d’avoir eux aussi le droit de pousser le cri-qui-tue : « Au viol !!! », cri qui leur était injustement interdit parce qu’ils étaient nés garçons.

 

FORÊT 1 Noir et blanc

Film « Les Amoureux » de Mai Zetterling


 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Reine », « Destruction des femmes », « Putain béatifiée », « Prostitution », « Milieu homosexuel infernal », « Matricide », « Actrice-traîtresse », « Femme-Araignée », « Femme allongée », « Emma Bovary « J’ai un amant ! » », « Violeur homosexuel », « Homosexuel homophobe », « Vierge », « Oubli et amnésie », « Jardins synthétiques », « Cour des miracles homosexuelle », « Funambulisme et somnambulisme », à la partie « Carnaval » du code « Clown blanc et masques », à la partie « Jeu virant au drame » du code « Jeu », et à la partie « Cris de l’actrice de film d’épouvante » du code « Viol », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Viol dans la forêt :

L’histoire du désir homosexuel commence dans une forêt. « Le prologue fut la clairière des chênes. », comme nous l’indique à juste propos Elisabeth Taylor dans le film très homophile « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, où l’homosexualité du héros homosexuel, Sébastien, est mystérieusement illustrée par un cauchemar de sa cousine, Catherine (Elisabeth Taylor) dans lequel elle se met dans la peau d’une femme vierge violée dans une forêt un soir de carnaval.

 

Film "Suddenly Last Summer" de Joseph Mankiewicz

Film « Suddenly Last Summer » de Joseph Mankiewicz

 

En général, la forêt est d’abord associée par le personnage homosexuel à une femme, une actrice maternelle : « La femme-araignée m’a montré du doigt un chemin dans la forêt… » (Molina, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 264) ; « Tiens, voilà la vieille qui passe là-bas. Tiens, voilà la vieille qui sort du grand bois. Ah ! Quelle merveille, La vieille, la vieille. Ah ! Quelle merveille, cette vieille-là… » (cf. la chanson « La Vieille » de Charles Trénet) ; « Je croyais que ma vraie mère, c’était Marie Laforêt. » (Stéphane, le personnage gay de la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar) ; « J’aime une forêt. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 150) ; « J’ai 600 ans. Ma mère était sorcière. […] Ma mère a été brûlée vive, et moi bannie. Mais avant qu’elle ne périsse, elle m’a fait jurer de rendre cette forêt à jamais maudite. Que ceux et celles qui y rentrent d’en ressortent jamais. […] Promettez-moi une chose. Si je vous dis de courir, de fuir la forêt sans vous retourner, faites-le, sans discuter. » (la mystérieuse Sévéria s’adressant à Ariane, la sœur du héros homosexuel Hector, dans la forêt, dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, évoque « son récent désir des forêts » (p. 143). Le bois est donc signalé inconsciemment comme un lieu d’origine. Et cette origine, c’est souvent la sexualité, et plus particulièrement la sexualité violente. Par exemple, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah et Charlène, les deux amantes, se retrouvent à parler de leur dépeculage dans un bosquet. Sarah dit que « la première fois, ça ne se passe jamais bien. Charlène lui rétorque qu’elle ne l’a jamais fait avec un homme. Puis elles entendent un bruit de bête sauvage effrayante qui les fait quitter précipitamment le lieu, terrorisées.
 

On retrouve le thème du viol en lien avec la forêt dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (Paul est enterré par sa sœur Élisabeth dans une forêt), le roman Les Bienveillantes (2006) de Jonathan Littell, la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard (dans laquelle la mère de Dzav  est prostituée au Bois de Boulogne), le film « J’aimerais j’aimerais » de Jann Halexander, le film « Marche triomphale » (1976) de Marco Bellocchio, la pièce Nightwood (1936) de Djuna Barnes, le film « Saint » (1996) de Bavo Defurne (avec le saint Sébastien gay tué collectivement dans une forêt), la nouvelle « Trahison de la forêt » (1904) de Renée Vivien, le film « Je t’aime, je te tue » (1971) d’Uwe Brandner, le film « Chasse à l’homme » (2010) de Stéphane Olijnyk, le film « Amnesia » (2005) de Denis Langlois, la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier, le film « Brigade des mœurs » (1984) de Max Pécas, le film « Lesbian Psycho » (2010) de Sharon Ferranti (avec les meurtres de lesbiennes à répétition lors d’un camping sauvage), le film « Dreamwood » (1972) de James Broughton, les pièces La Nuit juste avant les forêts (1977) et Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès (avec Fatima violée dans le jardin), la pièce Guantanamour (2008) de Gérard Gelas (avec Fadia égorgée dans une forêt), le film « Reflections In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec Williams nu dans la forêt, espionné par le Major), le film « Les Trois Souhaits » (1999) de Rudolph Jula, le film « The Singing Forest » (2003) de Jorge Ameer, le roman Forêt haute mortelle randonnée (2002) d’Eyet-Chékib Djazari, le roman Ma Forêt Fantôme (2003) de Denis Lachaud, le film « Le Frère du Guerrier » (2002) de Pierre Jolivet, le spectacle musical La Bête au bois dormant (1997) de Michel Heim, le film « The Woodsman » (2004) de Nicole Kassell, le film « Amants criminels » (1998) de François Ozon (avec Luc violé dans une forêt), le film « Promenons-nous dans les bois » (1999) de Lionel Delplanque, le film « Un Chant d’amour » (1950) et la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet, le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude (où des meurtres ont lieu dans la forêt), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec Madeleine, la rousse vierge violée dans un bois par des hommes masqués), le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye (avec le suicide de Wang Ping dans la forêt), la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo), le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio (avec la peur d’entrer dans la forêt), le film « Les Fraises des bois » de Dominique Choisy, le film « Chaleur humaine » (2012) de Christophe Predari, le film « Tchernobyl » (2009) de Pascal Alex-Vincent, la chanson « Imprudentes ! » de Georgius, etc.

 

Par exemple, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Bernard fait son coming out à Didier au moment du dessert… qui est une forêt noire ! Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, la forêt est le lieu de l’incitation au sexe, de la tentation amoureuse interdite et clandestine. Engel a établi un code pour inviter à l’acte homo son collègue de travail puis amant Marc : il propose le footing en forêt (« Une virée en forêt ? » ; « Mais si tu as quand même envie de courir… »). Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, c’est au moment où Rachel, l’héroïne lesbienne mariée à un homme Heck qu’elle n’aime pas et découvrant son homosexualité, emmène Heck dans une forêt pour qu’il la baise sauvagement. Non seulement ce dernier ne s’exécute pas, mais en plus le couple marié tombe sur deux mecs homos batifolant derrière un arbre.

 

Film "Lesbian Psycho" de Sharon Ferranti

Film « Lesbian Psycho » de Sharon Ferranti

 

Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Audrey, l’agresseur homophobe qui se fait passer pour ami, entraîne son pote homo Anton dans la forêt russe avant de le faire tabasser par ses potes. Il le prévient d’abord : « La forêt n’est pas l’endroit le plus sûr. » Sur son conseil, il le fait courir, avant de le mater se faire rouer presque mortellement de coups.
 

En général, dans les fictions homo-érotiques, la forêt fait peur : « Nous [les Rats] décidâmes à l’unanimité que cet endroit n’était pas le nôtre. » (Gouri dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 130) Elle apparaît comme le lieu d’un viol ou de la mort : « Plus les nœuds se resserrent autour de son corps et plus l’imagination de Clara s’envole. Elle se retrouve alors nue à l’orée d’un bois. » (cf. le film « Belle de nature » (2009) de Maria Beatty) ; « Il était une fois, au cœur d’une forêt sombre et mystérieuse, un loup féroce qui dévorait tous les voyageurs qui s’y aventuraient. » (Isabelle racontant une histoire à Félix, le héros homo, dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « Chloé avait du sang entre les dents quand on l’a retrouvée inanimée dans la forêt de Sénart […]. Elle avait reçu un mauvais coup sur la tête, sans doute d’un homme qui en voulait à son corps. » (la narratrice lesbienne parlant de sa compagne, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 136) ; etc. Le film « L’Arbre et la Forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau démarre précisément par une scène de ballade en forêt, pendant laquelle Frédérick, le protagoniste homosexuel, revit un terrible traumatisme : en tombant nez à nez avec le chien d’un promeneur qui lui rappelle son passage dans les camps de concentration nazis. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Matthieu s’est tué en voiture contre l’arbre d’une forêt. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany (le héros homosexuel) et son grand frère Ody sont contraints de fuir dans une forêt, parce Dany a tiré à l’arme à feu sur ses agresseurs homophobes. Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, fait un cauchemar où il voit son amant Kevin sodomiser Samantha dans un jardin en pleine nuit.

 

Film "Mezzanotte" (2014) de Sebastiano Riso

Film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso


 

Dans le roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, l’allusion à l’avortement se lit entre les lignes de la métaphore de la vierge au bois violée : « La dame en noir […] Devais-je, ne devais-je pas ? là était la question ! Pressée, pressante et autoritaire, la mort ne me laissa pas le temps de répondre, elle m’inséra la tige glacée qui commençait un curieux voyage à travers la nuit de mon plus intime intérieur. […] Étais-je morte ou semi-consciente ? Je ne sais plus. Je me souviens uniquement d’un rêve, un simple songe qui occupa toute la nuit. […] et le rêve recommençait, semblable au précédent. J’étais dans une clairière brûlée par le soleil du mois d’août. […] Pas de surprise, qu’un terrain défraîchi. Autour de lui, une forêt dense respire bruyamment. Le chant des arbres qui saignent m’appelle, sans crainte, j’abandonne alors la clairière. […] la clairière était ma chambre, triste mais tranquille, la forêt était au-delà de mes murs ; cette forme obscure, ombre habile et trompeuse était l’idée vraie d’un goudron qui avait eu le pouvoir de m’asphyxier ! la serre bruyante avait un attrait irrésistible mais son sol renfermait un monstre noir auquel personne ne pouvait échapper. Pas même le soleil ! […] Ce matin, plus de trace de la mort. Enfuie avec la nuit, mes rêves et mon soupir, elle m’a abandonnée sans espoir de la revoir. » (pp. 108-114)

 

Le viol sylvestre dont parle l’homosexuel ou la lesbienne se fait dans un contexte de drague homosexuelle, de prostitution, ou même parfois d’amour conjugal homo : « Je suis dans la forêt. Et j’y resterai tant que je ne t’aurai pas vue. » (Rinn, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « Ça, c’est la forêt. Ça, c’est encore la forêt… » (Diane, tout pendant qu’elle feuillette tranquillement un album d’aquarelles, alors qu’elle vient de faire interner son fils homo, Steve, en hôpital psychiatrique, dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan) ; « J’avais dix-huit ans, j’étais vierge et j’en avais assez de sublimer en rêvant dans mon lit à des êtres inaccessibles ou en tripotant dans l’ombre des parcs publics des corps fugitifs qui n’étaient pas là pour l’amour mais pour la petite mort qui dure si peu longtemps et qui peut être triste quand elle n’est agrémentée d’aucun sentiment. » (le narrateur homosexuel dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 25) ; « Les jardins du Sacré-Cœur sont bien gardés par les flics ! Vous ne me faites pas peur ! » (Pédé dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Gare à tes fesses Mathilde. Je vais te voir, je vais t’avoir, à moi, rien qu’à moi ! Un, deux, trois, nous irons au bois. […] Mes mains te dévorent. Je te bouscule contre un arbre. […] J’aime ma violence. » (la voix narrative lesbienne dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 153) ; « Dors, dors, petit méchant loup… nous irons demain cueillir des fraises… dans les bois de Saint-Amour ! » (Louise au jeune garçon de Jeanne, dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « Promenons-nous dans les bois pendant que l’amour n’y est pas. » (cf. la chanson « Plus fort que moi » du groupe Cassandre) ; « On n’est pas obligé de finir dans les bois comme des putes. » (Polly, l’héroïne lesbienne à son pote homo Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 32) ; « Ariane, j’ai bien lu ton dernier mail. Je ne suis pas surpris par ce que tu m’as dit. Et j’ai eu peur que tu m’en veuilles. Je savais que tu aimais Arsène mais qu’au fond de toi… (soupir). Qu’est-ce que ça a dû être dur pour toi, ma sœur adorée, de cacher la vérité. Mais maman aussi, elle doit savoir. Arsène et moi, on se donnait des rendez-vous secrets dans la forêt des Charniers. Des fois, j’y vais seul. Je sais que c’est une folie. Cette forêt, elle est fréquentée par des toxicos, des néo-nazis, des pédés comme moi. Et il y a autre chose. Il y a quelque chose de plus étrange qui m’attire là-bas. Tu sais, c’est un lieu chargé d’histoires tellement sordides… où le sang a coulé… Tu sais, petite sœur : la peur, elle peut faire naître en nous bien des choses. » (cf. les premiers mots de Hector par rapport à son amant Arsène, à sa sœur Ariane, dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) ; « Le lendemain, je reçus de nouveau la visite de ma petite voisine [âgée de 14 ans]. Elle avait mis dans ses cheveux de jolis rubans roses et portait une robe marron. Elle était apprêtée comme pour un dimanche. Je la sentais nerveuse, impatiente, elle d’ordinaire si calme. Sans attendre, elle me demanda si je voulais aller me promener dans la forêt. Le temps n’était guère favorable, on entendait au loin les grondements de l’orage. Ma curiosité piquée au vif, je me demandais ce qu’elle avait pu comploter la nuit durant. Après m’être assez couverte pour affronter les intempéries, je l’accompagnai vers la forêt, dans un silence total. Je la sentais tendue, contrariée presque, et pourtant déterminée. Je pressai le pas vers ce mystérieux rendez-vous, sans en connaître ni le lieu ni le motif. Soudainement, avec l’audace qu’ont par instants les timides, elle me dit qu’elle ressentait un besoin pressant. Elle se dirigea vers une petite clairière. Comme la veille, elle s’accroupit en soulevant sa robe, mais cette fois elle se retroussa tout à fait. Elle me dit : ‘J’ai écouté ce que vous m’avez recommandé hier, je fais attention à ne pas me souiller.’ Je la vis bien écarter les jambes. Elle pissait un peu, se montrer à moi était son seul dessein. Quand elle eut fini, je sortis un mouchoir de ma manche et m’approchai d’elle. Elle s’était fait comprendre, et elle me regarda avec un air de soulagement puis de ravissement. Tout doucement, je passai le tissu sur sa fente. Je sentais son souffle sur ma nuque et, quand je la regardais dans les yeux, je voyais comme de la reconnaissance. Je laissai tomber à terre le petit mouchoir, et avec ma main d’abord, puis mes doigts, je la caressai. Bientôt, il y eut un autre genre de mouillé, et mon doigt glissait comme s’il était enduit de la meilleure huile. Il y en eut plus que je n’aurais pu le penser. D’un coup, elle était comme en transe, au plus fort de l’émotion inattendue qu’elle avait reçue. Mes doigts continuaient en cadence de la caresser, bien que le mieux pour elle fût passé. Me servant alors de mon plus petit doigt comme les hommes d’autre chose, je décidai d’aller avec elle plus avant. Je m’approchai davantage pour, comme j’en avais l’envie, donner à ma bouche le plaisir qu’elle préfère, quand l’orage éclata, inondant d’un coup nos corps en entier. Ne voulant pas tout perdre, je ramassai le mouchoir et le passai entre ses cuisses, puis le rangeai aussitôt, bien à l’abri dans ma manche. Avec mon aide, elle se rajusta. On se mit à courir au plus grand train possible en direction de la route. La voiture d’un voisin s’arrêta et nous ramena chacune chez nous. Ce fut d’abord elle qui descendit. Je vis sa mère ouvrir la porte de la maison. Un signe de la main… Et bonsoir… » (Alexandra, l’héroïne lesbienne adulte, violant la gamine de 14 ans, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 24-26) ; « Loup y es-tu ? Que fais-tu ? » (Steeve, le psychopathe homosexuel tuant un jeune homme dans une forêt urbaine, dans le film « Cruising », « La Chasse » (1980) de William Friedkin) ; « Oui, j’ai fait carrière au bois… » (la mère transgenre dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Bande de faux-culs, vous les bourgeois ! Vous êtes les premiers à défiler dans les manifs ‘Les pédés au bûcher !’, mais on vous voit dans les bois ! » (Herbert, homosexuel, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « Tu devrais rentrer chez toi. C’est pas un endroit pour toi. » (Serge rencontrant pour la première fois son jeune amant Victor dans un parc parisien plein de prédateurs, dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, Benji a un rencard « sexe » avec un homme aux « toilettes près du bois, la première porte au fond ». Dans la chanson « 1er novembre (Le Fruit) » du Beau Claude, le chanteur fait une rencontre amoureuse dans une forêt le Jour de la Toussaint : « Le frisson de tes pas électrise les feuilles. » Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, « avoir l’appel de la forêt » signifie avoir envie de se prostituer et de « se faire sauter » : Zize, travesti M to F, relooke Claire, sa « nièce hideuse », comme une pute et la laisse sur un parking pour qu’elle fasse son apprentissage de la sexualité. Dans le film « L’Hôtel des Amériques » (1981) d’André Téchiné, le jeune postier, draguant dans les sous-bois, se fait tabasser. Dans le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Michel est l’homme qui court dans la forêt et qui s’y fera tuer. Dans le film « Teens Like Phil » (2011) de David Rosler et Dominic Haxton, l’amitié entre Phil et Adam sera détruite après un événement inattendu dans un parc, qui va plonger les deux garçons dans l’autodestruction et la violence. Dans certaines nouvelles d’Essobal Lenoir, la forêt est montrée comme un lieu de drague homosexuelle idéal mais dangereux : « La présence incongrue d’un landau, faut-il le dire ? au beau milieu de ce chemin verdoyant, à la lisière de cette forêt vouée depuis des lustres aux sabbats des pédérastes de toute la région […]. ‘Que fait cet homme sans femme, avec ce bébé, parmi toutes ces tantes ?’ se demandait le fils. […] Toutes ces lopettes allaient l’attaquer, lui voler son bébé ou le violer pendant qu’il dormait. » (cf. la nouvelle « À l’Ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 30-31) D’ailleurs, dans la nouvelle « Les Garçons Danaïdes » (2010), Pascal s’y fait violer : « Nous progressions au pas dans une forêt sauvage, silencieuse, menaçante, d’obscurs voyous dont nous ne voyions luire au feu des phares et des rares réverbères que les étranges diadèmes de rangées de dents d’ivoire et d’or en couronnes. […] Succédant à la troupe humaine, une meute de chiens galopait à notre rencontre. Il était trop tard pour arrêter. » (p. 101) Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, le groupe de prostitués homosexuels vivent dans les parcs de Catano, comme des clochards, et font l’objet de descentes policières fréquentes.

 

Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, la forêt est un lieu de mort, où l’on jonche des cadavres et où se trouve une sorcière nommée « l’Avorteuse ». C’est le lieu du crime homophobe : Herbert y est tué par un adversaire homo, Guy.
 

Dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander, Hector Da Silva, le héros homosexuel, est retrouvé mort, mystérieusement assassiné dans la Forêt des Charniers ; sa sœur, qui visiblement avait un lien incestueux avec lui, et qui mène l’enquête dans cette même forêt, est aussi obligée de s’enfermer dans les toilettes publiques d’une clairière parce qu’elle est poursuivie par trois violeurs.

 

La forêt donne même à l’amant homosexuel habituellement aimé un visage de violeur. Par exemple, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, quand Esti et Ronit se retrouvent toutes les deux pour la première fois dans un bosquet et qu’elles sont prêtes à se dire leur amour, Ronit dit à Esti qu’elle « a l’air d’un tueur en série » (p. 139) ; « Esti a reculé d’un pas. La moitié de son visage a disparu dans l’ombre. Autour de nous, les arbres bruissaient et bourdonnaient. » (idem, p. 143) Dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, le pacte diabolique entre Brittomart et Fabien se fait à proximité d’une forêt urbaine : « Il se tut ; leurs pas se ralentirent et ils quittèrent l’avenue pour s’engager dans un petit bois. ‘Arrêtons-nous, dit l’homme quand ils eurent atteint une clairière. Le silence est ici d’une profondeur admirable. Il semble que la nuit nous tienne dans ses mains refermées. Personne au monde ne saurait dire où nous sommes.’ » (p. 73) Dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, au moment où Sylvia propose à Laura de coucher avec elle pour la première fois, celle-ci vit un trouble : « Je reposai sur la table le papier à cigarette avec son petit tas de tabac. J’étais totalement désorientée, comme perdue dans une forêt obscure mais chaude et humide et embaumant le jasmin. Sans un regard vers elle, je me levai et allai tirer les rideaux, tout en murmurant : ‘Nel mezzo del cammin di nostra vita, Mi ritrovai per una selva oscura.’ Je me déshabillai dans la plus grande confusion. Je ne savais plus où j’en étais. » (p. 35) Dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, après avoir vu la nudité violente d’un homme transsexuel M to F portant une chevelure de rousse, un jeune chasseur, traumatisé, tente de fuir en courant la forêt mais fait tomber son fusil et finit par se métamorphoser en cerf.

 

La forêt est le lieu de la confrontation amoureuse fatale. Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar tue son amant Khalid dans une forêt (la Mamora, la plus grande forêt du Maroc) : « À l’intérieur de cette forêt noire, […] Khalid a eu une idée surprenante. Il oubliait visiblement, de plus en plus, qui il était et surtout qui était son père. La forêt juste devant nous, proche, très proche, la foule derrière nous, abandonnée, nous avons repris notre conversation à la fois sérieuse et folle. Et, cette fois-ci, c’était moi qui avais du mal à suivre, à être à la hauteur. » (Omar, p. 123) ; « L’heure de la vengeance avait sonné. La forêt n’était plus la forêt. Je n’étais plus dans la forêt. Khalid devait payer un jour à l’autre. » (idem, p. 128) ; « Un autre jeu, entre nous, allait commencer. Mais ce n’était pas vraiment un jeu. Nous avons vite compris que dans la forêt les jeux n’avaient pas le même sens ni le même goût qu’ailleurs. » (idem, p. 137) ; « Dès les premiers mots, j’ai su que ce que nous venions de vivre intensément ensemble, cet échange, cette fusion, cette transformation, ce pacte, cette forêt noire […]. » (p. 165) Et juste après son homicide, Omar se maquille en femme-objet violée : « Les pieds nus j’ai marché dans la forêt. À la main droite un rouge à lèvres. Chanel. Il était neuf. Il venait de Paris. […] Maintenant, sur cette route, au milieu de la forêt, je sais. Maintenant que la nuit va partir, ce crime va revenir et son souvenir sera atroce. » (idem, p. 178)

 

Film "L'Inconnu du lac" d'Alain Guiraudie

Film « L’Inconnu du lac » d’Alain Guiraudie

 

Parfois, dans cette forêt, le héros tombe sur le diable. Celui-ci le viole, et le transforme en « Homme nouveau », autrement dit en homosexuel : cf. la nouvelle El Bosque, El Lobo Y El Hombre Nuevo (1991) de Senel Paz, le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, etc. Par exemple, dans le one-man-show Parigot-Brucellois (2009) de Stéphane Cuvelier, « Big Demon » est le nom du prostitué transsexuel du Bois de Boulogne.

 

Aux yeux de la victime ( ?) homosexuelle, ce choc sexuel – qu’elle appellera « dépucelage » – est une révélation : « Raconte-moi les bois ! » (Dick, l’homosexuel violé, à Max, dans la pièce Penetrator (2009) d’Anthony Neilson) Dans le film « Notre Paradis » (2011) de Gaël Morel, Vassili rencontre Angelo, un autre compère prostitué, inanimé dans le Bois de Boulogne ; celui considère ce nouvel amour homosexuel, connu après l’agression, comme une véritable seconde naissance : « Je suis né il y a quelques jours dans un bois. Et tout qui s’est passé avant ça compte pas. »

 

L’amalgame de la forêt avec le viol qu’opère souvent le personnage homosexuel ne repose pas systématiquement sur un viol réel. Il peut renvoyer symboliquement chez lui à une peur panique (enfantine et humaine) de la sexualité dans sa globalité. Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, se refuse à Martin, un prétendant masculin qui la respecterait, parce qu’elle veut garder pour elle le confortable état virginal de l’Ève damnée et écartée définitivement du Jardin d’Éden, et surtout cristalliser les images du viol sylvestre (la fameuse « scène primitive » dont parlent certains psychanalystes) qu’elle a vu et empêché étant petite : « Stephen avait erré jusqu’à un vieux hangar où l’on rangeait les outils de jardinage et y vit Collins et le valet de pied qui semblaient se parler avec véhémence, avec tant de véhémence qu’ils ne l’entendirent point. Puis une véritable catastrophe survint, car Henry prit rudement Collins par les poignets, l’attira à lui, puis, la maintenant toujours rudement, l’embrassa à pleines lèvres. Stephen se sentit soudain la tête chaude et comme si elle était prise de vertige, puis une aveugle et incompréhensible rage l’envahit, elle voulut crier, mais la voix lui manqua complètement et elle ne put que bredouiller. Une seconde après, elle saisissait un pot de fleurs cassé et le lançait avec force dans la direction d’Henry. Il l’atteignit en plein figure, lui ouvrant la joue d’où le sang se mit à dégoutter lentement. Il était étourdi, essayant doucement la blessure, tandis que Collins regardait fixement Stephen sans parler. Aucun d’eux ne prononça une parole ; ils se sentaient trop coupables. Ils étaient aussi très étonnés […] Stephen s’enfuit sauvagement, plus loin, toujours plus loin, n’importe comment, n’importe où, pourvu qu’elle cessât de les voir. Elle sanglota et courut en se couvrant les yeux, déchirant ses vêtements aux arbustes, déchirant ses bas et ses jambes quand elle s’accrochait aux branches qui l’arrêtaient. » (Stephen encore enfant, pp. 38-39) ; « Elle vit Martin se promenant parmi de sombres places vertes… il lui était facile d’imaginer son existence dans les forêts lointaines, une vie d’homme embellie par le danger, chose primitive, forte, impérieuse… une vie d’homme, la vie qui aurait pu être le sienne… Et ses yeux s’emplirent de lourdes larmes de regret, encore qu’elle ne sût pas tout à fait pourquoi elle pleurait. Elle savait seulement que le sentiment aigu d’une grande perte, un sentiment aigu d’imperfection la possédait, et elle laissa les larmes couler sur ses joues, les essuyant du doigt à mesure qu’elles tombaient. Elle vint à passer près du vieux hangar où elle avait vu Collins dans les bras du valet de pied. »

 

Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Dianne et son frère homo Phil courent dans une forêt. Et cette forêt est vraiment à l’image de la sexualité du héros : un mélange d’inceste (avec sa mère, sa meilleure amie et sa sœur) et de destruction (à l’âge adulte, la forêt est dévastée par un violent orage).
 

La forêt est aussi lieu à la fois du viol réel et du viol fantasmé, désiré. Par exemple, dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, il suffit d’écouter Éric raconter sa première expérience sexuelle avec une fille (une expérience ratée qui le conduit à se retrancher vers l’homosexualité) pour comprendre que la forêt homosexuelle qui fait tant peur peut être une symbolisation du sexe touffu de la femme, ou une métaphore de l’arrivée précipitée dans le monde de la génitalité-sans-amour : « Un film, vieux de plusieurs décennies, se déroula dans sa tête. Éric devait avoir 16 ou 17 ans, lorsqu’au détour d’une dune, en Bretagne, durant les grandes vacances, il s’était perdu dans un fourré, en compagnie d’une amie un peu plus âgée que lui. Ils s’étaient éloignés de leur campement. […] La jeune fille, qui s’appelait Julie, l’attira peu après dans la clairière d’un petit bois et, se transformant soudain en Érynnie, lui arracha les vêtements, le forçant à se débattre, mais, plus rapide, et surtout plus agile que lui, elle parvint à le maîtriser et à lui faire perdre sa virginité. C’était un souvenir douloureux. À la fois surpris et humilié, Éric se jura de ne plus jamais s’y laisser prendre. Ce fut la première et la dernière relation physique qu’il eut avec une femme. Cet événement fut-il à l’origine de son homosexualité, ou celle-ci couvait-elle déjà en lui depuis sa plus tendre enfance ? » (pp. 9-10)

 

Dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa, l’humoriste bisexuelle, raconte comme elle a rencontré une première fois le prince charmant dans une forêt, un homme qui l’a laissée tomber pour au moins 30 ans.

 

Il n’est pas anodin que la forêt dans les œuvres homo-érotiques soit également le lieu de l’auto-viol (autrement dit de l’homoviol onanique) : cf. le film « Le Roi de l’évasion » (2009) d’Alain Guiraudie (avec Armand, le héros homosexuel, courant dans la forêt et s’y masturbant), le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs (avec Erik se masturbant dans la forêt) ; etc. « Je rêve pour sortir du bois, pour ma toute première fois… [d’une branlette] » (un des personnages homos de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel)

 
 

b) Je suis une gentille, et je suis poursuivie par un méchant

« C’est dans la nuit de Rébecca que la légende partira. » (cf. la chanson « Trois nuits par semaine » du groupe Indochine)

 

Film "Blanche-Neige et les 7 nains" de Walt Disney

Film « Blanche-Neige et les 7 nains » de Walt Disney

 

Pour rentrer dans la forêt maudite, c’est souvent que le personnage homosexuel se met dans la peau d’une femme vierge. Il désire incarner une figure allégorique qui le tient beaucoup à cœur : celle de la Fugitive, de la Folle perdue. « Y’a toujours ce moment fatidique qui te revient où l’homme en moi a l’angoisse de se retrouver paumé dans la forêt comme le Petit Chaperon rouge ou Blanche-Neige. » (Jarry dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Ne pars pas dans les bois toute seule : tu vas te faire violer ! » (Hugues, le héros homosexuel, s’adressant à sa femme Catherine, qui finira par croiser dans la forêt un homme diabolique avec « une tête de fou, démoniaque, le sexe à l’air », dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; etc.

 

Cette fugitive joue la femme pure que la sexualité ne touchera jamais ou ne touchera que brutalement : « C’est là le problème ! Aujourd’hui il y a des hommes qui se sont posés sur mon arbre. Tu te rends compte ? Justement mon jour de lessive ! » (Jeanne à son amie Louise dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi, p. 37)

 

Dans la série des fictions représentant des vierges homosexuelles courant dans une forêt, vous avez le film « Alice In Wonderland » (« Alice au pays des merveilles », 2010) de Tim Burton (avec Alice courant dans la forêt), le vidéo-clip de la chanson « Run » de Leona Lewis, le vidéo-clip de la chanson « Ma Révolution » de Cassandre (avec la femme violée courant dans la forêt), le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne (avec une Aurore avançant dans une forêt virtuelle), le film « The Others » (« Les Autres », 2001) d’Alejandro Amenábar (avec Nicole Kidman en femme haletante et perdue dans un bois), le film « La Meilleure façon de marcher » (1975) de Claude Miller (avec Philippe courant dans la forêt), le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore (avec Steven courant dans une forêt après avoir été attaqué), le film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma (avec Laura courant dans la forêt, comme damnée par son mensonge identitaire honteux), le film « Wild Side » (2004) de Sébastien Lifshitz (avec Mikhail courant dans la forêt), la pièce Les Divas de l’obscur (2011) de Stephan Druet (avec les femmes hystériques enfermées dans un hôpital psychiatrique au cœur d’une forêt), le film « The Cream » (2011) de Jean-Marie Villeneuve (deux amants se courent après dans une forêt), le film « Homophobie » (2012) de Peter Enhancer (filmant un homme qui court vers son amant… mais on a l’impression qu’il va l’agresser), le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska (avec le père Adam, secrètement homosexuel, courant dans la forêt), etc.

 

La fugitive – ou le personnage homosexuel qui s’y identifie – ne court pas nécessairement dans une forêt, d’ailleurs. Il court tout court ! : cf. le roman Courir avec des ciseaux (2007) d’Augusten Burroughs, les nouvelles « La Prisonnière » (1925) et « La Fugitive » (1927) de Marcel Proust, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato (avec la princesse en robe qui court comme une dératée), le film « In & Out » (1998) de Franz Oz (avec la mariée à qui il n’arrive que des catastrophes qui viennent gâcher son rêve de princesse), le film « Sara préfère la course » (2013) de Chloé Robichaud, le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, etc. « Je cours, je cours. Sans respirer. Puis je tombe. Des gens rient. » (Khalid dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 10) ; « Je courais, je courais, je courais. Mais pourquoi ? » (Franz, le héros homosexuel racontant un de ses rêves érotiques, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Nous courions sur le chemin du collège, dans la chaleur impitoyable de l’après-midi. Qui allait arriver le premier ? Moi, bien sûr. Comme toujours. Moi, le plus fort. Moi, le garde du corps. Moi, parce que c’est ce que je savais faire mieux que Khalid. Courir. Courir. Courir. Depuis le début de notre amitié, de notre histoire. Courir à en mourir. » (Omar parlant de son amant, idem, p. 83) ; « Elle se met à marcher comme une folle dans tout Paris, elle est bouleversée par la mort du pauvre jeune homme […] elle continue à marcher dans Paris, et les peintres qui peignent sur les trottoirs la regardent, parce qu’elle marche comme une folle, la pauvre, comme une somnambule… » (Molina, le personnage homosexuel, parlant de Lénie, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 81) ; « Une barrière me séparait de mes camarades. Je n’avais pas le droit de shooter comme eux dans un ballon, ni de courir comme une folle dans la cour. » (Corinne dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 214) ; « Essoufflée, la jeune femme arrive à une cabine téléphonique. » (Anne-Catherine poursuivie par la Guilde, dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, p. 311) ; « Le clocher se dressait, haut et menaçant, au-dessus des tombes, tel un instrument de vengeance. Il ne manquait qu’une fille terrifiée courant dans l’allée en chemise de nuit pour la transformer en véritable affiche de film d’épouvante. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 72) ; « Je marche dans Babel et dans ses dédales. » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; etc.

 

Film "The Gay Bed & Breakfast Of Terror" de Jaymes Thompson

Film « The Gay Bed & Breakfast Of Terror » de Jaymes Thompson

 

Le personnage homosexuel aime visiblement courir, et envisage la fuite de la vierge menacée de viol comme un esthétisme sublime. Par exemple, dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, Catherine est la femme courant « comme si elle avait une bande de loups de Sibérie à ses trousses ». Dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque, La Schtroumpfette tourne dans des films d’épouvante. Dans la chanson « Les Enfants de l’aube » de Bruno Bisaro, la voix narratrice se voit en train de courir « sur les talons/l’étalon d’une reine en cavale ». Dans le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961) de William Wyler, Martha se rappelle son premier émoi lesbien pour Karen quand elles étaient à l’école ensemble : ce fut lorsqu’elle la vit haletante, poursuivie par le prof de chimie (« Quelle jolie fille ! »). Dans la première scène du film « Close » (2022) de Lukas Dhont, Rémi et Léo, les deux amants de 13 ans, courent comme des dératés.

 

Dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, l’héroïne, Madeleine, joue à merveille la femme traquée, l’héroïne tragique… pas si fugitive que cela, puisqu’elle joue la vierge effarouchée pour noyer le poisson de sa collaboration sexuelle avec celui qu’elle prétend fuir, le méchant Nazi Heinrich : « Je dois quitter Paris au plus vite ! À n’importe quel prix. […] Désemparée, ne sachant pas où aller. […] Pour la première fois de ma vie, je sens la mort qui plane sur moi. Il faut fuir, et vite. » (pp. 20-21) ; « Je voudrais tellement lui dire ce qui m’est arrivé aujourd’hui ? Comment vais-je réussir à garder mon secret ? » (idem, p. 22) ; « Je risque ma peau. Pour qui ? Pour quoi ? Je n’ai que vingt-quatre ans ! » (idem, p. 49) ; « Je suis la maîtresse d’un espion, d’un traître, d’un ennemi ! » (idem, p. 78) ; « Comment le sort a-t-il pu mettre un Boche sur ma route ? […] Comme je regrette ces nuits d’ivresse ! […] Je suis en danger. Où que j’aille, les nazis me rechercheront. » (p. 78) ; « J’étouffe ! Je me revois dans les bras de cette brute. Grâce au ciel, j’ai échappé au pire. » (p. 86) ; « Ai-je eu raison de fuir ? » (p. 136) ; « Il me reste deux rues à traverser pour atteindre Lyon Perrache, lorsque quatre hommes surgissent et s’approchent rapidement de moi. Avant que je n’aie eu le temps de réagir, ils me poussent à terre. Aussi surprise qu’épouvantée, j’appelle à l’aide de toutes mes forces. Cela n’effraie pas mes agresseurs. » (idem, p. 56) ; etc.

 

Mais revenons à notre fugitive dans la forêt, et observons l’attitude qu’elle adopte quand elle y pénètre. En général, elle s’y frotte violemment, même si elle garde une certaine majesté et une démarche solennelle au départ. « Il était une fois une jeune rêveuse qui vagabondait seule dans la forêt. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami romancier en 2003, p. 61) ; « Somnambule j’ai trop couru dans le noir des grandes forêts. » (cf. la chanson « En rouge et noir » de Jeanne Mas) ; « Il était une fois quelque part dans un pays qu’on ne connaît pas une fée qui avançait dans le froid avançait dans un mauvais temps tonight. » (cf. la chanson « La Nuit des Fées » du groupe Indochine) ; « Je descendis en nuisette et en mules. Je traversai le jardin. Les herbes folles me caressaient les jambes et me faisaient frissonner atrocement. Mais ce n’était rien à côté des ronces cruelles dévorant la chapelle, ronces dans lesquelles, telle Cendrillon, je perdis une mule, et aussi quelques gouttes de sang. La porte de la chapelle était entrouverte. Je me jetai à genoux contre le tombeau de la mère de lady Philippa. » (Bathilde se rendant devant la tombe de lady Philippa, la jeune bourgeoise violée par son père, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 306) ; etc. Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018, Julia est la femme violée par son père, qui marche seule « avec provocation » dans les rue de Harlem, regardée par tous les passant : « On peut dire qu’elle est perdue. Voilà pourquoi elle marche aussi lentement. »

 

Film "Shortbus" de John Cameron Mitchell

Film « Shortbus » de John Cameron Mitchell

 

Mais très vite, la fugitive s’affole comme une femme hystérique, et paniquer en courant dans tous les sens. J’ai en tête cette scène très importante du film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, dans laquelle on voit Sofia, la « psy », filmée en panique totale dans une forêt, comme si elle était poursuivie par un violeur.

 

La folle course sylvestre « à la Ingrid Bergman » dans la nouvelle « Adiós a Mamá » (1981) de Reinaldo Arenas est à ce titre très signifiante : le narrateur homo se décrit en train de traverser une forêt où il se fait griffer par des branchages et des fougères ; il joue une star de cinéma défigurée et magnifiquement pressée. Cette femme en fuite est généralement sublimée par la figure de la cavalière pourchassée, une amazone désespérée et forte à la fois : Marnie dans le film « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) d’Alfred Hitchcock, Leonora dans le film « Reflets dans un œil d’or » (1967) de John Huston, Mylène Farmer dans le vidéo-clip de sa chanson « Libertine » et de « Je te dis tout », la mariée de la pièce Bodas De Sangre (Noces de sang, 1932) de Federico García Lorca, Tamsin dans le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, la reine de la chanson « Les Enfants de l’aube » de Bruno Bisaro, Gina G. dans le vidéo-clip de sa chanson « Ti Amo », le roman Sur un cheval (1960) de Pierre Guyotat, etc. « Comme Raftery [le cheval de Stephen, l’héroïne lesbienne] prenait son élan, les singulières imaginations de Stephen se renforcèrent et commencèrent à l’obséder. Elle se figura qu’elle était poursuivie, que la meute était derrière elle au lieu d’être en avant, que les gens excités, les yeux étincelants, la poursuivaient, des gens cruels, implacables, infatigables… ils étaient nombreux et elle n’était qu’une créature solitaire, avec les hommes dressés contre elle. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 165) ; etc. Dans le film « Farinelli » (1994) de Gérard Corbiau, Farinelli, le castra, tombe de fièvre à chaque fois qu’il entend les galops de son cheval blanc qui fend la forêt à toute allure et duquel il serait tombé dans son enfance. En réalité, c’est de son viol et de la castration opérée par son frère qu’il parle, mais il ne le découvrira qu’à la fin du film. Dans le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, on assiste à la cavalcade des amants homosexuels suite au meurtre qu’ils ont commis.

 

La course de la vierge folle renvoie davantage à un viol fui qu’à la course joyeuse de celui qui va de l’avant : « J’ai couru longtemps. Je me suis lavé les mains dans la rivière. C’était juste une dispute. » (Abram, le héros homosexuel, après avoir assassiné la Tonka au poignard, dans le film « Scènes de chasse en Bavière » (2011) de Peter Fleischmann) La femme qui court dans la forêt peut être aussi la mère qui se dérobe au désir incestueux de son fils homosexuel. « Élisabeth de Bataurie coure vers moi. De toute façon, elle coure toujours vers moi. » (Pretorius, le vampire parlant de sa femme bourgeoise favorite, dans la pièce Confessions d’un Vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; etc. Par exemple, dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert, le jeune héros homosexuel, se rêve habillé en costume de marié, poursuivant en vain dans une forêt sa propre maman en robe de mariée, qui galope plus vite que lui. Il a été le « roi » de sa mère dans son enfance, et lui demande à l’âge adulte de « le rejoindre dans son Royaume ». Dans un autre film de Dolan, « Les Amours imaginaires » (2010), Francis, le héros homosexuel, court dans la forêt à la poursuite de Marie, habillée en rouge et portant des talons aiguilles rouges. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Rudolf, l’un des héros homos, écrit un roman dans lequel il se met dans la peau de sa grand-mère, une fugitive qui finit par pleurer pendant sa promenade dans la forêt montagneuse : « Elle marche d’un pas régulier, calme et décidé à la fois. Elle regarde la vallée. Son village est minuscule vu d’ici. Elle décide de tout quitter : sa famille, son village, son pays. C’est agréable d’être seule. Pour la première fois de sa vie, elle est vraiment seule. Elle regarde les passants dans la rue. Leurs mouvements sont beaux. Brusquement, elle pleure. » Au même moment, on voit son pote (homo aussi) Gabriel courir comme une folle perdue dans la forêt autrichienne : il y voit une statue grandeur nature d’un cerf criblé de flèches.

 
 

c) Devenir la Reine du Carnaval immolée au feu de l’été :

La femme violée, illustrant que le désir homosexuel est un fantasme de viol, occupe une place très importante dans les créations artistiques homosexuelles, et donc dans l’inconscient collectif homosexuel : on la retrouve dans le roman El Pecado Y La Noche (1912) d’Antonio de Hoyos, la chanson « Sauvez-moi » de Jeanne Mas, la comédie musicale Into The Woods (1986) de Stephen Sondheim, le film « La Captive » (2000) de Chantal Akerman, le roman L’Homme traqué (1922) de Francis Carco, le vidéo-clip de la chanson « Piece Of Me » de Britney Spears, le film « Cat People » (« La Féline », 1942) de Jacques Tourneur, le film « Mujer Al Borde De Un Ataque De Nervios » (« Femme au bord de la crise de nerfs », 1987) de Pedro Almodóvar, les films « Marnie » (« Pas de printemps pour Marnie », 1964) et « Psychose » (1960) d’Alfred Hitchcock, les chansons « L’Annonciation », « Libertine », et « Avant que l’ombre » de Mylène Farmer, la nouvelle El Fiord (1969) d’Osvaldo Lamborghini (racontant un viol collectif), le film « Antonia et ses filles » (1995) de Marleen Gorris, le film « La Reine Margot » (1994) de Patrice Chéreau (toujours avec la scène du viol collectif), le téléfilm « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure (avec Sarah, la femme violée), le film « Flying With One Wing » (2004) d’Asoka Handagama (où l’héroïne est violée par le docteur), le film « Beckmann Und Markowski » (1996) de Kai Wessel, le film « Ascetic : Woman And Woman » (1976) de Kim Shu-hyeong, le film « Frenesi » (1996) d’Alfonso Albacete, la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1971) de Copi, les chansons « Maria-Magdalena » et « Don’t Be Agressive » de Sandra, le vidéo-clip de la chanson « Oui j’l’adore » de Pauline Ester (avec une femme qui vit plutôt bien la maltraitance que lui inflige son compagnon), le film « Tabou » (1931) de Friedrich Wilhelm Murnau, le film « The Woman I Stole » (1933) d’Irving Cummings, le film « La Fontaine d’Aréthuse » (1949) d’Ingmar Bergman (avec le personnage de Viola), le film « Monolog Eines Stars » (1974) de Rosa von Praunheim, le film « La Mort de Maria Malibran » (1971) de Werner Schroeter, la pièce Adriana Mater (2002) d’Amin Maalouf, le film « La jeune fille assassinée » (1974) de Roger Vadim, le film « Daayra, la ronde brisée » (1996) d’Amol Palekar, le film « Wet And Rope » (1979) de Koyu Ohara, le film « Sudden Impact » (1983) de Clint Eastwood, le film « Scarlet Diva » (2000) d’Asia Argento, la pièce Cosmétique de l’ennemi (2008) d’Amélie Nothomb, le roman Éden, Éden, Éden (1971) de Pierre Guyotat, la pièce Démocratie(s) (2010) d’Harold Pinter (avec le viol de la femme caché par quatre comédiens en avant-scène), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec Gabrielle, la femme violée amnésique, en fuite), le film « Belly Dancer » (2009) de Pascal Lièvre (avec l’identification à la femme violée), la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim (avec la femme violée par « le Cosaque »), le one-woman-show de Betty Speaks (2009) e Louis de Ville, le film « Le Locataire » (1975) de Roman Polanski (avec l’identification des personnages homosexuels à la femme violée), le film « Totò che Visse Due Volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresco (avec le viol de l’ange), etc.

 

D’ailleurs, il n’est pas rare d’entendre le personnage homosexuel dire sa fascination identificatoire à la femme violée : « Rien n’est plus émouvant qu’une belle femme qui souffre. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 77) ; « Je la regarde : elle a vingt ans. Je la regarde : elle est blonde, elle a la peau douce et une expression fatiguée, elle a peur. Je la regarde : elle passe la porte que Gisèle devant elle retient, elle passe la porte et elle plonge en enfer pour tenter de sortir d’un autre enfer. C’est le début du printemps, les frimas d’avril, elle laisse derrière elle les arbres que le vent fait frissonner, une jeunesse pauvre et digne, des illusions peut-être et elle pénètre dans la chaleur artificielle d’une ancienne demeure bourgeoise reconvertie en maison close. Elle vient vendre son corps puisque c’est tout ce qu’il lui reste. » (Vincent décrivant la mère-prostituée d’Arthur, son amant, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 203) ; « J’aime Hadda. Elle est noire, Hadda. Elle est très grande. Je n’arrive pas à lui donner un âge. Vingt ans ? Elle ressemble à une femme que j’ai connue de loin, juste avant l’adolescence. Qui ? Où ? Une parente ? Une parente noire ? Hadda ne parle pas. On lui a coupé la langue ? Elle n’a plus rien à dire ? Elle a déjà tout dit ? tout ? Tout ? On m’a dit qu’elle était devenue muette. […] Je l’ai suivie, Hadda. Un corps généreux, tellement noir. Un corps vaste, inédit. Beau ? Un corps pour les hommes, les saints, les dieux. Les enfants. Un appel. […] Où commencent les origines de Hadda ? De quelle forêt arrive-t-elle ? » (Omar en parlant de la bonne – qu’il définit très souvent comme une prostituée –, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 78-79) ; « J’avais rêvé que j’observais le viol de lady Philippa par les vitraux brisés de la chapelle. En même temps, j’étais lady Philippa moi-même, contemplant terrorisée mon propre visage dans l’ouverture en forme d’ogive, depuis la pierre tombale où je subissais ce terrible attentat. En revanche, mon agresseur lui-même n’était dans mon rêve qu’une masse sombre et sans visage. » (Bathilde dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 303) ; etc.

 

L’identification à la femme bourgeoise abusée est massive : « Tu me hais, comme tous les pédés haïssent les femmes, sauf dans les films en noir et blanc où les actrices y souffrent avec dignité. » (Diana à Mitchell, dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane) ; « À partir du moment où il était entré dans cette maison, il n’avait rien vu que le visage de Berthe renversé en arrière dans le désordre de sa chevelure opulente. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 113) ; « À sa façon, il l’aimait, mais il ne l’aimait que malheureuse, la plaignant dans son cœur avec cette mystérieuse sincérité des êtres doubles. » (Oncle Firmin par rapport à Élise, idem, p. 223) Par exemple, dans son spectacle Charlène Duval… entre copines(2011), Charlène Duval (un homme travesti) se met à la place de Tina Turner (en racontant que cette dernière a été battue par son mari). Dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1979) de Manuel Puig, Molina, le personnage homosexuel, est fasciné malgré lui par la femme violée cinématographique ; quand il raconte ses films des années 1930 à son compagnon de cellule, Valentín, qu’il tente par la même occasion de draguer, il ne cache pas sa complaisance face à la position de soumission de ses héroïnes féminines : « Le magnat lui flanque une gifle terrible qui la fait tomber par terre, et s’en va. Elle reste étendue sur un tapis qui ressemble à de l’hermine, ses cheveux sont encore plus noirs que l’hermine est blanche, et ses larmes qui scintillent, on dirait des étoiles… » (p. 217) ; « Elle est la fois une déesse, et une femme très fragile, qui tremble de peur. » (idem, p. 57) Valentín tente de le raisonner : « Pour être femme, il ne faut pas être… je ne sais pas, moi… martyre. » (p. 230) Mais rien n’y fait. Molina justifie tout par l’esthétique, y compris le viol.

 

Le personnage homosexuel est attaché à la femme violée comme à une mère, ou une jumelle narcissique (cf. je vous renvoie au code « Viol », ainsi qu’à la partie « Mère-putain » du code « Matricide » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, la mère de Dzav se prostitue au Bois de Boulogne. Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, la forêt est directement liée à la prostitution maternelle : dès que le couple homo y pénètre, il se demande s’il ne va pas y croiser une prostituée : « Et si on trouvait une prostituée pour ton père ? » (Khalid à Omar, p. 124) Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, la forêt est le lieu de l’adultère : c’est là que Suzanne Pujol (la mère jouée par Catherine Deneuve) vit toutes ses aventures extra-conjugales. Les premières images du film la montrent d’ailleurs en train d’y faire son jogging avec son survêtement rouge.

 

Le viol n’exercerait pas d’attraction fantasmatique chez le personnage homosexuel s’il n’était pas magnifié par les réalisateurs de cinéma, et s’il n’était pas suivi d’une vengeance. La femme violée est belle surtout parce qu’elle revient à la charge de celui qui a/aurait abuser d’elle (cf. je vous renvoie à la partie « Catwoman » du code « Femme-Araignée » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Mireya [l’héroïne de la série La Vie désespérée de Mireya, la blonde de Pompeya] taillade le visage du Morocho, son homme, avec une bouteille de vin Mendoza qu’elle a cassée sur le comptoir en étain du café El Riachuelo. Mireya court désespérée dans la rue. Il pleut des cordes. La blonde s’appuie contre un réverbère et pleure à chaudes larmes. Ses pleurs se mélangent aux gouttes de pluie. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 247)

 

Si le personnage homosexuel se passionne pour la femme violée comme un fanatique épicurien se prosterne devant un char de mi-carême. En même temps qu’il rêve de la destruction flamboyante de son idole féminine, il sait que les flashs des photographes qui la consument/la consomment, l’immortalisent aussi, la rendent toute-puissante.

 

La reine du carnaval coiffée sur un poteau d’exécution (parfois un tronc d’arbre de forêt) est un cliché homosexuel très couru dans les œuvres artistiques homo-érotiques (cf. je vous renvoie à la partie « Carnaval » du code « Clown blanc et masques », et à la partie « Saint Sébastien » du code « Adeptes des pratiques SM » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels). Son viol a lieu en général un soir de Mardi gras : « Par le plus grand des hasards, ça tombait le jour de la mi-Carême. » (Avril parlant du meurtre que lui et Lacenaire ont perpétré, dans la pièce Lacenaire (2014) d’Yvon Bregeon et Franck Desmedt) ; « Mon premier souvenir, c’était le soir du bal de Mardi gras. C’est vraiment mon premier souvenir. Avant le printemps dernier, je ne me souviens de rien, de rien du tout. C’est comme si ma vie avait commencé et fini ce soir-là. » (Catherine dans le film « Suddenly Last Summer », « Soudain l’été dernier » (1960) de Joseph Mankiewicz) ; « C’était un soir de Mardi gras, le dernier jour du carnaval. » (cf. la chanson « La Légende de Rose Latulipe » de Cindy et Ronan dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon, où Rose Latulipe rencontre le diable) ; « Un jour, influencé par l’atmosphère permissive du mardi gras, quelqu’un émit l’idée vague, en lorgnant l’objectif qui saillait sur mon ventre, de photos porno. […] Quelques jours plus tard cependant, Didier, dans l’oreille de qui l’idée avait fait mouche, me proposa sans ambages d’immortaliser ses ébats avec sa copine Aurore. » (la voix narrative, dans la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 24-25) ; « Ta mère est là, quelque part, en train de faire son dernier carnaval. » (le marabout parlant à Patrick, travesti, dans le film « 30° couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue) ; etc.

 

Dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, il n’est pas anodin que l’explosion meurtrière de la chaudière qui met le feu à la fête interlope et fait un carnage de « folles homos » dans l’Hôtel Continental ait lieu un soir estival de carnaval : « C’est mardi, mais c’est mardi gras. Aujourd’hui, les folles du Continental sont permises de se travestir, elles vont et viennent sans arrêt des galeries Lafayette qui se trouvent tout près, ce soir il y a un grand bal autour de la piscine. » (p. 129) ; « Et c’est Paris au mois de mai. » (p. 132) Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, au cinéma Orpheus, en bas de chez Giles le héros homo (qui habite avec une femme muette, Elisa, qui fait l’amour avec une bête de l’Espace), est à l’affiche le film « Mardi Gras : Descente aux enfers ». Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Segundo se trucide le pied par flagellation pendant le carnaval péruvien. Dans le roman Harlem Quartet (mise en scène par Élise Vigier en 2018) de James Baldwin, Julia Miller, la fille-à-pédés, violée par son père, et qui devient mannequin, raconte, sur fond d’amnésie et de fête, qu’elle a reproduit le viol de son enfance : « Pour Mardi gras, des gens m’ont photographiée, ici, à la Nouvelle-Orléans. J’ai rien compris. Et je suis ici. […] À chaque fois que je me mettais à dormir, je faisais des rêves horribles. » Je vous renvoie aussi aux fantômes homosexuels de la boîte gay du film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine, discothèque qui a brûlé dans les années 1970 (cf. le code « Milieu homosexuel infernal » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Dans le vidéo-clip de la chanson « Thriller » de Michael Jackson, on retrouve la femme violée dans un bois suite à une sortie loisir au cinéma avec son petit copain (ce dernier finira par se transformer en monstre). Dans le film « Gilda » (1946) de Charles Vidor, Rita Hayworth se définit comme la reine du carnaval qui va mourir. Le film « The Queen » (2006) de Stephen Frears nous montre une Reine d’Angleterre dans la tourmente médiatique, et à qui l’on discute la couronne et la légitimité.

 

Au départ, la femme est érigée sur un piédestal, comme une vraie duchesse. « Vamos, subiendo la cuesta, que arriba la noche se viste de fiesta… » (cf. les paroles d’une chanson de Tita Merello, entonnée au moment où China meurt assassinée par un coup d’État, dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi) ; « Nous courûmes tous vers Notre-Dame, la Reine des Rats en tête, suivis du serpent, et nous grimpâmes sur le haut du balcon d’où la Reine adressa un bref discours à la foule. » (Gouri dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 93) ; etc.

 

Puis l’intronisation laisse place à la détronisation et au massacre : « C’est de ta faute si nous mourrons de faim. […] Tu es une mauvaise reine. Je vais te manger ! » (la Princesse à sa mère la Reine, dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Je déteste les cantatrices d’opéra, il est impossible de les faire taire. » (Cyrille dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi)

 

Par exemple, dans la comédie musicale Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy, le Thénardier dit à sa femme qu’il « l’a violée un soir près de Versailles ». Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Camille se dirige vers les flammes de l’arbre qui a tué son fils et qui brûle. Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, un soir de carnaval urbain brésilien, Rosa, la jolie prostituée, manque de se faire égorger au rasoir par le client du bar où Julien lui déclare son amour. Puis, au milieu de la foule, Julien lui déclare son amour. Mais, entraînée par la fête, Rosa se dérobe. Ils se prêtent serment sous un voile rouge : une déclaration d’amour qui sent le soufre car elle repose sur un ultimatum, une promesse d’amour que Rosa ne va pas tenir.

 

Le fan et sa déesse se donnent mutuellement rendez-vous pour la fusion destructrice finale : « Je vous attends dans l’au-delà per il grande finale ! » (la cantatrice Regina Morti, idem) ; « C’est le rêve de ta vie de te faire bien empaler, enculé efféminé, petite Reine de la Beauté du podium de ton quartier. » (Fifi à Pédé dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, p. 304) ; « Le perroquet vert, témoin d’un meurtre d’une princesse russe, et qui perdait les plumes. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 75) ; « J’ai été intronisée Andouille de France. » (Zize, le travesti M to F, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; etc.

 

Dans le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann, Abram, le héros homo, a rencontré la Tonka lors d’un carnaval, et se force à tomber amoureux d’elle, avant de l’assassiner : « J’ai décidé d’essayer avec la Tonka. »

 

Au fur et à mesure, la reine carnavalesque se met à trébucher de ses talons hauts, à perdre son prestige : « Elles trébuchaient dans l’escalier, dans les couloirs elles chancelaient, et leurs rires nous fusillaient, nos mères désemparées. » (cf. la chanson « Nos Mères » des Valentins) Le peuple qui a jadis adulé l’actrice la traîne maintenant en procès parce qu’elle a osé être humaine. Par exemple, dans la nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978) de Copi, on nous raconte la lente descente aux enfers de Truddy, une femme apparemment ordinaire, qui va peu à peu être intronisée comme une reine du carnaval, avant de finir livrée à la vindicte populaire, à la destruction massive sans motif apparent : « Tout le restaurant éclata de rire lorsqu’elle trébucha sur le pas de la porte et s’écroula par terre. » (p. 31) ; « Elle se retrouva, couverte d’ecchymoses, sur le sol de la voiture que les gens secouaient. » (idem, pp. 34-35) ; « Deux rangées de motards protégeaient le cortège de cris hostiles de la foule qui se massait à leur passage sur les trottoirs. Le mot ‘guillotine’ était scandé de plus en plus fermement. Truddy s’agrippa aux grilles et cria ‘Help ! Help ! Help !’ le plus fort qu’elle put. » (p. 36) ; « Dans un dernier flash, elle vit le visage de sa mère, morte à sa naissance et qu’elle n’avait connue que par des photos. » (p. 40) Dans L’Hystéricon(2010) de Christophe Bigot, le lecteur assiste à une fête finale tournant autour de la peste de l’histoire, Amande, une fille qui, parce qu’elle a trop brillé et qu’elle a croqué tous ses camarades pendant le roman, va « passer à l’échafaud » sur décision de la collectivité : « Tout le monde s’étais mis sur son trente et un pour cette soirée d’adieu. Les couleurs exaltant le bronzage étaient de sortie, environnées de parfums légers ou capiteux, boisés ou fruités. Mais Amande était à coup sûr la plus belle, une fois encore. […] Avec son turban cerise sur la tête, son débardeur assorti, sa minijupe noire et ses espadrilles à talon compensé, elle était ravageuse, et elle le savait. Une véritable reine. Mais ce qu’elle ignorait, c’est qu’elle venait en réalité de faire une toilette de condamnée à mort. » (pp. 418-419)

 

Très souvent, le personnage homosexuel observe sa princesse flamber sur un char qu’il a lui-même : « La jeune prostituée était devenue une torche vivante, elle courait dans tous les sens, s’écrasant contre les derniers miroirs qui volaient en éclats. » (cf. la nouvelle « Madame Pignou » (1978) de Copi, p. 55) ; « J’espère qu’un jour elle flambera avec ses nylons et sa torche. » (la voix narrative à propos de Marilyn, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 71) ; « Où est-elle ? Ça sent le brûlé ! Oh, zut, je l’ai mise dans le grille-pain ! Qu’est-ce qu’elle a rétréci, on dirait une baudruche. » (Loretta Strong dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi) ; « Je leur [les Hommes-Singes de l’Étoile Polaire] fous une grenade ! Et hop ! Bon débarras ! Aïe, je brûle ! Faites-moi une place dans le frigidaire ! » (idem) Par exemple, lors du concert Météor Tour (2010) d’Indochine à Bercy, une Miss Italy sous les flammes est exhibée en gros plan sur les trois écrans géants de la scène.

 

Cette crémation iconoclaste est en partie désirée par le personnage homosexuel. Son rapport avec la reine est idolâtre, c’est-à-dire qu’il est d’ordre passionnel : c’est un « je t’aime/je te hais », une attraction-répulsion. Comme il le ferait avec une poupée vaudou sacrée, il la maltraite : « Je te tue, Madame ! Tu sais ce que je vais faire avec ta porcelaine de Limoges ? Je vais te lacérer les fesses et je vais te crever les yeux, ma petite patronne ! » (Goliatha à « L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Le perroquet vert, témoin d’un meurtre d’une princesse russe, et qui perdait les plumes. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 75) Mais cette maltraitance se veut acte d’amour : si le héros gay incendie sa star, c’est pour prouver qu’elle est indestructible. Il faut que ça finisse mal, éternellement mal, pour cette pauvre reine du carnaval incendiée ! C’est la règle ! Par exemple, dans son spectacle Charlène Duval… entre copines (2011), Charlène Duval (un homme travesti) se met dans la peau d’une jeune fille « pauvre, laide, sans avenir […] maltraitée par un macro, qui meurt à la fin dans une super-production » ; plus tard, elle continue de rêver d’une mort cinématographique féminine grandiose : « Le rôle de ma vie, c’est Marie-Antoinette. » (Charlène Duval dans le spectacle Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval) Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, l’héroïne lesbienne s’émeut pour Marie-Antoinette, « la reine infortunée, comme si, pour quelque raison, la malheureuse femme en appelait personnellement à Stephen. » (p. 314) ; « Je suis certain d’être bon pour la guillotine, rien qu’à y penser mes cheveux se dressent sur ma tête. Quand je songe au procès qui m’attend je suis encore plus effrayé. Tant pis, je me suiciderai quand cette vie me deviendra trop dure. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 125)

 

La Reine du héros homosexuel est celle qui ne part jamais, même quand elle fait ses adieux : « La tradition veut que je ne meure jamais ! » (la Reine dans la pièce La Pyramide !(1975) de Copi) Son fan veut « mourir pour toujours sur scène », comme elle (ou comme Dalida) : « Restons ici, ma Fifi ! Moi je vais mourir aussi ! C’est mon dernier printemps ! » (Mimi à Fifi dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, p. 300) Dans la nouvelle « La Mort d’un phoque » (1983) de Copi, suite au carnage opéré sur la reine du carnaval Glou-Glou Bzz « au milieu d’un désordre phénoménal (les tables cassées parmi les bouteilles arrosées de confettis) » (p. 22), le narrateur se fait à son tour massacrer et « trucider la bite » : « À chaque fois que je laissais échapper un cri, l’assistance repartait d’un gros rire. […] Et ne songeons même pas à demander de l’aide aux esquimaux : pour cette peuplade, Glou-Glou Bzz représentait plus qu’une reine. » (p. 24) Le protagoniste homosexuel suit celle qu’il a immolée/qui a été immolée jusqu’à la tombe, dans une imitation parfaite de la mise en scène meurtrière du carnaval.

 

Le viol de la reine du carnaval se déroule en général en plein été, de préférence le soir (comme s’il s’agissait d’un cauchemar, d’une pure parenthèse) : « Quel maquillage porte à l’aube maman ? » (Copi, Un Livre blanc (2002), p. 27) Par exemple, dans la pièce La Pyramide (1975) de Copi, la mère apparaît sous les traits d’une souveraine carnavalesque violée « un soir de juillet ». Dans le film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma, Laura, l’héroïne lesbienne, se fait passer, le temps d’un été, pour un garçon ; elle sera punie de son mensonge par l’ensemble de ses camarades de jeu qui, une fois le pot aux roses découvert, décideront de la déshabiller en pleine forêt, pour la punir. C’est l’été, dans la forêt, que se fait parfois la rencontre du personnage homosexuel avec le diable violeur : « Au début de l’été […] l’intrus se tenait là et me regardait de ses yeux bleus grands ouverts. […] Dégoûté de lui – et surtout dégoûté de ce qu’il m’avait fait perdre mon empire sur moi-même –, je lui lançai : ‘Allez donc au diable !’ […] L’incident venait d’avoir lieu dans le bois des pins. » (Garnet Montrose concernant sa rencontre avec Daventry, dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, pp. 40-41) ; « Savez-vous qu’un pucelage ne pèse pas lourd un soir d’été ? » (Démétrius à Helena quand ils se trouvent en forêt, dans la pièce Le Songe d’une nuit d’été (1596) de William Shakespeare) ; « C’est mon premier été. » (Tareq, le héros homosexuel syrien arrivé en Finlande, dans le film « A Moment in the Reeds », « Entre les roseaux » (2019) de Mikko Makela) ; « Dans la chaleur de l’été… c’est sûr il va se passer des trucs. » (Vincent, héros homo, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; etc.

 

C’est la raison pour laquelle cette saison est crainte : « ‘Je me suis toujours méfié de l’été’, avait dit Pierre Gravepierre. Pourquoi résonnaient-ils comme une vérité première, inattaquable ? Pascal n’eut pas besoin de chercher longtemps la réponse. Tout ce qui lui était arrivé de pire, lui était arrivé en été. » (Claude Brami, Le Garçon sur la colline (1980), p. 123) ; « L’été cet enculé pousse même le vice jusqu’à me faire demander l’heure aux frimeurs à lunettes réfléchissantes. » (Vincent dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 58) ; etc. Elle est annoncée sous les auspices de la mort et de la violence insouciante : « Tu lis Les Fleurs du mal ‘aimé’ : c’est le livre le mieux pour l’été. » (cf. la chanson « Toc de mac » d’Alizée) ; « Pourquoi on parle d’avenir ? C’est l’été, Chloé ! » (Malik parlant à Chloé dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Les escaliers du Sacré-Cœur de Paris. Un nuit du mois d’août. » (cf. les didascalies de la Acte I de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, p. 299) ; « Après maintes étés est mort le cygne. » (George citant un roman d’Aldous Huxley dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford) ; « Jane regarda une nouvelle fois le bâtiment en ruine qui s’élevait de l’autre côté de la rue, comprenant que, même en été, son ombre s’étirerait dans la chambre, étouffant toute chance de chaleur. Elle avait pris l’immeuble de derrière pour une réplique, plus jolie que le leur, plus élégant et rénové, mais peut-être était-ce l’inverse et leur bâtiment était-il le reflet de l’immeuble délabré. Cette idée lui donna l’impression d’être petite, et l’enfant qu’elle portait plus petit encore, un poisson solitaire piégé dans des eaux fluviales. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, pp. 70-71) ; « Il fait une chaleur d’hété…ros ! » (Seb, personnage homo, décrivant une situation orageuse, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc. L’été décrit dans les fictions homosexuelles s’apparente à la fournaise d’un enfer symbolique. Par exemple, dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, Frank, le héros gay, décrit l’ambiance de la backroom où il s’est rendu, cette pièce obscure imprégnée d’une atmosphère « violente comme une brise d’été ». Dans le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier, la canicule estivale est présentée comme un moment de mort. Dans le film « Vacation ! » (2010) de Zach Clark, des vacances d’été entre quatre amies de collège dégénèrent, et se concluent tragiquement. Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, Mathan, le jeune héros homosexuel, affirme que « l’été, c’est l’adversaire de la Création »… ce à quoi répond son ex-amant Jacques : « Eh bien il faut le vaincre. […] J’aime bien être dans le renoncement de l’été. Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, le héros homosexuel, parle de « l’été de mes 11 ans » comme un événement traumatique où il a été à la fois violé symboliquement par ses camarades de classe, et trahi par la star (John F. Donovan) qu’il idolâtrait. »

 

On retrouve les liens de coïncidence entre l’été homosexuel et le viol dans de nombreuses œuvres homosexuelles : cf. le film « A Midsummer Night’s Dream » (1999) de Michael Hoffman, la chanson « Gourmandises » d’Alizée (« Les baisers d’un été où la main s’achemine… […] Oh Loup, y es-tu ? »), la chanson « Cruel Summer » du groupe Bananarama, le film « Pluies d’été » (1977) de Carlos Diegues, la chanson « Trois nuits par semaine » du groupe Indochine, les chansons « L’Été », « Un Merveilleux Été » (racontant une rupture amoureuse), et « Les Bords de Seine » d’Étienne Daho, le roman El Mismo Mar De Todos Los Veranos (1978) d’Esther Tusquets, le roman La Mort en été (1953) de Yukio Mishima, le film « Été 85 » (2020) de François Ozon, le film « Summer Blues » (2002) de Frank Moslvold, le film « Tania Borealis ou l’étoile d’un été » (2001) de Patrice Martineau, le roman El Color Del Verano (1982) de Reinaldo Arenas (roman d’anticipation racontant le débordement frénétique d’un carnaval de la Havane sous la dictature cubaine), le roman Chronique d’un été (2002) de Patrick Gale, le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee, le film « Le Sable » (2005) de Mario Feroce, le film « Laberinto De Pasiones » (« Le Labyrinthe des passions », 1982) de Pedro Almodóvar, le film « Aux folles les pompiers ! » (2003) de Didier Blasco (« Elles ne sont pas toutes mortes cet été. Certaines ont survécu. Voici le témoignage de deux rescapées. »), le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, le film « Froid comme l’été » (2002) de Jacques Maillot, le film « Les Orages d’un été » (1996) de Kevin Bacon, le film « L’Été de mes 17 ans » (2004) de Chen Yin-yung, le film « Summer Of Sam » (1999) de Spike Lee, le film « Summer Storm » (2004) de Marco Kreuzpaintner, le film « Summer Wishes, Winter Dreams » (1973) de Gilbert Cates, le film « Le Zizi de Billy » (2003) de Spencer Lee Schilly, le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitmann (qui se déroule pendant les grandes vacances), le film « The Greenage Summer » (1961) de Lewi Gilbert, le roman Été (1982) de Jean-Renaud Camus et Denis Duvert, le film « Dernier été à New Ulm » (1995) de Keith Froelich, le film « Vols d’été » (1988) de Yousry Nasrallah, la chanson « Réveiller le monde » de Mylène Farmer, le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le roman Le dernier été des Indiens (1982) de Robert Lalonde, les films « Jeux d’été » (1951) et « Sourires d’une nuit d’été » (1955) d’Ingmar Bergman, le roman Un Été indien (1943) de Truman Capote, le recueil de poèmes Amor de Verano (1985) de Nancy Cárdenas, la pièce Le Songe d’une nuit d’été (1595) de William Shakespeare, le roman Les Autres, un soir d’été (1970) d’Hector Bianciotti, le film « Parfum d’absinthe » (2005) d’Achim von Borries (avec la vague estivale de suicides), le film « Un Été américain » (1969) d’Henry Chapier, le concert Météor Tour (2010) d’Indochine (où le lien entre été et guerre est fait), le film « Pauline » (2009) de Daphné Charbonneau, le film « And Then Came Summer » (« Et quand vient l’été », 2000) de Jeff London, le téléfilm « Clara, cet été-là » (2002) de Patrick Grandperret (avec le thème de la perte de la virginité), le film « Il Compleanno » (2009) de Marco Filiberti (avec la mort de Francesca, la femme de Mateo qui se fait écraser par une voiture quand elle découvre Mateo au lit avec un homme), la chanson « Summertime Sadness » de Lana del Rey, le film « Frauensee » (« À fleur d’eau », 2012) de Zoltan Paul, le film « Sexual Tension : Volatile » (2012) de Marcelo Mónaco et Marco Berger, le film « My Name Is Love » (2008) de David Färdmar, le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, le film « Hors Jeux » (1980) d’André Almuro, film « Daniel » (2012) de Vincent Fitz-Jim, le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet (avec l’été toujours meurtrier), etc.

 

Le viol homosexuel a lieu en général pendant un soir d’été, ce moment flou de transition entre le fantasme du viol et la réalité fantasmée du viol : « Un jeune homme rencontre un étranger pour un plan sexe, une expérience qui va le changer à jamais… » (cf. description du film « Spring » (2011) de Hong Khaou sur la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, le 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris) ; « Je suis homo, j’avais un copain qui est mort cet été, on l’a assassiné sous mes yeux. » (Kévin parlant de son amant Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 460) ; « J’me suis fait violer quand j’avais 15 ans. Un été, par un oncle. » (Marie dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow) ; « La lun’ se lève dans le ciel rouge comm’ par un’ nuit d’été ! Cachafaz et la Raulito vont passer de l’autre côté ! » (le Chœur des voisines dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Pour toi, j’ai perdu l’innocence, l’honneur, l’honorabilité. Je t’ai connue sur le trottoir, le corps ouvert de falbalas, là-bas, là-bas sur les ramblas. Au bord du fleuve, un soir d’été. » (Cachafaz à son amant Raulito, idem) ; « C’était l’été de nos treize ans. L’été des sœurs de sang. Dovid a eu migraine sur migraine, cet été-là. » (Ronit dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 217) ; « Tous les étés sont meurtriers. » (le sosie homosexuel d’Isabelle Adjani dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « C’est meilleur que l’été indien. » (les deux chanteurs, en prononçant cette phrase, se coupent chacun le visage en deux, idem) ; etc.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi

 

Dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, Ahmed perd son seul et unique amour l’été : « Oui, l’être aimé. Car s’il n’était pas certain au début de l’été de ses sentiments envers Saïd, la romance des dernières semaines l’a affirmé, et la mort vient de le confirmer : il était amoureux de son ami, quoi qu’il fût. » (p. 47) Dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, l’été est associé à la fois à la fusion homosexuelle et à la rupture entre les amantes : « Dans son lit, par cette tiède nuit d’été austral, Gabrielle s’étonne des remous imprévisibles qui créent en elle les mots de la lumineuse Émilie. Égarée, emportée dans un vertigineux tourbillon, il lui revient en mémoire la détresse d’Ulysse sur le point de succomber au chant mortel des sirènes. » (pp. 72-73) ; « Vous dans votre hiver, moi dans mon été. » (Émilie s’adressant à sa compagne Gabrielle, idem, p. 175) Le film « Last Summer » (2013) de Mark Thiedeman relate l’histoire de deux adolescents que la vie (et l’été) va séparer. Dans le film « Le Maillot de bain » (2013) de Mathilde Bayle, l’été se revêt d’inceste : le jeune Rémi, 10 ans, ressent son premier émoi pour un beau papa de 35 ans. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, chaque été, c’est le temps de l’absence de Georges (en voyage) et de la mort du couple Georges/William. Dans le film « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues, Tonia le trans raconte comment il a été violé à jamais par le regard de son amant, un soir d’été. Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar assassine son amant Khalid pendant l’été, en plein cœur d’une forêt : « L’été était triste. La vie mélangée au vin rouge bon marché était triste. » (p. 96) ; « Il n’y aura pas de prochaines vacances d’été. Tout s’arrête ici. » (p. 170) Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, sur la terrasse de l’appartement new-yorkais de Michael et Harold, on lit cette inscription au mur : « SUMMER 1918 ». Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Abby raconte qu’elle a couché avec son amie d’enfance Carol qu’elle connaît depuis l’âge de 10 ans, un soir d’été. Dans le film « La Maison vide » (2012) de Matthieu Hippeau, Vincent, homosexuel, pénètre dans une maison vide pour la cambrioler, en plein été. Dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, le mélange entre été, guerre, carnaval, et homosexualité, est complet : « Vous dites : cet été est si beau. On s’en veut de l’aimer tellement. Je dis : on oublie la guerre avec ce merveilleux soleil. La guerre, on ne sait plus ce que c’est. Vous dites : ce sont des choses épouvantables, les choses que vous dites, vous ne devriez pas dire de pareilles choses. Vous pensez comme moi. Vous oubliez la guerre. » (Vincent à Proust, p. 19) ; « Sans la guerre, sans ce magnifique été de l’absence des hommes, nous serions-nous rencontrés ? » (idem, p. 24) ; « Après tout, pourquoi cet été de toutes les tragédies ne pourrait-il pas être l’été de toutes les comédies ? » (idem, p. 28) ; « Rien n’a changé dans nos tranchées de boue séchée au soleil de juillet. » (idem, pp. 138-139) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Viol dans la forêt :

Existe-t-il des correspondances concrètes entre le code de la « femme vierge violée un soir de carnaval ou d’été dans une forêt » et les personnes homosexuelles réelles ? Bien sûr que oui. Les symboles ne tombent pas comme ça du ciel : ils ont bien été créés par plusieurs consciences humaines ; et ils traduisent au moins une réalité fantasmatique qui mérite d’être étudiée.

 

Certains auteurs homosexuels nous montrent du doigt ce lieu énigmatique de la forêt, sans même savoir eux-mêmes trop pourquoi : « C’est un peu des fantômes au bord des allées du bois. » (Gilles parlant de ses circuits de drague homosexuelle au Bois de Vincennes, dans l’émission Backstage à la radio France Culture, le lundi 23 mai 2016, à propos du film « Promenons-nous dans les bois » de Claire Simon) ; « Pour Philippe, ce chemin vers la forêt… Salam… Abdellah. » (cf. dédicace personnelle du romancier Abdellah Taïa sur mon exemplaire de son roman Jour du Roi, à la Librairie parisienne Les Mots à la Bouche à Paris, le 10 septembre 2010) Selon eux, la forêt serait le théâtre d’un viol : « Je est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon et Nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu’ils ignorent tout à fait. » (Rimbaud dans une lettre à Paul Demeny, le 15 mai 1871) ; « Je suis folle de rage de ce qu’en face de trois hommes, une carabine et piégée dans une forêt dont on ne peut s’échapper en courant, je me sente encore aujourd’hui coupable de ne pas avoir eu le courage de nous défendre avec un petit couteau. » (Virginie Despentes, King Kong Théorie, 2006) ; « À sept ans, ce garçonnet [Ednar] subit des attouchements sexuels de la part d’un collègue de travail de son père. Malheureusement, sachant que personne ne s’intéresserait à son problème, il ne put se confier. Man Éloi, sa mère, ne détectait pas les soucis de son fils, ni à quel point il était martyrisé par son frère. Il ne put jamais trouver les mots pour exprimer son désarroi et sa souffrance. […] Et voilà qu’en plus de toutes ces difficultés, un autre drame s’ajouta à son calvaire. Une nouvelle tentative d’agression sexuelle perpétrée par Octave [23 ans], l’un des meilleurs copains de son frère Hugues. À onze ans, la vie d’Ednar commençait par une descente aux enfers, cet abîme qui déjà le convoitait en le livrant à la merci et à l’incompréhension des personnes censées l’aimer et le protéger. Affecté par ce sentiment de culpabilité, cet enfant ne put dévoiler les secrets trop lourds à porter dans son cœur. Jamais dans sa famille il n’osa avouer son malheur dans le sous-bois. Il en parla à demi mots à ses copains de classe, qui eux non plus n’avaient pas le droit de répéter ces choses-là aux grandes personnes. À l’époque, il n’était pas permis aux jeunes enfants de dénoncer les perversités ni les égarements des anciens. […] Ce traumatisme inavouable fut l’un des plus grands secrets de sa vie. Et lorsqu’il devint adulte lui-même, il évoqua cette mauvaise rencontre comme ‘l’incident’ qui n’aurait jamais dû être. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, dans son roman autobiographique Un Fils différent (2011), pp. 12-13) ; etc.

 

Je vous renvoie également au documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan (sur la transsexualité), au chapitre intitulé « La Belle au bois violée » de l’essai Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle ? (2002) de Marcela Iacub, à la première planche de la B.D. autobiographique Journal (1) (1997) de Fabrice Neaud (qui démarre précisément par une agression au centre aéré dans une forêt), à la biographie Femme qui court (2019) de Gérard de Cortanze (sur Violette Morris).

 

FORÊT 7 Fabrice Neaud

 

A priori, on pourrait se dire que la peur de la forêt n’a rien de spécifiquement homosexuel. En effet, je ne connais pas grand monde qui ne serait pas effrayé à l’idée de connaître l’expérience solitaire d’une nuit en pleine forêt… ; et puis la forêt où habiterait le grand méchant loup hante depuis très longtemps l’imaginaire des enfants.

 

Seulement, c’est sur la résurgence de ce thème enfantin dans le discours de personnes maintenant adultes (et dont beaucoup sont homosexuelles), que j’aimerais retenir votre attention, car celle-ci nous explique la nature du désir homosexuel : un désir enfantin, en apparence festif et chaleureux, mais qui est fondé sur un éloignement du Réel, une peur de la sexualité, et une attraction idolâtre pour le viol cinématographique (et parfois réel). Encore une fois, j’indique une tendance et des généralités du désir homosexuel, qui ne sont pas des généralités sur LES homos.

 

« Un jour, chez des amis, alors que les parents étaient fort occupés à deviser dans le fond du parc, je fus le témoin d’une véritable orgie enfantine, à laquelle, d’ailleurs, je ne pris aucune part, me sentant trop décontenancé à la vue des petites filles. Des frères, des sœurs, d’autres garçons se livraient à des expériences sexuelles très poussées et je garderai toujours en mémoire le spectacle de la sœur d’un de mes camarades ‘utilisée’ par quatre garçons à la suite… Cette scène (qui se renouvelait, d’ailleurs, paraît-il, à chacune des réunions familiales, à l’insu des parents, naturellement) fut interrompue, ce jour-là, par l’entrée intempestive de la mère de l’une des fillettes… Ce fut un beau scandale. Il y eut des scènes pénibles. Un procès faillit en résulter mais, au cours des interrogatoires, chacun se tira d’affaire par des mensonges. Cet épisode aux couleurs crues s’imprima profondément dans mon esprit et me fit, plus que jamais prendre en horreur les filles et les femmes. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 79)

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi

 

Mes amis. Quand je vous dis que mon Dictionnaire des Codes homosexuels est inspiré et qu’il me dépasse en grande partie, ce n’est pas de la connerie. Le 10 octobre 2014, un ami de Facebook, David Hockley, m’a filé le lien d’un documentaire, « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check, qui retrace le parcours de trois personnes homosexuelles qui ont découvert l’Amour de Jésus et de l’Église catholique pour elles. Et l’une d’elles, Rilene, une femme de 60 ans, raconte qu’après être sortie de 25 années de relation avec sa compagne Margo, c’était comme si elle avait quitté un « rêve ». Et elle revient précisément sur un souvenir violent qui l’a marqué (un viol incestueux de deux jumelles dans une forêt), qu’elle a vécu dans les années 1980 avec Margo, qui est resté gravé en elle comme un déclic de la violence de l’homosexualité, et qui constitue un écho parfait à ce code sur la femme violée dans une forêt au soir de carnaval : « C’était en 1983-1984, au début de notre relation. On était allées faire un tour dans les forêts de Géorgie. Ça s’appelait ‘Fête de la Femme’. Il y avait plein de femmes aux seins nus et nageant nues dans le lac. Dans ce lieu de camp, en pleine forêt, deux femmes étaient… comment dire… en train de s’aimer. Et elles se sont retournées vers nous, et j’ai eu un choc… parce qu’elles étaient des jumelles identiques, de vraies jumelles. J’ai eu comme une réaction viscérale. Ça m’a énormément perturbée. Et j’ai dit à Margo : ‘Elles sont jumelles, celles qui sont en train de faire l’amour ?’ Elle m’a répondu : ‘Oui.’ Et j’ai rajouté : ‘Ça te semble juste ?’ Et elle m’a rétorqué : ‘Si tu commences à juger, alors les gens pourront commencer à nous juger nous.’ Ce fut un moment de réveil de ma conscience. C’était une situation tellement embarrassante que j’aurais eu l’opportunité de m’éloigner de Margo, mais à l’époque je ne l’ai pas fait. »
 

Dans le documentaire « Viol : elles se manifestent » (2014) d’Andrea Rowling-Gaston (où plusieurs intervenantes sont lesbiennes), certaines femmes ont été violées dans une clairière ou une forêt. Charles Trénet a été trouvé nu quand il avait 15 ans, en train de s’amuser avec son camarade Max Barnes dans un jardin de l’Hôtel Mustafa Ier.
 

Dans la culture du « milieu homosexuel », dans les sphères de rencontres amoureuses entre individus de même sexe, le rapport désirant vis à vis de la forêt est souvent idolâtre, souffrant et rêvé : il ne faut pas perdre de vue que les bois sont à la fois les lieux excitants de la fusion d’amour clandestine, l’espace libertaire de tous les possibles (comme au moment du carnaval où les conventions sont inversées et soi-disant détruites), mais aussi les endroits de la perte d’identité, de l’angoisse, de l’exploitation : « Une grande place en bordure du Bois où vont ceux qui ne savent plus où aller, c’est là que je l’ai rencontré. » (Christian Giudicelli parlant de sa première rencontre avec Kamel sur un lieu de prostitution, dans son autobiographie Parloir (2002), p. 15) ; « Un jour, l’un des garçons de la bande de ma cité, Morad, un dealer réputé pour sa dureté, m’a accosté à l’entrée du bois. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p 77) ; « J’ai continué à soigneusement éviter de croiser […] Morad, mon violeur du bois de Sèvres. » (idem, p. 83) ; « J’avais seize ans. La prof d’italien nous emmenait voir une pièce. Je suis arrivé en retard. Chaillot était fermé. Alors j’ai voulu connaître le sexe. Le sexe était plus fort. Plus fort que la peur. Plus fort que moi. Je suis descendu dans les jardins. J’avais lu dans Le Nouvel Obs que ça draguait. J’ai zoné dans les bosquets, moyennement rassuré. Un mec s’est approché, beaucoup plus vieux que moi, trente ans, moustachu. Il m’a demandé ce que je faisais là. J’ai dit ‘Je drague’. Il a dit ‘Moi aussi’. Je l’ai suivi jusque derrière une espèce de monument grec. On s’est embrassé. J’avais déjà roulé des pelles à deux ou trois filles, mais là c’était différent. Électrique. Après on s’est sucé. Le goût était horrible. J’ai joui, je ne me souviens pas comment. Je ne me permettais pas de faire très attention à ces choses-là à l’époque. Quand je suis rentré à la maison j’étais en sueur, j’avais envie de vomir. » (Guillaume Dustan racontant sa première fois homosexuelle, dans son autobiographie Plus fort que moi, 1998) ; etc.

 

Dans son autobiographie Retour à Reims (2010), quand Didier Éribon parlent des endroits de drague homosexuelle, et notamment des parcs et des forêts, il les associe inconsciemment à un lieu de viol, à une cour des miracles où « casseurs de pédé », loubards, prostitués, clients aisés, flics, gravitent ensemble, bref, à un espace du viol consenti : « Les lieux gays sont hantés par l’histoire de cette violence : chaque allée, chaque banc, chaque espace à l’écart des regards portent inscrits en eux tout le passé, tout le présent, et sans doute le futur de ces attaques et des blessures physiques qu’elles laissèrent, laissent et laisseront derrière elles – sans parler des blessures psychiques. Mais rien n’y fait : malgré tout, c’est-à-dire malgré les expériences douloureuses que l’on a soi-même vécues ou celles vécues par d’autres et dont on a été le témoin ou dont on a entendu le récit, malgré la peur, on revient dans ces espaces de liberté. » (p. 221)

 

Aussi farfelu que cela puisse paraître, certaines personnes homosexuelles ont réellement vécu un viol dans une forêt, comme le rapporte Daniel Welzer-Lang à la fin de son essai Le Viol au masculin (1988) : « Le viol d’homme ? Un secret honteux encore moins verbalisé que le viol de femme. C’est à cette époque que moi-même je me suis souvenu : J’ai 6 ans, il a 13 ans. Je me souviens de lui comme du ‘fiancé’ de ma sœur. Il a un solex et un grand chien que je dois appeler policier. Il m’emmène sur son solex pour me faire plaisir. Il s’arrête à la lisière d’un bois. ‘Viens’, me dit-il. Je ne me souviens plus très bien, les images se brouillent, son sexe est sorti, il le masturbe. ‘Tu sais comment ?…’ je regarde éberlué. Je n’ai aucune information sur ce qu’il dit, sur ce qu’il fait. Il veut que je le touche. J’ai peur. Je suis seul dans la forêt avec lui. Pas possible de fuir. Je touche, je regarde en l’air, il veut aussi me… Je ne me souviens pas de la suite. Il s’appelait Jacky, habitait Épinal, la ville de mes parents. ‘Si tu en parles, je te casserai la gueule, je saurai toujours te retrouver…’ Il m’a ramené. J’ai senti son regard, longtemps, longtemps… J’ai jamais été violé. Il ne m’a pas pénétré. Je n’en ai jamais parlé avant… Une période récente… J’avais oublié… Oubliée aussi cette main de camionneur qui cherche à te caresser quand tu dors, et que tu acceptes de masturber… pour avoir la paix. 18 ans… Oubliée cette main du pion de l’établissement scolaire qui m’avait pris en stop près de Gérardmer… 16 ans. J’ai éprouvé un énorme plaisir à ses caresses discrètes, très respectueuses de ma personne. J’ai regretté ce soir-là que… Gestes enfouis dans mes images d’adolescent : chaque homme sait qu’il n’a pas toujours été dominant. » (pp. 188-189)

 
 

b) Je suis une gentille, et je suis poursuivie par un méchant

La femme violée cinématographique courant comme une folle pour échapper à un agresseur souvent invisible est un fantasme identificatoire que l’on peut facilement observer chez certaines personnes homosexuelles si on y prend garde : cf. le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud (avec la blonde pleurant dans le taxi pendant que le paysage urbain défile). Par exemple, dans le documentaire « Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse, la mandarine » (2009) de Marion Cohen et Amei Wallach, on nous montre le passion de Louise Bourgeois pour la figure de la fugueuse. L’actrice courant au ralenti dans une forêt ou dans un couloir est un vrai fantasme homosexuel : beaucoup d’icônes gay (cf. les vidéo-clips des chansons « Alice et June » du groupe Indochine, « Everytime » de Britney Spears, « Substitute For Love » de Madonna, « It’s All Coming Back to Me Now » de Céline Dion, « Just A Little Bit » de Gina G., « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, « C’est la vie » de Marc Lavoine, etc.) sont des fugitives : « Je pense que cette image de moi, pleurant, courant, sur le tapis, devait être une très belle image. » (une témoin dans la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo)

 

Mais inversons maintenant le tableau. Symboliquement, je crois que la cristallisation homosexuelle sur la figure de la fugitive menacée de viol est l’expression, à mon avis, d’une course des sujets homosexuels vers la mort : à force de fuir la mort réelle, ils la rejoignent en désir par leur sacralisation de la mort fictionnelle de la reine carnavalesque cinématographique. « Victor Garcia, Copi, Jérôme Savary font partie des gens qui courent devant la mort. » (Colette Godard, L’Enfant de la fête, 1996) ; « J’étais dans ma deuxième vie. Je venais de rencontrer la mort. J’étais parti. Puis je suis revenu. Je courais. Je courais. Vite, vite. Vite. Vite. Vers où ? Pourquoi ? Je ne le sais pas pour l’instant. Je ne me rappelle pas tout. Je ne me rappelle rien maintenant à vrai dire. Mais ça va venir, je le sais. » (les toutes premières lignes de l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008) d’Abdellah Taïa, p. 9) ; « La mort m’avait choisi. » (idem, p. 14) ; « Je courais pour rencontrer le cinéma, entrer la bouche ouverte dans sa religion et ses images. […] Ce jour-là, je courais vers une image, une femme. L’actrice égyptienne. Une grande star. Une grande dame. Souad Hosni. Elle passait à la télévision dans un feuilleton que j’adorais. Houa et Hiya : Elle et Lui. Je courais vers elle pour l’embrasser. Être pendant une heure avec elle, amoureux en pleurs, danseur libre, comédien de ma propre vie. » (idem, p. 32) ; « Je n’ai jamais oublié Souad Hosni. Je n’avais pas oublié son feuilleton Houa et Hiya qui me faisait courir dans mon adolescence, à la sortie du collège. J’avais depuis rattrapé mon retard en regardant presque tous les films qu’elle avait tournés. Je l’avais suivie de près, de très près, avec attention et une certaine admiration. Et puis, au début des années 90, après l’échec retentissant de son film Troisième Classe, elle avait disparu. Pendant deux ou trois ans, on ne savait pas où elle était. Elle se cachait en fait à Londres où elle soignait un mal de dos et une dépression chroniques. On la disait sans le sou, ruinée. L’État égyptien, qui payait pour son hospitalisation, avait fini par la lâcher, l’abandonner. En juin 2001, elle s’était suicidée en se jetant du balcon de l’appartement où elle résidait à Londres. » (idem, p. 91) ; etc.

 

En ce qui concerne mon propre vécu, je me souviens que, lorsque j’avais 5-8 ans, j’adorais déjà l’actrice violée en fuite. D’ailleurs, au centre aéré comme sur les cours de récré, j’imitais les femmes fugitives, les magical girls pressées, les Drôles de Dames ou Super Jaimie courant à perdre haleine, les héroïnes aériennes des dessins animés tels que Cat’s Eyes, Jeanne et Serge, Sheera, Daphnée deScoubidou, la rousse Sheila à la cape d’invisibilité dans Le Sourire du Dragon, etc. Et dans la vie réelle, quand je devais jouer à des jeux collectifs comme le « loup-chaîne », la « balle aux prisonniers », l’« épervier », ou bien le « cache-cache », mon excitation était à son comble, car j’avais l’occasion de me faire mon film intérieur du viol singé. Du moins, c’est ainsi que je l’analyse maintenant, avec du recul. J’aimais en rajouter dans l’affolement de ma course, dans la gestuelle, dans les mouvements de tête (il ne faut pas perdre de vue que, dans mon imaginaire, j’avais une chevelure exceptionnelle, un vrai brushing de star !) ; et quand je courais, je me sentais puissante et fragile en même temps, j’étais en train d’écarter des branches et des feuillages fictifs avec mes mains, je simulais d’avoir fait une course énorme et héroïque (alors qu’objectivement, je n’aimais pas courir de longues distances…), d’être à bout de souffle, et d’arriver au ralenti sur la ligne d’arrivée d’un 100 mètres olympique. Bref, la star dans son clip, pourchassée par les paparazzis. Je prenais un malin plaisir à rentrer inconsciemment dans la peau de la vierge en fuite, criant « au viol ! ».

 
 

c) Devenir la Reine du Carnaval immolée au feu de l’été :

La fascination identificatoire pour la femme violée, je l’ai observée chez beaucoup de personnes homosexuelles : « Cette résurgence du thème de l’androgyne à la fin du XIXe siècle est peut être le revers de l’obsession de la femme fatale. » (Françoise Cachin, « Monsieur Vénus et l’ange de Sodome : L’androgyne au temps de Gustave Moreau », Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 90) Le désir homosexuel pousse les êtres humains à se prendre pour les archétypes de la féminité tragique. Chez les hommes gay, cela se fera davantage par le biais de l’esthétisme ; côté femmes lesbiennes, on penche plus sur le registre du militantisme politique. Mais dans les deux cas, c’est la même louange iconoclaste/iconodule. Par exemple, dans le documentaire « Debout ! » (1999) de Carole Roussopoulos, on voit clairement que les femmes féministes, lesbiennes ou non, sont attirées par la « femme violée du bout du monde », afin de se servir d’elle comme « opportunité » pour prouver l’oppression machiste qui les domine/dominerait. Dès qu’un fait d’actualité concernant le malheur des femmes se présente (par exemple les mères célibataires dans les hôpitaux, les femmes qui veulent se faire avorter, les femmes talibanes, etc.), le MLF accoure vers ses victimes : « Les femmes battues, c’était parfait ! Parce que si les femmes étaient battues, c’est bien parce qu’il y avait quelqu’un pour les battre. » (Annie Sugier)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles s’intéressent à la femme violée médiatique (Maria Callas, Régine, Barbara, Chantal Goya, Dalida, Marilyn Monroe, Rita Hayworth, Édith Piaf, Britney Spears, Lady Di, Eva Perón, Judy Garland, Greta Garbo, Madonna, Yvonne George, etc.). Par exemple, dans son autobiographie Le Ruisseau des Singes (2000), Jean-Claude Brialy dit sa passion pour la Dame au Camélia, Marie Duplessis, qui fut violée très jeune par son père, se prostitua, et mourut à 23 ans.

 

L’identification à la femme violée peut parfois être le signe d’un viol homosexuel (incestueux) vécu dans l’enfance : « Un soir que je passais dans un parc, j’ai entendu crier. C’était une fille qu’une gang de gars essayait de violer ! Je me suis aussitôt senti à sa place. » (François cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 173) ; « Oh mon papili, emmène-moi dans la forêt ! » (Guillaume, le héros bisexuel suppliant face à son père dans un rêve éveillé où il se prend pour une impératrice autrichienne, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; etc. Dans son autobiographie Antes Que Anochezca (1992), Reinaldo Arenas, le romancier cubain, illustre que son goût des femmes fatales médiatiques est à l’image d’un contexte familial troublé : « Le monde de mon enfance était un monde peuplé de femmes abandonnées. » (p. 20)

 

L’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias suffit, à elle seule, à prouver le lien coexistant entre le désir homosexuel et la reine carnavalesque violée (= intronisée puis détrônée) dans une forêt. Tout y est ! Lisez plutôt ces quelques morceaux choisis : « Elle a mis à chauffer la cire sur la cuisinière. Les pots ont explosé et le liquide brûlant a recouvert son corps comme une horrible robe dégoulinante. Elle a passé des mois à l’hôpital. Nous avons entendu son cri désespéré quand elle s’est regardée dans le miroir pou la première fois après l’accident. Nous étions à notre porte, sur la terrasse. Elle est rentrée comme une folle dans le poulailler et, pour se venger de sa tragédie, elle a égorgé, une à une, toutes les poules qui essayaient de s’envoler avec terreur. J’ai compris l’absurdité d’avoir des ailes sans pouvoir voler. Elle a fini par saisir le coq qu’elle a achevé avec les dents. Un nuage laissa filtrer les rayons d’une lune grise qui illumina le terrible visage monstrueux, ensanglanté par le sang du coq. Quelque temps après, elle est repartie. Elle a disparu dans la nature. Peut-être a-t-elle cherché dans la jungle la compassion des bêtes […]. Ce poulailler devint ma scène : il avait été le décor d’une véritable tragédie, je pouvais donc l’habiter de mes fantaisies. » (pp. 166-167) ; « On expliquait mal comment une si grande actrice [Cora Margot] était tombée dans une telle déchéance qu’elle fût forcée à promener son art dans un petit cirque de dernière catégorie qui n’avait même pas pu se payer un toit pour son chapiteau. » (idem, p. 304) ; « J’adore le Carnaval, les défilés, les carrosses, les chariots décorés. La seule chose qui me dérange, ce sont les types qui viennent pisser derrière nos arbres du trottoir. » (une des 3 tantes d’Alfredo, op. cit., p. 111) ; « Tu n’étais pas contente de me voir pleurer, mais j’éprouvais une tendresse particulière pour la Princesse indienne de Patagonie. Le jour où on l’a fait prisonnière et où la sorcière de la tribu ennemie lui a arraché ses boucles d’oreilles, j’ai trouvé le monde injuste. J’aurais voulu pouvoir voler jusqu’à la Terre de Feu et la reprendre aux mains d’êtres aussi sauvages. Je sais : c’était un feuilleton radiophonique. Mais il me donnait un avant-goût des atrocités à venir. » (Alfredo s’adressant à sa grand-mère, op. cit., pp. 157-158) ; « Tu m’as surpris, le soir du carnaval. Je m’étais faufilé, en pleine nuit, à l’extérieur, encore en pyjama. Au-delà du terrain vague, brillaient les lumières du dancing où les gens s’amusaient. Je me suis arrêté dans la maison en ruine où vivait encore une vieille. Je me suis assis à côté d’elle en silence. Nous avons vu quelques masques se diriger vers le dancing. Puis mon attention fut attirée par des rires venus d’un petit cirque miteux. Sur la pointe des pieds, je me suis approché de la fenêtre d’une roulotte. La trapéziste avait une blessure entre les jambes. Le dompteur y enfonça une énorme chose. Elle criait, mais à l’évidence cela lui procurait du plaisir. Quand je suis rentré, tu m’as grondé. Je me suis endormi, j’ai rêvé que la trapéziste et le dompteur me découvraient, me tiraient par une jambe vers eux et me serraient entre leurs corps. Des cailloux chauds roulèrent dans mon sexe. » (idem, p. 157) ; etc.

 

Un certain nombre d’artistes homosexuels sont iconoclastes avec les icônes de la féminité qu’ils adorent. À mon sens, ils expriment leur jalousie de ne pas parvenir à être/de croire être elles. « Je me souviens de Copi jouant la Loretta dans un fourreau de Saint-Laurent et crachant ce texte en vingt-cinq minutes en avalant de la vodka. » (Christian Bourgois dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 7) Mais dans un second temps, paradoxalement, l’immolation de la star se veut aussi acte d’amour, de purification par le feu, prétend être une preuve que l’actrice détruite iconographiquement est immortelle… parce qu’elle résiste même aux flammes des langues et des spotlights !

 

LIBERTINE

 

On retrouve un lien entre l’homosexualité et la reine brûlée du carnaval à travers la figure de Jeanne d’Arc, ce travesti portant des habits d’homme et qui symbolisant l’androgynie (Marie-Christine Pouchelle, « L’Hybride », Bisexualité et différence des sexes (1973), pp. 80-81).

 

Enfin, je finirai par parler des liens étonnants qui existent entre l’homosexualité et l’été. Cette période de l’année est associée par certaines personnes homosexuelles à une phase d’incertitude, de flou artistique perturbant entre la réalité et la fiction, de fête carnavalesque qui finit mal, voire de viol : « L’été, c’est la période de liberté avant de rentrer dans la norme sociale. » (le présentateur de Yagg pendant l’Avant-Première du film « Tomboy » (2011) de Céline Sciamma, au Cinéma Gaumont Opéra Premier de Paris, en présence de la réalisatrice, le 14 avril 2011) ; « État d’alerte dans de nombreux départements, la terre hurle de soif, les vignes crèvent sur pied, la forêt brûle, ça pue les vacances, les autoroutes puent le goudron et la mort, couscous parties dans les campings, les maisons de retraite sont des saunas. On appelle ça l’été, ce bonheur. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 158) ; « Au milieu de l’été de mes 15 ans, j’ai fait une tentative de suicide. » (Perry Brass, vétéran gay évoquant le harcèlement scolaire, dans le documentaire « Stonewall : Aux origines de la Gay Pride » de Mathilde Fassin, diffusé dans l’émission La Case du Siècle sur la chaîne France 5 le 28 juin 2020) ; etc. Pendant son concert Les Murmures du temps (2011) au Théâtre de L’île Saint-Louis, le chanteur français Stéphane Corbin ne cache pas son aversion pour l’été : « Depuis, l’été me rend triste. » ; « Saison d’été, les yeux mouillés. » Toujours dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, l’été renvoie à la prostitution et à l’inceste : « L’été est pervers ! s’est écrié Coco. Cette saison nous révèle les trésors insoupçonnés que l’hiver nous cache, sous les tricots, les vestes, les pantalons. » (p. 16) Par exemple, quand Alfredo s’adresse à sa grand-mère en ces termes (« Je crois que tu as menti, ce soir d’été. On est descendus sur la terrasse pour sentir la fraîcheur de la nuit et on a entendu une voiture s’arrêter. On s’est déplacés silencieusement pour espionner. On a vu le beau garçon, l’athlète qui faisait de délicats dessins de fleurs. Il faisait chaud. Il était presque nu dans la voiture. Sa peau brillait, recouverte d’une fine pellicule de sueur. Le conducteur de la voiture était un homme plus âgé, aux cheveux blancs. Ils se sont embrassés sur la bouche. Et tu m’as dit que c’était son père. », p. 165), celle-ci cautionne le viol et joue la politique de l’autruche comme le fait la reine du carnaval fictionnelle : « C’est vrai, un père qui aime profondément son fils. » Dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), Abdellah Taïa raconte son premier contact violent/fascinant avec la sexualité : il avait 13 ans quand il a vu un voisin des impasses du Bloc 14 se masturber : « C’était l’été, en plein été, août, le 7 août. […] Abdellah, fils de Ssi Aziz, se masturbait. » (p. 11) Plus tard, on l’entend associer son destin de femme vierge violée à une ambiance estivale brutale : « Je voulais dire beaucoup de choses. Des histoires secrètes. Des mots d’été chauds. Mes impressions, ce que ce petit chef m’inspirait, les torrents qu’il était en train de provoquer en moi. Le feu. Le sang. La glace. Le vent. Je voulais surtout qu’il sache que malgré tout ce qu’on disait sur moi à Hay Salam, ‘la petite fille’, ‘la poupée’, malgré tous les surnoms de trahison j’étais encore vierge. Vierge vierge. Vierge des fesses. » (pp. 20-21)

 

C’est l’été qui marque l’arrivée du Réel, et donc un réveil brutal pour les endormis. Comme le montrent les paroles du Christ, cette saison est le moment de la clarté embrasante de la Révélation apocalyptique de Dieu : « Jésus parlait à ses disciples de sa venue. Il leur dit cette 
parabole : ‘Voyez le figuier et tous les autres arbres. 
Dès qu’ils bourgeonnent, vous n’avez qu’à les regarder pour savoir que 
l’été est déjà proche. 
De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le 
royaume de Dieu est proche. 
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas sans que tout 
arrive. 
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. » (Lc 21, 29-33)

 
 

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Code n°75 – Fleurs (sous-code : Fleuriste gay)

fleurs

Fleurs

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Les fleurs sont les êtres vivants androgynes par excellence : elles ne possèdent ni organes génitaux, ni gamètes mâle ou femelle. C’est leurs principales caractéristiques. Symboles d’innocence absolue, de fantasme de se prendre pour Dieu, il était logique qu’elles soient récupérées par de nombreux artistes homosexuels, dans leurs créations comme dans le réel. Les personnes homosexuelles choisissent souvent la fleur comme étendards épinglés à leur poche de chemises, ou bien comme métaphores poétiques d’elles-mêmes. Toute-puissance de l’Être minéral désincarné, au corps éthéré et sans limite, synthèse inhumaine de la beauté et de l’amour (adolescent) : voilà ce qu’offrent les fleurs. La communauté homo a d’ailleurs choisi sa déesse d’identification : Ève, la femme végétale dont l’innocence florale ne tardera pas à voler en éclat dans le marais-cage du narcissisme (cf. Je vous renvoie au code « Femme végétale » du code « Bergère » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Amoureux », « Jardins synthétiques », « Se prendre pour Dieu », « Eau », « Ennemi de la Nature », « Innocence », « « Plus que naturel » », à la partie « Cuculand » du code « Milieu homosexuel paradisiaque », à la partie « Plante carnivore » du code « Cannibalisme », et aux parties sur la « Femme végétale » et « Ophélie » du code « Bergère », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 
 

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FICTION

a) Le pouvoir des fleurs :

Film "Franswa Sharl" d'Hannah Hilliard

Film « Franswa Sharl » d’Hannah Hilliard


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, la fleur est fréquemment montrée comme un signe d’homosexualité : cf. le film « Homme aux fleurs » (1984) de Paul Cox, le film d’animation « La Princesse et la Grenouille » (2009) de Ron Clements et John Musker, le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (avec la fleur rouge sur l’oreille de Watson), le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (avec les fleurs dans le générique du début), le vidéo-clip de la chanson « Mon Coloc » de Max Boublil, le film « Ken Burns » (2011) d’Adrienne Alcover (avec les fleurs tatouées), le tableau Jason, The Sexiest Of The Supreme Elves de Lorenn le Loki, le roman Les Hortensias (1896) de Robert de Montesquiou, la pièce Flor De Otoño (1972) de Rodríguez Méndez, le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin (avec l’orchidée), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, la pièce Flowers (1976) de Lindsay Kemp, la pièce Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, le film « Ich Möchte Kein Mann Sein » (1933) de Reinhold Schünzel, le film « Illtown » (1996) de Nick Gomez, le film « Khochkach » (« Fleur d’oubli », 2006) de Salma Baccar, le dessin Il Papavero Rosa (1999) de Sandra Venturini, le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye (où la première image du film est un nénuphar), le tableau Osman (1972) de Jacques Sultana, la photo Le Marin (1985) de Pierre et Gilles, la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi, les photos Rose (1989) et Calla Lily (1986-1988) de Robert Mapplethorpe, le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine (avec des plans fixes sur une énorme fleur rose de bougainvilliers, qui entrecoupent les scènes d’action), le film « Frauensee » (« À fleur d’eau », 2012) de Zoltan Paul, le film « Soongava » (« Dance Of The Orchids », 2012) de Subarna Thapa, le roman Le Chancelier de Fleur (1907) de Robert de Montesquiou, le roman Le Silence des fleurs (2013) de Sophie Lapointe, le poème « Le Langage des fleurs » (1902) de Renée Vivien, le film « All Flowers In Time » (2010) de Jonathan Caouette, film « Spider Lilies » (2007) de Zero Chou (Jade, l’héroïne lesbienne, se fait un tatouage de fleur), la chanson « Monocle et col dur » de Juliette, etc.

 

Poème "Le Langage des fleurs" de Renée Vivien

Poème « Le Langage des fleurs » de Renée Vivien


 

La fleur renvoie à la beauté sacrée et réelle de la sexualité, de la virginité. « J’adore les fleurs blanches. » (Océane Rose Marie dans le one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « Oui. Quelques hortensias. Ça devrait aller. » (la phrase finale de Lola, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Vera, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Lesbos en fleur. » (le docteur Peloursat, dans la pièce 13 à table de Marc-Gilbert Sauvajon) ; etc. Par exemple, dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao, Philippe, l’un des héros homos, se retrouve à un moment donné en tenue d’Adam sur scène, avec une fleur de tournesol à la place du sexe. Dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, un narcisse est filmé en gros plan en éclosion… en hommage au narcissique Narcisse. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Eugenia arrange les fleurs dans la cuisine, pour le jour du « mariage » de Ben et George.

 
 

b) L’adolescent homosexuel se prend pour une jeune fille en fleur :

Le chanteur Federico Moura

Le chanteur Federico Moura


 

La fleur dit d’abord l’état béat et transitoire de l’enfance androgyne : cf. le roman À l’ombre des jeunes filles en fleurs (1919) de Marcel Proust, la chanson « Flower Power » de Nathalie Cardone, la chanson « L’Enfant-fleur » de Catherine Lara, la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec la métaphore de l’enfant végétal), la chanson « Le Guide » de Stefan Corbin (et le narrateur et avec sa « salopette à fleurs »), etc. Par exemple, dans le roman L’Évasion de Kamo (1984) de Daniel Pennac, le jeune Kamo se fait appeler « Fleur ». Dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, Denis, le héros homosexuel, dit que lorsqu’il était petit, il voyait des visages humains à la place de tous les motifs fleuris des tapisseries de sa chambre d’enfant. Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, la chambre de Lord Henry est tapissée de lilas, de roses et de marguerites.

 

"Le Livre blanc" de Copi

« Le Livre blanc » de Copi


 

« C’est le champs de coquelicots où je cueillais des bouquets pour la fête des mères. » (Marco, le héros homosexuel se rappelant son enfance, dans le film « Footing » (2012) de Damien Gault) ; « Ce fut même lui [Orphée] qui apprit aux peuples de la Thrace à reporter leur amour sur des enfants mâles et à cueillir les premières fleurs de ce court printemps de la vie qui précède la jeunesse. » (Ovide, Les Métamorphoses, Texte 4, X, 64-85) ; etc. Par exemple, dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont, Léo, le jeune héros homo de 13 ans, travaille avec ses parents dans la cueillette des fleurs.

 
 

c) Je suis une fleur :

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Il arrive que le personnage homosexuel se considère comme la progéniture d’une mère végétale : « Quelles étaient les origines de cette femme ? […] Et d’où venait ce prénom, son prénom, Zhor ? D’un autre temps ? Zhor, une femme fleur. Toutes les fleurs ? » (Omar en parlant de sa mère, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 92) ; « Démerde-toi pour te réincarner en fleur, dans un champ vert et bleu. » (Vincent Garbo à Carole, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, p. 89) ; « Je décide d’attendre sans bouger un long et profond sommeil qui ressemble à la mort comme je l’imagine. J’y vois maman dans une grande robe blanche. Elle me sourit, court dans un champ de fleurs bleues. On dirait qu’elle vole. » (le narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 88) ; « J’ai le charisme d’une feuille morte quand tous les jours je veux être une fleur » (c.f. la chanson « Il ou Elle » de Bilal Hassani) ; etc. Il s’agit souvent de la maman cinématographique : cf. le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (avec le générique fleuri du début, dans lequel chaque actrice est figurée par une fleur), le film « Miss O’Gynie et les hommes fleurs » (1973) de Samy Pavel, etc. Dans le générique du début du film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, la tête des protagonistes lesbiennes est remplacée par un bouquet de fleurs.

 

Certains héros prétendent aimer énormément les fleurs : « J’aime les fleurs et le vent dans les branches. » (Aldebert dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado) Ils les aiment tellement que beaucoup se prennent même (ou sont pris) pour des fleurs : cf. le film « Un Hombre Llamado Flor De Otoño » (1978) de Pedro Olea, le roman Notre-Dame des Fleurs (1946) de Jean Genet, la nouvelle « Fleur de chair » (2007) d’Yvan Quintin, etc. « Marie-Fleur est gouine de chez gouine. » (la mère du héros homosexuel, dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Ils avaient rêvé d’avoir un fils comme lui, fonceur, costaud, bagarreur. J’étais le contraire : fragile de partout. Il m’appelait ‘Fleur de cristal’. » (Romain parlant de son père, dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, p. 27) ; « Je ne supporte pas l’idée de flétrir. » (Jarry dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Ne suis-je pas une adorable fleur ? » (Helena dans une nouvelle d’un ami homosexuel écrite en 2003, p. 10) ; « La forêt et moi, c’est la même chose. » (Julien Brévaille, l’un des héros homosexuels du roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 52) ; « Si tu étais un minéral, que serais-tu ? » (Pablo posant une question à son futur-amant Bruno, dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Santiago, un des deux protagonistes, a un nom de famille particulièrement significatif : il s’appelle La Rosa. Dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, Prior se compare à une fleur, l’orchidée. Dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, Benjamin, l’un des héros homos, au moment de se choisir une fleur d’identification, dit qu’il est un cactus.

 
FLEURS 3 Grand Schtroumpf
 

On retrouve le cliché du fleuriste homosexuel dans certaines fictions homo-érotiques : cf. le film « À cause d’un garçon » (2002) de Fabrice Cazeneuve, le film « Rachel Getting Married » (« Rachel se marie », 2008) de Jonathan Demme, le roman La Cité des rats (1979) de Copi (avec les géraniums ;ainsi que l’enterrement de la mère de la fleuriste), le film « Valentine’s Day » (2009) de Garry Marshall, le roman Monsieur Vénus (1889) de Rachilde (avec le jeune ouvrier fleuriste), : le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, etc.

 
 

d) Se prendre pour une fleur divine… ou même le Créateur des fleurs ! :

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Le symbole de la fleur illustre chez le personnage homosexuel qui s’y identifie un fantasme de se prendre pour un ange ou pour Dieu : cf. le roman Les Lesbiennes, ces fleurs du bien (2011) de M. Milan, la pièce Le Langage des fleurs (1935) de Federico García Lorca, etc.

 

Par exemple, dans la pièce musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, Álvaro nous apprend que les fleurs sont « son péché mignon ». Dans Notre-Dame des Fleurs (1946) de Jean Genet, le prostitué travesti qui a donné son prénom au titre de ce roman se surnomme « Divine ». Dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, Audric a le pouvoir de créer des fleurs et s’intéresse à la botanique.

 

Bien évidemment, ce fantasme finit par se révéler éphémère : « J’ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames. J’ai essayé d’inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues. J’ai cru acquérir des pouvoirs surnaturels. Eh bien ! je dois enterrer mon imagination et mes souvenirs ! » (Arthur Rimbaud, Une Saison en enfer, 1873)

 
 

e) L’amant homosexuel floral :

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Les fleurs représentent également l’amour homosexuel ou l’amant homosexuel : cf. le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet, le film « Say It With Flowers » (1934) de John Baxter, la chanson « Madeleine » de Jacques Brel (avec le bouquet de lilas que Madeleine ne recevra pas), le film « L’Invité de la onzième heure » (1945) de Maurice Cloche, le film « The Pollen Of Flowers » (1972) d’Ha Kil-jong, le tableau Robinson et Vendredi (2007) d’Éric Raspaut, le tableau Francis et Laurent (2007) de Kinu Sekigushi, etc.

 

Par exemple, dans le film « Imagine Me & You » (2005) de Ol Parker, l’idylle amoureuse entre Rachel et Luce s’entoure de fleurs. Luce est fleuriste de métier, déjà. La première fois qu’elles s’embrassent, c’est sur un coussin de fleurs et de roses odorantes dans l’arrière-boutique. Et tout leur « amour » est centré sur le lys : c’est la fleur préférée de Rachel, et celle-ci signifierait l’amour : « Le lys veut dire : Je te défie de m’aimer. »Dans la saison 2 de la série lesbienne The L World (saison 2), Shane s’amourache de la fleuriste qui vient lui livrer des fleurs. Dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot, Sidonie, l’héroïne lesbienne, doit broder un dahlia rose sur demande (ambiguë) de la Reine Marie-Antoinette : « Une broderie qui imiterait un dahlia… Vous voyez ? » Dans le film « Seijû Gakuen » (« Le Couvent de la Bête sacrée », 1974) de Noribumi Suzuki, on assiste à des scènes lesbiennes parmi les fleurs. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah et Charlène, les deux amantes, à chaque fois qu’elles s’adonnent à une séduction homosexuelle, portent comme par hasard, une robe fleurie. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony MacMurrough, un des héros homosexuels, se sent « comme une jeune fille avec sa fleur » ; et il voit ses amants-prostitués de manière similaire : « C’est drôle, cete façon qu’ils ont de vous déshabiller toujours de dos. Dévoilant la fleur de leur virginité. »

 

« Chaque fleur a son pot. Mais pas de fleur, pas de pot. » (Benoît, évoquant l’absence de compagnon dans sa vie, dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen) ; « Je lui montrais comment faire une explication pour le bac en français. On avait un groupement de textes tiré des Fleurs du mal. Quand je relisais avec lui ‘Parfum exotique’, j’avais des frissons des pieds à la tête. J’avais l’impression que ça parlait de lui, de nous. » (Mourad, l’un des personnages homosexuels, parlant d’Esteban, un camarade de classe, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 339) ; « Puis lui vint la conviction que cette femme était belle : elle ressemblait à une fleur étrange qui aurait poussé dans l’obscurité, quelque fleur rare, quelque fleur pâle sans tache ni imperfection. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, à propos d’Angela Crossby dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 173) ; « Elles s’en allèrent par les jardins […] car les jardins étaient doucement embaumés de l’odeur des giroflées et d’autres pâles fleurs […] Stephen pensait qu’Angela Crossby ressemblait à ces fleurs. » (idem, p. 189) ; « Ses mains encore dans mes cheveux. Ses yeux sérieux que je regarde de tout près bien qu’il fasse trop sombre maintenant pour y distinguer quoi que ce soit d’autre qu’un fugitif éclat de lumière. Alors une brusque exhalation de tout le corps – comme en ont les fleurs, par à-coups – venue on ne sait d’où, on ne sait de qui (peut-être à la fois de nous deux) nous inclut lentement dans le même remous, nous relie aux mêmes vibrations, comme si l’air entre nous les vêtements et jusqu’à la peau même tout avait disparu, abolissant jusqu’à la conscience claire d’être soi devant l’autre… » (Mireille Best, Hymne aux murènes (1986), p. 143) ; « Ahmed tourne le regard vers la Seine et l’île de la Cité, avec la Cathédrale Notre-Dame. Il se demande s’il y a encore un Quasimodo qui y vit, prêt à tout par amour pour lui. Il s’imagine en un grand Tzigane ténébreux et sensuel, dansant sur le parvis, mais en pleurs parce que son beau Phébus l’a laissé pour épouser un autre garçon, Fleur-de-Lys, alors qu’il est lui-même poursuivi par Frollo, un prêtre déterminé à en faire son amant secret. Dans ses fantasmes, l’Algérien adapte sans gêne les grands classiques français à sa guise ! » (p. 52) Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010) , p. 52) ; « Tu déboules comme une fleur. Il faut que j’assume ! » (Delphine en voulant à sa copine Carole de la forcer au coming out, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc.

 

Dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, l’amour lesbien est véritablement mis sous le signe de la fleur. Déjà, Ronit est comparée à une belle plante : « Ronit était là. Telle qu’Esti en avait gardé le souvenir, et plus encore. Dès le premier coup d’œil, on voyait qu’elle ne vivait plus ici ; elle ressemblait à une fleur exotique qui aurait poussé de façon inopinée entre les pavés. Rose et somptueuse, elle était habillée comme les femmes des magazines ou sur les affiches. » (p. 85) Et lorsque Ronit et Esti s’offrent des fleurs (« Tiens. C’est pour toi. Des hortensias. », p.225), le lecteur comprend qu’elles vont finir par coucher ensemble. Dans leur cas, l’hortensia est la métaphore botanique (cucul à la base ; mais pas si élogieuse, au final) de leur « amour » qui grandit : « L’hortensia avait poussé à la diable, le sol était trop humide pour y ramper. Je n’aurais pu m’asseoir en dessous, même si je l’avais voulu. D’ailleurs, j’étais beaucoup plus grosse qu’à l’époque. Je suis pourtant restée longtemps accroupie, les paumes appuyées contre le sol humide, les ongles enfoncés dans la terre. Je me suis finalement relevée et, tandis que je retournais chez Esti et Dovid [le mari d’Esti], je tentais de gratter la ligne de terre emprisonnée sous mes ongles. Et plus je grattais, plus elle s’enfonçait, le noir s’incrustait dans le rouge. […] Cela faisait des années que nous nous étions approprié l’hortensia. Dedans, nous étions invisibles, hors de portée de la maison, des regards du dessus et alentour. Il y avait l’odeur, je m’en souviens. Un arôme puissant d’hortensia pourri et d’humus. Encore maintenant, l’odeur végétale des hortensias conserve son pouvoir. » (Ronit, op. cit., pp. 212-213)

 

Étant connotée amoureusement (comme la danse), la fleur est en général la représentation d’une génitalité irréelle, décorporéisée, non-reconnue, non-respectée : « Tu étais une petite fleur et je t’étouffais. » (Schmidt s’adressant à son ami Jenko, dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller)

 
 

f) Les fleurs du viol :

Je vous renvoie à la partie « Plante carnivore » du code « Cannibalisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Par frustration due à l’éloignement du Réel, le héros homosexuel fictionnel cherche souvent à détruire les fleurs et l’amour désincarné qu’elles représentent. Par exemple, dans le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur », 1961) de William Wyler, la jeune Mary vole le bouquet de roses, en voulant le faire passer pour une preuve incriminante du lesbianisme entre Karen et Martha. Dans le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen, Göran, l’un des héros homosexuels, détruit les fleurs du jardin de ses voisins, en signe de riposte contre leur « homophobie hétérosexuelle ».

 

Les fleurs peuvent indiquer l’existence d’un amour-trahison, la violence douce et trompeuse de l’amour homosexuel. « J’avais l’impression d’avoir donné mon âme à un être qui met une fleur à sa boutonnière. » (Basile le peintre, parlant de Dorian Gray, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Avant que ses baisers ne deviennent couteaux, que ses bouquets de fleurs ne me fassent la peau, dés-adorer l’adorer. » (cf. la chanson « L’adorer » d’Étienne Daho) ; « Tu es la fleur empoisonnée de mon ultime sérénade, ma séductrice envenimée. » (Cachafaz à son amant Raulito, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « T’avais dans la tête une fleur dont les pétales te faisaient peur. C’est pas facile de vivre avec. » (c.f. la chanson « À quoi ça tient » de Romain Didier) ; etc.

 

Pièce "Nous sommes une femme" de Jean-Philippe Daguerre et Charlotte Matzneff

Pièce « Nous sommes une femme » de Jean-Philippe Daguerre et Charlotte Matzneff


 

Très souvent, la fleur est liée à un secret : cf. le film « Hana To Hebi » (« Fleur secrète », 1974) de Masaru Konuma, le film « La Flor De Mi Secreto » (« La Fleur de mon secret », 1995) de Pedro Almodóvar, la chanson « Les Fleurs de l’interdit » d’Étienne Daho, etc. Je pense qu’inconsciemment, ce secret, c’est le viol. « C’est un marchand de fleurs. Ma colline, mon coin non fumeur. C’est un garçon d’honneur, une vigne où le mistral se meurt. […] Et c’est pour aller vivre ailleurs qu’on abîme ce qu’on était hier. C’est comme un dard en plein cœur, une épine qui rougit de sa fleur. […] Ailleurs, l’herbe n’est pas plus belle. D’ailleurs, j’ai honte de celle, celle qui pour se faire aimer cachait son herbe folle, même s’il en restait un brin dans ses paroles. » (cf. la chanson « Marchand de fleurs » des Valentins). Dans l’épisode 7 de la saison 3 de la série Astrid et Raphaëlle (2021), intitulé « Les Fleurs du mal », ce qui lie – mais finalement aussi conduit à la mort – les deux amantes lesbiennes Françoise Martoli et Delphine Burand, c’est leur amour lesbien secret scellé par la création (par Françoise, horticultrice du Jardin des Plantes à Paris) de roses bleues. Le mari de Delphine, en découvrant le pot aux roses (… bleues !) les tuent toutes les deux par jalousie.

 

Film "Otto" de Bruce LaBruce

Film « Otto » de Bruce LaBruce


 

Dans le discours du héros homosexuel, la fleur renvoie parfois à la beauté de la sexualité flétrie ou abîmée par le (fantasme de) viol, le (fantasme d’) inceste, ou la (fantasme de) prostitution : cf. le film « The Flower Thief » (1960) de Ron Rice, le film « House Of The Black Rose » (1969) de Kinji Fukasaku, le film « Belle Salope » (2010) de Philippe Roger (avec Cédric, jeune prostitué, avec son bouquet de fleurs destiné à la base à sa mère internée dans une clinique psychiatrique), le roman Notre-Dame des Fleurs (1946) de Jean Genet, le roman Flor Del Mal (1924) d’Álvaro Retana, le recueil poétique Les Fleurs du mal (1857) de Charles Baudelaire, le film « Dahlia noir » (2006) de Brian De Palma, le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1959) de Joseph Mankiewicz, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, etc. « Tu lis Les Fleurs du mal ‘aimé’ : c’est le livre le mieux pour l’été. » (cf. la chanson « Toc de mac » d’Alizée) ; « Cette fleur, il me l’a volée. » (la voix-off de l’ange se faisant sauvagement sodomiser, dans le film « Toto Che Visse Due Volte », « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto) ; « Le sexe est une fleur maudite plantée entre deux cornes de Satan ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 25) ; « Elle faisait vraiment vieille pute, dans son peignoir à fleurs. Peut-être était-elle réellement une pute, d’ailleurs. » (Corinne décrivant sa mère, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 226) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] avait erré jusqu’à un vieux hangar où l’on rangeait les outils de jardinage et y vit Collins [la femme que Stephen aime] et le valet de pied qui semblaient se parler avec véhémence, avec tant de véhémence qu’ils ne l’entendirent point. Puis une véritable catastrophe survint, car Henry prit rudement Collins par les poignets, l’attira à lui, puis, la maintenant toujours rudement, l’embrassa à pleines lèvres. Stephen se sentit soudain la tête chaude et comme si elle était prise de vertige, puis une aveugle et incompréhensible rage l’envahit, elle voulut crier, mais la voix lui manqua complètement et elle ne put que bredouiller. Une seconde après, elle saisissait un pot de fleurs cassé et le lançait avec force dans la direction d’Henry. Il l’atteignit en plein figure, lui ouvrant la joue d’où le sang se mit à dégoutter lentement. Il était étourdi, essayant doucement la blessure, tandis que Collins regardait fixement Stephen sans parler. Aucun d’eux ne prononça une parole ; ils se sentaient trop coupables. Ils étaient aussi très étonnés. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de, pp. 38-39). « Stephen s’enfuit sauvagement, plus loin, toujours plus loin, n’importe comment, n’importe où, pourvu qu’elle cessât de les voir. Elle sanglota et courut en se couvrant les yeux, déchirant ses vêtements aux arbustes, déchirant ses bas et ses jambes quand elle s’accrochait aux branches qui l’arrêtaient. » (p. 39) ; « Les senteurs des prairies émouvaient étrangement ces deux êtres […] Comme sa fille [Stephen], Anna avait été remuée par le parfum des reines-des-prés sous les haies ; car en ceci mère et fille ne faisaient qu’un, toutes deux ayant dans leurs veines l’ardeur du sang celtique sensible à toutes ces nuances. […] Dans cette prairie ensoleillée, un grand désir d’aimer s’était soudain emparé d’Anna Gordon, les avait possédées toutes deux, tandis qu’elles se tenaient ensemble, jetant un pont entre la maturité et l’enfance. » (idem, pp. 44-45) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Lucie, la serveuse sadique harcèle Jules, le héros homosexuel, avec ses roses, ainsi que les deux autres invités qu’elle surnomme « ses trois petites roses ». Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Adèle offre un bouquet de fleurs à son frère gay William, pour l’enfermer de manière très incestuelle dans son homosexualité. Dans le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou, il y a des fleurs partout : sur les tapisseries (la mère de Kai), sur les tables de repas, dans la chambre de maison de retraite de Junn la mère du héros homosexuel Kai. D’ailleurs, ce dernier offre à sa chère et douce maman des hortensias violets. Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, toutes les prostituées, pour aguicher le client, porte une rose rouge à la main. Dans la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1, Hugo, le héros homo de 25 ans, dit qu’il ne peut pas se passer de voler : « Le cambriolage, j’y suis accro ! » (c.f. l’épisode 260, diffusé le 2 août 2018). Il cambriole les luxueuses villas de Sète, en laissant à chaque forfait, un bouquet de fleurs en souvenir. Bart Valorta, son complice, s’interroge sur ce curieux rituel : « Pourquoi les fleurs ? » Hugo lui répond : « C’est une manière de m’excuser. » Le Gentleman-cambrioleur… Hugo et Bart finissent par sortir ensemble et composer le Gang des Fleuristes (homosexuels) !

 

La fleur homosexuelle a donc souvent un parfum de désincarnation et de mort. « Le plus bel atout de la chambre était une cheminée en chêne sculptée de fruits et de fleurs.[…] Elle remarqua un visage parmi la flore sculptée et sursauta. Ses yeux firent la mise au point et elle en vit d’autres, joyeux et androgynes sous des cheveux emmêlés de lierre. Les sourires paraissaient bienveillants mais Jane les imaginait s’altérer avec les ombres, et elle espérait qu’ils ne perturberaient pas les rêves de l’enfant. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte, demeurant dans la chambre de son futur enfant, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 39) Par exemple, dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Matthieu, le héros homosexuel qui périt dès le début dans un accident de voiture se métamorphose, comme Narcisse : son corps écrabouillé contre la voiture, tripes à l’air, est associé à une composition florale (« On dirait un massif de fleurs. ») ; et quand Franck parle de sa mort, il associe son ami à un bosquet de tournesols jaunes. Dans la pièce Y’a un cadavre dans le salon ! (2022) de Claire Toucour, Simon (homosexuel latent) est poussé volontairement du haut d’un immeuble par son meilleur ami Julien qui veut se débarrasser de lui… et sa chute mortelle est amortie par un parterre de fleurs de fleuristes gays de la Gay Pride.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le pouvoir des fleurs :

Marcel Proust

Marcel Proust


 

Dans l’inconscient populaire, la fleur est fréquemment montrée comme un signe d’homosexualité… et on comprend pourquoi ! Beaucoup de personnes homosexuelles sont amatrices de fleurs (Jean Cocteau, Colette, Pedro Almodóvar, etc.), en portent sur elles comme un étendard (le gardénia à la boutonnière de Marcel Proust, le tournesol géant arboré par Oscar Wilde, la fleur de lys de Mylène Farmer, l’orchidée à la boutonnière des costumes voyants de Jean Lorrain, etc.). Par exemple, dans le documentaire « 68, Faites l’amour et recommencez ! » (2008) de Sabine Stadtmueller, le réalisateur Rosa von Praunheim parle toujours avec une rose devant lui en guise de faux micro (sûrement en référence à son surnom féminisé). Dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon, Mateo, homosexuel et séropositif, porte à un moment une pâquerette accrochée à l’oreille. Le célèbre coiffeur gay polonais Antoine de Paris adorait la fleur de lys et l’offrait toujours ses amis gays. Romaine Brooks, lesbienne, également.

 

Jérémy Patinier

Jérémy Patinier


 
 

b) L’adolescent homosexuel se prend pour une jeune fille en fleur :

Schtroumpf Coquet

Schtroumpf Coquet


 

Quasiment toutes les fleurs sont hermaphrodites, c’est-à-dire qu’elles n’ont ni de sexe mâle ni de sexe femelle. Il est donc logique que ceux qui rêvent du sexe unique ou d’un dépassement de la différence des sexes, à savoir la majorité des personnes homosexuelles ou transgenres, s’y identifient. « Sans savoir pourquoi, j’adorais le film ‘Ne mangez pas les marguerites’ ! » (Lea Delaria, lesbienne, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) Ils veulent retrouver « l’innocence radicale des fleurs » (Gilles Deleuze, Félix Guattari, L’Anti-Œdipe (1972/1973), p. 81).

 

Je vous renvoie au documentaire « Orchids, My Intersex Adventure » (2011) de Phoebe Hart (parlant des personnes dites « intersexuées »).

 
 

c) Je suis une fleur :

"Photo de la Honte" (moi à 7 ans, avec ma pâquerette)

« Photo de la Honte » (moi à 7 ans, avec ma pâquerette)


 

On entend parfois des individus homosexuels se déclarer enfants d’une mère végétale, en général cinématographique : « Elle [Cecilia] contempla sans se lasser la peinture de son fils. Une Mae West pointait entre les feuillages tropicaux, où abondaient fleurs, papillons. À ses pieds, une panthère noire. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 229)

 

Ils prétendent aimer énormément les fleurs, au point de s’y identifier : cf. l’essai Les Lesbiennes, ces fleurs du bien (2009) de Milan Roman, le projet Myosotis défendant les personnes trans (2019), etc. Petite anecdote personnelle : moi qui n’ai pas du tout la main verte, ni la folie des fleurs (je n’en ai même pas chez moi), je peux pourtant dire que j’ai eu inconsciemment, très jeune, ce que je pourrais appeler « un fantasme sexuel floral ». En effet, quand j’étais à l’école maternelle, chaque élève de ma classe avait eu le choix d’un petit symbole figuratif accompagnant l’étiquette de son prénom (cette étiquette se trouvait coller sur tous les bordereaux, les chemises pour classer les dessins, les peintures, le porte-manteau nominatif, etc.). Et moi, j’avais élu (comme par hasard…) la pâquerette comme dessin me représentant. Charmant, non ?

 

En ce qui concerne maintenant le cliché du fleuriste homosexuel, tout caricatural et réducteur qu’il soit, il n’est pas seulement fictionnel. Certains fleuristes se revendiquent ouvertement homosexuels, et font des compositions florales leur fond de commerce : pensons à Yann Cinquin, aux boutiques florales ouvertement LGBT Wax Flower, Orchidées et Compagnie, etc. Ce lien de coïncidence entre homosexualité et monde floral est connu, ou tout du moins deviné, même si les communautaires homosexuels préfèrent le juger « homophobe » pour ne pas l’analyser : « J’ai dit à ma mère : ‘Mais c’est quoi l’homosexualité ?’ Et ma mère m’a dit : ‘Ah tu sais, quand on va faire nos courses chez Leclerc, dans la galerie marchande, tu vois le fleuriste, c’est ça l’homosexualité.’ ‘C’est-à-dire ?’ ‘Ben, ce monsieur-là, il est un homosexuel. […] Je devais avoir 14 ans. » (Lidwine, femme lesbienne de 50 ans, dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, p. 64) De mon côté, je connais personnellement des fleuristes homosexuels, qui m’assurent exercer ce métier par choix et par goût personnel des plantes. Et lorsque j’avais publié pour la premier fois ce code de la Fleur (dans l’ancienne version du site de l’Araignée du Désert), cela avait déclenché une réaction épidermique assez bluffante sur Facebook de la part d’un ami homosexuel (dont j’ignorais la profession) qui s’est senti démasqué – pire que ça, exorcisé ! – puisque sur mon Mur, il a commencé à sortir de ses gonds : « Comment tu sais que je suis fleuriste ? » ; « Laisse mes fleurs tranquilles ! » ; puis il a posté un lien Youtube d’une scène d’exorcisme du fameux film « L’Exorciste ». Alors que, voilà, j’ai quand même des codes plus trash que celui-là… 😉

 
 

d) Se prendre pour une fleur divine… ou même le Créateur des fleurs ! :

Le symbole de la fleur illustre chez les personnes homosexuelles qui s’y identifient un fantasme de se prendre pour un ange ou pour Dieu. Par exemple, dans son documentaire « La Villa Santo Sospir » (1949), grâce à un jeu de caméra filmant au ralenti et en marche arrière, Jean Cocteau se présente explicitement comme un créateur de fleurs.

 
 

e) L’amant homosexuel floral :

Dans le discours de certains individus homosexuels, les fleurs symbolisent également l’amour homosexuel ou l’amant homosexuel : « Stéphane avait le privilège des jonquilles. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 63) ; « Tout comme les femmes, nous sommes sensibles aux hommages floraux. » (Jean-Luc, homosexuel de 27 ans, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 97) Étant connotée amoureusement (comme la danse), la fleur est en général la représentation d’une génitalité irréelle, décorporéisée, non-reconnue, non-respectée.

 

« Le temps nous [lui et le père Basile] enveloppa dans un tourbillon difficile à définir, celui de la léthargie du bonheur. J’avais fini par me dévoiler comme une fleur qui étale ses pétales en plein soleil. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p.34)

 
 

f) Fleur/Fêlure :

Par frustration due à l’éloignement du Réel, beaucoup d’individus homosexuels cherchent à détruire les fleurs et l’amour désincarné qu’elles représentent : il n’est pas rare de les entendre réprimer leur romantisme, leur côté « fleur bleue » (expression tellement signifiante !), fustiger la gnangnantise des bouquets de fleurs après les avoir offert à foison.

Cette auto-punition indique à mon sens l’existence d’une homophobie intériorisée (la fleur étant spontanément associée aux univers féminins), d’un attachement excessif à l’esthétisme, d’un amour-trahison, de la violence douce et trompeuse de l’amour homosexuel.

 

Dans le discours des personnes homosexuelles, la fleur peut renvoyer à la perte des idéaux, à la beauté de la sexualité flétrie ou abîmée par le (fantasme de) viol, le (fantasme d’) inceste, ou la (fantasme de) prostitution : « Pourquoi donc le jeune Adrien Baillon, le plus masculin des homos de Montmartre, viril au lit et casse-cou dans les rues, sodomite actif et criminel aguerri, railleur des tantes et frère de pogne de Mignon, répond-il de toujours au sobriquet de reine de ‘Notre-Dame-des-Fleurs’ ? » (François Cusset, Queer Critics (2002), p. 183) ; « Je crois que tu as menti, ce soir d’été. On est descendus sur la terrasse pour sentir la fraîcheur de la nuit et on a entendu une voiture s’arrêter. On s’est déplacés silencieusement pour espionner. On a vu le beau garçon, l’athlète qui faisait de délicats dessins de fleurs. Il faisait chaud. Il était presque nu dans la voiture. Sa peau brillait, recouverte d’une fine pellicule de sueur. Le conducteur de la voiture était un homme plus âgé, aux cheveux blancs. Ils se sont embrassés sur la bouche. Et tu m’as dit que c’était son père. » (Alfredo Arias à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 165) ; « Je me rappelle plus particulièrement Pinkie Sikes avec sa chevelure teinte en rouge, ses escarpins à talons aiguilles et son incroyable entrain sur le pont. […] Pinkie, une fleur du Sud d’une grande indépendance avait, à mon avis, presque 50 ans. À coup sûr, elle devait son indépendance à quelque procédure juridique car elle avait dû être quelques années plus tôt, une créature éblouissante. En fait, elle était encore éblouissante, quoique plutôt grotesque à cause de son maquillage et de ses courageux efforts pour paraître moins que son âge, en portant des chaussures à très haut talons, des jupes courtes et des vêtements de petite fille. J’aimais beaucoup Miss Pinkie. Malgré ma timidité maladive, elle ne faisait presque pas peur. » (Tennessee Williams à 17 ans, Mémoires d’un vieux Crocodile (1972), pp. 40-41)

 

Par exemple, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko raconte comment, après avoir été violé par un homme adulte, il était « comme une fleur asséchée par un trop plein de soleil » (p. 40)

 

Dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), le journaliste homosexuel Brahim Naït-Balk raconte à propos des fleurs un épisode fascinant qui lui est arrivé et qui l’avait apparemment chamboulé : « Mon père avait été hospitalisé pendant de nombreux mois à la suite d’un accident dans la mine. Il avait partagé la chambre avec un homme d’une soixantaine d’années avec lequel mes parents avaient sympathisé. Dès qu’il me voyait, il paraissait enchanté. J’étais majeur mais loin de tout comprendre. Quand il a quitté l’hôpital, ma mère m’a dit : ‘Je lui ai promis que tu passerais le voir. Tu vas lui acheter des fleurs.’ Je n’en avais aucune envie, mais elle a tellement insisté que j’ai fini par céder, comme toujours. Je me revois dans ce village, devant sa petite maison, les fleurs à la main comme un imbécile. Je ne comprenais pas pourquoi les voisins me regardaient de travers… J’ai frappé, ma mère l’avait prévenu de ma visite, je suis rentré et il s’est jeté sur moi, cherchant à m’embrasser en me serrant à m’étouffer. Il était négligé, mal rasé… Les fleurs étaient tombées par terre, mais il se fichait royalement de mon bouquet. Alors qu’il m’embrassait de force sur la bouche, j’ai juste eu l’énergie de le repousser et de m’enfuir. » (p. 96) Les fleurs marquent ici la perte de l’innocence, la présence d’un désir incestueux et homosexuel qui ne rend pas libre.

 

D’ailleurs, dans les créations homosexuelles, on assiste souvent à une inversion de ce type : l’Homme est végétalisé, alors que la faune et la flore sont personnifiés. Généralement, cet échange signifie socialement une robotisation et une déshumanisation de l’être humain (cf. l’article « El Pez Doncella » (1998) de Manuel Rivas).

 
 

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Code n°77 – Folie (sous-code : Sacralisation du fou)

Folie

Folie

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Le Rempart de la folie

 

Pet Shop Boys

Pet Shop Boys


 

Artistiquement, l’esthétique de la folie attire beaucoup les personnes homosexuelles : pour elles, le délire « transgressif » est davantage vecteur de Vérité que la Vérité même. Et la transgression de la différence des sexes qu’elles souhaitent mettre en place dans leurs amours leur apparaît comme une douce folie, qui apprendrait à la société une diversité raffinée, inaudible et rafraîchissante.

 

À d’autres moments, elles simulent le délire, par dérision cynique (quitte à abuser de la féminisation et à singer avec complaisance l’injure « folles ») mais aussi par peur ou désir de devenir vraiment folles. À l’image, elles cultivent l’ambiguïté du psychopathe et la présomption de démence, en chantant des comptines par exemple, ou en s’identifiant à l’ermite donquichottesque mis au ban de la société, mais qui malgré les apparences, dirait au monde les plus profondes vérités : en général, le mythe du vieux fou délirant, du « libre penseur » bohème, du sage étranger et pauvre (et homosexuel !), etc., les séduit intellectuellement beaucoup. Elles aiment ce qu’elles appellent « la littérature de la folie », l’écriture indécidable où on ne distingue plus bien si leurs auteurs ont réellement toute leur tête ou s’ils simulent la folie sous l’effet de drogues ou d’une vérité transcendante offerte uniquement aux simples d’esprit.

 

Mais dans les faits, la « folie » qu’elles promeuvent n’est pas du tout une folie mesurée, une folie libre, car elle est déconnectée du Réel (à commencer par son socle : la différence des sexes) et déconnectée des autres. Elle rime avec isolement narcissique. Certes, dans la Bible, il est marqué noir sur blanc que Dieu ne choisit pas des gens parfaits pour annoncer son Royaume, mais des fous. Et je crois personnellement que ce sont elles, les « folles », qu’Il élit aussi pour Le révéler. « Ce qui est folie dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages. » (Paul, 1 Cor. 1, 27) Mais ceci ne devient effectif que dans l’accueil humble du Seigneur et de son ordre naturel.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Reine », « Bobo », « Amour ambigu de l’étranger », « Humour-poignard », « Cirque », « Se prendre pour Dieu », « Pygmalion », « Bourgeoise », « Artiste raté », « Déni », « Faux intellectuels », « Faux révolutionnaires », « Homosexualité noire et glorieuse », « Désir désordonné », « Femme étrangère », « Milieu psychiatrique », « Infirmière », « Milieu homosexuel paradisiaque », « Amoureux », « Emma Bovary « J’ai un amant ! » », « Planeur », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Cour des miracles », « Doubles schizophréniques », « Androgynie Bouffon/Tyran », et à la partie « Carnaval » du code « Clown blanc et Masques », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Folie « géniale » et « vraie » :

Dans les fictions traitant d’homosexualité ou trouvant un fort écho chez le public homo, il est pas mal question de folie : cf. le roman La Folie en tête (1970) de Violette Leduc, le roman The Mad Man (1994) de Samuel R. Delany, le film « Florence est folle » (1944) de Georges Lacombe, la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa, le one-woman-show La Folle Parenthèse (2008) de Liane Foly, le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, la pièce La Cage aux folles (1975) de Jean Poiret, le one-man-show Jefferey Jordan s’affole ! (2013) de Jefferey Jordan, la reprise de la chanson « Crazy » de Seal par Aude Henneville dans The Voice France (première édition, en 2011), la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor, le vidéo-clip « Let Your Head Go » de Victoria Beckham, la chanson « Can’t Get You Out Of My Head » de Kylie Minogue, le film « Totò che visse due volte » (« Toto qui vécut deux fois », 1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (avec l’éloge bobo de la folie), le film « The Producers » (« Les Producteurs », 1968) de Mel Brooks, la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, la chanson « Loca » de Shakira, le film « Alice In Wonderland » (2010) de Tim Burton (avec le Chapelier dépeint en grande folle), la pièce Une Envie folle (2014) de Fabrice Blind, la chanson « Escargot » d’Éric Mie, etc.

 

Pièce Une Envie folle de Fabrice Blind

Pièce Une Envie folle de Fabrice Blind


 

En général, Le personnage fou est présenté comme un sage qui énonce de grandes vérités : cf. le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec la grand-mère Mathilde), le roman Son Frère (2001) de Philippe Besson (avec le vieux marin), les chansons « Psychiatric » et « Maman a tort » de Mylène Farmer, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec les clowns blancs), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz (avec Leonora qui va révéler de manière codée l’homosexualité de son cousin), le film « Le Placard » (2001) de Francis Veber (avec le personnage de Félix Santini), le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec Madame Alison), le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (avec le facteur déluré), les personnages du Roi Lear (1604) ou de Macbeth (1623) dans William Shakespeare, le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (avec le personnage d’Augustine), la pièce Transes… sexuelles (2007) de Rina Novi, le film « Dernier des fous » (2005) de Laurent Achard, etc.

 

Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, dans ses accès de délires hallucinatoires, confond son lapin en peluche avec Dido son vrai lapin vivant… et il enterre son lapin en peluche avec la même tristesse hystérique que lui aurait causé la mort réelle de Dido. Le spectateur finit par comprendre que Dido a concrètement disparu en même temps que sa doublure-objet. Puis plus tard, dans l’hôtel abandonné, Dany discute, dans une sorte de rêverie éthérée et « poétique », avec le fantôme géant de son lapin Dido. On cherche encore le message caché et « puissant » de ces scènes « délire »… Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Frau Heike Becker est la vieille folle qui a des visions de fantômes mais qui dit la vérité. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare , Mathias Le Goff envoie un texto tendre à sa fille Victoire lui parlant de l’équipe de water-polo gay dont il a la charge : « Ton papa avec les fous. » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, sir Harold Nicolson, le mari-couverture de Vita Sackville-West, lesbienne, traite Virginia Woolf de « folle », et reproche à sa femme de s’enticher de « sa géniale malade ».

 

Selon la théorie inversante de certains créateurs homosexuels, le fou serait le sage (caché) et le savant serait un imbécile. Le génie fou serait même prioritairement homosexuel ! Par exemple, dans le roman Nightwood (Le bois de la nuit, 1936) de Djuna Barnes, Robin Vote, une jeune Américaine à l’allure androgyne, somnambule hantée par une légère folie, fascine son entourage. On retrouve la thématique du « surdoué » inculte et fou dans le roman Le Joueur d’échecs (1943) de Stefan Zweig, le film « Nell » (1994) de Michael Apted, le téléfilm « Le Petit Homme » (1991) de Jodie Foster ; ou dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, notamment. Par exemple, dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand se targue d’être à la fois « folle et sensée ». Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon dit qu’elle a intitulé son concert « Folie » puis se corrige en disant que c’est finalement « Free », en associant ainsi la liberté à la folie.

 

Vidéo-clip de la chanson "Désenchantée" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer


 

Dans les fictions homo-érotiques, la folie prend des allures de fête, de méga Gay Pride mondialisée : « Tous les fêlés sont des anges. » (cf. la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer) ; « L’école de la folle sagesse peut sauver le genre humain. » (cf. une réplique dans la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg) ; « Qui a plus de raison qu’un fou ? » (Louis II de Bavière dans la pièce Le Roi Lune (2007) de Thierry Debroux) ; « En moi le sage et fou vont apprendre à ne plus vivre seul. » (cf. la chanson « Dragon de feu » d’Étienne Daho) ; « Vous savez, la folie, parfois c’est charmant ! » (Monsieur Charlie dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Pourquoi se prendre la tête ? Faites comme moi : perdez-la ! » (le héros travesti M to F du one-(wo)man-show Le Jardin des Dindes (2008) de Jean-Philippe Set) ; « Moi, je pense que l’avenir est aux Beurs, aux pédés, aux chômeurs, à tous les défoncés qui sont en train d’inventer une nouvelle culture, une nouvelle spiritualité. » (Nathalie, une des protagonistes lesbiennes du roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre, p. 151) ; « La folie est l’humour de l’intelligence. » (Nietzsche dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « En attendant d’être des rois, mes amis et moi sommes les acteurs d’une version de la folie des grandeurs, … sous une pluie de confettis » (cf. la chanson « Mes amis et moi » d’Arnold Turboust) ; « C’est mardi, mais c’est mardi gras. Aujourd’hui, les folles du Continental sont permises de se travestir, elles vont et viennent sans arrêt des galeries Lafayette qui se trouvent tout près, ce soir il y a un grand bal autour de la piscine. » (la voix narrative du roman Copi, Le Bal des Folles (1977), p. 129) ; « Avec tous ces papillons ! Je deviens folle ! » (China dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi) ; « Moi, j’aime les vieux. Ils sont fous. » (Mégane dans la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams) ; « Je suis Foufou ! » (Frankie, bourré, dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson) ; « Il paraît qu’elle est folle. » (Louise, le personnage trans M to F, parlant de lui à la troisième personne, dans la chanson du téléfilm « Louis(e) » (2017) d’Arnaud Mercadier) ; « Depuis tu cueille les fleurs du mâle, heureux de vivre en diagonale comme un fou sur son jeu d’échecs. Allez savoir à quoi ça tient de naître noir, ou blond, ou brun, ou d’être gay. » (c.f. la chanson « À quoi ça tient » de Romain Didier) ; etc.

 

Souvent, les héros homosexuels s’affublent ironiquement du qualificatif de folie (de « folle » ou « grande folle »), comme pour forcer et neutraliser la présomption sociale de folie (et d’homophobie aussi !) qui pèse sur leur homosexualité : « Une folle à lier !!! » (Bernard à propos de son ami gay efféminé Emory, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Cette folle est très amusante, non ? » (Michael par rapport à Harold, son coloc aussi gay que lui) ; « Je croise sur le trottoir de la rue Bonaparte dix, quinze folles de boutique. […] Mon futur public, me dis-je méchamment. Non, ils ne lisent pas. » (le narrateur homosexuel à propos des personnes homosexuelles, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 15) ; « Tu es vraiment complètement folle. » (Mary, un transsexuel M to F s’adressant à Strella, également trans, dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras) ; « Il est barje. » (Alex parlant d’André, son beau-père homosexuel, dans l’épisode 364 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 26 décembre 2018) ; etc. La folie devient alors un féminin autoparodique, un savoureux cynisme, une préciosité de connivence interlope.

 

Par exemple, dans le film « Glückskinder » (« Laissez faire les femmes ! », 1936) de Paul Martin, Frank, le héros homosexuel, se tourne vers son compagnon Stoddard en s’exclamant : « Je viens d’avoir une idée complètement folle ! »… ce à quoi ce dernier lui répond « Venant de toi, ça ne m’étonne guère… ».
 

Chez le héros homosexuel, la folie est plus profondément une posture narcissique, un désir de se rendre intéressant(e) en jouant sa Drama Queen : « Je suis dingue. » (Donato s’adressant à son amant Konrad, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; « Vous allez penser que je suis complètement folle… » (Damien, le héros travesti M to F, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; « Je suis prêt à suivre tous les traitements que vous voulez. La camisole chimique. » (la mère folle dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau) ; « Je suis folle ! Je suis folle ! Je suis folle ! Je suis folle ! Je suis folle ! Je vais me pendre à la vieille poutre apparente ! » (« L. », le héros transgenre M to F, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Promettez-moi que vous ne serez pas méchant avec moi dans votre gazette. On a propagé de telles insanités à propos de mon soi-disant mauvais caractère ! Il paraît que j’ai l’habitude de gifler mes partenaires. » (Cyrille, le héros homosexuel de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; etc. Le personnage gay ou lesbien trouve ça beau et drôle d’interpréter la tarée. « Folle n’est pas un emploi. C’est un rôle. » (Gérard, le héros homosexuel de la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; « Je l’ai vue à la télé et ça m’a rendu dingue. […] Notre seul point commun, c’est d’être cinglées. » (Strella, le héros transsexuel M to F parlant de la cantatrice Maria Callas, dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras) ; « Les yeux des filles, ça sert à quoi ? Ça sert à mettre le feu partout. Ça rend fou. » (Charlène Duval, le travesti M to F du one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Mélancolie. Par la porte opposée elle voit sa folie qu’elle va jeter plus loin de toi. […] C’est bien ça, un peu de déraison. Lonely Lisa. Devisée et tous à l’unisson. Lonely Lisa. C’est bien ça, un peu de déraison. » (cf. la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer) ; etc.

 

La folie ferait partie du « processus créateur »… Par exemple, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, le Traducteur-auteur joue au fou qui perd la tête (p. 155).

 

Parfois, le héros envisage son homosexualité et sa folie comme une snobisme victorieux : « Vous pensez que je suis folle, je suis juste sous l’emprise de mes hormones, je veux diriger l’empire des sens, être votre maîtresse à tous ! […] Oui, c’est ça dont on manque, de folie… de folles… Oui, c’est pour ça que moi je suis gay, voilà j’ai réussi à le prouver ! La folie, c’est la seule chose qui ne soit pas mondialisée. La folie c’est la véritable différence entre les gens, c’est la vérité. C’est quand on est fou qu’on est différent. La reine des folles, c’est moi ! Voilà ce qu’il nous faut : Une folle présidente ! » (le narrateur de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, p. 101) Il prétend trouver dans la folie son identité profonde, la quintessence de son être : « Je suis folle donc je suis ! » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 32) ; « La sagesse : qu’est-ce que c’est ? » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc.

 

Dans certaines fictions, le héros homosexuel cherche même à passer pour un fou (pour, par exemple, être exempté du service militaire) : cf. le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, le film « Yves Saint-Laurent » (2013) de Jalil Lespert, etc. « À la toute fin de l’entretien, je redis au psy mon espoir qu’on voudra bien me reconnaître pour fou. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 85)

 
 

b) La folie ma compagne/m’accompagne :

À ce propos, il est étonnant de constater que le protagoniste homosexuel est souvent entouré d’une femme folle (une mère, une sœur, une voisine, une amie, une « fille à pédé », la femme cinématographique, un être imaginaire, etc. ; je vous renvoie à la partie sur la « Mère folle » sur le code « Milieu psychiatrique » du Dictionnaire des Codes homosexuels) qu’il traite comme son bon laquais (qu’il s’autorise à massacrer verbalement ou physiquement) mais dont il ne peut pourtant pas se séparer : cf. le film « Diva Histeria » (2006) de Denis Gueguin, le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo (avec la voisine folle-dingue ricanante de Giulia), etc. « C’est ma voisine Ariane. Elle est folle. » (André dans le film « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; « Ça fait combien de temps que tu la supportes, l’autre folle ? » (Philippe, le héros homosexuel parlant à son compagnon, dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier) ; « Les actrices sont toutes des malades mentales. » (Doris, l’héroïne lesbienne de la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « J’aime une comédienne : Sybil Vane. […] Elle est devenue folle. » (Dorian Gray dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Je savais que tu étais folle. Mais pas à ce point-là. » (Hugo le héros gay s’adressant à Julia sa meilleure amie lesbienne, dans le film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? » (2010) de Malu de Martino) ; « Cette folle perverse rêve depuis des années d’être tuée, elle est à la recherche d’un assassin, voilà : elle l’a trouvé : c’est moi. » (le narrateur homosexuel parlant de Madame Audieu, la voyante, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 110) ; « Je suis folle Karine. Folle. Et c’est follement beau d’être folle ! » (Petra dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Les pathologies – cleptomanes, mythomanes, pyromanes – me fascinent. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc.

 
 

Fred – « T’es complètement folle !

Alice – Non, Fred, c’est toi la folle ! »

(cf. un dialogue entre Fred, le héros homo, et sa meilleure amie hétéro, dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis)

 
 

c) Douce folie de l’amour homo :

Dans la fantasmagorie homosexuelle, c’est également l’amour homosexuel qui est envisagé comme une folie : cf. le film « Folle d’elle » (1998) de Jérôme Cornuau, le film « Le Fou du Roi » (1983) d’Yvan Chiffre, la chanson « Crazy For You » de Madonna, la chanson « Je t’aime » de Lara Fabian, etc. « Vous êtes aussi toquées l’une que l’autre. » (Marie-Louise, une brodeuse, par rapport au « couple » lesbien formé par Sidonie et la Reine Marie-Antoinette, dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot) ; « J’ai passé une nuit de folie, les garçons ! Faut que je vous raconte ! Anna l’actrice, elle s’appelle Anna et pas Vanessa, elle est folle ! » (Polly, l’une des héroïnes lesbiennes du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 34) ; « Je suis fou, mais je t’aime. » (Arsène parlant à Hector dans le film « La Bête immonde » (2010) de Jann Halexander) ; « La réalité, c’est que nous nous aimons comme des fous. » (Bryan par rapport à son couple avec Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 335) ; « Je suis fou d’amour, fou, fou ! » (Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « J’ai voulu être folle. Avoir un bonheur fou. » (l’héroïne de la pièce La Voix humaine (1959) de Jean Cocteau) ; « T’es dingue. » (Jonas s’adressant à son amant Nathan, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier) ; etc. Parfois, le trouble de la bisexualité est présenté d’ailleurs comme un symptôme de folie : « Je suis roi devenu fou. » (cf. la chanson « Indélébile » de Christophe Wilhem et Zaho)

 

La folie prend des allures de « magnifique passion » (un peu forcée, mais tant pis : la fin justifierait les moyens)… et pas du tout comme une idolâtrie ou un fanatisme qui enfermerait la personne : « J’ai toujours été folle des chaussures. Avec des paillettes. » (Zize, le travesti M to F dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Quand je quittais la scène, elles m’attendaient en coulisse par grappes ! Parfois elles montaient par le trou du souffleur ! Et plus je faisais la folle sur scène, plus elles m’adoraient. » (Cyrille, le héros homo de la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Je suis fou des enfants. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 68) ; « Mais vous savez, je l’aime énormément, cette petiiiiiite ! » (Carole Fredericks dans la version live 1989 de « Maman a tort » de Mylène Farmer) ; « Je l’aime comme une dingue. Je pensais pas qu’un jour, j’aimerais quelqu’un comme ça. » (Carole parlant de son amante Delphine, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc.

 

La folie est présentée par certains héros homosexuels comme une naïveté « fleur bleue » hors du commun, idyllique. Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, au collège, s’est occupé de la déco de la fête du lycée, et trouve son immaturité à la fois touchante et ridicule : « Je faisais des étoiles en alu, et des nuages en coton. Il faut une folle pour ce genre de choses. » Celle-ci est mise en lien direct avec le premier émoi homosexuel (non-réciproque) d’Emory pour Peter, un gars hétérosexuel. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Doyler propose à son amant Jim de « sécher » la messe et d’aller se baigner « pour qu’il soit avec lui, pour être fou »… et pour le draguer.

 
 

d) Le doute :

Derrière l’euphorie littéraire, cinématographique et intentionnelle, plane un sérieux doute sur la valeur de cette « folie » homosexuelle, et de son contrôle. Par exemple, dans le roman Los Alegres Muchachos De Atzavará (1988) de Manuel Vázquez Montalbán est remis en doute le délire soi-disant maîtrisé des « faux fous » homosexuels (p. 265). Le lecteur ou le spectateur sent qu’une fois confrontée au Réel, la folie et son pouvoir excitant tombent à plat et manifestent une fuite d’une souffrance/violence, d’une peur, que nous étudierons amplement dans le code « Milieu psychiatrique » du Dictionnaire des Codes homosexuels : « C’était notre seule façon de nous en sortir, la folie. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 89) ; « Le fou, il nous protège. » (cf. une réplique de la pièce musicale dans la pièce Toutes les chansons ont une histoire (2009) de Quentin Lamotta et Frédéric Zeitoun) ; « Tu es fou. » (Giovanna, amusée face au désir de son meilleur homo Léo de partir dans un pays imaginaire où chacun pourrait « se réinventer », dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; « Et ma folie me bouscule en m’éloignant des crépuscules. » (le héros du film « À mon frère » (2010) d’Olivier Ciappa) ; etc.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Folie « géniale » et « vraie » :

Dans le discours social actuel sur l’homosexualité, ou bien en bouche de beaucoup de célébrités homosexuelles, on entend une louange de la folie, souvent entendue d’ailleurs comme un synonyme d’homosexualité : « Plus ça va, moins je m’intéresse à l’écriture institutionnalisée sous la forme de la littérature. En revanche, tout ce qui peut échapper à cela, le discours anonyme, le discours de tous les jours, […] ce que les fous disent depuis des siècles dans le fond des asiles, ce que les ouvriers n’ont pas cessé de dire, […] ce langage à la fois transitoire et obstiné qui n’a jamais franchi les limites de l’institution littéraire, de l’institution de l’écriture ; c’est ce langage-là qui m’intéresse de plus en plus. » (Michel Foucault, Dits et Écrits I, 1954-1988 (2001), p.1280. Voir également Sa défense du fou p. 1003) ; « Je suis un fou qui aime l’humanité. Ma folie c’est l’amour de l’humanité. » (Vaslav Nijinski, Cahiers (1919), p. 7) ; « J’aurais aimé être une femme. Une vraie femme. J’aurais aimé être un fou. Un vrai fou. C’est ce que j’allais devenir, un jour. Fou comme les pirates de Salé qui ont terrorisé le monde aux XVIIe et XVIIIe siècles. Fou, corsaire, porté par un grand rêve et à la recherche d’un moyen pour le révéler aux autres, le crier, l’écrire. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 28) ; « Étrange tapette, insensée […] Attention, les tapettes deviennent folles. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, parlant de lui-même, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Dans la pensée queer actuelle, on nous offre des délires identitaires ou des travestissements comme de l’Esprit, comme des traits de génie (cf. le documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra, la thèse La « folle » révolution autofictionnelle : Arenas, Copi, Lemebel, Puig, Vallejo (2009) de Lionel Souquet, etc.). Par exemple, dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans explique que le « goût du scandale c’est le comportement dit de ‘folle » (p. 291).

 

À titre d’illustrations, dans une émission télévisée en 1983, Laurent Boutonnat avoue que ce qui l’a attiré chez Mylène Farmer, c’était son caractère « névrotique ». L’écrivain français Hervé Guibert se passionne pour Zouc, l’actrice déjantée. Dès l’âge de 9 ans, à l’école, le couturier Jean-Paul Gaultier dessinait des danseuses des Folies Bergère, et a trouvé dans l’univers de sa grand-mère la « liberté » et la folie fantaisiste qu’il recherchait pour fuir l’enfer scolaire. Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Barbara, la femme de Bertrand, joue la folle ou bien se voit définie ainsi : « J’avais envie d’être folle. J’avais envie d’être conne. » dit-elle quand elle s’habille de manière excentrique. Plus tard, elle s’empêtre dans son propre jeu : « Je crois que je deviens dingue. » Et sur scène, elle joue le rôle d’une folle : « Moi, rendue folle par les piqûres de la mouche » Les pseudonymes que se donnent un certain nombre d’internautes sur les sites de rencontres LGBT empruntent énormément au lexique de la folie, et sont quasiment signés « Dingo » : Delireman, Crazyboy, Loco69, Fol Bavard, etc. Certains théâtres parisiens où la programmation est particulièrement gay friendly portent la trace de la folie : par exemple, À la Folie Théâtre. Je pense aussi à l’agence de clubbing gay La Démence. Les témoignages d’auteurs homosexuels aussi : cf. l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias.

 

Chez certaines personnes homosexuelles, la folie est une posture narcissique, un désir de se rendre intéressant(e) en jouant le psychopathe inquiétant ou bien la Drama Queen humoristique qui feint la folie : « Je cherche un mari mais je ne suis pas folle vous savez. Bonsoir. » (cf. une annonce d’un profil lu sur un chat de rencontres gays en mai 2014, et pastichant le sketch de Florence Foresti – l’icône gay par excellence ! – qui parodie l’actrice Isabelle Adjani) ; « Je veux faire des films qui rendent les spectateurs fous, qui les pousse à commettre un meurtre. » (le réalisateur japonais Hisayasu Sato) ; etc. Il n’y a qu’à voir le succès que remportent des chanteuses ou des actrices borderline comme Judy Garland, Jeanne Mas, Mylène Farmer, Dalida, Maria Callas, Lady Gaga, Chantal Goya, Valérie Lemercier, etc., dans la communauté homosexuelle pour le constater !

 

Pensons également à la publicité « Perrier c’est fou ! » popularisée et interprétée par Copi à partir d’un personnage du Frigo, Goliatha, avec ses gros sourcils, et qui prononce la fameuse réplique « C’est fou, non ? ».

 

 

Certains critiques bobos n’hésitent pas à ratifier (d’un rire « jubilatoooire »… bien forcé) la « transcendance » de la « Folie » des « artistes » homosexuels : « Copi nous laisse une pièce d’une gaieté folle, si drôle que les spectateurs, de fou rire en fou rire, n’ont pas le temps de penser à l’incroyable défi de l’auteur. » (cf. l’article de Michel Cournot « Une Visite inopportune de Copi : Java-requiem », dans le journal Le Monde, daté du 22 février 1988)

 
 

b) La folie ma compagne/m’accompagne :

Vidéo-clip de la chanson "Je te rends ton amour" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Je te rends ton amour » de Mylène Farmer


 

Beaucoup d’artistes ou de réalisateurs homosexuels éprouvent une grande tendresse et une forte connivence de sensibilité avec le personnage de la femme hystérique incomprise et excentrique. « Quelle femme singulière ! Ce mélange inextricable de véritable folie créatrice et de coquetterie… » (Klaus Mann en parlant d’Else Lasker-Schüler, dans son Journal 1937-1949, p. 33)

 

C’est le cas par exemple de François Ozon avec le personnage d’Augustine dans le film « Huit Femmes » (2001), de Rainer Werner Fassbinder avec Petra von Kant dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (1972), de Pedro Almodóvar avec Gloria dans « ¿ Qué He Hecho Yo Para Merecer Esto ? » (1984) ou encore « Mujeres Al Borde De Un Ataque De Nervios » (1989), de David Forgit le comédien travesti M to F parodiant uniquement des prostituées hystéros dans son one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) (par exemple Marie-Chantal qui laisse 17 messages sur répondeur, Mémé Huguette qui « simule la démence régressive »), de Didier Bénureau imitant la belle-mère acariâtre et cinglée, de Cyrille Étourneau avec sa Lucie la cruelle amoureuse dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013), de Thibaut de Saint-Pol avec sa Madeleine (surnommée « la vieille folle » ou « la vieille sorcière du Gaou ») dans le roman À mon cœur défendant (2010), etc. Pour eux, la folie est carrément un art, une stratégie géniale, un cri touchant et transperçant l’âme. Ils se refusent à la mépriser. Pire que ça : ils s’y identifient. Je me rappelle par exemple du fort succès, auprès du public homosexuel, qu’a rencontré le personnage de « Madame Foldingue » (interprétée par Claire Nadeau) dans les années 1980 dans l’émission Cocoricocoboy de Stéphane Collaro sur TF1.

 

Madame Foldingue

Madame Foldingue


 
 

c) Douce folie de l’amour homo :

« Quand on aime, on est ffffou… » ; « Grand fffou, va ! » Autant de répliques de films qui font tout de suite efféminées dès qu’elles sont prononcées en « live ».

 

Un certain nombre de personnes homosexuelles affirment vivre la folie en amour. Une passion inénarrable (cf. l’autobiographie Fou de Vincent (1989) d’Hervé Guibert). « J’étais devenu un zombie. Un fou dans la nuit. Un mystique de l’amour. Un amoureux éconduit. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 53) Elles qualifient tout simplement de « folie » l’état amoureux. C’est très fréquent (cf. je vous renvoie aux codes « Amoureux » et « Liaisons dangereuses » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 
 

e) Le doute :

Cependant, et malgré tout, l’éloge homosexuel de la folie laisse se profiler une angoisse, une insatisfaction, une souffrance et une violence qu’on étudiera plus en détails dans le code « Milieu psychiatrique » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels : « À vrai dire, je n’aime que les fous. Et cette folie est difficile à vivre. » (Thérèse, femme lesbienne de 70 ans dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Dans son château, le Marquis de Sade renouvelait ce qu’il appelait ‘les sept jours de Sodome et Gomorrhe’, où il sodomisait ‘en musique’ jusqu’à douze jeunes garçons dans la même matinée. Cette perversion et cette dépravation se terminèrent chez les fous à la suite de l’histoire des bonbons à la cantharide : un jour, Sade distribua aux prostituées et à leurs clients du domaine Ventre (l’un des anciens quartiers réservés de Marseille) des chocolats à la cantharide. Cette ‘blague’ érotique eut pour résultat non seulement une orgie collective qui dura deux jours, mais aussi deux morts. Arrêté, Sade échappa à la prison et à l’échafaud en simulant la folie. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 160) ; « Quand ma mère sent l’odeur de son parfum sur moi, elle me demande si je ne suis pas fou à porter un parfum de femme, celui de ma propre mère. Elle formule la thèse de la folie pour ne pas laisser échapper cet autre mot, ‘pédé’, ne pas penser à l’homosexualité, l’écarter, se convaincre que c’est de la folie qu’il s’agit, préférable au fait d’avoir pour fils une tapette. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 123) ; etc.

 

Au fond, je crois que nous avons affaire – avec les personnes homosexuelles adulant la folie – à de faux fous, qui parodient plutôt la véritable (et bonne) folie en s’enfermant dans l’image réductrice de folie diffusée à la télévision ou au cinéma (l’excentricité, l’exhibition, l’euphorie, le délire bruyant, le culot, l’originalité, etc.). Car la belle folie décrite par saint Paul dans la Bible comprend le Réel et l’Église, reconnaît la transcendance christique. Comme l’a exprimé le philosophe émérite Gérard Leclerc à l’Université d’Été du Printemps Français au Château de Lignière le 29 août 2013, « les plus fous des plus fous, ce sont ceux qui ont le plus le sens de l’absolu ».

 
 

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Code n°78 – Frankenstein (sous-code : Homme nouveau)

Frankenstein

Frankenstein

 
 

NOTICE EXPLICATIVE

Le transhumanisme et la création de cet être d’apparence humaine affranchi des limites de notre condition humaine (sexuation, procréation, souffrance, mort…) et baptisé Cyborg empruntent bien le chemin de l’homosexualité puisqu’on voit souvent, dans le discours des personnes homosexuelles et dans leurs oeuvres de fiction, la référence à Frankenstein.

 

Que dit la résurgence du personnage de Frankenstein (créé en 1818 par Mary Sheller) dans la fantasmagorie homosexuelle ? Une impression, chez certaines personnes homosexuelles, d’être un monstre ou un objet sacré : sûrement. Une envie de posséder et de réifier son amant : également. Une idolâtrie, surtout. Pour un Homme invisible, un Superman asexué (ou hyper-féminisé et hyper-masculinisé à la fois) qui libèrerait l’Humanité de toutes ses contraintes.

 

L’homosexualité est une forme d’eugénisme new look : elle célèbre l’existence d’un mythique « Homme nouveau » (inconsciemment, l’androgyne asexué ou pluri-sexué ; « consciemment », son actualisation humaine imparfaite, c’est-à-dire « la personne bisexuelle ») reposant sur la diabolisation d’un autre Homme nouveau présenté comme préhistorique (« l’hétérosexuel » ou « l’homophobe »).

 

L’homosexualité masculine semble émerger d’un sentiment de non-conformité par rapport à l’image masculine imposée par les médias, d’une peur fondée avant tout sur certaines images faussées de l’homme réel. « J’avais l’impression que d’être homosexuel faisait de moi un sous-homme. C’est pour ça que j’ai longtemps été mal parce que je courais après une espèce d’image masculine, qui est un archétype social, mais qui n’est pas une réalité en définitive. Je courais après ça… et moi, je suis pas comme ça. » (Olivier, témoin homosexuel de 37 ans, dans le documentaire « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) La même chose semble s’être produite pour l’homosexualité féminine : la comparaison excessive à la femme-objet a certainement été décisive. « Je n’étais pas bien belle. Je n’étais pas une pin up. J’étais toujours un peu rondouillarde… » (Micheline, femme lesbienne citée dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 50)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles croient avoir échappé à l’identification à l’image idéalisée de l’homme-objet en la rejetant intellectuellement bien après l’avoir adulée. Mais ce processus d’intellectualisation arrive souvent trop tard. Ce n’est qu’après avoir intégré l’idée que l’image médiatique de la masculinité était leur réalité profonde qu’elles disent ensuite que rationnellement, elle ne doit pas l’être, qu’elles sont pleinement elles-mêmes sans les médias et en dehors de tout modèle humain marchand. C’est pour cela qu’elles tentent ensuite de reproduire, à coup de sincérité, de clichés photographiques, de maquillage (et parfois de scalpel !), le miracle du Frankenstein, sur elles-mêmes ou sur leurs partenaires sexuels.

 

Les créateurs de l’homme-objet, de « l’hétérosexuel », ce sont souvent les personnes homosexuelles elles-mêmes. C’est déjà le cas historiquement (le terme « homosexuel » est apparu en 1869, et a précédé celui d’« hétérosexuel », survenu un an après) ; c’est aussi le cas en image – avec toutes les représentations d’un Frankenstein fabriqué par un savant fou homosexuel – et parfois dans la réalité : nombreux sont par exemple les photographes gay qui ont réifié l’homme-objet en estampe sacrée, et lui prépare une place confortable dans l’espace public. Difficile maintenant, quand on se ballade dans une ville de France, ou quand on surfe sur Internet, d’échapper visuellement aux couvertures aguicheuses de la presse gay où s’étalent les mannequins Ken et des Frankenstein athlétiques, stoïques, antipathiques, et au regard « de braise »/éteint.

 
 

N.B. : Voir également les codes « Homme invisible », « Don Juan », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Morts-vivants », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Milieu homosexuel infernal », « Médecin tué », « Femme et homme en statues de cire », « Femme allongée », « Clonage », « « Je suis différent » », « « Plus que naturel » », « Pygmalion », « Amant modèle photographique », « Se prendre pour Dieu », « Femme fellinienne géante et pantin », « Différences culturelles », la partie « amant-objet » du code « Poupées », la partie sur le « corps morcelé » du code « Ennemi de la Nature » et la partie « mise en scène de son enterrement » du code « Mort », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le personnage homosexuel se prend pour Frankenstein ou le docteur qui l’a créé :

FRANKENSTEIN 1

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

Régulièrement dans les fictions traitant d’homosexualité, le mythe de Frankenstein apparaît : cf. le film « Frankenstein » (1931) de James Whale (dans lequel le monstre est créé par un couple d’hommes gay), la comédie musicale Big Manoir (2007) d’Ida Gordon et d’Aurélien Berda, le film « De la chair pour Frankenstein » (1974) d’Antonio Margheriti et Paul Morrissey, la B.D. Anarcoma (1983) de Nazario (avec la création du Frankenstein macho), le roman El Anarquista Desnudo (1979) de Luis Fernández, le film « Frankenstein Monster » (1974) de Rossani Brazzi (avec notamment des bains entre femmes), le film « La Fiancée de Frankenstein » (1935) de James Whale (avec les docteurs Frankenstein et Prétorius), le film « Island Of Lost Souls » (1933) d’Erle C. Kenton, le film « I Was A Teenage Frankenstein » (1957) d’Herbert L. Strock, le film « House Of Horrors » (1946) de Jean Yarbrough, le film « Le Fils de Frankenstein » (1939) de Rowland V. Lee, le film « Frankenstein créa la femme » (1967) de Terence Fisher, le film « Insatisfaites poupées érotiques du professeur Hitchcock » (1971) de Fernando Di Leo, le film « The Making Of Monsters » (1990) de John Greyson, le spectacle musical Créatures (2008) d’Alexandre Bonstein et Lee Maddeford, la pièce Asseyez-vous sur le canapé, j’aiguise mon couteau (2013) d’Alexandre Delimoges (avec une Comtesse Frankenstein qui crée une créature gay), le vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer, la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander (avec le vampire nommé Prétorius, exactement comme le créateur de Frankenstein), le film « Young Frankenstein » (« Frankenstein Junior », 1974) de Mel Brooks (Dr Frankenstein Junior et Frankenstein jouent au couple), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec le Docteur aux faux airs de Frankenstein), le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec l’effrayant Docteur Lebrun), la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo, le film « Lust For Frankenstein » (1998) de Jesus Franco (film érotique), le film « Tras El Cristal » (1987) d’Agustí Villaronga, le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys (avec Bryan dans le comas juste après son accident de moto), le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman (avec la scène d’embaumement du corps du Rav), le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard (avec le héros « instancé », pris pour un Dieu par sa mère), le film « Brüno » (2009) de Larry Charles, la chanson « Sensiblement modifiés » de Stanislas et Béatrice Rosen, le film « Smooth » (2009) de Catherine Corringer, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec Vera sur le billot, recevant des décharges électriques pour obéir aux diktats de la chirurgie esthétique), la performance Golgotha (2009) de Steven Cohen (avec la scène d’électrocution sur la chaise électrique), le film « La Piel Que Habito » (2011) de Pedro Almodóvar, le film « Opération d’un discours » (2008) de Camille Ducellier (avec les deux chirurgiens travaillent la plastique des corps), le vidéo-clip de la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer (avec le Petit Chaperon Rouge sur la table d’opération, et se transformant en femme-araignée), etc.

 

FRANKENSTEIN 2

Clip « Dégénération » de Mylène Farmer


 

Régulièrement, le héros homosexuel crée l’homme-objet (= Frankenstein), c’est-à-dire l’hétérosexuel, l’homosexuel-le, le transsexuel ; ou bien est considéré comme un être bionique qui va être construit de toute pièce et téléguidé par son amant-savant fou : « J’ai créé un monstre : j’ai pris un transsexuel, j’en ai fait une lesbienne. Gniarc gniarc gniarc ! » (Édouard à Jenny, dans le spectacle musical Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte) ; « María-José n’en était pas à sa première expérience chirurgicale. » (le transsexuel de la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, pp. 29-30) ; « Jane avait allumé les lampes pour repousser l’obscurité et le salon renvoyait un éclat blanc sous l’éclairage soigneusement réglé, si stérile qu’il n’aurait pu appartenir à la clinique de quelconque chirurgien esthétique. Il était facile d’imaginer un chariot entrant dans cet espace presque vide, poussé par des chirurgiens masqués, prêts à sculpter une beauté. Elle se les représenta un instant, leurs mains gantées s’activant profondément dans le sang. L’image évoquait trop la naissance venir et elle la chassa. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 135) ; etc. Par exemple, pendant toute la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, Frank et son amant Jonathan surnomment le Dr Apsey (le psy de Frank) « Frankenstein » : l’homonymie entre le patient et son soignant laisse entendre la fusion amoureuse et identitaire des deux protagonistes. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, le médecin qui va opérer la narratrice transgenre F to M pour son changement de sexe se montre particulièrement cruel, despotique et infantilisant : « Il va falloir perdre cette habitude de s’excuser ou de remercier tout le temps. ‘Masque neutre’, vous vous rappelez ? Ça va venir. Une déconstruction, ça prend du temps. » Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le docteur Blaise Poppyx, homosexuel, va implanter des faux pectoraux et des poils sur le fiancé de Gatal.

 

Très souvent, les amants homosexuels fictionnels veulent s’opérer l’un l’autre… pour généralement ne faire plus qu’Un et se greffer ensemble : « J’vais te recoudre. » (Saint Loup à son compagnon Casta dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot) ; « J’ai toujours aimé expérimenter. Observer jusqu’à quel point je pouvais transformer les gens. C’est mon côté docteur Frankenstein. » (Amande dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 95) Par exemple, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Gabriel et son futur amant Léo se rapprochent en allant voir ensemble au cinéma un film où un robot monstrueux tient dans sa main un marié et une mariée qu’il écrabouille.
 

Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, Alan Turing, le mathématicien homosexuel, tombe amoureux de Christopher, son camarade de classe au pensionnat britannique, son unique ami qu’il perdra brutalement. Plus tard, quand Turing crée une machine à décoder les messages nazis, il la baptise « Christopher », en hommage à son amant disparu. Il a la prétention d’humaniser les robots, d’être le père (incompris) d’un « Electrical Brain » qui réagirait « comme le ferait une personne » : « Vous ne comprendrez jamais ce que je suis en train de créer ! » Même si intellectuellement il sait encore faire la différence entre un Homme et une machine, il pense néanmoins que la machine « pense »… et mérite d’être aimée.

 

FRANKENSTEIN 6

Film « Frankenstein Monster » de Rossani Brazzi


 

Bien évidemment, le mythe de Frankenstein rappelle le désir de se prendre pour Dieu. Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Omar propose à Khalid, son amant, d’aller au cinéma voir le film « Re-Animator », relatant l’histoire d’« un homme qui réveille les morts » (p. 111) ; et à la fin de l’histoire, il le tuera pour mieux le posséder/ressusciter. Dans le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le Docteur Frank-N-Furter, le dieu transsexuel, crée Rocky, un parfait Monsieur Muscle ; il est la parfaite résurgence queer de Frankenstein. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la pièce commence par une femme sur scène (la narratrice transgenre F to M) qui se met en position fœtale, comme un monstre difforme sur une table d’opération : elle exprime en quelque sorte que son corps lui appartient et qu’elle serait son propre matériau.

 

FRANKENSTEIN 3

Film « The Raven » de Lew Landers


 

En général, la mégalomanie du Docteur Frankenstein aboutit à une hybridité machine-Homme monstrueuse : « Le laboratoire du corps humain transforme toute la beauté du monde en dégoût. » (le comédien prononçant son slam sur la sodomie, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) Le mythe de Frankenstein renvoie à une conception réifiante, violente, et marchande du corps humain : « Ça se ressoude tout seul. » (Irina parlant de son doigt cassé, dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « Quelqu’un est déjà entré là-dedans. Ou c’est un petit Frankenstein ? » (le skinhead gay s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne enceinte, en l’agressant, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 96) ; etc. Par exemple, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, le Docteur Frankenstein est d’ailleurs clairement la figure du Pygmalion violeur : « Je viens de greffer un cerveau artificiel de mon invention ! » (le Professeur Vertudeau évoquant la lobotomie opérée sur la cantatrice Regina Morti) ; « Cette dame est ma créature. » (idem) « Je t’ai vu la violer sur la table d’opération ! » (l’Infirmière s’adressant au professeur Vertudeau à propos de Regina Morti) ; « Vous avez détruit mon chef-d’œuvre ! » (le Professeur s’adressant à l’Infirmière, idem) ; « Son regard croisa celui de Mann et elle eut un aperçu du professionnel qu’il était, un médecin qui connaissait les rouages secrets du corps féminin, un homme capable de vous démonter. » (Jane dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 175) ; etc.

 

Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, présente l’inconvénient de son métier : « Y’a le revers de la médaille : tu vieillis plus vite que d’habitude. » Il se rend chez un chirurgien pratiquant la « médecine esthétique pour rajeunir. Le résultat n’est d’ailleurs pas toujours à la hauteur de ses espérances. « T’as l’impression d’être un monstre et qu’il faut refaire toute ta gueule. ». Jeanfi parle « des effets mordants du peeling » et des ratés de son médecin qui le bronze de trop.
 
 

b) Le mythe eugéniste de l’Homme nouveau :

L’homosexuel fictionnel croit au mythe de l’Homme nouveau, auto-créé (sans Dieu) ou parfait comme une race tout juste sortie de sa table d’opération : cf. le film « The New Man » (1992) de Mike Hoolbloom, le film « The New Women » (2001) de Todd Hughes, le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, le film « Nouveaux Mecs » (1994) de Sonke Wörtman, le roman Borderlands/La Frontera : The New Mestiza (1987) de Gloria Anzaldúa, le film « Desi’s Looking For A New Girl » (2000) de Mary Guzmán, le film « Twee Vrouwen » (« Deux fois femme », 1985) de George Sluizer, le film « Un Homme un vrai » (2002) de Jean-Marie et Arnaud Larrieu, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, le film « Best Men » (1997) de Tamra Davis, le roman Un Garçon parfait (2008) d’Alain Claude Sulzer, la B.D. En Italie, il n’y a que des vrais hommes (2008) de Luca de Santis et Sara Colaone (au titre si ironique que cela ?), la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, etc.

 

La défense de l’Homme Nouveau s’engendrant lui-même suit en général une logique esthétique (et donc consumériste, marchande, conquérante, homosexuellement/minoritairement universaliste, pulsionnelle, pornographique) plus qu’une noble quête éthique : « Sébastien évoquait un dieu du stade. Il aurait pu symboliser la beauté aryenne la plus pure. » (Jean-Paul Tapie, Dix Petits Phoques (2003), p. 12) ; « Ce n’est rien, trois points de suture dans le prépuce et quatre dans le testicule et vous serez un homme neuf ! » (le lieutenant Kling au narrateur dans la nouvelle « La Mort d’un phoque » (1983) de Copi, p. 22) ; « Je me ressaisis avec énervement, on est gay, on a le devoir d’être plus fort que soi, d’être puissant, de bander dur et d’avoir un désir infaillible. C’est dans les films porno qu’on apprend cela, les seuls endroits où l’homosexualité existe de plein droit. Je lui fais l’amour avec autorité, sans déroger sous ses plaintes. » (Mike, le narrateur homosexuel, dans le roman Des Chiens (2011), p. 69) ; « Couchons-nous et demain, lesbiennes et pédales seront le genre humain. » (Cf. la reprise parodique de l’Internationale, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; etc. Je vous renvoie au chapitre « Un vrai mec » dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin (p. 63) : « Jake a fouillé dans la poche de son jean et m’a remis une carte chiffonnée, de couleur kaki, avec son numéro de portable. Dessus, JAKE GREENLEAF se détachait en lettres vert foncé entrelacées de lierre. En dessous, en minuscules, il était marqué : New Man. Cette référence à un homme nouveau m’a paru géniale et je le lui ai dit. » (p. 73) Par exemple, le voix narrative du roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig fait l’éloge des Élisabéthains, cette « race anglo-saxonne » présentée comme supérieure. Le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet traite justement de l’idéologie sectaire de l’Homme nouveau, à travers l’exemple du monde lisse et inhumain du monde de l’entreprise qui construit des « nouveaux aristocrates » (p. 179), « une race d’hommes » (p. 180).

 

Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, l’être humain est mesuré comme un cheval : il doit correspondre exactement à l’idéal physique des eugénistes homosexuels, obnubilés par la « pureté » et le « pedigree » des couples homos qu’ils veulent former à tous prix pour assurer leur descendance. Toute la pièce tourne autour du culte de la Virilité, du couple homosexué, de la Fertilité de la semence des Mâles.
 

Par ailleurs, il est intéressant de noter que la prise de conscience du statut d’« Homme nouveau » arrive généralement après un viol : cf. la nouvelle El Lobo, El Bosque Y El Nuevo Hombre et Fresa Y Chocolate (1992) de Senel Paz, le film « Théorème » (1968) de Pier Paolo Pasolini, etc. L’Homme nouveau, c’est l’Homme violé, qui a vécu l’épreuve traumatisante du viol qu’il présente comme un rite initiatique merveilleux et révélateur d’une homosexualité « profonde », pour ne pas s’écrouler identitairement.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) L’importance du mythe de Frankenstein dans le désir homosexuel :

FRANKENSTEIN 4

Sourire pour la photo?


 

Commençons par ce beau clin d’œil : James Whale, le réalisateur du fameux premier film « Frankenstein » (1931), est comme par hasard homosexuel !

 

Je vous renvoie également au documentaire « Creature » (1998) de Parris Patton, aux nombreux croisements entre l’univers queer de la série La Famille Addams (avec le personnage de Lurch, notamment) et celui de Frankenstein. Dans le film « Gods And Monsters » (1998), Ian McKellen (acteur homosexuel) interprète le rôle de James Whale. Dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, on apprend que José Luis Amarilla va voir « El Jovencito Frankenstein » au cinéma (p. 30).

 

On décèle une parenté incestueuse dans cette affaire de Frankenstein homosexuel. Tout donne à penser que symboliquement la personne homosexuelle est le fils ou le père improbable de l’homme-objet (cf. le code « Tante-objet ou maman-objet » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, certains drag-king lesbiens copient Elvis Presley, le symbole de l’Éternel Masculin. Le père de l’écrivain Malcolm Lowry gagna un concours du meilleur Monsieur Muscles de sa région (cf. le documentaire « Le Volcan » (1976) de Donald Brittain). Le père de Gore Vidal était une star de l’athlétisme ayant représenté les États-Unis aux Jeux olympiques d’Anvers (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 64). Jean-Claude Brialy, dans son autobiographie Le Ruisseau des singes (2000), présente son père comme un homme-objet séduisant, beau et sportif.

 

Régulièrement, par le cinéma, la photographie, l’outil Internet, la danse, la psychanalyse, la chirurgie, certains artistes et intellectuels homosexuels créent l’homme-objet (= Frankenstein), c’est-à-dire l’hétérosexuel, l’homosexuel-le, le transsexuel ; ou bien se considèrent comme des êtres bioniques qui vont être construits de toute pièce et téléguidés par leur amant-savant fou : « J’aimerais changer de corps, le faire refaire au complet pour pouvoir me dire que je recommence ma vie à zéro. » (Jean-Philippe, un témoin homosexuel, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 88) ; « Quand on est trans, on sait qu’on doit se réaliser. » (Marie, homme M to F, pendant le débat « Transgenres, la fin d’un tabou ? » diffusé sur la chaîne France 2 le 22 novembre 2017) ; etc. Par exemple, on doit à l’écrivaine lesbienne Cathy Bernheim une version « au féminin » de Frankenstein, Cobaye Baby (1987), ainsi que la biographie de l’auteur de Frankenstein, Mary Shelley (1987) et Mary Shelley – La jeune fille et le monstre (1997). L’Homme qui s’identifie à Frankenstein essaie, par ses propres moyens et par la science, de donner corps à ses fantasmes amoureux, à pulsions homosexuelles, à ses désirs narcissiques de mort/toute-puissance : « Je cherche Mister Perfection. » (Brüno dans le film « Brüno » (2009) de Larry Charles)

 

Par rapport au mythe de Frankenstein, les personnes homosexuelles adoptent très souvent une attitude de déni idolâtre : elle critique le Frankensteinisme chez les autres (cf. la parodie des dégâts de la chirurgie esthétique dans le one-woman-show Nana vend la mèche (2009) de Frédérique Quelven, avec l’agence fictive « Relooking Extrem ») pour mieux s’y soumettre dans les faits.

 
Concrètement, le mythe de Frankenstein, en des termes plus réalistes, instaure une dichotomie corps/âme : il s’agit du fantasme humain de mettre l’âme de quelqu’un dans le corps de quelqu’un d’autre. C’est du transfert de personnalités, ou plutôt de personne. C’est de la violation d’unicité du corps, et donc de la violation de personnes.
 
 

b) L’idéologie eugéniste de l’Homme nouveau (transhumanisme) :

FRANKENSTEIN 5

Film « Œdipe (N + 1) » d’Éric Rognard


 

Revient souvent dans les discours des personnes homosexuelles le complexe d’adolescence de ne pas être un « vrai garçon » et « une vraie fille » (et, pour le coup, de devenir un « vrai homme » ou une « vraie femme » avec le coming out ou le passage à l’acte homosexuel), ou bien chez les personnes transsexuelles ce désir de devenir « une vraie femme » ou « un vrai garçon » par la chirurgie : je vous renvoie aux documentaires « Enough Man » (2004) de Luke Woodward, « Glamazon : A Different Kind Of Girl » (1993) de Rico Martinez, « 100% Woman » (2004) de Karen Duthie, etc. « Comment une vie bascule à travers une main qui s’aventure… Je suis devenue une vraie femme. » (Thérèse par rapport à sa toute première fois lesbienne, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Et beaucoup plus tard, j’ai reconstitué ce que j’avais vécu naïvement, sans la moindre arrière-pensée, le schéma relationnel de cette communauté liée par un pacte dont le secret était l’érotisme masculin ou, pour m’exprimer sans voile, les relations homosexuelles qu’entretenaient les membres de son équipe de base, au centre de laquelle se trouvait le guide charismatique de base, le Männerheld – le héros des hommes. » (Nicolaus Sombart par rapport aux Wandervogel allemands, dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 124) ; etc. Dans le premier numéro du premier journal homosexuel en Allemagne nazie Der Eigene, Adolf Brandt dédie le journal aux « individus forts » qui organisent leur vie selon leurs propres codes et refusent de se conformer à la morale des masses.

 

Même si cette conscience identitaire prend au départ l’apparence d’une enthousiasmante Renaissance, de l’« Orgueil », du « Progrès », de la « Beauté », du « Droit », de l’« Égalité », du jeu, elle dit en réalité une haine de soi et une honte injustifiée ; et les moyens employés pour les camoufler sont beaucoup moins poétiques. La croyance en l’Homme nouveau a été, rappelons-le, le centre névralgique de l’idéologie nazie pendant la Seconde Guerre mondiale ; elle est déplacée aujourd’hui vers le mythe du self-made man individualiste, hédoniste, athée, bisexuel : « Ainsi certains n’hésitent-ils plus aujourd’hui à laisser entendre qu’ils seraient de ‘pure condition homosexuelle’. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), pp. 111-112)

 

Le mythe de l’Homme nouveau auto-créé est défendu par de nombreuses personnalités homosexuelles : André Gide (cf. Corydon, en 1923), Stefan Sweig, William Burroughs, Monique Wittig (cf. Les Guerrillères en 1969), tous les défenseurs zélés du coming out (présentant l’annonce de l’homosexualité ou la rencontre avec leur « moitié » comme une résurrection), la grande majorité des personnes homosexuelles qui pensent que tous les couples femme-homme seraient « les hétérosexuels » et que « les homos » seraient tous des « victimes d’homophobie », etc. « L’homophobie qui peut exister, les inégalités hommes/femmes qui demeurent ne sont, en définitive, que des prétextes pour construire une nouvelle humanité, affranchie de toutes normes et de toutes références à un ordre quelconque. Une société où chaque individu dans la force de son vouloir est un nouveau dieu puisqu’il se définit lui-même dans un déni de la réalité. » (Élizabeth Montfort, Le Genre démasqué (2011), p. 82) Par exemple, dans l’Angleterre de la fin du XIXe siècle, le groupe d’intellectuels formé par Bertrand Russell, Lytton Strachey, E. M. Forster ou J. M. Keynes, faisait l’éloge des invertis, ceux qui pratiquent des plaisirs interdits et soi-disant « supérieurs » (« Higher Sodomy ») à la « banale » sexualité femme-homme.

 

Des penseurs comme Fabrice Hadjadj, ou encore Tony Anatrella, nous avertissent de l’inquiétant chemin qu’est en train de prendre notre monde social et scientifique de plus en plus techniciste, qui, obnubilé par son idée de progrès, transforme peu à peu l’Homme en machine asexuée et désincarnée, et vise un « post-humain » concrètement inhumain et activement bisexuel/asexuel : « On a séparé la sexualité de la procréation, puis la procréation de la conjugalité, ensuite la procréation de la parenté ; et si l’on veut à présent dissocier la procréation de la différence sexuelle en laissant entendre qu’un enfant peut se concevoir et être éduqué en dehors de cette différence fondamentale. La prochaine étape consistera à déshumaniser la conception d’un enfant en dehors de toute union sexuelle, du portage maternel et de l’accouchement. Certains se réjouissent déjà que la femme soit un jour libérée de la maternité grâce à la machine à ‘fabriquer’ des bébés. » (Tony Anatrella, Le Règne de Narcisse (2005), p. 113) La mutilation du corps que s’imposent les personnes transsexuelles en fournit l’exemple le plus extrême. Mais les couples homosexuels, en rejetant ce bloc fondamental du Réel qu’est la différence des sexes, rejoignent, au moins au niveau du désir, la même réification monstrueuse de Frankenstein.

 

Il existe toute une confrérie scientifique de chirurgiens qui exploitent le mal-être des personnes transgenres pour se faire du fric sur leur dos. C’est le cas du docteur Jean Chambry, visiblement homo, qui promeut la transition des transgenres (cf. l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6).
 
 

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Code n°79 – Frère, fils, père, amant, maître, Dieu

frère, fils, amant

Frère, fils, père, amant, maître, Dieu

 

NOTICE EXPLICATIVE

 
 

La relation « amoureuse » homosexuelle : pas ajustée

 

Film "I Think I Do" (1997) de Brian Sloan

Film « I Think I Do » (1997) de Brian Sloan


 

À première vue, le couple homosexuel ressemble à un grand feu d’artifice. On y découvre une infinité de désirs, y compris des désirs non-amoureux. Éros, Philia, et Agapê semblent s’être donnés rendez-vous pour fusionner ensemble, pour fêter la plénitude de l’androgyne. Le problème, c’est que dans cette énorme salade composée, on les a perdus en route ! On ne les retrouve plus que par bribes, car à la base, on n’a pas voulu les distinguer (le noeud du problème et là : on n’a pas cherché à les dissocier, à les définir, pour mieux les unir : tout s’est joué au niveau du refus du désir, de la liberté !). C’est pourquoi la relation homosexuelle est un « magma » informe qui n’a pas d’identité claire ni le goût extraordinaire qu’on attendrait de l’Amour vrai. Elle n’aide pas ceux qui la composent à se positionner pour vraiment se sentir à leur place, pour vraiment se sentir aimés. Comme elle a trait à un peu à tous les types de liens sociaux possibles (fraternité, amitié, spiritualité, paternité, camaraderie, etc.), la personne aimée dans le cadre conjugal homosexuel est amenée à porter les nombreux et inconfortables masques du frère, du fils, du père, du « bon copain », du maître, du Dieu, qui ne lui reviennent pas exactement, qui sont trop grands ou trop petits pour sa taille, et qui ne lui donnent pas une identité fixe assez solide pour un engagement durable et une confiance partagée à deux. Il est aisé de prétendre aimer sincèrement quelqu’un, sans prendre le temps de se pencher sur les raisons profondes de notre attachement à lui. L’amant peut servir de prétexte pour régler précipitamment toutes les blessures d’enfance que nous ne voulons pas affronter. Au départ, l’amour que nous lui portons prend l’apparence d’un enthousiasmant « best-of d’amour(s) »… avant de se transformer, au fil du temps, en épouvantable (ou ennuyeuse !) pieuvre à six têtes.

 

Comment peut-on qualifier le couple homo ? Quelle place y occupe le partenaire amoureux ? Est-il aimé pour qui il est vraiment, ou est-il juste un « bon copain », un compagnon de vie, un frère, un substitut paternel ou filial, quelqu’un qu’on « aime bien » mais qu’on n’aime pas pleinement, quelqu’un qu’on aime trop parce qu’on l’« adore » ? Toute personne homosexuelle en couple serait en droit de demander à son compagnon : « Tu me dis que tu es mon frère, mon fils, mon père, mon amant, mon maître, mon Dieu… mais qui suis-je vraiment dans l’histoire ? Suis-je unique ? M’aimes-tu vraiment ? Es-tu unique pour moi ? Qu’est-ce qui me rend plus spécial à tes yeux qu’un autre ? Qu’est-ce que nous attendons de nous ? Que faisons-nous ensemble, au juste ? Arrête de m’infantiliser ! Je ne suis pas ton père ! Qu’est-ce qui nous différencie de simples colocs’… à part le sexe ? »

 

N.B. : je vous renvoie également aux codes « Inceste », « Amant modèle photographique », « Poupées », « Inceste entre frères », « Infirmière », « Mère possessive », « Cannibalisme », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Pygmalion », et à la partie sur l’« amitié » dans le code « Solitude », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

En remettant en question la valeur de l’amour homosexuel tel que je le fais, je m’expose probablement aux foudres de certaines personnes homosexuelles qui prétendent – le plus sincèrement du monde ! – qu’elles aiment profondément leur partenaire ou qu’elles ont vraiment connu le « Grand Amour », souvent au prix de nombreux sacrifices qui suffisent à prouver la force surhumaine de leurs sentiments. Mais je continue de penser que la majorité d’entre elles confondent l’amour avec l’impression d’amour qui se dégage de différents types de liens (entre deux frères, deux amis, un élève et son maître, une personne malade et son visiteur, un acteur et son public, un père et son fils, etc.) qui peuvent assurément offrir des instants de complicité « forts » mais qui ne sont pas d’ordre purement aimant.

 

Étant donné que l’union conjugale homosexuelle n’est pas procréatrice mais réellement fantasmée (dans le sens de « réalité fantasmée » que j’emploie dans mon livre, à savoir une réalité forcée, où priment les fantasmes), l’identité des amants au sein du couple homosexuel devient fatalement floue. Quand certains sujets homosexuels essaient de parler de leur relation d’amour, nous ne savons jamais trop s’ils se réfèrent à une union paternelle, fraternelle, amoureuse, amicale, gémellaire, féodale, religieuse, ou autre. Ils définissent leur partenaire comme un père, un fils, un grand frère protecteur, un bon ami, un frère jumeau, un confident, un fidèle serviteur, un maître, un roi, un demi-dieu, mais ils ne sont convaincus par aucun de ces qualificatifs.

 

Dans un premier temps, comme le lien homosexuel touche un peu à tous les types de liens humains possibles, il ressemble à une étourdissante salade composée renfermant le meilleur. Nous pourrions dire que c’est un « best-of d’amour(s) » ! Mais à vouloir tout mettre dans cette salade, et surtout des éléments qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, elle finit par ne plus avoir de goût. Plus les jours et les mois se succèdent, et moins les partenaires homosexuels se surprennent… ou plutôt si : ils se découvrent, mais dans le mauvais sens. Tous deux portent tellement de masques à la fois qu’ils sont amenés à se demander qui ils sont véritablement pour l’autre et pour eux-mêmes. « Mon copain m’assure qu’il m’aime… mais m’aime-t-il vraiment d’amour, ou comme un simple ami, un substitut paternel, un tendre frère, ou un dieu tout-puissant, que je ne suis à l’évidence pas ? » À la longue, leur questionnement peut devenir très vite obsédant puisqu’il met en lumière une angoissante absence de projet de vie, et un refus mutuel de l’acceptation libérante de leur inaliénable unicité. « Je reste avec l’autre parce que je n’ai pas la force de le quitter et de m’aimer seul » pourraient s’avouer intérieurement à elles-mêmes beaucoup de personnes homosexuelles !

 

L’amalgame entre amour et amitié par exemple est beaucoup plus dramatique que ce que nos sociétés actuelles le pensent : l’un et l’autre se détruisent quand nous les faisons fusionner ensemble. Certaines personnes homosexuelles camouflent leur gêne de cette confusion dans le cynisme dédramatisant. « Je fais l’amour de temps en temps comme on va à la piscine, rongée de culpabilité à mon tour parce que je n’aime ma partenaire que d’amitié. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 174) Elles savent implicitement que le massacre de l’amitié par les gestes de l’amour équivaut souvent au massacre de l’amour aussi. Une fois qu’elles et leur compagnon sont unis par le sexe, elles se rendent compte qu’il est difficile de faire machine arrière et de s’avouer qu’ils se seraient davantage respectés s’ils étaient restés simplement amis, s’ils n’avaient pas grillé bêtement les étapes. La promesse des corps n’obéit pas à nos croyances en la banalité du passage de l’amour à l’amitié, ni les actes sexuels à nos intentions de les atténuer.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles se retrouvent prises à leur propre jeu de la séduction. Ce n’est pas qu’elles n’aiment pas leur partenaire. Elles « l’apprécient beaucoup », « l’aiment bien », éprouvent une « profonde affection pour lui », le considèrent comme un petit frère qu’on cajole, comme un « bon copain », un parrain, un confident qui avec le temps finira par devenir par la force des choses indispensable. Elles l’aiment … oui, c’est certain… mais pas d’amour. Et c’est là tout le problème. Leur union sentimentale, ce n’est pas rien, et pourtant, ça ne suffit pas : elle ne les comble pas un minimum comme l’Amour vrai comble un maximum. Elles savent au fond qu’elles auraient très bien pu choisir avec leur partenaire « amoureux » l’option amicale qui les compromette moins et qui leur apporte tout autant (si ce n’est plus !), qu’elle aurait trouvé dans l’amitié les mêmes avantages que ceux qu’elles expérimentent dans l’amour homosexuel… excepté la jouissance génitale, les « je t’aime » à lire sur le portable, les croissants chauds servis au lit le dimanche matin, et le nounours à blottir contre soi la nuit, … bref, tout ce qui, sans l’amour véritable, ne fait partie que des « à-côtés » détestables de la passion amoureuse éphémère.

 

Dans la majorité des couples homosexuels qui nous entourent, on se demande quelle drôle de relation « amoureuse » il est en train de se vivre. Les amants homosexuels n’ont pas pour autant l’impression de s’enfoncer dans un mensonge flagrant puisqu’ils sont souvent tous les deux très sincères au départ et vivent quand même ensemble des moments authentiques ponctuels qui leur font oublier les désagréments persistants de l’amalgame des sentiments humains amoureux, amicaux ou filiaux, ces derniers étant en temps normal liés sans s’équivaloir. Mais au final, certains décrivent leur couple comme un « nous » dépassant et étouffant le duo. « ‘Nous’, c’est cette entité autosuffisante, cette famille pas si facile à définir. Maris, amants, amis, frangins, tout à la fois ? » (Élisabeth Lebovici, « Gilbert and George », dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 222) Les amants homosexuels forment une famille à deux en quelque sorte, mais cloisonnée sur elle-même. Pour cette raison, il n’est pas étonnant de voir arriver l’asphyxie chez bon nombre d’entre eux.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

Le personnage homosexuel ne sait pas qualifier la nature de sa relation amoureuse homosexuelle autrement que comme un fourre-tout sans beaucoup de goût :

 
 

a) Mon amant homosexuel est mon frère :

Beaucoup de personnages homosexuels considèrent leur amoureux comme leur frère (…et plus si affinités) : « Es-tu un frère ? Es-tu un rêve ? À des milliers d’âmes anonymes. » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer) ; « Vous êtes plus qu’un frère. » (Bernard s’adressant à son futur amant Didier, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Cyril et Sébastien Ceglia) ; « Je recherche mon frère, mon jumeau. » (Paul, le héros homosexuel du film « Seeing Heaven » (2011) de Ian Powell) ; « Si Hall meurt, je meurs. » (Arthur, le personnage homosexuel, parlant de son frère, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc. C’est le cas par exemple dans le film « Comme un frère » (2005) de Bernard Alapetite et Cyril Legann, dans la photo Comme des frères (1982) de Jean-Claude Lagrèze, etc. (J’évoque plus largement le cas des frères de sang qui couchent ensemble, à travers un autre code, celui de l’« inceste entre frères » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.) Dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Ronit et Esti veulent mélanger leur sang : « On pourrait devenir des sœurs de sang. […] Si on mélange notre sang, on sera sœurs pour toujours. » (pp. 214-215) Georges et Alexandre, les deux protagonistes homosexuels du film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, font de même. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, afin d’être au chevet de son copain Bryan à l’hôpital, Kévin se fait passer pour son frère. Un peu plus tard, quand Bryan sort de sa convalescence, l’effusion que son amant lui réserve au moment des retrouvailles n’étonne pas le lecteur : « Bryan, mon frère, j’ai envie de t’embrasser ! » (p. 233) Dans le film « Rose et noir » (2009) de Gérard Jugnot, quand on demande à Saint Loup et Casta quelle est la nature de leur relation, Casta répond par une entourloupe : « La vérité, c’est que nous sommes frères. » Mais la surenchère de Saint Loup (« On peut dire ça comme ça… ») laisse planer l’équivoque homosexuelle. En tombant sur certaines descriptions amoureuses de l’amant homo, on est surpris de voir qu’il est comparé maintes et maintes fois à un frère : « Rosário, je l’aime comme mon frère, comme mon petit ami. » (Tonia dans le film « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues) ; « Nous sommes comme des frères. » (Malik à son amant Bilal dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « Aujourd’hui, votre fils a plus besoin d’un frère. » (le héros homo évoquant son homosexualité à son père qu’il vouvoie et à qui il adresse une lettre à la troisième personne, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy)

 

Par exemple, dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin, Arielle, la « fille à pédé », confond le frère de son meilleur ami Antoine, Gérard, avec un de ses amants : « T’as un nouveau prétendant ? » « Non, c’est mon frère. » répond-il. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Jonas, le héros homosexuel, drague 18 ans après avoir perdu son amant de jeunesse Nathan, le frère de ce dernier, Léonard. Une façon pour lui de conjurer le sort et de retrouver Nathan. Dans le film « Knock at the Cabin » (2023) de Night Shyamalan, pour voler Wen, leur future « enfant » obtenue par GPA dans une clinique asiatique, Eric fait passer son « mari » Andrew pour « son frère » et le faire rentrer dans la salle d’accouchement comme si lui était le vrai peur de la gamine.
 
 

b) Mon amant homosexuel est mon fils :

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Film « Rue des Roses » de Patrick Fabre


 

Dans certaines œuvres de fiction traitant d’homosexualité, l’amant est considéré comme un fils. Je vous renvoie au roman Todos Los Parques No Son Un Paraíso (1978) d’Antonio Roig (avec la relation ambiguë entre Roig et Ronald), au poème « La Portée de quelques notes » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, au film « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider (avec une relation infantilisante et très mal vécue par les deux amants), au film « Rue des Roses » (2012) de Patrick Fabre (Mehdi est en couple avec un homme plus jeune, Axel), à la chanson « Quatre Vies » d’Emmanuel Moire, à la pièce Un cœur de père (2013) de Christophe Botti, etc. Dans la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner, Joe accueille Roy comme un « fils prodigue ». Dans le film « Corps à Cœur » (1978) de Paul Vecchiali, Louis, un garagiste âgé, fait une déclaration d’amour inattendue à son employé Pierrot : « Je me disais que je t’aimais comme un fils. Je t’aimais. Mais pas comme un fils. Toi tu ne te rendais compte de rien. » Dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval, Fred traite son amant Max comme un môme, et lui chante la comptine de « La Petite automobile ». Dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, Petra et sa servante Marlène maintiennent une relation infantilisante : la première envoie la seconde faire des dessins. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien traite son amant Yoann comme un petit enfant qu’il amène au Parc Astérix. Et Yoann s’excite toujours autant d’y être emmené. Dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini, Marie, l’amante d’Hannah, traite pour rire sa partenaire de « petit bébé » parce que celle-ci (24 ans) est plus jeune qu’elle : « Je me sens comme une pédophile… » dit-elle après l’avoir embrassée. Dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali, Frédérique traite sa copine Heïdi de « bébé »… et la différence d’âges de 10 ans entre elles n’aide pas, il faut le reconnaître. Et quand leur ami homo Jean-Luc parle d’avoir un enfant, il s’annonce déjà comme une mère possessive : « Je me connais, je serai une vraie maman poule. » Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, William sort avec un homme marié, Georges, qui a le double de son âge, et qui l’infantilise en l’appelant « Sugar ». Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, Petra traite son amante Jane de « bébé ». Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien traite son amant Yoann comme un petit enfant qu’il amène au Parc Astérix. Et Yoann s’excite toujours autant d’y être emmené.

 

FRÈRE 1

Film « Taxi Zum Klo » de Frank Ripploh


 

Le personnage homosexuel décrit son amant comme son propre « bébé d’amour » : « Mathilde s’extrait de mon ventre. » (la voix narrative parlant de son amoureuse, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 91) ; « Oh ! Pascal, Pascal !… J’ai pas de fils. Mais c’est un comme toi que j’aurais voulu. Un exactement comme toi. » (Pierre au jeune Pascal dans le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, p. 253) ; « J’veux baiser qu’avec toi, ça s’dit pas. Et un bébé comme toi, ça s’prête pas. » (cf. la chanson « Caribbean Sea » d’Étienne Daho) ; « Mais de toi je ferai ce que je voudrai. » (Bruno s’adressant à son « fils » et amant Jérémie, parodiant Niagara, dans le téléfilm « Sa raison d’être » (2008) de Renaud Bertrand) ; « Je serai de loin ta mère, comme ta mère. » (Khalid s’adressant à son amant Omar, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 150) ; « Chéri ! C’est maman ! » (Benjamin parlant à son amant Pierre dès qu’il arrive dans leur appart, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Ça va, bébé, t’as passé une bonne journée ? » (Arnaud s’adressant à son amant Benjamin, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Je suis sûr que t’étais l’enfant parfait. » (Bryan s’adressant amoureusement à son amant Tom, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; « Tiens compagnie à papa. » (un client s’adressant perversement à David, le jeune homosexuel de 14 ans, dans le cinéma porno, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; etc.

 

L’amant est aimé par le héros homosexuel comme ce dernier imagine qu’une mère aime son fils : « Et maintenant… on ouvre le petit paquet secret… celui que je tenais caché… avec quelque chose de très bon… pour accompagner le thé… du cake ! » (Molina à son amant Valentín, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 185) ; « On n’aime plus sa maman ? » (Franck à son « fils/meilleur pote » Matthieu, en lui fonçant dessus pour rire, dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel) ; « J’éprouve même ce que j’imagine être le sentiment d’une mère pour son enfant… Moi qui n’en aurai jamais. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 14) ; « Lui [Édouard, le copain de Georges], il cherche une mère… Ça tombe bien. » (Arnold parlant de Georges, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; etc. Le personnage homosexuel englue son amant d’une sollicitude très maternelle : « Je le forçais à sortir avec un sparadrap sur le nombril que je vérifiais quand il rentrait et je ne le laissais jamais sortir seul le soir. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 41) ; « J’aime Perón comme s’il était mon fils. » (la mère d’Evita dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi) ; « Mourad venait d’entrer dans la cuisine. Il souriait de joie en entendant son petit Jason si plein d’énergie pris d’un nouvel accès d’autoritarisme. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 333) ; « J’aime les hommes qui aiment leur mère. » (Léopold s’adressant à son amant Franz, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Je me suis toujours demandé pourquoi elle m’aimait. J’ai vaguement pensé que j’étais un substitut maternel, comme on dit. Cette idée ne me plaît guère, mais il n’est pas mauvais de la regarder en face. » (Suzanne en parlant de sa compagne Héloïse, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 78) ; « Lola, viens ici. Je ne t’autorise pas à faire ce genre de caprice. » (Vera l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Lola, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Ça va ! Je suis pas ta mère ! » (Lola s’adressant à son amante Nina, idem) ; « Tu ne sais jamais rien. J’en ai assez de te materner, Nina. » (idem) ; etc. Par exemple, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine, l’héroïne lesbienne explique à son amante Carole que c’est en jouant au papa et à la maman sur la cour d’école qu’elle a vécu sa première expérience lesbienne : « On jouait au papa et à la maman. Comme y’avait pas assez de papas, j’ai fait le papa. » Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, le Dr Katzelblum suit en psychothérapie Benjamin/Arnaud et essaie de les aider à s’assumer en tant que couple homo. Il s’y prend de manière progressive, par des petits exercices pratiques. Et notamment, il tente de leur faire la main de l’autre : « Finalement, c’est pas très dur. C’est comme prendre un enfant par la main. »

 

Souvent, l’attrait du personnage homosexuel pour les amants qui ont l’âge d’être son fils, mais qui ne se laissent pas manipuler comme des bébés, font place chez lui à l’amertume et au mépris jeuniste : « Je ne suis pas ton ‘petit Jan’. » (Jan résistant à la drague de son ami Matthieu, dans le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser) ; « Je m’étais fait l’illusion de retrouver en vous ma propre jeunesse, mais rien en vous ne me séduit. Il y a trente ans je vous aurais peut-être trouvé désirable, et encore je ne suis pas sûr de cela, et puis vous n’étiez qu’un nouveau-né. » (Cyrille au Journaliste dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) Par exemple, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., le couple Matthieu (28 ans) et Jonathan (23 ans) parlent, en plaisantant, de leur soi-disant « grande différence d’âges ». Et plus tard, ils s’infantilisent l’un l’autre sans s’en rendre compte : « Il est trop mignon quand il fait des dodos. » (Jonathan) Dans le film « Vil Romance » (2009) de José Celestino Campusano, la relation amoureuse entre le très vieux et autoritaire Raúl et le très jeune Roberto commence à révolter mollement le second : « Je ne suis pas ton fils. »

 
 

c) Mon amant homosexuel est un simple ami :

Je reprends de manière beaucoup plus complète la confusion entre amitié et amour homosexuel dans mon code « solitude » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Cela dit, on peut quand même faire mention de quelques œuvres de fiction traitant du mélange entre amitié et amour homosexuel : cf. le film « Les Amis » (1970) de Gérard Blain, le film « I Am Not What You Want » (2001) de Kit Hung, le film « Mon Ami, mes amants » (2002) de Jean-Daniel Cadinot, la chanson « Amis, amants » du groupe What For, etc. Par exemple, dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Erik décrit son amant Paul comme son « meilleur ami ».

 

Entre les personnages de fiction homosexuels, il est parfois question de sex friends, de « potes de baise » : « Elle était avec ses copines… enfin, ses exs… enfin, ses potes… enfin, ces autres gouines branchées. » (Océane Rose Marie dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « Entre amants, entre amours, entre amis. » (cf. une réplique de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je ne peux plus continuer avec Jo. Il ne se passe plus rien. On est passés d’une relation fusionnelle à une relation fraternelle. » (Matthieu parlant de la relation d’un an qu’il vit avec Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; etc. On ne sait pas trop si les héros entre eux sont amis ou amants… ou les deux. Par exemple, dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Henri présente son « mari » Dominique comme son frère… alors que c’est juste son meilleur ami.

 
 

d) Mon amant homosexuel est mon père :

L’amant homosexuel recherche un amant protecteur et paternel : cf. la chanson « Aime-moi comme ton enfant » de Catherine Lara, le roman Julia (1970) d’Ana María Moix, le film « L’Isola Di Arturo » (« L’Île des amours interdites », 1961) de Damiano Damiani, le film « Charlotte dite ‘Charlie’ » (2003) de Caroline Huppert (où Charlie est troublée en massant la mère de sa copine Babou), etc. Je vous renvoie au code de l’« inceste » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels. Par exemple, dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Tareq, le héros homosexuel, raconte que sa première fois homosexuelle, à l’âge de 17 ans, il l’a vécue avec un homme plus âgé que lui : « Je cherchais sûrement une figure paternelle. »

 

Dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, Sébastien appelle son amant Paul « mon papounet ». Dans la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, Alex et Mitchell simulent une relation neveu/oncle. Dans le roman Deux femmes (1975) de Harry Muslisch, Laura soupçonne son amante Sylvia de ne pas avouer son homosexualité à sa maman parce qu’elle a aussi l’âge d’être sa mère : « Inconsciemment, tu lui tiens peut-être rancune d’être tombée amoureuse d’une femme qui lui ressemble. » (p. 60) Sylvia réagit ironiquement : « Ah bon, tu es ma mère, alors ? » Ce à quoi Laura lui rétorque dans une attitude de provocation vexée : « À cela près que je ne m’occupe pas de ton père. En tout cas je suis aussi une femme, et toi tu es une petite garce. » Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, une patiente lesbienne reçoit un beau diamant de la part de Lili, sa compagne lesbienne de 73 ans, à l’occasion de « leur » un an de vie ensemble : « C’est pour ça que Lili, c’est mon deuxième papa. » Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Russell appelle sincèrement son amant Glenn (du même âge) « Dad » ; et quand il lui annonce qu’il est orphelin, il lui propose à son tour de lui servir de substitut paternel : « Et si je faisais semblant d’être ton père… » Dans la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust, le narrateur adulte joue au petit enfant dont la vie s’est arrêtée à la mort de son parrain. Dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, le producteur homosexuel, drague ouvertement Samuel (joué par Omar Sy) et se faisant passer pour un enfant à protéger : « Tu m’adoptes ? »

 

Le personnage homosexuel s’adresse à son amant comme s’il était son père, ou bien est considéré par les gens de l’extérieur comme le fils de son petit ami : « N’oublie pas de me ré-enfanter. » (Daniel s’adressant à son amant Luther dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Désolé papa. » (Jack, 22 ans, à son amant Paul, du même âge, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt) ; « Je ne sais pas si Harvey a deviné qu’on formait un couple : il se peut qu’il se soit trompé et nous ait pris pour père et fils. » (Michael en parlant de son couple avec Ben, dans le romanMichael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 80) ; « Et c’était cela la seule différence. C’était qu’une autre silhouette, un autre visage, se détachaient de l’arrière-plan pour se préciser aux côtés de son père… Pierre Gravepierre ! » (Pascal à propos de son amant Pierre, dans le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, p. 131) ; « Physiquement, j’aime mieux qu’ils soient plus mûrs, je recherche plutôt un papa. » (Bjorn dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, pp. 159-160) ; « Douze ans de plus que moi… Il pourrait être mon père. » (Damien par rapport à son amant Norman, dans la pièce Les Deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi) ; « Je suis dans ton ventre, je suis un fœtus, je m’oublie. » (Alice à son amante Elsa dans le film « Alice » (2004) de Sylvie Ballyot) ; « Salut Christine. Tiens, t’es venue avec ta mère ? » (Nathalie Lovighi sortant une blague acerbe à une amie lesbienne lors d’une soirée, dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au 3e Festigay de Paris en 2009) ; « Mon père… J’ai épousé mon père. Putain d’Œdipe… » (Marilyn, la videuse lesbienne de la boîte Le Gouine, parlant de sa compagne, dans le one-woman-show Paris j’adore ! (2010) de Charlotte des Georges) ; « Fermant les yeux, elle essaya de reconstituer le visage paternel, son beau visage qui parfois semblait inquiet ; mais l’image fut lente à se former et s’effaça aussitôt, car les morts doivent souvent faire place aux vivants. Ce fut l’image d’Angela Crossby qui subsistait tandis que Stephen était assise ans le vieux fauteuil de son père. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 186) ; « La voisine prit le nouveau-né dans ses bras, ouvrit son corsage, mettant à nu un sein bien rond d’où, tout gonflé comme il était, le lait sortait déjà. Elle le guida vers la petite bouche qui instantanément se mit à téter. Je m’imaginais tétant ce joli sein, et me renouvelai la promesse que je m’étais faite : posséder un corps féminin et en avoir tous les plaisirs possibles. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 27) ; etc.

 

L’amant est aimé par le héros homosexuel comme ce dernier imagine qu’un fils aime sa mère : « Tu crois qu’il est comme ma belle-mère ? » (Zize, travesti M to F, parlant de son mari à sa mère, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « C’est drôle, ça ne fait pas un mois qu’on se connaît et je te dis des choses que je n’ai jamais dites à personne, à part à ma mère ! » (Kévin à Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 100) ; « Aujourd’hui, après, quelques jours d’interruption ayant expédié au mieux mes obligations, j’ai enfin eu le temps de me faire cajoler par la bonne. J’ai acheté toutes sortes de produits sans regarder à la dépense, notamment une poudre parfumée que l’on indique en cas d’irritation de la peau chez les bébés. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 98) ; « Je t’aime. Je t’aime autant que ma mère ; peut-être même plus… Je t’aime. » (Tanguy à Gunther, dans le roman Tanguy (1957) de Michel del Castillo, p. 89) ; « Valentín… je crois que depuis mon enfance, je ne me suis jamais senti aussi content. Depuis le temps où maman m’achetait un jouet, ou quelque chose comme ça. » (Molina après sa nuit d’amour avec Valentín, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 210) ; « Il [Adrien] avait aussi un immense besoin d’être aimé. Il y avait en lui un enfant qui cherchait à être protégé, consolé, un enfant qui requérait un amour total. […] Il était bien conscient que cet amour-là ressemblait à l’amour perdu de la mère. » (Adrien parlant de son jeune amant Malcolm, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 40). Dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, Bonnard propose à son copain Dzav d’être sa mère.

 

Ce rapport incestueux avec l’amant apparaît au final comme une illusion : « Le téléphone sonne. Son cœur s’illumine à l’idée que Ginette ait finalement pensé à elle. Mais ce n’est que sa mère. » (Lucie dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 31) ; « T’es pas ma mère : t’es ma copine. » (Rosário à son amant trans Tonia dans le film « Morrer Como Um Homen », « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues) ; « L’homosexualité est une infantilisation. » (le père de Claire s’adressant à sa fille et à la compagne de celle-ci, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; etc. Le personnage homosexuel finit parfois par punir les amants mûrs qu’il s’est choisi comme pères de substitution, en affublant de qualificatifs âgistes ces prétendus « vicieux qui veulent jouer le rôle de sa mère » (la voix narrative dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 161). Forcément : n’étant pas son père réel, ils finissent fatalement dans son esprit par être des imposteurs !

 
 

e) Mon amant homosexuel est mon maître et mon Dieu :

Dans certains créations artistiques, le personnage homosexuel déifie son amoureux : cf. le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler (où un fan se laisse soumettre par sa rock star), le film « In The House Of Brede » (1975) de George Schaefer, le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, le film « Je t’aime, je t’adore » (2002) de Manuel Blanc, la chanson « Monsieur Amour » de Colette Mars, la chanson « Mon Secret » de Suzy Solidor, la chanson « Amen-moi » de Bilal Hassani ; etc. « Gérard et moi, c’était une allégeance absolue. » (Guillaume dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset) ; « Excuse-moi. J’avais oublié que t’es un dieu. » (Bart s’adressant amoureusement à Hugo, dans l’épisode 268 de la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1 le 13 août 2018) ; « Je t’aime comme un fou, comme un soldat, comme une star de cinéma. » (Philippe s’adressant à Gabriel – et parodiant Lara Fabian – dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; « À cet instant je me sentis comme sainte Véronique, tant mon émotion était grande. » (Alexandra, la narratrice lesbienne, en train d’essuyer les sécrétions vaginales de sa jeune voisine, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 53) ; « Je voudrais le suivre où il ira. Il est ma vie. Je suis son Roi. Pour tout vous dire, je l’ai juste rêvé. » (cf. la chanson « Je l’ai pas choisi » d’Halim Corto) ; etc. L’amant est considéré comme un ange ou un demi-dieu : « Tu es un ange merveilleux. » (Pietrino à son amant Fefe dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto) ; « C’était bien le jour de Khalid. » (Omar, qui voit son amant comme un roi, comme le substitut d’Hassan II, dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 90) Dans le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, David, l’amant homosexuel, est comparé à Dieu : « J’ai passé des semaines dans les bras du Bon Dieu. » (p. 12) Dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Santiago compare la toile qu’il a peinte de son amant Miguel au « Corps du Christ ». Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, appelle sa nurse Collins « sa déesse » (p. 29). Dans l’épisode 365 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 27 décembre 2018, André, le héros homosexuel, dit qu’il est sorti avec un bel Allemand, Otto, « beau comme un dieu grec ».

 

L’amour entre amants homos prend la forme de la relation entre un fidèle et son dieu : « Qu’en est-il de l’existence de Dieu ? Et de Mathilde ? » (la voix narrative dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 103) ; « J’ai subitement envie de la vouvoyer. J’ignore d’où me vient cette aspiration à la distance. […] Je vous en prie, madame. » (idem, p. 90) ; « Tu es celui que j’aime… comme Dieu. » (Pierre à son amant Julien, dans la pièce Homosexualité (2008) de Jean-Luc Jeener) ; « Elle est dure avec moi, je vous jure. Je lui lave les pieds comme si elle était Jésus et elle m’engueule, elle me parle mal. » (Polly parlant de son amante Claude, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 115) ; « Je t’idéalisais, je te consommais puis je t’ignorerai. » (c.f. la chanson « Comme ça » d’Eddy de Pretto) ; etc. Par exemple, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Arthur appelle son amant Jacques « mon ange ».

 

À ce propos, on observe très souvent dans les fictions homosexuelles que le verbe « aimer » est remplacé par celui d’« adorer » (qui signifie « vouloir être semblable à ») : « Comme les dieux qu’on adore adorer, j’adorais adorer. » (cf. la chanson « L’adorer » d’Étienne Daho) ; « Je t’embrasse et t’adore. » (Chris à Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 121) ; « Je veux que le monde entier sache combien je vous adore. » (Stephen à Angela dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 196) ; « Je vous adore, vous et vos naïfs stratagèmes… » (Émilie parlant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 58) ; « J’t’adore. » (Erika s’adressant à son amante Jézabel, dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco) ; « Je reconnais t’avoir adoré passionnément. » (Basile s’adressant à son amant Dorian dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « J’l’adore, c’est vrai. » (Yoann, le héros homosexuel, parlant de son amant bisexuel Julien, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; « Il l’aime et il l’adore. » (cf. la chanson « Insondables » de Mylène Farmer) ; « Je l’adore. Et tu l’adoreras aussi. » (Vita Sackville-West, lesbienne, s’adressant à sir Harold Nicolson à propos de Virginia Woolf, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc.

 

Cette adoration possessive n’est pas toujours comprise du héros homosexuel, qui voit dans l’attachement amoureux excessif de son partenaire une attitude déplacée et immature. Dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi, par exemple, Cachafaz n’apprécie pas de « se faire idolâtrer par un pédé ». Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Dan veut que son amant Gerry, avec qui il vit depuis une vingtaine d’années, « comprenne une fois pour toute qu’il n’est pas Superman » (p. 237).

 
 

f) Mon amant homosexuel est un peu tout et rien à la fois :

Le personnage homosexuel adopte une vision extra-large de son amoureux : il serait à la fois son frère, son ami, son « pote », son père, son voisin, son parrain, son cousin, son double, son confident, son roi, son Dieu. Dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, par exemple, Félix rencontre tout au long de son voyage des inconnus qui deviennent tour à tour les membres/les amants de sa symbolique famille parallèle élargie. Dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre, Rubén, un client de 40 ans appelle Eloy son jeune prostitué (au look christique) « mon amour, mon petit » ; ils découvrent qu’ils ont le même nom de famille ; et un peu plus tard Eloy révèle à son client qu’il vient d’une famille de 8 enfants, et qu’il a toujours aimé les douches serrés comme des sardines avec ses frangins en caleçon… et que ça aurait inconsciemment stimulé son homosexualité !

 

FRÈRE 2

 

Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le héros homosexuel, entretient une relation de séduction avec son grand-frère Ody, son parrain homo Tassos, ses amis de passage (qui parfois l’entretiennent financièrement et sont en général plus âgés que lui), son pote Stefanos (compagnon fashion victim rencontré aux toilettes), son père biologique Lefteris disparu puis retrouvé sous la forme d’un homme politique d’extrême-droite qui doit selon lui correspondre aux critères pileux de ses fantasmes de magazines. Ody laisse entendre à la fin que leur père biologique à lui et à Dany n’est peut-être même pas Lefteris. Dans le film « Vacationland » (2006) de Todd Verows, le héros homo embrasse son amant qui finit par changer de visage et prendre la forme d’un businessman puis d’un grand-père. Dans le film « Ma vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh dresse le portrait de Liberace, un pianiste virtuose absolument tyrannique autant que doucereux avec ses amants qu’il infantilise et exploite en les traitant tôt comme des dieux (il dira « Mon Sauveur !!! » ou bien « Je suis un peu toute ta famille. » à son amant Scott) tantôt comme des diables qui lui ont pourri la vie.

 

La relation entre amants est en général ludiquement/amoureusement indéfinie : « J’ai une infinie tendresse pour toi. Qui durera toute la vie. » (Emma s’adressant à Adèle, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche) ; « Jonatán, mon père et mon roi, mon frère et mon amant. » (cf. la nouvelle « Jonatán » (2000) de Blas Matamoro) ; « Mon amour pour vous n’est pas celui qu’on porte à une amie, à une mère. Sinon, aurais-je un tel désir de vous bercer dans mes bras ? » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 176) ; « Il est le maître, le frère, mon jumeau. » (Julien Brévaille à propos de son amant Loche, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 65) ; « Mary n’aurait aucune place dans son cœur, dans sa vie, pour un enfant, si elle venait à Stephen. Elles seraient tout l’une pour l’autre si elles demeuraient dans cette parenté sans limites : père, mère, ami, amant, tout… étonnante plénitude ! Et Mary, l’enfant, l’amie, la bien-aimée. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 393) ; « Tandis qu’elle tenait la jeune fille dans ses bras, Stephen sentait qu’en vérité elle était toutes choses pour Mary : père, mère, amie et amant, et Mary toutes choses pour elle : l’enfant, l’amie, la bien-aimée. » (idem, p. 412) ; « Il s’appelle Robert Edwards. Il a vingt-trois ans. Il a soixante-dix-neuf ans. […] Il est ton père, ton frère, ton ami : tu le connais depuis toujours. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 232) ; « Croyez-en le vieux bonhomme désabusé que je suis devenu, et qui vous aime comme un père, un frère, un ami. » (la figure de Proust à son amant Vincent dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 183) ; « Sachez que je vous aime tout entière. […] Je vous aime femme, mère, amie, amante. » (Émilie à Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 107) ; « Ma Dame, aujourd’hui, je suis votre enfant. Consolez-moi. Aujourd’hui, je suis votre amie. Écoutez-moi. Aujourd’hui, je suis votre sœur. Gardez-moi. Aujourd’hui, je suis votre amante. Aimez-moi. Aujourd’hui, je suis à vos pieds. Sauvez-moi. » (idem, p. 156) ; « Le papa, c’est toujours Dieu. » (Thierry le héros homo, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, épisode 8 « Une Famille pour Noël ») ; « À toi mon frère que j’ai aimé comme un père. » (Didier Bénureau dans son concert Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Je peux pas encore aller la voir à l’hôpital, parce que je suis pas de sa famille. (En pleurant) Tu te rends compte, je ne peux pas aller voir ma femme à l’hôpital parce que je ne suis pas de sa famille, mais je suis TOUTE sa famille à moi toute seule ! Putain, je-suis-pas-sa-fa-mille ! Ils se foutent de ma gueule, moi je veux la voir, j’en ai rien à foutre que je sois pas mariée, j’ai bien le droit de voir ma femme, je dors avec elle toutes les nuits. » (Polly parlant de son amante Claude, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 115) ; « Dany, quand tu dis que tu m’aimes, tu m’aimes un peu comme un pote, c’est ça ? Alors comme un frangin ? Comme un cousin, donc ? Comme deux mecs en prison ? » (Billy Stevens, le personnage homo du faux film « Servir et protéger » s’adressant à son futur amant Dany en pleine guerre du Vietnam, en faisant mine de ne pas comprendre les sentiments que son camarade de tranchée qu’il porte sur le dos lui exprime, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Je suis voleur. Vous êtes Roi. Autrement dit, nous sommes deux frères. » (cf. le poème ironique que Lacenaire adresse au Roi, dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin) ; « On dirait ma sœur. » (Benjamin parlant de son amant Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc. Dans le roman L’Agneau carnivore (1945) de Agustín Gómez-Arcos, le protagoniste définit son amoureux comme « son frère amour, son seul dieu ». Dans l’épisode 86 « Le Mystère des pierres qui chantent » de la série Joséphine Ange-gardien, diffusée sur la chaîne TF1 le 23 octobre 2017, Louison est grillée pour son homosexualité par des photos prises sur téléphone portable à une soirée, où elle enlace – à la base amicalement – sa meilleure amie Clara. C’est la confusion des sentiments : « Clara, c’était ma meilleure amie. C’était comme une sœur. » Louison finit par faire un vrai coming out.

 

Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, Anamika, l’héroïne lesbienne de 20 ans, se pose la question de rajouter à la liaison qu’elle a déjà avec Linde une mère de famille, et celle qu’elle maintient par ailleurs avec Rani sa domestique, une troisième relation amoureuse avec Sheela, une de ses camarades de classe : « J’avais l’esprit ailleurs, occupé à peser le pour et le contre afin de savoir si je devais avoir une relation amoureuse de plus, avec quelqu’un de mon âge, une jeune fille sans mari ni fils. Une jeune fille qui n’était ni ma domestique ni mon aînée. Une personne qui était plus ou moins mon égale. » (p. 64) Finalement, son cœur recherche non seulement des relations lesbiennes avec des personnes de chair et de sang, mais plus fondamentalement une union lesbienne divine : « L’exposé fut donné par une fille de terminale, qui parla de l’image de la déesse-mère dans la civilisation Harappan. Je songeai à Linde à chaque fois qu’elle disait ‘déesse-mère’. » (idem, p. 232)

 

Dans l’épisode 432 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 1er avril 2019, Barthélémy Vallorta dit à son amant Hugo Quéméré qu’il est pour lui à la fois « son chevalier servant, son ami, son amant».
 

 

Dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), le libraire Pawel Tarnowski, homosexuel continent, repousse son élan physique et sentimental envers le jeune David : « Pawel cherche la source de cette douleur. Essaie de la comprendre. L’homme que je cherche est en moi. Quel est cet homme ? Est-ce l’icône de mon père perdu ? Est-ce donc cela la source de la blessure primitive : la sensation laissée par l’absence du père.[…]Il jeta un coup d’œil au sol. Le garçon y dormait immobile. Pendant un long moment, Pawel le tint dans son esprit comme un père tient un enfant de deux ans sur ses genoux. Puis, il se tourna et s’endormit. » (pp. 362-363) Le dialogue final (p. 476) entre David et lui montre bien le lien trop riche et trop diversifié qui les unit. David essaie de définir le regard que Pawel pose sur lui : « C’était le regard que posait parfois mon père sur moi. Est-ce que je suis comme un fils pour vous, Pawel ? » Pawel lui répond : « Oui, un peu comme un fils. » David rajoute : « Et un ami ? » Pawel de lui répondre : « Oui, ça aussi. » David prolonge, en prêchant le faux pour savoir le vrai : « Mais un jeune ami qui dit des choses puériles. » Pawel tente de s’en sortir sans rien révéler de ses sentiments amoureux mal ajustés : « C’est le cas parfois. Mais je vois l’homme que tu es en train de devenir. Un homme bon qui marchera avec moi le long de la Vistule lorsque cette guerre sera finie, qui me racontera des choses sages et corrigera ma pauvre philosophie. » Père, fils, ami, maître. On a la totale !
 

Mais au bout d’un moment, fatigué de cette dispersion ou de son amant multi-visages, le personnage homosexuel se demande à quoi il joue, qui il aime, et quelle est sa véritable place dans sa relation amoureuse avec l’amant trouble : « Is it my brother ? Is it a friend of mine ? » (cf. la chanson « Who Is It ? » de Michael Jackson) ; « Que sommes-nous ? Un couple ? » (Julien à son amant, dans la pièce Une Rupture d’aujourd’hui (2007) de Jacques-Yves Henry) ; « J’ai voulu que tu sois toutes les femmes à la fois : amie, amante, sœur, mère, j’ai voulu m’abandonner dans une seule femme. […] Je t’aime je t’admire je t’adore, je te tue. » (Alice à Elsa dans le film « Alice » (2004) de Sylvie Ballyot) ; « Et toi, qui es-tu ? Si je suis de la famille, qui es-tu ? Mon frère ou ma sœur ? » (Kévin à son amant Bryan dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 159) ; « Quand on nous voit ainsi tous les deux, je me demande souvent ce que les gens pense de nous : voilà deux frères, deux amis ou deux amants ? » (Bryan à Kévin, idem, p. 423) ; « Dans les escaliers, je demande ‘Mais nous deux, on est quoi ? Des amants ? Un couple ?’ Il me regarde en levant les yeux au ciel. » (Mike à son amant Léo dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 100) ; « Je veux un tatouage, symbole de l’Amour. C’est juste un tatouage. Même si tu choisis le même que ton père, ça ne fera pas revenir ton frère. » (Jade, l’héroïne lesbienne du film « Spider Lilies » (2007) de Zero Chou) ; etc.

 

On comprend que le héros, en cherchant à donner différents masques inappropriés à son amant, pèche par narcissisme : « Je pensais que… Je t’ai aimé comme un frère, comme un fils, parce que je croyais que tu étais comme moi. » (Valcárcel à Herrera, dans le film « ¡ Harka ! » (1941) de Carlos Arévalo) ; « J’vois bien que je te demande quelque chose que tu peux pas me donner. » (Christophe à son amant Boris, dans le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « Je l’aime pour ce qu’il ne sera jamais. » (Julien Brévaille à propos de son amant Loche, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 157) ; « Il y a une phrase dans son album : ‘L’homme doit être mari, père, soldat.’ Moi, je ne suis ni mari, ni père, ni soldat. » (Gabriele, le héros homo, s’adressant à son amie Antonietta, dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; etc.

 

C’est alors que le vertige arrive : « Khalid, ami, frère, double de moi, traître, traître qui faisait le fier seul… » (Omar dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 91) Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc se fait plaquer par son amant Mathieu, beaucoup plus jeune que lui, après plusieurs années de vie commune. « Mais pourquoi me sentais-je encore responsable de ce trop bel acteur qui avait pris trop de place dans ma vie pendant sept ans et de qui j’avais été séparé depuis près de quinze ans ? Encore le rôle du père, du mentor, du Pygmalion que j’avais joué auprès de lui pendant si longtemps ? » (p. 43) ; « J’avais quand même vécu tout ce temps avec un gars de quinze ans mon cadet ! Au commencement, ce n’était pas très grave, j’en avais 39, lui 24, mais j’avais prédit dans un moment de découragement […] qu’un jour je serais un monsieur de 50 ans et lui un toujours jeune homme de 35… et c’est exactement ce qui s’était produit. » (idem, p. 228)

 

Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, occupe toutes les identités qu’il veut vis à vis des hommes qu’il essaie de séduire. Par exemple, Dick, l’homme dont il est amoureux, lui demande une imitation : « Fais-moi une imitation. » Et Tom imite la voix du père de Dick, et la ressemblance est tellement frappante que Dick dit « C’est éblouissant. » et se tourne vers sa compagne en désignant humoristiquement Tom comme son père : « Marge, je te présente mon père. » Plus tard, Tom, en s’écrivant à lui-même et en faisant parler Dick (qu’il a assassiné), qualifie leur relation ambiguë de toutes les catégories : « Je t’écris à toi, le frère que je n’ai jamais eu. Mon seul véritable ami. Tu es un peu mon fils. » ; « Tu es le frère que je voulais avoir. » Tom finira par assassiner son dieu humain qu’il idolâtre. Dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin (mis en scène par Élise Vigier en 2018), Jimmy a vécu en couple avec Arthur pendant 14 années, et pleure son absence : « Il me manque mon ami. Il me manque mon amoureux. Il me manque mon frère. » Quant aux sentiments de Hall, le frère d’Arthur, à l’égard d’Arthur, ils oscillent entre adoration, amour conjugal, narcissisme et idolâtrie aussi : « L’adoration est-elle un blasphème ou la promesse de la Gloire éternelle ?[…] Arthur est mon âme. La prunelle de mes yeux. » Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, ne sait pas quelle place il occupe dans le cœur de son « amant » Nicholas : souvenir d’enfance ? plan cul ? petit copain ? troisième roue du carrosse ? Grand Seigneur ? (« T’habites un château de contes de fées. » lui fait la remarque Nicholas) Impossible de répondre. Face à son amie Tereza, Phil ne sait même pas lui dire « s’il a un copain » ou pas : « Je ne sais rien de lui. J’ai l’impression de ne pas le connaître. » Et effectivement, le « couple » finira par imploser.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

La majorité des personnes homosexuelles ne savent pas qualifier la nature de leur relation amoureuse homosexuelle autrement que comme un fourre-tout sans beaucoup de goût :

 
 

a) Mon amant homosexuel est mon frère :

Je vous renvoie à l’essai Comme un frère, comme un amant (1993) de Georges-Michel Sarotte. Parfois, la relation qui se vit entre deux personnes homos d’un même couple est plus fraternelle qu’aimante : « Dans leurs lettres, Annemarie Schwarzenbach et Carson McCullers disent s’aimer ‘comme des frères’. » (Josyane Savigneau, Carson McCullers (1995), p. 98) ; « L’aspect physique excepté, nous ressemblions à des frères, des jumeaux inséparables. Entre nous, il s’agissait d’une histoire de famille, pas du compagnonnage des petites amours. Moins épuisé, je ne doute pas que Claude aurait répondu à l’infirmière curieuse : ‘Ce monsieur qui vient me voir tous les jours, c’est moi. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 20)

 
« Roissy, terminal 2. Une agent de sécurité vérifie nos passeports. […] Elle remarque que nous avons le même nom. Beaugrand-Gérin. ‘- Vous êtes frères ? Vous vous ressemblez !’ Je lance un regard amusé à Ghislain. ‘- Non. Nous sommes mariés !’ Le visage de la femme-colosse s’empourpre d’un sourire gêné. ‘- Oh. Pardon…’. » (c.f. l’autobiographie Fils à papa(s) (2021) de Christophe Beaugrand, où ce dernier raconte qu’il va cherche avec son « mari » leur enfant acheté par GPA aux États-Unis, Éd. Broché, Paris, p. 10).
 

b) Mon amant homosexuel est mon fils :

Quelquefois, l’amant homosexuel est considéré, par celui qui prétend l’aimer, comme le fils que leur couple n’accueillera pas. S’instaure alors dans le binôme homosexuel un processus d’infantilisation incestueuse (qui n’a pas forcément à voir avec la différence d’âges entre les partenaires, d’ailleurs : deux personnes du même âge peuvent tout à fait s’infantiliser l’une l’autre sans qu’intervienne le fossé des générations). « Je me sentais bien. L’étonnement, l’espoir, m’occupaient tour à tour pendant nos rencontres. Son âge ne devint plus alors le handicap qui parfois, me frustrait en sa compagnie. […] tel le culte paternel. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 124-125) Par exemple, Peter Pears dit de son compagnon Benjamin Britten qu’il « lui était dévoué comme un petit enfant passionné et proche » (cf. « Apuntes biográficos » de Benjamin Britten, sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003). Dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne, Xavier sort avec Guillaume « qui pourrait être son fils ».

 

FRÈRE 3

Lord Douglas et Oscar Wilde


 

En ce qui concerne le phénomène d’imitation du lien parent/enfant, Sigmund Freud décrit les sujets homosexuels comme des êtres qui ont tendance à se lancer à la poursuite d’objets de désir qui leur ressemblent afin de pouvoir « les aimer comme leur mère les a aimés ». Et on observe en effet que la relation mère/fils (ou plutôt l’image que certaines homosexuelles s’en font : à la fois une idéalisation excessive, et un modèle impérieux/oppressant) est très souvent transposée dans la relation amoureuse homosexuelle. L’amant est aimé par la personne homosexuelle comme cette dernière imagine qu’une mère chérit son fils : « Je suis arrivé à t’aimer si fort (plus que tout au monde) que je me suis donné l’ordre de ne t’aimer que comme un papa. » (cf. une lettre de Jean Cocteau à Jean Marais, citée dans l’article « Jean Marais » d’Arnaud Lerch, le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 312) ; « Ce que je cherche, c’est le droit d’aimer, non pas pour la seule jouissance physique, mais pour le droit de tenir quelqu’un dans me bras. […] Je réclame cela parce que je n’ai pas de fils. » (Havelock Ellis, L’Inversion sexuelle (1909), cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 367) ; « Il va dans le noir de son passé égyptien et, comme ma mère, j’ai envie de prier pour lui, de le soutenir, de loin, de près. » (Abdellah Taïa parlant de son amant Karim, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 65)

 

Par exemple, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013, quand le romancier Jacques Vialatte a vécu sa première grande histoire avec un homme et qu’il signale qu’elle a duré 9 mois, la présentatrice Sophie Davant sort une boutade qui fait rire tout le monde, mais qui reste un beau lapsus : « Le temps d’une grossesse, quoi… » (… même si, dans son esprit, elle parlait certainement de la nouvelle naissance que constituerait le coming out ou la rencontre de « l’amour » homosexuel). Dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre, Patrick raconte comment un jour, pour mentir à un de ses collègues sur son homosexualité, il s’est senti obligé de faire passer son « conjoint » pour son fils afin de justifier son absence et de se rendre à l’hôpital assister son amant. Il s’en veut encore de sa lâcheté homophobe.

 

Dans les relations amoureuses que Magnus Hirschfeld, homosexuel notoire, a entretenues en Allemagne dans les années 1920-30, on observe presque toujours un décalage générationnel et paternaliste : « Le secrétaire de l’Institut est un certain Karl Giese. C’est l’amant préféré de Hirschfeld, de 30 ans plus jeune que lui (il a donc 21 ans en 1919). Il ne distingue par une nature hautement sensible. Il sert Hirschfeld dans tous les détails de la vie domestique. Il l’appelle « papa », comme beaucoup de gens à l’Institut à cause de son rôle paternel. Ou encore Oncle Hirschfeld. Un autre amant est très attaché au maître de céans ; il se surnomme Tante Magnesia. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 112) ; « C’est là que Magnus Hirschfeld rencontre Li Shiu Tong, surnommé Tao Li, un jeune étudiant en médecine qui devient son compagnon. L’écart d’âge entre les deux est de 40 ans. Tao Li a donc 25 ans au début de leur liaison. Liaison hors du commun, homosexuelle, interraciale, intergénérationnelle. En outre, elle n’est pas monogame, puisque Hirschfeld garde sa relation avec Karl Giese. Ce ménage à trois ne vivra pas sans problème. Hirschfeld entretient financièrement ses deux amants. » (idem, p. 113)
 
 

c) Mon amant homosexuel est un simple ami :

J’aborde de manière très détaillée dans le code « solitude » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels le fréquent mélange qui est fait dans les sphères relationnelles homosexuelles entre amitié et amour… à tel point que je dis que l’amitié est la grande oubliée/ennemie de la communauté homosexuelle, puisque la drague monopolise la grande majorité des rapports interpersonnels entre individus homos. Dès qu’ils s’entendent bien, les sujets homosexuels ont tendance à passer très vite à la vitesse supérieure, et à ne pas se laisser le temps de l’amitié ; ils deviennent parfois amis, mais ce sera après avoir couché ensemble. Et quand ils sont en couple, étant donné que l’amour qu’ils vivent n’est pas trépidant, il semble qu’il n’y ait que la génitalité qui les empêche de dire ouvertement qu’ils ne sont que « de simples amis et pas plus »… alors que c’est bien souvent le cas : y compris quand le feeling est bon entre eux, ils ne sont pas plus que de bons amis. Ils se rendent compte que, mis à part les moments de sexe et de sensualité clairement conjugaux, mis à part l’officialisation sociale de leur statut de « couple », rien ne les distingue d’un duo formé de deux meilleurs amis ; et après leur rupture, si elle arrive un jour, ils comprennent très vite qu’ils auraient mieux fait d’en rester à l’amitié plutôt que de chercher à simuler l’amour fou. Ils vivaient côte à côte, certes, mais objectivement, au niveau de la force de leur lien, rien ne les distinguait de deux colocataires ou de deux amis… « Nous n’existions plus ensemble. […] Bien pis, nous nous détruisions. […] Quel était le bon sens de cette forme d’amour ? Un amour-amitié ou un amour-passion. Certes, je ne voulais pas m’enfermer dans une définition. » (Berthrand Nguyen Matoko parlant de sa relation qui bat de l’aile avec son amant Yoro, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 140)

 

Cet « amour d’amitié » (détournement du beau Philia grec ou thomiste), cette « amitié forcée » (et du coup dénaturée), ces « amitiés particulières » (nom donné traditionnellement aux couples homos, et qui me paraît si révélateur !), font dire à certains penseurs que la notion de « couple homosexuel » est discutable, voire inappropriée pour deux personnes du même sexe qui décident de composer un ménage. Dans son essai Le Règne de Narcisse (2005), Tony Anatrella préfère le terme de « duo » à celui de « couple » pour qualifier une union entre deux hommes ou entre deux femmes. Et Chekib Tijani, l’auteur du très contesté essai 700 millions de GEIS (2010), va jusqu’à mettre le couple homosexuel sur le compte de la simple camaraderie travestie en « amour » : « Un gei [c’est ainsi que Tijani définit l’individu homo] qui est en relation avec un autre gei n’a pas le sentiment de vivre en couple, ce sont deux ‘copines’. » (p. 63)

 
 

d) Mon amant homosexuel est mon père :

Parfois, l’amant homosexuel est vraiment considéré comme un père de substitution par les personnes homosexuelles : « Rech. son père de substitu. » (cf. une petite annonce lue dans la revue Têtu, n° 127, novembre 2007, p. 200) ; « Aujourd’hui, c’est le 19 juin, la fête des Pères, et comme tu es mon Miam, mon papa Miam, je ne t’oublie pas. » (Julien à son amant Pascal Sevran, dans l’autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006) de Pascal Sevran, p. 169)

 

FRÈRES 5

 

Si vous regardez les photos de Virginia Woolf avec Violet Dickinson, il est assez frappant de voir leur posture et leurs attitudes : on dirait que la première est une petite fille fragile se réfugiant sous les jupes de sa maman. Woolf semble avoir reproduit le même schéma avec ses autres amantes : « J’aime être avec elle, j’aime sa splendeur. […] Il y a sa maturité et sa poitrine épanouie : le fait qu’elle navigue, toutes voiles dehors, en haute mer, alors que je me contente de caboter le long des côtes ; son aptitude, je veux dire, à prendre la parole devant n’importe quel auditoire, à représenter son pays… à surveiller l’argenterie, les domestiques, et les chows-chows, sa maternité aussi… bref, le fait qu’elle est (ce que je n’ai jamais été) une vraie femme. » (Virginia Woolf en parlant de Vita Sackville-West dans son Journal, le 15 septembre 1922)

 

FRÈRES 4

 

Dans son essai autobiographique La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), Paula Dumont parle d’un couple d’amies lesbiennes à elle, Martine et Huguette, dans lequel s’est instauré un rapport de fille/mère très prononcé : elle évoque chez Martine « son besoin de trouver une mère poule qui la protège » (p. 117). Dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy de l’émission Tel Quel diffusée sur la chaîne France 4 le 14 mai 2012, Charlotte appelle son amante Marion « bébé ». Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, on nous raconte la rencontre entre Nicolaus Sombart et son amant beaucoup plus âgé que lui Carl Schmitt. « Est-ce pour cette raison qu’il a cherché en Schmitt, son amant beaucoup plus âgé que lui, un père de substitution ? Il aurait pu être son fils. » (p. 273)

 

Souvent, l’amant est aimé par la personne homosexuelle comme cette dernière imagine qu’un fils aime sa mère : « J’aimerais être nourri par vous, c’est-à-dire que j’aimerais être nourri par vous comme par ma mère. » (un patient homo dans l’article « Le Complexe de féminité chez l’homme » (1973) de Félix Boehm, Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 442) ; « C’était une relation maternelle entre elles deux. » (Marie-Jo Bonnet parlant de la relation « amoureuse » entre Yvonne de Bray et Violette Moriss, lors de sa conférence « Violette Moriss, histoire d’une scandaleuse » le 10 octobre 2011 au Centre LGBT de Paris) ; « Je t’ai protégé de tout, probablement trop. » (Pierre Bergé s’adressant à Yves Saint-Laurent, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; etc.

 

Cette configuration relationnelle particulière est explosive. Dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans parle des couples lesbiens et des fréquentes « associations d’une partenaire jeune et d’une autre plus âgée » (pp. 48-49) : « Dans un cas, la personnalité de la jeune femme est étouffée, jusqu’à la rendre incapable ‘éprouver les sentiments naturels d’amour et le désir d’un foyer normal ; dans l’autre, si elle parvient à s’arracher à l’emprise de la plus âgée, elle laisse dans la vie de celle-ci un vide qui ne pourra jamais être comblé. »

 
 

e) Mon amant homosexuel est mon maître et mon Dieu :

Dans les discours de beaucoup de personnes homosexuelles, si on prête un peu l’oreille, on a l’occasion d’entendre que le verbe « aimer » est régulièrement remplacé par le verbe « adorer ». La relation d’homme à homme (ou de femme à femme) est souvent envisagée comme une relation d’Homme à Dieu : « J’aimais vraiment Alfred. Ce n’est pas assez dire que je l’aimais, je l’adorais. » (Marcel Proust en parlant d’Alfred Agostinelli, son amant qui se tua en avion, cité dans l’article « Chronologie » de Jean-Yves Tadié, dans la revue Magazine littéraire, n°350, Paris, janvier 1997, p. 22) ; « C’est une famille qui s’aime. Non. Qui ne s’aime pas ; qui s’adore. » (un amie de Francesca, parlant de la « famille recomposée » du couple lesbien Francesca-Olga + Florence l’enfant obtenue par PMA, dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy de l’émission Tel Quel diffuséesur la chaîne France 4 le 14 mai 2012) ; « Tout au fond de moi, je suis figée d’amour. Paralysée par l’adoration. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 45) ; « Ernestito tomba à genoux devant Nacho comme il aurait pu le faire devant un saint d’une religion inconnue. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 260) ; « Mon corps était devenu ton corps. Mais tu voulais encore et encore plus. Quoi, plus ? Je ne savais plus quoi te donner… Tu exigeais que je sois là pour toi, tout le temps. Je l’ai fait. Avec plaisir. Avec amour. Avec dévotion, je t’aimais. Je t’adorais. J’ai quitté les autres, ma vie, mon chemin dans Paris, mes projets, pour toi. » (Abdellah Taïa s’adressant à son « ex » Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe, 2008) ; « Mon ancien camarade de classe me met sous les yeux deux photos de Janson, cinquième et quatrième, toute la classe. […] Moi, mince, l’air silencieux, innocent d’une innocence évidente. Cela m’a ému, car depuis… Et tout à coup, le visage de Durieu que j’avais oublié et qui m’a arraché un cri : un visage d’ange résolu. Silencieux aussi celui-là, on ne le voyait pas, il disparaissait, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir sa beauté comme une brûlure, une brûlure incompréhensible. Un jour, alors que l’heure avait sonné et que la classe était vide, nous nous sommes trouvés seuls l’un devant l’autre, moi sur l’estrade, lui devant vers moi ce visage sérieux qui me hantait, et tout à coup, avec une douceur qui me fait encore battre le cœur, il prit ma main et y posa ses lèvres. Je la lui laissai tant qu’il voulut et, au bout d’un instant, il la laissa tomber lentement, prit sa gibecière et s’en alla. Pas un mot n’avait été dit dont je me souvienne, mais pendant ce court moment il y eut entre nous une sorte d’adoration l’un pour l’autre, muette et déchirante. Ce fut mon tout premier amour, le plus brûlant peut-être, celui qui me ravagea le cœur pour la première fois, et hier je l’ai ressenti de nouveau devant cette image, j’ai eu de nouveau treize ans, en proie à l’atroce amour dont je ne pouvais rien savoir de ce qu’il voulait dire. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp. 23-24) ; etc.

 
 

f) Mon amant homosexuel est un peu tout et rien à la fois :

La relation entre amants homosexuels est en général ludiquement/amoureusement indéfinie : « Adieu aux baisers de mon tonton, pardon, de mon parrain. » (Kamel en parlant à/de son amant Christian, dans l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli, p. 164) ; « Manolo a toujours été mon père, mon frère, mon compagnon, mon mari, toute ma vie. » (Juan Rodríguez parlant de son copain décédé, Manolo, dans le documentaire « Católicos Gays » de l’émission Conexión Samanta sur la chaîne Play Cuatro, juin 2011) ; « Hubert fut mon ami, mon amant, le grand frère bienveillant qui m’a tant manqué lorsque j’étais enfant, et, qui sait ?, le père qui a disparu, qui sermonne et protège. » (Jean-Luc Romero, On m’a volé ma vérité (2001), p. 40) ; « Je pense à lui comme le grand frère qui m’a manqué, comme l’ami protecteur qui aurait pu m’aider. » (Kim Pérez Fernández-Figares, homme transsexuel, à propos de son amant Philippe, cité dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 254) ; « La recherche d’un ami, d’un héritier spirituel, d’un compagnon et amant choisi à la fois pour sa beauté, son talent et sa distinction l’obsède. » (Michel Larivière parlant de l’écrivain français Robert de Montesquiou, dans le Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), p. 252) ; « Les hommes que j’érotisais ressemblaient à mon père, à mon frère surtout. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (2008) de Michel Dorais, p. 249) ; « J’ai fini par adopter les codes des garçons : marcher comme un mec, parler comme mon père et mes frères, regarder les filles comme mon père et mes frères les regardaient, me battre avec les copains comme un vrai mâle. » (une amie lesbienne, Stéphanie, 31 ans, en 2012) ; « Pierre est un compagnon. Et il est devenu un partenaire avec le PaCS. Et ensuite il sera mon mari. » (Bertrand dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2) ; « Comment t’appeler ? Frère de sang ? Frère de lait ? Copain, ami, amour ? » (c.f. la chanson « Copain ami amour » de Dave) ; etc.

 

Au départ, ça a l’air « fort », ce lien amoureux qui s’étire à foison dans l’envolée lyrique (« Tu es mon Tout, mon Roi, ma Lune, mon Ciel étoilé… »), qui semble exprimer une profonde plénitude. En réalité, quand on regarde les faits et ce que vivent véritablement les amants homosexuels, on se rend compte qu’il existe une forme de compromis incestueux, d’arrangement qui ressemble à de l’amour parce qu’en apparence il contente les deux membres du couple, mais qui au final est une paix bancale : « Martine, qui cherchait désespérément la mère qui l’avait abandonnée à trois jours, m’avait rencontrée fort à propos. Sous cet angle, nous étions complémentaires, moi qui jouais le rôle de l’adulte sérieuse et responsable et elle qui était perpétuellement en quête de protection. » (Paula Dumont dans son essai autobiographique La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 231) ; « Je voudrais rapporter le cas, que j’ai pu observer récemment, d’un jeune homme, fiancé à une jeune femme de la façon la plus bourgeoise, et qui tombe amoureux d’un homme plus âgé que lui, qu’il prend de son propre aveu d’abord pour modèle, puis pour maître et enfin pour amant. Cet amant lui-même, bien que ‘purement homosexuel’, me racontera plus tard que, nullement attiré par mon malade au départ, il n’avait été intéressé que par la présence de sa fiancée et la situation triangulaire créée lors d’un dîner. Lorsque le malade, jaloux de son amant, abandonna pour lui sa fiancée, cet amant se désintéressa complètement de lui. Interrogé par moi sur les raisons de ce revirement, il me dit : ‘L’homosexualité, croyez-moi, c’est vouloir être ce que l’autre est.’ » (Jean-Michel Oughourlian cité dans l’essai Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978) de René Girard, pp. 469-470) ; etc. En fait, ce n’est pas parce qu’il y a consentement mutuel pour s’exploiter l’un l’autre, ou pour jouer vis à vis de son partenaire un rôle qui ne nous revient pas mais qui anesthésie pour un temps les problèmes, que l’exploitation et la comédie disparaissent et cessent d’entretenir le couple homosexuel dans le mensonge identitaire. Bien au contraire ! La barque se charge petit à petit.

 

FRÈRE 6

Christopher Isherwood et Don Bachardy


 

Bien souvent, sans même qu’elle puisse en parler directement à son partenaire, la personne homosexuelle se demande quelle est sa place dans son couple, quel rôle elle joue, quelle importance elle a aux yeux de son « chéri ». Cela peut engendrer en elle un questionnement très obsédant (j’ai connu personnellement ces bouffées d’angoisse quand je me voyais infantilisé ou traité de « petit écureuil » ou de « Titi » par certains de mes ex-amants !), mais aussi très libérant si elle se pose les bonnes questions. Elle peut mesurer qu’en donnant différents masques inappropriés à son amant, elle est entrée dans une comédie amoureuse qui flatte deux narcissismes, mais qui ne permet à aucun des deux partenaires du couple homo de se sentir pleinement à sa place : « Bien élevé. Énarque. Suffisamment jeune. Suffisant riche. Suffisamment beau. Supérieur. C’est pour ça qu’avant j’avais choisi Quentin. Supérieur, il l’était dans tous les domaines, enfin c’était ce qui me semblait à l’époque. Il avait 26 ans, moi 23. Il était beau. Il savait ce qu’il y avait de meilleur. Il suffisait de le suivre. Le seul problème c’est que Quentin avait si peur des gens qu’il se sentait obligé de les détruire. Moi, je n’avais pas de moi. J’étais vide. Il me remplissait. » (Guillaume Dustan, Nicolas Pages (1999), p. 112) ; « Aux côtés d’hommes, je m’ennuie très rapidement. Même en présence d’homosexuels. Je les considère comme des pères ou frères. Je dois coucher avec des hommes qui n’affrontent pas la vie. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles, en revenant sur les fonctionnements complexes de leur couple, parle de ce décalage engendré par l’accumulation de rôles, et qui surcharge la structure conjugale homosexuelle sur la durée, au point de la rendre soit impossible et non-viable, soit hyper compliquée et lourde-dingue : « J’ai tenu comme j’ai pu. J’ai arrêté de travailler. Je suis devenu une petite femme. Ta conception de la femme. Je suis devenu Saâd, ton copain d’enfance. Je suis devenu une sculpture entre tes mains. » (Abdellah Taïa parlant de son amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 117) Dans l’essai autobiographique La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010) de Paula Dumont, Catherine est très ambiguë et torturée avec son amante Paula, alors que pourtant elle se veut d’une grande sincérité et d’une totale franchise. On a l’impression qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut. À la fois elle revient chroniquement vers Paula pour lui dire qu’elle l’aime d’amour (« C’est une forme d’amour, tu es de ma famille. », p. 167), mais elle refuse de lui appartenir et ne veut pas s’engager parce qu’elle ne se sent pas exactement amoureuse (« Ce que j’éprouve et éprouverai toujours pour toi, c’est de la tendresse », p. 184) Si elle fait un pas, c’est pour mieux reculer de trois pas ensuite. À quel jeu joue-t-elle ? Au fond, ce n’est pas tant qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut, ni qu’elle serait vraiment compliquée par nature ; il y a chez elle comme un mécanisme vital de résistance à l’entreprise homosexuelle de travestissement de l’amour, un juste rejet du contrat préétabli de la félicité homosexuelle tendu par une personne en face qui la couve du regard et qui prétend l’aimer à condition qu’elle endosse la pile très pesante de masques qui ne lui vont pas : le masque de la sœur, de la bonne copine, de la mère de substitution, de la sœur, de la fille, de la maîtresse, de la déesse, de la star, de l’amie.

 

Cette indécision de l’amant homosexuel qui se dérobe, qui glisse des doigts comme un savon, et qui fait vivre les montagnes russes émotionnelles à son compagnon qui veut le faire rentrer dans son jeu de rôles incestueux/amoureux pour mieux le posséder, semble insupportable, égoïste, insensée. Mais au fond, elle vaut de l’or, car elle nous rappelle qu’on ne peut pas tricher longtemps en Amour, et que le désir homosexuel est un désir tellement « touche-à-tout d’Humanité » qu’il finit par ne plus toucher grand-chose ni grand monde.

 
 

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Code n° 80 – Fresques historiques (sous-codes : Antiquaire homo / Scarlett O’Hara / Temps / Instant / Futurisme)

fresques his

Fresques historiques

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

L’espace-temps sentimentalisé et déréalisé

 

Sketch "Les Antiquaires" de Michel Serrault et Jean Poiret

Sketch « Les Antiquaires » de Michel Serrault et Jean Poiret


 

Quand on ne s’aime pas assez soi-même, qu’on s’éloigne de sa réalité sexuée et de la différence des sexes qui nous fonde, il n’est pas étonnant que l’on fuie dans le même mouvement la différence des espaces… et celle qui lui est concomitante : la différence des temps (passé, présent, futur) ! Ce code « Fresques historiques » se propose justement d’analyser le curieux rapport des personnes homosexuelles au temps (je dis « curieux » car il est de type idolâtre, c’est-à-dire d’adoration-répulsion-déni). Elles ont tendance à remplacer le trio (de l’Éternité !) passé-présent-futur par leur caricature passéisme-instant-futurisme (passéisme qui prendra souvent la forme du conservatisme de l’antiquaire : nous étudierons d’ailleurs la figure de l’antiquaire homosexuel). Autrement dit elles tendent à s’enfermer dans un passé mythique imaginaire pour mieux nier leurs véritables racines et histoires ; à se noyer dans la consommation pour mieux nier leur réalité quotidienne – au nom pourtant d’un hédonisme qui paradoxalement met la dégustation de « l’instant présent » au centre, le fameux Carpe Diem du bobo… – ; à s’annuler toutes perspectives d’avenir durable et heureux par une promotion pourtant obsessionnelle du progrès et par une fuite constante en avant (= « ça ira mieux demain, on ne sait pas de quoi demain sera fait, je suis en perpétuelles déconstruction et reconstruction, j’ai toute la vie devant moi pour m’éclater. »). Les époques convoitées par le public homosexuel ont souvent trait avec les civilisations héliocentriques (culte solaire), telles que la Grèce Antique, les Incas ou l’Égypte Ancienne.

 

Stéphane Bern à la Cour de Versailles

Stéphane Bern à la Cour de Versailles (Pas l’air tarte… ^^)


 

Le déni homosexuel concernant le Réel et Ses limites est particulièrement observable à travers le traitement de la mémoire opéré par la communauté homosexuelle. Beaucoup de ses membres refusent catégoriquement de poser un regard sur leur passé. Ils réécrivent souvent leur histoire personnelle sous forme de légende noire, comme si leur jeunesse « hétérosexuelle » n’avait été que mensonge, ou au contraire idyllique. Le passé qu’ils ressuscitent est prioritairement mythique, sentimental, impersonnel et folklorique. J’en tiens pour preuve la passion qu’énormément d’artistes homos développent pour les grandes fresques historiques kitsch (la Rome et la Grèce antiques, la Guerre de Sécession nord-américaine avec Scarlett O’Hara, la Révolution française, le règne de Sissi Impératrice, etc.). La reconstitution des temps dits « anciens » sert en général à la contemplation narcissique et à la fuite de la Réalité. La majorité des personnes homosexuelles partent, comme Marcel Proust, « à la recherche du temps perdu », mais en réalité pour ne pas affronter ce qu’elles ont à vivre dans le présent. Le travail de réactivation de la mémoire tel qu’elles le conçoivent n’est pas un acte volontaire et libre : le passage de la dégustation de la madeleine de Proust le montre parfaitement. Il est principalement impulsé par le culte de l’instant, la tristesse nostalgico-anachronique, et le désir d’isolement social. Il a donc peu à voir avec la vraie mémoire, celle qui fait aimer l’Humanité, qui est partiellement intelligible et contrôlée par le Désir. Pour beaucoup d’entre elles, « l’histoire officielle est une hallucination » (le poète argentin Néstor Perlongher, dans l’article « Néstor Perlongher : La Parodia Diluyente » de Miguel Ángel Zapata) et la tradition se confond avec le « détritus » (idem).

 

Il n’y a que l’instant, le ressenti sensoriel immédiat et l’imaginaire qui, en théorie, sont capables d’abolir le Temps. Mais ceci n’est vrai que si ceux-ci ne tiennent pas compte de l’Incarnation concrète du Temps dans laquelle ils s’inscrivent pourtant nécessairement.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Déni », « Faux intellectuels », « Artiste raté », « Peinture », « Pygmalion », « Wagner », « Parricide la bonne soupe », « Télévore et Cinévore », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Oubli et Amnésie », « Parodies de Mômes », « Fan de feuilletons », « Collectionneur homo », « Faux Révolutionnaires », « Jardins synthétiques », « Se prendre pour Dieu », « Animaux empaillés », « Poupées », « Planeur », « Entre-deux-guerres », « Reine », « Voyage », « Femme au balcon », « Bobo », « Grand-Mère », « Éternelle jeunesse », « Bovarysme », « Médecin tué », « Différences culturelles », « Conteur homo », « Voyante extra-lucide », à la partie « Cuculand » du code « Milieu homosexuel paradisiaque », à la partie « Stars vieillissantes » du code « Actrice-Traîtresse », à la partie « Extra-terrestre » du code « « Plus que naturel » », à la partie « Décorateur homo » du code « Maquillage », à la partie « Fixette sur un amant perdu et déifié » du code « Clonage », à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran », et à la partie « Travestissement » du code « Substitut d’identité » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le passé désincarné, idéalisé ET méprisé :

Vidéo-clip de la chanson "Remember The Time" de Michael Jackson

Vidéo-clip de la chanson « Remember The Time » de Michael Jackson


 

Dans la fantasmagorie homosexuelle, le personnage homosexuel adopte souvent une conception mythologique, hachée et sentimentaliste du Temps. Il rentre (ou s’imagine rentrer) dans un espace-temps totalement littéraire et folklorique, comme s’il était dans la Machine à remonter le Temps : cf. le roman Le Parcours du rêve au souvenir (1895) de Robert de Montesquiou, le film « Le Nom de la Rose » (1986) de Jean-Jacques Annaud, le vidéo-clip de la chanson « It’s A Sin » du groupe Pet Shop Boys, la chanson « Sadness » du groupe Enigma, la comédie musicale Graal de Catherine Lara, le vidéo-clip de la chanson « Vogue » de Madonna façon « Cour sous Louis XIV » dans le MTV Show en 1990, la chanson « Le Boulevard des rêves » de Stéphane Corbin, la publicité Pepsi (2002) de Britney Spears, la tournée Aphrodite (2011) de Kylie Minogue, le vidéo-clip des chansons « Remember The Time » et « Black Or White » de Michael Jackson, le recueil Poèmes saturniens (1866) de Paul Verlaine, Les Chevaliers de la Table ronde (1933) de Jean Cocteau, les chansons « Libertine », « Pourvu qu’elles soient douces », et « Jardin de Vienne » de Mylène Farmer, le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo (avec l’attirance pour la culture gréco-latine), les tableaux et les textes modernistes du XIXe siècle, le vidéo-clip de la chanson « Sobreviveré » de Mónica Naranjo, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, le film « Games That Lovers Play » (1971) de Malcolm Leigh, le film « The Greatest Showman » (2017) de Michael Gracey (avec l’Égyptien efféminé), le film « Claude et Greta » (1969) de Max Pécas, le film « Le Grand Blond avec une chaussure noire » (1972) d’Yves Robert, les tableaux Les Hardlanders de Thierry Brunello, les photos Statue Series (1983) et Athena (1988) de Robert Mapplethorpe, le one-woman-show La Folle Parenthèse (2008) de Liane Foly (avec le décor gréco-romain de la boîte gay Le Guet-Apens de Pedro), le film « Maurice » (1987) de James Ivory (avec Clive, le fan de Grèce antique), les films « In & Out » (1997) et « Joyeuses funérailles » (2007) de Frank Oz, le roman Le Chant d’Achille (2014) de Madeline Miller (revisitant l’Iliade et la Guerre de Troie en se concentrant sur une histoire d’amour entre Achille et Patrocle), la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi (sur fond de nostalgie rétro années 1930 à Paris), le roman Les Nouveaux nouveaux Mystères de Paris (2011) de Cécile Vargaftig (qui est un voyage dans une machine à remonter le temps), le roman Reise In Die Vergangenheit (Le Voyage dans le passé, 1929) de Stefan Sweig, etc.

 

 

Beaucoup de personnages homosexuels sont en quête non pas de la véritable histoire mais d’un super-primitivisme (une préhistoire forcée et construite par la panmythologie) qui va leur permettre de se rendre créateurs de leur propre existence (cf. le noachisme antéchristique). Par exemple, dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Guillaume, le héros homosexuel, voit la préhistoire comme une « multitude d’accouplements » bisexuels. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino Oliver, le personnage homo, est expert en Grèce Antique et en archéologie. Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Virginia Woolf écrit en 1929 une autobiographie, Orlando, où elle se met dans la peau d’un homme du XVIe siècle qui change de sexe.
 

Quand le héros homosexuel se tourne vers le passé, ce n’est pas tant pour l’honorer dans sa réalité que pour l’édulcorer, le noyer dans la nostalgie, le passéisme, les larmes, la reconstitution folklorique en carton-pâte ou bas-relief, la culpabilité, l’orgueil narcissique : « J’aimerais pouvoir remonter le temps. » (Delphine, l’héroïne lesbienne, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; « Je réalise que ce n’est pas la vie qui est importante – mais les souvenirs. » (Chris, le héros homosexuel du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 194) ; « Pourquoi cette attirance pour les musées ? Il ne l’a jamais su. » (la voix-off de la mère de Bertrand, parlant de son fils, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; « Mon frère est un sentimental, il s’accroche aux souvenirs comme le caramel à la casserole ! » (un des héros de la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, p. 15) ; « Toi Sodome, moi, Gomorrhe. Hein, Sodomette ? » (Jézabel, l’héroïne bisexuelle s’adressant à son pote gay Greg, dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco) ; « Mon émerveillement ne faisait que commencer. Les salles, ornées de fresques grandioses, auraient mérité la visite à elles seules. » (Éric, le narrateur homo parlant de la Villa Borghese, dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 20) ; « Après le repas, Ethan reste seul à la table du Samothrace. Il laisse son regard se perdre dans les fresques. Tout doucement, il s’imagine à la grande époque grecque, lorsque le sanctuaire des Grands Dieux était en activité sur l’île de Samothrace. Il se demande quelle place il aurait occupé dans cette société. Comme beaucoup de gens, il ne s’imagine pas en simple paysan travaillant la terre. Il aurait plutôt été de ceux qui gravitaient dans les hautes sphères du pouvoir. Sans doute aurait-il tenu le rôle de grand prêtre. […] Il s’imagine habillé comme dans les péplums, d’un minimum de tissu, tous muscles dehors et il serait entouré par des femmes aussi belles que les représentations d’Athéna. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 64) ; « La fresque la plus imposante du lieu [le café Samothrace] représente la Grand-Mère. Elle est mise en scène de la manière la plus traditionnelle qui soit : assise, avec un lion à ses côtés. Son nom secret, dévoilé uniquement aux initiés, est Axieros et elle est la maîtresse toute puissante du monde sauvage. » (idem, p. 54) ; « Ahmed tourne le regard vers la Seine et l’île de la Cité, avec la Cathédrale Notre-Dame. Il se demande s’il y a encore un Quasimodo qui y vit, prêt à tout par amour pour lui. Il s’imagine en un grand Tzigane ténébreux et sensuel, dansant sur le parvis, mais en pleurs parce que son beau Phébus l’a laissé pour épouser un autre garçon, Fleur-de-Lys, alors qu’il est lui-même poursuivi par Frollo, un prêtre déterminé à en faire son amant secret. Dans ses fantasmes, l’Algérien adapte sans gêne les grands classiques français à sa guise ! » (Ahmed, le héros homosexuel du roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 52) ; « Les débris avaient été poussés dans les coins, quelques cartes postales et des photographies de magazines avaient été punaisées sur les murs. Une fresque d’amateur s’épanouissait sur l’un d’eux. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 239) ; « Si j’avais une machine à remonter le temps, j’irais nulle part. » (Shirley Souagnon disant qu’à toutes les époques elle aurait été persécutée, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Il y a trop de personnes appartenant à mon passé que je n’ai plus jamais envie de voir pour que j’aie un compte Facebook. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 191) ; etc. Par exemple, dans son one-woman-show La Lesbienne invisible (2009), Océane Rose-Marie décrit la déco mérovingienne chez Chrysanthème, une de ses amies lesbiennes. Dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (dans l’épisode 3 de la saison 1), Emmanuel, l’un des séminaristes, noir et homosexuel, a dirigé des fouilles archéologiques à Carthage pour le musée du Louvre… et c’est là-bas qu’il a connu sa première expérience homosexuelle. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ted, l’un des héros homos, est scotché à sa télé devant Games Of Thrones, et se dit fan de Daenerys Targaryen, « la princesse exilée » : « Je l’adore ». Il se déguise même avec des costumes péplum chez lui.

 

La délicieuse peste Scarlett O'Hara dans le film "Gone With The Wind"

La délicieuse peste Scarlett O’Hara dans le film « Gone With The Wind »


 

En bonne Drama Queen qui se respecte, le personnage homosexuel s’identifie parfois à la Scarlett O’Hara du film « Gone With The Wind » (« Autant en emporte le vent », 1939) de Victor Flemming et à l’époque de la Guerre de Sécession nord-américaine : cf. le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault, le film « Saved By The Belles » (2003) de Ziad Touma, le film « Sylvia Scarlett » (1935) de George Cukor, la chanson « Scarlet Woman » du groupe Taxi Girl, le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, le vidéo-clip de la chanson « Un point c’est toi » de Zazie, le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon, le roman Tiempos Mejores (1972) d’Eduardo Mendicutti, le film « Scarlet Diva » (2000) d’Asia Argento, le film « A Bit Of Scarlet » (1996) d’Andrea Weiss, la chanson « It’s All Coming Back To Me » de Céline Dion, le film « Les Chansons d’amour » (2007) de Christophe Honoré (avec « Scarlett », la chienne de Julie), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec le Petit Chaperon Rouge en Scarlett), le one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval (où Patrick Laviosa joue au piano « Autant en emporte le vent »), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec Madeleine O’Hara, la femme rousse violée), etc. « J’ai regardé ‘Gone With The Wind’ à 7 heures du matin. » (Jean-Marc, le narrateur homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 204) Par exemple, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, Émilie, l’amante secrète de Gabrielle, compare la résidence (« Bois-Rouge ») de cette dernière à « Tara, la propriété de Scarlett O’Hara, dans ‘Autant en emporte le vent’. Cela ne lui avait pas déplu, à elle [Gabrielle], d’être comparée à Scarlett de façon indirecte… » (p. 50) Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, propose à Mme Schmidt, une passagère à mobilité réduite, une occupation : « Tu verras, c’est génial, y’a le film ‘Autant en emporte le vent’. » Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca rentre dans la peau d’une actrice vieillissante qui fait des publicités, Marie-Astrid : « Dans ‘Autant en emporte le vent’, en 1939, c’est moi qui faisais le vent. »

 

Le protagoniste a tendance à se réfugier dans un monde de dînettes digne des petites filles modèles de la Comtesse de Ségur. On retrouve la passion pour l’époque de l’impératrice Sissi chez le personnage de JP dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, ainsi que le goût pour la mythologie bavaroise « à la Heïdi » à travers l’intérêt de beaucoup de personnes homosexuelles pour le film « The Sounds Of Music » (« La Mélodie du bonheur », 1965) de Robert Wise (cf. la chanson « So Lang’ Man Traüme Noch Leben Kann » du groupe Münchener Freiheit, le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, etc.). « Moi, j’étais de plain-pied avec les héroïnes de la comtesse de Ségur. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 39) ; « Bonsoir, Fairwell, Aufwiedersehen, goodbye… » (le diable et l’ange chantant la « Mélodie du bonheur » à Maxence dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot) ; etc.

 

 

Dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque célèbre les chanteuses de son enfance (Dorothée, Chantal Goya, Mylène farmer, etc.) et les dessins animés (Candy, les Schtroumpfs). Dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain Canard, le coiffeur homosexuel, organise des soirées revival années 1980, et débarque déguisé en Princesse Sarah.

 

Notre héros homosexuel se met en mode « J’écris mes mémoires, à la lumière de la bougie (… à 19 ans, au XXIe siècle) », et s’imagine à des époques qu’il n’a même pas connues : « Je suis né à Paris à la fin du siècle dernier… Curieuse phrase et cette impression d’ancien combattant qui va raconter sa guerre ! Finalement, ça me va bien. Je ne l’ai pas toujours été. Je n’en avais pas très envie. Combattant. Je le suis devenu contraint et forcé le jour où j’ai décidé que je ne me laisserai plus faire, ni influencer ni modeler comme je ne voulais pas, comme je ne pouvais pas. » (le jeune Bryan, 16 ans, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 18)

 

C’est l’attrait passéiste qui semble le moteur de la formation du couple homosexuel fictionnel. Par exemple, à la toute fin du film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo et Gabriel, une fois en couple, font un exposé en classe sur l’Histoire de Spartes et la relation entre soldats. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah demande une aide aux devoirs d’histoire à sa future amante Charlène.

 

Film "Maurice" de James Ivory

Film « Maurice » de James Ivory


 

C’est un peu ridicule, ce jeu de rôle sincère. Certains héros homosexuels finissent par s’en rendre compte. Par exemple, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, Glen, pour se moquer du mobilier archaïque de l’appartement de son amant Russell, ironise : « T’as braqué un vide-grenier ? »

 
 

b) L’antiquaire homosexuel :

Cet enfermement immature et irréaliste dans des passés picturaux ou cinématographique ressort et est rappelé par un personnage bien connu de l’inconscient collectif au sujet de l’homosexualité : dans beaucoup d’œuvres homo-érotiques apparaît la figure de l’antiquaire homosexuel : cf. le film « Les Arnaud » (1967) de Léon Joannon (avec Josseron l’antiquaire homo), la chanson « La Grande Zoa » de Régine, le film « L’Innocent » (1976) de Luchino Visconti, le film « Il y a des jours… et des lunes » (1989) de Claude Lelouch (avec Francis Huster en prêtre en couple avec un antiquaire), le film « Le Troisième Sexe » (1959) de Veit Harlan (avec le personnage de Boris), le film « Bas fond » (1957) de Palle Kjoerulff-Schmidt, le film « Blacula » (1972) de William Crain, le film « Cent francs l’amour » (1985) de Jacques Richard, le film « Paradis perdu » (1939) d’Abel Gance, le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Via Margutta » (1959) de Mario Camerini, le film « Professeur » (1972) de Valerio Zurlini, le film « L’Oiseau au plumage de cristal » (1968) de Dario Argento, le film « Diaboliquement vôtre » (1967) de Julien Duvivier (avec l’antiquaire joué par Claude Piéplu), le film « Gang Anderson » (1971) de Sidney Lumet (avec Martin Balsam), le film « Spéciale Première » (1974) de Billy Wilder, le film « Minuit dans le jardin du bien et du mal » (1997) de Clint Eastwood, le film « J’en suis » (1996) de Claude Fournier, le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne (avec la mention d’un antiquaire homo), le film « Mon meilleur ami » (2006) de Patrice Leconte (avec le marchand d’art joué par Daniel Auteuil), le film « Faustrecht Der Freiheit » (« Le Droit du plus fort », 1975) de Rainer Werner Fassbinder (avec l’antiquaire homo Max), le roman Oh ! Boy ! (2000) de Marie-Aude Murail, le roman La Ligne de beauté (2008) d’Alan Hollinghurst (où Nick, le héros gay, est fils d’un antiquaire), le roman Le Malfaiteur (1948) de Julien Green, etc.

 

« C’est des enculés antiquaires ! » (Fifi en parlant des homos, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Elle doit me prendre pour un antiquaire, elle me dit que les seules folles qu’elle a comme clientes sont plus ou moins brocanteuses Porte-Clignancourt. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 87) ; « Moi, je voulais être antiquaire. Avec rien que de l’ancien. » (l’un des héros homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je suis devenu antiquaire. Nous sommes, avec mon compagnon Raymond, spécialisés dans le Charles X. » (Laurent Spielvogel imitant André, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; « On peut la retrouver rue des saint pères. Décorateur et antiquaire. » (cf. la chanson « La Grande Zoa » de Régine) ; etc.

 

S’il n’est pas antiquaire, le héros homosexuel en a au moins l’ambition : cf. la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez (avec Vivi qui fait les brocantes), le film « Une Femme un jour » (1977) de Léonard Keigel (avec la brocanteuse Nicky), le film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes (avec le duo d’experts artistiques Sulky et Sulku), etc. « J’adore les antiquités. » (Thomas dans la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri) ; « J’adore les antiquités. » (un des personnages homos de la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; etc.

 

FRESQUES Emory

Michael et Emory dans le film « The Boys In The Band » de William Friedkin


 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, l’un des héros homosexuels – le plus maniéré –, est antiquaire… mais il a apparemment un problème avec la différence des temps : « Le dernier bouquin que j’ai commencé à lire, c’était en 1912.»

 
 

c) Le Présent réduit à la pulsion de l’instant :

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Le héros homosexuel ne vit pas davantage au présent, qu’il délaisse au profit de l’instant, de la sensation immédiate, de la pulsion : cf. le ballet Alas (2008) de Nacho Duato (avec l’insistance sur l’instant), la chanson « L’Instant X » de Mylène Farmer, la chanson « Vertige » de Mylène Farmer, le roman Un Instant d’éternité (1988) d’Edgar Morgan Forster, etc. « J’avais de la difficulté à vivre le moment présent […]. Vivre rétrospectivement a toujours été l’un de mes plus graves défauts. […] Déjà, enfant, ma mère me reprochait d’être trop impatient. » (Jean-Marc, le narrateur homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 59) ; « Instant présent, tu es l’essence du voyage. » (cf. la chanson « Vertige » de Mylène Farmer) ; « Lorsqu’on s’y attend le moins, traverser Paris en courant, sur la seule magie d’un instant, du message clair de tes yeux. » (cf. la chanson « au Jack au mois d’avril » d’Étienne Daho) ; « Je choisissais les plus beaux et vivais une intense aventure de dix secondes avec chacun. » (le narrateur homo parlant du jeu des regards à l’opéra, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 44) ; « Il faut profiter de l’instant présent. » (Evelyn, la veuve gay friendly du film « Indian Palace » (2012) de de John Madden) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny et Romeo, en sortant ensemble, sont, selon la définition du premier, rentrés dans un rêve (« Il n’y a pas de notion de temps dans les rêves. ») puisque Roméo lui dira peu après : « On a perdu la notion du temps. »

 

Derrière l’éloge de l’instant, qui a l’air positif et enchanteur, se profile la croyance désenchantée en la vacuité de l’existence, en l’impermanence de l’amour : « Pas de passé, pas d’avenir. Pas de passé, pas d’avenir. » (cf. Johnny Rockfort dans la chanson « Banlieue Nord » de l’opéra-rock Starmania) ; « L’agitation du café retombe un peu, étrangement. On dirait, tout à coup, que la pudeur reprend ses droits dans une sorte d’assourdissement des conversations. […] Mon regard s’évade. Vous demandez : à quoi pensez-vous ? Je réponds : précisément, à rien. Je regarde ce monde autour de nous, ce monde singulier des gens dans les cafés, ce monde qui est un instant, une réunion du hasard. Je pense que nous n’aurons plus jamais la compagnie qui est la nôtre en ce moment, que ceux qui sont ici, dans ce lieu, ne se connaissent pas entre eux, qu’ils se trouvent ensemble par coïncidence, qu’ils se disperseront sans éprouver un sentiment de perte, qu’ils ne se reverront pas, que cette assistance n’existe que le temps de boire un café, lire un journal, rédiger du courrier, raconter une enfance. Et c’est une idée qui m’intéresse, sans que je sache expliquer pourquoi. » (Vincent s’adressant à son amant Marcel Proust dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 59)

 

Souvent, le héros homosexuel individualise le temps en propriété privée, en possession individualiste fugace, en mixture confuse entre passé/présent/futur célébrant l’éclat de l’Instant et de la Sensation immédiate : « De l’art dans chaque souvenir. […] Tout s’est rassemblé. Comme un musée de mon histoire, un art contemporain. » (le comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « J’ai eu un rêve. Le passé et le présent se confondaient. » (Maria, l’héroïne lesbienne dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas) ; etc. Par exemple, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, Vincent, le héros homosexuel établit son propre calendrier et se croit « en l’an 17 de son temps » (p. 63). Dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus fusionnent le monde de la Seconde Guerre mondiale et l’ère du numérique internet.

 
 

d) Le Futur réduit à une projection fantasmatique :

L’accueil que réserve le héros homosexuel au futur n’est pas meilleur que celui offert au passé et au présent… car sa fuite en avant se vit dans la rupture avec un passé diabolisé ou dans l’absence de conscience du Réel : « Je tuerai le passé. Lorsqu’il sera mort, je serai libre. » (Dorian dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « Je ne crois pas que le passé compte, murmure Simon, après on va rentrer dans des trucs psychologiques, le gourou Freud, tout ça, c’est une secte pour moi. » (Mike Nietomertz, Des chiens (2011), p. 33) ; « Dans l’rétro ma vie qui s’anamorphose. » (cf. la chanson « California » de Mylène Farmer) ; « Ma mémoire aux portes condamnées, j’ai tout enfoui les trésors du passé. Les années blessées. Comprends-tu qu’il me faudra cesser… » (cf. la chanson « L’Innamoramento » de Mylène Farmer) ; « La robe rouge du passé t’enserre, t’étouffe. » (l’actrice jouant Dalida dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; « Qu’est-ce que je vous ai fait ? Parce que j’ai dû vous infliger quelque humiliation dans le passé dont je ne me souviens pas ou qui m’a échappé. » (la Comédienne s’adressant à sa sœur Vicky dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; etc. Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M noircit le tableau de son passé, évoque « le souvenir de l’enfermement dans lequel elle a passé son enfance ».

 

Le héros homosexuel désire tout simplement l’abolition du Temps : « Peut-être nous nous trouvions dans un temps passé ou futur que jamais mémoire d’homme n’avait enregistré (c’était là mon souhait secret). » (Gouri, le narrateur homosexuel du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 125) ; « It’s too late. I’m in love. » (Charlène s’adressant à son amante Sarah au moment de l’embrasser, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent) ; etc.

 

On entend souvent dans les chansons homo-érotiques qu’« il est trop tard » (cf. les chansons « La Veuve noire », « L’Horloge », « Allan » et « City Of Love » de Mylène Farmer ; « C’est trop tard » d’Alizée), parce que bon nombre de personnages homosexuels voient le Temps comme un ennemi (cf. Je vous renvoie à la partie sur la peur-panique de vieillir dans le code « Éternelle jeunesse » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Beaucoup de films et de romans à thématique homo-érotique choisissent un cadre futuriste pour traiter d’homosexualité : cf. le film « Bug » (2003) d’Arnault Labaronne, la trilogie « Dead Or Live » (1999-2002) de Takashi Miike, le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « Metropolis » (1927) de Fritz Lang, le film « Le Cinquième Élément » (1997) de Luc Besson, le film « Papa, il faut que j’te parle… » (2000) de Philippe Becq et Jacques Descomps, le film « Amidonnée » (2001) de Cath Le Couteur, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, la B.D. Anarcoma (1983) de Nazario, le film « Fresh Kill » (1994) de Shu Lea Cheang, le film « Clandestino Destino » (1987) de Jaime Humberto Hermosillo, le film « Dandy Dust » (1998) d’Hans A. Scheirl, le film « Tigerstreifenbaby Warter Auf Tarzan » (1998) de Rudolf Thome, le film « Hey, Happy ! » [2001) de Noam Gunick, le film « Priscilla, folle du désert » (1994) de Stephan Elliott, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le roman Joyeux animaux de la misère (2014) de Pierre Guyotat, le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, etc. Par exemple, dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Maria va voir au cinéma un film de science-fiction dans lequel Jo-Ann, sa jeune et future partenaire de théâtre (avec qui elle jouera un couple lesbien), interprète une super-héroïne aux pouvoirs destructeurs.

 

Ce n’est pas hasard si les œuvres de science-fiction abordent souvent le sujet de l’homosexualité : cf. la pièce La Revolución (1972) d’Isaac Chocrón, le film « G.O.R.A. » (2003) d’Omer Faruk Sorak, le roman Venus Plus X (1960) de Theodore Sturgeon, le roman The Crooked Man (1955) de Charles Beaumont, la nouvelle The Crime And Glory Of Commander Suzdal (1964) de Cordwainer Smith, le roman La Main gauche de la nuit (1969) d’Ursula K. LeGuin, le roman When It Changed (1969) de Joanna Russ, le roman Dhalgren (1976) de Samuel R. Delany, les romans 334 (1976) et On Wings Of Songs (1979) de Thomas M. Disch, le film « Barbarella » (1968) de Roger Vadim, le film « Space Thing » (1968) de B. Ron Elliott, le film « Nowhere » (1997) de Gregg Araki, « (T) Raumschiff Surprise-Periode 1 » (2004) de Michael Herbig, etc.

 

Le déni de la réalité temporelle passé/présent/futur se résout presque systématiquement dans l’idéologie progressiste de la post-modernité transhumaniste, et concrètement dans la violence, avec toujours la fausse dichotomie « passé/futur » orchestrée par bons nombres de personnages homosexuels ou gays friendly. Par exemple, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener s’opposent le progressisme « amoureux » (avec le couple Claire/Suzanne) et le conservatisme un peu caricatural du père de Claire (qualifié de « vieux schnock » par ses adversaires féminines lesbiennes : il s’écrit avec force face à l’homosexualité et toutes les lois qui l’accompagnent « Cette société du futur, je n’en veux pas ! »).

 

Les amants homos fictionnels effacent le passé de l’un et de l’autre, et regrettent de s’être précipités dans l’acte homosexuel, acte qui les extrait du Réel, et donc du Temps, en leur donnant l’impression d’être allés trop vite ou trop lentement, d’avoir été catapultés dans le passé ou le futur. « À chaque fois c’est pareil, ça marche et j’ai l’impression que je serais heureuse jusqu’à la fin de ma vie, et au bout de six mois, ça y est, on s’engueule pour un rien, on se parle mal, et surtout on se fait la gueule comme ça, tssss. […] J’ai perdu du temps, j’ai perdu du temps. » (Polly par rapport à son amante Claude, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 76-77) Par exemple, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Howard, le héros homosexuel, sent que depuis son coming out, le temps (= sa liberté, finalement) s’est accélérée et a été annulée : « Je veux ma vie d’avant !! » proteste-t-il contre son futur amant, Peter, qui s’amuse de l’irréversibilité de la situation de son copain qui dessert ses propres intérêt : « Ça, autant y renoncer. »
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le passé désincarné, idéalisé ET méprisé :

Parmi les personnes homosexuelles, il y a pléthore de passéistes, de nostalgiques et d’amoureux des civilisations passées. Je vous renvoie à l’essai Pier Paolo Pasolini et l’Antiquité (1997) d’Olivier Bohler, à l’essai Corydon (1924) d’André Gide, à la fascination pour l’hellénisme et l’Égypte chez Terenci Moix, à la passion de Yukio Mishima pour le Japon impérialiste des samouraïs, etc. « Je suis employée pour les Musées nationaux au service de restauration des œuvres anciennes. » (cf. l’article « À trois brasses du bonheur » de Sophie Courtial-Destembert, dans l’essai Attirances : Lesbiennes fems, Lesbiennes butchs (2001) de Christine Lemoine et Ingrid Renard, p. 57) ; « J’aimais les looks avec les catogans en cheveux blancs. » (Karl Lagerfeld dans le documentaire « Yves Saint Laurent et Karl Lagerfeld : une guerre en dentelles » (2015) de Stéphan Kopecky, pour l’émission Duels sur France 5) ; etc.

 

Illustrations Grèce Antique du dessinateur d'érotisme gay Roger Payne

Illustrations Grèce Antique du dessinateur d’érotisme gay Roger Payne


 

Énormément de films homo-érotiques sont construits sur la nostalgie musicale bobo-kitsch ou la reconstitution « historique » : cf. le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan, le film « Priscilla folle du désert » (1994) de Stephan Elliott, le film « Muriel » (1994) de P.J. Hogan, le film « C.R.A.Z.Y » (2005) de Jean-Marc Vallée (avec les chansons d’Aznavour), le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec Aznavour en musique de fond), le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, le film « Tacones Lejanos » (« Talons Aiguilles », 1991) de Pedro Almodóvar, le film « Lili Marleen » (1981) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Les Mille et une nuits » (1974) de Pier Paolo Pasolini, le film « La Belle et la Bête » (1946) de Jean Cocteau, la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters, le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, etc.

 

Par exemple, dans le documentaire « L’Atelier d’écriture de Renaud Camus » (1997) de Pascal Bouhénic, Renaud Camus avoue son « amour du désuet », du kitsch littéraire vieillot. Beaucoup de personnes homosexuelles sont attirées par les cultures gréco-latines : Olivier Delorme, Raúl Gómez Jattin, Jean Cocteau, Oscar Wilde, Marguerite Yourcenar, Julien Green, Benjamin Britten, Friedrich Hölderlin, Pierre de Coubertin, Gustav Wyneken, John Addington Symonds, Jacques de Ricaumont, Siméon Solomon, Joan Joachim Winckelmann, Érik Satie, Sappho, Pier Paolo Pasolini, etc. En bouche d’un certain nombre de théoriciens queer ou d’esthètes bourgeois, la Grèce Antique est encore la terre-symbole d’un idéal pédérastique chantée par Jean Lorrain, Fersen, André Gide, et bien d’autres. Christian Isermayer, un historien d’art, était homo. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, l’équipe historique de water-polo gay des Crevettes pailletées s’est déguisée en Égyptiens antiques.

 

FRESQUES Statues

La plastique « parfaite » des statues grecques


 

Dans son autobiographie L’Amant pur (2013), David Plante raconte qu’il est un jeune écrivain américain amoureux d’une Grèce de chimères classico-érotiques. Dans son spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013), Alexandre Vallès chante son amour impossible en effleurant des bas-reliefs égyptiens : « Tu es la beauté incarnée, partie à tout jamais. »

 

Ludovic Le Floch et ses hommes-taureaux

Ludovic Le Floch et ses hommes-taureaux


 

Il est étonnant de voir toutes les personnes homosexuelles qui sont soit profs d’histoire-géo, soit grands collectionneurs, soit fanas des grandes épopées et des personnages qui ont marqué l’historiographie mondiale. Par exemple, dans le documentaire « Ma Vie (séro)positive » de Florence Reynel (diffusée le 2 avril 2012 sur la chaîne France 4), Vincent, homme homosexuel de 28 ans, rêve d’être archéologue et prof d’histoire.

 

L’anachronisme an-historique et la fuite vers les contrées lointaines est le propre du romantisme échevelé et, à notre époque si bisexuelle, de la boboïtude, particulièrement branchée vers l’esthétique seventies chavirée (cf. les films avec Julianne Moore tels que « Far From Heaven », « Loin du Paradis » (2002) de Todd Haynes, ou encore « A Single Man » (2010) de Tom Ford). Le plus grave, c’est que cet anachronisme a souvent une prétention commémorative et réaliste. Par exemple, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la Reine Christine, pseudo « lesbienne », est catapultée à l’époque moderne, dans laquelle elle marche dans une fête foraine. Les historiens menteurs nous annoncent avec aplomb et sincérité que la biographie qu’ils ont tordue est fidèle aux faits.

 

 

En bonnes Drama Queen qui se respectent, certaines personnes homosexuelles s’identifient parfois à la Scarlett O’Hara du film « Gone With The Wind » (« Autant en emporte le vent », 1939) de Victor Flemming et à l’époque de la Guerre de Sécession nord-américaine. Par exemple, le réalisateur homosexuel Georg Cukor a créé de toute pièce le personnage de Scarlett. On retrouve la passion pour l’époque de l’impératrice Sissi dans le film autobiographique « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne (inutile de souligner qu’aux États-Unis, l’un des qualificatifs signifiant « pédé » est « sissy »…), ainsi que le goût pour la mythologie bavaroise « à la Heïdi » à travers l’intérêt de beaucoup de personnes homosexuelles pour le film « The Sounds Of Music » (« La Mélodie du bonheur », 1965) de Robert Wise : cf. le documentaire « Les Refrains du nazisme » (2003) d’Olivier Axer et Suzanne Benze, la pièce autobiographique Ébauche d’un portrait (2008) de Jean-Luc Lagarce, les goûts du chanteur Jean-Sébastien Lavoie dans l’émission À la recherche de la Nouvelle Star en 2003, etc. Je suis moi-même grand fan du film « La Mélodie du bonheur ».

 

 

Quand l’individu homosexuel se tourne vers le passé, ce n’est pas tant pour l’honorer dans sa réalité que pour l’édulcorer, le noyer dans la nostalgie, le passéisme, les larmes, la reconstitution folklorique en carton-pâte ou bas-relief, la culpabilité, l’orgueil narcissique : « Tu aimais aller à la mosquée de temps en temps. Tu disais que tu aimais la gymnastique de la prière, être au milieu des inconnus en prière, dans la parole simple et directe avec Dieu. Dès qu’on s’est rencontrés, tu as arrêté de le faire. Tu n’osais plus. Notre lien est sacrilège aux yeux de l’islam. Tu n’arrivais pas à te débarrasser de ce sentiment. Je n’ai pas essayé de te faire changer d’avis. Moi-même je vivais dans cette contradiction. Moi-même j’avais besoin de croire. Je voulais croire. On a fini par trouver une solution. Je t’ai emmené à l’église Saint-Bernard et on a regardé les autres prier. Les églises, ce n’était pas nous à l’origine, cela ne représentait rien dans notre mémoire spirituelle. Rien ne nous attachait à elles et, pourtant, nous y sommes retournés plusieurs fois et nous avons fini par y découvrir une nouvelle spiritualité. Nous l’avons inventée ensemble, cette religion, cette foi, cette chapelle, ce coin sombre et lumineux, ce temps en dehors du temps. Ce christianisme non loin de Barbès. » (Abdellah Taïa par rapport à son amant Slimane, dans l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 118) ; « La première fois que je me suis intéressé aux vampires, ça a été à 14 ans. Toutes les minorités se retrouvent dans le personnage du vampire. C’est le symbole du marginal de toutes les époques. Je crois que je suis né au siècle dernier. » (le romancier homosexuel Tony Mark, lors de la Soirée spéciale « Vampirisme et Homosexualité » au Centre LGBT de Paris, le 12 mars 2012) ; « Je vivais partout sauf à Montréal, à toutes les époques sauf à la mienne, dans toutes les couches de la société sauf dans celle où j’étais né (les imprimeurs sont une denrée plus que rare à l’opéra) ; je hurlais à m’en péter les cordes vocales mes amours malheureuses et je suppose que ça me consolait de mes amours inexistantes. » (Michel Tremblay évoquant son arrivée dans la vie adulte à 18 ans et sa passion pour l’opéra, dans son roman autobiographique La Nuit des princes charmants (1995), p. 38) ; etc.

 

Par exemple, lors de la conférence « Différences et Médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon, à la Mairie du IIIe arrondissement le 18 novembre 2010, le romancier Christophe Bigot s’identifie à la Révolution française et à la figure très ambiguë de Camille Desmoulins. Autre exemple : le chanteur Stéphane Corbin dit que son album Les Murmures du temps (2011) a été « créé pour la nuit, dans l’esprit amoureux, à écouter des chansons nostalgiques », pour « faire revivre chacune des personnes, chacun des instants » ; il s’imagine dans la peau d’un centenaire. Adolf Brandt fonde en 1903 la Gemeinschaft Der Eigenen que l’on peut traduire par Communauté des propriétaires de soi. Laquelle se réclame ouvertement de l’idéal de la Grèce antique. Il ne s’agit pas tant, pour les personnes LGBT pratiquant leur homosexualité, d’allier le temps à l’Éternité (Celle qui reconnaît la finitude des choses humaines, Celle qui reconnaît la mort et la victoire de la vie sur celle-ci) mais plutôt de la réduire à l’immortalité (celle qui nie le Réel et les contingences humaines) : cf. le documentaire « Act-Up – On ne tue pas que le temps » (1996) de Christian Poveda.

 

Ça plane bien, en apparence… Mais qui s’éloigne du Temps et du Réel s’éloigne aussi des autres et de sa propre Humanité : « Pendant quelques années, cependant, je me suis sentie un peu en marge. Ni homme, ni femme, la figure de l’androgyne me fascinait mais je ne voyais pas comment concilier ma soi-disant virilité avec ce qui faisait de moi une femme, d’autant que j’étais censée être hétérosexuelle. Un jour, je me suis découverte lesbienne, et rétrospectivement je crois que l’union s’est faite en moi. […] Pour autant, je ne suis rien d’autre qu’une fille, une vraie, et qui en a dans le bonnet. Finalement, à travers toutes ces figures de mon passé, je vois le désir d’être avant tout une femme solide et indépendante, comme Elisabeth Première, mais en moins vierge, ou Margaret Thatcher, mais en moins idiote, et en moins laide aussi j’espère. » (cf. l’article « De la virilité des lesbiennes » posté par la journaliste lesbienne Septembre dans www.yagg.com 16 janvier 2010)

 

Les personnes homosexuelles pratiquant leur homosexualité, même si elles se vantent de ressusciter l’Histoire, sont au contraire Ses fossoyeurs. Elles vénèrent un passé qui n’existe que dans les livres et dans ce que l’époque platonicienne irréaliste a forgé avec la complicité de l’ère rationnaliste, sentimentaliste et individualiste des Lumières : « Le goût du Camp pour le passé est devenu sentimental à l’extrême. » (cf. l’article « Le Style Camp » de Susan Sontag, L’Œuvre parle (1968), p. 430) ; « J’ai toujours préféré la mythologie à l’Histoire parce que l’Histoire est faite de vérités qui deviennent à la longue du mensonge, et que la mythologie est faite de mensonges qui deviennent à la longue des vérités. » (Jean Cocteau dans le documentaire « Jean Cocteau, autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky) ; etc.

 
 

b) L’antiquaire homosexuel :


 

Cet enfermement immature et irréaliste dans des passés picturaux ou cinématographique ressort et est rappelé par un métier bien connu de l’inconscient collectif au sujet de l’homosexualité. On trouve dans la communauté homosexuelle un certain nombre d’antiquaires : Robert Ness, Jacques-Kléber Aubier, Jean-Nérée Ronfort (retrouvé chez lui par son compagnon en 2012, et assassiné par trois prostitués roumains), etc. Par exemple, « Mademoiselle Az » est une antiquaire connue d’Évelyne Rochedereux (Évelyne Rochedereux, « Hommage aux camionneuses », citée dans l’essai Attirances : Lesbiennes fems, Lesbiennes butchs (2001) de Christine Lemoine et Ingrid Renard, p. 49). Yvonne Brémond d’Ars était également antiquaire. Jean-Luc Lagarce, dans sa pièce autobiographique Ébauche d’un portrait (2008), raconte sa liaison avec un antiquaire collectionneur. Les diverses résidences de Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent sont des salons des antiquaires. Pour ma part, j’ai rencontré pas mal d’antiquaires homosexuels, beaucoup exerçant à Paris ; et même des antiquaires lesbiennes vendant des libres sur les quais de Seine… ou en rase campagne !

 

L’antiquaire homosexuel a en effet un côté snob ou bobo qui l’oblige à se penser « hors milieu gay » et à migrer vers des bourgades provinciales pittoresques s’il n’a pas les moyens de vivre dans les beaux quartiers citadins tel que Montmartre. Je pense par exemple au petit village Percheron de La Perrière (Normandie, France), investi depuis les années 1990 par de nombreux antiquaires du Marais arrivés sur les lieux dans le sillage de la styliste Chantal Thomas.

 

« Les seuls homos qu’il y avait, c’était l’antiquaire du coin. » (Yann, un des témoins homos parlant de sa difficulté à trouver des référents ouvertement homosexuels à son époque, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Passée l’École Nationale des Beaux-Arts, Jean-Luc, devenu antiquaire, s’était installé à Clermont-Ferrand et avait ouvert, rue du Chevalier-Français, la classique boutique vert-noir à la devanture soigneusement vernissée : Antiquités-Décoration. […] Présentations, car le jeune antiquaire n’est pas seul : comme chaque soir, vers les six heures, un cénacle charmant se forme, par affinités, dans l’arrière-boutique de la rue du Chevalier-Français. L’élite intellectuelle de Clermont est là : un sculpteur célèbre, un tailleur, un fils de magistrat, un autre antiquaire. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, décrit dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 73) ; « Pendant l’Occupation, je fus, bien entendu, l’ami de nombreux officiers allemands. J’évitais ainsi la déportation et pus, grâce à mes relations, ouvrir mon premier magasin d’antiquités. Ces quatre années furent, quoique comparativement plus calmes, une longue suite d’aventures sentimentales, fort compliquées, selon ‘notre tradition’. Très vite, grâce au premier argent si généreusement laissé par mon attaché d’ambassade, je me fis un nom dans la hiérarchie des antiquaires. […] Beaucoup d’hommes de tous âges venaient chez moi, par goût des objets d’art ou dans l’espoir d’une aventure. » (Jean-Luc, op. cit., pp. 86-88) ; etc.

 
 

c) Le Présent réduit à la pulsion de l’instant :

Les personnes homosexuelles pratiquant leur homosexualité ne vivent pas davantage au présent, qu’elles délaissent au profit de l’instant, de la sensation immédiate, de la pulsion. Derrière l’éloge de l’instant, qui a l’air positif et enchanteur, se profile la croyance désenchantée en la vacuité de l’existence, en l’impermanence de l’amour : « J’aurais pu naître à n’importe quelle époque, j’aurais été bien nulle part. » (Shirley Souagnon, humoriste lesbienne, dans l’émission Bref à Montreux (Suisse), sur la chaîne Comédie +, diffusée en décembre 2012)

 

Notre réalité corporelle spatio-temporelle est noyée par beaucoup de créateurs homosexuels dans l’art, le sentiment et le progrès, comme l’explique parfaitement la philosophe Susan Sontag : « Le Happening touche le spectateur en l’entourant d’une trame d’éléments de surprise, asymétriques, sans péripétie et sans dénouement ; il s’agit là de l’irrationalité du rêve, plutôt que de la logique habituelle de l’art. Les Happenings, comme les rêves, ignorent la notions du temps. N’utilisant ni l’intrigue, ni la chaine rationnelle du discours, ils ne connaissent pas le passé. Comme l’indique leur dénomination – Happenings (Choses qui arrivent) – tout s’y passe dans le présent. » (cf. l’article « Les Happenings : Art des confrontations radicales » de Susan Sontag, L’Œuvre parle (1968), p. 406)

 
 

d) Le Futur réduit à une projection fantasmatique :

L’accueil que réservent certains individus homosexuels au futur n’est pas meilleur que celui offert au passé et au présent… car leur fuite en avant se vit dans la rupture avec un passé diabolisé ou dans l’absence de conscience du Réel : « Dans le grand parc solitaire et glacé, deux spectres ont évoqué le passé… » (Paul Verlaine s’adressant à son amant Arthur Rimbaud, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 30) ; « Vous savez, cher Marcel, je dois les excuser, ces Argentins. Malgré tout, ils m’ont donné un foyer. Loin, très loin de ce passé horrible. Grâce à ces Indiens, j’ai pu survivre. C’est pour cette raison profonde que je suis prête à leur pardonner leur exubérance, leur exotisme. À dire vrai, ils ont quand même un peu de charme. » (Madeleine s’adressant à la photo de Marcel Proust dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 247) ; « La philosophie de Michel Foucault, son scepticisme, son relativisme ont pour point de départ un constat historique : le passé de l’humanité est un gigantesque cimetière de vérités mortes, d’attitudes et de normes changeantes, différentes d’une époque à l’autre, toujours dépassées à l’époque suivante. » (Paul Veyne, Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (2014), p. 210) ; etc.

 

Pourtant, les apparences sont trompeuses car ils semblent chanter l’avenir et le progrès à tue-tête dans leurs créations et leurs discours. Je vous renvoie au journal mensuel homosexuel Futur (1952-1955). Par exemple Louis II de Bavière est connu pour avoir des projets grandiloquentes et mégalomaniaques : il fait construire des châteaux futuristes. Michael Jackson, Thierry Mugler, Andy Warhol, Yves Saint-Laurent se sont essayés au futurisme. « J’ai toujours rêvé de visiter les châteaux de Louis II de Bavière. » (Guillaume, le héros bisexuel du film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne)

 

Il est assez symptomatique qu’une chanteuse comme Mylène Farmer (l’icône gay française par excellence) célèbre le futur (jusque dans ses concerts High Tech et ses clips) tout en disant à chaque fois qu’il n’existe pas et qu’il vient toujours à manquer (cf. le titre de sa tournée 2013, « Timeless », ainsi que ses messages millénaristes). D’ailleurs, toutes les icônes gays jouent à être des prêtresses de l’espace : Jane Fonda, les Spice Girls, Björk, Mylène Farmer, Lady Gaga, Britney Spears, Madonna, etc.

 

De plus en plus avec les nouvelles législations mondiales fondées sur les « identités » sexuelles et les sentiments amoureux (« Union civile », « mariage pour tous », adoption, etc.), les personnes homosexuelles se font les chantres du progressisme égalitariste (qu’elles incarneraient, bien évidemment, par leur désir homosexuel et l’affichage de ce dernier). Elles – et leurs suiveurs politiques qui les instrumentalisent – font ainsi du passé table rase, justifiant leur démarche iconoclaste et mémoricide par l’idéologie de la modernité : « Nous ne sommes plus au XVe siècle. » (Nicolas Gougain par rapport à sa défense du « mariage gay », dans l’émission Mots croisés d’Yves Calvi, sur le thème « Homos, mariés et parents ? », diffusée sur la chaîne France 2, le 17 septembre 2012) ; « On n’est plus au XIXe siècle. » (une manifestante pro-mariage-gay et pro-égalité, dans le documentaire « Les lendemains tristes du mariage gay » (2013) de Matthias Barbier) ; « C’est un progrès indéniable. » (cf. le discours d’Erwann Binet, rapporteur officiel de la loi du « mariage pour tous » en France, à l’Assemblée Nationale, en avril 2013) ; etc.

 

Le déni de la réalité temporelle passé/présent/futur se résout presque systématiquement dans l’idéologie progressiste de la post-modernité transhumaniste, et concrètement dans la violence, avec toujours la fausse dichotomie « passé/futur » orchestrée par bons nombres de personnes homosexuelles ou gays friendly : « Ne nous y trompons pas : le postmodernisme n’a pas de grand dessein : son unique but est de déconstruire ce qui fut construit avant lui ; de fragmenter, d’éparpiller, d’émietter en une infinité d’individus qui ne sont plus guère en relations, mais seulement en communication. » (le Père Verlinde, « Les Attaques du démon provenant de l’extérieur de l’Église », dans les Attaques du démon contre l’Église (2009), p.189)

 
 

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