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Code n°81 – Funambulisme et somnambulisme (sous-code : Trapéziste homo)

funambule

Funambulisme et somnambulisme

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Inconfort existentiel et désirant

Film "Les Équilibristes" de Nico Papatakis

Film « Les Équilibristes » de Nico Papatakis


 

Il arrive que dans les fictions traitant d’homosexualité il y ait des personnages (homos ou non) exerçant le métier de funambule dans un cirque, ou s’improvisant équilibristes le long d’un muret, ou se levant la nuit pour prononcer tout haut ce que leur « conscience diurne » a censuré. Je vous épargnerai le laïus symboliste à deux balles du funambule qui serait l’allégorie de l’« admirable » inconfort de la condition humaine : la figure de l’artiste marginal, « révolutionnaire », asexué et bisexuel, entre Ciel et Terre, pris en deux eaux (homme ou femme ? être humain ou Dieu ?), non-positionné, désengagé, est suffisamment rebattue et applaudie comme modèle social, pour mériter d’être notre unique objet d’attention. En revanche, ce qui m’intéresse davantage, c’est le sens dépolitisé et déromantisé de ces scènes aériennes de funambulisme/somnambulisme. Car si les personnages homosexuels se sentent obligés de sortir de la mêlée pour voltiger dans les airs ou s’avancer dans la nuit quand personne ne les attend, c’est bien qu’ils ont quelque chose à fuir, qu’ils ont un fait violent, censuré, et pourtant réel, à annoncer : le viol ou le fantasme de viol de leur papa littéraire.

 

Parce qu’une part d’elles-mêmes désirent vivre à côté de leurs réalités, il existe souvent dans l’esprit des personnes homosexuelles un rapport douloureux au décalage (ressenti pourtant par tout être humain) entre le monde vécu et le monde perçu, qui fait qu’elles pensent que la vie est un songe, une gigantesque mascarade. Les œuvres homosexuelles traitent régulièrement des morts-vivants, en lien avec le funambulisme et le somnambulisme. En général, leurs scènes de rêve éveillé révèlent une réalité très noire qui énonce que la Réalité n’existe pas. C’est la raison pour laquelle bon nombre d’artistes homosexuels se revendiquent d’un symbolisme ou d’un surréalisme nihiliste.

 

Les personnes homosexuelles s’identifient souvent à ce peuple de zombies, marchant sans but, dans la nuit, téléguidés par leurs pulsions sur un lieu de drague. La somnolence métaphorique qui les gagne témoigne de leur révolte inconsciente et impuissante face à un désir de viol (ou un viol réel) qui aurait dû les choquer. De façon réitérée dans les fictions, l’état de semi-sommeil du somnambule est à la fois synonyme de moment de vérité, et de viol.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Icare », « Folie », « Planeur », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Aigle noir », « Sommeil », « Clown blanc et Masques », « Femme-Araignée », « Voleurs », « Extase », « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau », « Cirque », « Femme au balcon », « Magicien », « Corrida amoureuse », « Boxe », « Cour des miracles », « Morts-vivants », « Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Prostitution » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) L’acrobate funambule :

 

FUNAMBULISME Carte

 

Quelquefois, au détour d’une œuvre artistique traitant d’homosexualité, on aperçoit un funambule (qui peut être homosexuel d’ailleurs) : cf. la pièce Les Caprices de Marianne (1833) d’Alfred de Musset (avec la figure romantique d’Octave), le film « La Cage aux Folles II » (1981) d’Édouard Molinaro, le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron (avec Paulo), le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, le spectacle Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou, le film « Les Équilibristes » (1991) de Nico Papatakis, la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer, le film « When Night Is Falling » (1995) de Patricia Rozema (avec Petra l’acrobate lesbienne), le vidéo-clip de la chanson « It’s Ok To Be Gay » de Tomboy (avec la fée Clochette en funambule sur le lit de l’enfant futur gay), le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser (avec Jan, l’un des deux héros gays, jouant au funambule en bords de mer), la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias (avec les cigognes funambules), le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec l’équilibriste), etc.

 

Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Miguel prend en photo Santiago en train de faire le funambule sur leur plage secrète. Dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015), Jefferey Jordan, le héros homo, définit tout homosexuel comme « une espère de grosse feignasse qui marche sur un fil ».

 

Vidéo-clip de la chanson "Optimistique-moi" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer


 

Ce funambule marche sur un fil et risque à tout moment de perdre l’équilibre et de tomber : cf. le film « La Chatte à deux têtes » (2002) de Jacques Nolot, le vidéo-clip de la chanson « No Big Deal » de Lara Fabian, etc. Il symbolise la marginalité de l’homosexualité – une condition qui suspend l’être entre deux mondes – ainsi que le risque mortel que fait vivre le désir homosexuel. « J’étais sur un fil… et je suis tombée. » (Maryline, l’héroïne bisexuelle, dans la pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas). Par exemple, dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, Uloomji, le futur amant de Timofei, tombe sous les roues de voiture de ce dernier après un numéro de funambule raté sur un mur. Dans le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, Luca, le héros homosexuel, a glissé sur une rampe et fait une chute mortelle dans l’Arno parce qu’il a joué à l’équilibriste : « J’avançais dans la ville, comme un somnambule. […] J’ai marché le long du parapet, à la manière d’un funambule. » (pp. 220-221) ; « Fasciné par les lointaines galaxies, je somnambulais sous un ciel noir que voilaient peu à peu les laiteuses brumes de l’aube. […] La nuit finissante transformait cette fenêtre en miroir, et c’était en soi-même qu’il semblait dangereux de se pencher. » (le narrateur homosexuel dans la nouvelle « Terminus Gare de Sens » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 63-64) ; etc.

 
 

b) Le somnambule :

FUNAMBULISME Kang

B.D. « Kang » de Copi


 

Dans la fantasmagorie homosexuelle, en lien étroit avec le funambulisme, il est question aussi de somnambulisme : cf. l’opéra La Somnambule (1831) de Vincenzo Bellini, le poème « Romance Sonámbulo » dans le recueil Romancero Gitano (1928) de Federico García Lorca, le film « Memento Mori » (1999) de Kim Tae-yong et Min Kyu-dong, la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim (avec Anne-Lise la somnambule), le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green (avec Élise la somnambule), le film « Los Amantes Pasajeros » (« Les Amants passagers », 2013) de Pedro Almodóvar (avec le coït avec une somnambule), le roman Die Schlafwandler (Les Somnambules, 1931) d’Hermann Broch, le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta (avec le personnage de David), le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, etc. Le héros homosexuel (ou un proche de son entourage) avance et se déplace pendant la nuit sans avoir conscience de son mystérieux voyage.

 

Roman Les Somnambules d'Ophélie Femmarty

Roman Les Somnambules d’Ophélie Pemmarty


 

Par exemple, dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stephane Druet, la Reine de Cœur est somnambule. Dans le film « L’Arbre et la Forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Marianne est la femme somnambule qui parle toute seule dans le couloir, et qui au fond exprime inconsciemment l’homosexualité latente de son mari Frédérick. Dans le téléfilm nord-américain The Christmas House (Duel à Noël chez les Mitchell, 2022) de Rich Newey, Brandon, le héros homosexuel, avoue que lorsqu’il était petit, il était somnambule.

 

En général, le personnage somnambule laisse libre court à son inconscient et dévoile pendant sa promenade nocturne la terrible réalité d’un traumatisme (un viol ou un crime) qu’il a vu ou qu’il a jadis vécu. « Somnambule j’ai trop couru dans le noir des grandes forêts. » (cf. la chanson « En rouge et noir » de Jeanne Mas) ; « Elle marche comme une somnambule. » (Molina, le héros homosexuel parlant de Léni, la femme collabo, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, pp. 43-44) ; « Une fille comme moi, une fille comme il y en a mille, ça avance sur un fil en regardant devant soi. Volez-lui son cœur. » (cf. la chanson « Une Fille comme moi » de Priscilla) ; « T’es somnambule ou quoi ? » (Mariela s’adressant à son mari Miguel, qu’elle retrouve endormi dans la cuisine, et qui commence à s’homosexualiser sans qu’elle ne le sache, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León) ; etc.

 

Dans beaucoup de films homo-érotiques (« Du même sang » (2007) d’Arnaud Labaronne, « Les Nuits fauves » (1992) de Cyril Collard, « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, « Les Yeux fermés » (2000) d’Olivier Py, « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, etc.) et de créations théâtrales (cf. le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) décrivent les rituels de baise homosexuelle dans les backrooms, les parcs, les jardins publics et surtout les quais portuaires, comme une chorégraphie de somnambules qui se flairent comme des chiens. « Je me perds entre les buissons, je croise des garçons auxquels je n’ai pas envie d’agripper ma solitude. Regards fermés, gestes lents, comme des funambules suicidaires. Ils font l’amour debout, le jeans baissé sur les chevilles. Sur leur visage un air triste d’avoir abandonné le combat. » (Simon arpentant les lieux de drague homosexuels, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 14-15) ; « Onze mille vierges sous acide lysergique consolent des malabars tendus et mélancoliques. Fille de joie me fixe de ses yeux verts. Des claques ??? Jusqu’à l’Hôtel de l’enfer. […] Onze mille cierges, alcool et barbiturique. Je flotte dans les rues comme sous analgésique. Mon costume souillé de larmes et de suie, de la rue des Saints Pères à Soho tu me poursuis. » (cf. la chanson « Onze mille vierges » d’Étienne Daho) ; etc.

 

Dans la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare, c’est au moment de sa promenade somnambulique que Lady Macbeth cafte le meurtre qu’a opéré son mari Macbeth. Elle regarde ses mains blanches tachées du sang invisible du viol.

 

Pièce Macbeth de William Shakespeare

Pièce Macbeth de William Shakespeare


 

Couramment, le funambulisme et le somnambulisme sont associés à la folie, à un désir et un viol incestueux (cf. le vidéo-clip de la chanson « Optimistique-moi » de Mylène Farmer, la chanson « Les Pieds dans la lune » des Valentins, le film « Reflection In A Goldeneye » (1967) de John Huston, etc.). « Je déambule, je fais des bulles, je somnambule. » (cf. la chanson « Papa m’aime pas » de Mélissa Mars) ; « Sauras-tu me regarder ? Mais tu ignores mes signes, toi, mon cruel funambule. Alors je crache ces lignes, fracassé et somnambule. » (cf. le père d’Étienne Daho dans la chanson de ce dernier « Boulevard des Capucines ») ; « Vous pouvez coucher dans le lit. Moi, je peux dormir assise. » (Mme Simpson à Irina, dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi) ; « Sans ça, je pourrais piquer une crise de somnambulisme. » (« L. », le héros transgenre M to F, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; etc. Par exemple, dans le roman Le bois, la nuit (1936) de Djuna Barnes, Robin Vote, jeune Américaine à l’allure androgyne, somnambule hantée par une légère folie, fascine son entourage.

 
 

c) Le trapéziste homosexuel ou objet de fantasme homosexuel :

Film "Trapèze" (1956) de Carol Reed

Film « Trapèze » (1956) de Carol Reed (avec Tony Curtis)


 

Le personnage homosexuel des fictions homo-érotiques est parfois trapéziste, ou bien est attiré par un trapéziste athlétique et aérien : cf. la chanson « Le Trapéziste » de Jean Guidoni, la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, le roman La Peau des Zèbres (1969) de Jean-Louis Bory (avec les laveurs de carreaux), le vidéo-clip de la chanson « À contre-courant » d’Alizée, le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec les oiseaux-trapézistes), le film « Behind Glass » (1981) d’Ab Van Leperen (avec le laveur de carreaux), le roman Hablar Desde El Trapecio (1995) de Leopoldo Alas, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, le roman El Mismo Mar De todos Los Veranos (1978) d’Esther Tusquets, le roman El Ángel De Sodoma (1928) d’Hernández Catá, le roman El Misántropo (1972) de Llorenç Villalonga, le film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards (avec Richard di Nardo, l’amant homosexuel de Toddy), le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin (avec des images hommes aériens sautant d’un building à un autre, et figurant les vicissitudes et la rupture prochaine de la relation amoureuse lesbienne), etc.

 

FUNAMBULISME trapeze artist

 

Le motif du trapéziste renvoie à la dangerosité de l’idolâtrie homosexuelle pour les corps mis à mort ou en risque : « Plus je grandissais, plus je me suis dit que je deviendrai gay.’ dit Will à sa mère. À cela, cette dernière ne put que bredouiller : ‘Mais pourquoi ?’ Il lui répondit : ‘Parce que je veux jouir de moi-même. » (cf. dialogue du film « The Trapeze Artist » (2012) de Will Davis) ; « Je sais pas. J’suis pas trapéziste. » (Frédérique, l’héroïne lesbienne de la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali) ; « La Caille évoquait l’atmosphère empestée de la Gaîté-Rochechouart, où pour la première fois, il avait vu Bambou exécuter la voltige au trapèze. Un athlète le lançait ensuite en l’air, le recevait sur ses biceps, lui faisait faire trois grands sauts périlleux, avant de l’empoigner par un anneau de sa ceinture, et le présenter, vivant soleil, aux applaudissements du public. Il avait suffit d’un regard de la Caille pour découvrir chez cet acrobate, un personnage dont la souplesse n’était rien moins qu’équivoque. Mais que de temps passé ! » (Francis Carco, Jésus la Caille, 1914) ; « Mon grand-père le clown s’est suicidé en cours de spectacle. Il s’est pendu au trapèze, tout le monde croyait à un numéro comique ! Il a eu quinze minutes d’applaudissements avant qu’on s’aperçoive qu’il était mort ! » (le Machiniste dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; etc.

 

Les frères Ming et Rui au Teatro Zinzanni

Les frères Ming et Rui au Teatro Zinzanni


 

Par exemple, dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, la psychiatre lesbienne rêve qu’elle chute en trapèze… qu’on peut interpréter comme l’inceste familial ou une mauvaise gestion du complexe œdipien : « Je refais le rêve du cirque. Si… tu sais bien… le numéro de trapèze. Mon père, ma mère et moi… » (la psy)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

 

Une fois transposé dans le Réel, on voit qu’il existe des croisements esthétiques et désirants entre somnambulisme/funambulisme/trapézisme et homosexualité : cf. l’article « Le Numéro de Barbette » (1926) de Jean Cocteau, l’exposition « Des Jouets et des Hommes » (2011) au Grand Palais de Paris, etc. Par exemple, en 2014, le chanteur Stéphane Corbin a créé, avec 177 artistes, un collectif « contre l’homophobie », et qui s’appelle comme par hasard Les Funambules. Autre exemple. En d’autres endroits de son Journal, Thomas Mann, homosexuel, fait part de ses émotions homoérotiques, y compris vis-à-vis de son propre fils homo. « Vendredi 20 septembre 1919. Hier soir, j’ai remarqué de la lumière à travers la porte vitrée fermée de l’appartement des enfants, et comme je devais de toute façon réveiller Katia [sa femme] , qui s’était enfermée en me laissant dehors, nous avons fait une enquête. Il s’est avéré qu’Eissi était étendu dans son lit, incroyablement découvert et toutes lumières de la chambre allumées. Jeux pubertaires ou tendances à des actes de somnambulisme que nous avions déjà remarqués au Tegernsee ? Peut-être les deux à la fois. Quelle forme prendra la vie de ce garçon ? Quelqu’un comme moi ne « devrait » évidemment pas mettre d’enfants au monde. » (Philippe Simonnot, Le Rose et le Brun (2015), p. 121)

 

FUNAMBULISME Boston ce-somnambule-en-slip-sous_6ne2p_30g4mr

 

Par exemple, à Boston (États-Unis), en 2013, une sculpture de Tony Matelli a fait scandale dans le Campus de Wellesley College, car elle représentait un homme somnambule en slip et faisait peur aux étudiants. Elle a fait l’objet de pétitions pour son retrait.

 

Abdallah

Abdallah


 

Les personnes homosexuelles sont parfois de vrais trapézistes : Barbette, Abdallah Bentaga (l’amant de Jean Genet), ou encore Miss Urania, Will Davis, étaient homosexuels. Pendant ses concerts, Jean Guidoni joue au funambule (La Boule Noire, Paris, avril 2007).

 

Will Davis

Will Davis


 

Dans son spectacle Mugler Follies (2002), le couturier Thierry Mugler met en scène une femme dont le rêve est de devenir funambule.

 

Spectacle Mugler Follies de Thierry Mugler

Spectacle Mugler Follies de Thierry Mugler


 

Plus qu’un motif esthétique, l’association entre somnambulisme/funambulisme/trapézisme et le désir homosexuel illustre la dangerosité de la croyance et de la pratique homosexuelles, ainsi que la coïncidence entre homosexualité et viol/violence/inceste.

 

Commentaire dans le site Au Balcon

Commentaire dans le site Au Balcon


 

« Je voudrais te demander pardon. Je sais que tu ne me pardonneras jamais. Tu me l’as dit à l’époque, très fermement. Mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Mon désir de perfection me hante. C’est désagréable, j’en conviens. En plus, je t’ai fait peur dans la pénombre de la chambre que nous partagions. Tu as ouvert les yeux. On pouvait lire ton étonnement. Mais ça me prenait comme ça, de me réveiller vers deux ou trois heures du matin, comme un somnambule. J’allais jusqu’à l’armoire où se trouvaient tes vêtements que je revêtais, à moitié endormi. » (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère chez qu’il allait visiter la nuit, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 160) ; « Comme un magicien, il nous donnait l’illusion de flotter au-dessus d’une foule de cadavres. » (Romala Nijinski, la femme du célèbre danseur bisexuel Nijinski, dans sa biographie Nijinski, 1934) ; etc.

 

Gay Circus Charles Knie

Gay Circus Charles Knie


 

Les personnes homosexuelles, sans en prendre vraiment conscience, nous présentent la fébrilité de leurs « amours » qui ne tiennent qu’à un fil et sur un équilibre incertain. « Funambules aux yeux ouverts » (Christophe Aveline, L’Infidélité : La relation homosexuelle en question (2009), p. 23) ; « Les amants [homosexuels] sont des équilibristes qui se tiennent par la main, s’assistent mutuellement. C’est un jeu entre la vie et la mort du couple qui tient sur un fil. » (idem, p. 55)

 
 

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Code n°82 – Fusion (sous-code : Polysémie de l’adverbe « contre » ; Feu)

fusion

Fusion

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

Pour percevoir que la chaleur du désir de fusion (typiquement hétérosexuel et homosexuel) avec l’être aimé est finalement bien glaciale et violente, il nous suffit de nous émerveiller de la beauté de notre unicité, et de comprendre que dans la vie, la fusion précède et génère toujours une rupture : une rupture de vie quand on essaie d’accueillir la différence des sexes comme un trésor (la plus belle rupture de vie, c’est la coupure du cordon ombilical), une rupture brutale à plus ou moins long terme quand la différence des sexes est crainte et rejetée.

 

Le désir homosexuel est un élan de fusion, à la fois réchauffant et étouffant, une force d’union mais surtout de rupture. Je vais vous l’illustrer en particulier à travers la présence réitiérée de la polysémie de l’adverbe « contre » dans les fictions et les discours homosexuels (exemple : je suis contre toi/collé à toi ; je suis contre toi/opposé à toi).

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Moitié », « Amant narcissique », « Vampirisme », « Amoureux », « Désir désordonné », « Clonage », « Eau », « Substitut d’identité », « Île », « Extase », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Viol », « Pygmalion », et « Cannibalisme », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Le fantasme humain de la gémellité et de l’uniformité

 

FUSION Soleil

 

Pour allégoriser un désir de fusion amoureuse avec soi-même qui existait chez l’Homme bien avant qu’Il ne le conceptualise, Platon a imaginé dans son Banquet (-380 av. J.-C.) une race de créatures séparées par les dieux en deux moitiés, l’une mâle, l’autre femelle : les androgynes. L’androgyne est l’être imaginaire idéal, affranchi des contraintes du temps et de l’espace, vivant du fantasme de retrouver la plénitude de la totalité originelle en lui-même, aspirant au retour au jardin d’Éden, maudissant la sexualité qui l’a coupé littéralement en deux.

 

Aujourd’hui, les androgynes existent toujours en fantasme dans la tête de nos contemporains (on le voit clairement dans le monde de la publicité, avec ces hommes-objets et ces femmes-objets coupés en deux, ou bien fusionnant ensemble dans les films pornos)… mais sans le savoir, on les appelle différemment. On les a baptisés « l’homosexuel » (en 1869) et « l’hétérosexuel » (en 1870). « L’homosexuel » comme « l’hétérosexuel », ces deux créatures scientifiques ne renvoyant pas à des êtres humains réels, sont des jumeaux, historiquement mais aussi symboliquement parlant, puisqu’ils traduisent une conception androgynique du couple amoureux : les couples « hétérosexuels » comme « homosexuels » se veulent formés de deux moitiés séparées l’une de l’autre, et censées, selon la mythologie scientifique, cinématographique ou sentimentaliste (le prince charmant et la princesse), se compléter parfaitement dans la fusion (cf. je vous renvoie aux codes « L’homosexuel = l’hétérosexuel » et « Moitié » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Beaucoup de personnes homosexuelles sont prisonnières du mythe du bonheur dans la ressemblance parfaite. En adoptant une conception fusionnelle et conflictuelle de l’amour, elles se lancent à la recherche de leur moitié androgynique (par exemple, Alfred Jarry, a inventé le concept d’« adolphisme » qui n’est pas la communion de deux êtres différents fusionnant en Un, pas même de deux jumeaux, mais l’union des deux moitiés d’un même Moi). Elles envisagent de créer un couple neuf où chacun de ses membres trouverait à travers l’autre son miroir parfait dans lequel il se sentirait à la fois créé et Créateur. Par amour, elles promettent à leur partenaire d’être identiques à lui/elles (n’oublions pas que le mot homosexualité est composé du terme grec homo qui veut dire « même »), mais paradoxalement, elles n’en supportent pas l’idée et s’interdisent de penser qu’elles sont fantasmatiquement superficielles comme les miroirs. En refusant de se reproduire avec/par l’autre à travers la parentalité naturelle, parce qu’elles considèrent que le miroir leur permet de s’engendrer toutes seules sans l’aide de personne, elles décident que leur création se fera dans la copie parfaite (= l’image dans le miroir), et non plus dans l’original « imparfait » (= l’enfant).

 

Elles se font parfois leur propre déclaration d’amour dans la glace. Mais celle-ci ne leur semble pas égoïste dans la mesure où, pour une part de leurs désirs intellectualisés, elles et leur reflet sont quand même deux. En général, l’amant homosexuel est vu comme le double dans les deux sens du terme : la duplication du même (exemple : un double de clé), ou bien la division du même (exemple : je vois double). Il se réduit donc à un clone entier mais aussi à une moitié androgynique. « J’avais oublié simplement que j’avais deux fois 18 ans » chante Dalida. Le désir homosexuel dit à la fois la duplication et la division. Inconsciemment, face à l’être aimé, beaucoup de personnes homosexuelles affirment qu’il y a deux fois elles-mêmes en lui, mais si rationnellement, elles voient bien qu’il y a lui tout seul et elles toutes seules.

 

Ainsi, elles se retrouvent souvent devant une situation délicate par rapport à leur amant : à la fois elles l’aiment tel qu’il est, mais aussi comme un reflet d’elles-mêmes projectivement valorisé, … donc elles ne peuvent l’aimer vraiment pour lui-même. « Nous nous regardons. Nous cherchons l’un dans le regard de l’autre celui qu’on aime, celui à qui on parle chaque jour au téléphone depuis plusieurs jours, celui à qui on envoie des petits cadeaux guimauves. […] Je dis ‘Je t’aime Vianney’, parce que c’est la dernière fois que je le lui dirais, et pendant une seconde, dans ma tête, c’est le souvenir du garçon que j’aime qui me revient. Ce garçon qui est tellement Vianney et pas du tout lui dans une adéquation à laquelle je n’arrive pas à me faire. » (Mike, le héros homo du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 87) Certes, aucun amour humain, même entre une femme et un homme qui s’aiment profondément, n’est dénué de convoitise et de narcissisme : au sein d’une union, on aime toujours l’autre un peu pour soi, on essaie toujours de se réparer un peu à travers lui (… et ceux qui prétendent le contraire ne sont pas dans le donner-recevoir de toute relation humaine). Mais force est de constater que l’amour homosexuel tend à enfermer le sujet sur lui-même ou à l’y ramener par le truchement d’un corps semblable. L’élan égocentrique du désir homosexuel est visible dans de nombreux couples homosexuels : on a souvent l’étrange impression que ces derniers se composent de deux solitudes qui ne n’existent pas chacune pour elle-même, vivant l’une à côté de l’autre sans être véritablement unies, exactement comme dans le couple hétérosexuel ou dans les échantillons de figurines Barbie et Ken exposées en rang d’oignons sous cellophane dans les supermarchés.

 

Sigmund Freud a été bien inspiré de souligner la composante narcissique du choix d’objet sexuel dans le désir homosexuel (il a juste oublié de l’appliquer aussi aux couples hétérosexuels en dissociant clairement le couple hétérosexuel du couple femme-homme désirant). La sexualité homosexuelle est à double face, à l’image du miroir. Mylène Farmer ne chante-t-elle pas dans sa chanson « Pourvu qu’elles soient douces », que le nec plus ultra dans le paysage homosexuel, « c’est d’aimer des deux côtés » ? Tout porte à croire que l’homosexualité est un narcissisme érotisé. La preuve en est que dans les œuvres homosexuelles, les personnages gays se font souvent leur propre déclaration d’amour devant la glace, et que l’amant est souvent associé au reflet dans le miroir. De surcroît, ce dernier n’est généralement pas un gentil écran plat : il a tendance à user de la menace et à sectionner son partenaire amoureux.

 

Les histoires d’amour homosexuel se construisent généralement sur un malentendu existentiel puisqu’elles réunissent deux personnes qui individuellement et originellement ont voulu être quelqu’un d’autre qu’elles-mêmes (un dieu, une star de cinéma, une moitié d’Homme, un garçon quand elles sont nées filles, une fille quand elles sont nées garçons, etc.), et qui du coup désirent se substituer l’une à l’autre, ou ne faire qu’Un ensemble. « Je voulais me glisser dans son corps comme dans un pyjama. » (le juge Kappus parlant de son amant Julien, dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 92) Elles ne se sont pas suffisamment tolérées elles-mêmes telles qu’elles étaient, en corps, en cœur et en esprit, pour ensuite être en mesure de s’accueillir mutuellement en vérité. La non-acceptation de soi, et la nécessaire épreuve douloureuse de ses limites qu’elle supprime, peut empêcher ensuite de bien aimer. Comme l’écrit très justement François Varillon, « l’amour ne se consomme pas dans l’absorption, ou fusion, de deux en un […]. Il veut à la fois la distinction et l’unité, l’altérité et l’identité. Dans la condition humaine, ce vœu profond : être non seulement uni à l’autre mais un-avec lui tout en restant soi, est incoercible et irréalisable. C’est pourquoi nul n’entre sans souffrance au royaume de l’amour. » (François Varillon, L’Humilité de Dieu (1974), p. 106) De manière presque générale, on peut affirmer à propos des unions amoureuses homosexuelles que la volonté de se substituer à l’autre a précédé le désir d’amour que la personne homosexuelle a ressenti pour son amant. « La forme d’amour la plus reculée dont je me souvienne, c’est mon désir d’être un joli garçon… que je voyais passer. » (Jean Genet, cité dans la biographie Saint Genet (1952) de Jean-Paul Sartre, p. 99)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles s’intéressent à leur amant non pas tant pour lui-même que pour combler leur propre vide existentiel. « Moi, je n’avais pas de moi. J’étais vide. Il me remplissait. » (Guillaume Dustan, Nicolas Pages (1999), p. 112) La jalousie apparaît alors comme l’expression détournée de l’adoration. Dans le couple homosexuel, nous assistons à ce que nous pourrions appeler une identification par absorption, comme l’exprime Olivier dans le reportage « Une Vie ordinaire » (2002) de Serge Moati : « Paradoxalement, je crois que j’étais un homme quand j’étais avec un homme. Je devenais un homme par rebonds, par personne interposée. » Certaines personnes homosexuelles vont se dérober à elles-mêmes sous le prétexte de l’union d’amour avec leur amant-paravent. « Je peux être caché derrière lui pour vivre sa vie. » (Laurent à propos de son amant bisexuel Jean-Jacques, dans le documentaire « Woubi Chéri » (1998) de Philip Brooks et Laurent Bocahut)

 

Dans l’esprit de nombre d’entre elles, elles fusionneront avec leur amant, même si rationnellement, elles ont tout à fait pris conscience qu’elles n’y parviendront pas (la plupart d’entre elles savent encore faire la différence entre la réalité concrète et la science-fiction !). Elles parlent souvent de l’union corporelle fusionnelle avec leur amant(e), car l’amour homosexuel est à la fois un amour pour la personne aimée sans cette personne… ou sans soi-même.

 

Certaines personnes homosexuelles pensent avoir compris intellectuellement le piège du mythe de l’unité fusionnelle dans le couple, de la « solitude à deux sur une île » (Jean-Louis Bory, La Peau des Zèbres (1969), p. 33), mais elles se voilent la face en attribuant ce piège uniquement aux couples femme-homme (qu’elles appellent à tort « hétérosexuels ») ou à l’institution du mariage. C’est ainsi qu’elles le réactualisent souvent dans les unions des semblables sexués. À en croire certains amants homosexuels, ils ont « toujours tout fait ensemble » (Mehdi et Christophe, « Pacsés… un jour mariés ? », dans le magazine Psychologies, juin 2004, n°231, p. 77), prétendent vivre une « relation fusionnelle » (Juliette et Sophie, op. cit., p. 76) depuis qu’ils se connaissent : ça a été « tout de suite, la fusion. » (David, 35 ans, en parlant de sa rencontre avec son copain Adrien, 24 ans, dans le recueil de témoignages Le Livre des Rencontres (2002) collectés par Michel Field et Julie Cléau, p. 144) Le fantasme de fusion est le propre des désirs homosexuel et hétérosexuel. Selon la promesse androgynique, tout Homme est censé rechercher sa « moitié » pour former un Tout autosuffisant avec elle.

 
 

Le désir fou de se substituer à l’amant réifié

 

Le désir de fusion, même s’il s’habille des meilleures intentions (la communion, le don total de soi, l’orgasme, la beauté de la symbiose passionnelle, le plaisir des sens, etc.), est en réalité un oubli de soi et de son partenaire, un désir de disparaître et de se fondre/se lover en l’autre, et j’irai même jusqu’à dire une tentative de viol. Car l’extase exige la fusion destructrice et la rupture radicale avec soi-même, la substitution ou la superposition forcées aux autres.

 

Le rapprochement homosexuel des corps se transforme en conflit à l’insu des amants homosexuels eux-mêmes. Nous le remarquons par exemple dans la polysémie de l’adverbe « contre », très utilisée par certains auteurs homosexuels (l’expression « être contre quelqu’un » peut signifier à la fois être « collé à lui » et « en opposition »).

 

L’humain a pressenti depuis longtemps déjà que la haine se trouve tout autant dans la dissymétrie foncière que dans la ressemblance « parfaite », la symétrie déshumanisée, l’écho, la rencontre policée et sans relief des semblables, l’uniformité, la plénitude orgueilleuse. Rien que l’expression « œil pour œil, dent pour dent » suffit à le démontrer. Il faut parfois pour des jumeaux ou des amants homosexuels beaucoup de temps avant de réaliser que l’amour « sans limites » qu’ils se vouent et qui leur apparaît irréprochable dans l’instant n’est pas si ajusté que cela. C’est sur la durée et avec un relatif éloignement qu’ils peuvent comprendre qu’un autre type de relation, moins fusionnelle mais non moins belle, est possible entre eux, sans pour autant gâcher les richesses objectives qu’offrent la gémellité ou l’homosexualité. La vraie rencontre humaine n’est délicieuse que dans la juste distance, celle qui sépare sans rompre, qui unit sans confondre. C’est le principal message de vie que les jumeaux et les personnes homosexuelles nous délivrent, bien souvent à leur insu.

 

La différence entre le désir de fusion destructeur et le désir d’Amour, c’est que le premier vise la fusion à travers l’effacement des corps et la substitution à l’autre – il dit « Je t’aime donc je suis toi » –, alors que le second cherche avec douceur la communion en sachant qu’elle sera incomplète tout en restant partiellement possible grâce à l’accueil d’un tiers. Le désir d’Amour respecte le mystère et la solitude des corps tout en prétendant goûter à la fusion. Au fond, il n’y a d’union d’Amour que dans la résistance à l’assimilation. La distance n’est pas seulement un mal nécessaire pour échapper aux méandres de l’amour platonique, mais une donnée inhérente à tout processus de différenciation sans laquelle il n’y aurait pas de soi distinct de l’autre, et donc d’amour véritable et incarné. L’amour ne peut être reconnu que dans un rapport de déliaison. Il faut un peu de déliaison pour qu’il y ait véritable liaison : c’est cela, la subtilité de l’union amoureuse authentique. Aimer quelqu’un, c’est le rendre autonome, lui laisser son espace de liberté, et lui donner les moyens de nous abandonner pour mieux le retrouver. Comme nous aimons trop l’autre pour le retenir, nous prenons le risque de le perdre. Et ce risque mesuré, c’est l’Amour.

 

En ce sens, l’excès de ressemblance dans le couple homosexuel, qui a rejeté la différence des sexes, peut être ferment de violence (cf. je vous renvoie aux codes « Clonage », « Cannibalisme », « Substitut d’identité », et « Vampirisme », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). L’accouplement sexuel entre deux clones est « l’impensable absolu » écrit Jacques André, le signe d’une irréelle synthèse du même avec le même, la « conjugaison entre l’incestueux et le totalitaire » (Jacques André, « L’Empire du même », dans l’essai Mères et filles, les menaces de l’identique (2003), p. 12). Dans les faits, le couple homosexuel ne parvient pas à la communion parfaite des semblables puisqu’il n’est pas concrètement composé de deux clones ; mais en désir, il y tend. Il reprend le « ne faire qu’Un tout en restant deux » de l’Amour vrai à son compte pour le détourner en « ne faire qu’Un à deux », et convertit le principe de respect de la différence, consubstantiel à l’amour, en une diversité évasive ou en un « égoïsme à deux » qui nie la différence par la schizophrénie et le mythe passionnel de la symétrie. « La symétrie, affirme Héctor Bianciotti, c’est l’amour, parce que c’est toujours deux en un. » (Héctor Bianciotti, « De La Melancolía De Las Perspectivas », 1983)

 

La fusion et la rupture sont deux phénomènes concomitants. On ne l’observe d’ailleurs pas uniquement chez les couples homosexuels : tout couple fusionnel finit par rompre… et initialement, on découvre dans l’histoire de chacun des partenaires qu’il s’est en général formé sur un terrain fissuré, sur la base de ruptures personnelles, familiales, amicales, sociales, non-assumées. Souvent, nous ne prenons pas soin d’analyser le désir homosexuel en relation avec une rupture ou la croyance infondée d’une rupture pensée comme définitive. Or, ce sont les personnes homosexuelles ou leurs personnages qui nous rappellent à l’ordre, comme Sonia dans le film « Oublier Chéyenne » (2004) de Valérie Minetto, en parlant de sa relation amoureuse avec Chéyenne en ces termes : « C’est une fusion qui nous a séparées. »

 

Le désir amoureux de rupture et de fusion mène un jeu d’attraction-répulsion destructeur, appelé pulsion de mort. Je te rejette parce que j’étouffe, je m’attache à toi et me fonds en toi parce que je désire disparaître, nous nous détruisons à deux dans le fantasme de fusion parce que nous désirons nous manger.

 
 

Le déni homosexuel de la violence du désir de fusion

 

L’excessive identification projective sur l’entourage – « l’être-pour-les-autres » – et sur l’être aimé fait souvent souffrir, et pourtant, semble banale à celui qui l’opère car dans l’instant, elle peut flatter son Ego : « On est là tous à se déchirer et on est tous très bien, à tenir compte des autres, à se mettre dans la peau des autres. » (Jean-Louis Bory, La Peau des Zèbres (1969), p. 487)

 

Pour l’esprit bisexuel qui sépare unité et rupture de manière aussi radicale, du fait que pour lui elles se confondent, les unités comme les ruptures partielles de l’existence humaine seront vécues comme des véritables mutilations, des séparations abruptes, des viols. C’est ce qui fait le drame de l’individu qui vit du rêve de l’androgyne : il craint que la recherche de son unité agisse comme une rupture totale avec lui-même ; et paradoxalement, il croit que la rupture totale avec lui-même va lui permettre de ne faire plus qu’Un. Le viol devient alors, dans son esprit, son unité. C’est ce qui fait dire à Neil, le héros homosexuel du film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki, que le viol pédophile dont il a été victime dans sa jeunesse l’a rendu unique. En effet, en parlant de son violeur, il lui reconnaît la découverte de son unicité : « J’étais son seul amour, son seul trophée. J’étais unique. » Le viol a le pouvoir de donner à ses victimes une impression d’unité dans la réification et la contrefaçon d’amour, alors que pourtant, comme le montre la scène du viol pédophile de « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar durant laquelle le visage d’Ignacio se scinde en deux à l’écran, il cultive en elles ce désir de l’androgyne, les brise en deux, et leur annonce que sans lui elles ne valent rien.

 

L’unité que le viol ou le désir de viol impose aux personnes homosexuelles est une unité des extrêmes, écartelante mais pas toujours désagréable. Le passage du fantasme à la réalité fantasmée à travers le viol peut donner une impression de diversité offerte par la fausse profondeur du miroir, comme l’exprime Pietro en s’adressant à son violeur dans le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini en ces termes : « Je ne me reconnais plus. Ce qui me faisait l’égal des autres n’existe plus. Je leur ressemblais malgré mes défauts. Tu m’as soustrait à l’ordre naturel des choses. En te parlant, je prends conscience de ma diversité. »

 

Bien sûr, à une ou deux exceptions près, nul amour humain n’est parfait (sauf celui de la Sainte Famille) : à tout couple il manquera des choses. Et l’engagement d’Amour vrai est un perpétuel ajustement, un « vouloir rester » plus qu’un « aimer en actes » 100% garanti. Mais dans le couple femme-homme qui s’aime, ce manque (appelé différence des sexes) permet au Désir de se glisser entre les deux partenaires. Dans le couple homosexuel, il s’immisce plus difficilement tant la fusion/division est désirée en son sein.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) La recherche homosexuelle de la fusion :

Film "La Vie d'Adèle" d'Abdellatif Kechiche

Film « La Vie d’Adèle » d’Abdellatif Kechiche


 

Dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité, il est souvent question de la fusion : cf. le film « L’Un dans l’autre » (1999) de Laurent Larivière, le roman Je vis où je m’attache (1978) d’Yves Navarre, le film « Átame » (« Attache-moi ! », 1989) de Pedro Almodóvar, le vidéo-clip de la chanson « Shut Up ! » de Mylène Farmer (avec la fin dans la fusion mortelle du couple d’amants transpercé par la flèche de Cupidon), le film « Bouche à bouche » (1995) de Manuel Gómez Pereira, la chanson « En nage indienne » d’Étienne Daho (« Serre-moi, si ton corps se fait plus léger, nous pourrons remonter. »), le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier, le roman Deux larmes dans un peu d’eau de Mathieu Riboulet (racontant l’histoire de deux jumelles, dont l’une meurt à la naissance), le film « L’Âge atomique » (2012) d’Héléna Klotz, le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini, la chanson « Chaleur humaine » de Christine & the Queens, le film « Corpo Elétrico » (2018) de Marcelo Caetano, etc. Par exemple, dans le film « Les Incroyables Aventures de Fusion Man » (2009) de David Halphen, le héros, Fusion Man est précisément homo.

 

 

Parfois, la recherche de fusion amoureuse apparaît chez le héros homosexuel comme la résurgence d’un manque de détachement avec ses propres parents, un rapport filial incestueux, ou une phase oedipienne mal gérée dans l’enfance : « Ma famille est beaucoup dans la fusion. » (le protagoniste homosexuel dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Il a un trouble de l’attachement. » (Diane parlant de son fils homosexuel Steve, dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan)

 

Par exemple, dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Stephen, l’héroïne lesbienne, a depuis sa naissance, une forte tendance à faire ventouse avec les membres de son entourage de qui elle s’entiche. D’abord, quand elle était petite, elle collait toujours aux basques de sa nurse, Collins, dont elle était secrètement amoureuse : « Ne soyez pas toujours dans mes jambes, voyons, Miss Stephen. Ne me suivez pas partout et ne m’observez pas sans cesse. Je déteste être surveillée. » (p. 38) Ensuite, et pendant toute sa vie, Stephen sera un pot de colle dès qu’elle éprouvera des sentiments amoureux pour une femme : « Tout leur semblait fondu et ne faire qu’un, comme toutes deux ne faisaient qu’un à présent. » (Stephen par rapport à sa compagne Mary, op. cit., p. 416) ; « étrange et torturante fusion avec Mary » (idem, p. 485)

 

FUSION deux femmes serrées

 

Souvent, le personnage homosexuel vit dans le fantasme de fusionner avec son amant, de ne faire qu’Un avec lui pour le faire disparaître ou pour disparaître lui-même : « Je voudrais être dans ton corps, je voudrais être toi ! […] T’es beau, je voudrais te ressembler mais aussi mieux te connaître, savoir qui tu es, ce que tu ressens, ce que tu penses, ce que tu aimes et ce que tu détestes… » (Bryan s’adressant à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, pp. 330-331) ; « On ne peut pas rester deux jours sans se voir. » (idem, p. 367) ; « Tu crois qu’on est enchâssés ? » (Schmidt s’adressant à son pote Jenko, dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller) ; « Je vais t’envelopper dans la chaude intimité de mon désir. » (Lola l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Vera, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Si demain tu veux t’enchaîner toi aussi, tu n’hésites pas. » (Jean-Jacques s’adressant à son futur amant Jean-Marc, en lui tendant des menottes, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Prétorius, j’ai fait de vous un vampire. » (Dracula à Prétorius dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « C’est un moment fort où se réveille l’eau qui dort, un moment clair où je me confonds à ta chair. » (cf. la chanson « Les Voyages immobiles » d’Étienne Daho) ; « Nous sommes une, elle venue à moi. La greffe est intégrale. » (la narratrice lesbienne parlant de sa compagne Mathilde, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 64) ; « J’aimerais plonger en elle, la tête la première et qu’elle se fonde en moi, jusqu’aux pieds, en dedans. » (idem, p. 66) ; « Je veux que ça sorte de nous. Je veux que ça sorte de moi… Je te veux en moi. » (Charlie s’adressant à son amant Chris, dans film « Urbania » (2004) de Jon Shear) ; « Notre fusion » (la voix narrative à sa bien-aimée, dans la pièce Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro) ; « Ses mains encore dans mes cheveux. Ses yeux sérieux que je regarde de tout près bien qu’il fasse trop sombre maintenant pour y distinguer quoi que ce soit d’autre qu’un fugitif éclat de lumière. Alors une brusque exhalation de tout le corps – comme en ont les fleurs, par à-coups – venue on ne sait d’où, on ne sait de qui (peut-être à la fois de nous deux) nous inclut lentement dans le même remous, nous relie aux mêmes vibrations, comme si l’air entre nous les vêtements et jusqu’à la peau même tout avait disparu, abolissant jusqu’à la conscience claire d’être soi devant l’autre… » (Mireille Best, Hymne aux murènes (1986), p. 143) ; « Je l’ai rejoint dans le petit lit vert. Cela ne l’a pas réveillé. Il avait l’habitude. De moi. De mon corps. De nous. Deux. Un. » (Omar parlant de Khalid, dans le roman dans Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 44) ; « Union, fusion, bonheur, ailleurs qu’avec moi, étaient donc possibles. Vraiment ? Pour lui ? Pour moi ? » (idem, p. 84) ; « Dès les premiers mots, j’ai su ce que nous venions de vivre intensément ensemble, cet échange, cette fusion, cette transformation, ce pacte, cette forêt noire […]. » (idem, p. 165) ; « Au début, c’est la fusion. » (Matthieu décrivant les habituelles positions de couples homos sur les canapés les premiers temps de leur formation, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « On reste ainsi, comme soudées l’une à l’autre. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 18) ; « Sans calcul, nous nous laissâmes aller, et bientôt, dans une complétude presque parfaite, chacune répondit à la douceur de l’autre, comme si nous ne faisions qu’une. » (idem, p. 63) ; « Quand je te regarde, c’est comme si je me remplissais de toi. » (Anna s’adressant à son amante Cassie dans le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin) ; « J’avais l’impression d’arriver plus à l’intérieur de Pierre que par tous les culs et les chattes du monde. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 40) ; « Jane rêvait d’Anna. Elles étaient seules dans le noir, les doux cheveux de la fille retombaient sur le visage de Jane. Elle eut l’impression d’être au lit avec elle et se mit à paniquer ; ce n’était pas ce qu’elle voulait, tout allait de travers. Les lèvres de la fille se posèrent sur les siennes et elles s’embrassèrent, la langue d’Anna frémissante et insistante. Jane comprit à nouveau ce qu’elle était en train de faire et tenta de la repousser mais quelque force supérieure les collait l’une à l’autre. Elle sentait le poids du corps de la fille, la douceur de ses seins, et elle se tortilla pour se dégager, tentant désespérément de s’échapper, mais elle avait beau se tourner dans toutes les directions, elle était piégée. Elle repoussa Anna de toutes ses forces, mais sans résultat, elles étaient verrouillées l’une à l’autre, et brusquement Jane comprit ce qui les retenait là. Elles étaient scellées, l’une au-dessus de l’autre, sous le plancher de l’immeuble de derrière. » (Jane, l’héroïne lesbienne, à propos d’une gamine mineure, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 222) ; « C’est normal que tu sois triste : deux oignons [allégorie de deux ex de Jérémy] qui se frottent, ça fait pleurer. » (le père de Jérémy Lorca consolant son fils gay, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Une Affaire de goût » (1999) de Bernard Rapp, Frédéric Delamont recherche « un amour presque parfait, une véritable fusion », où « l’un sans l’autre, on n’est rien ». Dans son one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008), Jérôme Commandeur dit que « les pédés collent entre eux ». Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Jean-Pierre décrit le couple Fanny/Catherine comme le « Club Sandwich », la rencontre spontané du ying et du yang. De par son métier, Catherine travaille sur des matières déformables : elle déclare qu’elle rêve d’une fusion entre les corps humains qui se déformeraient par la seule action du contact des peaux. Dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, à la question posée à Rachel l’héroïne lesbienne « Comment on sait qu’on a trouvé l’amour ? », celle-ci répond : « On se sent juste à l’abri, au chaud. » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, l’amour lesbien, et le désir tout court, sont mis sous le signe de la fusion embrasante : « Ne joue pas avec le feu. » conseille sir Harold Nicolson à sa femme Vita Sackville-West, lesbienne, à propos de Virginia Woolf. Quand les deux femmes couchent ensemble, on voit en toile de fond le feu de cheminée. Et au début du film, Virginia conseille à Duncan de ne pas se laisser dévorer par son désir sexuel vis-à-vis de Vanessa : « Le sens-tu couler en fusion au-dedans de toi ? »

 

Il est fréquent que l’amour homosexuel soit comparé à une solution chimique combustible, à un feu de paille infernal : « On sera tous purifiés par l’eau chaude. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, s’adressant à son amant Palomino, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Je risque l’auto-combustion. » (Kai au contact du pied de son amant Richard sur son poitrail, dans le film « Lilting », « La Délicatesse » (2014) de Hong Khaou) ; « Cette nuit, ils ne font pas l’amour. Cette nuit, ils ne se défoncent pas. Plancher, sur le lit, les draps trempés. Il grelotte, il suffoque. Le thermomètre indique quarante de fièvre. Javier veille son ami. Passe la main sur son visage, le calme lorsqu’il s’agite trop, porte les verres d’eau, maintient le gant de toilette imbibé d’eau froide sur son front, caresse sa chevelure, sa nuque, lui raconte un tas d’histoires sans intérêt pour l’apaiser, le serre dans ses bras, embrasse sa joue en feu, l’aide à ingurgiter aspirine sur aspirine. Le jeune homme ne semble pas vraiment réagir. Les seules fois où il se lève, c’est pour se précipiter aux toilettes et vomir. Il refuse que le capitaine l’y accompagne, tire la chasse avant de sortir et revient se coucher illico. Javier est tenté un moment de l’emmener aux urgences, mais son amant l’en dissuade. Demain, il ira voir quelqu’un, promis. En attendant, il veut juste se reposer. S’il te plaît, mon amour. » (Antoine Chainas, Une Histoire d’amour radioactive, 2010) ; etc. La fusion, dans un premier temps source de chaleur et d’union réconfortante, laisse vite place à la rupture glaciale. « On se prend dans les bras l’un de l’autre et on cherche nos bouches, qu’on embrasse voracement, qu’on viole avec la langue. Après un instant, en reprenant notre souffle, il dit ‘Ouhaou, c’est chaud !’ Je le prends par la main. Je me glisse devant lui, et ensemble nous marchons comme un seul homme dans l’appartement, Vianney parfaitement collé à ma nuque, mon dos, mes fesses, mes jambes. » (Mike, le héros homo, rencontrant pour la première fois un internaute, Vianney, et l’accueillant chez lui les yeux bandés, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 84) ; « Vianney part très vite. Je sens à nouveau le souffle de son corps, chaud cette fois, qui s’éloigne de moi et qui, en s’arrachant à moi, m’enlève une partie de moi-même que je viens à peine de retrouver et dont je dois déjà me détacher. » (idem, p. 86) ; « La même chose se renouvelait chaque jour : près de lui je brûlais de souffrance et loin de lui, mon cœur se glaçait. » (Stefan Zweig, La Confusion des sentiments (1928), p. 71) ; « ce bourreau à qui, malgré tout, j’étais attaché avec amour, que je haïssais en l’amant et que j’aimais en le haïssant. » (idem, p. 92) ; « En m’endormant, je rêvai que Linde et moi étions des particules tournant l’une autour de l’autre, se transformant brusquement en ondes, marées et courants. Mr Garg avait fait un commentaire à propos du dualisme que je n’avais pas noté. Si l’on croise un âne avec une jument, avait-il expliqué, on obtient une mule. La mule est-elle une ânesse ou une jument ? » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 31) ; « Ton regard… tes yeux. […] J’ai besoin de m’y perdre, de m’y noyer. » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 317) ; « Ça brûle tellement le monde qu’on se jette en parallèle, ça brûle tellement qu’on cherche à se fondre. » (l’Actrice dans la pièce N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; « Que se passe-t-il quand une force qu’on ne peut pas arrêter rencontre un objet qu’on ne peut pas bouger ? » (Hache, la petite sœur de Rachel l’héroïne lesbienne, dans le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker) ; « Avec lui, j’étais comme un papillon attiré par la flamme de la bougie. » (Fabien à propos de son attitude avec son amant Herbert, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « Nous devrions tous baiser. Femmes, hommes, animaux, tous en même temps. Que nous finissions tous ensemble, et que le monde explose, et nous mourrons comme ça, heureux. » (Hernán s’adressant à Fede à qui il propose un plan à trois avec son partenaire régulier, dans le film « El Tercero » (2014) de Rodrigo Guerrero) ; « C’est toi qui enflammes mon cœur. » (c.f. la chanson du film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu) ; etc.

 

Comme vous pouvez l’entendre dans mon podcast sur les goûts musicaux lesbiens (ingrédient n° 16 sur le feu), dans les fictions homo-érotiques, et parfois les discours, il est fascinant de voir que les lesbiennes ont souvent le feu au corps : feu de la passion dévorante et possessive ; métaphore du désir homosexuel lesbien qui met en surchauffe, aussi. On l’entend dans leurs chansons et dans celles qui traitent d’elles : « Close to my fire » (2013) de Joe Bonamassa, « Sapho et Sophie » (1990) d’Alain Chamfort, « Radiate » (2018) de Jeanne Added, « La Grenade » (2017) de Clara Luciani, « Just need your love » (2016) de Hyphen Hyphen, « On brûlera » (2017) de Pomme, « Learn to live » et « Lash out » (2019) d’Alice Merton, « Combustible » (2018) de Cœur de Pirate, la toute fin de la chanson « Deux ils, deux elles » (2013) de Lara Fabian (avec le craquage d’allumette), « Feu de bois » (2018) et « Démons » (2021) d’Angèle, la fin du vidéo-clip de la chanson « Oui ou non » (2019) d’Angèle (finissant en enfer après son accident de voiture), « Pleurs de fumoir » (2022) de Hoshi, l’album Chaleur humaine (2014) de Christine and the Queens, etc. On le voit dans leurs films : « Fille de Feu » (1932) de John Francis Dillon, « Opalo de Fuego » (1980) de Jesús Franco, « Feu follet » (2022) de João Pedro Rodrigues , « The Firefly » (2015) de Ana Maria Hermida, « Gasoline » (2001) de Monica Lisa Stambrini, « Bonfire » (2018) de Lou Morin, « Fire » (1996) de Deepa Mehta (film lesbien indien), « Portrait de la jeune fille en feu » (2019) de Céline Sciamma, la série Chicago Fire (2012) de Michael Brandt et Derek Haas, « Foxfire » (2013) de Laurent Cantet, etc. On le lit dans leurs romans : Tout feu tout femme (2019) de Julio Lezzie, Smoke and Fire (2014) de Julie Cannon, Forbidden Fires (1996) de Margaret Anderson, Embrase-moi (2021) de Kyrian Malone, The Forge (1924) et The Unlit Lamp (La Flamme vaincue, 1924) de Marguerite Radclyffe Hall, etc.. On l’observe au théâtre : les ateliers lesbiens « Comme nous brûlons » de la Mutinerie à Paris. Côté militant, dans les premières Gay Prides londoniennes, certaines lesbiennes portaient des badges et des pancartes les désignant comme incendiaires : « Lesbian ignite » (textuellement, « Lesbienne, mets le feu ! »). Il y a 2000 ans, saint Paul parlait déjà du désir homosexuel comme un feu dévorant : (Rm 1, 18 ; 26-27) : « La colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et contre toute injustice des hommes qui, par leur injustice, font obstacle à la vérité. […] C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions déshonorantes. Chez eux, les femmes ont échangé les rapports naturels pour des rapports contre nature. De même, les hommes ont abandonné les rapports naturels avec les femmes pour brûler de désir les uns pour les autres ; les hommes font avec les hommes des choses infâmes, et ils reçoivent en retour dans leur propre personne le salaire dû à leur égarement. » Et si, très inconsciemment, les lesbiennes nous prévenaient du feu des enfers et étaient les gardiennes-avertisseurs de la pratique homosexuelle ?
 

 

Lors de la Soirée Slam poétique « Les Grandes Histoires » du 7 décembre 2022 à la Matreselva (Paris), la slameuse lesbienne nommée Palma a sorti inconsciemment lors de son passage récité une référence entre lesbianisme et feu : « On se fait insulter comme un vrai couple de femmes, sans oublier jamais que ce qui compte c’est notre flamme. » Éminemment autobiographique.
 

 

 

Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, rien que le titre suggère la fusion des deux amants Thomas et François. Mais ce n’est pas tout : leurs rapprochements corporels amoureux sont mis sous le signe de la chaleur. Par exemple, ils improvisent chez eux une « Soirée feu-de-bois-peau-de-bête » Plus tard, on apprend que lors d’un dîner en amoureux dans un resto, François a brûlé au troisième degré Thomas en lui renversant des moules bouillantes dessus. Enfin, après une nouvelle dispute, François s’emporte : « Je te brûle ton marche-pied de la salle de bain ! » Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, Nathan, le héros homosexuel, raconte que, quand il avait 19 ans, il a été pris dans une tempête de neige alors qu’il se trouvait en voiture avec son amant Arnaud. Ils ont été rendus invisibles. Nathan s’est imaginé un accident dans lequel une voiture se serait encastrée dans la leur, et que leurs corps calcinés auraient été ensuite retrouvés sans vie, constitueraient les funestes carcasses noircies d’une homosexualité vécue dans l’ombre et stigmatisée socialement.
 

Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Donato, l’un des héros homosexuels, rentre, on ne sait trop pourquoi, à l’intérieur d’un collège désert, et pénètre dans une des salles de classe où il répète ce qu’il lit sur les murs : « Physique nucléaire… Physique nucléaire… » Dans le film lesbien archi cucul « Elena » (2010) de Nicole Conn, Tyler Montague, le commentateur « psy » (branché développement personnel, avec un zeste de spiritualité), expose sa théorie quasi irrationnelle de la « flamme jumelle » : il considère en effet que les amants (homos, hétéros, peu importe ! il suffit d’être « amoureux » !) sont comme deux flammes qui ne vont en former qu’une seule, sans même avoir maîtrisé consciemment leur symbiose : « En amour, un plus un font… un. Nous avons rarement l’occasion de voir tout l’art de l’amour. Mais ce que nous désirons tous : être aimés… d’un amour total, heathcliffien, unique, fusionnel. » Ce gourou gay friendly fait d’ailleurs tout pour que le couple lesbien Peyton-Elena se forme « naturellement ». Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, la théorie du ying et du yang sert à justifier la supposée attraction homosexuelle entre les deux amis Schmidt et Jenko. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, une sorte de pasteur célèbre le mariage de Ben et Georges : il parle de l’amour comme d’une « énergie ». Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Arnaud, l’un des héros homos, croit, en amour et en matière de sexualité, au « principe de pressions réciproques », en s’appuyant sur un scientifique, Steinmann. Dans l’épisode 8 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, la formation du couple homo Éric/Adam est chimique et se forme en cours de chimie (sur un cours sur les valves pulmonaires et le cœur-organe !).

 

Au tout début du film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, Michel explique à Mélodie que pour ne pas perdre un savon qui s’amenuise dangereusement vers sa fin, il faut le faire fusionner avec un gros savon neuf… et cette « fusion », en plus d’être écolo, se veut une illustration scientifique des rapports humains amoureux aussi (que lui, Mélodie et Charlotte vont vivre dans le triolisme). En parlant des deux morceaux de savon, il dit ceci : « Ça les rassemble et les unit en un seul individu. »
 

Le désir homosexuel fonctionne par associations mentales abolissant la différence des sexes, mais aussi la différence des générations et celle des espaces : « J’imaginais le corps de Linde et la carte du pays fusionnant les limites entre plusieurs États afin qu’ils se chevauchent. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 57) Par exemple, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, Vincent (30 ans) ne supporte tellement plus la fusion amoureuse avec Stéphane (50 ans) qu’il le bat régulièrement et finit par quitter : « On était l’un sur l’autre. C’était étouffant ! » Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, la relation d’« amour » entre Charlotte et Mélodie fait yo-yo : « J’comprends pas pourquoi tu ne me quittes pas. (Mélodie à Charlotte). Charlotte n’est pas prête à tout quitter ni à renoncer à sa relation hétéro avec Michel, pour suivre Mélodie, ce qui fait que cette dernière a l’impression de compter pour du beurre. Et c’est quand Mélodie s’éloigne que Charlotte revient à la charge. Mélodie en perd son latin : « Alors c’est que ça ? Faut que je te fuis pour que tu me rattrapes ? »

. Par exemple, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Hugo, le héros gay, embrasse pour la première fois Patrick, en regardant une aurore boréale. Le couple y voit un signe qu’ils sont « deux âmes-sœurs qui se retrouvent » et qui se seraient connues avant même leur naissance terrestre, dans d’autres vies…
 

Film "Mel & Jenny" de Nana Neul

Film « Mel & Jenny » de Nana Neul


 

De manière générale, la juste distance entre les amants homosexuels fictionnels est difficilement trouvée, et génère bien des tensions (celles qui fonctionnent en yoyo) Étant toujours forcée, la fusion contient logiquement sa part de menace qui lui est consubstantielle : « C’était étrange, ta dépendance. » (Vincent s’adressant à son ex-amant Stéphane, très possessif, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « C’est vrai que c’est pas simple, une greffe. Faut faire attention au phénomène de rejet. » (Thierry, le héros homosexuel s’adressant à son amant Martin, par rapport à sa propre intégration dans la famille de Martin, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche, épisode 8, « Une Famille pour Noël ») ; « Toujours trop long à m’attacher et si long à me détacher. » (cf. la chanson « Au Jack au mois d’avril » d’Étienne Daho) ; « Lâche, c’est plus fort que toi, tu nous fais mal, ne t’éloigne pas de mes bras. » (cf. la chanson « Beyond My Control » de Mylène Farmer) ; « Pas de ça chez moi ! Je te rends ton baiser ! » (Nathalie s’adressant à Tatiana dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa) ; « Elle m’a parlé de Sarah qui alternait les promesses et les refus, qui la repoussait et revenait la chercher quand Jane, découragée, renonçait. » (Suzanne dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 65) ; « J’ai juste envie de vomir à chaque fois que tu me touches. » (Édouard s’adressant à son amant Georges, dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; « Vous n’êtes pas un peu serrés tous les deux ? » (le père de Chris s’adressant à son fils et à Ruzy l’amant de ce dernier, sans comprendre encore qu’ils sont en couple, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « J’étouffais. » (Aurora parlant de sa dernière relation lesbienne, dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio) ; « Moi qui nous croyais soudés… » (Georges s’adressant à son amant William, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; « Je brûle pour toi jusqu’à l’asphyxie. » (William s’adressant à Georges, idem) ; « Je vous trouve envahissante. Votre appétit m’étouffe. » (Fanny s’adressant à son amante Catherine, dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat) ; « Tu as pris toute la place. J’avais un tout petit bout de lit. » (Vlad, l’un des héros homosexuels, s’adressant au matin à son amant Anton dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé, Didier dit à son amant qu’il l’« étouffe ». Dans le film « Harakiri Children » (2008) d’Ivan Livakovic, deux hommes tombent amoureux et se retrouvent totalement isolés du monde… mais leur « nid d’amour » se révèlera être un véritable champ de bataille. Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, le « couple » Gabriel et Philippe est en perpétuelle tension entre rupture et fusion : Gabriel est un chien fou très absorbant, tandis que Philippe est au contraire très distant, nonchalant et n’assume pas leur union ; et dès que les engueulades menacent la cohésion de leur tout, Gabriel se met toujours à promettre un PaCS pour rabibocher fiévreusement et artificiellement les choses. Même souci de « colle amoureuse qui colle mal », et où l’un des partenaires du couple est plus à fond que l’autre, avec le film « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider… alors que pourtant, tout semblait tenir sur la photo instantanée : « Nos deux cœurs sont collés ensemble. » (Laurent s’adressant à André) Dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, Michel ne veut pas rester « scotché » à son amant Franck (« Si on commence comme ça, dans une semaine, on en aura marre l’un de l’autre. ») alors que Franck veut plus de proximité et d’engagement (« Ça ne va pas m’amuser longtemps. »). Dans le film « Verde Verde » (2012) d’Enrique Pineda Barnet, Alfredo et Carlos passent par toutes les phases de l’élastique tendu et détendu de la passion : attraction, processus de séduction et rejet… Dans le film « Chacun cherche son chat » (1996) de Cédric Klapisch, après leur engueulade, Michel plaque son copain Jean-Yves à cause de sa possessivité ou de son propre refus de s’engager : « Il commençait à s’attacher, alors… » Dans le film « Verde Verde » (2012) d’Enrique Pineda Barnet, la relation amoureuse qui s’instaure entre Alfredo et Carlos est un processus complexe d’attraction, de séduction et de rejet. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, à maintes reprises, les crises d’étouffement physique de Charlène, l’héroïne lesbienne, coïncident avec les vissicitudes douloureuses de sa passion amoureuse pour Sarah. À la fin, Charlène finit par étouffer son amante avec un coussin tellement elle est odieuse. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ian est en couple avec John, mais ça semble compliqué : John a toujours refusé de « s’engager »… et c’est au moment où Ian décide de partir au Mexique que John se met à lui dire qu’il est « l’homme de sa vie ».

 

Dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, Polly, l’héroïne lesbienne, tombe de haut quand la relation fusionnelle qu’elle a partagée depuis quelques mois avec sa compagne Claude, se solde par une rupture impromptue : « Putain, mais je comprends pas. On est tellement dans la fusion, avec Claude, elle m’a fait un vieux plan parano. » (p. 75) Son pote homo Simon s’énerve brutalement contre sa naïveté : « Non mais t’es dans la fusion, toi, Polly, et tu crois encore aux contes de fées lesbiennes. Franchement, il te faudrait quoi ? Que la merveilleuse princesse endormie te tombe dans les bras et qu’elle soit ta copie conforme, pas de soucis, pas d’angoisse, deux jumelles incestueuses qui sont le reflet l’une de l’autre, la parfaite copie ? » (p. 76)

 

Dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin, Antoine vit en couple depuis longtemps avec Adar, un gars gentil mais fade, qu’il maltraite par son impatience, son exaspération croissante. Ils souffrent de vivre une relation sans forme, sécuritaire, sans avoir la force de rompre : « On ne peut pas quitter Adar. » avoue Antoine, « J’arrive pas à l’abandonner. » Louis, le frère hétéro volage d’Antoine, relève l’hypocrisie immature de ce fonctionnement de couple : « Tu sais, l’amour et la pitié, ça fait pas bon ménage. »
 

La fusion amoureuse homosexuelle n’est en général pas communionnelle, mais plutôt le signe d’une refus de la solitude et de la liberté… d’une instrumentalisation mutuelle : « Tu comprends pas que je suis trop lâche pour te mettre dehors ?!? » (JP à son petit copain Ben, dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, épisode 3 « État secret ») ; « Quand tu t’y mets, t’es une sang-sue. Et c’est d’un ennui mortel. Je te jure que t’es d’un ennui mortel. » (Dick s’adressant à Tom, le héros homosexuel, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; « On s’aime beaucoup mais on s’empêche de vivre. » (Nathalie à son amante Louise, dans le film « La Répétition » (2001) de Catherine Corsini) ; « Je retrouve ta chair. Je passe d’un monde à l’autre. Cela n’est pas si difficile. D’abord, tu me prends dans tes bras. Tu as ce geste immédiat, instinctif de rechercher mon contact, d’être comme moi, d’imprimer ton corps sur le mien, d’atteindre ce moment où ils sont en symbiose, où leurs épousailles les transforment en un seul objet. » (Vincent s’adressant à son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 63) ; « Je ne peux plus continuer avec Jo. Il ne se passe plus rien. On est passés d’une relation fusionnelle à une relation fraternelle. » (Matthieu parlant de la relation d’un an qu’il vit avec Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « S’aimer : résistance, dissonance. » (cf. la chanson « Love Song » de Mylène Farmer) ; etc. Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Pierre Bergé se voit reprocher par les amis ou la famille de Yves Saint-Laurent d’étouffer ce dernier : « Tu peux pas isoler Yves comme ça. Yves a des amis ! » (Loulou)

 
 

b) Polysémie de l’adverbe « contre » :

Le double sens de l’adverbe « contre » est très employé dans les œuvres homo-érotiques ; le personnage homosexuel se sent à la fois « tout contre » son partenaire, et « contre lui » : cf. le roman Tout contre Léo (2004) de Christophe Honoré, le film « Saturno Contro » (2007) de Ferzan Oztepek, la chanson « Mujer Contra Mujer » (« Une Femme avec une femme ») du groupe Mecano, la chanson « Amoureuse » de Véronique Sanson (« Quand je me serre tout contre lui, quand je sens que j’entre dans sa vie, je prie pour que le destin m’en sorte, je prie pour que le diable m’emporte. »), la chanson « Les Uns contre les autres » de Marie-Jeanne dans le spectacle musical Starmania de Michel Berger, la chanson « Duel au soleil » d’Étienne Daho (« Tu es le soleil contre moi. »), la chanson « L’un contre l’autre » d’Élisa Tovati (« On était si bien l’un contre l’autre. Qu’est-ce qui nous a poussés l’un contre l’autre avec le temps ? »), le film « La Belle Image » (1950) de Claude Heymann, le film « Le Corps de mon ennemi » (1976) d’Henri Verneuil, le film « Contracorriente » (2009) de Javier Fuentes-León, le film « Peau contre peau » (1991) de François Ozon, le film « Grégoire Moulin contre l’humanité » (2011) d’Artus de Penguern, la chanson « À contre-courant » d’Alizée, etc.

 

L’adverbe polysémique « contre » symbolise un amour homosexuel à la fois rassurant et destructeur : « J’ai rêvé en m’endormant, hier soir, que je te chantais une chanson douce, une chanson française, et que nous nous endormions près d’une cascade en pleine nature, à la belle étoile, l’un contre l’autre – l’un dans l’autre… » (Chris s’adressant à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, pp. 119-120) ; « Je me pose tout contre lui. » (Kevin en parlant de Joe, dans la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton) ; « Je la serrai contre moi. Jamais encore je n’avais été si proche de ce qui, chez elle, m’échappait et m’attirait. » (Laura en parlant de son amante Sylvia, dans le roman Deux Femmes (1975) de Harry Muslisch, p. 85) ; etc.

 

Les amants homosexuels sont très souvent en conflit parce qu’ils se placent systématiquement l’un contre l’autre, dans tous les sens du terme : « Depuis longtemps, nous n’avions pas été ainsi : corps contre corps. » (Kévin et Bryan, les héros homosexuels du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 284) ; « Kévin pleurait toujours. Je le pris dans mes bras et le serai très fort contre ma poitrine. Nous étions face à face, corps contre corps, les yeux dans les yeux. Ce moment-là, je l’avais trop désiré. Encore une fois l’impression de rêver ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, op. cit., p. 317) ; « On continua de parler, dans la pénombre de ma chambre, dans la chaleur de mon lit, l’un contre l’autre. » (Kévin et Bryan, op. cit., p. 326) ; « Elle [Harriet] peut s’amuser à vous jeter contre moi. » (Auguste à Théo dans le film « Un Mariage à trois » (2009) de Jacques Doillon) ; « Prends-moi dans tes bras, sans réfléchir, corps à corps, bouche contre bouche. » (Vincent à son amant Arthur dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 36-37) ; « Je me souviens de nous, marchant dans la rue, l’un contre l’autre, deux contre tous, à contresens. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « Et j’ai compris. Khalid était mon ennemi. J’étais son ennemi. C’était écrit. Rien ne pouvait plus changer cette fatalité. J’ai fermé les yeux, moi aussi. Pour mieux me préparer au dernier combat. Le dernier round. Le dernier chapitre. L’un contre l’autre. » (Omar parlant de Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 163) ; « Ronit scruta l’obscurité, penchée vers la droite. Le mouvement la rapprocha d’Esti, elle se retrouva collée à elle, son flanc contre le sien. Elle fit la moue, perplexe. » (Ronit et Esti, les héroïnes lesbiennes, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 137) ; etc.

 

Par exemple, dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa raconte qu’elle préfère vivre seule et qu’elle a l’impression d’être contre le cul d’un cheval : elle rajoute que contre un corps, elle ne sait même pas où mettre ses jambes. Dans la chanson « Quelle heure est-il ? » de Bilal Hassani, l’étreinte vire à l’étouffement : « Je me sens serré dans tes bras. Des bras que je ne connais pas. Je me sens serré, s’il te plaît. Je suis trop serré contre toi. »

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La recherche homosexuelle de la fusion :

Dans les discours de beaucoup de personnes homosexuelles désirant être pratiquantes, il est souvent question de la fusion, une fusion très proche du narcissisme, d’ailleurs : « Je ne me rappelle pas comment, ni pourquoi, mon union avec Jimmie s’est faite sur le sol carrelé blanc de la salle de bains de Merrywood. […] Nous étions là, ventre contre ventre, en train de ne former plus qu’un. […] Nous nous sommes donc simplement enlacés, reconstituant ainsi le mâle originel que Zeus avait divisé. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 47) ; « À deux, nos âmes fusionnent, nos cœurs se fondent l’un dans l’autre. » (Felice Newman, Les Plaisirs de l’amour lesbien, 2003) ; « Il y a souvent dans les amours dites ‘marginales’ cette impression de pulvérisation, quelque chose qui se délite, qui s’émiette, qui laisse en effet insatisfait. Parfois une impression de tristesse douloureuse. Il y a la lassitude, l’incuriosité. Alors ça ! Le nombre de couples, homos ou hétéros, qui ne font pas assez durer leur musique parce que l’un ou l’autre n’est pas assez curieux de l’autre, ou qu’il ne l’aime pas assez pour accepter de passer derrière l’autre… » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; etc.

 

Par exemple, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko déclare qu’il a ressenti très tôt « des sentiments de fusions et d’effusions proches de son attirance envers les garçons » (p. 96).

 

Sans faire trop de psychologie de comptoir, on peut quand même voir dans la recherche de fusion amoureuse une résurgence d’un manque de détachement de certaines personnes homosexuelles avec leurs propres parents, un rapport filial incestueux, ou une phase oedipienne mal gérée dans l’enfance : « Schreber restait secrètement un petit enfant qui désirait être l’unique possesseur de la mère – possession rendue possible uniquement par son identification à elle, primitive et magique – une fusion symbolique et magique. » (White cité dans l’article « Faits et hypothèses » de Robert J. Stoller, sur Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 217) ; « Le sens de la réalité leur échappe parce qu’ils ont fait pour ainsi dire l’économie de l’étape oedipienne et que la séparation entre Moi et non-Moi n’existe pas pour eux. Leur vision du monde est de type fusionnel. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 97)

 

Par exemple, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013, on nous fait croire que la relation incestuelle, « fusionnelle » et de copinage entre le père homosexuel et sa fille biologique pourrait très bien se substituer à l’union conjugale passée du père et de la mère biologiques, par l’entremise magique du coming out (ils discutent « mecs » ensemble, peuvent faire du shopping et se conseiller vestimentairement). La séparation ou la rupture conjugale femme-homme est maquillée et surinvestie en fusion filiale, « grâce » à l’homosexualité.

 

À l’âge adulte, beaucoup d’entre elles vivent dans le fantasme de fusionner avec leur amant, de ne faire qu’Un avec lui pour le faire disparaître ou pour disparaître elles-mêmes : « Il devient plus qu’un simple corps et se transforme en une extension de mon être. Je n’existe qu’à travers lui. Qu’en lui. Je n’ai plus de vie propre, je fusionne avec lui. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 54) ; « Il se fascine sur l’Autre et fuit sa propre conscience de soi. » (Jean-Paul Sartre parlant de Jean Genet, dans sa biographie Saint Genet (1952), p. 169) ; etc.

 

Il est fréquent que l’amour homosexuel soit comparé à une solution chimique combustible, à un feu de paille. La fusion, dans un premier temps source de chaleur et d’union réconfortante, laisse vite place à la rupture glaciale : « Antoine aime être auprès de Bruno. Il aime sa chaleur. Il en a besoin. Mais il arrive un moment où il faut se détacher et le corps n’obéit pas… » (cf. résumé du film « Chaleur humaine » (2012) de Christophe Predari dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 58) ; « Je crois que mon coloc veut me serrer. » (cf. la chanson « Mon Coloc » de Max Boublil) ; « Vous avez réussi à absorber ma vie entière. » (Oscar Wilde à son amant Lord Douglas, dans sa lettre De Profundis, 1897) ; « J’attends Slimane. Je suis Slimane. Tellement habité par lui. Respirant exactement comme lui. Dans Le Petit Robert, je cherche à le comprendre davantage. À me rapprocher encore plus de ce qu’il est. De ce qu’il fait quand il part au travail. Être là où je ne peux être avec lui. ‘FONDERIE : Atelier où l’on coule du métal en fusion pour fabriquer certains objets. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 107) ; « Disciple de Messmer ou adepte du mesmérisme, Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895) croyait beaucoup au magnétisme et pour lui le courant érotico-magnétique était concentré dans l’organe sexuel masculin. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 79) ; etc.

 

Par exemple, pendant les trois longues heures du film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, le spectateur n’a droit qu’à des gros plans très resserrés sur les visages des héros… quand ce ne sont pas des plans carrément flous d’être trop proches, ni des scènes filmées en caméra subjective. Il n’y a pas d’espace : ni entre les personnages (qui passent leur temps à s’embrasser), ni entre le réalisateur et ce/ceux qu’il filme. Cela montre bien que « La Vie d’Adèle », même dans sa forme, est un film égocentrique, narcissique, fusionnel et oppressant.

 

Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895) suppose dans ses écrits que « le plaisir de l’homosexuel est supérieur au déplaisir de son partenaire – comme si, encore une fois, ils pouvaient être mesurés et comparés -, et que donc, la somme des deux étant positive, cette relation est justifiée. Nul besoin de dire qu’on est là sur une pente glissante extrêmement dangereuse, où l’on peut justifier toutes sortes de mise en esclavage d’une minorité par une majorité au nom du « bien commun ». Nul besoin non plus d’insister sur les germes de totalitarisme que contient cet utilitarisme sexuel ». (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 86)
 

La présence physique, et le rapprochement des corps ne sont pas systématiquement synonymes du rapprochement des cœurs. Parfois, ils peuvent même être un mirage occultant l’absence d’amour, l’incroyable isolement qui se vit dans le couple homosexuel : « Quand nous étions ensemble, Martine et moi, nous étions seules. Nous avions essayé de nous tenir chaud, de nous réconforter l’une à l’autre, mais la solitude était toujours là et ce n’était pas la vie. Martine et moi étions deux vieux garçons misogynes, mais à qui était-ce la faute ? » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 134)

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Souvent, la juste distance entre les amants homosexuels est difficilement trouvée, et génère bien des tensions (celles qui fonctionnent en yoyo) ; parfois même des viols : Vladimir Marinov nous parle à juste raison de cette « tension entre liaison et déliaison excessives » impulsée par les désirs dispersants tels que les désirs homosexuel ou hétérosexuel, qui ne sont que des variantes de la pulsion de mort. « La pulsion de mort n’est pas plus associée à un mouvement de déliaison outrancier qu’à un mouvement de liaison excessif ; les deux mouvements, poussés à l’extrême, peuvent devenir destructeurs ; de fait, ils sont complètementaires et inséparables. » (cf. l’article « Le Narcissisme dans les troubles de conduites alimentaires » de Vladimir Marinov, dans l’essai Anorexie, addictions et fragilités narcissiques (2001), p. 59) Dans les couples hétérosexuels comme homosexuels, il y a peu de place pour le Désir tant la fusion en leur sein est désirée : « Il n’y a pas de désir entre nous. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 334) ; « Dans le rapport homosexuel, il va y avoir un rapport de forces qui va s’établir… un rapport de forces qu’il faut essayer d’éviter. Mais entre deux hommes ou entre deux femmes, à cause du conditionnement qui nous entoure, il y a un rapport d’autorité, de domination, de possession qui essaie de s’exercer. Et c’est là qu’il faut suffisamment d’amour pour éviter ce rapport de possesseur à possédé. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; etc. Pensons également au nom de scène choisi par la chanteuse/le chanteur français(e) Desireless, ainsi qu’au titre de la pièce Parce qu’il n’avait plus de désir (2007) de Lévy Blancard. La fusion recherchée n’est en général pas communionnelle, mais plutôt le signe d’un refus de sa propre solitude et liberté : cf. le magazine des sexualités gays qui s’intitule Prends-moi, l’essai Comme un seul homme (2012) d’Emmanuel Pierrat, etc. Je vous renvoie aux codes « Viol », « Pygmalion » et « Désir désordonné » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Ce qui est vrai en amour homosexuel (= cette violence de la fusion désirée) l’est aussi pour le rapport de beaucoup de personnes homosexuelles vis à vis du monde qui les entoure. On observe un manque de distance, un manque de chasteté, un manque de maturité, qui confinent à l’orgueil de se prendre pour Dieu et de s’auto-suffire : « Je suis vivant. Le monde n’est pas seulement une chose posée là, extérieure à moi-même. J’y participe, il m’est offert, mais ce n’est plus ma vie. Je suis la vie. » (« C. » en épitaphe dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 6) ; « Tu l’as dit toi-même. Je ne sais pas couper les liens que j’ai avec les autres. » (Xavier, homosexuel, s’adressant à sa fille, dans le documentaire « Cet homme-là (est un mille-feuilles) » (2011) de Patricia Mortagne) ; « L’idée, c’est qu’on soit tous les deux le père biologique. Ce serait des jumeaux avec la même mère biologique et le sperme de nous deux. » (Christophe à propos de Bruno, son compagnon, avec qui il programme une GPA avec mère porteuse, dans le documentaire « Deux hommes et un couffin » de l’émission 13h15 le dimanche diffusé sur la chaîne France 2 le dimanche 26 juillet 2015) ; etc.

 
 

b) Polysémie de l’adverbe « contre » :

Film "En chair et en os" de Pedro Almodovar

Film « En chair et en os » de Pedro Almodovar


 

Le double sens de l’adverbe « contre » est très employé par les personnes homosexuelles ; elles se sentent à la fois « tout contre » leur partenaire, et « contre lui ». L’adverbe polysémique « contre » symbolise en général un amour homosexuel rassurant et destructeur : « Le chanteur est arrivé : la foule s’est agitée, elle s’est compressée en direction de la scène. Le corps de l’homme s’est retrouvé poussé contre le mien, et à chaque mouvement de foule nos corps entraient en friction. Nous étions de plus en plus serrés l’un contre l’autre. Il souriait, gêné et amusé, le corps irradiant l’odeur de la sueur. J’ai perçu son changement d’état, son sexe se dresser progressivement et cogner le bas de mon dos. » (Eddy Bellegueule dans son autobiographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 177) ; « J’ai d’abord imaginé que je lui faisais l’amour, à elle, Sabrina, sachant qu’une pareille image ne pouvait pas me faire bander. Puis j’ai imaginé des corps d’hommes contre le mien, des corps musclés et velus qui seraient entrés en collision avec le mien, trois, quatre hommes massifs et brutaux. J’ai imaginé des hommes qui m’auraient saisi les bras pour m’empêcher de faire le moindre mouvement et auraient introduit leur sexe en moi, un à un, posant leurs mains sur ma bouche pour me faire taire. Des hommes qui auraient transpercé, déchiré mon corps comme une fragile feuille de papier. » (idem, p. 193) ; « Je haïssais Chouaïb. Il ne m’attirait plus. Mais je voulais rester ainsi pour toujours, nu, collé à lui tout aussi nu, peau contre peau, vivant dans le chaos de cette guerre intime, sexuelle. » (Abdellah Taïa à propos de son cousin Chouaïb dont il est amoureux, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 23) ; « Je ne pouvais pas dormir. Excité par mes souvenirs encore tout frais de nous deux la veille du retour à Paris, intensément dans le désir et les sentiments bruts, silencieux, loin, puis proches, corps contre corps. » (Abdellah Taïa à propos de Javier, op. cit., pp. 39-40) ; « Slimane ne m’avait donc rendu que quelques pages de notre journal. Il avait gardé le reste pour lui, l’avait peut-être détruit. Brûlé. Tout ce que nous avions écrit ensemble, corps contre corps, mains jointes presque, il l’avait pris pour lui, volé pour lui.  La mémoire écrite de notre histoire lui appartenait désormais. » (Abdellah Taïa parlant de son amant Slimane, op. cit., p. 110) ; « Slimane, je n’arrive plus à t’appeler cher Slimane, tellement je suis en colère. Contre toi. Contre moi. Contre cette injustice que tu m’imposes. Contre l’amour qui n’a plus aucun sens aujourd’hui pour moi et qui, pourtant, est encore là, au fond de mon cœur. Contre cette censure que tu te permets d’exercer dans notre ‘Journal amoureux’. » (idem, p. 112) ; « On s’oublie le long du corps de l’autre, de sa douceur et sa chaleur. On s’oublie réellement, je veux dire, on ne sait plus très bien où l’on et, on agit avec instinct, les yeux mi-clos, le cerveau éteint. C’est bon et vain à la fois. […] On devient deux corps étrangers posés l’un contre l’autre, encore chauds, encore endoloris par endroit. On est presque surpris par cette indélicatesse de l’autre de s’être laissé aller si promptement à ses instincts les plus vils. La recherche égoïste et rageuse du plaisir à l’encontre de l’autre. Je filme. Il me regarde avec étrangeté, sans ses lunettes écailles. Dans son regard, il n’y a ni douceur ni tendresse, juste un étonnement, un questionnement. Je murmure : ‘Quand on ouvre les yeux, on doit se souvenir contre qui on s’est échoué.’ » (Mike à son amant d’un soir, « P.-O. », dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 57-58) ; « Je flairais un brin d’allégresse, lorsque la sensation de ses doigts pour me pousser à danser contre lui pénétrait sur ma chair, créant une vive douleur. Cependant, je désirais cette souffrance pour reprendre conscience de mon corps, comme emporté loin de moi par la vague de plaisir. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 66) ; etc. Par exemple, en 1875, Heinrich Marx s’exprime à propos de l’acte sexuel entre un homme et un Uraniste : « Puisque l’Uraniste a un corps principalement charnu et tendre, en serrant les cuisses l’une contre l’autre, il offre une place pulpeuse à la place des organes féminins, qui est capable de s’adapter à l’organe d’amour de l’homme. Pendant la jouissance, comme dans l’amour ordinaire, l’homme et l’Uraniste sentent passer un courant magnétique. »

 

Entre fusion et confusion, il n’y a qu’une seule syllabe de différence ! (… et pas n’importe laquelle !). Enfin, pour la petite histoire, je ne crois pas que Fire Island soit un lieu de villégiature homo par hasard…

 
 

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Code n°84 – Haine de la beauté (sous-code : Beauté du diable)

haine de la beauté

Haine de la beauté

 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

 

Victimes de la beauté plastique et corporelle

donc fatalement ennemies

de la Beauté plus profonde

 
 

On entend souvent dire que les personnes homosexuelles auraient une sensibilité particulière pour l’art, une acuité plus accrue pour créer et apprécier la Beauté que n’importe qui. Elles seraient nées esthètes (mélomanes, épicuriennes, stylistes, etc.) sans le vouloir, comme par magie ! Cette idée reçue a la peau dure, et me semble en réalité un énorme canular que la société a orchestré pour les asservir tout en les flattant démagogiquement, et pour les réduire au silence à propos des violences qu’elle leur a infligées. Un « Va dessiner » qui résonne comme un souriant « Dégage ». Ce n’est pas parce qu’on adore la Beauté qu’on L’aime, et qu’on ne La dénature pas/détruit pas. L’idolâtrie cache toujours une haine jalouse. Et les personnes homosexuelles, parce qu’elles ont voulu/veulent posséder la Beauté comme un objet avec lequel elles pourraient magiquement fusionner afin de s’oublier elles-mêmes, n’ont pas une relation chaste à Celle-ci. Leur manque de distance par rapport à la Beauté (se) traduit en général (par) la création de kitsch et de camp (des arts de mauvaise qualité, il faut le dire), et par la croyance de la toute-puissance de la mort, de la méchanceté, et de l’artifice.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Différences physiques », « Maquillage », « Pygmalion », « Reine », « Amant diabolique », « Scatologie », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Adeptes des pratiques SM », « Actrice-traîtresse », « Homosexualité noire et glorieuse », « Se prendre pour le diable », « Défense du tyran », « Femme fellinienne géante et pantin », « Artiste raté », à la partie « Monstres » du code « Morts-vivants », à la partie « Vomi » du code « Obèses anorexiques », et la partie « Kitsch » du code « Fan de feuilletons », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

La passion destructrice pour la Beauté

HAINE 1 Bête

Film « La Belle et la Bête » de Jean Cocteau


 

Il est difficile d’expliquer pourquoi bon nombre de personnes homosexuelles, connues pour être les rois des esthètes, sont attirées par le bas de gamme kitsch, l’idiotie, et le laid. L’une des raisons que j’invoquerai, c’est leur rapport fanatique à la Beauté. Dans leurs rêves asexués, parce qu’elles ne se sont fiées qu’à un certain type de beauté (la moins intéressante, la plus évidente et superficielle, à savoir la beauté plastique défendue par les magazines de mode), pour délaisser la vraie Beauté (la Beauté grave de la Croix et de la Résurrection), elles s’imaginent naïvement que le beau est forcément bon, innocent, et tout-puissant. Elles confondent l’esthétique avec l’éthique au point qu’elles se disent qu’elles aiment d’amour ce qu’elles trouvent visuellement beau.

 

Mais un beau jour, pendant qu’elles berçaient la Beauté en orgueilleuses mamans, elles ont découvert avec amertume le divorce parfois possible entre esthétique et éthique : ce qui est beau peut aussi faire le mal ; leur actrice hollywoodienne a desservi les systèmes politiques les plus abjectes ; et la vraie Beauté, parce qu’Elle aiment tous les Hommes et qu’Elle se laisse toucher, a consenti à se rendre potentiellement faible et instrumentalisable. Et ça, elles ne l’ont pas digéré : « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai injuriée. […] Ô sorcières, ô misère, ô haine, c’est à vous que mon trésor a été confié ! » (le début du roman Une Saison en enfer (1869-1872) d’Arthur Rimbaud)

 

Depuis, certaines fuient la beauté comme la peste. « La beauté est trop amère, je suis un homme blessé » (Olivier Py, L’Inachevé (2003), p. 71). Finalement, elles reprochent à la Beauté d’être belle, forte et fragile à la fois, foncièrement bonne, et de n’être que cela. Parfois, elles regrettent qu’Elle ne se laisse pas dénaturer, même si Elle se laisse exploiter. Elles la voudraient objet magique soumis à leur volonté, instrument de pouvoir et de séduction, bijou qu’elles pourraient conserver dans leurs coffres, ou engendrer par l’art.

 

Paradoxalement, à la conviction qu’elles peuvent prendre la Beauté dans leurs mains et La créer elles-mêmes, va se superposer, du fait de leur échec, la conviction que la Beauté n’existe pas ou qu’Elle est inaccessible, inintelligible, diabolique, laide, dangereuse. Elles se vengent de leur propre naïveté en mêlant les extrêmes esthétiques, le très beau et le très laid. Comme Sylvano Bussotti, Hervé Guibert, Manuel Puig, et bien d’autres, elles passent insensiblement de la scatologie au raffinement glamour, du conte enfantin au gore. Le chœur des sorcières shakespearien dans Macbeth (1606) énonce le curieux credo esthético-éthique de la communauté homosexuelle : « Le hideux est beau, le beau est hideux. » Fini la beauté fade ! Maintenant, c’est la fascination pour la laideur, la monstruosité, la vieillesse ou la méchanceté qui gagne à leurs yeux une relative dignité, qui se pare de lucidité.

 

Tandis qu’elles continuent de croire que « tout est beau » (Andy Warhol, cité sur le site http://www.st-ambroise.org) avec des cœurs dans les yeux, certaines personnes homosexuelles établissent une frontière étanche entre beauté et bonté, et se servent de l’excuse de l’art pour instaurer un lien entre Beauté, Amour et mort. Elles vont ainsi trouver particulièrement belle non pas la mort en elle-même mais la représentation de la mort, la mise en scène du risque (notamment à travers la corrida, la boxe, le cirque, l’art gothique). Elles partent du principe que la Beauté est quelque chose qui ne durera jamais, que c’est la mort qu’elles admirent en Elle. Elles se passionnent, comme Luis Cernuda, pour « la splendeur de la fugacité et la beauté éphémère ». Elles croient que seule l’irruption subite de la mort dans la beauté arrivera à concilier la Réalité et leurs désirs.

 

C’est pourquoi elles peuvent trouver le mal beau. Elles sont esthétiquement attirées par les méchantes de dessins animés (Vampirella ou Cruella fait l’unanimité quand il s’agit pour certaines de se déguiser à l’occasion d’un bal masqué ou d’Halloween). Cette attraction pour la « beauté du diable » n’est pas très évidente à expliquer – en effet, comment peut-on fêter la Beauté par sa presque-négation ? –, mais force est de constater qu’elle est une réalité de leur désir. L’Homme qui amalgame l’éthique avec l’esthétique, et surtout qui fait passer l’esthétique avant l’éthique – alors que pourtant, l’esthétique obéit à l’éthique, comme la beauté obéit à la Réalité –, ne fait attention qu’à ce qu’il veut en oubliant la manière dont il le veut, est tenté de faire de l’échelle de ses désirs (j’aime/j’aime pas) son échelle de valeurs (c’est bien/c’est mal) ou de goûts (c’est beau/c’est laid). Et il souffre de placer ses désirs avant ce qu’il sait bien ou mal, de cette désunion entre ce qu’il veut et ce qu’il est, ce qu’il voit « beau » et ce qui devrait être dans l’idéal. Mais il ne faut pas perdre de vue qu’une éthique humaniste préside à sa passion pour la beauté et pour la laideur. Tout ce qu’il produit, même de laid, il le fait au nom de la beauté (donc pour lui de l’amour !). La destruction de la beauté, venant de certaines personnes homosexuelles, n’est par conséquent pas sciemment exécutée : en aucun cas elle ne doit être rangée du côté de la perversion morale.

 
 

Le désir de mort décliné en goût de la merde : le kitsch et le camp « queer »

Pour une majorité de sujets homosexuels (mais on pourrait dire de même pour leurs alter-ego hétérosexuels), la merde, c’est un peu comme la madeleine de Proust : un fétiche du désir. La scatologie et le goût de la pisse s’étalent dans beaucoup d’œuvres homo-érotiques, et concernent également la personne homosexuelle lambda, même si celle-ci préfère les attribuer uniquement aux artistes étiquetés « atypiques » ou aux soi-disant « détraqués du ‘milieu’ » (cf. je développe beaucoup plus le thème dans le code « Scatologie » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Sans aller jusqu’à ces extrêmes, et quand leur esprit romantique impose la décence et le refus de la saleté, certaines personnes homosexuelles en restent généralement à la frontière du fantasme de merde légèrement actualisé (humour « pipi caca » ou « en-dessous de la ceinture », saleté couplée paradoxalement à une scrupuleuse coquetterie, focalisation sur le sexe, grossièreté langagière, etc.).

 

La régression au stade anal, bien avant de mériter d’être jugée odieuse ou gamine, doit à mon avis être comprise comme une difficulté d’avoir un corps « propre », au double sens du terme : non sale et à soi. Il existe dans l’usage de la scatologie une revendication légitime du droit à reconnaître les merdes de l’existence. Certaines personnes homosexuelles demandent en effet à la société sur-protectrice qui les a gavées pourquoi, depuis leur enfance, elle leur a barré l’accès à la merde (laideur, difformités, mort, privations, risques, efforts, combats, interdits, rappel des limites et des manques, etc.), celui qui leur aurait permis de comprendre que la Vie est plus forte que la mort. Arrivées à l’âge adulte, leur quête de la merde se fait alors plus autoritaire… et s’exprime parfois radicalement par le désir de la produire elles-mêmes et de la goûter ! Elles désirent montrer la merde qui se cache derrière le maquillage social (c’est pourquoi elles présentent souvent la blancheur comme perdue ou trompeuse), signaler que ce maquillage est lui-même de la merde, ou que la merde proprement dite n’est pas plus méprisable que celui-ci puisqu’elle peut embellir et dissimuler une réalité sociale jugée insupportable.

 

Pour dire une sexualité insatisfaisante et un rapport au monde décorporalisé, beaucoup de personnes homosexuelles élaborent une esthétique du mauvais goût appelée « kitsch ». Ce dernier procède de ce que j’appellerai un « baroque narcissique ». Bon nombre d’artistes homosexuels actuels ont tendance à se revendiquer du baroque pour conspuer le classicisme qu’ils jugent « mauvais » et d’arrière-garde. Ils s’éloignent à mon avis du vrai baroque, le « baroque humaniste », celui du métissage universel, prôné par Alejo Carpentier. Le baroque humaniste, contrairement au baroque narcissique, n’est pas un courant artistique créé pour s’opposer au classicisme et instaurer une élite néo-baroque, mais bien une maison universelle censée abriter aussi les soi-disant auteurs « classiques » : « Le baroque doit se voir comme une constante humaine. » (Alejo Carpentier, Razón De Ser (1980), pp. 38-65)

 

Le kitsch fait partie du baroque narcissique étant donné qu’il mêle l’amour du beau et de la merde, de la démocratie et du totalitarisme. Tous les régimes politiques, religieux, artistiques, qui jadis se sont caractérisés par leur volonté de détruire l’Homme et sa liberté, en sont les plus gros producteurs. Comme le souligne José Amícola dans son essai Manuel Puig Y La Tela De Araña Que Atrapa Al Lector (1992), « le kitsch relie tous les éléments les plus réactionnaires sous une forme artistique » (p. 127).

 

Nos sociétés actuelles attribuent à cet art « tape-à-l’œil » ou « pacotille » une légèreté qu’il n’a pourtant pas, puisque le kitsch est l’attrait pour le maquillage des systèmes despotiques. S’appuyant généralement sur le folklore et le divertissement bon marché pour amortir sa réelle violence, il est le vernis esthétique appliqué par les dictatures quand celles-ci cherchent à occulter l’absence totale de culture. Milan Kundera lui a probablement donné la meilleure définition qui soit : « Le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde. […] Il est un paravent qui dissimule la mort. » (Milan Kundera, L’Insoutenable légèreté de l’être (1984), pp. 357-367) Les défenseurs du kitsch se proposent de sauver ce qui est destiné à la poubelle, à la fois pour dire que tout est artistique et que rien ne l’est si l’élite bourgeoise qui définit le bon du mauvais goût ne décide pas d’y investir son argent et son idéal de vie.

 

La différence entre le kitsch et l’art de qualité a l’air très mince. Sur la photo instantanée, ils semblent quasiment identiques. C’est sur la durée que le kitsch jaunit, car il privilégie l’image (autrement dit l’intention) à la Réalité. Le kitsch surgit de ce qui est humain et du regard amer que portent les Hommes sur leurs propres actes (pensez aux réactions que nous pouvons parfois avoir face aux photos de mariés exposées dans les magasins des photographes, condamnées au kitsch ou sauvées de lui selon notre clémence et notre paix intérieure). Tout est kitsch. On pourrait même dire qu’il y a du « kitsch presque objectif », selon la formule de l’éminent Jean-François Frackowiak, celui qui touche à la naïveté, à l’innocence touchante, à la bonté : il suscitera parfois le même rejet que les « bons sentiments ». Mais une chose devient « plus kitsch que les autres » quand l’Homme rentre à l’excès dans le paraître, le narcissisme, ou la jalousie.

 

Le kitsch est étroitement lié à la haine de la contrefaçon matérialiste, exprimée paradoxalement par un surinvestissement dans le paraître. En ce sens, « les filles et les garçons sans contrefaçon », autrement dit les personnes homosexuelles, méritent tout à fait leur titre d’« enfants du kitsch ». Ce n’est pas sans raison que Severo Sarduy allie homosexualité et kitsch quand il qualifie le mouvement artistique néo-baroque de « kitsch, camp et gay ». On retrouve le kitsch dans la naïveté paradisiaque des photos-peintures de Pierre et Gilles, dans l’accoutrement outrancier de Marianne James en cantatrice allemande, chez les artistes du Pop Art, dans les décors psychédéliques de Pedro Almodóvar, dans le dépouillement grunge et misanthrope du bobo underground, dans les « mises en scène-masturbation-intellectuelle » de Marcial Di Fonzo Bo, ou bien encore dans l’esthétique de Jean-Paul Gaultier. Les personnes homosexuelles sont souvent des grands amateurs de cet épate-bourgeois facile qu’est le kitsch. Arthur Rimbaud, par exemple, avoue sa passion pour les « peintures idiotes » et les « refrains niais » ; Paul Verlaine revendique les « images d’un sou » et les bibelots d’une culture de masse en désuétude (Daniel Grojnowski, « Sentes buissonnières », dans le Magazine littéraire, n°321, mai 1994, p. 45). Beaucoup de sujets homosexuels se désignent eux-mêmes comme des consommateurs incultes, des « enfants gâtés du capitalisme » (Frédéric Martel, Le Rose et le Noir (1996), p. 114), des « dandys déliquescents » (Jérôme Dahan dans la revue Platine, n°11, avril/mai 1994, p. 13) assumant avec fierté des goûts minables qui n’iraient pas avec leur rang. Leurs personnages (et parfois eux-mêmes) regardent les mauvais feuilletons de début d’après-midi pour mamies-gâteau, adulent les chanteurs-paillettes, et se montrent assez peu cultivés derrière leurs faux airs de premiers de la classe. Leurs goûts oscillent entre les extrêmes : elles peuvent aimer à la fois la mauvaise variet’ musicale et l’opéra classique, se forcer à consommer ce qui leur est présenté comme « de qualité » ou de se laisser aller à apprécier de la merde commerciale. Dans les deux cas, c’est souvent le paraître qui l’emporte sur le goût. Le kitsch attire l’œil et lui seulement, alors que l’art se prétend plus cérébral et veut aussi parler davantage au cœur.

 

Incroyable mais pourtant vrai : ce qui plaît à beaucoup de personnes homosexuelles dans la culture camelote, c’est (excusez l’expression, mais je n’ai pas d’autres mots) qu’on les prend pour des connes. Elles se rendent compte de l’hypocrisie sadique et souriante des médias ou du monde bourgeois, mais elles aiment ce culot-là. Il les fascine et les attire : on ose « se foutre de la gueule » de personnes aussi intelligentes et importantes qu’elles, apparemment en toute innocence, dans l’indifférence générale… et elles trouvent cela scotchant ! Elles développent une réelle passion pour la nullité, pour la bêtise télévisuelle, mais pas n’importe laquelle : la bêtise très sincère, qui se prend au sérieux, qui n’a pas conscience d’elle-même, qui est énoncée par la bimbo blonde ou la bourgeoise ultra-sophistiquée qui souhaitent réellement le bonheur de l’Humanité tout entière (et des bébés phoques !). Qui, je vous le demande, a bien pu favoriser le surprenant come-back de Chantal Goya dans les années 1990 ? Qui attaque et défend encore les stars oubliées, si ce n’est la communauté homosexuelle ? Il s’agit de renverser certaines valeurs en remettant à la mode ce qui a été effacé. Ce n’est pas compliqué : à partir du moment où en apparence et à l’image on leur veut du bien, les personnes homosexuelles adorent qu’on les berce d’hypocrisie, qu’on leur fasse avaler des couleuvres qu’elles engloutissent volontairement pour montrer à l’infantilisation qui elle est, qu’on les traite comme des débiles ou des gamins qu’elles ne sont plus. Car elles prennent un malin plaisir à contenter ceux qu’elles détestent, en pensant se venger d’eux en leur obéissant exagérément.

 

Certes, elles adorent qu’on les prenne pour des connes, mais attention : elles seules se donnent le droit de l’avouer. En règle générale, elles gardent le secret sur leur passion. La dévoiler reviendrait à montrer au grand jour leur goût secret pour la soumission et l’infantilisation, et donc leur retirerait tout le prestige d’avoir été les seules à avoir su déceler le « second degré » du totalitarisme, ou le « bon goût du mauvais goût ».

 

Ne nous trompons pas. Le kitsch homosexuel n’est pas uniquement réductible au folklore Gay Pride, ni même à la surcharge que nous observons dans l’appartement d’un Renato de Cage aux Folles : il peut être au contraire assez minimaliste et dépouillé. C’est alors l’excès de dépouillement qui évoque le charme ronflant du kitsch. Le rapport de distance des personnes homosexuelles avec le kitsch oscille entre proximité et rupture absolues. En général, elles aiment que leurs goûts de daube ne soient pas pris totalement au sérieux, que leur fausse distance par rapport à leur attrait pour la merde et le totalitarisme culturel soit tenue secrète. Elles vont alors se construire un écran cynique à leur passion du kitsch, appelé « camp ».

 

Ce courant « artistique » découle naturellement du rose du kitsch : il n’est que sa face cachée, noire et agressive. On compte beaucoup de représentants du camp parmi les personnes homosexuelles. Ceux-ci rêveraient que la frontière entre le kitsch et le camp soit infinie. En réalité, elle est dérisoire : ce sont encore une fois les deux marionnettes d’une même conscience qui simulent le duel, car finalement, le kitsch et le camp se rejoignent totalement dans les extrêmes, dans l’inversion.

 

La distinction entre eux serait d’abord chronologique : le camp est historiquement un néo-kitsch apparu dans les années 1960. Par ailleurs, le kitsch et le camp divergeraient quant à l’intention : le camp constituerait une forme de kitsch consciemment produit (contrairement au kitsch qui serait « naïf », « populaire », « bête », « commercial »), un « kitsch second degré », ou plus radicalement un « anti-kitsch ». La différence se ferait aussi dans la thématique : le camp se vengerait du kitsch par un goût de la laideur davantage marqué (pornographie, scatologie, films d’épouvante, drogues, apolitisme ou militantisme anti-« système », nihilisme seventies, etc.), un irrespect systématique pour tout ce qui est commun, un rejet de la naïveté, un humour beaucoup plus trash et décalé, ou une totale « neutralité ». En ce sens, un homme tel que Frédéric Sanchez, qui s’habille « classique », en noir, pour ne pas rentrer dans les « clichés homos », qui affirme haut et fort que « ni Sheila ni Dalida ne donneront de la voix dans son mange-disque », qu’« il déteste le kitsch » et qu’il est un « anti-DJay » (cf. l’article « Frédéric Sanchez, Illustrateur sonore », sur le site www.e-llico.com, consulté en juin 2005), est le prototype de l’Homme camp, donc kitsch, car l’anti-kitsch est aussi une attitude kitsch. « L’essence du Camp, c’est ça, non ? Ridiculiser, essayer de détruire quelque chose qu’on aime, pour démontrer que c’est indestructible » fait remarquer à juste raison Emir Rodríguez Monegal (dans son article « El Folletín Rescatado, Entrevista A Manuel Puig » (1972), Revista De La Universidad de México, vol. XXVII, n°2, octobre 1975, pp. 25-35). Rien n’est totalement kitsch en soi, et tout est fatalement kitsch puisque tout ce qui est humain est kitsch. Se révolter contre l’humain, c’est être à nouveau humain. Le camp est contre lui-même et contre le kitsch, c’est-à-dire qu’il se nie et s’adore. Il gomme ses origines, fait un « kitsch du kitsch » en croyant s’en éloigner, croit qu’il ne copie pas parce que précisément il copie dans l’inversion. Voilà son paradoxe. La meilleure façon d’échapper au kitsch totalitaire, c’est finalement de ne pas le fuir à tout prix, de tolérer d’être un peu kitsch par la force des choses, non parce que nous l’aurions désiré mais à cause de notre (amour de la) condition humaine. Sinon, nous nous condamnons à y retomber sous une forme plus masquée en créant un kitsch ironiquement intentionné, totalitaire en somme.

 

Ce n’est pas par hasard que le monde intellectuel voit en général le kitsch et le camp comme des sous-genres artistiques gémellaires puisque ces derniers sont une atteinte à l’intelligence humaine alors qu’ils se prétendent justement « géniaux de subtilité (ou de nullité) », l’un par le rêve sucré, l’autre par l’horreur gore. La dictature du camp est celle qui se place en grande ordonnatrice du bon et du mauvais goût. Ses promoteurs homosexuels pensent qu’ils peuvent se permettre, parce qu’ils possèdent à eux seuls la définition du bon goût, de franchir de temps en temps la frontière d’un mauvais goût qui auraient aussi la saveur d’un inédit et transcendant « bon goût » réservé à leur élite bobo. Pour eux, il y a un « mauvais ‘mauvais goût’ » et un bon « mauvais goût » (le « mauvais goût sain » comme dirait le Prétextat Tach d’Amélie Nothomb, dans le roman Hygiène de l’assassin, 1992) dont eux seuls connaîtraient la recette.

 

Du coup, ils ne voient pas qu’ils font de la merde à force de dire qu’ils la font. Ils se présentent comme des artistes d’avant-garde, ceux qui « sentent » le beau dans la laideur, qui trouvent, à l’image des décadents de la fin du XIXe siècle, la rédemption dans la médiocrité. Ils se plaisent à croire – sûrement parce que la société les y a aidé – que les personnes homosexuelles sont de grands créateurs. D’un point de vue uniquement quantitatif, c’est indéniable. Mais qualitativement, il y a de quoi nuancer… (cf. je vous renvoie au code « Artiste raté » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels)

 

Les personnes homosexuelles, comme tout être humain, ont à apprendre à aimer la Beauté et à découvrir qu’Elle les aime. Car elles ne L’aiment pas assez, c’est une évidence !

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) La beauté plastique désincarnée, élue déesse innocente et toute-puissante de la communauté homosexuelle :

 
 

À force d’étudier des œuvres de fictions traitant d’homosexualité, on constate très vite qu’il existe un antécédent lourd entre Beauté et homosexualité (cf. le roman Marcos, Amador De La Belleza (1913) d’Alberto Nin Frías, le film « Une Grâce stupéfiante » (1992) d’Amos Gutman, le film « The Pretty Boys » (2011) d’Everett Lewis, le film « O Beautiful » (2002) d’Alan Brown, le roman Toutes les filles son belles à vingt ans (2014) d’Andromak, le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald, etc.). La Beauté est le lieu d’une blessure secrète… la blessure de l’idolâtrie. Beaucoup de héros homosexuels semblent obnubilés par la Beauté : « Je vous avais dit : j’aime le beau et je mourrai beau. » (Jarry dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Manifestement, il a tout pour lui : beau, intelligent. » (Guillaume, le héros homosexuel, par rapport à Grégory le petit copain de Gérard, dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset) ; « Il est beau. » (Elio parlant d’Oliver, son amant, dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino) ; « Le cœur de l’homme est touché par la beauté, si infime soit-elle, de la taille d’une fourmi ou d’une araignée. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), p. 259) ; « Et oui, Dieu était une femme… allez y touchez, touchez… Je comprends, vous êtes impressionnés… Moi, aussi, à chaque fois que je me regarde dans une glace… Ça me fait pareil… C’est tellement beau. J’comprends que vous ayez tous les yeux fixés sur moi. » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Le rugby se mit à me plaire et, piètre joueur, malgré mes muscles inutiles, je devins une sorte de photographe officiel du club. La photo était un solide alibi dans mon admiration de la beauté. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 22) ; etc. Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, c’est grâce à l’adjectif « guapa » (« belle » en espagnol) que Mariela devine l’homosexualité de son mari Miguel. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, l’un des personnages homosexuels, a scotché, pendant son adolescence, sur un beau garçon ; et, les yeux fixés dans le vide, comme ensorcelé, il n’arrive pas à se défaire de son souvenir : « Il est absolument beau. » Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel insiste pour que ses neveux soient des tops models : « On a envie que nos neveux soient cultivés. Et surtout beaux. Oui, c’est très important pour nous, les gays. »

 

Certains personnages homosexuels sont d’ailleurs connus pour être les incarnations vivantes de la beauté (cf. je vous renvoie au code « Don Juan » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), et donnent aux homosexuels la réputation d’être les hommes les plus beaux de la Terre : « Déjà que vous nous piquez tous les beaux mecs, laissez-moi au moins notre intuition ! » (Alice à son meilleur ami homo Fred, dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis) ; « Je veux être beau. Je veux qu’on me désire et que tout le monde ait envie de coucher avec moi. » (Pierre, le héros homosexuel de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Salut ma beauté ! » (Ninon, la lesbienne claquant la bise à son pote homo Guen, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) ; etc. Par exemple, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Martin, « l’homo » présumé, a la réputation d’être beau. Dans le film « Close » (2022) de Lukas Dhont, Léo raconte à son amant Rémi une métaphore de leur couple : celle d’un canard jaune (Rémi), plus beau que les autres, qui tombe amoureux d’un lézard (lui, en l’occurrence), et ensemble ils font du trempoline pour sauter jusqu’aux étoiles. D’ailleurs, Léo présente Rémi comme un garçon qui se distingue par sa beauté : « Toi, t’es jaune, mais beaucoup plus beau que les autres. »

 

Mais de quelle beauté/Beauté parle-t-on au juste ? Celle avec un petit « b » (la beauté visuelle, plastique, réifiée, esthétique, inconsciente, présentée comme immortelle, mais qui est figée, éphémère et mortelle) ou celle avec un grand « B » (la Beauté intérieure, éternelle, libre, consciente d’Elle-même, résurrectionnelle, celle qui comprend et dépasse la mort, la vieillesse, la maladie, la haine) ? Il semblerait que le héros homosexuel les ait fait fusionner au profit de la « petite » beauté… même si, en intentions, c’est moins clair. En général, il choisit le camp de la beauté plastique et superficielle : « Moi qui suis chrétien, je trouve ça beau d’aimer les corps : ‘aimer la chair, c’est aimer l’Homme’. » (Chris parlant à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 127) ; « Je choisissais les plus beaux et vivais une intense aventure de dix secondes avec chacun. » (le narrateur homo parlant du jeu des regards à l’opéra, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 44) ; « À 18 ans, j’allais me faire des soins en institut de beauté. » (le protagoniste homosexuel dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Le rugby se mit à me plaire et, piètre joueur, malgré mes muscles inutiles, je devins une sorte de photographe officiel du club. La photo était un solide alibi dans mon admiration de la beauté. » (le narrateur homo de la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 22) ; « Khalid, j’admirais tout en lui. J’aimais tout en lui. […] Les lumières autour de lui. Sa richesse. Khalid était riche. Tout en lui me le rappelait. Me le démontrait. […] Khalid était riche et il était beau. Khalid était riche et il était beau. » (Omar dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 81) ; « Il rêvait d’être un acteur célèbre, adulé. Il se voyait beau comme Matt Damon, Brad Pitt ou Johnny Depp, s’imaginant baraqué, avec des jambes hypermusclées qui lui permettraient de bondir et de courir après des bandits pour les arrêter. Il remporterait un oscar ou deux, ferait la une de tous les journaux et serait poursuivi par des paparazzis. Il voulait tant qu’on l’aime… » (Marcel, l’un des héros homos du roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 18)

 

Très souvent dans les fictions, la Beauté est associée à l’innocence absolue, tellement absolue qu’Elle ne laisserait plus de place à la conscience, à la liberté humaine, et finalement au désir : « La vraie beauté n’en a jamais conscience. » (cf. la chanson « Vis-à-vis » d’Étienne Daho) ; « Tu sais pas encore que t’es vraiment beau. Ça te rend si séduisant. » (Jacques, le héros homosexuel quinquagénaire s’adressant à son jeune amant Mathan de 19 ans, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Les privilèges de la beauté sont immenses. Elle agit même sur ceux qui ne la constatent pas. » (Jean Cocteau dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville) ; « Sa beauté indiscutable se passait de l’intelligence. L’élégance avec laquelle elle portait un corsage entièrement brodé de diamants sous une hermine et une toque en plumes d’oiseau de paradis pour monter les escaliers de l’Opéra, la faisait paraître d’un naturel parfait chez les figurants de la jet society. » (cf. la description de María-José, le transsexuel M to F, dans la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983) de Copi, p. 32) ; « Ralph était merveilleusement beau, et la parfaite beauté physique a souvent l’étrange effet de spiritualiser la passion qu’elle inspire. » (Ramon Fernandez, Philippe Sauveur, 1924) ; etc. Par exemple dans le roman L’Amour en relief (1982) de Guy Hocquenghem, la Beauté est figurée par un jeune Tunisien aveugle qui ne devine rien de la grâce qu’il dégage. Même scénario avec le personnage de Rob, l’homosexuel aveugle à l’intrigant et innocent éclat, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, ou encore avec le personnage de Léo dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro.

 

À entendre le héros homosexuel idolâtre et esthète, la « Beauté » serait inviolable, intouchable, à l’abri de la critique, toute-puissante, virginale, incapable d’être dénaturée par l’Homme. Elle serait la Présence céleste descendue Elle-même sur certains objets « artistiques » ! « La Beauté est une des formes du Génie. Que dis-je? Elle surpasse même le Génie, n’ayant pas comme lui à se démontrer. » (Dorian Gray dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, p. 41) ; « Que la beauté soit toujours dans nos vies.» (Romeo détournant l’écriteau « Que la beauté vive en cette demeure » qu’il lit dans la maison de peintre qu’habite son futur amant Johnny, dans le film « Children Of God », « Enfants de Dieu » (2011) de Kareem J. Mortimer) ; etc.

 

Le personnage homosexuel ne croit pas en l’Incarnation divine, mais plutôt en la Matérialisation divine. Au fond, il n’aime pas la Beauté réelle, quotidienne, incarnée, relationnelle, tachetée d’imperfections. Il adule la beauté plastique. Autrement dit, il est médusé devant la beauté comme il l’est face à une œuvre d’art. Dans son esprit, l’Éthique fusionne avec l’esthétique (il pense que ce qu’il trouve beau, il l’aime d’amour), l’Amour se confond avec l’art (… ou, ce qui revient au même, se dissocie totalement de l’art et de la Beauté) : « J’aimais tout de lui, ses tableaux, ses vêtements… Tout ce qui le concernait me fascinait. Il n’y avait pas une seule ombre au tableau. Il était drôle, généreux et toujours plus beau ! » (Bryan par rapport à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 16) ; « Aimer un garçon, ça ne veut rien dire. Ce n’est pas pour ça qu’on est homo. D’ailleurs, je ne l’aimais pas. Je le trouvais beau, c’est tout ! » (idem, p. 32) ; « Kévin avait raison, nous fîmes plein de choses ensemble. À commencer par la peinture, nous y consacrions tous nos mercredis après-midi… puis tous nos week-ends… puis n’importe quand ! C’était un fabuleux prétexte pour nous retrouver. Comme promis, il fut très patient même si, au début, il prenait un peu trop au sérieux son rôle de professeur. Je n’en avais jamais eu d’aussi beau. Pour la première fois de ma vie, j’étais amoureux de mon prof. » (idem, p. 82) ; « Cette fichue peinture à la fois nous réunissait et nous séparait » (idem, p. 82) ; « Quoi que maman dise, elle était belle, cette infirmière : je l’aime. » (cf. la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer) ; « Tu es belle. Je t’aime. » (Petra à son amante Karin, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Je regardais les beaux objets fractals illustrant le volume et voyais Sheela, Linde et Rani dans l’un d’eux. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, pp. 64-65) ; etc.

 

Parfois, le protagoniste homosexuel préfère sa beauté à lui-même, à sa personne, ou aux autres : « Ce nouveau Narcisse s’éprendra de sa propre beauté. » (la conteuse à propos de Dorian Gray, dans la pièce Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, mise en scène par Imago en 2012) ; « Je choisis mes amis pour leur beauté. » (Lord Henry, idem)

 

Il a tendance à ne pas lier la Beauté à l’Humanité incarnée, sexuée, réelle, libre dans son chemin vers la mort-vaincue-ensuite-par-la-Vie. Il parle plutôt d’une beauté aérienne, minérale, dévitalisée, inaccessible, fétichisée : « Puis lui vint la conviction que cette femme était belle : elle ressemblait à une fleur étrange qui aurait poussé dans l’obscurité, quelque fleur rare, quelque fleur pâle sans tache ni imperfection. » (Stephen, l’héroïne lesbienne à propos d’Angela Crossby, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 173) Cette beauté abstraite a la fadeur « idyllique » de l’androgynie angélique (dans le double sens d’« androgyne » : une « moitié d’être humain », ou bien un « ange asexué, ni homme ni femme ») : « À ce moment, elle ne connaissait rien d’autre que la beauté et Collins, et les deux ne faisaient qu’un seul être, qui étaient Stephen. » (Stephen, l’héroïne lesbienne parlant d’elle-même, op. cit., p. 26) ; « Faisons à nous deux un héros de roman. […] J’irai dans l’ombre à ton côté. Je serai l’esprit. Tu seras la beauté. » (Cyrano à Christian dans la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan) ; « Arlette était la fille la plus belle que Silvano eût rencontrée à Paris, elle avait l’air d’un éphèbe. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 104) ; « Plus beau que jamais, il ressemblait à un ange… à mon ange. » (Ednar à propos de son amant Dylan, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 37)

 

Tout en considérant la Beauté comme inviolable par les autres, le héros homosexuel, parce qu’il se croit aussi divin qu’Elle, va tenter de L’approcher, de La posséder, de la mettre en boîte ou sous verre : « Hillary pose devant ce photographe qui s’applique pour immortaliser la beauté de la jeune femme. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 10) ; « Je les regardais s’engouffrer tous dans l’escalier qui menait au balcon, lorsque je reconnus Perrette Hallery de dos… accompagné d’une magnifique femme en manteau de poil de singe, rousse à mourir sous son chapeau à voilette, la peau laiteuse et la démarche assurée. Le cliché de la belle Irlandaise, Maureen O’Hara descendue de l’écran pour insuffler un peu de splendeur à l’ennuyeuse vie nocturne de Montréal, la Beauté visitant les Affreux. […] La fourrure de singe épousait chacun de ses mouvements et lui donnait un côté ‘flapper’ qui attirait bien des regards admiratifs. Les hommes ne regrettaient plus d’être là, tout à coup. » (le narrateur homo observant son futur amant accompagnant sa jolie maman rousse à l’opéra, dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 44) ; etc. Par exemple, dans le film « Death In Venice », « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti, le débat entre le musicien homosexuel Von Aschenbach et son ami Alfred tourne précisément autour de la prétention homosexuelle à la création de la Beauté. Bien évidemment, c’est Aschenbach qui défend le pouvoir absolu du créateur sur Elle, contrairement à son acolyte qui ne pense pas que la Beauté vienne uniquement de l’artiste et de ses sens (« La beauté, fruit du labeur… Quelle illusion ! »).

 

Le goût de la beauté plastique entraîne le héros homosexuel vers le purisme, la maniaquerie, l’orgueil du Pygmalion (qui exploite et consomme son amant, qui se prend pour Dieu), la grâce mortelle des objets (un objet, c’est froid et inerte comme la mort, rappelons-le), et pour le coup, son fanatisme possessif/fétichiste le détourne de la pureté, de l’Amour vrai, et du monde vivant : « Seul Jioseppe Campi est capable d’imiter la beauté ! » (Campi, le sculpteur déifié du roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, p. 12) ; « Je remarque toutes les fautes de goût de cet appartement. […] Je cherche la place que tu vas prendre entre tous ces meubles. » (le héros de la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; etc. Par exemple, dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, un des personnages homos aime faire venir dans son appartement parisien des gigolos « banlieusards » qu’il considère comme de jolis bibelots, des « beautés exotiques ».

 

Le rapport passionnel du héros homo à la beauté plastique est potentiellement violent et déshumanisé, car il possède de fortes accointances avec l’inceste (inceste avec un proche parent, ou même plus simplement avec une mère symbolique telle que l’actrice), avec le manque de chasteté et de distance par rapport à l’objet de désir. Dans les œuvres homosexuelles, à chaque fois qu’il est question de Beauté, l’inceste ou le viol rôdent très souvent dans les parages ! (cf. le film « Belle Maman » (1998) de Gabriel Aghion) : « Il y a des centaines de photos de maman. Elle était si belle… Il ne fallait pas la toucher tant elle était si belle… » (Thomas, dans le bâti Lars Norén (2011) d’Antonia Malinova) ; « Regarde : tu es beau, intelligent, bon élève. Tes parents vivent dans le mythe d’un fils parfait. » (Chris à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 112) ; « Aujourd’hui, c’est moi l’homme. Un homme pour mon père. Beau et fort pour mon père. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 35) ; « C’était l’heure matinale où sortait le jeune et beau papa du huitième, dont il était justement dommage qu’il fût papa, ou plus exactement qu’il eût commis cette faute de goût avec une maman. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Crime dans la cité » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 70) ; « La beauté de sa mère était toujours une révélation pour elle ; elle [Stephen] la surprenait chaque fois qu’elle la voyait ; c’était l’une de ces choses singulièrement intolérables, comme le parfum des reines-des-prés sous les haies. […] Anna disait parfois : ‘Qu’avez-vous donc, Stephen ? Pour l’amour de Dieu, chérie, cessez de me dévisager ainsi !’ Et Stephen se sentait rougir de honte et de confusion parce qu’Anna avait surpris sa contemplation. » (Stephen, l’héroïne lesbienne à propos de sa propre mère, Anna Molloy, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 49) ; « Ma mère était belle. Sa beauté était sans doute sa liberté. Les voisines la jalousaient. La maudissaient. Elles avaient raison. Ma mère était belle mais je ne le voyais pas. Ma mère était jeune. Elle était ma grande sœur. C’est le rapport qu’elle a imposé entre nous. » (Stephen, op. cit., p. 36) ; « Sa mère était tellement parfaite que tout ce qui lui advenait devait à son tour être parfait… […] Elle avait été la belle Anna Molloy, très admirée, très aimée et sans cesse courtisée. » (idem, pp. 112-113) ; « Mes deux cousins, ces deux beaux mecs de mon âge que j’avais repérés au cimetière » (Bryan, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 409) ; « Non ! Mais t’es beau, t’es bien foutu… T’es bourré de talent. Tout ce que tu tentes te réussit, […] tu séduis qui tu veux. » (le père de Bryan à son fils homosexuel, op. cit., p. 412) ; « Il passa de plus en plus de temps devant son écran, se créant tout un univers de rêve. Il avait ainsi un père qui ne l’eut pas abandonné et une mère qui ne chercha pas tant à le contrôler en voulant trop le protéger. Son oncle n’hésiterait pas à lui offrir son corps et sa beauté, car Marcel adulait son oncle, homme séduisant toujours entouré de beaux mecs aussi attirants que lui. Il lui arriva souvent de se branler en rêvant à ce type au charme irrésistible qui dormait dans la chambre d’à côté, ou en train de lui faire l’amour. » (Marcel par rapport à son oncle Alain, dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, p. 19) ; « Ça doit être mon père qui m’a fait ainsi [= homosexuel] ! Il était trop beau lui aussi ! Comme un gamin-papillon, j’étais fasciné par sa beauté d’homme solitaire. Peut-être que je m’y suis brûlé les ailes ! Je devrais jeter toutes ces photos que j’ai de lui ! Cesser de penser que j’aurais hérité de lui cette attirance pour les garçons. Un désir refoulé qu’il m’aurait transmis en quelque sorte. Et tout cela, parce qu’il nous prodiguait, à moi et à mon petit frère, la tendresse de la mère perdue. » (Adrien parlant de son jeune amant Malcolm, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 60)

 
 

b) À force d’être trop désincarnée dans l’idolâtrie, la Beauté apparaît décevante, voire monstrueuse et diabolique :

La découverte progressive que la vraie Beauté ne se possède pas (sinon, on La fait mourir et Elle pourrit dans nos coffres : n’oublions pas qu’Elle n’est belle qu’à la condition d’être vivante et libre !) engendre chez le héros homosexuel une auto-dévalorisation de soi, une comparaison excessive avec l’amant fantasmé pour ses atouts physiques, un désir de fusion frustrant et potentiellement obsédant, une suspicion croissante par rapport à la beauté plastique/à la vraie Beauté : « Mais pourquoi la Beauté n’est-elle pas contagieuse ? » (Helena dans la pièce Le Songe d’une nuit d’été (1596) de William Shakespeare) ; « Je sais qu’on peut tout pardonner, sauf la beauté et le talent. » (Lacenaire dans la pièce éponyme (2014) d’Yvon Bregeon et Franck Desmedt) ; « Beaucoup trop jolies pour être honnêtes. Beaucoup trop. » (cf. la chanson « Beaucoup trop jolies » de Véronique Rivière) ; « Tu réjouis mon œil et embellis mon âme. Je ne peux m’empêcher de te regarder. Tu me fascines. Tu es beau, tu es trop beau. Chaque détail de toi me chavire. On dirait que tu as été fait pour ça. Pour me séduire. » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été…(2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 211) ; « En plus, t’as toutes les qualités que je n’ai pas. […] T’es beau, t’es nature, t’es droit et fidèle. Tu dis toujours la vérité. Moi, je fais tout le contraire. » (Kévin à Bryan, op. cit., p. 325) ; « Je voudrais être dans ton corps, je voudrais être toi ! […] T’es beau, je voudrais te ressembler mais aussi mieux te connaître, savoir qui tu es, ce que tu ressens, ce que tu penses, ce que tu aimes et ce que tu détestes… » (Bryan à Kévin, op. cit., pp. 330-331) ; etc.

 

La beauté physique n’étant pas à la hauteur des espérances du héros homosexuel, ce dernier dévalue à la fois la beauté et la Beauté : « J’ai misé trop haut sur l’échelle de la beauté. » (Zach, le héros homosexuel, après s’être pris un vent par Nate, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « La beauté se détraque. » (Charlène Duval lors de son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Le laboratoire du corps humain transforme toute la beauté du monde en dégoût. » (Jérémy Patinier, La Fesse cachée (2011), p. 98) ; « La Nature est injuste ! La Beauté est injuste ! Et bien le corps aussi ! » (Lourdes dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « Mais pourquoi toute ma vie ai-je été esclave de la beauté ? » (Jacques, le héros homo quinquagénaire, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; « J’ai bien trop su salir le beau que tu mettais dans nos nous. » (c.f. la chanson « Comme ça » d’Eddy de Pretto) ; etc. Comme son attrait pour les belles choses a un goût amer d’inceste ou de possession (prostitution ?), la beauté finit par laisser de marbre et par provoquer le dégoût : « Elle me répète qu’elle m’aime et je joue avec elle comme un petit animal effrayé. Ses baisers me donnent la nausée. La manière dont elle s’est jetée dans mon lit, dont elle s’est couchée contre moi, sans que je lui demande rien, me dégoûte. […] Son insouciance, sa beauté me répugnent. » (Heinrich en parlant de Madeleine, dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 65) ; « Il n’y a rien de plus monstrueux que la beauté d’une strip-teaseuse. » (l’Auteur dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi)

 

Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Harold, l’un des héros homosexuels, crie sa douleur de ne pas être né aussi beau qu’il le voudrait, et sa vengeance contre la beauté des autres : « Il a une beauté naturelle peu naturelle. » (dit-il par rapport au beau gosse décérébré Tex) ; « La beauté est superficielle !… Et c’est éphémère. Si éphémère. » Il écorche, au passage, la beauté de son colocataire Michael, gay lui aussi : « Michael est le charme… désincarné. » Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Kyril, le dandy anarchiste efféminé, scande qu’il ne veut « plus de religion ! » et déclare la mort de l’art : « Merde à la beauté ! »

 

Dans l’esprit du héros homosexuel, la beauté est liée à la mort, s’annonce comme une catastrophe : cf. le roman El Amargo Don De La Belleza (1996) de Terenci Moix, le film « Fatal Beauty » (1987) de Tom Holland, le vidéo-clip de la chanson « Beau Malheur » d’Emmanuel Moire, le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson (avec le concours de beauté détruit par un violent orage en 1974), le film « Smukke Dreng » (« Beau garçon », 1993) de Carsten Sønder (où la beauté est liée à la prostitution), la chanson « Beau » de Lou (parlant du suicide d’un homosexuel), etc. « Tu es tragiquement beau. » (Mike à « M. », dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 39) ; « Moi, le premier jour, je me suis dit : ‘Tiens, il est beau !’ Le lendemain aussi… Le troisième je te cherchais partout, et le quatrième tu me manquais déjà. Ensuite, tu m’as pourri la vie ! » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été…(2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 112) ; « Kévin se faisait draguer aux mariages, moi je repérais les beaux mecs dans les cimetières. On faisait une sacrée paire ! » (idem, p. 409) ; « La beauté peut blesser aussi profondément qu’un glaive à deux tranchants. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 137) ; « La beauté est le début de la terreur. » (une réplique prononcée dans le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger) ; « Une figure admirable, c’est pire que tout. » (l’héroïne de la pièce La Voix humaine (1959) de Jean Cocteau) ; « Rhabille-toi où je vais mourir. (Anthony, le héros homosexuel s’adressant à son jeune filleul nu, Jim, aussi homosexuel, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; etc.

 

Dans la chanson « L’Adorer » d’Étienne Daho, par exemple, il est question de « l’infidèle à la beauté assassine ». Dans la pièce Confessions d’un Vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Prétorius décrit le « visage beau et terrifiant » d’un inconnu qu’il a rencontré. Pendant le concert du groupe Indochine Météor Tour à Bercy le 16 septembre 2010, sont intercalées sur écrans géants des scènes de guerre avec des images de majorettes, de reine de beauté. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Todd, l’un des héros homosexuels, n’a qu’une ambition dans la vie : « Mourir jeune et joli. »

 

La Beauté, comme la Vérité (cf. « Y’a que la Vérité qui blesse ! ») ferait mal : « N’avons-nous pas souvent été blessés par ceux qui ‘ne font que dire la vérité’ ? Les pensées véritables ne doivent pas toutes être dites. […] Nous ne devrions pas nous précipiter pour ouvrir grand les portes et autoriser la lumière à éclairer des lieux discrets. Car ceux qui ont vu les mystères cachés nous parlent de beauté, mais aussi de douleur. Et il est préférable que certaines choses demeurent invisibles, que certains mots ne soient pas prononcés. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), pp. 99-100) ; « Quand on se réveille, je propose que l’on retire nos bandeaux, mais Vianney trouve ça prématuré. Il geint ‘Pas cette fois, s’il-te-plaît…’ Avant qu’il ne parte, je lui raconte l’histoire de La Symphonie Pastorale de Gide. Vianney dit que c’est triste, cette fille aveugle à qui on fait croire que le monde est beau, et qui, quand elle recouvre la vue, s’aperçoit qu’on lui a menti. » (Mike racontant son « plan cul » avec un certain Vianney, un garçon laid qu’il accueille chez lui alors qu’il a les yeux bandés, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 85-86) ; etc.

 

Dans beaucoup d’œuvres de fiction homo-érotiques, la beauté n’est pas présentée comme un atout, une valeur positive et humaine. Tout le contraire ! C’est plutôt un handicap, un cadeau empoisonné qui assigne un sombre destin. « Il y a des moments, je voudrais être laid, ne plus séduire, ne plus être désiré. » (Malcolm dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 121) ; « Vous devez fatiguer de vous faire dire que vous êtes beau. » (Amanda s’adressant au héros homosexuel Nelligan, dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay) ; etc. Par exemple, dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, le personnage du Don Juan homosexuel, Vincent Garbo, est « irrémédiablement affligé d’une beauté plus proche d’une inhumaine perfection que de l’harmonie d’un beau dans la nature toujours composé de quelques baveux détails » (p. 39). La Beauté est considérée comme un danger mortel et diabolique, qui soumet et asservit à la fois celui qui La porte et son adulateur. Ce dernier perd tous ses moyens, ne semble avoir aucune résistance face à Elle : « La chasse d’eau, c’est mon éjaculation. Dès qu’un beau gosse me sort sa jolie queue molle et commence à la manipuler, je gicle. » (le personnage du « chiotte public », dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 82) ; « Je suis devant lui. Je rêve. […] Il a du charme. Détermination. Cruauté. Tendresse. Tout est là. Je le reconnais. […] Il m’attire, il me domine. Je suis à lui. Il est le Roi. Le roi Hassan II. Il est beau. Je l’aime. Sans douter, je l’aime. On m’a appris à l’aimer. À dire son nom. À le crier. Il est beau. Il est important. Tellement beau, tellement important. » (Khalid, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 9) ; « Et s’il y avait de la divinité dans tout ça, c’était dans la beauté elle-même. C’était à la beauté même qu’il fallait rendre un culte. » (idem, p. 78) ; « Je t’ai vu descendre du ciel, un matin d’hiver. Je t’ai vu seul, sombre et silencieux. » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 453) ; « Je tremble devant votre beauté et votre pouvoir. » (le Rat à la Reine, dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Agnès me plaisait parce qu’elle était belle et que mon point faible, à moi, c’est la beauté des femmes. » (Suzanne dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, pp. 222-223) ; « Et puis, il est si beau ! » (Adrien, excusant toutes les infidélités de son amant Malcolm, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 45) ; « Putain, ce salaud, plus il est dégueulasse, plus il est beau. » (Doumé à propos de son amant Willie, dans le roman La Meilleure part des hommes (2008) de Tristan Garcia, p. 157) ; « Quand la porte s’est ouverte, je suis resté planté devant elle comme une grosse merde. Elle portait une robe noire moulante et décolletée, qui faisait ressortir sa peau laiteuse, ses seins pareils à deux blocs de beurre frais. Aux pieds, elle avait des mules en soie noire, avec un liseré genre plumes d’autruche de la même couleur. Elle avait des ongles vernis eux aussi de la même couleur, enfin si on considère que le noir est une couleur, aussi bien ceux des mains que ceux des pieds, comme j’ai pu m’en rendre compte quand elle a négligemment fait glisser sa mule gauche pour caresser son mollet droit avec ses orteils. Sa tenue, ça faisait limite pute du quartier rouge à Amsterdam, sauf que sur elle c’était superclasse, je sais pas comment vous dire, elle était superbelle, et superflippante. Je m’assois sur le tabouret en ébène. Elle m’apporte un verre avec une substance un peu trouble dedans, genre sirop d’orgeat ou de gingembre, vous voyez ce que je veux dire ? Je lui demande ce que c’est. Elle me dit de deviner. Je goûte. Un machin indescriptible. Amer, mais avec une note de citron, de sucre, et un arrière-goût un peu fade aussi, limite farineux, sauf que la farine ça a pas de goût, alors je dirais limite lacté, mais plus comme du lait en poudre que comme du vrai lait. Je lui dis que je ne devine pas. Et alors là, véridique, elle me fait : ‘C’est un philtre d’amour.[…] les auréoles des seins qui pointent sous le tissu, qui ont l’air de vouloir le transpercer […] Elle me paraît minuscule, et comme en hauteur, au sommet d’une montagne, parmi les neiges éternelles. Pour couronner le tout, elle a beau être assise immobile dans le canapé, j’ai l’impression qu’elle remue ses hanches, qu’elle ondule de droite et de gauche, comme si elle faisait la danse du ventre, avec des oscillations de sirène, des variations régulières de courbe sinusoïdale. Vu d’ici, ça fait plein de petites étoiles scintillantes. L’image se décompose, à travers une sorte de filtre brumeux, un diamant taillé ou un kaléidoscope, comme dans les films psychédéliques ou les premiers épisodes de Columbo. » (Yvon en parlant de Groucha dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, pp. 262-264) ; « Corinne, assise à ses pieds, observait Jason, incrédule. Avec son maillot de bain qui représentait des têtes de mort sur fond noir, il ressemblait vraiment à un messager des dieux de l’enfer. ‘Encore une beauté d’archange, songeait-elle. » (Corinne, op. cit., p. 83)

 

Dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), la beauté est considérée comme dangereuse, comme une occasion de tomber. Pawel Tarnowski, homosexuel continent, parlant de Goudron, l’écrivain plus âgé que lui et qui a tenté de le pervertir dans sa jeunesse, évoque la faiblesse de ce dernier pour sa beauté juvénile : « L’écrivain qui ne cherchait qu’une aventure amoureuse, ne l’aurait pas regardé deux fois s’il n’avait pas été séduisant. » (p. 173) Plus tard dans le roman, le Comte Smokrev, libertin et pédophile, ayant reconnu chez Pawel la même faiblesse homosexuelle pour la jeunesse qu’il éprouve lui-même, tente de le mettre à l’épreuve par rapport au jeune David, que Pawel a pris sous son aile : « Nous apprécions tous les deux… la beauté. [Il jeta un regard subtil à David de l’autre côté de la pièce.] Il représente un danger pour vous. » (Smokrev, p. 483)
 

On observe chez beaucoup de héros homosexuels vieillissants un mépris croissant pour la Beauté, et pour leurs pairs homosexuels plus jeunes et plus beaux qu’eux, mépris qu’ils ont du mal à s’approprier tant par ailleurs ils connaissent leurs fantasmes de jeunesse et leur célébration du jeune éphèbe gay. Le jeunisme, étant un mouvement idolâtre (puisqu’il fête la beauté de magazine en croyant honorer la vraie Beauté), s’accompagne bizarrement d’un mépris des petits minets homosexuels : « Sans passer pour des imbéciles, ils n’étaient pas, pour la plupart, des intellectuels. […] Ils fréquentaient plus volontiers les salles de musculation que les salles de lecture. […] Ils ne différaient pas, en cela, de beaucoup de gays de leur âge. […] C’étaient tous de charmants égoïstes, comme on l’est à cet âge, et un peu plus encore quand on est beau et gay. » (Jean-Paul Tapie, Dix Petits Phoques (2003), pp. 134-140) Le héros homosexuel, tandis qu’il essaie de s’attirer les faveurs des petits jeunes qu’ils idéalisent dans l’angélisme, se venge de sa faiblesse sur la nouvelle jeunesse homosexuelle, en la qualifiant très fréquemment de « superficielle », d’« arrogante », de « lâche », de « naïve », d’« ingrate », d’« inexpérimentée », etc.

 
 

c) Une obsession/déception de la beauté plastique qui va jusqu’à la violence et la destruction :

HAINE 2 Francis Bacon

Tableau « A Terrible Beauty » de Francis Bacon


 

La déception du héros homosexuel par rapport à la beauté s’accompagne en général d’un mouvement incontrôlé de destruction ou de viol, visant paradoxalement non pas à détruire la beauté mais à la restaurer/à la transformer en Beauté par la laideur et l’agression.

 

On voit en effet le personnage homosexuel fictionnel perdre la boule uniquement parce qu’il ne se remet pas de la beauté qu’il contemple : « Tu es beau, calme, irrésistible, mais pas de doute : envahissant. » (Bryan à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 210) ; « Il est même trop beau pour moi, moi qui n’ai jamais eu aucune assurance sur mon physique. » (Adrien en parlant de son amant Malcolm, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 60) ; « Tu es beau, tu es trop beau, c’est inhumain ! » (Bryan à son copain Kévin, op. cit., p. 300) ; « Comment fais-tu ? T’es trop beau. T’es infernal. » (idem, p. 317) Le roman Le Pavillon d’or (1956) de Yukio Mishima raconte justement comment un moine, rendu fou par la perfection d’un temple, devient incendiaire : « Je voudrais tordre le cou à celui en qui j’ai cru si fort, celui en qui mes lectures savent bien que j’ai cru : le dieu du Beau. » (p. 73) ; etc. Dans la comédie Les Divas de l’obscur (2011) de Stephan Druet, la beauté est réduite à un trophée diabolique (= le prince charmant) que l’ensemble des divas cherchent à posséder, se disputent, et finissent par détruire dans un emballement collectif incompréhensible : une fois qu’elles l’ont écartelé, elles regrettent amèrement d’avoir « tuer la Beauté même ». Dans la poésie Le Condamné à mort (1942), Jean Genet tient un double discours quant à la beauté : à la fois il l’adore (« La beauté, toujours je l’ai servie ! ») et il la hait (« Mutile la beauté ! »). Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca se montre particulièrement impitoyable face à ses prétendants amoureux si seulement ils ont le malheur de ne pas correspondre à ses critères physiques.

 

Le héros homosexuel jalouse la Beauté et veut La violer : « Promettez-moi d’apprendre à salir la beauté, mon ami. » (Jacques s’adressant à son ex-amant Mathieu, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; « J’ai remarqué qu’Antoine, il est beaucoup plus musclé que moi. […] Il est drôlement bien foutu. » (Julien parlant de son voisin de pupitre, le bel Antoine, dans le roman Papa a tort (1999) de Frédéric Huet) ; « Cette perfection avec laquelle tu m’humilies… je me souviens avoir eu envie de te profaner, de te faire payer ta beauté. » (Denis à son amant Luther, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Ô beauté, ô splendeur, bonté ! Puissé-je ne vous avoir jamais rencontrées !… Mon sort est de vous annihiler, je suis voué à votre destruction… Je vous ai en mon pouvoir, et je veux vous détruire. » (Claggart dans l’opéra Billy Budd (1951) de Benjamin Britten) ; « C’est le rêve de ta vie de te faire bien empaler, enculé efféminé, petite Reine de la Beauté du podium de ton quartier. » (Fifi d’adressant à Pédé, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Nous étions deux filles. Vous étiez la plus belle à l’orphelinat. Quand on nous passait en revue vous étiez toujours la préférée des parents d’adoption. » (Vicky à la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’ai été beaucoup plus belle que vous. » (idem) ; « Je ne sais pas quand, ni où, mais je sais que je te baiserai. J’en fais la promesse sur la tombe de ton pote. T’es trop beau ! Je n’y suis pour rien si tu me fais bander ! » (Laurent parlant à Kévin, dans le roman Si tu avais été…(2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 459) ; etc. Dans le film « Nettoyage à sec » (1997) d’Anne Fontaine, par exemple, Jean-Marie se fait sodomiser par le beau et provoquant Loïc dans le sous-sol de son pressing, avant de lui coller le fer à repasser brûlant sur la figure et de le tuer en le jetant violemment par terre. Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, Jézabel, l’héroïne bisexuelle, est dessinatrice et détruit ses croquis et ses toiles.

 

Ce que le héros homosexuel reproche à la Beauté, c’est au fond le mal qu’il Lui fait en cherchant à la posséder pour lui seul, c’est l’espoir démesuré et égocentrique qu’il mise sur Elle. « Nous avons été cruels et nous avons été splendides. » (Dorian Gray à son amant Basile, suite à la mort de Sybille qui s’est suicidée parce que Dorian l’a répudiée, dans la pièce Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, mis en scène par Imago en 2012) Par exemple, dans les fictions homo-érotiques, quand le nom de la « Beauté » est applaudi, c’est généralement une diversion pour occulter de sombres pratiques ou un mensonge identitaire : cf. le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton (avec le sauna et sa magnifique déco gréco-latine), le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot (avec le personnage homo de Marcel, surfant sur des sites Internet homos, et mentant sur ses attributs physiques, pour draguer : il se décrit « comme étant beau, grand et découpé. » p. 19)

 

C’est parce qu’il atténue la brutalité et la réalité du viol par l’esthétique, par la « Beauté », que le héros homosexuel se met parfois à désirer le viol. Il lui arrive de trouver le diable beau : cf. la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec le dandy esthète homosexuel et cruel, le baron Lovejoy), la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, le film « Dirty Love » (2009) de Michael Tringe, le roman Joyeux animaux de la misère (2014) de Pierre Guyotat, etc. Par exemple, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, au moment où Mike, le narrateur homosexuel, apprend par son amant d’un soir qu’ils ont baisé sans capote alors que ce dernier lui avoue après-coup qu’en fait il est malade du Sida, que l’état de beauté est décrété : « Je trouve R. très beau, d’une beauté troublante. Toujours à quatre pattes dans la lumière tamisée de la chambre, sur la couette blanche, avec cette odeur de merde qui flotte dans l’air et dans le fond de nos bouches ce goût amer d’amour triste, comme s’il n’y avait plus que nous au monde. » (pp. 71-72)

 

Le protagoniste homosexuel sacralise le viol ou la souffrance en estampe magnifique, en beauté désirable (cf. la chanson « Les Liens d’Éros » d’Étienne Daho) : « Nature du décès : j’me suis fait violer par trois beaux jeunes hommes. » (Lucienne dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard) ; « Rien n’est plus émouvant qu’une belle femme qui souffre. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 77) ; « Tu avais le visage dévasté par le chagrin. Que tu étais beau ! » (Bryan face à son amant Kévin en deuil pour lui, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 462) ; « J’aime trop pétrir ses fesses de coureur, me coller à son dos cambré de statue. Je le renverse dans le lit : il m’est livré. Il est à moi. Alors je sais que son sexe m’appartient. Je le saisis d’un coup, son sexe bandé et chaud dont il est si fier, son gros membre de beau garçon. J’avale son gland rose, son bourgeon gonflé prêt à donner sa sève. Je le sens si bien quand il me prend, bien large et vigoureux. J’aime qu’il me déchire, qu’il m’éventre tout entier du bas en haut. Enfin, je suis si terriblement heureux quand je danse empalé sur lui. » (le narrateur du roman Chambranle (2006) de Jacques Astruc, p. 97) ; « Tu pries pour que ton frère, comme toi, au même moment, soit blotti dans les bras d’un beau jeune homme plein de vigueur, et qui prendrait soin de toi comme d’une poupée. » (Félix à propos d’un soldat allié, Bob, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 132) ; « ‘Maintenant, je suis Nelson. Je suis au milieu de la bataille de Trafalgar… J’ai reçu des balles dans les genoux !’ Pourtant, c’était réellement beau de souffrir. » (Stephen, l’héroïne lesbienne se mettant mentalement dans la peau d’un héros, dans le roman Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 32) ; « Hugues n’était vraiment pas mal, dans le genre austère. Mourad lui trouvait un petit quelque chose de Corto Maltese. Le côté baroudeur, pirate des mers du Sud. Il avait sûrement une belle cicatrice de guerrier quelque part. » (Mourad, l’un des personnages homosexuels du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 82) ; etc. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Xav est obsédé par un « homme défiguré, avec une cicatrice », mais persiste à le trouver charmant : « Il a la gueule coupée en deux, comme dans mon rêve. Mais il est quand même beau ! »

 

HAINE 3 Divine

Divine


 

Il est fréquent que le héros homosexuel s’identifie à la femme cinématographique qui use de sa beauté comme d’une arme redoutable qui manipule les hommes : « Sa sœur cadette, la duchesse de Malaga, était réputée être la plus belle femme d’Espagne et avait fait tourner la tête à plusieurs couronnes jusqu’au moment où, à sa majorité, elle dût décider entre trois jeunes rois et qu’elle déclara tout simplement qu’elle entrait dans les Ordres. » (cf. la nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978) de Copi, p. 9) La beauté fatale, en tant qu’instrument de vengeance et de pouvoir maléfique, est généralement enviée, désirée par le personnage homosexuel : « À présent, les choses vont changer Alba. Je suis belle et je veux que ça se sache. » (Claudia à sa compagne Alba dans la pièce Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet) ; « Je m’imaginais une jeune fille très belle, très intelligente, très perverse. » (l’Auteur en parlant de l’héroïne qu’il a créée, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « J’étais Marlon Brando. Un vieil homme qui avait de la classe et de la cruauté. Un vieil homme irrésistible, généreux, impitoyable, sanguinaire. » (Omar après avoir tué son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 168) ; « Le sourire éthéré dont s’auréola le visage de l’ange me fit soupçonner quelque chose de pas catholique. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Queue du diable » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 114) ; « Pour tirer par la queue le beau diable qui se débattait derrière moi » (idem, p. 116) ; « Il lui fallait se conforter dans l’idée décevante que les gens beaux […] sont généralement méchants. » (Corinne dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 79) ; « Le cynisme, c’est l’humour des gens qui sont beaux. » (Lourdes dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, la beauté cristallise la violence de la jalousie : Dorian Gray, par sa beauté, inspire la « terreur » à Lord Henry ; et il est captif de sa propre image : « Je suis jaloux du portrait que tu as fait de moi ! » (Dorian à son amant-peintre Basile, idem)

 

Parfois, dans le discours du héros homosexuel, l’adverbe « atrocement » ou « affreusement » est prononcé avec une telle jouissance frétillante qu’il pourrait être remplacé par « joliment » : « Il [Mourad, un des deux personnages homosexuels] était un inconditionnel d’Amande. Elle était pour lui le condiment sans lequel l’atmosphère aurait affreusement manqué de saveur. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 415) ; « Mourad jubilait. Amande était une peste, mais sa méchanceté avait une drôlerie sans équivalent. Il suffisait de la lancer sur une piste, et elle démarrait au quart de tour, brossant des portraits comme une virtuose, se dépensant sans compter. » (idem, p. 83) ; « La lumière de la lune se suffisait à elle-même, et les éléments du décor se recomposaient harmonieusement, lui révélant, sans plus de raison ni avec moins d’évidence, que l’horreur du monde a pour revers son inexprimable beauté. » (Jason, l’autre héros homo du même roman, p. 246) ; etc.

 

Le héros homosexuel se rend parfois compte que la beauté plastique est le ressort classique employé par tout système totalitaire humain… mais il est quand même prêt à mordre à cet hameçon facile comme si c’était du pain béni : « J’ai toujours été écœurée par le militarisme, et la tradition prussienne est ce qu’il y a de pire. Sa mécanique humaine est effrayante. Pourtant, ils sont beaux ces jeunes hommes dans leurs uniformes. » (Madeleine dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 49) Par exemple, dans le film « Un Héros très discret » (1995) de Jacques Audiard, le Capitaine plaque tout pour suivre un bel Américain : « Il s’appelle Marlon, il a 20 ans, il vient de Virginie, il est beau comme un char d’assaut. Il me fait découvrir le jazz et le charme violent des armées victorieuses. Ah, Albert, l’amour, l’amour ! »

 
 

d) Le mélange sacralisé du beau et du laid :

Dans son désir de substitution à la Beauté, le héros homosexuel essaie de troquer la Beauté contre la laideur (comprendre, dans son esprit, « contre lui-même ») ou contre la cruauté. Pour cela, il use majoritairement de l’inversion. « Tout cela rappelait Malcolm et portait Adrien à chercher l’amour des Noirs. Il s’interrogeait souvent sur les raisons secrètes du désir de cette beauté-là. Un désir de puissance, de virilité ? D’inverser l’ordre de l’Histoire ? D’aimer l’absolument autre ? Peut-être tout cela à la fois. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), pp. 34-35) ; « Moi, je faisais la Belle et Dalida la Bête. » (la figure momifiée de Catherine Deneuve dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque) ; « Vos gueules, les moches ! […] Nous, les belles… » (Gwendoline, la lycéenne transgenre M to F, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Excusez-moi, il faut que j’aille chier. Pardon… que je me repoudre le nez. » (la mère, autre personnage transgenre M to F, idem) ; « Avant, ça sentait le vomi. Maintenant, le vomi à la rose. » (Michael, l’un des héros homosexuels du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; etc. En effet, il va très souvent présenter la Beauté comme laide, et le laideur comme belle. Et cette profession de foi artistique constitue, selon lui, le summum de la Beauté (… et pour les lecteurs avertis que nous sommes appelés à être, elle est dans le fond le summum du déni du fantasme de viol, et parfois du viol réel).

 

Par exemple, dans le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, un Festival de la Laideur est inauguré. Dans la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, la scatologie surgit au beau milieu de la soirée d’anniversaire très habillée. Dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, le couturier homosexuel Saint Loup, passé maître des diaprures et du raffinement, offre pourtant une scène de diarrhée dantesque. La pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier s’affaire à détruire les archétypes de la beauté physique… pour en imposer d’autres tout aussi rigides ! : ceux des rondeurs, des différences anatomiques « rejetées », des complexes, de la laideur, etc. Dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Lucie, la diva-chanteuse de cabaret, censée être gracieuse, chante des chants grossiers (« Va chier !! »). Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand arrive en tutu sur scène alors qu’il est bien grassouillet. Dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque, la Schtroumpfette fait des films d’épouvante.

 

Dans la croyance de l’artiste homo bobo, le beau surgirait de la merde, la poésie déborderait des latrines et se trouverait au cœur des backroom : « Comme dans un conte de fées, l’ogre se transforma en un prince de légende […] dont on peinait à croire qu’il était issu de cet œuf pourri. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Queue du diable » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 117) ; « Les hauts murs du musée vomissaient massivement des chapelets de chairs marmoréennes, de musculeuses cuisses de facture classique, figées dans leur éternité. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Au Musée » (2010) d’Essobal Lenoir 2010, p. 107) ; « J’essaie même pas d’embellir. Tout est moche, de toutes façons. » (Sarah, l’une des héroïnes lesbiennes, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent) ; « Pour apprécier la beauté, il faut connaître la laideur. » (Leevi, le héros homosexuel, dans le film « A Moment in the Reeds », « Entre les roseaux » (2019) de Mikko Makela) ; etc.

 

Le héros homosexuel célèbre le très beau et le très moche comme le plus raffiné, le plus jubilatoire, le plus rare (et parfois le plus drôle) des mélanges : cf. le film « Belle Salope » (2010) de Philippe Roger, la pièce Amour, gore et beauté (2009) de Marc Saez, la chanson « Ugly/Pretty » de Christine & the Queens, etc. « Pourtant, qu’il est beau d’être moche ! » (cf. la chanson « Jolie à tout prix » du concert Tirez sur la pianiste (2011) d’Anne Cadilhac) ; « Tu es très belle avec ton poncho qui sent l’âne. » (Océane Rose Marie à son amie Bérénice, dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « Ahmed tourne le regard vers la Seine et l’île de la Cité, avec la Cathédrale Notre-Dame. Il se demande s’il y a encore un Quasimodo qui y vit, prêt à tout par amour pour lui. Il s’imagine en un grand Tzigane ténébreux et sensuel, dansant sur le parvis, mais en pleurs parce que son beau Phébus l’a laissé pour épouser un autre garçon, Fleur-de-Lys, alors qu’il est lui-même poursuivi par Frollo, un prêtre déterminé à en faire son amant secret. Dans ses fantasmes, l’Algérien adapte sans gêne les grands classiques français à sa guise ! » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 52) ; « Quant à moi, rien ne me fait jouir de la chasse comme un beau pet tonitruant émis à contretemps, suivi d’un long étron qu’on largue en plein milieu du trou dans un clapotement vif éclaboussant les fesses d’un conspirateur heureux de sa délivrance. » (le personnage du « chiotte public », dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 86) ; « Dites non au bonheur, dites non à la beauté ! » (le héros travesti du one-man-show Le Jardin des Dindes (2008) de Jean-Philippe Set) ; « Les créatures du dortoir, lasses que leur beauté fût un sinistre drame, vouèrent un culte à la laideur. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite par un ami en 2003, p. 53) ; « Vestale de la Beauté monstrueuse » (Warda dans le roman Hawa (2011) de Mohamed Leftah) ; « Le trottoir, c’est mon Royaume ! Sur le trottoir, je suis née, la pissoire c’est mon Palais. » (Fifi dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « J’observe la saleté de la gare de Florence, cette saleté que les gens laissent derrière eux, celle que les courants d’air transportent. Je respire les odeurs de friture, d’urine, de combustible mélangées. Je vois l’épaisse couche grise qui recouvre tout, qui finit par se déposer sur les peaux. […] Il est malsain, sans doute, ce goût pour la laideur ordinaire. » (Leo dans le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 21) ; « Il [Florencio] alla s’asseoir sur le bord du divan, luttant contre la nausée que l’odeur du vomi lui donnait. » (cf. la nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978) de Copi, p. 19) ; « Iris urinait contre une roue de la voiture pendant que Carina poudrait de poivre ses moustaches en bavardant avec elle. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 44) ; « Est-ce que tu vas t’arrêter ? Parler de sperme, franchement… Tu te crois dans un salon mondain, enfin ? » (Luc à son amant Jean, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Mimi chia, elle avait mal au ventre après toutes ces émotions. Les eunuques la parfumèrent d’encens. » (cf. la nouvelle « Les vieux travelos » (1978), p. 95) ; « Son visage et ses beaux cheveux blonds étaient couverts d’excréments. » (cf. la description de la « jolie » Truddy, dans la nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978) de Copi, p. 33) ; « Madame est bonne ! Madame nous adore. Elle nous aime comme ses fauteuils… comme son bidet, plutôt comme le siège en faïence rose de ses latrines. Et nous, nous ne pouvons pas nous aimer… la crasse n’aime pas la crasse. » (Solange et Claire dans la pièce Les Bonnes (1947) de Jean Genet) ; « Toi, Saïd, mon fils unique, tu épouses la plus laide femme du pays d’à côté et de tous les pays d’alentours […]. Mais surtout, tu n’aurais pas le courage de… la traiter en femme moche. Tu vas vers elle à contre-coeur : vomis sur elle. » (la mère s’adressant à son fils, dans la pièce Les Paravents (1966) de Jean Genet) ; etc.

 

L’inversion entre le beau et le laid, même si le héros homo ne la conscientise pas ainsi, dit sa déception de lui-même et du monde, son refus d’aller chercher la Beauté au-delà du paraître et des objets, et enfin son plan de vengeance dirigé contre la beauté plastique et contre son propre attachement crispé à celle-ci. En effet, il considère qu’une personne belle physiquement ne peut pas être homosexuelles, même si parfois il lui arrive de rire de ce raccourci. « Attends, Sonia, elle peut pas être lesbienne. Elle est trop belle. Tous les garçons, ils craquent sur elle. » (Clara, l’héroïne lesbienne s’adressant à sa meilleure amie Zoé qui lui annonce que Sonia est lesbienne dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret) Beaucoup de personnages homosexuels, y compris dans l’opposition, nient et finalement cautionnent à leur intuition le lien qui existe entre homosexualité et laideur. Par exemple, l’humoriste Océane Rose-Marie, lors de son one-man-show La Lesbienne invisible (2009), part en guerre contre le « préjugé tenace » de la mocheté homosexuelle : « Je tiens à préciser que ce n’est pas la laideur qui rend les femmes homosexuelles. » Et en effet, ce n’est pas la laideur mais le sentiment de laideur qui semble, dans les fictions comme dans la réalité, moteur du désir homosexuel. Mais certains esprits homophobes le laissent croire, sans doute parce que cela correspond à une croyance et un ressenti intime du personnage homo. Par exemple, dans l’épisode 259 de la série Demain Nous Appartient, diffusé sur TF1 le 1er août 2018, le méchant Don Juan Raphaël dit à Sandrine, l’héroïne lesbienne, qu’il ne serait jamais sorti avec elle parce qu’elle serait « trop moche », et que c’est à cause de sa laideur qu’elle n’a pu s’offrir que des femmes à l’âge adulte.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 
 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La beauté plastique désincarnée, élue déesse innocente et toute-puissante de la communauté homosexuelle :

À force d’entendre le discours des personnes homosexuelles, on constate très vite qu’il y a chez elles un lourd antécédent entre Beauté et homosexualité. La Beauté est le lieu d’une blessure secrète… la blessure de l’idolâtrie : « La seule règle de vie qui semble légitime, c’est le souci de la beauté. » (Pierre Louÿs dans le documentaire « Pierre Louÿs : 1870-1925 » (2000) de Pierre Dumayet et de Robert Bober) ; « J’ai une théorie. Les Alexandre sont tous beaux. » (l’écrivain Ron l’Infirmier dans l’émission Homo Micro le 12 février 2007) ; « Nous aimons les belles choses. Et la majorité des homos aiment les belles choses. D’ailleurs, la mode est lancée par les homosexuels. » (Bernard et Antoine, en couple depuis 35 ans, mais avec infidélité consentie, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; etc. Sans doute aussi la blessure de l’inceste : « La beauté masculine dans ce qu’elle peut avoir de plus fin. » (Dominique Fernandez en parlant de son père qui l’a abandonné, dans la biographie Ramon (2008), p. 13)

 

Dans son essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), Jean-Louis Chardans insiste sur « l’attrait de la beauté angélique des éphèbes » (p. 346) chez beaucoup de personnes homosexuelles.

 

Par exemple, l’ancien ministre de la culture français, Jack Lang, est imité, non sans raison, par le comique Laurent Gerra comme un idolâtre de la beauté masculine (il répète sans arrêt : « Quel bel homme ! »).

 

Certains hommes homosexuels sont d’ailleurs connus pour être les incarnations vivantes de la beauté (cf. le code « Don Juan » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), et donnent aux homosexuels la réputation d’être des mecs plus beaux que la normale (exemple : James Dean, Marlon Brando, Ricky Martin, George Michael, Zakary Quinto, etc.)… contrairement aux femmes lesbiennes qui seraient soi-disant devenues « lesbiennes parce que trop moches ». Dans son one-woman-show La Lesbienne invisible (2008), l’humoriste Océane Rose-Marie joue justement à moquer et à s’insurger contre ce cliché fallacieux mais tenace sur les femmes lesbiennes : « Ce n’est pas la laideur qui rend les femmes homosexuelles ! »

 

Mais de quelle beauté/Beauté parle-t-on au juste ? Celle avec un petit « b » (la beauté visuelle, plastique, réifiée, esthétique, inconsciente, présentée comme immortelle, mais qui est figée et mortelle) ou celle avec un grand « B » (la Beauté intérieure, éternelle, libre, consciente d’Elle-même, résurrectionnelle, celle qui comprend et dépasse la mort, la vieillesse, la maladie, la haine) ? Il semblerait que l’individu homosexuel, globalement, les ait fait fusionner au profit de la « petite » beauté… même si, en intentions, c’est moins clair. En général, il choisit le camp de la beauté plastique et superficielle : « Dans sa jeunesse, ma tante est une belle jeune femme, très douce, très tendre et très élégante, de vieilles photos l’attestent. Allez savoir si ce n’est pas là que j’ai pris, très tôt, mon goût marqué pour les très belles femmes douces, charmantes, élégantes ? » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), pp. 19-20) ; « Moi. Petit. Adolescent des années 80. […] Je n’ai qu’une seule idée en tête. Une obsession. Une actrice égyptienne ; mythique, belle, plus belle que belle. Souad Hosni. Une réalité. Ma réalité. Je suis pressé d’aller dans mon autre vie, imaginaire, vraie, entrer en communion avec elle, chercher en elle mon âme inconnue. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 10)

 

Très souvent dans le discours des personnes homosexuelles, la Beauté est associée à l’innocence absolue, tellement absolue qu’Elle ne laisserait plus tellement de la place à la conscience, à la liberté humaine, et finalement au désir : « La vie est une orgie de beauté et d’expériences. » (José Pascual cité dans l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 147) ; « Tu aimais la beauté, Yves. » (Pierre Bergé s’adressant dans un hommage post-mortem à son amant Yves Saint-Laurent, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; etc. La « Beauté » serait inviolable, intouchable, à l’abri de la critique, toute-puissante, virginale, incapable d’être dénaturée par l’Homme. Elle serait la Présence céleste descendue Elle-même sur certains objets « artistiques » ! La grande majorité des membres de la communauté homosexuelle ne croient pas en l’Incarnation divine, mais plutôt en la Matérialisation divine. Au fond, ils n’aiment pas la Beauté réelle, quotidienne, incarnée, relationnelle, tachetée d’imperfections. Ils adulent la beauté plastique. Autrement dit, ils sont médusés devant la beauté comme ils le sont face à une œuvre d’art. Dans leur esprit, l’Éthique fusionne avec l’esthétique (ils pensent que ce qu’ils trouvent beau, ils l’aiment d’amour), l’Amour se confond avec l’art (… ou, ce qui revient au même, se dissocie totalement de l’art et de la Beauté). Ils ont tendance à ne pas lier la Beauté à l’Humanité incarnée, sexuée, réelle, libre dans son chemin vers la mort-vaincue-ensuite-par-la-Vie. Ils parlent plutôt d’une beauté aérienne, minérale, dévitalisée, inaccessible, fétichisée : « C’est tellement beau que ça en devient irréel. » (Francine en parlant de « ses » jumelles qu’elle aurait eues avec sa compagne Karen, le jour de la naissance à la maternité, dans le documentaire « Des Filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger) Le beau serait dans l’impossible, dans les airs. Par exemple, dans l’essai Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, quand Jacques demande à Madeleine qu’est-ce qu’elle est en train de lire, elle lui répond : « C’est une pièce de théâtre. Un long monologue. C’est beau. Insaisissable. » (p. 265)

 

Tout en considérant la Beauté comme inviolable par les autres, certains individus homosexuels vont tenter de L’approcher, de La posséder, de La mettre en boîte ou sous verre, parce qu’ils se croient aussi divins qu’Elle : « Quel malheur que je ne sache ni dessiner ni sculpter. Autrement, je ferais volontiers ton portrait ou ton buste, pour éterniser ta beauté. » (Ernesto s’adressant à Nacho, dans l’essai Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 257) Le goût de la beauté plastique les entraîne souvent vers le purisme, la maniaquerie, l’orgueil du Pygmalion (qui exploite et consomme son amant, qui se prend pour Dieu), la grâce mortelle des objets (un objet, c’est froid et inerte comme la mort, rappelons-le), et pour le coup, leur fanatisme possessif/fétichiste les détourne de la pureté, de l’Amour vrai, et du monde vivant. Par exemple, dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, il est étonnant de découvrir la beauté « objective » et clinquante des appartements de Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent… mais de constater qu’elle vidée de joie et d’âme car elle est purement narcissique et matérialiste.

 

Leur rapport passionnel à la beauté plastique est potentiellement violent et déshumanisé, car il possède de fortes accointances avec l’inceste (inceste avec un proche parent, ou même plus simplement avec une mère symbolique telle que l’actrice), avec le manque de chasteté et de distance par rapport à l’objet de désir. Dans leur discours, à chaque fois qu’il est question de Beauté, l’inceste ou le viol rôdent très souvent dans les parages ! « Tatoué comme une bête à l’abattoir, je revêtais désormais une beauté étrange et maladive dans le grand silence de mon secret […]» (Berthrand Nguyen Matoko évoquant le viol consenti qu’il vient de vivre, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 70)

 

Par exemple, dans le documentaire « Beauty And Brains » (2010) de Catherine Donaldson, on voit que les concours de beauté sont une manière pour certaines personnes transgenres du Népal de camoufler/vaincre les viols et les abus qu’elles ont subis.

 

Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte comment sa grand-mère, pour préserver les idéaux de beauté de son petit-fils, camoufle l’acte de prostitution qu’ils observent ensemble dans une rue par une supposée relation filiale « belle » entre un père et son fils : « Je crois que tu as menti, ce soir d’été. On est descendus sur la terrasse pour sentir la fraîcheur de la nuit et on a entendu une voiture s’arrêter. On s’est déplacés silencieusement pour espionner. On a vu le beau garçon, l’athlète qui faisait de délicats dessins de fleurs. Il faisait chaud. Il était presque nu dans la voiture. Sa peau brillait, recouverte d’une fine pellicule de sueur. Le conducteur de la voiture était un homme plus âgé, aux cheveux blancs. Ils se sont embrassés sur la bouche. Et tu m’as dit que c’était son père. » dit Alfredo à sa mamie ; ce à quoi elle lui répond : « C’est vrai, un père qui aime profondément son fils. » (p. 165)

 
 

b) À force d’être trop désincarnée dans l’idolâtrie, la Beauté apparaît décevante, voire monstrueuse et diabolique :

HAINE 4 Grimace

Photo par Shawn Shawhan


 

L’attachement excessif à la beauté plastique humaine entraîne fatalement chez certaines personnes homosexuelles une déception du Réel vivant, et une angoisse du temps qui passe : « Je pensais que l’amour protégeait du malheur. Que la beauté, la candeur, la jeunesse protégeaient de tout. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 237) ; « J’imaginais Lole couchée dans le petit lit, regardant le plafond et les murs où étaient accrochées les photos et les affiches de sa fille Clara, chanteuse folklorique argentine. Elle devait regretter la beauté de Clara, la beauté radieuse de ces photos. Elle devait serrer les poings pour retenir ses larmes. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 71) ; « Mon ancien camarade de classe me met sous les yeux deux photos de Janson, cinquième et quatrième, toute la classe. […] Moi, mince, l’air silencieux, innocent d’une innocence évidente. Cela m’a ému, car depuis… Et tout à coup, le visage de Durieu que j’avais oublié et qui m’a arraché un cri : un visage d’ange résolu. Silencieux aussi celui-là, on ne le voyait pas, il disparaissait, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir sa beauté comme une brûlure, une brûlure incompréhensible. […] Ce fut mon tout premier amour, le plus brûlant peut-être, celui qui me ravagea le cœur pour la première fois, et hier je l’ai ressenti de nouveau devant cette image, j’ai eu de nouveau treize ans, en proie à l’atroce amour dont je ne pouvais rien savoir de ce qu’il voulait dire. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp. 23-24) ; etc.

 

La beauté physique n’étant pas à la hauteur de leurs espérances, elles dévaluent à la fois la beauté et la Beauté : « Un beau visage, c’est le commencement de la souffrance. » (Julien Green dans l’émission Apostrophe, sur la chaîne Antenne 2, le 20 mai 1983) ; « Plus tard, à l’approche de la première lumière qui annonce le grand jour, je me retrouvais dans sa chambre sans trop savoir pourquoi. Sa forte ombre qui tournait autour de moi bourdonnait des mots incompréhensibles, tel un chanteur aux mâchoires serrées. […] La sensation de beauté qui m’avait ébloui la veille, laissa la place à un visage banalement masculin, pas nécessairement très beau mais sexy, avec un air d’ivresse dans les yeux. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 66-67) ; etc. Comme leur attrait pour les belles choses a un goût amer d’inceste ou de possession, la beauté finit par les laisser de marbre et par provoquer le dégoût. Dans leur esprit, la Beauté est liée à la mort, s’annonce sous la forme d’une catastrophe. Tout comme la Vérité (cf. « Y’a que la Vérité qui blesse ! »), Elle ferait mal.

 

Elle n’est pas présentée comme un atout, une valeur positive et humaine. Tout le contraire ! Elle serait plutôt un cadeau empoisonné, qui assigne un sombre destin : le destin de la star suicidaire. Beaucoup d’individus homosexuels La considèrent comme un danger mortel et diabolique, qui soumet et asservit à la fois celui qui La porte et son adulateur. Ce dernier perdrait tous ses moyens, ne semble avoir aucune résistance face à Elle : « Genet n’aime que l’apparence, ne se soumet qu’à l’apparence, laquelle est à la fois le Mal, l’Autre et la Beauté. » (Jean-Paul Sartre, Saint Genet (1952), p. 122) ; « Je ne suis pas innocente. J’ai toujours succombé à la beauté. J’écris pour dire ce ravissement-là. » (la romancière Nina Bouraoui dans l’émission Culture et Dépendances, sur la chaîne France 3, le 9 juin 2004) ; « L’infernale beauté de Tarik Ramadan […] Sa beauté est infernale. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), pp. 10-11) ; « J’ai vu ses beaux yeux bleus, en effet, et j’ai fait comme tout le monde : j’ai oublié la démocratie. » (Philippe à propos du beau dictateur de Syrie, idem, p. 90) ; « Ce jour-là, une envie de meurtre flottait comme un parfum vénéneux chez Concha Bonita. Elle dormait tranquillement sans soupçonner combien ceux qui l’entouraient souhaitaient la voir disparaître à jamais. Ses cheveux dessinaient des arabesques sur l’oreiller argenté. Ses traits étaient parfaitement harmonieux. Elle avait victorieusement résisté aux années. Concha était belle comme un félin sauvage, sans âge, puissant, toujours prêt à bondir. » (Alfredo Arias en parlant de l’homme transsexuel M to F Concha Bonita, dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 30) ; « Sa beauté me détruit. » (Christophe Honoré en évoquant Sébastien, un camarade de classe, dans son autobiographie Le Livre pour enfants (2005), p. 74) ; « Estelle avait un fils, Stéphane, né d’un premier mariage malheureux, et ce fils venait de partir à Paris où il voulait faire, disait-il, des études de théâtre. Il était beau et séduisant, avait la beauté du diable, ne laissait personne indifférent ; il suscitait tantôt un malaise immédiat, tantôt un vif intérêt. Il aimait et sentait la musique er les beaux-arts, il dessinait, il jouait de plus d’un instrument. Or, un jour de la même année 1983, Estelle, devant témoin, apprend, de la bouche même de son fils, avec les détails les plus crus, que ce fils, délibérément (il était hétéro), s’était engagé comme prostitué homo dans un ‘sauna’ à Paris. C’était par ‘perversion’, en un sens technique de ce mot, que Stéphane en personne employait en me parlant de lui-même. Celui qui se souille ainsi le fait pour souiller par là un monde hostile, pour défier la censure maternelle et, avant tout, pour châtier son père qui l’avait abandonné. » (Paul Veyne, Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (2014), p. 233) ; « Le dark coexiste avec la beauté d’une manière parfaite. » (le chanteur homosexuel Mika dans l’émission The Voice 5 sur la chaîne TF1 le 5 mars 2016) ; etc.

 

Par exemple, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Bertrand est obsédé par le monde de la peinture, et c’est sa mère qui l’a initié à cette drogue : « On passait des heures devant les agneaux à deux têtes. Il était bouleversé. Nous étions en plein syndrome de Stendhal. Ivres de beauté. » (la voix-off de la maman) Mais curieusement, pendant tout le reportage, le passionné de peinture va se mettre en quête du motif de la monstruosité dans les œuvres picturales qu’il observe, au point d’en faire son sujet d’étude : il veut « un truc qui soit à la fois beau, à la fois pas beau ».
 

À l’intérieur même du « milieu homo » (et plus largement dans notre société, qui paradoxalement est obsédée par la beauté médiatique pour mieux délaisser et détruire les vrais Beautés des gens dits « ordinaires »), on observe un mépris croissant des individus homosexuels « âgés » pour leurs pairs plus jeunes et plus beaux, mépris qu’ils ont du mal à s’approprier tant par ailleurs ils connaissent leurs fantasmes de jeunesse et leur célébration du jeune éphèbe. Le jeunisme, étant un mouvement idolâtre (puisqu’il célèbre la beauté de magazine en croyant célébrer la vraie Beauté), s’accompagne bizarrement d’un mépris des petits minets, qualifiés très fréquemment de « superficiels », d’« arrogants », de « lâches », de « naïfs », d’« ingrats », d’« inexpérimentés », etc.

 
 

c) Une obsession/déception de la beauté plastique qui va jusqu’à la violence et la destruction :

La déception des personnes homosexuelles par rapport à la beauté s’accompagne en général d’un mouvement incontrôlé de destruction ou de viol, visant paradoxalement non pas à détruire la beauté mais à la restaurer/à la transformer en Beauté par la laideur et l’agression. Ce qu’on idolâtre, on veut le détruire, comme le montrent ces paroles de l’homme transsexuel Humberto Capelli, qui chante en théorie la beauté du sexe… pour mieux détruire concrètement le sien : « Le sexe est si beau, si frais, si merveilleux. » (cf. l’essai El Látigo Y La Pluma (2004) de Fernando Olmeda, p. 251)

 

Par exemple, le one-woman-show transgenre Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, proposant un spectacle travesti détruisant la beauté féminine et masculine, est comme par hasard l’initiative et la création d’un groupe « artistique » qui a choisi de s’appeler « Embellie radicale ».
 

On voit même certaines personnes homosexuelles perdre la boule uniquement parce qu’elles ne se remettent pas de la beauté qu’elles contemplent : elles jalousent la Beauté et veulent La violer. Comme le souligne à juste raison Diane de Margerie à propos de l’écrivain japonais Yukio Mishima, « Chez lui, on trouve le désir de profaner et de tuer la beauté parce qu’elle est trop belle » (Yukio Mishima, Correspondance 1945-1970 (1997), p. 21)

 

Ce qu’elles reprochent à la Beauté, c’est au fond le mal qu’elles Lui font en cherchant à La posséder pour elles seules, c’est l’espoir démesuré et égocentrique qu’elles misent sur Elle. Par exemple, quand le nom de la « Beauté » est applaudi, c’est généralement une diversion pour occulter de sombres pratiques (prostitution, « plans cul » d’un soir, luxure, consommation des corps, etc.) ou un mensonge identitaire.

 

C’est parce qu’elles atténuent la brutalité et la réalité du viol par l’esthétique, par la « Beauté », qu’elles se mettent parfois à désirer le viol. Par exemple, il leur arrive de trouver le diable beau.

 

Elles sacralisent le viol ou la souffrance en estampe magnifique, en beauté désirable : « Héba, la demi-sœur, est celle qui m’a le plus touché. Je pourrais même dire que, quelque part, je suis tombé amoureux d’elle. Dans une Égypte qui voile de plus en plus ses femmes, Héba était libre, avec sincérité et conviction. Elle était belle comme une star de cinéma, comme Mervat Amine, dont j’avais aimé tant de films, surtout les comédies romantiques. Elle fumait avec élégance et sans provocation. Elle était habillée en permanence en noir, ce qui donnait encore plus de charme à sa silhouette très allongée. […] Les hommes étaient subjugués, ils la mangeaient des yeux mais n’osaient pas lui manquer de respect. Elle passait, et tout le monde se posait cette question : Mais qui est cette femme ? C’était une star. Et pas que pour moi. C’était une femme-mystère avec un peu de tristesse dans les yeux. Un être exceptionnel autour duquel on pourrait construire un film, écrire un roman, un recueil de poésie. […] En présence d’une femme qui n’a rien oublié du passé et de ses blessures, qui n’a pas encore tourné la page et qui était dans cette douleur, devant nous, simple, sans manières artificielles. Digne. Belle. Belle. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), pp. 69-71) Par exemple, dans son roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), Marguerite Radclyffe Hall célèbre « la tristesse de toute beauté » (p. 251)

 

Il est fréquent que les personnes homosexuelles s’identifient à la femme cinématographique qui use de sa beauté comme d’une arme redoutable qui manipule les hommes, à celle par qui le scandale arrive : « Mes tantes paternelles étaient au nombre de trois. Elles étaient toutes les trois célibataires. […] Il semble que l’aînée, la plus belle, ait souffert d’une déception amoureuse et qu’elle ait dans son désespoir décidé de vivre recluse et d’entraîner ses frères et sœurs dans un même renoncement. Les femmes ont suivi. Les hommes se sont échappés. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 105) ; « Mon ami artiste avait esquissé l’aînée, la belle, celle qui avait provoqué le drame. » (idem, p. 112) La beauté fatale, en tant qu’instrument de vengeance et de pouvoir maléfique, est généralement enviée, désirée par la communauté LGBT. Parfois, dans la bouche de certaines personnes homosexuelles, l’adverbe « atrocement » ou « affreusement » est prononcé avec une telle jouissance frétillante qu’il pourrait être remplacé par « joliment ».

 

Même si elles se rendent parfois compte que la beauté plastique est le ressort classique employé par tout système totalitaire humain… elles sont quand même prêtes à mordre à cet hameçon facile comme si c’était du pain béni : « Cette année, les cadets de cinquième année étaient d’une particulière beauté. Au moment d’aller à la douche, quand nous étions tous forcés de nous déshabiller, la beauté de leur corps athlétique imposait un silence presque religieux. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 194)

 

L’obsession des personnes homosexuelles pour la beauté plastique, et donc pour un vernis kitsch dissimulant la mort, dévoile des pratiques et des viols qu’elles ont pu vivre. Par exemple, dans le documentaire « Beauty And Brains » (2010) de Catherine Donaldson, on nous montre que les concours de beauté sont une manière pour certaines personnes transgenres du Népal de camoufler/vaincre les viols et les abus qu’elles ont subis par le passé. Autre exemple : pendant le concert Météor Tour du groupe Indochine (à Paris Bercy, le 16 septembre 2010), des images de guerre sont intercalées à des documents d’archives sur les majorettes et les reines de beauté de la Seconde Guerre mondiale. Il existe une corrélation non-causale entre la glorification de la beauté plastique et les guerres : il est temps que nous nous en rendions compte !

 
 

d) Le mélange sacralisé du beau et du laid :

La soumission (inconsciemment devinée) à la beauté plastique, et au cortège de mauvaises actions qu’elle implique, est généralement illustrée/camouflée par un écran kitsch & camp, ces deux courants artistiques plaçant l’inversion destructrice sur un piédestal. En effet, de nombreux individus homosexuels vont présenter le beau comme laid, et le laid comme beau ; et cette profession de foi artistique constitue, selon eux, le summum de la Beauté (… et pour les lecteurs avertis que nous sommes appelés à être, elle est dans le fond le summum du déni du fantasme de viol, et parfois du viol réel).

 

HAINE 5 couple lesbien

 

Dans les œuvres homosexuelles, surtout celles écrites par des artistes homos dandys, ou par ceux qui se revendiquent héritiers du Marquis de Sade, le beau et le laid sont sans cesse mêlés : je vous renvoie par exemple au roman Las Locas De Postín (1919) d’Álvaro Retana, à la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, etc. Dans le film « Salò O Le 120 Gionate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 Journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, on passe insensiblement du raffinement précieux (avec notamment le discours caressant des conteuses) à l’horreur totale (les scènes de torture).

 

Par exemple, dans la pièce Orphée (1926) de Jean Cocteau, la phrase que le cheval dicte à Orphée, c’est « Madame Eurydice Reviendra Des Enfers et Orphée la trouve extraordinaire, magnifique… » Quand on décompose les initiales, ça fait « M.E.R.D.E.».

 

Dans le recueil de nouvelles Le Mariage de Bertrand (2010) d’Essobal Lenoir, on est proche du détournement de la naïveté des contes pour enfants. On a du « trash », de la scatologie, au beau milieu de la reconstitution d’un monde imaginaire pourtant très enfantin et poétisé. Par exemple, dans la nouvelle « La Carapace », on assiste à la description d’un gamin qui a du mal à faire caca, et qui a des délires scatologiques, mais cette poussée s’emballe en envolées lyriques, en délires scatologiques. Dans la nouvelle « Kleptophile » (2010) du même auteur, au rayon parfumerie d’un grand magasin, la description des produits cosmétiques est associée à la sueur, à la bestialité, au mensonge.

 

Dans la croyance de l’artiste homo bobo, le beau surgirait de la merde, la poésie déborderait des latrines et se trouverait au cœur des backroom. Par exemple, Sylvano Bussoti combine dans son univers l’extrême beauté (je rappelle qu’il est décorateur, dessinateur, illustrateur, calligraphe) et l’extrême laideur (il montre un goût prononcé pour la scatologie et le sadomasochisme). De même, le romancier Hervé Guibert a commencé sa carrière en écrivant des contes pour enfants… pour finir par des écrits extrêmement sombres, parfois scatologiques. Manuel Puig, quant à lui, oscille insensiblement du raffinement glamour au pipi caca, des paillettes à la laideur camp : « Dans les dorures et les diaprures, la scatologie fait irruption. On croit rêver, et l’on se réveille en se tenant les tripes. » (Albert Bensoussan dans son prologue au roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 3) Chez Jean Cocteau, le beau et le laid se côtoient aussi très souvent (cf. le film « La Belle et la Bête », 1945). Derek Jarman, le réalisateur britannique, se passionne à la fois pour le théâtre élisabéthain… et pour l’esthétique de Ken Russel, l’humour punk kitsch !

 

La haine de la Beauté vient paradoxalement du bourgeois esthète homosexuel : pensons aux contes d’horreur macabre sensationnaliste El Monstruo (1915), El Árbol Genealógico et El Caso Clínico d’Antonio de Hoyos. Ils sont nombreux, ces auteurs nés dans des milieux sociaux plutôt aisés (Paul Verlaine, Alexandre Delmar, Philippe Besson, etc.), qui dans leurs romans, se plaisent à placer leur personnage homosexuel dans des décors et des contextes sordides qu’ils n’ont jamais connus personnellement, pour donner plus de réalisme et d’impact à leur désir d’authentifier l’amour homosexuel.

 

Beaucoup d’individus homos célèbrent le très beau et le très moche comme le plus raffiné, le plus jubilatoire, le plus rare (et parfois le plus drôle) des mélanges. « Visconti pouvait aussi bien être distingué, élégant et aristocrate que tigre sauvage rugissant des insanités. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 279) Ils ont un amour du beau qui va jusqu’à l’affreux : « Le Camp n’a que des prétentions esthétiques. […] Le dernier mot du Camp : affreux à en être beau ! » (Susan Sontag, « Le Style Camp », L’Œuvre parle (1968), pp. 442-450) ; « Je suis pas jolie. Mais je suis marrante. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla).

 

Tous les auteurs homos que je connais qui passent du raffinement esthétique à la merde, ou inversement, expriment la difficulté à habiter leur corps, à le considérer comme unique et beau. Ils adoptent un discours de grande bourgeoise libertine, de Sœur de la Perpétuelle Indulgence au milieu d’un sauna, mais ils n’assument pas tant que cela de parler à visage découvert. Ce sont des révolutionnaires trouillards.

 

L’inversion entre le beau et le laid, même s’ils ne la conscientisent pas ainsi, dit leur déception d’eux-mêmes et du monde, leur refus d’aller chercher la Beauté au-delà du paraître et des objets, et enfin leur plan de vengeance dirigé contre la beauté plastique et contre leur propre attachement crispé à celle-ci.

 
 

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Code n°86 – Hitler gay (sous-code : Nazis homosexuels)

Hitler

Hitler gay

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Le Point Gaydwin :

Stratégie de ridiculisation méprisante et dévirilisante de l’ennemi

ou fond de réalité?

 

Ne fuyez pas en courant comme ça ! Ne criez pas avant d’avoir mal. Ce code n’a rien d’homophobe, de diabolique, de malsain. Pas la peine de coucher les enfants, de rentrer dans votre abris anti-nucléaire, d’appeler la police anti-extrémistes, ni de sortir vos crucifix. Cet article ne fait qu’œuvre de mémoire, et libère de certaines peurs, en plus. Une fois que vous l’aurez lu, je parie que vous baisserez la garde de votre scepticisme anti-homophobie (si jamais vous avez la chance de ne pas faire partie de cette énorme frange de la population française que sont les paranoïaques anti-fascistes), et vous me direz : « Et bien oui, en effet, il existe vraiment un lien entre Hitler et le désir homosexuel. On a tant à apprendre sur l’homosexualité ! On n’y connaît rien… ».

 

HITLER 2 Casquette rose
 

Car oui, ces liens de coïncidence sont criants, même s’ils sont peu connus. Pensez par exemple que dans les années 1930, les sections de S.A. en Allemagne ont été reconnues comme un foyer d’homosexualité ; la ville de Berlin était la capitale européenne la plus rainbow qui ait existé ; beaucoup de témoignages relatant des pratiques homosexuelles nous reviennent des prisonniers des camps de concentration ; toute la fantasmagorie nazie était centrée esthétiquement sur l’homosexualité ; on dit même qu’Hitler était homosexuel ; et encore aujourd’hui, le mouvement punk ou néo-nazi est affilié à la communauté homosexuelle ; la figure du soldat nazi reste une icône gay et lesbienne incontournable. Je vais aborder chacun de ces points plus en détail dans mon article. Mais vous voyez déjà qu’à eux seuls, ils appellent à beaucoup d’explications et d’étayage !

 

Je me souviens du jour (c’était le 14 octobre 2010) où j’ai parlé de ce code à l’émission Homo Micro, dans les studios parisiens de RFPP. Même si je m’y attendais un peu, j’avais été quand même frappé de l’ignorance, de la bêtise, et du déni des quelques chroniqueurs qui m’entouraient, et qui, quoi que je dise, n’avaient pas envie de se laisser surprendre… Notamment, il y a eu la réaction épidermique et gentiment suspicieuse de Séverine, la chroniqueuse juive. Je prononçais le mot « Hitler », et c’était comme si, à leurs yeux, je ressuscitais magiquement le personnage, je le défendais, pour un peu je l’incarnais ! Pour eux, il ne fallait pas que mon topo dure trop longtemps. J’en avais déjà trop dit. J’avais osé prononcer le mot diabolique : « Hitler ». Et c’était impardonnable. Ce rapport superstitieux au nazisme (je dis superstitieux car malheureusement, il n’est pas que naïf ; il dit l’obscurantisme anti-fascisant dans lequel notre époque s’engouffre petit à petit sans s’en rendre compte, en faisant lentement le lit des extrêmes), ce rapport blessé, lâche, m’énerve autant qu’il m’inquiète, car si vraiment nous ne rentrions pas dans le jeu actuel des nouveaux nazismes, nous oserions justement regarder le nazisme historique en face, nous n’en aurions pas peur. Oui : on peut posséder Mein Kampf dans sa bibliothèque (ce qui n’est pas mon cas) sans pour autant penser comme Hitler et épouser ses idées. Si si, je vous assure. Tout comme il est possible de rencontrer des personnes qui imitent en actes et en pensées Hitler alors même qu’elles s’affichent orgueilleusement anti-Hitler (je connais beaucoup de néo-fascistes de ce genre : à commencer par Hitler lui-même, qui voulait lutter contre une République de Weimar qu’il diabolisait). Et je vous rappelle aussi qu’Hitler est bien un homme, comme vous et moi : ce n’est pas le diable en personne, un animal, un esprit invisible, un nuage de fumée, ni un extra-terrestre, mais bien un être humain (je préfère vérifier cela avec vous en préambule au cas où, parce qu’un jour que je faisais cours à une classe d’élèves de terminale, je me suis amusé à leur demander s’ils pensaient qu’Hitler avait existé : une poignée d’étudiants reconnaissait timidement son incarnation humaine, mais beaucoup me soutenaient mordicus que ce n’était pas un être humain puisqu’il avait agi comme un monstre). Nos intentions anti-fascisantes et nos rêves totalitaristes d’éradication absolue du mal raccourcissent parfois notre mémoire et notre bon sens à une vitesse effrayante. Anders Behring Breivik nous l’a bien montré…

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Adeptes des pratiques SM », « Parodies de mômes », « Défense du tyran », « Homosexuel homophobe », « Homosexuels psychorigides », « Patrons de l’audiovisuel », « Androgynie Bouffon/Tyran », « Entre-deux-guerres » et « Milieu homosexuel infernal », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

Pour accéder au menu de tous les codes, cliquer ici.

 

 

1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Il suffit de s’intéresser un peu à la production artistique homosexuelle de la seconde moitié du XXe siècle, et même d’écouter les personnes homosexuelles d’aujourd’hui, pour être frappé d’une chose : ils se réfèrent tous énormément à la figure de l’Hitler gay. Que ce soit sur le mode de la diabolisation ou de la dérision, peu importe : le ridicule épouvantail à moineaux existe, et cache de nombreux secrets.

 

Pièce "The Producers" de Mel Brooks

Pièce « The Producers » de Mel Brooks


 

Surtout de nos jours, on ne prend malheureusement pas le phénomène assez au sérieux – ou bien, ce qui revient au même, on le prend trop au sérieux pour véritablement l’aborder avec dépassion et objectivité. En général, l’homosexualisation d’Hitler ou l’attrait pour les Nazis est présentée sur le mode de la farce, de la grosse blague potache (SM), voir comme une compromission politique (cf. la récente passion pour les cérémonies de commémoration des triangles roses) : on rabaisse le dictateur pour mieux démystifier le personnage. Alors, on me rétorquera que la dévirilisation d’Hitler dans les fictions – comme on peut la voir dans l’exemplaire film de Charlie Chaplin, « Le Dictateur », en 1940 – n’est pas à voir comme une Vérité sur Adolf Hitler : elle est surtout une technique bien connue de dévalorisation ou de ridiculisation de l’Ennemi. Certes. Je suis d’accord à 75%. Mais l’argument du « second degré » a bon dos. Je ne crois pas totalement à la toute-puissance démystificatrice de l’humour corrosif et militant, car derrière la caricature, il y a bien souvent une adoration muette, qui ne s’avoue pas à elle-même, une imitation et une collaboration secrètes qui en surprendra plus d’un. Certains faits parlent pour nous.

 

Film "The Dictator" de Charlie Chaplin

Film « The Dictator » de Charlie Chaplin


 

HITLER 14 Chaplin 2

Dans la blague, il y a toujours un fond de vérité. Et historiquement, la collaboration sérieuse avec Hitler et les Nazis a réellement existé. Oui. Les tyrans qui ont le plus persécuté la communauté gay étaient particulièrement entourés de personnes homosexuelles. Comme le dit Patrice Chéreau, « Nous sommes un peu comme le Dom Juan de Molière : nous avons développé une morale progressiste, mais nous, nous sommes toujours du côté des maîtres. » Beaucoup de personnes homosexuelles connaissent mieux que quiconque les mécanismes des systèmes dictatoriaux. Le seul problème, c’est qu’au lieu de les dénoncer, elles les adorent. Certaines se sont concrètement agenouillées devant les beaux soldats allemands (Maurice Sachs, Marcel Jouhandeau, Abel Hermant, Pierre Drieu la Rochelle, Abel Bonnard, Suzy Solidor, etc.), et expriment parfois leur amour-répulsion pour le régime nazi, à la fois dans l’humour camp, mais aussi très sérieusement : « Je ne peux pas m’empêcher d’avoir pour Hitler une admiration pleine d’angoisse, de peur et de stupeur » déclarera André Gide (cf. Journal, le 20 août 1940). Par exemple, au générique de son film « Passion » (1964), Yasuzo Masumara écrit le mot passion à côté d’une énorme croix gammée rouge : difficile d’être plus clair…

 

Par rapport à ce lien entre Hitler et l’homosexualité, en général, la communauté homo réagit mal. Très mal. En temps normal, par réflexe de survie, elle fait l’autruche (cf. l’édito « Hitler et les Talibans » de Thomas Doustaly, dans la revue Têtu, n°60, novembre 2001). Et puis, de temps en temps, elle s’insurge et sort les crocs sans chercher à comprendre la violence de son déni. Dès que la corrélation entre homosexualité et totalitarisme est faite, cela provoque un tollé fascinant dans les rangs de l’intelligentsia homosexuelle. « Problème sociologique : pourquoi tant de pédérastes chez les collaborateurs ? » s’indigne Jean Guéhenno (cf. l’article « Écrivains et Collaboration » d’Emmanuel Pierrat, dans le Dictionnaire des Cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 123). Certains intellectuels évacuent presque systématiquement le lien de coïncidence homosexualité-nazisme par le rejet pourtant justifié du lien de causalité. « Il est évident qu’il y avait des homosexuels parmi les nazis ou, inversement, des nazis parmi les homosexuels, mais cela ne signifie rien en soi. L’idée d’un lien intrinsèque entre adhésion au nazisme et orientation homosexuelle est si paradoxale… » (cf. l’article « Nazisme » de Michel Celse, idem, pp. 334-338.). Ils s’imaginent qu’ils fuient l’extrémisme d’où ils viennent, en choisissant celui qui lui est opposé. En réalité, ils passent souvent d’un fondamentalisme à un autre, de l’extrême droite à l’extrême gauche. Nous ne serons pas étonnés de lire André Gide écrire dans Morceaux choisis (1921) que « les extrêmes le touchent ».

 

Il faut avouer qu’il y a en effet quelque chose d’incompréhensible dans le soutien homosexuel au totalitarisme, une attitude de défense/déni comparable à celle du personnage de Molina dans le roman de Manuel Puig El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) face au film nazi « Destin » (pp. 58-59), une curieuse fascination qui refuse de se rendre intelligible :

 

Molina« Si l’on me donnait à choisir un film, rien qu’un film à revoir, c’est celui-là que je choisirais.

Valentín – Mais pourquoi ? C’est une ordure nazie. Tu ne t’en rends pas compte ?

Molina – Écoute… il vaut mieux que je me taise. »

 

Vidéo-clip de la chanson "Dégénération" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer


 

Cette attraction homosexuelle vers la dictature suit majoritairement une logique esthétique et intentionnelle plus qu’une dialectique intentionnée et raisonnée d’Amour et de Réalité. Tout risible qu’il soit, le fantasme de l’uniforme et des attributs physiques de l’hyper-virilité nazie dans la communauté homosexuelle est assez marqué : pensez à Helmut Berger dans le film « Les Damnés » (1969) de Luchino Visconti, à la getapiste lesbienne dans le film « Rome ville ouverte » (1945) de Roberto Rossellini, au film « Les Dieux du stade » (1936) de Leni Riefenstahl, aux sculptures d’Arno Breker, à la coupe érotique des uniformes S.S. reprise par Calvin Klein ou Hugo Boss, aux dessins de Tom of Finland ou de Roger Payne, aux films pornos mettant en scène des néo-nazis, etc. (même le vidéo-clip de la chanson « Alejandro » de Lady Gaga, ou bien celui de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer, utilisent un traitement esthétique homosexualo-nazi). Vous connaissez sûrement la fameuse citation de Pascal : « Qui veut faire l’ange fait la bête ». Quand les personnes homosexuelles ne prennent pas conscience de la nature totalitaire et idolâtre de leur désir homosexuel, parce qu’elles veulent rester d’innocentes victimes responsables de rien, il arrive qu’elles cherchent à imiter en actes l’image du tyran qu’en intentions elles prétendent sincèrement combattre.

 

En effet, toutes ces images de l’Hitler gay rejoignent une certaine réalité fantasmée. Souvent dans l’histoire humaine, le dictateur et la personne homosexuelle ont fusionné concrètement. Par exemple, dans les années 1930, le régime nazi est touché de plein fouet par la découverte d’un foyer important de personnes homosexuelles au sein des Sections d’Assaut (Hitler en fait exécuter 150 le 30 juin 1934 pendant la Nuit des Longs Couteaux) : leur représentant le plus connu est Ernst Röhm. En Allemagne, les idées d’extrême droite et l’idéal homosexuel se marièrent très bien : pensons à Adolf Brand (qui fonda la revue homosexuelle Der Eigene), à la Communauté des Spéciaux (Gemeinschaft der Eigene), à l’Association masculine allemande (Männerbund) marquée par une esthétique-idéologie homo-érotique, à Hans Blüher qui projette la création d’une société fondée sur un État viril. Même si de fameux dictateurs ont persécuté les personnes homosexuelles, ils étaient contre toute attente eux-mêmes homosexuels. Ceux qui ont vécu les camps de concentration sont formels : beaucoup de leurs tortionnaires nazis étaient homosexuels (je pense au témoignage d’Aimé Spitz notamment). Toute la mystique hitlérienne était fondée sur l’homosexualité. L’historien italien Eugenio Dollmann aborde l’homosexualité d’Hitler dans Roma Nazista. Par ailleurs, en 2001, Lothar Machtan a consacré un ouvrage entier à l’homosexualité d’Hitler dans sa biographie La Face cachée d’Adolf Hitler. Cette thèse déchaîne bien évidemment les foudres de la communauté homosexuelle actuelle. À quoi bon montrer qu’Hitler était homosexuel ?, s’indigne-t-elle. Cela ne rajoute rien à l’horreur du personnage, et de surcroît, ne fait que charger inutilement la barque des personnes homosexuelles et convaincre l’opinion publique que l’homosexualité produit des dictatures et des monstres. On peut difficilement soutenir une telle affirmation. À mon sens, il importe peu que l’hypothèse soulevée par le livre de Lothar Machtan soit avérée ou non, puisque, même s’il est fort probable qu’Hitler a été une personne homosexuelle refoulée (quand on lit en intégralité la longue biographie en 2 tomes rédigée par l’historien Ian Kershaw – un ouvrage complètement neutre sur la question de l’homosexualité du Führer –, il ne fait aucun doute en effet que la vie d’Hitler comporte de nombreuses coïncidences de l’homosexualité relevées dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels), il est impossible d’assurer qu’il était l’incarnation humaine de « l’homosexuel » ou de « la personne homosexuelle » étant donné que ces deux personnages sont au mieux des mythes, au pire des réalités fantasmées que personne n’arrivera jamais à devenir complètement. C’est précisément le refus de la probabilité qu’Hitler ait pu être homosexuel, non pas parce qu’il était entièrement homosexuel mais simplement du fait de son humanité, qui est inhumain et homophobe. Comme le souligne très finement Gerald Messadié, « ce menteur dissimulait non pas un vice, mais ce qu’il était contraint de tenir pour un vice : son homosexualité. D’où son inhumanité ». Messadié soutient l’idée selon laquelle le rapport idolâtre d’attraction-haine concernant le désir homosexuel, c’est cela qui est inhumain et monstrueux, et non l’homosexualité en elle-même. Reconnaître les tendances homosexuelles d’Hitler, c’est finalement rendre l’homosexualité beaucoup plus humaine et moins monstrueuse que de la nier dans l’angélisme et la diabolisation d’un être humain historiquement figé au rang de « non-personne ». L’anti-fascisme homosexuel est une autre forme de négation du désir homosexuel. Il conduit tout autant à la dérive totalitaire et homophobe que le despotisme montré en tant que tel dans les manuels d’Histoire. Regardez le « milieu homosexuel » actuel, et ses chiens de garde hargneux…

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

Film "Grégoire Moulin contre l’humanité" d’Artus de Penguern

Film « Grégoire Moulin contre l’humanité » d’Artus de Penguern


 

On retrouve un lien entre homosexualité et Hitler dans la chanson « Le Bâtard de Rhénanie » de Jann Halexander, la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, le film « Radiostars » (2012) de Roman Lévy, le film « Novembermund » (« Lune de novembre », 1984) d’Alexandra von Grote, le film « Croix de fer » (1977) de Sam Peckinpah (avec Maximilian Schell, le capitaine nazi), le vidéo-clip de la chanson « Alejandro » de Lady Gaga, le concert d’Indochine Météor Tour à Bercy le 16 septembre 2010 (où il est énormément question d’Hitler), le roman Les Nouveaux nouveaux Mystères de Paris (2011) de Cécile Vargaftig (avec les camps de concentration), le film « Horror Vacui, Die Angst Vor Der Leere » (1984) de Rosa von Praunheim, le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman (avec le salut nazi d’une Hitler-mère), le film « Megavixens » (1976) de Russ Meyer (avec Adolf Schwartz, sosie de Hitler, dévoré par un piranha), le tableau L’Énigme d’Hitler (1937) de Salvador Dalí, les films « Ilsa, She-Wolf Of The SS » (1974) et « Ilsa, gardienne du harem » (1976) de Don Edmonds, le film « K29 – Lager Di Sterminio » (1974) de Bruno Mattei, le film « Crime de David Levinstein » (1968) d’André Charpak (avec les tortionnaires nazis), le film « Chaque mercredi » (1966) de Robert Ellis Miller, le film « Chute libre » (1993) de Joel Schumacher, le film « American History X » (1998) de Tony Kaye (avec le personnage du néo-nazi), le film « Prinz In Hölleland » (« Prince en enfer », 1992) de Michael Stock (sur le néonazisme), le film « Oi ! Warning ! » (1999) de Dominik et Benjamin Reding, le film « Tu marcheras sur l’eau » (2005) d’Eytan Fox (avec le grand-père collabo), la chanson « Ce soir on danse au Naziland » de Sadia dans le spectacle musical Starmania de Michel Berger, le roman L’Autre (1971) de Julien Green, le film « Les Nuits fauves » (1991) de Cyril Collard (avec le traitement du néonazisme), le film « Allemagne année zéro » (1948) de Roberto Rossellini, le film « La Cinquième Colonne » (1942) d’Alfred Hitchcock, le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, le film « Le Conformiste » (1970) de Bernardo Bertolucci, le film « Exodus » (1960) d’Otto Preminger, le film « Qu’as-tu fait à la guerre, papa ? » (1966) de Blake Edwards, le film « Gripsholm » (2002) de Xavier Koller, « L’Alcova » (1985) de Joe D’Amato, le film « La Niña De Tus Ojos » (« La Fille de tes rêves », 1998) de Fernando Trueba, le film « Sekret » (2012) de Prezemyslaw Wodcieszek, le roman Les Bienveillantes (2006) de Jonathan Littell, le roman Goodbye To Berlin (1939) de Christopher Isherwood, le film « La Folle Histoire de Max et Léon » (2016) de Jonathan Barré (avec le cabaret nazi), la chanson « Chanson de l’armée allemande » de Maurel et Vilbert, la chanson « Espionne » de Catherine Lara, etc.

 

Vidéo-clip de la chanson "Alejandro" de Lady Gaga

Vidéo-clip de la chanson « Alejandro » de Lady Gaga


 

Parfois, le thème d’Hitler semble tomber comme un cheveu sur la soupe dans l’intrigue homosexuelle d’un film ou d’un roman. « Les Français connaissent mal l’Autriche… à part Freud, Sissi, Hitler, Mozart, Mozart… Arnold Schwarzenegger ! » (Nicolas, l’un des héros homos du film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « La police se ramollit. Pas de croix gammée au défilé. » (Mark, le chef LGBT regrettant ironiquement que la Gay Pride n’ait pas été attaquée par les forces de l’ordre britanniques, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « Le véritable amour à ceci de commun avec le crime contre l’Humanité qu’il est imprescriptible. » (Guillaume, le héros homosexuel, parlant de son amour pour Michael et du nazisme, dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset) ; « C’est la guerre. Vous êtes des Nazis. » (Madame Albright, la prof de théâtre lesbienne du lycée, s’adressant à ses élèves et à Simon, le héros homo, pendant qu’il joue la comédie musical Cabaret, dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti) ; « Ça fait Hitler qui va draguer un mec. » (l’humoriste « hétéro » Arnaud Demanche se mettant dans la peau d’un internaute, dans son one-man-show Blanc et hétéro, 2019) ; « L’oncle Adolf s’était déjà flingué, son Eva l’avait accompagné, des fois qu’il aurait voulu draguer. Qui sait si, Là-Haut, il n’y a pas de folles ! » (c.f. la chanson « Et mon père » de Nicolas Peyrac) ; etc. Par exemple, dans le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, Loïc, le héros homosexuel inculte, venu visiter le Muséum d’Histoire Naturelle de sa meilleure amie Marie, prétend s’intéresser à « l’hitlérisme », et feuillette une encyclopédie pour rechercher des informations sur Hitler. Dans le roman Le Contenu du silence (2012) de Lucía Etxebarría, il est question de la présence nazie aux Canaries. Dans le film « ¿ Qué he hecho yo para merecer esto ? » (« Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? », 1984) de Pedro Almodóvar, le Professeur propose à Antonio de réaliser une contrefaçon hitlérienne : « J’ai repensé aux fausses lettres d’Hitler et j’ai eu une idée de génie ! J’écris les mémoires d’un dictateur. Avec quelques retouches, ce dictateur pourrait être Hitler. J’écris le texte, ensuite vous le recopiez avec l’écriture d’Hitler. Quand ils apprendront que nous avons en notre pouvoir les véritables mémoires du Führer, on obtiendra ce qu’on voudra ! Je vous parle de millions, bien sûr ! » Dans la B.D. Pressions & Impressions (2007) de Didier Eberlé, un parallélisme entre les écrits nazis et la presse homosexuelle est fait : les collègues de Martial, le personnage « homophobe » qui rechigne à imprimer la revue gay que son entreprise d’impression doit tirer à des milliers d’exemplaires, lui font cette drôle de remontrance : « Ce n’est pas Mein Kampf non plus ! » (p. 3) La figure d’Hitler hante toutes les pages du roman La Vie est un tango (1979) de Copi, sans que le lecteur sache réellement pourquoi (car il n’est même pas fait véritablement mention des foyers d’expatriés nazis en Amérique du Sud…). À un moment, on nous informe qu’Hitler est en train d’envahir la Hollande. Un peu plus tard, le journaliste Semillita, caricaturiste du journal La Crítica, a une curieuse de manière de rendre hommage à la mort d’un homme appelé Silberman : « Silvano [le héros homosexuel] vit la caricature de Silberman à quatre pattes, le pantalon retroussé ; Hitler lui introduisait une croix svastique dans le postérieur. » (p. 72) Quand la deuxième proposition de dessin figurant Hitler arrive entre les mains d’Horacio, le directeur de rédaction, on craint l’infiltration nazie au sein du journal : « Nous ne pouvons pas titrer avec Hitler une deuxième fois dans la semaine ! » (Horacio, idem, pp. 35-36) Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, concernant l’échelle de Kinsey (barème d’homosexualité), Arnaud, l’un des héros homo, s’exclame : « C’est pas un truc inventé par les Nazis pour attraper les chiens errants ! » ; « Ça, c’est pas nazi ? » ; etc. Le Dr Katzelblum qui lui a soumis cette échelle qui va de 0 à 6, situe Arnaud à 6 parce que ce dernier ne s’assume pas homo : « Et vous, vous êtes un 6 allemand, un Nazi. » Dans le roman Les Bienveillantes (2006) de Jonathan Littell, Maximilian Aue, officier SS et grand massacreur de juifs, est homosexuel. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas et François, les deux amants, reviennent de la « Soirée Mousse » organisée par leur ami Paul complètement bourrés : ils portent encore chacun sur le front le post-it du jeu auquel ils ont participé, et essaient de deviner quel personnage célèbre ils incarnent. À un moment, le jeu tourne mal puisque François porte le post-it « Adolf Hitler ». Thomas a tout le mal du monde à lui faire deviner qui il est : « Je suis une personne d’origine allemande. Et je porte des bottes en cuir. » François, sans le vouloir, confond le Führer et le couturier allemand homo Karl Lagerfeld : « Oh nan, pas lui ! Pas Karl Lagerfeld ! » Dans le film « Sing » (« Tous en scène », 2016) de Garth Jennings, Gunther, le cochon homosexuel, a un accent allemand prononcé. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, pendant le cours d’histoire, Nathan simule un malaise alors que le prof parle de l’accord (pacte de non-agression) entre Hitler et Staline pendant la Seconde Guerre mondiale, pour être amené à l’infirmerie par son futur amant Jonas.

 

Quant au film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser, il a choisi comme cadre fictionnel de l’intrigue amoureuse homosexuelle entre les deux jeunes adultes Matthieu et Jan la station balnéaire désaffectée de Prora, fondée par les Nazis. Les amants figurent bien le double mouvement paradoxal qui caractérise le rapport idolâtre des personnes homosexuelles avec le nazisme : Matthieu (le Français) trouve Prora « beau » alors que Jan (l’Allemand) est révulsé par le lieu.

 

Dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, Petra, l’héroïne lesbienne allemande, sait que les sous-sol de l’immeuble où son frère Tielo et sa femme habitent sont d’anciens lieux de torture nazie : « Les nazis utilisaient le ‘Wasserturm’ comme prison pendant la guerre. Ils torturaient les gens dans le sous-sol. » (p. 36-37) L’idée qu’il puisse exister des fantômes nazis dans les catacombes d’habitations modernes fait froid dans le dos à son amante Jane (« J’aimerais pas être à leur place. ») qui se met à craindre pour leur immeuble berlinois à elle et Petra. Cette dernière lui rétorque agressivement : « Qu’est-ce que tu préfèrerais ? Qu’on se torture pour les péchés de nos ancêtres ? Mon grand-père était un nazi. Tu veux que je me suicide ? »

 

Il arrive que le personnage homosexuel soit comparé (ou se compare) à Hitler. « Mes initiales sont bizarres : S. S. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) Par exemple, dans la série Queer As Folk (version britannique, saison 3), l’efféminement d’Alexander est associé au dictateur : « Je te préviens : Alexander est un peu maniéré. Enfin, ‘un peu’… c’est comme dire ‘Hitler était un peu vache’. » Dans le roman Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, Valentín, au moment où il s’homosexualise progressivement, se défend de ressembler à Hitler : « Je ne suis pas un bavard qui parle politiquement dans les bars, non ? » (p. 46) Dans le film « Una Gionata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, la collaboration entre Mussolini et Hitler sert de toile de fond et de métaphore de l’homosexualité de Gabriele.

 

"Tilter"

« Tilter »


 

Très souvent, les Nazis ou Hitler sont féminisés ou homosexualisés : cf. le film « Les quatre cavaliers de l’Apocalypse » (1921) de Rex Ingram (avec les soldats allemands homosexuels), la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone (avec l’Hitler homosexuel), la pièce Grand’ peur et misère du Troisième Reich (2008) de Bertold Brecht (avec l’allusion à l’homosexualité des S.A.), le film « Deseo » (2002) de Gerardo Vera (avec la lesbienne pro-nazie), la pièce Le Roi des Aulnes (1970) de Bernard-Marie Koltès (avec le héros nazi et homosexuel), le film « Rome ville ouverte » (1945) de Roberto Rossellini (avec la getapiste lesbienne), le film « La Grande Vadrouille » (1966) de Gérard Oury (avec le fils de Michèle Morgan travesti en bavaroise), etc. « Tu aurais pu être né en Bavière, en Basse-Saxe ou en Rhénanie, t’engager dans les Jeunesses avec tous les copains, te sentir très tôt un peu différent, caresser le torse imberbe de Franz sous les douches, le retrouver la nuit tombée dans sa couchette, devenir officier, ne jamais porter de triangle rose ou violet, être promu commandant, exterminer des homosexuels, coucher avec des garçons. Mais tu es né en France, tu es né juif, tu voulais être chimiste et rejoindre de Gaulle. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 110) ; « Les hommes à moustache sont des pédales ou des fachos, quand c’est pas les deux à la fois. » (Rossy De Palma en Juana dans le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar) ; « Ma petite chochotte nazie ! » (Matthieu s’adressant à son futur amant allemand Jan, dans le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser) ; « Les Nazis étaient des enculés. » (Kévin dans le film « Die Welle », « La Vague » (2009) de Dennis Gansel) ; etc.

 

Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, dans le club homo, il y a des soirées « Nuit de la Police » SM où tous les clients sont déguisés en flics, en Nazis. Dans le film « OSS 117 : Rio ne répond plus » (2009) de Michel Hazanavicius, on assiste à une scène de cabaret dans laquelle le méchant nazi, Heinrich, fait sa diva homosexuelle. Le film « Les Damnés » (1969) de Luchino Visconti dépeint les orgies homosexuelles des S.A. où certains soldats se travestissent. Dans la pièce Les Z’Héros de Branville (2009) de Jean-Christophe Moncys, il est question d’un « blondinet nazi en tutu ». Le film « Titler » (1999) de Jonathan Bekemeier montre la fusion étrange entre une cantatrice et le célèbre dictateur. Dans le film « The Producers » (« Les Producteurs », 1968) de Mel Brooks, deux escrocs montent une comédie musicale à Broadway, Springtime For Hitler, célébrant le grand retour d’un Hitler homosexuel gravitant dans un milieu artistique rempli de folles tordues. Dans son film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975), Pier Paolo Pasolini a souhaité faire de ses quatre bourreaux des répliques de chefs nazis : d’ailleurs, à la fin du film, on les voit se marier entre eux (ils sont déguisés en femmes mariées). Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, Freud est féminisé en despote nazi surnommé « Fraulein Freud », en travelo qui « descend le grand escalier des Folies Bergère » (p. 23). Dans la pièce musicale Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou, Érik Satie est filmé avec un visage d’Hitler. Dans le film « Miss Congeniality » (« Miss Détective », 2001) de Donald Petrie, Vic, homosexuel, est le relookeur officiel du concours de Miss États-Unis ; tacitement homo, il est surnommé « la Follasse bavaroise ». Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le fiancé de Gatal, en lui tendant sa main, lui fait le salut nazi.

 

Film "Coming Out" de Matthias Freihof

Film « Coming Out » de Matthias Freihof


 

De manière apparemment paradoxale, le héros homosexuel se met à défendre Hitler et le nazisme. Par exemple, dans le téléfilm « Marie Besnard, l’Empoisonneuse » (2006) de Christian Faure, le bel Allemand Ady est protégé par Marie Besnard. Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, George défend l’antisémitisme des Nazis de manière ambiguë devant ses étudiants. Dans le film « L’Arbre et la Forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Frédérick, pourtant ex-victime de la barbarie nazie, ancien Triangle rose des camps d’extermination nazis dans lesquels on diffusait de la musique wagnérienne, se met quand même, une trentaine d’années après, à défendre ses bourreaux et à rentrer dans leur moule puisqu’il est encore fan de Wagner : « Quand j’écoute Wagner, je prends ma revanche sur les Nazis. » Cette soumission s’opère pour des raisons purement esthétiques et sentimentales. Quand on dit que l’enfer est pavé de bonnes intentions, on touche au cœur des mécanismes du diable… Dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1979) de Manuel Puig, Molina, le personnage homosexuel, illustre parfaitement cette ambivalence entre passion homosexuelle (esthétique) et raison humaine (éthique) : il sait très bien qu’il aime le film de propagande « Destin » – une vraie « ordure nazie » selon son compagnon Valentín – pour les mauvaises raisons, mais au moment où on lui demande de se justifier et d’arrêter de regarder ce type de films, il plonge dans le déni : « Écoute… il vaut mieux que je me taise. » (pp. 58-59)

 

Le soldat nazi, blond, musclé et vigoureux, représente l’archétype de la beauté qui fait fantasmer le héros homosexuel, le miroir narcissique androgynique dans lequel ce dernier peut se découvrir éblouissant ou bien Homme invisible : « Tu observes le bébé S.S. à la façon d’un diamantaire devant une pierre. » (Félix en parlant du jeune soldat blond, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 148) ; « Tanguy se dit que leurs uniformes étaient plus beaux que ceux des Français et que les Allemands avaient plus d’allure. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 50) ; « Nous sommes à Paris, depuis quelques mois occupé par les Allemands. Les troupes nazies paradent sous l’Arc de triomphe. […] Des soldats défilent, blonds et jolis garçons. » (Molina, le personnage homosexuel du roman Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 51) ; « Pendant la guerre, on a souffert. Enfin… surtout à la Libération ! Moi, j’ai été tondue. Je peux vous dire que je connus les Allemands de près, de très très près. Surtout Hans. Des Allemands, des aristocrates… d’une classe foooolle. Des gens qui gagnaient à être connus. » (la femme collabo interprétée par Didier Bénureau, dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; etc.

 

Dans La Mort dans l’âme (écrit en 1949 et publié en 1954), Jean-Paul Sartre dépeint l’attrait homosexuel de son personnage Daniel pour les beaux soldats allemands arrivant à Paris. Dans le film « Chantons sous l’Occupation » (1976), Jean-Louis Bory condamne chez les hommes homosexuels « le goût de la botte, du cuir, du métal, et les fameuses messes de Nuremberg ». Dans la pièce Les Indélébiles (2008) d’Igor Koumpan et Jeff Sirerol, le fantasme de l’uniforme nazi est encore souligné.

 

Le Hitler homosexuel prend parfois le visage de l’amant : « Vous savez ce que ça fait de vivre avec la Gestapo ? » (Larry, reprochant à son amant Hank qui l’aime et qu’il trompe, de le faire culpabiliser de ses infidélités, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) Il arrive en effet que le personnage gay et le Nazi/Hitler fusionnent et se mettent en couple homo. Par exemple, dans le roman Le Monde inversé (1949) d’André Du Dognon, les patriotes français retournent leur veste pour s’allier sexuellement à l’ennemi allemand sous l’Occupation. Dans la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall, le romancier Cliff se fait draguer et tripoter par un chef nazi homosexuel. Dans le film « Nous n’étions qu’un seul Homme » (1978) de Philippe Vallois, un homme sauvage vivant dans les Landes recueille un soldat de la Wehrmacht avec qui il va vivre une idylle sensuelle et génitale. Dans le vidéo-clip de la chanson « Dégénération » de Mylène Farmer, les soldats allemands se roulent des pelles très librement, et leurs chefs nazis participent aussi à la partouze générale. Dans le film « Un Élève doué » (1999) de Bryan Singer, Ian McKellen est un ancien officier nazi vivant aux États-Unis sous une fausse identité et entretenant une relation avec un adolescent. Dans le film « Les Maudits » (1947) de René Clément, Michel Auclair joue le rôle du mignon de Forster, un responsable de la Gestapo, Nazi convaincu. Tout le film « Brotherhood » (2010) de Nicolo Donato se centre sur une histoire d’amour homosexuel entre deux hommes gravitant dans un groupe politique néo-nazi. Dans le film « Tras El Cristal » (1987) de Agustí Villaronga, un pédophile nazi paralysé vit une histoire d’amour avec l’infirmier qui s’occupe de lui. Dans le film « Grégoire Moulin contre l’humanité » (2001) d’Artus de Penguern, Jean-François (Didier Bénureau) sodomise un homme déguisé en Hitler lors d’un bal masqué organisé dans un hôtel particulier de Paris ; après avoir fait sa petite affaire, il se rend compte que Grégoire Moulin, qu’initialement il recherchait, a réussi à s’enfuir avec le déguisement d’Hitler volé à ce pauvre monsieur bâillonné au sol… mais il ne regrette pas pour autant d’avoir joui à l’intérieur de ce faux Hitler : « Écoutez, je suis navré. Je vous ai pris pour quelqu’un d’autre. Ceci dit, c’était pas du tout désagréable. Vous allez me trouver un peu… mutin… mais j’ai bien envie de recommencer. Pas vous ? » Dans le roman Pompes funèbres (1947) de Jean Genet, Paulo baise avec Hitler, le fameux dictateur décrit comme une « mijaurée », et métamorphosé en « passive » : « Le petit gars de Paris accomplit son travail avec vaillance. D’abord il eut peur de faire du mal au Führer. Le membre était d’acier. De toute cette machine à supplice qu’était Paulo, la verge en était la pièce essentielle. Elle avait la perfection des rouages, des bielles fabriquées avec précision. […] Elle était également sans tendresse, sans douceur, sans le tremblement qui fait souvent frémir délicatement les plus violentes. […] Il fonça jusqu’au fond. Il éprouva une grande joie à sentir le tressaillement de bonheur de Madame. La reconnaissance de la beauté de son travail le rendit fier et plus ardent. Ses bras, par en dessous, près des épaules, s’agrippèrent au bras de l’enculé, et il fonça plus dur, avec plus de fougue. Le Führer râlait doucement. Paulo fut heureux de donner du bonheur à un tel homme. » (pp. 164-165) Ce même roman célèbre également l’histoire d’amour entre un Allemand nazi, Érik Seiler, et un milicien, Riton. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Georges et Édouard ont « flashé » l’un pour l’autre pour la première fois lors d’une conférence d’Édouard traitant de la « Montée du néo-nazisme en Europe occidentale » ; d’ailleurs, à un moment, Georges compare Édouard à « Hitler ».

 

Film "Brotherhood" de Nicolo Donato

Film « Brotherhood » de Nicolo Donato


 

Il est fréquent de voir dans les œuvres homosexuelles une sacralisation de la traîtresse collabo, qui va s’offrir en holocauste à la beauté nazie, et se mettre tout le monde à dos (cf. le poème « Canción De Amor A Los Nazis En Baviera » de Néstor Perlongher, le film « Lili Marleen » (1980) de Rainer Werner Fassbinder, le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau, etc.) : « Ma tante a toujours été proche des Allemands. » (Zize, le travesti M to F parlant de sa tante qui a été tondue à la Libération, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « Ma grand-mère me lisait Mein Kampf avant de m’endormir. » (Mémé Huguette, personnage transgenre M to F de 98 ans, tondue à la Libération, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit); etc. Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, la vieille Olga raconte les horreurs de la Seconde Guerre mondiale à Katya et à Anton, le héros homosexuel, et dit qu’elle a connu les Nazis. Elle suscitera chez ce dernier une vocation : « Anton se bat contre le nazisme. » Dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibault de Saint Pol, par exemple, Madeleine incarne tout à fait la comédie sincère de l’homosexualité collaboratrice : en effet, l’héroïne passe son temps à décrire ses sensations et ses bonnes intentions (« Je suis en danger. Où que j’aille, les nazis me rechercheront. », p. 78 ; « J’ai toujours été écœurée par le militarisme, et la tradition prussienne est ce qu’il y a de pire. Sa mécanique humaine est effrayante. Pourtant, ils sont beaux ces jeunes hommes dans leurs uniformes. », p. 49) pour finalement mal agir et coucher avec l’ennemi (« Je suis la maîtresse d’un espion, d’un traître, d’un ennemi ! […] Comment le sort a-t-il pu mettre un Boche sur ma route ? […] Comme je regrette ces nuits d’ivresse ! », p. 78 ; « J’étouffe ! Je me revois dans les bras de cette brute. », p. 86), et conclure en disant que cette trahison est finalement « quand même de l’amour » (« Il m’aime. Et je l’aime, malgré tout. », p. 201). En jouant le concerto violons de la grande folle perdue, de la vierge effarouchée (genre « Je ne suis pas celle que vous croyez… Lâchez-moi, espèce de sale pooorc ! »), la Tragic Queen homosexuelle se donne une excuse pour tomber concrètement et secrètement amoureuse de son bourreau nazi, et même lui faire un enfant !

 

On retrouve exactement le même cas de figure de l’identification du personnage homosexuel à la femme collabo tombant dans les bras d’un beau dirigeant nazi dans le roman Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de Manuel Puig. Molina, le personnage de la grande folle, raconte un film des années 1930, où Léni, une femme séduisante, est déchirée entre la fidélité à sa Patrie française, et sa passion pour un officier allemand… et là, pareil, c’est reparti pour les fausses questions existentielles, les esthétisations interrogatrices de la tragédienne, des questions sans but (si ce n’est celui de nier la collaboration en actes, puisque la femme fatale finira par trahir son camp) : « Alors Léni, restée seule, se demande si elle pourrait aimer un de ceux qui sont des envahisseurs de sa patrie. » (idem, p. 54) ; « Léni écoute fascinée, elle veut en savoir davantage ; en tant que femme, elle aimerait connaître le secret intime qui fait la force personnelle du Führer. » (idem, pp. 89-90) ; « Elle est effrayée, mais elle ne fait rien pour se défendre, elle est comme à la merci de ce qui va lui arriver. » (idem, p. 54)Les postures théâtrales homosexuelles visent à cacher l’objet d’indignation par l’indignation elle-même. On pleure et on gémit pour n’en faire qu’à sa tête et à ses pulsions.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

Je vous renvoie au documentaire « Männer, Helden Und Schwule Nazis » (2004) de Rosa von Praunheim (sur le néonazisme), au blog homo-érotique Mein Camp créé par le très queer BBJane Hudson (un site consacré au genre artistique homosexuel « camp »), à l’essai Le IIIe Reich et les homosexuels (2011) de Thomas Rozec.

 

HITLER 1 gay

 

L’homosexualisation d’Hitler et des Nazis (ces derniers d’ailleurs ne supportaient pas qu’on les qualifie ainsi) peut partir d’une provocation, d’une volonté de diaboliser et de ridiculiser d’autres personnes que celles singées. Par exemple, le 14 juillet 2013 à Paris (jour de la Fête nationale), quelques heures après le défilé sur les Champs-Élysées de François Hollande, les Hommen (= anti-mariage-gay) ont parodié le président en faisant défiler sa doublure masquée bras dessus bras dessous avec celles de Staline et d’Hitler, comme s’ils étaient le couple de l’année.

 

Le traitement comique ou agressif du lien entre désir homosexuel et nazisme donne à croire à certains que cette corrélation est absurde, voire que c’est elle et seulement elle qui pose problème, qui « crée un problème » qui sans elle n’aurait pas existé. Les choses ne sont pas aussi simples.

 

Téléfilm "Un Amour à taire" de Christian Faure

Téléfilm « Un Amour à taire » de Christian Faure


 

La dissociation radicale, manichéenne et victimisante, entre homosexualité et Hitler, est la spécialité de la communauté homosexuelle actuelle, même si elle rejoint un déni social plus large concernant la période 1930-1940, présentée comme apocalyptique et totalement étrangère à notre réalité contemporaine. On nous encourage à fermer les yeux sur la vie en Allemagne à cette époque-là (une époque tellement gémellaire à la nôtre !), à fuir le loup nazi et à le tenir bien loin de nous… si loin qu’on oublie qu’il a existé et qu’on peut, pour le coup, l’imiter, parce qu’on n’a pas décortiqué son fonctionnement, et qu’on l’a diabolisé. Les personnes homosexuelles s’étonnent de voir la tête hitlérienne montée sur ressorts sortir de la boîte de pandore où elles l’avaient soigneusement enfermée pour se donner bonne conscience.

 

C’est pourquoi, quelquefois, au détour d’une œuvre de fiction traitant d’homosexualité, on voit surgir inopinément le thème d’Hitler ou du nazisme, sans vraiment de lien logique avec l’intrigue en cours : « ‘Vous savez que Hitler vit toujours en Patagonie’, intervint soudain Alberto G., l’homme à la barbe rousse. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 240)

 

Mais il y a pire. C’est en tenant le « monstre » nazi bien à distance que certains individus homosexuels fusionnent identitairement avec lui, et agissent comme lui. Selon eux, inconsciemment, la substitution et l’incorporation au « diable » permettront son anéantissement total (en réalité, ils ne font que le cacher). On peut même entendre des personnes homosexuelles réelles se prendre pour le funeste dictateur : « Je deviendrais la plus célèbre vedette autrichienne après Hitler. » (Brüno dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles)

 

HITLER 9 Affiche

 

N’en déplaise à l’opinion publique gay friendly, l’attraction homosexuelle pour les Nazis n’est pas du tout un mythe. Elle fut et reste une réalité. Déjà, pour commencer, beaucoup de personnes homosexuelles sont connues pour avoir collaboré pendant la Seconde Guerre mondiale : Jacques Chardonne, Gertrude Stein, Ramón Fernandez, Henry de Montherlant, Colette, Vénus Myrtille, Jean Genet, Gabriele D’Annunzio, Romaine Brooks, etc. « Les milieux homosexuels parisiens ont fourni de nombreuses et brillantes recrues. » (Jean-Paul Sartre cité dans le Dictionnaire des Cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 420) ; « Certains homosexuels grenouillent, se corrompent et collaborent avec les nazis : le souvenir des trafics d’influence, du marché noir, des profits d’origine douteuse, des spoliations de biens juifs et autres activités peu recommandables seront, à la Libération, et lors des procès de l’épuration, associés au monde et aux mœurs des invertis. » (cf. l’article « Il faut en être ! » de Christian Mirambeau, cité dans l’essai Folles de France (2008) de Jean-Yves Le Talec, p. 169) ; « Nul doute que sur certains autres que Brasillach (Jouhandeau, Fraigneau, Bonnard, Cocteau, Montherlant, Benoist-Méchin) ne se soit exercé l’attrait érotique du blond aryen sportif. […] Sartre a eu beau vouloir faire de jean Genet un maudit, victime de la société bourgeoise, Pompes funèbres n’en reste pas moins une déclaration d’amour enflammée au nazisme. » (Dominique Fernandez, Ramon (2008), pp. 56-57) ; « Dans cette fascination du chef et de la force, il y avait beaucoup de féminité latente, une certaine forme d’homosexualité. Au fond, chez la plupart de ces intellectuels fascistes, je pense à Brasillach, à Abel Bonnard, à Laubreaux, à Bucard, il y avait le désir inconscient de se faire enculer par les S.S. » (Emmanuel Berl s’adressant à Patrick Modiano) ; etc. Par exemple, Claude-Michel Cluny a eu une aventure avec un soldat allemand quand il n’avait que 14 ans. En 1940, Suzy Solidor appelle à la collaboration avec les Nazis dans Radio-Paris. L’écrivain français Maurice Sachs, juif et homosexuel, rejoint les rangs nazis et devient indicateur de la Gestapo. Jean Cocteau trinque au champagne avec les Allemands et écrit sa « Lettre ouverte à Brecker » . Harald Kreutzberg sert la propagande nazie dans les pays occupés. L’esthète bourgeois Pierre Drieu la Rochelle ne cache pas son amour des occupants nazis (il assiste même au congrès de Nuremberg en 1935). Abel Hermant collabore sous Vichy, et sa passion pour les soldats de la Wehrmacht est de notoriété publique. Robert Brasillach avoue à ses amis sa fascination pour la virilité des soldats allemands. Violette Morris, l’athlète lesbienne, travaille pour la Gestapo. La sympathie de Philippe Jullian pour les Alliés et l’Angleterre ne l’empêche pas de « succomber aux charmes des beaux soldats allemands qui rôdent le soir dans certains quartiers », comme il l’écrit dans son Journal en 1941. Marcel Jouhandeau tombe désespérément amoureux du lieutenant allemand Heller (Didier Éribon, dans son Dictionnaire des Cultures gays et lesbiennes (2003), s’interroge d’ailleurs sur les paradoxes de l’écrivain français : « Il est difficilement compréhensible qu’un analyste aussi aigu du processus d’abjection dont est victime une catégorie d’individus ait pu, presque au même moment, publier un opuscule intitulé Le Péril juif (1937) dans lequel sont condensés tous les poncifs antisémites de l’époque », p. 273). Abel Bonnard, travaillant au côté de Philippe Pétain, a porté le sobriquet de « guestapette » (« Paradoxal de constater que le régime de Vichy, qui avait été à l’origine de l’aggravation des peines de prison pour les homosexuels, choisit Abel Bonnard, pédéraste, comme Ministre de l’Éducation nationale », écrit Michel Larivière dans son Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), p. 71) Dans son « Domaine des Esprits » où il habitait, le chanteur homo Charles Trénet accueillait des mineurs pour des surprises-parties sexuelles. Il a été pris en flagrant délit avec 4 jeunes Allemands de 19-20 ans. Il fut condamné à la prison pour attentat aux mœurs, à Aix (France).

 

Luchino Visconti, quant à lui, a toujours été fasciné par l’Allemagne nazie : à la fois aristocrate et marxiste de salon, il s’est intéressé aux classes supérieures germaniques du IIIe Reich dans ses productions. Jean-Luc Lagarce, dans son Journal (2008), se passionne pour le procès de Klaus Barbie, et dit que sa fascination concernant le nazisme est « une chose indicible », inénarrable (d’ailleurs, il écrit qu’un de ses beaux amants homos a le visage « parfait » d’un Nazi). Une femme lesbienne du documentaire « Le Bal des chattes sauvages » (2005) de Véronika Minder avoue avoir partagé l’avis d’Hitler sur les personnes homosexuelles, avant de changer radicalement d’avis et de les idéaliser par la suite. Dans son essai Le Rose et le Brun (2015), Philippe Simonnot montre comment de nombreuses personnes homosexuelles ont contribuer à l’arrivée du nazisme et d’Hitler au pouvoir.

 
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Dans son essai Le Rose et le Brun (2015), Philippe Simonnot explique parfaitement que l’homo-érotisme a été la source d’inspiration et l’instrument du nazisme : « Les homosexuels ont-ils joué un rôle dans la montée du nazisme au Pouvoir ? Voilà une question tabou aujourd’hui, que personne n’ose poser, pas même évoquer. […] ce tabou qui a d’abord été mis en place par les nazis eux-mêmes. » (p. 11) ; « À partir de 1934, le lien entre homosexualité et nazisme est devenu le fonds de commerce de la propagande stalinienne au niveau mondial. Erich Fromm, de l’École de Francfort, prétendait trouver une relation entre l’homosexualité et les désordres sadomasochistes propres aux nazis. Encore dans les années 1970, la relation entre homosexualité et nazisme était fantasmée au plus haut niveau du Parti Communiste Français. » (idem, p. 15) ; « La libéralisation des mœurs était souhaitée par le nazisme. Le national-socialisme, en effet, s’est d’abord appuyé sur tout un courant de libération des pulsions sexuelles, et notamment des pulsions homosexuelles. Ces dernières, du reste, ne sont en rien causées par une vie conjugale répressive à en croire Hans Blüher et tant d’auteurs allemands de cette époque. Par conséquent chercher la naissance du nazisme (ou du fascisme) dans les berceaux de la famille patriarcale ne peut mener très loin. » (idem, p. 18) ; « L’effectivité de la culture nazie reposait sur l’abolition des tabous sexuels, l’émancipation de la vie érotique et l’appel au ‘droit de la nature’. » (idem, p. 19) ; « Le national-socialisme était pour la jeunesse des années 1920 et 1930 une forme de libération sexuelle, cohérent avec son paganisme foncier et son anti-christianisme viscéral. » (idem) ; « Le Führer était parfaitement conscient des avantages de la libération sexuelle pour le maintien de sa dictature. » (idem, p. 20) ; « Les nazis sont passés orfèvres dans l’effacement de leurs crimes, on le sait assez. À enfermer des homosexuels dans des camps de concentration, à les torturer et à les massacrer, n’est-ce pas une fois encore tout un pan de leur histoire originaire, de leurs racines homo-érotiques que les Hitlériens voulaient supprimer ? En fait, cet effacement de l’homosexualité nazie a commencé peu après l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Le 6 mai 1933, les nazis ont pillé l’Institut de Sexologie que Magnus Hirschfeld avait créé à Berlin en 1919 – une véritable innovation à l’époque – non pas seulement parce que Hirschfeld était juif, non pas seulement parce qu’il affichait son homosexualité et prétendait venir au secours des homosexuels, mais aussi et peut-être surtout parce que son Institut recevait des milliers de fiches d’homosexuels nazis qui étaient venus en consultation chez le sexologue vedette des années 1920. Et ce qui a été brûlé dans les premiers autodafés orchestrés par les chemises brunes en mai 1933, ce ne sont pas seulement des livres, mais aussi des fiches bien compromettantes pour ceux qui étaient maintenant au pouvoir et qui prévoyaient déjà de revenir publiquement à la norme hétérosexuelle. Du reste, une partie de ces fiches a été confiée à la police qui disposerait dorénavant de quoi faire chanter les malheureux clients, nazis ou pas, de l’Institut. » (idem, p. 21) ; « Ne serait-ce que pour ne pas rentrer dans le jeu de l’oubli sélectif, il nous paraît urgent d’au moins poser la question des origines homosexuelles d’une partie non négligeable du National-Socialisme. Manfred Herzer, l’auteur d’une biographie de Magnus Hirschfeld, un personnage central de notre enquête, l’admet volontiers : sur cette question, nous, homosexuels, nous faisons face à un vide que nous nous sommes imposés nous-mêmes dans notre connaissance, vide qui a pris les dimensions d’un tabou idéologiquement motivé. » (idem (2015), p. 23) ; « Hitler a renié et même massacré une partie de ceux qui l’avaient aidé dans sa ‘résistible ascension’. » (idem, p. 25) ; etc. Sous l’Allemagne nazie, les mouvements de jeunesse des Wandervögel (littéralement : Oiseaux migrateurs) étaient imprégnés d’homosexualité. Berlin était la capitale mondiale des moeurs légères, très « avancée » en matière de législations désincarnées (Le statut de ‘mère célibataire’ est inscrit dans le code civil allemand, par exemple). Avant de se durcir contre les personnes homosexuelles, Hitler, étonnamment, était très permissif en matière d’homosexualité, et défendait la séparation entre vie publique et vie privée, en soutenant que la sexualité c’était du domaine de l’intime : « Faites ce que vous voulez, mais ne vous faites pas prendre. » (idem, p. 246) Il a commencé à retourner sa veste quand son pouvoir et son image publique commençaient à être impactée négativement : « Les choses ont atteint un stade où des rumeurs courent maintenant dans les quartiers marxistes que vous seriez vous-même aussi homosexuel, mon très estimé Führer. » (cf. lettre de Paul Schulz adressée à Adolf Hitler le 2 juin 1932) Avant ça, contrairement à l’idée reçue, Hitler était très « moderne » pour son époque. Il serait même jugé laxiste et gay friendly aujourd’hui.
 

Face à autant de cas de collaboration, certains militants de la « Cause homosexuelle » s’indignent, ne veulent pas y croire : « N’aurions-nous donc, pour cette période terrifiante de l’histoire, que des héros ‘négatifs’, que des chroniques de massacres d’homos traqués et torturés, que des victimes impuissantes face à une haine des idéologies alors en cours dans la presque totalité de l’Europe ? » (Jean Le Bitoux, Les Oubliés de la mémoire (2002), p. 225) ; « Et que dire de la pénible fascination d’une partie de la mode masculine pour une esthétique évoquant immanquablement l’Allemagne nazie ? » (cf. l’article « Mode » d’Anne Boulay et Marie Colmant, dans le Dictionnaire des Cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 325)

 

L’esthétique homosexuelle rejoint souvent le fascisme nazi : pensez au film « Le Troisième Sexe » (1959) de Veit Harlan (qui est bel et bien un film nazi !), à Marlon Brando dans le film « Le Bal des Maudits » (1958) d’Edward Dmytryk, à Helmut Berger dans le film « Les Damnés » (1969) de Luchino Visconti, à l’esthétisme soigné du film « Les Dieux du Stade » (1936) de Leni Riefenstahl, aux sculptures homo-érotiques d’Arno Breker, et plus récemment à la coupe érotique des uniformes S.S. reprise par Calvin Klein et Hugo Boss, aux dessins de Tom of Finland ou bien de Roger Payne, aux films pornos dits de « nazixploitation » mettant en scène des néo-nazis (« Skin Gang » (1999) de Bruce LaBruce, par exemple), le look skin adopté par certains hommes gay dans les années 1980, etc.

 

Pink Svastika

Pink Svastika


 

The Pink Swastika défend même la thèse selon laquelle le nazisme viendrait de l’homosexualité. D’autres intellectuels font aussi le rapprochement, non par mauvaise foi, mais parce qu’il existe vraiment : « Cette virilité fasciste ou communiste est un fantasme d’homosexuels, Gide à Moscou, Brasillach à Berlin. Ce dernier ne s’est jamais inquiété des déportations d’homosexuels allemands par les nazis. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 78) Quelques personnes homosexuelles ne démentent absolument pas cette part d’ombre de leur désir homosexuel : « Dans mes fantasmes d’enfant, ces baraquements plein de femmes étaient à la fois angoissants et très séduisants, homo-érotiques. » (l’écrivaine Cécile Vargaftig en parlant des camps de concentration, à l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle, Paris, le 7 mars 2011)

 

Docu-fiction "Brüno" de Larry Charles

Docu-fiction « Brüno » de Larry Charles


 

Malheureusement, l’adhésion esthético-sentimentale des personnes homosexuelles pour Hitler a tendance à être atténuée et déproblématisée par les intentions, par l’excuse de la « provocation ». On prête par exemple beaucoup de second degré à un Salvador Dalí qui, dans son Journal, écrit son amour pour Hitler « de dos ». En 1966, Yukio Mishima réalise une œuvre (ironique ?), Mon ami Hitler, dans laquelle il affirme qu’« Hitler avait raison ». Pareil pour l’engouement sexuel qu’avancent les personnages des romans de Jean Genet pour le dictateur : « Cette toute-puissance du faible, Genet lui trouvera un symbole épique : Hitler. » (Jean-Paul Sartre, Saint Genet (1952), p. 149) À propos des Nazis trahis en 1944 pendant la Libération par le peuple français qui avait auparavant collaboré avec eux, Genet écrit en 1947 dans Pompes funèbres : « Ils ne furent pas seulement haïs mais vomis. Je les aime. » (cf. l’article « Physique de Genet » de Philippe Sollers, dans Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 41) La passion de l’écrivain pour Hitler n’est pas qu’un gentil rôle. Dans son autobiographie Le Journal du Voleur (1949), Genet se prend très sérieux quand il dit : « Je donnerais tous les biens de ce monde pour connaître l’état désespéré. Hitler seul, dans les caves de son palais, aux dernières minutes de la défaite de l’Allemagne, connut sûrement cet instant de pure lumière – lucidité fragile et solide – la conscience de sa chute. » (pp. 236-237)

 

Il y a une forme d’orgueil et de goût de l’image (que certains pseudo artistes militants appelleront pompeusement « anti-conformisme iconoclaste et révolutionnaire ») dans la sympathie homosexuelle envers Hitler. C’est parce qu’il n’est/ne serait désiré de personne que certains individus homosexuels se mettent précisément à le désirer. S’il était aimé et aimant, il perdrait tout intérêt. Au fond, ce n’est rien d’autre que la mort (du Désir) qu’ils célèbrent en lui… en plus de l’occasion que le funeste dictateur leur fourni de faire leurs intéressants et de se célébrer eux-mêmes dans une « homosexualité noire et maudite ».

 

Maintenant, en ce qui concerne l’homosexualité attribuée à Hitler et aux Nazis, je ne pense pas qu’elle soit une invention délirante. Par exemple, rien que si nous regardons la ville de Berlin en 1933, nous y dénombrons 130 bars homosexuels, … c’est-à-dire plus qu’aujourd’hui à Paris ! En Allemagne, les idées d’extrême droite et l’idéal homosexuel se marièrent très bien : pensons à Adolf Brand (qui fonda la revue homosexuelle Der Eigene), à la Communauté des Spéciaux (Gemeinschaft der Eigene), à l’Association masculine allemande (Männerbund) marquée par une esthétique-idéologie homo-érotique, à Hans Blüher qui projette la création d’une société fondée sur un État viril. Dans les camps de concentration et d’extermination nazis, l’activité homosexuelle a bien existé. « Au camp de Gross-Raming, les kapos étaient à 90% des invertis. » (Christian Bernadac, Des Jours sans fin, 1976) ; « Quand quelqu’un va s’attaquer à l’homosexualité sous l’Occupation, on va bien rigoler ! J’ai commencé à travailler sur l’homosexualité à Ravensbrück… Je peux vous dire… C’est une époque où il n’y a plus de frontières. Tout est décuplé. » (Marie-Jo Bonnet, en conclusion de sa conférence « Violette Morris, histoire d’une scandaleuse » du 10 octobre 2011 au Centre LGBT de Paris ; l’historienne lesbienne n’en revenait toujours pas de découvrir le nombre de confluences entre homosexualité et nazisme, même si elle ne s’est trahie qu’à la fin, car elle se gardait bien de faire le lien !) ; etc. Le résistant alsacien Aimé Spitz interné au camp alsacien du Struthof puis à Dachau assure que « les chefs de bloc et autres kapos étaient presque tous devenus homosexuels au cours de leur détention. » (Aimé Spitz cité dans Jean Le Bitoux, Les Oubliés de la mémoire (2002), p. 93)

 

La recrudescence de la pratique homosexuelle côté allemand pendant la Seconde Guerre mondiale est confirmée par de nombreux sociologues et historiens : « Heinrich Himmler (1900-1945), le chef de la Gestapo, recrutait exclusivement ses subordonnés dans les milieux homosexuels. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 212) ; « Quant aux généraux homosexuels de l’armée allemande, de l’époque hitlérienne, leurs noms sont sur les lèvres de tous… Goering, Himmler, Reohm, et même Hitler. » (idem, p. 217) ; « Si l’Occupation avait radicalement supprimé la progression de la drogue en France, elle y avait en revanche développé l’homosexualité. Assez répandue outre-Rhin, la pédérastie s’étendit à la suite du passage des soldats allemands dans notre pays. Jusqu’alors, elle était le fait de quelques intellectuels ou de quelques blasés qui constituaient une confrérie très fermée. Les véritables invertis physiologiques se montraient encore plus discrets. Bref, la pédérastie n’était pas descendue dans la rue. Par goût, par entraînement, par intérêt, par lâcheté, de nombreux jeunes gens, et des moins jeunes, subirent l’initiation germanique. À la Libération, l’arrivée des Nord-Africains, les difficultés économiques, la fermeture des bordels, encouragèrent cette vague d’homosexualité. Pour la première fois à Paris, il existait une prostitution masculine avouée sur les trottoirs de Saint-Germain-des-Prés. C’est pourquoi la loi d’avril 1946 sur la prostitution n’établit aucune distinction de sexe. » (André Larue, Les Flics, 1969) ; « Pendant l’Occupation, je fus, bien entendu, l’ami de nombreux officiers allemands. J’évitais ainsi la déportation et pus, grâce à mes relations, ouvrir mon premier magasin d’antiquités. Ces quatre années furent, quoique comparativement plus calmes, une longue suite d’aventures sentimentales, fort compliquées, selon ‘notre tradition’. Très vite, grâce au premier argent si généreusement laissé par mon attaché d’ambassade, je me fis un nom dans la hiérarchie des antiquaires. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 86) ; etc.

 

Comme je l’ai écrit dans le petit « condensé » de cet article, et comme je le développe dans la partie sur les dictateurs homosexuels du code « Homosexuels psychorigides » du Dictionnaire des Codes homosexuels, l’hypothèse de l’homosexualité du Führer n’est pas non plus à écarter. Elle est une réalité déjà iconographique, comme on a pu le voir dans la première partie de mon exposé (et vous savez l’importance que j’attache à cette phrase faite maison qui soutient qu’« il n’y a pas de cliché sans feu »). Par exemple, en 1933, la revue Fantasio présentait déjà Hitler comme une folle perdue. L’historien italien Eugenio Dollmann aborde également l’homosexualité d’Hitler dans Roma Nazista (1949). Pour ma part, j’ai fait l’effort de lire les deux pavés de la biographie (2000) rédigée par l’historien Ian Kershaw – un ouvrage complètement neutre sur la question de l’homosexualité du Führer – ; il ne fait aucun doute en effet que la vie d’Hitler comporte de nombreuses coïncidences de l’homosexualité relevées dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels : mère possessive, père tyrannique, profond isolement amical, vocation artistique contrariée (Hitler est recalé de l’École des Beaux-Arts), haine de son propre corps (il ne se mettait jamais en maillot de bain), passion pour le cinéma (il avait sa salle de projection privée) et les mythologies anachroniques (Wagner, Bavière, militarisme, etc.), anti-catholicisme féroce, sensiblerie nostalgique et confusion de l’art avec la vie (Herman Broch, dans son essai Création littéraire et connaissance (1966), assure qu’Hitler était un fervent partisan du kitsch), goût pour les corps athlétiques et les statues, aucune appétence pour les femmes (le mariage in extremis avec Eva Braun n’a été qu’une couverture), etc. « En ce qui concerne Hitler, il est quand même de nombreux témoignages qui concordent pour assurer que les femmes ne l’intéressaient guère, comme le prouverait l’absence dans sa vie de la moindre aventure amoureuse qui ait eu un développement complet. » (Jean Boisson, Le Triangle rose (1988), p. 19)

 

Certaines thèses vont dans le sens d’une dévirilisation forcée d’Hitler. Par exemple, dans l’essai Secret Weapons: Technology, Science And The Race To Win World War II (2013), Brian Ford raconte comment les Alliés auraient tenté d’administrer des œstrogènes dans les aliments d’Adolf Hitler pour provoquer chez lui « une transformation sexuelle qui le ferait devenir plus féminin et moins agressif ».

 

Plus crédible et le travail de Lothar Machtan qui, en 2001, a consacré un ouvrage entier à l’homosexualité d’Hitler dans sa biographie La Face cachée d’Adolf Hitler. Cette thèse déchaîne bien évidemment les foudres de la communauté homosexuelle actuelle. À quoi bon montrer qu’Hitler était homosexuel ?, s’indigne-t-elle. Cela ne rajoute rien à l’horreur du personnage, et de surcroît, ne fait que charger inutilement la barque des personnes homosexuelles et convaincre l’opinion publique que l’homosexualité produit des dictatures et des monstres. On peut difficilement soutenir une telle affirmation. À mon sens, il importe peu que l’hypothèse soulevée par le livre de Lothar Machtan soit avérée ou non, puisque, même s’il est fort probable qu’Hitler a été une personne homosexuelle refoulée (quand on lit en intégralité la longue biographie en 2 tomes), il est impossible d’assurer qu’il était l’incarnation humaine de « l’homosexuel » ou de « la personne homosexuelle » étant donné que ces deux personnages sont au mieux des mythes, au pire des réalités fantasmées que personne n’arrivera jamais à devenir complètement. C’est précisément le refus de la probabilité qu’Hitler ait pu être homosexuel, non pas parce qu’il était entièrement homosexuel mais simplement du fait de son humanité, qui est inhumain et homophobe. Comme le souligne très finement Gerald Messadié, « ce menteur dissimulait non pas un vice, mais ce qu’il était contraint de tenir pour un vice : son homosexualité. D’où son inhumanité ». Messadié soutient l’idée selon laquelle le rapport idolâtre d’attraction-haine concernant le désir homosexuel, c’est cela qui est inhumain et monstrueux, et non l’homosexualité en elle-même. « Un vaste courant pseudo-historique voudrait faire croire qu’Hitler fut l’incarnation suprême du Mal, pourvu qu’elle fût supranaturelle, donc incompréhensible. L’inconscient collectif l’a investi d’un prestige sinistre, Antéchrist ou Satan, qui paradoxalement magnifie le personnage. Le travail de Machtan, au contraire, révèle un immonde et délirant minable qui se méprisait lui-même, parce que, dans son for intérieur, il portait une tare honteuse pour ses contemporains. Ainsi culpabilisé, il chercha des boucs émissaires : c’étaient ceux qui ‘dévirilisaient’ la nation : les communistes, les Juifs, les gitans, et, bien sûr, les homosexuels. » (la préface de Gerald Messadié, dans l’essai La Face cachée d’Adolf Hitler (2001) de Lothar Machtan, p. 11) Reconnaître les tendances homosexuelles d’Hitler, c’est finalement rendre l’homosexualité beaucoup plus humaine et moins monstrueuse que de la nier dans l’angélisme et la diabolisation d’un être humain historiquement figé au rang de « non-personne ». Je citerai deux ouvrages (le premier, C’est pour ton bien (1984) d’Alice Miller ; le second, La Fessée (2001) d’Olivier Morel), qui montrent combien il est important, au lieu de se désolidariser de certains actes odieux que l’on réduit à l’état de personnes diaboliques isolées, de les porter comme si nous aurions pu les commettre, au moins pour exercer notre propre humilité et nous empêcher de les reproduire par excès de bonnes intentions « démocratiques » : « Toutes les victimes ne deviennent pas bourreaux. Mais tous les bourreaux ont été victimes. » (Alice Miller) ; « Hitler, Staline, Ceaucescu, Mao, Saddam Hussein et Milosevic sont devenus ce que l’on sait à cause d’une enfance maltraitée et/ou vécue dans une atmosphère de froideur affective, sans rien ni personne pour compenser brutalité des coups et manque de tendresse. Des personnalités de ce type ont retenu de leur éducation que pour être il faut dominer les autres. » (Olivier Morel, p. 50) Bref, revenons à la genèse des dictatures humaines, toutes époques et pays confondus : la haine de soi due à un viol.

 

Revue homo et skinhead

Revue homo et néo-nazie


 

Et pour finir de convaincre les esprits étroits qui prendraient mon exposé sur Hitler pour un absurde passéisme anachronique totalement déconnecté de notre réalité homosexuelle actuelle, je mentionnerai les liens étroits qui existent aujourd’hui entre homosexualité et néonazisme. « Aujourd’hui encore, certains groupuscules néonazis entretiennent une forme d’ambiguïté. De nombreuses histoires circulent, sur fond de messes noires ou de satanisme. Dans leur esprit, nazisme et homosexualité participent de la même ambiance, d’une même esthétique. » (Philippe Broussard, Le Monde, 18 juin 1997) Je parle plus largement des liens entre extrême droite et homosexualité dans le code « Homosexuels psychorigides » du Dictionnaire des Codes homosexuels. Mais concernant spécifiquement les néo-Nazis, on a déjà de quoi dire ! Visiblement, beaucoup de ces fanatiques sont attirés par le « milieu homosexuel », puisqu’ils y multiplient les visites agressives/amoureuses. À titre d’exemples, je peux rafraîchir certaines mémoires : le 14 août 2007, des skinheads agressent les clients du Privé, une discothèque de Besançon (France) ; en octobre 2010, trois légionnaires néo-nazis s’attaquent à une boîte gay de Nîmes (France), le Lulu Club ; plus récemment, le 8 août 2011, en Angleterre, la librairie londonienne Gay’s The Word est saccagée par des néo-nazis. J’imagine qu’il doit y avoir de nombreux autres cas d’accrochages ambigus entre néo-Nazis et personnes homos. Et déjà, on dénombre dans les rangs néo-nazis un certain nombre de personnes homosexuelles : Nicky Crane, Michael Kühnen, Michel Caignet, etc.

 

Par ailleurs, et j’en terminerai là, il est intéressant de remarquer que l’accusation de « Nazi », tout comme celle de « Raciste » ou d’« Homophobe », est à la mode, dès qu’on veut descendre quelqu’un rapidement sans avoir à se justifier de le faire. Par exemple, en mai 2011, le directeur chrétien de l’American Family Association (AFA), Bryan Fischer, s’en est pris aux personnes homos, les traitant de « Nazis » dans son émission de radio Focal Point, diffusée via les 180 stations dans 40 États américains. Cette grotesque accusation reposait sur la dénonciation du terrorisme intellectuel exercé par certains militants LGBT actuels… donc quand même sur un substrat de réalité. Le plus amusant, c’est que le camp homosexuel et le camp non-homosexuel se traitent mutuellement de « Nazis » ou d’« Homophobes » pour se neutraliser, sans mesurer que ces mots agissent comme des miroirs de ce qu’ils cherchent à imiter ensemble en imaginant naïvement que seul l’autre camp ennemi le fait !

 
 

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Code n°87 – Homme invisible (sous-codes : Voile / Momie / Diamants / Caméléon)

Homme invisible

Homme invisible

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

Si je vous dis que la grande majorité des personnes homosexuelles s’est prise pour l’Homme invisible, le célèbre personnage créé par James Whale (lui-même homosexuel), et qui renvoie très inconsciemment à l’être sans corps qu’est l’Androgyne, vous ne me croirez certainement pas. Et pourtant, c’est probable ! Aussi probable qu’elles se sont identifiées au caméléon transparent, au diable aux multiples facettes (comme le diamant), à un mort vivant enveloppé dans un linceul (bref, à une momie). L’Homme invisible est l’image symbolique exprimant chez elles un désir de disparaître, de se prendre pour Dieu, de mourir.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Se prendre pour Dieu », « Frankenstein », « Se prendre pour le diable », « Amant diabolique », « Morts-vivants », « Miroir », « Eau », « Amant narcissique », « Poupées », « Substitut d’identité », « Différences physiques », « Inversion », « Moitié », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Clown blanc et masques », « Quatuor », « Fusion », « « Je suis un Blanc-Noir » », « Désir désordonné », « Déni », à la partie « Schizophrénie » du code « Doubles schizophréniques », à la partie « Couturier » du code « Pygmalion », à la partie « Zèbre » du code « Cheval », à la partie « Mise en scène de son enterrement » du code « Mort », et à la partie « Obscure-clarté » du code « Ombre », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Le personnage homosexuel se compare à l’Homme invisible, à la fois pour s’effacer et pour se déifier :

Film "It's Cool, I'm Good" de Stanya Kahn

Film « It’s Cool, I’m Good » de Stanya Kahn

 

Il est fait très souvent référence au mythe de l’Homme invisible (ou d’un fantôme) dans les œuvres homosexuelles. C’est le cas dans le film « L’Homme invisible » (1929) de James Whale, la chanson « The Invisible Man » du groupe Queen, le film « The Barber, l’Homme qui n’était pas là » (2001) de Joel Coen, le tableau L’Homme invisible (1930) de Salvador Dalí, la pièce Nos Amis les Bobos (2007) d’Alain Chapuis, le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman, le film « Les Roseaux sauvages » (1994) d’André Téchiné, le film « Memento Mori » (1999) de Kim Tae-yong et Min Kyu-dong, le film « O Fantasma » (2000) de João Pedro Rodrigues, le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, le film « Sexe, gombo et beurre » (2007) de Mahamat-Saleh Haroun, la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé (avec le personnage de Stan), le film « La Beauté du diable » (1949) de Claude Autant-Lara, le film « Einaym Pkuhot » (« Tu n’aimeras point », 2009) de Haim Tabakman, la pièce L’Évasion de Kamo (1992) de Daniel Pennac (mise en scène de Guillaume Barbot en 2009), le film « La Femme invisible » (2009) d’Agathe Teyssier, la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard (avec Bonnard), le roman Zéro Commentaire (2011) de Florence Hinckel (traitant du désir d’invisibilité), le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha (avec la cantatrice fantomatique transgenre M to F dans les montagnes autrichiennes), la chanson « En miettes » d’Oshen (parlant d’un fantôme), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, le film « Ghosted » (2009) de Monika Treut, le vidéo-clip de la chanson « West End Girl » des Pet Shop Boys, la série Transparent (2014) d’Amazon (avec des acteurs cisgenres), etc.

 

Océane Rose-Marie, la "Lesbienne invisible"

Océane Rose-Marie, la « Lesbienne invisible »

 

On voit apparaître l’Homme invisible dans les discours de certains héros homosexuels, ou bien en images, alors que cela n’a pas forcément de rapport avec l’intrigue. « Il fallait que je fasse quoi ? Que je passe les menottes à l’Homme invisible ? » (Nina l’héroïne lesbienne du one-woman-show Le Gang des Potiches (2010) de Karine Dubernet) ; « Moi, maintenant, dans l’obscurité, on me voit. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; « Silence. Je disparais. Je m’éclipse. Je m’évanouis. » (Catherine, l’héroïne lesbienne de la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat) ; « Je voulais être l’étrange sodomite, celui dont on ne parle pas. » (Anthony, le héros homosexuel du roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « Toi, tu veux te rendre invisible pour obtenir ton adoption. » (Serge s’adressant à son amant Victor, dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; « J’suis amoureux de Monsieur Hendricks mais il sais même pas que j’existe. Comment je fais pour qu’il me voie ? » (un élève homo demandant conseil à Otis, dans l’épisode 3 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; « Va prendre ta place, Fantômas ! » (Monsieur Hendricks s’adressant à Éric le héros homo, dans l’épisode 3 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; « Garçon qui a le don d’invisibilité » (c.f. la chanson « I’m The Boy » de Serge Gainsbourg) ; etc.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi

 

Par exemple, toute la pièce d’Oscar Wilde L’Importance d’être Constant (1895) tourne autour d’un personnage qu’on ne voit pas, parce qu’il n’existe pas réellement… Dans le film « Navidad » (2009) de Sebastián Lelio, un homme d’air en plastique se dresse et prend vie sous l’effet des bouches d’aération. Dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi (mise en scène par Adrien Utchanah en 2010), la Reine aveugle ne s’adresse jamais directement à l’acteur qui joue le Rat, ne se fie pas non plus à l’endroit où elle entend sa voix : elle tourne au contraire son visage vers un rat imaginaire, un homme invisible. Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, Chloé définit Martin (héros sur qui pèse une forte présomption d’homosexualité) comme le « frère de personne ». Dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Garance, l’héroïne lesbienne, traite son frère gay Léo de « fantôme ». Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Ahmed est confondu avec le fantôme du Vicomte, et les deux travestis M to F Mimi et Fifi se font traiter de « fantômes » par Pédé. Dans son one-woman-show Chaton violents (2015), Océane Rose-Marie fait référence à des « farfadets avec des supers pouvoirs d’invisibilité ». Dans un dessin du dessinateur homosexuel Jean Boullet pour sa sérigraphie Songe d’une nuit d’été (1943), il représente dans une forêt un homme avec un chapeau-tronc d’arbre surplombé par une phrase qu’il a écrite : « I am invisible. »

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi

 

Beaucoup de personnages homosexuels se prennent pour l’Homme invisible : « J’ai l’impression d’être la femme invisible. » (Marilou dans la pièce String Paradise (2008) de Patrick Hernandez et Marie-Laetitia Bettencourt) ; « Tu te veux liquide, pantin translucide. » (cf. la chanson « Et tournoie… » de Mylène Farmer) ; « J’ai toujours été un homme qui passe : un jour Superman, un jour Fantômas. Un homme qui s’efface sans laisser de trace. » (Ronan dans la chanson « Un Homme qui passe » de la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon) ; « Lesbienne invisible, encore et toujours. » (Océane Rose-Marie dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; « Un jour, un enfant qui n’existait, trouva une plume et un livre blanc. Et il se dessina. […] Un jour il s’effaça. » (Copi, Un Livre blanc (2002), pp. 37-51) ; « LGBT, les initiales d’une Société d’Anonymes. » (une réplique de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Vianney consent à une rencontre, chez moi, mais il ajoute ‘Les yeux bandés. Tu ne dois jamais voir ma laideur repoussante.’ J’accepte. Les jours qui précèdent la rencontre, je les passe dans un état de surexcitation incroyable. Le jour prévu, à l’heure prévue, il frappe trois coups contre la porte, notre code secret. Je place mon bandeau, et j’ouvre en me demandant si je n’ouvre pas ma porte à un voleur, un tueur de sang froid ou un violeur. Peut-être que j’en aurais envie… […] Je referme la porte et tout de suite nous portons nos mains sur le visages de l’autre, pour sentir le bandeau, pour être sûr que le contact est respecté. Il sourit, je sens sous mes doigts sa bouche tendue. Moi aussi je souris. On se prend dans les bras l’un de l’autre et on cherche nos bouches, qu’on s’embrasse voracement, qu’on viole avec la langue. Après un instant, en reprenant notre souffle, il dit ‘Ouhaou, c’est chaud ! Je le prends par la main. Je me glisse devant lui, et ensemble nous marchons comme un seul homme dans l’appartement, Vianney parfaitement collé à ma nuque, mon dos, mes fesses, mes jambes. » (Mike, le narrateur homosexuel racontant son « plan cul » avec un certain Vianney, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 84) ; « Je suis non-déclaré. » (Smith, le héros homosexuel du film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Je suis un spectre, une ombre. » (Stéphane Corbin, lors de son concert Les Murmures du temps au Théâtre de L’île Saint-Louis Paul Rey, en février 2011) ; etc.

 

Dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Santiago passe son temps à dire que « les gens ne le voit pas » et qu’il a fini par être invisible à leurs yeux : « Je me suis laissé entraîner par la marée. Mon corps s’est fracassé contre les rochers. Depuis, on ne me voit plus. » Quand il se ballade dans la rue avec son amant Miguel, celui-ci est le seul à le voir. D’ailleurs, une fois qu’il se sera noyé, comme Carlos, le cousin de Miguel, Santiago finira en momie balancée dans la mer.

 

Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon se présente comme un « yaourt périmé » à ne pas consommer par les hommes, une femme insignifiante : « J’ai vraiment un corps de base. »
 

Dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, les protagonistes homos ou bis passent leur temps à déclarer leur invisibilité : « Oooh… Satan m’habite. […] Je suis invisible. » (Burger) ; « Je suis invisible. […] Je veux être l’Homme invisible. Je veux rentrer dans l’esprit des gens, savoir ce qu’ils pensent et ce qu’ils veulent. » (Claude, idem) Dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier, Lourdes-Marilyn se compare à Casper le petit fantôme. Dans le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, quand Georges demande à son jeune amant Alexandre comment il a fait pour le rejoindre sans se faire voir des surveillants de leur collège, celui-ci lui répond très naturellement : « J’ai fait l’Homme invisible, c’est tout ! »

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi

 

En général, le héros homosexuel se prend pour l’Homme invisible parce qu’il se sent méprisé (ou qu’il se méprise lui-même et fuit son passé) : cf. le film « Faites comme si je n’étais pas là » (2001) d’Olivier Jahan, la chanson « Vous qui passez sans me voir » de Jean Sablon, le spectacle L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair (le héros gay souffre de son invisibilité), la pièce Fils de personne (1943) d’Henry de Montherlant, le film « Señora De Nadie » (1982) de Maria Luisa Bemerg, le film « Femmes de personne » (1983) de Christopher Frank, le film « My Father Is Nothing » (1992) de Leone Knight, etc. « Moi, quand j’avais ton âge, j’voyais personne. Non, c’est le contraire. Personne ne me voyait. J’existais pas. » (Alex dans le film « Les Voleurs » (1996) d’André Téchiné) ; « Pour la première fois de sa vie, il rêvait d’être invisible. » (la voix-off du film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné) ; « Je voudrais disparaître dans une trappe, mais il n’y a pas de trappe. » (Élisabeth dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville) ; « Mais je suis transparent ou quoi ? » (le héros homo réincarné en vitre, dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont) ; « Ma vie fut celle d’être celui qui souffle et qu’on oublie. » (Cyrano dans la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan) ; « La foule autour ignore ce qui se trame : tu demeures invisible. » (Félix, le héros homosexuel se parlant à lui-même à la deuxième personne du singulier, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 232) ; « Moi qui ne suis rien ni personne. » (Davide, le héros homo, chantant à son ami Rettore, dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso) ; « Moi, il ne me voyait même plus. j’étais invisible. » (Rémi, le héros bisexuel parlant de son père, dans la pièce Soixante Degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza) ; « Personne ne semble se rendre compte que j’existe. » (Nina, l’héroïne lesbienne dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « J’ai attendu au café. Comme si j’étais transparente. » (idem) ; « Je ne suis rien. Je n’existe pas. Je suis une absence. Une lacune. » (idem) ; « Je me fondais un peu dans le décor. » (Hugo, le héros gay parlant de ses années lycée, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills) ; etc. Par exemple, dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, se fait horreur et cherche à disparaître : « Si je pouvais tout effacer. À commencer par moi-même. » On découvre qu’à la base de cette schizophrénie se cache un grand manque à être : « J’ai toujours pensé qu’il valait mieux être quelqu’un d’autre que n’être personne. » Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, habite la maison familiale qui porte l’étonnant nom de « Visible ». Et lorsqu’il pratique son homosexualité, il cherche comme par hasard à fuir cette maison (« À la maison, c’est l’enfer. Et tellement bien avec toi. » dit-il à son amant Nicholas)… donc à être invisible.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi

 

Au bout du compte, quand le personnage homosexuel se définit comme un être transparent, c’est qu’il se prend pour Dieu ET pour le diable à la fois, pour un être insignifiant : « Je peux disparaître. » (Chloé dans le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan) ; « Personne ne peut me voir ni donc m’appeler. Je suis plus indistinct que le brouillard, et, semble-t-il, plus impalpable même que la nuit. » (Garnet Montrose dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 25) ; « Être quelconque. Si tu savais comme c’est dur à accepter. […] Parce qu’on manque d’envergure. » (Jean-Marc dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; « Tu me reprochais d’être transparent… » (Claude, le personnage homosexuel, à Serge, quand ce dernier se moque de son nouveau costume blanc très flashy, dans le film « Je préfère qu’on reste amis » (2005) d’Éric Toledano et Olivier Nakache) ; « De toute façon, avec moi, une femme, c’est toujours la femme d’un autre. » (idem) ; « Vous êtes quelconque. » (le narrateur homosexuel parlant de lui à la deuxième personne du pluriel, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 123) ; « Mon problème, c’est que je suis insignifiant. » (François Pignon dans le film « Le Placard » (2001) de Francis Veber) ; « Je dois vraiment être insignifiante. » (Rinn, l’une des héroïnes lesbiennes de la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; « On nous appelait fantômes. » (le héros de la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (1650) de Cyrano de Bergerac) ; « Ils avaient rêvé d’avoir un fils comme lui, fonceur, costaud, bagarreur. J’étais le contraire : fragile de partout. Il m’appelait ‘Fleur de cristal’. » (Romain en parlant de son père, dans le roman Les Julottes (2001) de Françoise Dorin, p. 27) ; « Elle avait l’art de rester invisible ; souvent les gens ne remarquaient pas sa présence, ce qui lui permettait d’écouter ce qu’elle n’était pas censée entendre. Ses parents passaient parfois devant elle sans la voir. » (Esti, l’héroïne lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 130) ; « Si je pouvais creuser un trou par terre pour que personne ne me voie, je le ferais. » (Patricia, l’héroïne lesbienne du film « P.A. » (2010) de Sophie Laly) ; etc.

 

L’outil Internet permet même au héros gay de se sentir agissant sans vraiment agir, de se croire invisible : « Je me moque de l’endroit où je suis. […] Ici, je suis invisible. » (Cyril dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 32) ; « Quoi qu’il arrive, souviens-toi que je suis lié à toi en silence – comme un homme invisible. » (Chris à son amant virtuel Félix, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 192) ; etc.

 

Dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, la figure de l’Homme invisible occupe une place prédominante, et est, pour ainsi dire, « concrétisée » par le cyberespace : Denis et Luther vivent une relation virtuelle désincarnée (« Personne non plus dans ma vie ne connaît ton existence. ») ; Denis, le héros, avoue rechercher derrière chaque visage humain le reflet d’un fantôme, se prend lui-même pour un « ange luciférien » derrière son ordinateur, et se réfère clairement au mythe de l’androgyne (il évoque l’existence d’« un homme invisible comme séparé »).

 

La mention de l’invisibilité se rapporte à une recherche de transcendance amoureuse et spirituelle : cf. le roman Vers l’Invisible (1958-1967) de Julien Green, le roman Beatriz Y Los Cuerpos Celestes (1998) de Lucía Etxebarria, le film « Ice Men » (2002) de Thom Best, etc. « Tu viens comme moi d’une planète invisible. » (cf. la chanson « Ouverture » d’Étienne Daho) ; « Le vrai mystère n’est pas l’invisible. C’est le visible. » (Lord Henry dans la pièce Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, mis en scène par Imago en 2012) ; « J’ai vu un ange ! Non, je ne suis pas fou ! Il est arrivé au lycée un être étrange que je ne connaissais pas, avec un visage aux traits si fins qu’ils semblaient sculptés dans le marbre. Un marbre blanc, indescriptible, presque translucide. » (Bryan en parlant de son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 31) ; « Je peux sentir ta bite invisible. » (Judy Minx dans le spectacle de scène ouverte Côté Filles au Troisième Festigay du Théâtre Côté Cour de Paris, en avril 2009) ; « L’invisible, c’est justement ce qui m’attire. » (Monsieur Charlie dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Pauvre Stephen ! Elle ne put jamais s’imposer à elles : elles lisaient toujours en elle comme si elle avait été de verre. » (Stephen, l’héroïne lesbienne parlant de son rapport aux femmes, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 102) ; « Cela faisait des années que nous nous étions approprié l’hortensia. Dedans, nous étions invisibles, hors de portée de la maison, des regards du dessus et alentour. Il y avait l’odeur, je m’en souviens. Un arôme puissant d’hortensia pourri et d’humus. Encore maintenant, l’odeur végétale des hortensias conserve son pouvoir. » (Ronit par rapport à son amante Esti, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, pp. 212-213) ; « Tout se passerait donc entre fantômes, entre deux fantômes. » (cf. une phrase du film muet « Drops » (2013) de Bogdan D. Smith, racontant « l’histoire de deux fantômes amoureux ») ; « Tes lèvres sont bleues. Tu as sucé un bonhomme de neige ? » (Harold se moquant de son pote homo Emory, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Quand je te vois, j’ai l’impression que tu n’es pas réel. Que je suis dans un rêve. Comme si tu venais d’ailleurs ou que tu étais immortel ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 141) ; « Au milieu, il y a cette publicité qui me fait froid dans le dos, où l’on voit une jeune femme se désagréger. Je touche Chloé pour vérifier qu’il ne lui manque rien. […] Je voudrais tant qu’elle se rassemble, cesse de s’éparpiller, de partir en miettes. » (Cécile à propos de son amante Chloé, dans le roman Karine Reysset, À ta place (2006), p. 64) ; « Je t’ai vu partir avec un masque de verre. » (Heiko, le héros homosexuel s’adressant à son amant Konrad, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) ; etc.

 

Dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, Yves, le copain actuel de Jean-Marc, est présenté comme un homme transparent. Dans le film « 510 mètres sous la mer » (2008) de Kerstin Polte, quand Nathalie s’étonne de voir son amante Simone s’adresser à un sac plastique transparent (« Tu parles à un sac en plastique ? »), celle-ci assume son apparent délire (« Oui. » répond-elle). Les personnages de la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti expriment l’envie d’être transparents (ils apparaissent d’ailleurs enveloppés sous cellophane). Dans le film « Open » (2010) de Jake Yuzna, les personnages sont cagoulés comme l’Homme invisible : Cynthia, jeune hermaphrodite, rencontre Gen et Jay, un couple qui se remet d’opérations de chirurgie plastique ; et elle découvre ainsi la « pandrogonie », procédé par lequel deux personnes fusionnent leurs traits de visage en une seule entité unifiée, afin de tenir compte de leur évolution à partir d’identités distinctes. Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, Claude adore le patinage artistique et est fasciné par la figure du patineur sur glace efféminé. Dans l’épisode 509 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 17 juillet 2019 sur TF1, Sandrine Lazzari, pourtant lesbienne, idéalise son amour de jeunesse Guillaume comme un être invisible toujours présent.

 

Mais cette quête d’invisibilité, de fusion avec l’Homme de Glace, est souvent déçue et se révèle dangereuse, car désincarnée. « Je me demande pourquoi Pierre prend une si grande place dans ce roman, car Pierre existe, il est mon ami dans la vie réelle ; qu’a-t-il de si irréel pour être le seul être vivant se glissant dans mon imagination parmi des personnages fictifs avec autant d’aisance ? » (la voix narrative à propos de son amant, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 11-12) ; « Comment veux-tu que j’aime un homme qui n’existe pas ? » (Phillip dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa) ; « Il m’a toujours semblé que tu étais insaisissable. » (Stéphane s’adressant à son jeune amant Vincent, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Je ne supporterai pas plus longtemps de vivre dans l’ombre. » (Gabriel s’adressant à son amant Philippe qui ne l’assume pas, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; « Tu connais quelque chose de plus réel qu’un fantôme ? » (Julia, l’héroïne lesbienne du film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? », 2010, de Malu de Martino) ; « J’étais invisible. » (Gilda essayant d’attirer désespérément l’attention d’Isa, dans la pièce Missing (2008) de Nick Hamm) ; « Son regard ne passe pas sur moi, juste à travers, comme si j’étais invisible. » (Cécile décrivant son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 24) ; « Tu es le seul à me voir. Moi-même, je ne me vois pas. » (Texor Texel dans le roman Cosmétique de l’Ennemi (2001) d’Amélie Nothomb) ; « Je ne te vois plus. Tu es flou. Oooh ! Tu disparais ! » (Didier à son amant, dans la pièce Chroniques d’un Homo ordinaire (2008) de Yann Galodé) ; « Tu dis toujours que nous sommes des gens invisibles. » (Jim à son amant George dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford) ; « Nous sommes invisibles, non ? » (Kenny à George, idem) ; « Je ne vous imaginais pas. » (Adèle s’adressant avec mépris à Georges, le compagnon jusque-là inconnu de son frère, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; « Je suis envahi par les fantômes. » (Silvano dans la pièce La Vie est un tango (1979) de Copi) ; etc. Dans le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine, quand Bruno dit à Fabrice qu’il l’a vu à l’église, ce dernier lui répond agressivement : « Moi aussi, je t’ai vu ! Qu’est-ce que tu crois ? T’es pas invisible ! » Dans le film « The Boy Next Door » (2008) d’un réalisateur inconnu, l’Homme invisible se trouve être l’amant client qui asservit un prostitué. Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, Nathan, le héros homosexuel, raconte que, quand il avait 19 ans, il a été pris dans une tempête de neige alors qu’il se trouvait en voiture avec son amant Arnaud. Ils ont été rendus invisibles. Nathan s’est imaginé un accident dans lequel une voiture se serait encastrée dans la leur, et que leurs corps calcinés auraient été ensuite retrouvés sans vie, constitueraient les funestes carcasses noircies d’une homosexualité vécue dans l’ombre et stigmatisée socialement.

 

 

Le personnage homosexuel peut aussi qualifier quelqu’un d’invisible – et notamment l’individu de l’autre sexe – pour le mépriser et s’en débarrasser. « Les hommes n’ont pas de corps. » (Oshen – la comédienne Océane Rose-Marie – lors de son concert à L’Européen de Paris, le 6 juin 2011) ; « Déshabille-toi et j’arriverai. Comme l’homme du rêve. » (Léopold, l’homme toujours en vadrouille, s’adressant à son amant Franz qu’il va conduire au suicide, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder) ; etc. Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, Alba, la lesbienne, surnomme son mari « Ausente » (= Absent) : elle le définit comme un homme « transparent ». Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Hank et Larry, en couple, ont convenu que « tous ceux avec qui Larry trompait Hank s’appelleraient ‘Charlie ».

 

Dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, Nina, la « fille à pédés » enceinte de Vince, un homme hétéro qu’elle n’aime pas, décide d’élever son futur enfant avec son meilleur ami gay, George, qui fera office de père de substitution. George et elle décide de confisquer à Vince, le père de sang et de droit, son rôle de père : « Vince, je veux élever mon enfant avec George. » annonce solennellement Nina. Et Vince, blessé et agressif, lui rétorque : « Tu sais quoi ? Moi, je veux l’élever avec l’Homme invisible. »
 

L’Homme invisible, en tant qu’amant, prend même parfois les traits du diable, c’est-à-dire ceux d’une créature cruelle d’être incorrigiblement immatérielle : cf. la B.D. Journal (1) (1997) de Fabrice Neaud (avec le reflet de Stéphane qui se brouille peu à peu). On nous parle d’un « mal invisible » dans la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre. « C’est bizarre : On a cette chose en soi et on ne la combat pas, car on l’ignore. » (Martha à Karen dans le film « The Children’s Hour », « La Rumeur » (1961) de William Wyler) Dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, quand Mousse demande à Paul, le personnage homosexuel, s’il « a déjà aimé quelqu’un vraiment », celui-ci lui donne une réponse affirmative énigmatique : « Oui. Quelqu’un qui n’existe pas. »

 

L’invisibilité peut dire un contexte fictionnel noir, négatif, violent. « Tu es irréel et moi animal. » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 212) ; « Dans ce monde froid, froid, on se sent vite transparents. » (c.f. la chanson du film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, parlant au nom de toutes les femmes lesbiennes) ; etc. Par exemple, dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, c’est l’obscurité de la tanière qui rend les rats invisibles. Le film « Missing » (2004) de François Zabaleta traite des avis de recherche de personnes disparues, sur fond de meurtre non-élucidé. Le motif de l’Homme invisible suggère également une activité d’espionnage, de voyeurisme, de viol de la différence des espaces. Par exemple, le personnage du méchant Nazi du roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, cherche à tout prix à se fondre dans le décor (« Je suis resté invisible. », p. 19) et suit en filature Madeleine dans une voiture noire discrète, « ordinaire, invisible à force d’être banale. » (p. 31) Dans le film « La Croisière » (2011) de Pascale Pouzadoux, , Raphaël va se travestir en femme pour passer inaperçu sur le bateau et espionner sa femme. Dans l’épisode 363 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 25 décembre 2018, André Delcourt, le père de Chloé l’héroïne, fait son coming out, après un « mensonge » et une disparition de plus de 35 ans : « À l’époque, je n’ai pas trouvé d’autre solution que de disparaître. »

 

Le lien entre invisibilité et viol ne doit pas nous étonner outre mesure. Ne perdons pas de vue que le célèbre mythe de l’Homme invisible a coutume d’agir fictionnellement avec une violence inouïe, puisque c’est une figure typique des films d’épouvante (comme on peut le constater dans le film « Matador » (1987) de Pedro Almodóvar, avec Diego qui se masturbe devant l’Homme invisible frappant violemment une femme).

 
 

b) Le personnage homosexuel voit un homme voilé ou bien s’enveloppe d’un voile qui le rend invisible :

Je vous renvoie au film « The Unveiling » (« Le sans voile », 1996) de Rodney Evans, au film « Rideau de Fusuma » (1973) de Tatsumi Kumashiro, à la photo Comme un ange (1986) d’Orion Delain, au roman Los Ambiguos (1922) d’Álvaro Retana (avec Julio l’homme-voile), au film « Belly Dancer » (2009) de Pascal Lièvre, au film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann (avec « un hermaphrodite en voile de mariage »), à la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi (avec Ada, la femme-voile lesbienne), à la comédie musicale Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphan Druet (avec Ottavia la Blanca et son « voile matinal », décrit ironiquement comme un « abat-jour »), à la pièce Le Frigo (1983) de Copi mise en scène par Érika Guillouzouic en 2011 (avec le héros enveloppé d’un drap blanc), à la pièce Le Frigo (1983) de Copi (avec « L. » habillée en fantôme), au film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec l’amant-drap), à la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling, avec Valmont l’homme-voile), à tous les couturiers homosexuels des fictions (je vous renvoie à la partie « Couturier » du code « Pygmalion » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

Tout au long du roman La Peau des Zèbres (1969) de Jean-Louis Bory, le corps humain se limite à un tissu fantomatique : « Encore plus désolant que tout à l’heure à présent qu’il est réduit à une couverture jaune tire-bouchonnée sur le matelas rayé… […] Dans la salle de bains il refuse de regarder les draps. Il les voit. Ils se sont dénoués. Ils vivent. Mais ils se taisent. » (p. 47) ; « Je ne peux pas lire le visage d’Hubert dissimulé par la toile bleue du transat replié. » (idem, p. 326) ; « À travers le rideau de ses mèches qui lui glissaient sans cesse devant la figure… » (idem, p. 406) ; « Hubert grogne, tout son corps enfoui dans le revers de sa robe de chambre, lové genoux au menton, empaqueté dans sa robe de chambre à demi recouverte par le drap. » (idem, p. 528) Dans le poème « Le Condamné à mort » de Jean Genet, on retrouve « les peaux de satin » et les draps humains : « Voile bleu ta tête couverte ».

 

Il est curieux de constater que certains héros homosexuels se prennent pour un drap : « J’ai souvent eu peur que ce tissu me domine, qu’il se fonde en moi. » (la jeune fille dans la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « [Zaza] ne peut pas vivre sans ses drapés. » (Georges dans la pièce La Cage aux Folles (1973) de Jean Poiret, version 2009 avec Christian Clavier et Didier Bourdon) ; « Cette fois-ci j’les enlève mes voiles. » (un des protagonistes homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Une lumière brillait derrière les rideaux de dentelle du salon des Becker. Les rideaux bougèrent comme quelqu’un en lissait les plis et s’écartait, mais Jane voyait encore sa silhouette, sombre et indistincte, qui l’observait depuis l’autre côté de la vitre. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 224) ; etc.

 

Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M se met dans la peau d’une petite fille modèle ridiculement habillée en princesse par ses parents… et qui, à cause de son déguisement, ne peut pas exister. Pendant toute la pièce, paradoxalement, elle se déguisera en plein de personnages (surtout très machistes) afin d’acquérir une invisibilité : « Changer de vêtement pour ne pas être reconnue. » Elle croit que le fait de s’habiller en homme la transforme en homme (« Mon costume dit à l’homme = Je suis ton égale. ») et plus globalement en l’androgyne invisible : « Autre… mais indétectable. Presque un shoot. »
 

Il est à noter que dans les œuvres homosexuelles, l’Homme invisible est souvent un homme-voile : « La dentelle, c’est comme un miroir. » (Doña Augusta dans le roman Paradiso (1967) de José Lezama Lima, p. 19) ; « Peut-être je disparais et ils me voient plus. […] Quelque chose vole devant moi, un grand drap bleu qui se pose en me recouvrant tout entier. Je regarde le miroir. Dedans, j’y vois ma tête qui me regarde aussi. » (le narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, pp. 84-85) ; etc. Dans le film « Le Sable » (2005) de Mario Feroce, Elisa est la femme voilée, et Mahaut, au moment de lui faire l’amour, lui dit : « Je ne te vois plus. » Dans le roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, la voix narrative enfile le jour de son mariage la robe mauve de l’invisibilité : « Je faisais de cette robe une seconde peau, un double de mon corps qui continuerait à vivre » (pp. 137-138) Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa), Phil, le héros homo, reçoit des vêtements filmés en chute libre et en slow-motion sur lui. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, les deux amantes Kena et Ziki se retrouvent clandestinement sur les terrasses des toits de Nairobi (Kenya) où sèche le linge et des draps étendus.

 

Par ailleurs, on constate que le héros homosexuel est familier de la mode (il est parfois mannequin, ou styliste). « J’aime trop la haute couture. » (Marina, le travesti, dans la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud) Dans son one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba, l’univers des couturiers est associé à un « truc de pédés ».

 

Le personnage homosexuel refuse en général de connaître le sens de son attachement aux voiles et aux vêtements : « Le Docteur Feingold a prétendu que cette obsession vestimentaire trahissait une activité de substitution. Elle m’a dit que j’avais besoin de ritualiser mon chagrin et que cette manie de choisir des vêtements remplaçait dans mon esprit une expression plus profonde de la perte. J’ai eu envie de lui demander : ‘Et vous, docteur Feingold, vous vous êtes déjà interrogée sur ce que cela signifie, pour vous, de vivre seule dans un appartement blanc immaculé, avec un chat impeccable que vous appelez Bébé ? Bien sûr, je me suis contentée de l’écouter et d’acquiescer, car je n’avais aucune envie d’entamer de nouveau une conversation sur mon agressivité, mes limites et ma tendance à ‘résister au processus’, comme elle dit. Ce qu’elle ignore, c’est que ma vie est bâtie sur cette résistance au processus. » (Ronit, l’héroïne lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 67)

 

Le corps voilé représente souvent le corps violé : « C’est un moment fort où se réveille l’eau qui dort, un moment clair où je me confonds à ta chair. C’est le feu et la soie. » (cf. la chanson « Les Voyages immobiles » d’Étienne Daho) ; « Y me semble de te voir en train de souffrir dans un voile transparent. » (Mélène à son ami Jean-Marc, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 55) ; « Le jeune homme flotte nu au-dessus du sol, le cou enveloppé de ce voile. » (la description du corps de Cyril, pendu, dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 221) Par exemple, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le couple homosexuel est figuré par un homme en costard et un autre portant une burka féminine sur le visage. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Yoann, le héros homosexuel, apparaît, au moment du salut final, avec un voile de mariée sur la tête… car il s’est fait violer par la belle-mère de son copain. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel imite plein de personnage avec un drap blanc qu’il porte en toge, en voile de mariée. Et dès qu’il se met dans la peau de sa mère, il s’adresse à son père invisible lui parlant : « Ton père arrive ! Enlève ce rideau ! » Le drap enveloppe ici le personnage homosexuel comme dans un cocon incestuel.

 
 

c) Le personnage homosexuel parle d’une momie ou se considère comme une momie :

On retrouve le motif de la momie dans beaucoup de fictions traitant d’homosexualité : cf. le film « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le poème « El Cadáver » de Néstor Perlongher, « Le Bal des maudits » (1958) d’Edward Dmytryl (avec Marlon Brando au visage plâtré sur son lit d’hôpital), le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, le spectacle Rêve d’Égypte (1907) interprété par Colette au Moulin-Rouge, la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, la pièce La Sonate des spectres (1907) d’August Strindberg, le film « Maurice » (1987) de James Ivory (avec les bandages de Clive), le film « Hustler White » (1997) de Bruce LaBruce et Rick Castro, les tableaux de Charles-Louis La Salle, le poème « En cœur forgé » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, le vidéo-clip de la chanson « Remember The Time » de Michael Jackson, etc.

 

"Le Livre blanc" de Copi

« Le Livre blanc » de Copi

 

Des allusions récurrentes à la momie sont faites dans des intrigues qui n’ont parfois rien à voir avec elle : « Espèce de momie ! » (Santiago insultant Doris, l’héroïne lesbienne de la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « Pietro Gentiluomo. Je l’ai dragué au musée du Vatican il y a bien dix ans, il était venu dessiner les momies égyptiennes, il retouchait des photos pour en faire des cartes postales, c’est son métier. » (la voix narrative du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 12) ; « Regarde, maman ! Il [le Jésuite] allait se tirer avec les joyaux de la momie de grand-mère ! » (la Princesse à la Reine dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Continuez à manger vos momies ! » (le Rat, idem) ; « Elle va pas recommencer, la momie !!! » (Romain, le coiffeur gay, s’adressant à la concertiste lesbienne Isabelle, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Pédé est « momifié » (p. 352) ; Solitaire raffole des momies « construites en série », et veut s’en acheter deux ou trois pour les exposer dans sa galerie.

 

N’oublions que l’Homme invisible, dans le célèbre film de James Whale, est couvert de bandelettes, et que donc la momie est symbole à la fois d’invisibilité et d’homosexualité. On retrouve les momies homosexuelles dans quelques œuvres de fiction. Par exemple, dans le film « Bandaged » (2009) de Maria Beatty, Lucille, l’héroïne lesbienne, a le visage bandé. Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel met des bandes de scotch jaune partout sur le visage de son amant Omar. Dans le film « La Comunidad » (« Mes Amis les voisins », 2000) d’Alex de la Iglesia, Julia, employée d’une agence immobilière, traite deux clientes potentielles de « momies lesbiennes » en leur imaginant des positions sexuelles en forme de ciseaux, afin de les choquer et de s’en débarrasser. Dans le film « Adèle Blanc Sec » (2010) de Luc Besson, apparaît un merveilleux exemple de momie homosexuelle : au Musée du Louvre, la momie Patmosis reste scotchée devant la peinture de st Sébastien, le « saint patron » de la communauté homo…

 

Le personnage homosexuel se voit lui-même comme une momie dans un sarcophage : « Dans mes draps de papier tout délavés, mes baisers sont souillés. » (cf. la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer) ; « Et toi, mon vieux chien Médoro, compagnon fidèle de mon exil doré, vous tous, mes chers vieux petits adoptés, vous serez enterrés dans des petites amphores, accompagnés de ma momie, dans ma pyramide en cristal que j’ai fait bâtir sur l’Altiplano bolivien suspendu sur le lac Titicaca. » (« L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Paul est décrit par Jean Cocteau comme une momie qui prépare sa sépulture lui-même parce qu’il est un « être-pour-la-mort » : « Il faisait plus que se coucher. Il s’embaumait. Il s’entourait de bandelettes, de nourriture, de bibelots sacrés, il partait chez les ombres. » Dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), l’humoriste Samuel Laroque rentre dans la peau d’une Catherine Deneuve transformée en momie.

 
 

d) Le personnage homosexuel affirme être ou voir un homme invisible aux multiples facettes, comme un diamant travaillé :

Il est fréquemment fait mention des diamants dans les œuvres homosexuelles : cf. le film « Le Cargo de diamants » (1920) de Fritz Lang, le film « Le Lézard noir » (1968) de Kinji Fukasaku, le film « Les Diamants sont éternels » (1971) de Guy Hamilton, la chanson « Diamonds And Rust » de Joan Baez, le one-(wo)-man-show Le Jardin des Dindes (2008) de Jean-Philippe Set, la chanson « Paris » de Taxi Girl, le film « Fric-frac rue des Diams » (1974) d’Aram Avakian, la chanson « Diamonds » de Rihanna, etc. Ils renvoient en général au désir d’être objet et de se prendre pour Dieu : « Depuis que je chine au bazar de la quincaille stellaire, j’y ai dégotté de la fine émeraude à m’emperlouser d’éternité. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, pp. 9-10)

 

Dans la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, Pancho, le Mexicain homosexuel, entonne la chanson « La Rockeuse de diamants » de Catherine Lara. Dans le roman Les Clochards célestes (1963) de Jack Kerouac, Ray Smith lit Sutra de Diamant (p. 33). Dans le roman Para Doxa (2011) de Laure Migliore, Helena est l’épouse d’un richissime diamantaire travaillant en Namibie. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Annonciade, le meilleur ami transsexuel M to F de Zize, est fardé de bijoux. Dans le film « Friendly Persuasion » (« La Loi du Seigneur », 1956) de William Wyler, Eliza, la mère de Jacques, propose à son fils et à son ami Jérôme d’aller se rendre à une « exposition de minéraux », ce qui semble incongru aux oreilles de Jacques. Et plus tard, les trois donzelles qui le convoiteront et le dégoûteront des femmes – les filles de la veuve Hudspeth – portent le nom de pierres précieuses : Opale, Perle et Rubis.

 

Dans toute l’œuvre romanesque et dramaturgique de l’Argentin Copi, on retrouve la femme-objet (bourgeoise-prostituée transsexuelle) parée de bijoux la désignant comme l’androgyne mi-homme mi-femme : cf. la pièce La Pyramide ! (1975) (avec l’épingle à cravate assortie d’un gros diamant), la nouvelle « La Baraka » (1983) (avec Mme Ada, voleuse de diamants et des bijoux de la Couronne d’Angleterre), le roman La Cité des Rats (1979) (avec la Reine des Rats se prénommant « Bijou » ; mais aussi l’Émir des Perroquets, tout de bijoux et de diamants orné, avec « une cicatrice qu’il porte autour de la cheville », comme l’androgyne blessé, p. 101), la pièce Les Quatre Jumelles (1973), etc. « À Ibiza Michael et moi nous avons trouvé un diamant sur la plage. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des Folles (1977), p. 139) ; « Je mets Michael et Patrizia à la porte avec leur part de diamants. » (idem, p. 145) ; « Elle [la cantatrice Regina Morti] n’a pas peur de se faire arracher les diamants dans le métro. » (cf. la pièce Une Visite inopportune, 1988) ; « Je vous ai donné toutes mes perles ! » (idem) ; « Il [le prince Koulotô] était le chef spirituel de deux cents millions d’âmes extrêmement pieuses qui lui faisaient cadeau tous les vendredis de son poids en diamants et d’un oiseau en papier, l’emblème de sa dynastie. » (cf. la nouvelle « Les vieux travelos » (1978), p. 93) ; « Il se peut que la lumière dont tu me parles sans cesse ne soit que celle du collier de diamants de feu de ta mère ou de la mère de ta mère ou de la Reine d’Angleterre ou bien d’une Pharaonne ! » (Lou à sa mère Solitaire dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986)) ; « Les lesbiennes ont des diamants dissimulés entre les miches ! » (Fifi, idem) ; « Tu crois que je devrais prendre avec moi la petite valise de diamants ? Non, qu’on les expose. » (cf. la pièce Eva Perón, 1969) ; « Sa beauté indiscutable se passait de l’intelligence. L’élégance avec laquelle elle portait un corsage entièrement brodé de diamants sous une hermine et une toque en plumes d’oiseau de paradis pour monter les escaliers de l’Opéra, la faisait paraître d’un naturel parfait chez les figurants de la jet society. » (la description de Maria-José, le transsexuel M to F, dans la nouvelle « Le Travesti et le Corbeau » (1983), p. 32) ; « Elle a beaucoup insisté pour que je m’ fasse percer l’oreille pour qu’elle puisse m’offrir un diam’s. Maintenant, je m’ fais traiter d’pédé pour faire plaisir à ma poupée. » (cf. la chanson « Marre de cette nana-là » de Patrick Bruel) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, il est question d’une prostituée russe, Katouchka, qui est surnommée par Yoann l’amant de Julien « Catouchatte », par jalousie. Celle-ci aurait couché avec Julien, et fait des défilés pour Karl Lagerfeld, à poil, « avec un diamant à la place de la chatte ».
 

Le diamant est parfois la métaphore de l’amant homosexuel : cf. le film « Le Chat croque les diamants » (1968) de Bryan Forbes, le film « L’Oiseau au plumage de cristal » (1968) de Dario Argento, le roman Garçons de Cristal (1981) de Bai Xianyong, etc. Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, Chloé est comparée à un « diamant brut » (p. 155) par son amante Cécile. Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, une patiente lesbienne a reçu de la part de son amante septuagénaire Lili un diamant pour « leur » premier anniversaire de couple : « C’est pour ça que Lili c’est mon deuxième papa.»

 

Le diamant, aussi surprenant que cela puisse paraître, est symboliquement signe d’invisibilité : « Elle [Sylvia] montra du doigt une petite chouette d’or sommairement travaillée, aux ailes d’émeraude, la tête piquée de diamants avec deux topazes pour les yeux. […] Je revois cet oiseau plus nettement que son visage dont je ne perçois qu’un seul profil – l’autre moitié devenue invisible, à la manière d’un miroir. » (Laura, l’héroïne lesbienne, dans le roman Deux Femmes (1975) de Harry Muslisch, p. 30) ; « On peut mettre un diamant dans une boîte d’allumettes, et une merde dans une boîte à Cartier. » (Lourdes dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « Elle [Groucha] me paraît minuscule, et comme en hauteur, au sommet d’une montagne, parmi les neiges éternelles. Pour couronner le tout, elle a beau être assise immobile dans le canapé, j’ai l’impression qu’elle remue ses hanches, qu’elle ondule de droite et de gauche, comme si elle faisait la danse du ventre, avec des oscillations de sirène, des variations régulières de courbe sinusoïdale. Vu d’ici, ça fait plein de petites étoiles scintillantes. L’image se décompose, à travers une sorte de filtre brumeux, un diamant taillé ou un kaléidoscope, comme dans les films psychédéliques ou les premiers épisodes de Columbo. » (Yvon en parlant de la maléfique Groucha, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 264) ; « Jane se réveilla en pleine nuit. Elle sortit de la chambre et resta un instant dans la salle de bains, aussi étincelante qu’un coffret à bijoux, guettant des signes de vie dans l’appartement voisin. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 79) ; etc.

 

L’Homme invisible est parfois associé à un diamantaire au regard diabolique, possédant plusieurs visages (cf. je vous renvoie au code « Quatuor » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels), donnant l’impression spectaculaire et séduisante qu’il est plusieurs, infini, et éternel… alors qu’il n’est finalement qu’un, et qu’il est déjà mort : « Je travaille en solitaire. Au sens diamantaire du terme. » (Paola dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) ; « Je suis né une seconde fois et ai compris que je n’étais pas un, mais plusieurs. » (Cyril, le « méchant » du roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 33) ; « J’vois tes grands airs de diamantaire. T’as plus de mystère. Comme tu as changé. » (cf. la chanson « Mylène s’en fout » de Mylène Farmer) ; « Tu observes le bébé SS à la façon d’un diamantaire devant une pierre. » (Félix dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 148) ; « Dieu t’aime. Pour lui tu es le plus beau des diadèmes. » (Mgr Miriel à Valjean dans la comédie musicale Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy) ; « Hugues ne disait rien. Il se contentait de triturer avec la pointe de son couteau la cire encore molle qui avait coulé sur la table en chêne. Il avait le visage durci et mauvais. À la lueur des bougies, ses traits paraissaient plus durs qu’à l’accoutumée. L’arête de son nez, rendue plus aiguë par les méplats ombrageux du reste du visage, semblait aussi coupante que du diamant. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 41) ; « Vous [Linda] êtes assise sur une faux ? C’est un croissant de Lune ? Attention, ça coupe ! Aïe, Linda ! Vous jaillissez de partout ! » (Loretta Strong dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi) ; « Il naît du pétrole un petit diamant fragile d’où coule le sang d’une rencontre trop bousculée, trop prétentieuse, trop généreuse avec les doigts gantés d’un orfèvre. Un cristal saigne : son pétrole est rouge. » (cf. la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) Cet homme-diamant est en général malveillant. Par exemple, dans la pièce Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, l’un des amants du héros est voleur de diamants.

 

Le diamant peut parfois indiquer la mort : mort du corps (par le viol), ou du moins du désir. « Alexis Guérande est mort. Alexis Guérande est mort, ce matin, à côté de moi. Il est mort, frappé à la tête par une balle de hasard, dans un moment de répit, dans un moment où les combats avaient cessé et où notre attention s’était relâchée. Juste une balle qui s’est logée dans sa tempe gauche, rien d’autre, quelque chose de très net, comme un éclat de diamant pur qui forme tout à coup un trou rouge au bout de ses sourcils. La mort a été instantanée. » (Arthur parlant d’un compagnon de tranchée, un poète breton de 20 ans, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 175) ; « Elle [Jolie] avait autour du cou, pour dissimuler huit cicatrices de chirurgie esthétique, un million de dollars en diamants. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 167) ; « Le cerveau malade de cette idée s’obsède d’une pensée circulaire coupante comme un diamant et tournant sur elle-même jusqu’à une vertigineuse vitesse qui la stabilise en un effet stroboscopique. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 40)

 
 

e) Le caméléon (ou le lézard) symbolise un désir de toute-puissance dans la disparition :

Film "Hildes Reise" de Christof Vorster

Film « Hildes Reise » de Christof Vorster

 

Le caméléon est un reptile qui a la réputation de se fondre dans le paysage, de changer de couleur et d’identité(s). Pas étonnant, donc, qu’il soit repris comme symbole du désir homosexuel dans beaucoup de créations homo-érotiques : cf. le roman Le Caméléon (1994) de Claude Arnaud, le film « Furyo » (1983) de Nagisa Oshima, le film « Le Secret du Chevalier d’Éon » (1959) de Jacqueline Audry, l’album « Karma Chameleon » de Culture Club, le roman Le Lézard noir (1969) de Yukio Mishima, le film « Le Lézard noir » (1968) de Kinji Fukasaku, le film « Miwa : à la recherche du Lézard noir » (2010) de Pascal-Alex Vincent, la pièce The Night Of The Iguana (La Nuit de l’Iguane, 1961) de Tennessee Williams, le film « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » (1984) de Pedro Almodóvar (avec le lézard domestique), la pièce El Ritual De La Salamandra (1982) d’Hugo Argüelles, le film « Ma Mère préfère les femmes » (2001) d’Inés Paris et Daniela Fejerman, le film « La Salamandre » (1969) d’Alberto Cavallone, le film « Reptile » (1970) de Joseph Mankiewicz, le roman L’Amour Caméléon (1998) de François-Xavier Bellest, le roman Carnaval (2014) de Manuel Blanc (avec le héros homosexuel, passant de déguisement en déguisement), la chanson « Équivoque » de Jean-Luc Lahaye, les chansons « Caméléon » et « Espionne » de Catherine Lara, etc. Dans la série Demain Nous Appartient, André, l’un des héros homos, a un iguane.

 

Il est courant d’entendre le personnage homosexuel se mettre dans la peau du caméléon, ou bien qu’il soit comparé à cet animal soi-disant « invisible » : « Je suis un caméléon. Je change selon les saisons. Je change selon les amants ! » (Anne Cadilhac lors de son concert Tirez sur la pianiste : Récital schizophénik, 2011) ; « Moi, j’suis un vrai lézard. » (Paul, le personnage homo, dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon) ; « Je me fous bien du qu’en-dira-t-on. Je suis caméléon. » (cf. la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer) ; « C’est un caméléon, un voyageur, un vagabond. Tragique imposteur, il se mélange dans ses couleurs. » (cf. la chanson « Caméléon » de Véronique Rivière) ; « Elles étaient une et cent à la fois, toutes se confondant en un instant, toutes défaillantes en un moment, toutes légères. » (la jeune fille dans la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « Je suis un masque, je suis un caméléon. » (Éric, le personnage homo de la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « La peau du caméléon, c’est pour se cacher des autres animaux. » (Prune, en lecture de classe à l’école primaire d’Adèle, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche) ; « Aujourd’hui, je suis un caméléon qui a des problèmes de santé. » (Jean-Marc, l’un des héros homosexuels de la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, Dorian Gray cherche à « multiplier ses identités, à se ré-inventer ». Au début du film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Howard Brackett, prof de lettres à l’université, décrit un auteur célèbre comme le caméléon homosexuel (« Avant, c’était une sorte d’iguane… ») que lui-même va devenir puisqu’il va faire son coming out. Dans le répertoire musical de Jann Halexander, l’homme noir est maintes fois présenté comme un caméléon, un Homme invisible sans couleur attitrée : « Ça va du noir jusqu’au très blanc. […] Invisibles, c’est mieux de goûter au luxe de l’indifférence. » (cf. la chanson « Les gens de couleur n’ont rien d’extraordinaire… »)

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi

 

Le caméléon est symboliquement la métaphore du désir de se substituer à Dieu : « Mon fils aussi [a beaucoup voyagé] ! Mais il a grandi si vite que je n’arrive même pas à me souvenir de son visage. Mais ce n’est pas illogique je pense. Comment pourrait-il avoir le même visage, n’est-ce pas, dans des endroits différents ? C’est dans tous les manuels de bienséance ! Mais je suis sûr qu’après tout, il vous ressemble ! J’ai remarqué. Chaque jour vous ressemblez à quelqu’un de différent. […] Je crois que vous êtes Dieu. […] Mon fils aussi, il est Dieu. » (Jeanne au marchand de melons dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) Par exemple, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Gatal, le héros homosexuel, est peinturluré en caméléon multicolore ; et son fiancé aussi (lui porte une immense manteau multicoloré, et surgit du ciel).

 

La crispation du héros homosexuel à être un caméléon illustre aussi son refus de s’accepter lui-même, de grandir, de changer, d’accepter ses métamorphoses naturelles : « Jane avait détesté la puberté, l’intrusion du sang et des seins, les messes basses entre filles et les invitations des hommes qui les suivaient en voiture en roulant au pas. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 29) Par exemple, dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, se rend chez un chirurgien pratiquant la « médecine esthétique pour rajeunir. Il découvre horrifié sa gueule de « gros lézard qui mue » dans un double miroir.
 

Le problème de cette identification au caméléon, c’est également l’immatérialité subséquente en amour (l’amant devient insaisissable, inattendu, décevant, inconstant, fusionnel et destructeur), c’est l’angoisse individuelle de la perte d’identité : « Là résidait un des plus graves dangers de cette aventure : en passant d’une personnalité à l’autre, il courait le risque de se trouver, un jour, dans la peau d’un indifférent et d’y rester. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 94) ; « J’ai tellement aimé être aimée par toi. J’épousais tes contours caméléon, je me fixais à toi parasite. » (Cécile à son amante Chloé, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 42) ; « J’avais une dizaine de partenaires dont un Noir américain, une strip-teaseuse, un vieux peintre surréaliste. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 21) ; « De toute façon avec toi, on ne sait jamais quand tu es sincère et quand tu ne l’es pas, non mais c’est vrai, tu mens tout le temps, à la fin on sait même pas quand tu dis la vérité. Même Léo, qu’est-ce que tu crois, j’ai dû lui expliquer que tu étais Foucaldien, que tu te réinventais sans cesse pour qu’il ne soit pas choqué le jour où il te connaîtrait mieux et où, en deux minutes, il te verrait changer de discours en deux secondes. » (Polly, l’une des héroïnes lesbienne, parlant à son pote gay Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 119) ; etc.

 

Le caméléon devient l’amant homosexuel kaléidoscopique, sans visage parce qu’il en a 1000 : on n’a plus trop envie de lui faire confiance.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’Homme invisible, ou le désir/la peur d’être transparent :

Documentaire "The Invisible Men" de Yariv Mozer

Documentaire « The Invisible Men » de Yariv Mozer

 

L’homme invisible dont parlent certaines personnes homosexuelles semble être une projection fantasmée cinématographique de ceux (ou celles, si on parle des actrices) qu’elles auraient souhaité être : « Tout homme pour vivre a besoin de fantômes esthétiques. Je les ai poursuivis, cherchés, traqués. » (Yves Saint-Laurent dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton)

 

Je vous renvoie au documentaire « Transparent » (2005) de Jules Rosskam, à l’autobiographie Everybody’s Autobiography (1937) de Gertrude Stein, à la photo Unidentified Man (non datée) d’Andy Warhol, à l’essai Ceci n’est pas un fantôme (2011) de Pierre Katuszewski (traitant de la place des hommes transparents dans les œuvres de Bernard-Marie Koltès, Pier Paolo Pasolini, Edward Bond, etc.), au documentaire « The Invisible Men » (2012) de Yariv Mozer (sur les Palestiniens homosexuels), à la session « El Hombre Invisible : Homosexuales Y Otros Hombres Que Tienen Relaciones Sexuales Con Hombres En La Epidemia Mundial De VIH » (lors du 27e Congrès International de México City en mars 2008), à la biographie William Burroughs, The Invisible Man (1992) de Barry Miles (dans les années 1950 à Tanger, des garçons de la rue ont surnommé Burroughs ainsi), etc. Il existe en Suisse une association appelée Transparents et regroupant les parents transsexuels : la plupart des « transparents » ont eu des enfants dans le cadre d’un mariage précédant leur parcours transsexuel.

 

INVISIBLE 8 AFFICHE Stuart

 

Ce n’est pas par hasard si le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz emploient la métaphore de l’Homme invisible pour dresser le portrait d’une dizaine de témoins homosexuels : « Des hommes et des femmes, nés dans l’entre-deux-guerres, ils n’ont aucun point commun sinon d’être homosexuels et d’avoir choisi de le choisir au grand jour, à une époque où la société les rejetait. Ils ont aimé, lutté, désiré, fait l’amour. Aujourd’hui, ils racontent ce que fut cette vie insoumise, partagée entre la volonté de rester des gens comme les autres et l’obligation de s’inventer une liberté pour s’épanouir. Ils n’ont eu peur de rien… » (p. 70) Ni que les publicités qui promeuvent les « familles homoparentales » décrivent les couples homosexuels comme des « parents invisibles » (et sans états d’âme, en plus ! alors que c’est concrètement dramatique).

 

 

Déjà, un détail qui a son importance : le créateur de l’Homme invisible, James Whale, était un réalisateur connu pour son homosexualité.

 

Ensuite, on peut dire que la recherche d’invisibilité caractérise beaucoup d’individus homosexuels : elle dit chez eux un complexe de supériorité et d’infériorité énorme (= je suis insignifiant). « Il est probable qu’un poète est un homme invisible. » (Jean Cocteau dans le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky) ; « Une chose complètement invisible, je suis une Jeanne d’Arc, une voyante. » (Christine Angot, Quitter la ville (2000), p. 45) ; « Y’avait un côté super-héros pour le titre du spectacle. » (Océane Rose-Marie parlant de son spectacle La Lesbienne invisible, dans l’émission Dans les yeux d’Olivier, « Les Femmes entre elles », d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, France 2, 12 avril 2011) ; « Physiquement, il ressemblait un peu à ses dessins : un être immatériel, un peu funambule, qui marchait à tâtons. » (Alfredo Arias parlant de Copi, dans l’article « Copi, ma part obscure » d’Hugues Le Tanneur, sur le journal Eden du 12 janvier 1999) ; « En réalité, je suis un homme tout ce qu’il y a de plus banal. » (Peter Gehardt, ironique, dans son documentaire « Homo et alors ?!? », 2015) ; etc.

 

Par exemple, en ce qui me concerne, à l’adolescence, je me mettais dans la peau de Ma Sorcière bien-aimée, la série nord-américaine, où l’héroïne, souvent, disparaissait comme par enchantement.

 

 

Dans sa biographie Saint Genet (1952), Jean-Paul Sartre évoque la vie d’homme invisible de Jean Genet (p. 101). Dans l’article « Écriture lesbienne : Stratégie de marque » de l’essai Les Études gay et lesbiennes (1998) de Didier Éribon, Nicole Brossard nous parle de « l’invisible lesbienne » (p. 54). Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Celia, la conservatrice de musées, s’adressant à Bertrand en lui disant que « la disparition, c’est ma spécialité. » Elle mène son manège à exécution puisqu’à la fin du film, elle disparaît sans crier gare.

 

INVISIBLE burroughs

 

L’invisibilité sera même envisagée comme une preuve indiscutable de la vérité de l’homosexualité ! « Les invisibles bis. » (un témoin homosexuel dans le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau) ; « La lesbienne (masculine) n’est pas invisible. Le problème, c’est qu’elle est plus que visible. » (une mère de femme lesbienne dans le documentaire « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti) ; « Est-ce qu’elles se cachent ? Est-ce qu’on les cache ? » (des propos concernant les femmes lesbiennes, dans le documentaire « Des Filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger) ; « Les associations LGBT se sont occupées de l’émergence de ceux qui furent longtemps invisibles. » (la voix-off dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre) ; etc.

 

Dans l’essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010) de Natacha Chetcuti, Michel Bozon insiste sur la prétendue « invisibilité du lesbianisme » (p. 10).

 

Mais cette vie de marginal clandestin, vivant caché, n’est pas de tout repos, car un certain nombre de personnes homosexuelles s’engouffre dans le mensonge, le double vie, la paranoïa, l’exhibitionnisme, l’angoisse de ne pas être aimé, et la perte des repères. « Peu à peu, je fis mon chemin dans le milieu. Toujours dans un cadre très discret, je passais d’un appartement à un autre, d’un corps à un autre, aucune contrarié par le manque de plaisir, alors que dehors, j’étais l’être le plus anonyme dépourvu d’intérêt. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 114) ; « La discrétion, c’est être mort, invisible. C’est pas une option. L’option, c’est au contraire d’être encore plus visible. » (Wilfred de Bruijn dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt)

 

Par exemple, dans le documentaire « Boy I Am » (2006) de Sam Feder et Julie Hollar, Keegan dit son angoisse d’être invisible. Lors de son concert à La Boule Noire (2007) à Paris, Jean Guidoni chante sa « peur qu’on ne le voie pas ». Le sentiment d’être invisible rejoint celui de l’abandon d’amour : « Personne n’a plus besoin de moi et on ne remarquera pas mon absence. » (Frédéric Mitterrand, La Mauvaise Vie (2005), p. 301) ; « On aurait dit qu’ils avaient décelé ma personnalité, ou mon manque de personnalité, aussitôt qu’ils m’avaient vu. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 55) ; « Quelque chose d’étrange en moi les touchait. Mon absence au monde. L’oubli de mon corps. Mes 50 kg. Mon effacement progressif. […] On ne m’avait donc pas complètement oublié malgré mon désir de disparaître, devenir invisible. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 59) ; etc.

 

La théorie du Gender est en quelque sorte l’idéologie de l’Homme invisible. Par exemple, dans son excellent essai Le Genre démasqué (2011), Élizabeth Montfort fait mention de « cette école suédoise Egalia où il n’y a ni filles ni garçons, ni ‘il’ ni ‘elle’, mais les ami(e)s. Ils choisiront… plus tard. Ne rien révéler aux enfants de ce qu’ils sont, garçon ou fille, revient à les mettre dans un conditionnement terrible : celui du néant. Mon nom est personne ! » (p. 47)

 

Dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, une des témoins intersexes qui se fait appeler « M est filmée comme un être translucide lumineux, sans visage. Comme un Homme invisible. D’ailleurs, elle se définit elle-même ainsi : « Comme je n’aimais pas mon corps, la question, c’était comment faire pour qu’il soit transparent, et transparent au milieu des autres. »
 

« M » et Déborah, intersexes


 

L’invisibilité est une stratégie de survie, mais aussi de l’homophobie homosexuelle. « Plus l’homosexualité s’affirme, plus ses limites deviennent incertaines. » (Jacques Fortin, Homosexualités, l’adieu aux normes (2000), p. 172) ; « L’archétype du pédé, un cliché sans visage. » (Nicolas Guilleminot, dans la comédie musicale Sauna, 2011) ; « Masculin ? Féminin ? Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. » (Claude Cahun, citée dans l’exposition « Claude Cahun » au Jeu de Paume du Jardin des Tuileries, à Paris, en juin 2011) ; « Il y a tous les homos qui ‘se font voir’. Et il y a tous ceux que vous ne voyez pas. Je compare l’homosexualité à un iceberg où seule la pointe apparaîtrait et serait visble ; et c’est par cette pointe que vous jugeriez de l’iceberg entier. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; etc. Beaucoup d’auteurs homosexuels parlent à visage couvert dans leur roman, surtout pour ne pas avoir à se justifier d’être homo et d’aimer homosexuellement (cf. je vous renvoie au code « Déni » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Par exemple, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, le « vous » narratif est à la fois un « je » et une « non-personne », un être invisible en quelque sorte.

 

Le mensonge de l’invisibilité homosexuelle fait tache d’huile sur le couple homo. L’amant homosexuel est souvent défini comme un amour inaccessible, insipide, absent, un voleur, le maître de ce qui ne peut pas être montré, à savoir le mal ou le viol : « Cette nuit-là, j’avais rencontré mon Homni (Homme Non Identifiable). » (Lionel Vallet dans la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 50) ; « Il me fallait exorciser le diable [la culture ouvrière] en moi, le faire sortir de moi. Ou le rendre invisible, pour que personne ne puisse deviner sa présence. Ce fut pendant des années un travail de chaque instant. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 115) ; « Pendant des années, je pensais : ‘Je ne connais pas ce garçon’. […] Parfois, je pensais : ‘Est-ce qu’il me voit ? Est-ce qu’il sait que je suis là ?’. » (André en parlant de Laurent avec qui il est resté 10 ans en couple, dans le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; etc.

 

Par exemple, dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, Brüno fait l’amour avec un mort : l’Homme invisible.

 

L’Homme invisible est tout simplement la métaphore de la mort, du diable. « J’étais dans l’horreur de ma propre confusion. Je la voyais bien. Je la comprenais parfaitement. Je marchais avec elle en silence, en bataille, jamais en paix. Je n’y pouvais rien, j’étais dominé par cette force supérieure, invisible, inconnue, et qui m’entraînait vers le chaos intime. Je voyais de temps en temps en moi l’image de ma sœur Lattéfa qu’on disait possédée. Qui l’était. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 86) Il arrive d’ailleurs que certaines personnes homosexuelles en parlent comme le père absent, ou le frère décédé qu’elles n’ont pas connu. « La fille unique que je suis n’a jamais eu à se mesurer à un frère, donc à un garçon. Elle ne s’est heurtée qu’à un fantôme. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 40)

 

Festival "Projection Moving_Image" à New York, sur le thème "G comme Gender"

Festival « Projection Moving_Image » à New York, sur le thème G comme Gender

 

Cette invisibilité montre surtout que le désir homosexuel, en expulsant la différence des sexes, a du mal à s’incarner, à être aimant et à épouser l’Humain. « L’invisible est indivisible du visible pour les transsexuels, ce n’est pas une maxime philosophique, ce peut être la différence qui existe entre la vie et la mort. » (Larry Wachowski, homme transsexuel M to F, dans son discours au HRC’s Visibility Awards de San Francisco en octobre 2012) Il est comme en suspension. À l’instar des désirs de mort qui nous font souhaiter disparaître.

 
 

b) L’homme voilé :

Autoportrait "Le Fiancé" d'Hervé Guibert

Portrait « Le Fiancé » (Thierry) d’Hervé Guibert

 

Hervé Guibert, dans la photo Le Fiancé qu’il a fait de son partenaire Thierry, enveloppé d’un tulle blanc, et ressemble à un Homme invisible. On retrouve l’homme-voile dans la lettre De Profundis (1897) d’Oscar Wilde, dans l’autobiographie Red Carpets And Other Banana Skins (2006) de Rupert Everett, etc.. Par ailleurs, de nombreux couturiers, stylistes, modélistes, sont connus pour être homosexuels : par exemple Ted Lapidus, Michael Kors, Jean-Paul Gaultier, Karl Lagerfeld, Yves Saint-Laurent, Tom Ford, Julian Mc Donald, Dolce & Gabana, Giorgio Armani, John Galliano, Gianni Versace, etc.

 

Certaines personnes homosexuelles affichent leur hyphephilie, « l’amour des textiles » (Agnès Giard, Le Sexe bizarre (2004), p. 36) : « À l’intérieur de l’armoire, les vêtements tombaient l’un après l’autre des cintres. Au fond, accrochées ainsi que des marionnettes, deux poupées, de taille humaine, étaient enlacées comme pour danser le tango. » (Alfredo Arias dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), p. 263) ; « Moi qui adorais me singulariser par mes tenues vestimentaires » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 57) ; « Me voilà, au milieu de toutes ces robes andalouses, à danser des sevillanas. » (Guillaume, le héros bisexuel du film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne) ; etc. La toile ou le vêtement donne l’illusion d’une transcendance et d’une transgression de la différence des sexes : « J’adorais le ski (j’adore toujours) parce qu’il n’y avait plus ni homme ni femme une fois la combinaison enfilée. Seul le talent compte. » (cf. l’article « Tom Boy à l’affiche » de Bab El)

 

Dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, dès le début, une très grande place est offerte aux draps, aux couvertures, aux tissus (en particulier corporels). « J’ai découvert à 27 ans que j’étais intersexuée. En trouvant mon dossier médical caché au fond d’une armoire ? Sur le compte-rendu opératoire, il était écrit noir sur blanc : ‘Tissu testiculaire’. » (personne intersexe qui se fait appeler « M »)
 

Pour ma part, dans mon enfance, j’étais fasciné par ce personnage du dessin animé « Le Sourire du Dragon » nommé Sheila la Furtive, qui portait une cape d’invisibilité.

 
 

c) La momie :

 

Je vous renvoie à la campagne publicitaire de l’association de prévention contre le Sida AIDES (dans ce spot, vers la fin, le héros gay est transformé en Homme invisible méconnaissable sur son lit d’hôpital). Dans le documentaire « Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse, la mandarine » (2009) de Marion Cajori et Amei Wallach, on voit la sculptrice Louise Bourgeois en train de couvrir de bandages un homme lors d’un happening « artistique ».

 

Le motif de la momie semble traduire chez certains auteurs homosexuels, une idolâtrie pour des hommes-objets et des femmes-objets qu’ils rêveraient immortels, et plus profondément un désir d’être objet. « Sabah faisait son come-back. Cette chanteuse libanaise mythique de plus de 80 ans qui était devenue, à force de liftings, une statue, une momie, une icône, une petite fille étrange à la chevelure flamboyante et très blonde. Une femme à la voix un peu rauque qui défie le monde et le monde arabe. » (Abdellah Taïa exprimant son adoration de la chanteuse vieillissante Sabah, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 66)

 

Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, cherche tellement à cacher son sexe anatomique mâle qu’il se colle dans le bas-ventre plein de sparadrap qu’il enlève douloureusement à l’eau chaude après chaque entraînement de danse classique. Cela lui laisse des marques au point que les médecins lui disent : « Il faut arrêter le sparadrap. ».
 
 

d) L’homme-diamant :

Je vous renvoie à la pluie de diamants qu’on voit au tout début du documentaire « Mirror, Mirror » (1996) de Baillie Walsh, ainsi qu’aux couronnes de diadèmes portées par certains hommes transsexuels lors de leurs spectacles ou des Marches des Fiertés. Dans ses créations, le plasticien homosexuel Andy Warhol emploie souvent de la poussière de diamant.

 

Certains sujets homosexuels se définissent ou sont définis comme des diamants : « Raymond Radiguet avait le cœur dur. Son cœur de diamant ne réagissait pas au moindre contact. Il lui fallait du feu et d’autres diamants. » (cf. la préface de Jean Cocteau, dans le roman Le Bal du Comte d’Orgel (1924) de Raymond Radiguet, p. 7) ; « Ce dandy fin de siècle [Jean Lorrain] avait le goût des bijoux aux enroulements inquiétants et des pierres ‘vénéneuses’. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 188) ; etc.

 

Film "Robin des Bois" de Walt Disney, avec Petit Jean en travesti

Film « Robin des Bois » de Walt Disney, avec Petit Jean en travesti

 

Le diamant est la métaphore de l’amant homosexuel narcissique, travesti et indiscernable, même si on a l’impression de voir en lui comme dans un miroir. « Maintenant que j’écris je songe à mes amants. Je les voudrais enduits de ma vaseline, de cette douce matière, un peu menthée ; je voudrais que baignent leurs muscles dans cette délicate transparence sans quoi les plus chers attributs sont moins beaux. » (Jean Genet, Journal du Voleur (1949), p. 24) ; « Vous avez un diamant brut dans les mains et ça ne sert à rien de brusquer les choses, you know the drill. » (cf. l’article « Moi vs le Roi des rois » de Didier Lestrade, publié en mai 2012 et où il parle de son « ex ») ; « Il peut y avoir du diamant dans leurs cœurs même à l’occasion de leur vie affective. Cessons de n’y voir que de la boue. » (Henry Creyx, Propos décousus, propos à coudre et propos à découdre d’un chrétien homosexuel (2005), p. 37) ; etc.

 
 

e) Le caméléon (ou le lézard) symbolise un désir de toute-puissance dans la disparition :

INVISIBLE Chameleon coloré

 

John Francis Bloxam publie des articles dans le journal Le Caméléon (1893). Truman Capote, quant à lui, rédige son essai Musique pour Caméléons en 1979. Le Caméléon est le nom d’un sauna homo de Paris, et The Chameleon celui d’un bar gay en Bulgarie. Marc Landreville, le photographe homosexuel québécois, est surnommé « Monsieur Lézard » ou « Monsieur Caméléon ».

 

Déclaration homosexuel de Chameleon à Peter Parker dans la B.D "Spiderman" ("I love you Peter.")

Déclaration homosexuelle de Chameleon à Peter Parker dans la B.D « Spiderman » (« I love you Peter. »)

 

Dans le documentaire « Personae » (2010), Jakob Gautel fait une centaine d’autoportraits de lui dans différentes tenues, défilant à toute vitesse, pour se donner l’impression d’avoir une identité infinie, presque invisible. D’ailleurs, ce réalisateur, présent lors de la projection au seizième festival « Chéries-Chéris » du Forum des Images de Paris en 2010, s’est défini justement comme un « caméléon » face à nous, public.

 

En juillet 2015, deux chercheurs de l’université de Canberra (Australie) qui étudient de longue date les lézards dragons barbus ont démontré que certains d’entre eux devenaient des femelles après avoir été incubés sous des températures élevées. Génétiquement, les lézards seraient identifiés comme des mâles en raison de leurs chromosomes (comme les humains). Ces lézards qui auraient changé de sexe en cours de développement seraient capables de se reproduire avec ses mâles qui n’ont pas subi cette transformation et ils feraient même plus d’œufs que des lézards nés femelles.
 

Certains sujets homosexuels (souvent queer) se présentent eux-mêmes comme des êtres indéterminés, « en construction », en perpétuelle mutation, tellement multicolores qu’ils en perdent leur identité, leur unicité, et leur couleur propre : « Je suis né dans une famille black, blanc et rainbow. » (Patrick Blosch, entendu lors du débat « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s », le samedi 10 octobre 2009, à la Salle des Fêtes de la Mairie du XIème arrondissement de Paris)

 

Le « devenir caméléon », selon certains sujets homosexuels, donnerait accès au « devenir Dieu » : « Jimmy était un arc-en-ciel, on ne voyait jamais de lui une seule couleur. » (Dick Mangan dans la biographie James Dean (1995) de Ronald Martinetti, p. 43) ; « Il n’est jamais en un seul endroit à la fois. » (Colette Godard, « Copi le Voyageur », dans la version manuscrite de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Le paradoxe de ce pur devenir, c’est l’identité infinie ; identité infinie du futur et du passé, de la veille et du lendemain, du plus et du moins, du trop et du pas-assez, de l’actif et du passif, de la cause et de l’effet. C’est le langage qui fixe les limites, mais c’est aussi lui qui outrepasse les limites et les restitue à l’équivalence infinie d’un devenir illimité. » (Gilles Deleuze, Logique du sens (1969), pp. 10-11) ; « J’aurais pu naître à n’importe quelle époque, j’aurais été bien nulle part. » (Shirley Souagnon, humoriste lesbienne, dans l’émission Bref à Montreux (Suisse), sur la chaîne Comédie +, diffusée en décembre 2012) ; etc.

 

Dans la préface de son roman Si j’étais vous (1947), Julien Green nous parle d’une « mécanique dans les transformations successives » (p. 10) que chaque individu schizophrène est amené à expérimenter pour vivre l’amour et se connaître soi-même.

 

Sur le flyer du spectacle de Charlène Duval Charlène Duval… entre copines (2011), Charlène prétend être toutes les femmes : « Riches, pauvres, belles, moches, vierges ou non, farouches ou nymphomanes, toutes auront leur place parmi les chansons interprétées par la plus glamour des survivantes du Music-hall. Une façon de démontrer que toutes ces femmes peuvent être réunies en une seule : Elle ! » Le discours de la femme-objet par excellence (donc de la femme violée), c’est qu’elle est toutes les femmes en Une (cf. la chanson « Je suis toutes les femmes » (1980) de Dalida, la chanson « Evergirl » du groupe Play, la chanson « Être une femme » de Michel Sardou, « Toutes les femmes de ta vie » du groupe L5, etc.).

 

Mais, une fois mise à l’épreuve du Réel et de la condition humaine, la théorie du « devenir caméléon multi-identitaire », séduisante intellectuellement, s’écroule. Le mensonge, la superficialité, la soumission, l’exploitation amoureuse, se profilent vite : « Un caméléon vit une double vie et se juge inauthentique. » (Michel Dorais, Mort ou Fif (2001), p. 54) ; « Harold Lang était un véritable caméléon en amour, qui pouvait devenir en un clin d’œil ce que l’autre voulait qu’il fût. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 201) ; « Au cours de ma vie, on le sait, j’ai souvent menti, de manière à ressembler à Monsieur Tout-le-monde. » (Ednar dans l’autobiographie romanesque Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p.166)

 

Un homme désire être caméléon généralement après un effondrement d’identité, dû souvent à une humiliation ou un viol : « Je me souviens que mon père, une fois que je m’enfuyais d’une bataille de gars, m’avait dit : ‘Cours pas comme ça, t’as l’air d’une tapette!’ J’étais humilié. À partir de ce jour-là, j’ai décidé d’être caméléon. J’ai appris à jouer un jeu. » (Justin, 34 ans, abusé dès l’âge de 4 ans par son père, son oncle, et son frère aîné, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 246)

 
 

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Code n°88 – Homosexualité noire et glorieuse (sous-codes : Victimisation / Traître / Criminel homo / Tatouage)

homosexualité noire

Homosexualité noire et glorieuse

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Parlons ENFIN de la haine de soi homosexuelle ! Celle qui se décline en victimisation narcissique quand on se l’inflige à soi-même, et en diabolisation de « l’ennemi homophobe hétérosexuel extérieur » quand on l’applique à un autre que soi. Celle qui est certainement née de la haine sociale à l’encontre des personnes homosexuelles et du manque d’amour des couples femme-homme au sein des familles… MAIS que la grande majorité des personnes homosexuelles s’est empressée de cacher, de banaliser, ou, ce qui revient au même, d’exagérer et d’esthétiser.

 

On trouve parmi les artistes homosexuels de nombreux défenseurs de ce que Guy Hocquenghem a appelé « l’homosexualité noire », une homosexualité à la dérive, persécutée, individualiste, nocturne, anti-conformiste, bobo, incorrecte, puante et désinvolte, chroniquement homophobe (logique de la traîtrise et de l’auto-trahison oblige !). La récupération ponctuelle des appellations péjoratives telles que « pédé », « gouine », ou « queer », par la communauté homosexuelle, va actuellement dans ce sens.

 

Peter Orlovsky et Allen Ginsberg (années 1950)

Peter Orlovsky et Allen Ginsberg (années 1950)


 

Cette tendance à se prendre pour « son » insulte, à la retourner contre ses soi-disant « ennemis » et contre soi-même, est une tradition homosexuelle de longue date : cela débuta avec les « décadents » homosexuels de la fin du XIXe siècle, se poursuivit à travers les artistes drogués de la Beat Generation, puis les maîtres psychédéliques du mouvement Pop Art, pour finir aujourd’hui avec le courant néo-baroque, les idéologies queer, gender, et camp actuelles, la frivolité des (anti-)Gay Pride, etc.

 

Le suiveur androgyne qui se paye le luxe de l'anti-conformisme d'apparat

Le suiveur androgyne qui se paye le luxe de l’anti-conformisme ou de la violence d’apparat


 

Beaucoup de personnes homosexuelles éprouvent une sorte de « fierté paradoxale » (cf. l’article « Honte » de Sébastien Chauvin, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 226) à revendiquer violemment les injures dont la société les affublerait/a affublés. Le renversement du stigmate en orgueil n’est en réalité qu’une auto-stigmatisation, une soumission rebelle à une image négative d’elles-mêmes à laquelle elles ont donné crédit tout en la jugeant ridiculement fausse. Elles réagissent comme Benigno dans le film « Hable Con Ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar : « Je suis un psychopathe ?!? Et bien, j’agirai comme un psychopathe ! » Elles prennent leurs agresseurs « au pied de la lettre » (Michel Foucault, « Non au sexe roi », dans Dits et Écrits II (2001), p. 260) en se lançant l’impossible défi d’incarner à elles seules l’injure, mais cette fois puissance dix. « Si nous sommes ce que vous dites, soyons-le, et si vous voulez savoir ce que nous sommes, nous vous le dirons nous-mêmes mieux que vous ! » (idem) Mais dans le fait de penser qu’elles peuvent piéger leur ennemi à son propre filet, elles sous-entendent qu’elles croient plus en l’efficacité de son jeu qu’en la force du leur. Elles n’ont pas compris la règle d’or pour la réussite d’un combat pour le Bien : ne jamais utiliser des méthodes contraires au but bénéfique que l’on s’est fixé, ni les mauvaises armes de l’adversaire, même si l’épée de ce dernier tranche apparemment très bien à l’image et dans l’instant.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles se scandalisent trop systématiquement quand on les suspecte/suspecterait d’être monstrueuses pour ne pas valider les croyances mensongères qui pèsent/pèseraient sur elles. Par exemple, certaines finissent par revendiquer le port des emblèmes aliénants, tel que le triangle rose, qui fit jadis l’aliénation de nombreux individus homosexuels dont elles n’ont pourtant pas connu la tragique destinée. La décadence est souvent vue par elles comme une manière de revivre leurs fantasmes d’innocence en négatif. Elles ont la fâcheuse coutume d’associer dans leurs propres fictions les personnages homosexuels à des criminels voués à une mort atroce, à des malades mentaux, à des pestiférés, bref, à tous les clichés de « l’homosexualité noire », et ont du mal à s’avouer qu’elles se trouvent monstrueuses étant donné que leur complexe d’infériorité est enrubanné d’une carcasse de suffisance auto-parodique ou volontairement désespérée. Ce qui est difficile à comprendre, c’est qu’elles croient simultanément être des monstres et des victimes innocentes. Voilà le paradoxe de la victimisation : nous nous rabaissons pour nous élever ; et comme nous nous fions davantage à nos intentions qu’à nos actes, nous croyons nous élever, et nous sommes prêts à tout, même à l’humiliation volontaire, à la domination ou à la cruauté qui nous retirent notre identité de victime, pour être considérés comme des victimes.

 

Parce qu’elles s’imaginent que la souffrance fournit des passe-droits et qu’elle justifie tout, beaucoup de personnes homosexuelles se lancent dans une pathétique compétition au podium du malheur, aux côtés des autres Hommes qui souffriraient beaucoup moins qu’elles. Je souffre – ou je fais semblant d’être l’humain le plus souffrant de la Planète tandis que je nie ma souffrance réelle – donc j’existe. « Je suis content d’être le plus malade d’entre nous trois. Je crois que je ne supporterais pas d’être le moins malade. » (Hervé Guibert en parlant du Sida, dans son autobiographie Le Mausolée des amants (2001), p. 500) Par exemple, certaines femmes lesbiennes surveillent de près le moindre oubli d’attentions sexistes qui les confirment dans l’oppression machiste dont elles souffriraient. Il n’est pas question pour elles de gommer de l’ardoise une seule de leurs discriminations. Elles se croient rejetées à la fois en tant que femmes dans un monde soi-disant dirigé uniquement par les hommes, en tant qu’homosexuelles dans une société « hétérosexuelle », et en tant que lesbiennes dans le milieu majoritairement gays. Elles s’estiment pour cette raison au moins trois fois plus discriminées que les autres, si ce n’est plus quand elles s’identifient aux Noirs, aux enfants, aux ouvriers, aux prisonniers, aux morts, etc.

 

Dans cette frénésie contemporaine pour la victimisation, soyons sûrs au moins d’une chose. On n’arrive pas à un tel degré d’auto-détestation sans en être complice et sans y avoir été préalablement poussé par un entourage social violent. L’étiquette de victime homosexuelle n’est pas simplement défendue par des personnes homosexuelles. Maintenant, ces dernières ont de moins en moins besoin de tendre leur main (préalablement salie de suie) pour quémander des droits tant leurs « amis ‘hétérosexuels’ » sont disposés à miauler à leur place pour satisfaire leur propre narcissisme. C’est toujours l’argument de la solidarité envers les défavorisés, ou de la réparation pour tous les outrages historiques que la communauté homosexuelle a/aurait subis, qui revient. « Soyons généreux. Les homosexuels ont été persécutés pendant 2000 ans, ont eu le Sida. Ils ont lutté pour leurs droits. Donnons-leur leurs droits. » (Élisabeth Roudinesco dans l’émission Culture et Dépendances, sur la chaîne France 3, le 9 juin 2004). Allez, un petit effort… « pour dépanner »… L’enfermement de la personne homosexuelle dans la victimisation et l’homophobie, orchestré par une société gay friendly souriante et larmoyante, arrange tout le monde, y compris les couples hétérosexuels qui ne veulent surtout pas qu’à travers l’homosexualité soient dévoilés les viols qui se vivent en leur sein ou qu’ils infligent concrètement aux individus homosexuels sous prétexte de les défendre.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Bobo », « Amour ambigu de l’étranger », « Défense du tyran », « Se prendre pour Dieu », « Orphelins », « Appel déguisé », « Se prendre pour le diable », « Scatologie », « Artiste raté », « « Je suis différent » », « Différences physiques », « Différences culturelles », « Couple criminel », « Violeur homosexuel », « Voleurs », « Obèses anorexiques », « Fan de feuilletons », « Haine de la beauté », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Folie », « Méchant pauvre », « Focalisation sur le péché », « « Je suis un Blanc-Noir » », « Prostitution », « Drogues », « Déni », « Frankenstein », « Homosexuel homophobe », « Milieu psychiatrique », à la partie « Monstres » du code « Morts-vivants », et à la partie « l’homo combatif face à l’homo lâche » du code « Faux révolutionnaires », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

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FICTION

 

a) « Je suis un monstre » :

 
Cyrille – « Comment me trouvez-vous, Hubert ?

Hubert – Effrayant, maître.

Cyrille – Vous serez toujours mon meilleur public. »

(cf. le dialogue entre Cyrille, le héros homosexuel, et le jeune journaliste dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi)

 
 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, il est fréquent que le personnage homosexuel se qualifie de « monstre » à cause de son homosexualité et de l’effondrement identitaire qu’elle traduit (cf. le roman El Monstruo (1915) d’Antonio de Hoyos). « J’étais une épave. Je me sentais vraiment mal. » (Emory, l’un des héros homosexuels évoquant son adolescence, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Je suis moche, juif, pédé. Je fume de l’herbe pour avoir le courage de me regarder en face. » (Harold, idem) ; etc. Par exemple, dans la pièce Journal d’une autre (2008) de Lydia Tchoukovskaïa, Ana dit qu’elle était un « monstre » dans son adolescence. Dans le vidéo-clip de la chanson « College Boy » d’Indochine (réalisé par Xavier Dolan), le personnage principal, homosexuel, est lynché dans son lycée, dans sa famille, puis finit par se faire crucifier par ses camarades de classe.

 

Beaucoup de héros homosexuels se jugent maudits, damnés (cf. je vous renvoie aux codes « Focalisation sur le péché » et « Se prendre pour le diable » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Je suis damné, je voudrais ramper sous une pierre et dormir pour toujours. » (Bobby, le héros du téléfilm « Prayers for Bobby », « Bobby, seul contre tous » (2009) de Russell Mulcahy) ; etc. « Jamais bénies, toujours damnées. […] Tous les homos, les maudits, sont pourchassés. » (Luca par rapport aux folles dont il se revendique, dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; « Ah, race de femmes maudites, vous êtes toutes des putes ignorant tout de la bite ! » (Ahmed parlant des femmes lesbiennes Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « J’espère que je ne vous fais pas peur. Si, je vous fais peur. Alors c’est parce que je n’ai pas d’autre moyen d’attirer votre attention. » (Vicky Fantômas dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Ne croyez pas que vous êtes plus monstrueuse que nous, dans le monde du spectacle : nous le sommes tous. » (l’Auteur, idem) ; « J’étais condamné à souffrir. » (Stéphane, le héros homo, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; etc.

 

Ils rentrent dans la peau de la Drama Queen, de la tragédienne rationnée injustement d’amour : « Je m’accroche à la certitude que l’amour ne dure pas. » (Sylvie dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Comme je vis sous les projecteurs, j’n’ai plus droit au bonheur, c’est ça ??? » (cf. la chanson « Gucci » de Fanny J) ; « Dalida, l’orchidée noire, la maudite, la veuve noire, le monstre à deux têtes, Luigi, Lucien, Richard, pris dans un lien inextricable. » (l’actrice jouant Dalida dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; etc.

 

L’identité du monstre, c’est parfois une insulte que le protagoniste homo a entendue de la part de ceux qui lui voulaient du mal (« Monstre… tu as toujours été un monstre… » déclare Élisabeth à son frère Nietzsche, dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman)… mais qu’il a surtout reprise à son compte – dans le rejet trop superstitieux de celle-ci – et nourrit en lui-même, comme une marotte : « Tu m’appelles monstre de foire mais je suis un jeune artiste. » (Ahmed s’adressant à Lou, la lesbienne, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je n’ai pas l’impression d’être un monstre et pourtant tout ce que je fais paraît monstrueux. » (Kévin, le héros homosexuel du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 132) ; « Qu’est-ce qu’il y a ? J’suis fou. J’suis un malade. » (Steeve dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays) ; « Je ne suis pas un gentil mais un malade. » (Peter, l’amant d’Howard, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Je ne suis qu’un déchet, qu’une ordure. » (Howard après son coming out, idem) ; « Pendant des années, j’ai cru que j’étais un monstre. Je me suis détesté. » (Jean dans le film « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure) ; « Querelle ne s’habituait pas à l’idée, jamais formulée, d’être un monstre. » (Jean Genet, Querelle de Brest, 1947) ; « Tu sais ce qu’on est ? Des monstres de foire ! » (l’amant de Gary dans le film « À la recherche de M. Goodbar » (1977) de Richard Brooks) ; « Nous sommes réellement monstrueux. » (les frères jumeaux de la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Nous sommes des monstres. » (Cyril dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 78) ; « Je mesure combien je fais peur, combien j’inquiète. Il doit leur sembler, à ceux qui sont mes voisins, que je suis sous l’emprise d’une bestiole fabuleuse, qui grandirait à l’intérieur de mon corps, et qui ne demanderait qu’à être expulsée. […] Je ne suis même pas fichu de leur expliquer que rien ne surgira, puisque, au contraire, ça se vide au-dedans, ça pourrit, ça se dissout. » (Leo, un des héros homos du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 66) ; « Devant la porte des chiottes, j’écarte une bande de jeunes androgynes pour passer, l’un d’eux dit ‘Mais c’est pas possible, ils ont ouvert les portes du zoo de Vincennes pour laisser s’échapper ces monstres ?’ Ses copines rient. » (Mike, le héros homosexuel du roman Des chiens (2012) de Mike Nietomertz, p. 102) ; « Quand on pense à tous les monstres avec lesquels on couche… » (Omar dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « Mon cœur est bon. Mais je suis un monstre. » (la Bête dans le film « La Belle et la Bête » (1945) de Jean Cocteau) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Élisabeth récite devant son miroir un discours pseudo-diabolique avec un visage de possédée : « Il faut rendre la vie invivable. Il faut être laide à faire peur… » Dans le film « Bug Chaser » (2012) de Ian Wolfley, Nathan, le héros homosexuel, lit sur internet des choses terribles sur l’horrible furoncle qu’il lui ravage l’anus, et se prend pour un affreux malade puni par son homosexualité.

 

« On s’ra plus monstres que les monstres, mais bien plus humains que des ours ! Regardez notre déguisement : la Raulito et Cachafaz, c’est le comble du repoussant ! » (le couple homosexuel Raulito/Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Chaque jour vers l’enfer nous descendons d’un pas, sans horreur, à travers des ténèbres qui puent. Ainsi qu’un débauché pauvre qui baise et mange le sein martyrisé d’une antique catin, nous volons au passage un plaisir clandestin. » (c.f. la chanson « Au lecteur » de Mylène Farmer, reprenant Charles Baudelaire)

 
 

b) « Je suis une (plus grande) victime (que les autres) » :

La chaîne du malheur recherché ne s’arrête pas là. Dans les fictions homosexuelles, nombreux sont les héros homosexuels qui se persuadent qu’ils trouveront dans la victimisation et la méchanceté leur identité profonde et leur raison de vivre : cf. le film « La Victime » (1961) de Basil Dearden, le film « Fashion Victime » (2002) d’Andy Tennant, les romans La Romanichelle (1906) et La Vagabonde (1910) de Colette, le roman Mort à Venise (1912) de Thomas Mann, le roman La Confusion des sentiments (1926) de Stefan Zweig, le roman Lunettes d’or (1958) de Giorgio Bassani, la pièce Un Taciturne (1932) de Roger Martin du Gard, le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, le roman Cast The First Stone (1952) de Chester Himes, la pochette de l’album Age Of Consent du groupe Bronski Beat (avec un énorme triangle rose), la chanson « Glad To Be Unhappy » d’Étienne Daho, le film « Le Marginal » (1983) de Jacques Deray, le film « Fisher King » (1991) de Terry Gilliam (avec l’ex-travesti SDF), le film « La Pire de toutes » (1990) de Maria Luisa Bemerg, la sculpture Le Lépreux (1993) de Derf, le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec le triangle rose sur l’affiche), etc.

 

Par exemple, dans le film « Partisane » (2012) de Jule Japher Chiari, Mnesya, l’héroïne lesbienne, associe la dictature des castes indiennes qui a tué sa compagne et brulé ses livres à une injuste homophobie. Dans la pièce Le Projet Laramie (2001) de Moisés Kaufman, l’agression homophobe sur Matthew Shepard est mise sur le même plan de l’agression islamophobe. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, les problèmes du couple homo Ben/George sont déplacés sur ceux des souffrances de la colocation, de l’accompagnement en fin de vie, de la vieillesse, du deuil. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Joël, homo, sert le couplet sur les camps nazis à ses co-équipiers du water-polo gay : « Alors on va à Dachau pour se rafraîchir la mémoire ou on va aux Gays Games ? ».

 

Non seulement le personnage homosexuel se dit persécuté, mais en plus, il soutient qu’il est plus persécuté que les autres victimes sociales : « Ça fait 3000 ans qu’on nous poursuit. » (tous les comédiens de la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim, pour la chanson finale) ; « Même si l’homosexualité est plus acceptée de nos jours, les homos seront toujours montrés du doigt. » (la mère de Bryan, le héros homo, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 53) ; « En tant qu’Arabe, en tant que musulman laïc, en tant qu’homosexuel, il avait cumulé les handicaps, ne trouvant pas chez ses parents le soutien que la frileuse société française lui refusait. » (Mourad, le héros homosexuel du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 327) ; « Je pense que je suis Noir, en plus de Juif. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Stephen n’avait pas encore appris que la place la plus solitaire en ce monde est réservée aux sans-patrie du sexe. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 105) ; « Et moi bientôt je serais plus bas que terre, plus bas que n’importe quel nègre. » (Garnet Montrose dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 111) ; « Et si nous étions des chiens, une famille de chiens ? […] Non, nous ne sommes même pas des chiens. » (Paul dans le film « Grande École » (2003) de Robert Salis) ; « Je suis Noire, je suis femme, je suis commissaire et je suis lesbienne. Je suis dans la ligne de mire. » (Whoopi Goldberg dans le film « Aussi profond que l’océan » (1998) d’Ulu Grosbard) ; « Je suis moche, juif, pédé. Je fume de l’herbe pour avoir le courage de me regarder en face. » (Harold, l’un des héros homosexuels du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « C’est dur d’être noir, encore plus d’être juif… » (Michael, idem) ; « Il ne me manque plus que le fauteuil roulant et je suis au top ! » (Shirley Souagnon riant de son identité d’OVNI télévisuel en tant que femme, homosexuelle et noire, dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Mon adolescence : un Grand Moment de Solitude. J’étais la Renoi du lycée. Je me suis sentie proche des sales, des Roms, des pédés, des exclus, des sales Arabes, des sales putes… » (Océane Rose-Marie, l’héroïne lesbienne blanche, dans son one-woman-show Chatons violents, 2015) ; « Le paysan du Cantal rencontre même des extra-terrestres : ‘Oh ! un Noir ?!’ ; ‘Oh ! un Arabe ?!’ ; ‘Aaaah !!!, un pédé ?!?’ J’avais l’impression, moi aussi, d’être un extra-terrestre. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « La France, c’est pas le pays des pédés, des Arabes, des communistes ! » (Marco et sa bande néo-nazie, passant à tabac un homosexuel, dans le film « Le Français » (2015) de Diastème) ; « Et le désespoir, c’est d’être gays en Russie. » (Anton, le héros homo dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb) ; « Est-ce que vous imaginez à quel danger vous vous exposez quand on est homo en Jamaïque ?? » (Bethany, la lesbienne, parlant de son cousin gay Léo, dans la série Manifest (2018) de Jeff Rake, l’épisode 4 saison 1) ; etc.

 

Le héros homosexuel se lance très souvent dans une véritable course pour atteindre la première place du Podium du Malheur. Par exemple, le film « Double The Trouble, Twice The Fun » (1992) de Pratibha Parmar raconte l’histoire d’un écrivain, à la fois gay, d’origine indienne, et handicapé. Dans la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, le narrateur homosexuel se plaint de la « plus grande solitude » des personnes homos, comparée à celle des « nègres, juifs ou infirmes, tous les damnés possédant un havre, une famille où on les aime, où on les élève au moins dans la fierté » (p. 24). Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, quand la vieille Olga demande si, par internet, les « Nazis sont de retour », Anton, homosexuel, la « rassure » en affirmant que les méchants internautes homophobes nazis « ne s’attaquent qu’aux gays et aux étrangers ».

 

Clou du spectacle. Il arrive que le personnage homosexuel s’identifie aux victimes de camps de concentration nazis : « Toute cette mise en scène hospitalière a quelque chose de carcéral, de concentrationnaire, et lorsque j’ai le malheur de m’entrevoir dans une glace, je frémis d’horreur en reconnaissant mes frères et sœurs juifs partis en fumée. Six millions de fantômes veillent à mon chevet, attendant que je les rejoigne. » (Émilie à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, pp. 183-184) Mais il va plus loin : non seulement il se prend pour une victime de la barbarie nazie, mais en plus, il se considère comme celle qui aurait subi le pire sort parmi les prisonniers : « Je ne suis pas juif. Je suis un sur-Juif. » (Nietzsche dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Être triangle rose, c’est être en bas de l’échelle. » (Hanz dans la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes) L’usage du « nous », si propice aux identifications anachroniques, est très présent dans le discours de certains héros homosexuels : « Combien d’entre nous ont été tués sous le IIIe Reich ? » (Ana dans la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes)

 

Par exemple, dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès, Luca, le héros homosexuel, s’auto-scarifie dès la bande-annonce : « Luca est condamné à mort à cause de son homosexualité. » Pendant tout le concert, il joue à être persécuté par des sirènes de police, à porter le triangle rose, à devoir se barricader et se cacher pour échapper aux persécutions. Et il se complaît dans son imaginaire victimisant et déconnecté de la réalité sociale française : « Nous, les folles, nous les sous-hommes, l’erreur de l’évolution, les monstres du Créateur, il vous plaît de nous rabaisser. […] Le Sida est la punition divine sur les homos et les drogués. […] Le Nouvel Ordre a triomphé. Tous les homos, les maudits, sont pourchassés. […] Je pars en exil. »

 

Il y a dans la victimisation une recherche voilée de glorification, puisque le vrai pauvre est confondu avec le pauvre magnifié des comédies sentimentales, ou bien avec l’iconographie janséniste d’un Messie en croix sur lequel on crache et qui gagnerait dans sa soumission le Salut et la Gloire (attitude complaisante que le Christ lui-même n’a jamais adoptée, d’ailleurs). Par exemple, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan, Romain, le coiffeur homo, s’identifie à Princesse Sarah, lorsqu’il organise chez lui des soirées « Dessins animés de votre enfance ». Dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), le travesti Charlène Duval avoue aimer se mettre dans la peau de toutes les jeunes filles « pauvres, laides, sans avenir […] maltraitées par un macro, qui meurent à la fin dans une super-production ».

 
 

c) Homosexualité noire :

Finalement, nombreux sont les personnages de fictions homosexuelles à incarner le cliché « militant et corrosif » de ladite « homosexualité noire », cette sexualité hors-norme vécue dans un anticonformisme, une clandestinité, et une marginalité volontaires : cf. le film « Underground » (2007) de Tor Iben, etc.

 

« C’est comme un cache-sexe, ce mot ‘gay’. ‘Gay’, ça fait propre sur soi. Moi, je préfère les mots sales. » (l’un des héros de la comédie musicale Chantons dans le placard (2011) de Michel Heim) ; « En fait, c’est le voyou dont s’est entichée Romane. » (Joséphine présentant à Alain Richepin Yindee, la copine de sa fille lesbienne Romane, qui est en train d’embrasser Romane sur la bouche, dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; « Je suis tellement nostalgique de cette époque ! » (Frédéric, le domestique efféminé, par rapport à l’esclavagisme, dans la pièce 13 à table de Marc-Gilbert Sauvajon) ; etc. Par exemple, dans le film « Help » (2009) de Marc Abi Rached, il y a une extrême ressemblance entre le monde de la délinquance juvénile, de la prostitution, et celui de l’homosexualité. Dans le film « Corps inflammables » (1995) de Jacques Maillot, Luc, à mobylette, se répète tout en roulant : « Je suis un parasite, une répugnante perversion de la nature, il y a quelque chose au fond de moi de malade. » Dans le film « J’embrasse pas » (1991) d’André Téchiné, Pierre devant la glace des sanitaires se dit à lui-même : « Jamais tu feras partie de la société, t’as pas de couilles, t’es qu’un déchet. » Dans la pièce Les Bonnes (1947) de Jean Genet, les bonnes de Jean Genet disent être de la « crasse ». Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, est le marginal, le malfrat homo qui est hyper violent et enchaîne les petits délits. Dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, Antonietta est mise en garde par sa concierge d’immeuble contre Gabriele, son voisin de pallier homosexuel (et communiste) qu’elle accueille chez elle : « C’est un mauvais sujet. » Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, on assiste à l’errance nocturne et noire de Davide, le jeune héros homosexuel, dans le monde de la prostitution homosexuelle de Catano. Lui et ses compagnons prostitués vivent comme des clochards dans la ville. Dans son one-man-show Blanc et hétéro (2019), l’humoriste Arnaud Demanche homosexualise parodiquement le duo ennemi de rappeurs Booba et Kaaris : « Y’a que eux qui ne sont pas au courant. »

 

On ne doute pas une seule seconde, en écoutant le héros homosexuel, qu’il trouve dans l’inversion de ce qu’il croit être le « politiquement correct », une fierté et un orgueil semblables à l’orgueil qu’il reproche justement aux détenteurs sociaux des codes du « politiquement correct » : « Tu t’en empares… et tu la revendiques. » (Mark, le chef de l’association LGBT londonienne, parlant de l’insulte homophobe, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « Tout le monde sait que je ne suis pas normal ! » (« L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Il y a des moments, je voudrais être laid, ne plus séduire, ne plus être désiré. » (Malcolm, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 121) ; « Stephen devait avoir conscience d’être un paria mal conditionné. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 248) ; « Je suis malade et je suis un gros pédé. » (Léo à Marcel dans le film « Tout contre Léo » (2002) de Christophe Honoré) ; « Maman m’a jeté dans une poubelle avant de passer à l’Ouest. » (Hedwig dans le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell) ; « C’est mieux que rien. Rien, c’est moi. » (Leo, l’un des héros homos du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 106) ; « Je suis une merde. Une pauvre misérable merde. » (Louis dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone) ; « Pour moi l’homosexualité, ça a toujours été ça : sordidité. » (Roberto Orbea dans le film « El Diputado » (1979) d’Eloy de la Iglesia) ; « Juan-Carlos savait-il la gravité de son mal ? » (Manuel Puig, Boquitas Pintadas, Le Plus beau tango du monde (1972), p. 120) ; « Nous sommes les renégats magnifiques. » (Lettie, la femme-à-barbe, dans le film « The Greatest Showman » (2017) de Michael Gracey) ; etc. Par exemple, dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand dit qu’en réalité, son vrai nom de famille, c’est « Boulet ».

 

« La peinture qu’elle avait achetée se trouvait encore devant sa porte, mais Jane avait rechigné à se mettre au travail. Les mots seraient encore là même si elle appliquait une nouvelle couche de laque ; elle voulait que leur laideur reste gravée au fer rouge dans les souvenirs des Mann comme ils l’étaient dans les siens. La colère qu’elle avait pu ressentir vis-à-vis de la fille en rapport avec le graffiti avait disparu. Si c’était Anna qui avait dégradé sa porte, elle l’avait fait par désespoir et par peur de ce que les soupçons de Jane pourraient entrainer pour son père. Si c’était Mann, alors lui aussi était désespéré et effrayé. Cette idée la travaillait. » (Jane, l’héroïne lesbienne qui ne se décide pas à effacer le graffiti homophobe « Lesben Raus ! » qui figure à la peinture rouge sur le mur d’entrée de l’appartement qu’elle partage avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 155)
 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

La rébellion face aux clichés négatifs de l’homosexualité n’est au final qu’une soumission docile et peu révolutionnaire… puisque le héros homosexuel, en cherchant à correspondre (puissance 10) à la mauvaise réputation qu’ont/qu’auraient les homos en général, obéit aux mauvaises langues (et à ses propres projections fantasmatiques) au pied de la lettre ! : « On ne me voulait pas ? Je ne me voulais plus ! » (Yves Navarre, Portrait de Julien devant la fenêtre (1979), p. 138) ; « Ça y est, j’ai gagné. À force de se sentir malade, on le devient. » (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 127) ; « Écoute comment ça a commencé ; ils étaient tous les deux à Pau, dans une maison de santé, un sanatorium, où on les avait envoyé l’un et l’autre parce qu’on prétendait qu’ils étaient tuberculeux. Au fond, ils ne l’étaient ni l’un ni l’autre. Mais ils se croyaient très malades tous les deux. Ils ne se connaissaient pas encore. Ils se sont vus pour la première fois, étendus l’un à côté de l’autre sur une terrasse de jardin, chacun sur une chaise longue. […] Comme ils se croyaient condamnés, ils se sont persuadés que tout ce qu’ils feraient ne tirerait plus à conséquence. » (André Gide, Les Faux-monnayeurs (1997), p. 61) ; « Oui, je le sais. Je suis malade. » (Adam s’adressant sur Skype à sa sœur, dans le film « W imie… », « Aime… et fais ce que tu veux » (2014) de Malgorzata Szumowska) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, Catherine se fait un plaisir de valider la présomption de folie qui plane sur elle : « Je vous fais peur… et vous avez raison d’avoir peur. » Dans sa chanson « L’Enfant de la pollution » de la comédie musicale Starmania de Michel Berger, Ziggy se définit comme un déchet humain (et fier de l’être !).

 

Il y a beaucoup de héros homosexuels qui se forcent à se réjouir et à mettre de la liberté dans la déchéance qu’ils vivent : « L’amour est un fardeau. Je le porte en clodo. Joyeux clodo. » (Jann Halexander dans son film « J’aimerais j’aimerais », 2007) ; « Je ris de me voir si con dans ce miroir. » (idem) ; « Elle a une bonne odeur, cette glaise. […] Il y a du plaisir à devenir de la bouillie. » (Luca dans le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 13) ; « Plutôt ferions-nous mieux de nous chercher les poux plutôt que de nous mordre. » (l’un des personnages homos de la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès) ; « S’il est dur de haïr seul, à plusieurs cela devient un plaisir. » (idem) ; « Soyons de simples et solitaires orgueilleux zéros. » (l’un des personnages homos de la pièce Dans la solitude des champs de coton (2009) de Bernard-Marie Koltès) ; « Le monde les condamnerait, mais elles se réjouiraient : glorieuses bannies sans honte, triomphantes ! » (Stephen et Mary, le couple lesbien du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 393) ; « Pourtant à cette honte, se mêlait un sentiment de libération. » (Adrien, le héros homo du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 27)

 
 

d) « Je suis un traître » :

Pourquoi une telle réaction hypocrite et complaisante face au malheur ? Parce que le héros homosexuel est fasciné par le petit pouvoir de la trahison. D’ailleurs, celle-ci est souvent traitée dans les œuvres homosexuelles : cf. les romans Los Traidores (1956) de Juan Rodolfo Wilcock, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec Leni Riefenstahl, la femme traîtresse), le roman Le Baiser de la Femme-Araignée (1976) de Manuel Puig (avec Molina, le héros homosexuel qui va trahir et espionner son compagnon de cellule, Valentín, qu’il essaie pourtant de draguer), le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami (avec Pascal, considéré comme un traître par celui qui attend trop de lui), le film « Somefarwhere » (2011) d’Everett Lewis (avec le guide de Price, nommé Marwan), le film « Le Rideau déchiré » (1966) d’Alfred Hitchcock (avec le personnage de Michael), le roman Reivindicación Del Conde Don Julián (1970) de Juan Goytisolo, le roman El Juego Del Mentiroso (1993) de Lluís Maria Todó, le film « L’Assassinat de Trotsky » (1970) de Joseph Losey, le film « Le Traqué » (1950) de Frank Tuttle et Boris Lewin, le film « La Trahison » (1975) de Cyril Frankel, le film « Novembermund » (1984) d’Alexandra von Grote, le film « Aishite Imasu 1941 » (2004) de Joel Lamangan, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox (avec les deux amants vivant dans deux camps dits opposés, l’un israélien, l’autre palestinien, et se trahissant entre eux), le téléfilm « Marie Besnard, l’Empoisonneuse » (2006) de Christian Faure (avec la problématique de la trahison amicale), la pièce Angels In America (2008) de Tony Kushner (avec le couple Louis/Prior), le film « Infernal Affairs » (2003) d’Andrew Lau et Alan Mak, la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy (avec Sébastien, le personnage homosexuel qui trahit tout son entourage amical et amoureux), le film « Somewhere » (2011) d’Everett Lewis (avec Marwan, le guide de Price), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec la figure de l’auteur-traître, puis la trahison des soldats), la pièce Dans la solitude des champs de coton (1987) de Bernard-Marie Koltès, la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti (avec le personnage de Maurice), le film « OSS 117 : Rio ne répond plus » (2009) de Michel Hazanavicius (avec Heinrich, le traître homosexuel), la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau (avec Lucie, l’amante-traîtresse), le film « Le Trou » (1960) de Jacques Becker (avec l’homosexuel traître), le film « Brotherhood » (2010) de Nicolo Donato (avec Fatso trahissant son amant Lars en n’assumant pas leur couple devant ses camarades du groupuscule néo-nazi dont ils font partie), le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, etc.

 

Dans la pièce Les Paravents (1961) de Jean Genet, un Algérien trahit son camp. Dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, Fred, le personnage homo, trahit Alice, sa meilleure amie, en lui « piquant » son copain. Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel joue aux Cours Florent le rôle de Lorenzaccio tuant son amant Alexandre. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, les deux amants Tomas (Allemand) et Oren (Israëlien, marié à une femme et avec un enfant) incarnent tour à tour la figure du traître.

 

Dans les œuvres de Manuel Puig, Pier Paolo Pasolini ou Jean Genet, l’amour est presque toujours trahi.

 

La trahison est un leitmotiv homosexuel. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le personnage biblique de Judas surgit parfois les œuvres homo-érotiques : cf. la pièce Le Cri de l’Ôtruche (2007) de Claude Gisbert, la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, la chanson la chanson « Hellbent For Lather » du groupe Juda’s Priest, etc. (cf. la partie « baiser qui fait pleurer » du code « Première fois » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

La trahison constitue visiblement un fantasme esthétique et amoureux fort chez les héros homosexuels : « Toi, t’as jamais trahi, peut-être ? » (un des personnages homosexuels de la pièce Chroniques des temps de Sida (2009) de Bruno Dairou) ; « Je n’ai jamais été capable d’aimer entièrement. J’ai le sentiment de n’aimer qu’en trahissant. » (Malcolm dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 110) ; « Encore une fois, cette impression de trahir quelqu’un que j’aimais. » (Bryan, le personnage homo-bisexuel du roman Si tu avais été…(2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 342) ; « Tu sais, ma première amie, je l’ai trahie. » (Cherry à son amante Ada dans la pièce La Star des oublis (2009) de Ivane Daoudi) ; « Plutôt que de penser au traître des films hindis, je fis exactement tout ce que j’imaginais qu’il ferait. Elle [Rani, son amante] ne m’arrêta pas. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 228) ; « Son expression est celle d’un traître ! » (le Rat par rapport au Jésuite, dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, p. 62) ; « Ce qu’il y a de beau dans la trahison, c’est qu’elle s’applique à tout. Elle est universelle. » (Jean-Claude Dreyfus endossant le rôle du diable homosexuel, dans la pièce Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens (2007) de Gérald Garutti) ; « Il m’a trahi. Je le quitte. Il est temps pour moi de partir. » (Vivi par rapport à son amant Norbert, dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez) ; « Soyez chaque jour le traître de toutes choses. » (Nietzsche dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Je suis un misérable. […] Je suis un traître. Décidément, je suis un traître. Heureux. » (la voix narrative de la nouvelle « Adiós A Mamá » (1981) de Reinaldo Arenas, p. 171) ; « Ne vous moquez pas de moi. Je suis déjà un traître à vos yeux et vous le savez. Espèce d’idiot ! Dans l’ordre plus grand des choses, c’est VOUS le vrai traître, si seulement vous le réalisiez. » (le Comte Smokrev, homosexuel, titillant l’homosexualité continente de Pawel Tarnowski, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 481) ; etc.

 

Même si au départ les personnages homosexuels prétendent détester la trahison parce qu’elle les a fait souffrir en amour ou en amitié, ils finissent par la soutenir dans la haine jalouse : « J’ai cru la fable d’un mortel aimé, tu m’as trompé. » (cf. la chanson « Je te rends ton amour » de Mylène Farmer) ; « La trahison… c’est laid. » (cf. la chanson « C’est dans l’air » de Mylène Farmer). Dans la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner, Roy Cohn affirme haut et fort qu’il déteste par-dessus tout la trahison. Le sentiment de traîtrise précède en général une adoration amoureuse excessive. Par exemple, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, c’est bien parce qu’Omar considère Khalid comme son unique roi qu’il a l’impression que ce dernier le trahit quand il est promis à un autre maître, le Roi Hassan II : « Khalid, ami, frère, double de moi, traître, traître qui faisait le fier seul » (p. 91)

 

La trahison dans les fictions homosexuelles prend souvent une apparence de charité. Par exemple, dans les romans de Thibaut de Saint Pol, il y a toujours la figure du Grand Méchant gniarc gniarc (les camarades ou les profs de prépa dans N’oubliez pas de vivre (2004), Cyril dans Pavillon noir (2007), Heinrich dans À mon cœur défendant (2010), etc.). Mais attention. En intentions, l’ignoble personnage n’est pas une brute ou une crapule grossière (il ne l’est que dans les faits, car un vrai méchant de dessins animés est toujours doucereux et inventif). Sa méchanceté doit faire envie, est tenue d’être raffinée et esthétique : « La guerre me rend lyrique. […] Je veux le [le Traité de Versailles] prendre avec des gants blancs. […] Je suis sûr que n’importe quel autre espion lui aurait arraché son triste bien par la force, mais je ne suis ni un simple sbire ni un voleur à la tire : Ich bin zivilisiert. » (Heinrich dans le roman À mon cœur défendant, pp. 46-47) La trahison du Méchant n’est pas dénoncée, car elle est envisagée comme un art, une manipulation jouissive, une beauté qui a sa raison d’être. Elle est même un miroir de la trahison de sa victime, qualifiée de « traîtresse » (p. 46) aussi. Le Méchant est victime de sa victime ! Et c’est ce qui le rend touchant, émouvant. La trahison prend alors une apparence démocratique, d’amour, de partage égalitaire du malheur : à torts partagés, amour il y aurait ! Bourreau et victime sont semblables, se mélangent, s’échangent les masques, couchent ensemble. « Je suis la maîtresse d’un espion, d’un traître, d’un ennemi ! […] Comment le sort a-t-il pu mettre un Boche sur ma route ? Comme je regrette ces nuits d’ivresse ! » (Madeleine, idem, p. 78) On ne sait plus lequel des deux est le plus traîtres. « Pour la première fois de ma vie, je me suis mise hors la loi. […] Avec ce mensonge, je viens de trahir mon employeur et par là même mon pays. » (Madeleine, idem, pp. 118-119)

 

Le personnage homosexuel ne se voit pas forcément comme un méchant traître, car il ne comprend pas que la traîtrise, cela ne se limite pas à mal agir : c’est aussi le refus d’agir, de se positionner, c’est la sacralisation de la neutralité relativiste, c’est pécher par omission : « Non, je ne suis pas un traître. Oui, je suis un jeune homme de seize ans, sans complexes, qui ne découpe pas le monde entre ce qui est bien et ce qui est mal. » (Vincent dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 50) Il ne comprend pas non plus que la traîtrise n’est pas qu’un rôle, un masque parmi d’autres dans l’éventail d’opinions fausses qu’on peut se faire de loin sur quelqu’un : « Souvent, tu t’es efforcé d’imaginer l’impression que tes ‘clients’ se faisaient secrètement de toi : un communiste, un Juif, un courageux, un passeur, un étudiant en chimie, un homosexuel, un soumis, un meneur, un traître, un indépendant, un garçon serviable, un jeune homme contraint, un allié, un complice, un auxiliaire ? Tu conclus : un peu tout ça. » (Félix, le héros homo du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 72) Elle peut aussi être un acte réel.

 
 

e) « Je suis fier d’être un psychopathe » :

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Violeur homosexuel » et « Couple criminel » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Film "The Rocky Horror Picture Show" de Jim Sharman

Film « The Rocky Horror Picture Show » de Jim Sharman


 

Dans le monde des arts contemporains, la figure du psychopathe est souvent un archétype de l’homosexualité : cf. le film « Curse Of The Queerwolf » (1988) de Mark Pirro, le film « Terror Train » (1980) de Roger Spottiswoode, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec le personnage de Bruno), la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le film « Violent Cop » (1989) de Takeshi Kitano, le film « Fucked In The Face » (2000) de Shawn Durr, le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman (avec la lesbienne criminelle), le film « G.O.R.A. » (2003) d’Omer Faruk Sorak, le film « Der Totmacher » (1995) de Romuald Karmakar, le film « Notre Paradis » (2011) de Gaël Morel, le film « The Love That Is Wrong » (1993) d’Ho Shu Pau, le film « An Indecent Obsession » (1985) de Lex Marino, le film « Kiss Or Kill » (1997) de Bill Bennett, le film « Naked Killer » (1994) de Clarence Fok, le film « Passion Unbounded » (1995) de Joe Hau, le film « Lady In Heat » (1999) de Chu Yin Ping, le film « Bons Baisers de Russie » (1963) de Terence Young (avec la méchante lesbienne attaquant James Bond), le film « Gonin » (1995) de Takashi Ishii, le film « Beverly Kills » (2005) de Damion Dietz (avec le transsexuel tueur), le film « Meurtre » (1930) d’Alfred Hitchcock, le dessin animé « Le Roi Lion » (1995) de Roger Allers et Rob Minkoff (avec Skar, le diabolique frère efféminé du roi Mustafa), le film « Modesty Blaise » (1965) de Joseph Losey, le film « Inspecteur Gadget » (1999) de David Kellogg, le film « Hitcher » (1985) de Robert Harmon, le film « Jugatsu » (1990) de Takeshi Kitano, le film « Les Enfants du Paradis » (1943-1945) de Marcel Carné (avec le personnage maléfique de Lacenaire), le film « Le Faucon maltais » (1941) de John Huston, le film « Fatal Beauty » (1987) de Tom Holland, le film « Confessions of A Serial Killer » (1992) de Mark Blair, le film « Jeffrey Dahmer : The Secret Life » (1993) de David R. Bowen, le film « Dahmer : The Mind Is A Place Of Its Own » (2002) de David Jacobson, le roman La Gloire du Paria (1987) de Dominique Fernandez, le film « Les Veufs » (1991) de Max Ficher, le film « Les Diamants sont éternels » (1971) de Guy Hamilton, le film « Ricochet » (1991) de Russell Mulcahy, le film « La Tendresse des loups » (1973) d’Ulli Lommel, le film « Z » (1968) de Costa-Gavras (avec le tueur fasciste, incarné par Marcel Bozzuffi), le film « L’Étrangleur » (1970) de Paul Vecchiali (avec Marcel Gassouk), le film « Le Bal des Vampires » (1968) de Roman Polanski, le film « Lui Foon » (1999) de Jue Yin Ping, le film « Tony Rome est dangereux » (1967) de Gordon Douglas, le film « Dune » (1984) de David Lynch (avec le monstrueux baron), le film « JF partagerait appartement » (1992) de Barbet Schroeder (avec la lesbienne psychopathe), le roman Le Malfaiteur (1955) de Julien Green, le film « De l’amour et des restes humains » (1994) de Denys Arcand, le film « La Sanction » (1975) de Clint Eastwood, le film « The Todd Killings » (1970) de Barry Shear, le film « Le Flic ricanant » (1973) de Stuart Rosenberg, le film « Salaud » (1971) de Michael Tuchner, le film « Chacal » (1972) de Fred Zinnemann, le film « Lacenaire » (1990) de Francis Girod, le film « Rivelazione Di Un Maniaco Sessuale Al Capo Della Squadra Mobile » (1972) de Roberto Bianchi, le film « El Asesino De Muñecas » (1975) de Michael Skaife, le film « Giornata Nera Per L’Ariete » (1971) de Luigi Bazzoni, le film « Chi L’Ha Vista Morire ? » (1971) d’Aldo Lado, le film « Le Bouc » (1969) de Rainer Werner Fassbinder, le roman Thomas l’Imposteur (1923) de Jean Cocteau, le roman Frisk (1991) de Dennis Cooper (avec le serial killer homo), le film « The Fan » (1981) d’Edward Bianchi, le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, le film « Rebecca » (1940) d’Alfred Hitchcock (avec Mrs Danvers), le film « Symptômes » (1974) de Joseph Larraz, le film « La Corde » (1948) d’Alfred Hitchcock (avec les deux amants homosexuels criminels), le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, le roman Le Père Goriot (1834) d’Honoré de Balzac (avec Vautrin, le criminel homosexuel), le film « Le Bal des espions » (1960) de Michel Clément, le film « Basic Instinct » (1992) de Paul Verhoeven (avec Sharon Stone, la lesbienne tuant au marteau-piqueur), le film « Flying With One Wing » (2002) d’Asoka Handagama (avec l’héroïne lesbienne qui finit par assassiner son médecin au couteau), le film « El Diputado » (1978) d’Eloy de la Iglesia, le film « Une après-midi de chien » (1975) de Sidney Lumet, le film « Psychose » (1960) d’Alfred Hitchcock (avec Norman Bates, le tueur soupçonné d’être un « inverti »), les films « La Ley Del Deseo » (« La Loi du Désir », 1986) et « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2003) de Pedro Almodóvar, le film « Swimming Pool » (2002) de François Ozon, le film « Les Diaboliques » (1955) d’Henri-Georges Clouzot, le film « Thelma et Louise » (1991) de Ridley Scott, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, le film « The Man Who Fell To Earth » (« L’Homme qui venait d’ailleurs », 1976) de Nicolas Roeg, le film « Elephant » (2003) de Gus Van Sant, le film « Le Privé de ces dames » (1978) de Robert Moore, le film « Pepi, Lucy, Bom, Y Otras Chicas Del Montón » (1980) de Pedro Almodóvar (avec la chanteuse Alaska en lesbienne sadique), le film « Anges gardiens » (1974) de Richard Rush, le film « Pulsions » (1980) de Brian De Palma, le film « La Jeunesse de la bête » (1965) de Seijun Suzuki, le film « Partners » (1982) de James Burrows, le film « Misteria » (1993) de Lamberto Bava, le film « Max et Jérémie » (1990) de Claire Devers, le film « Regarde les hommes tomber » (1993) de Jacques Audiard, le roman Notre-Dame-des-Fleurs (1944) de Jean Genet (avec le jeune Adrien Baillon, sodomite actif et criminel aguerri), le film « Clamp » (2000) de Maïa Cybelle Carpenter (avec le gangster androgyne Baby Blue), le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan (avec Chloé, la lesbienne psychopathe), le film « Haute Tension » (2003) d’Alexandre Aja (avec Cécile de France jouant le rôle d’une lesbienne psychopathe), le film « Le Grand Pardon » (1984) d’Alexandre Arcady (avec le truand joué par Bernard Giraudeau et tué dans le lit de son amant), le film « Impasse des vertus » (1955) de Pierre Méré (avec le jeune pompiste et truand), le film « Dressed To Kill » (« Pulsions », 1980) de Brian de Palma (avec le tueur psychopathe transsexuel M to F, en mystérieuse blonde), le film « Honey Killer » (2013) d’Antony Hickling, le film « Hard » (1998) de John Huckert, le film « My Night With Andrew Cunanan » (« Ma nuit avec Andrew Cunanan », 2012) de Devin Kordt-Thomas (sur un jeune tueur en série homosexuel), le film « Corps perdus » (2012) de Lukas Dhont (avec le personnage de Jérôme), le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau (avec la figure du gangster aimé, Jean), le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, etc. Dans le film « Let My People Go ! » (2011) de Mikael Buch, Rubén, le héros homosexuel, est un « assassin douteux, voleur malgré lui ». Dans le film « Scènes de chasse en Bavière » (1969) de Peter Fleischmann, Abram, le héros homosexuel, a fait de la prison. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, Jonathan, homosexuel, a poignardé Suzanne York.

 

Certains héros gays revendiquent fièrement leur identité de criminel homosexuel : « Je suis méchant !!! » (Dzav et Bonnard dans leur pièce Quand je serai grand, je serai intermittent, 2010) ; « J’en tire tout de même une certaine satisfaction de criminel. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 130) ; « On est les nabots de la Terre. […] On est devenus des voyous […]. » (Cachafaz dans la pièce éponyme (1993) de Copi) ; « Oui, je le sais. Je suis malade. » (Adam, l’un des héros homos du film « W imie… », « Aime… et fais ce que tu veux » (2014) de Malgorzata Szumowska) ; « Tu sais, à Oran, être pédé, c’est comme être criminel. » (Yves saint-Laurent dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert) ; « Peut-être qu’elle est folle, qu’elle va nous assassiner ! » (Fanny s’adressant à son mari Jean-Pierre par rapport à Catherine, l’héroïne lesbienne dont elle va tomber amoureuse, dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat) ; etc.

 

Néanmoins, d’autres personnages homos se laissent entraîner par leurs fantasmes de déshonneur et de criminalité. Par exemple, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Leopold, le héros homo, croit qu’il a tué un de ses clients parce qu’il l’a poussé au suicide : « Franz, j’ai tué quelqu’un, un de mes clients s’est tué la cervelle […] comme si j’étais quelqu’un d’autre et que j’observais tout ce que je faisais […] comme si tout le monde savait que j’avais tué quelqu’un… »

 
 

f) « Je suis un esclave tatoué » :

Film "15" de Royston Tan

Film « 15 » de Royston Tan


 

En lien avec le motif du criminel, on voit apparaître dans les œuvres homosexuelles la figure du « gros dur » tatoué et peu commode. Le tatouage, symbole de soumission et d’esclavage, est revendiqué par certains personnages homosexuels comme une marque visible d’identité et d’amour homosexuels : cf. le film « Adults Only » (2013) de Michael J. Saul (dans les méandres d’une backroom gay), le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs (avec Russ, homosexuel, qui est tatoué dans le dos), le film « Encré en soi » (2012) de Constance Lévesque, le film « Tattoo Boy » (1995) de Larry Turner, la pièce La Rose tatouée (1950) de Tennessee Williams, la chanson « Hey ! Amigo ! » d’Alizée, les chansons « Épaule Tatoo » et « Talisman » d’Étienne Daho, le film « Les Amours imaginaires » (2010) de Xavier Dolan (avec Francis, le héros homosexuel), le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, le film « Tatouage » (1966) de Yasuzo Masumara, le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha (avec Jean-Luc, le cousin homo tatoué de partout), le film « Better Than Chocolate » (1999) d’Anne Wheeler, le one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008) de Jérôme Commandeur, la pièce Le Cabaret des hommes perdus (2006) de Christian Siméon, le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant (Marc, l’un des héros homos, a un tatouage dans le dos), le film « Hellbent » (2005) de Paul Etheredge-Ouzts, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, le roman Tatuaje (1973) d’Eduardo Mendicutti, la chanson « Tatuaje » de Rafael de León, la pièce La Muerte De Mikel (1984) d’Imanol Uribe, la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes, le film « Selon la loi » (1957) de Peter Weiss, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, le film « Oi ! Warning ! » (1999) de Dominik et Benjamin Reding, le film « 15 » (2003) de Royston Tan, le film « Beautiful Boxer » (2004) d’Ekachaï Uekrongtham, le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet, le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre (avec les tatouages de Julien), le film « Chasse à l’homme » (2010) de Stéphane Olijnyk, le one-man-show Cet homme va trop loin (2011) de Jérémy Ferrari, le film « Brotherhood » (2010) de Nicolo Donato (avec Fatso), la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec le tatouage saint Sébastien sur le cœur), le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky (Veronika, la danseuse lesbienne et son tatouage ailé dans le dos), le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye, le spectacle Tatouage (Les Trois Tangos, 2009) d’Alfredo Arias, le film « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille » (2009) d’Ella Lemhagen), le film « Consentement » (2012) de Cyril Legann (avec Anthony, le jeune garçon d’hôtel homo avec son tatouage sur le dos), le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel (avec Franck, le héros homo tatoué de partout), le roman Soie sauvage (2004) de Fabienne Leloup, le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz (avec Konrad, l’un des héros homos, tatoué), la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand (avec Herbert, homosexuel tatoué), etc. « Nous avons fait un détour par Montmartre pour voir les peintres. Sur la Place du Tertre, une fille faisait des tatouages. Nous nous sommes fait tatouer un cœur chacun, dans la paume de la main gauche. » (Kévin et Bryan dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 145) ; « Je veux un tatouage, symbole de l’Amour. C’est juste un tatouage. Même si tu choisis le même que ton père, ça ne fera pas revenir ton frère. » (Jade, l’héroïne lesbienne du film « Spider Lilies » (2007) de Zero Chou) ; « C’est comme ça que j’ai fini avec un tatouage de Jean-Pierre Pernaud sur la jambe. » (Arnaud, le héros homo, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « Qu’est-ce que t’as sur les mains ? » (la mère de Nathan) « C’est des tatouages que j’ai fait. » (Jonas, l’amant de Nathan) « Toi tout seul ? » (la mère de Nathan) « Ouais. » (Jonas, dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier) ; etc.

 

Par exemple, dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès, Luca, le héros homosexuel, décrit son fantasmatique triangle rose incrusté dans la peau des personnes homosexuelles (« dans nos chair de dégénérés » dit-il). Dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, Denis parle d’une « brûlure froide » à son amant Luther. Dans le film « Coup de foudre à Notting Hill » (1998) de Roger Michell, William, le libraire bobo, fait un descriptif, en début d’histoire, des personnages atypiques de son quartier de Notting Hill, et l’un d’eux est « le tatoué qui ne sait pas pourquoi il s’est fait tatoué ‘À Ken pour la vie ». Dans le film « Sexual Tension : Volatile » (2012) de Marcelo Mónaco et Marco Berger, un ado se rend chez un tatoueur ultra-sexy. Dans le film « Des Jeunes gens mödernes » (2011) de Jérôme de Missolz, Antoine, Aurélie, Mathieu, Riposte et Sabine sont montés à Paris et organisent des séances nocturnes de tatouage sauvage dans les soirées. Dans le film « R » (2010) de Tobias Lindholm, il est question de « fiottes tatouées ». Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Nina, l’héroïne lesbienne, se fait tatouer sur le ventre ; et son amante Lola lui fait une scène parce qu’elle ne lui a pas demandé l’autorisation ni le motif du dessin.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) « Je suis un monstre » :

Aussi étonnant et révoltant que cela puisse paraître, un certain nombre de personnes homosexuelles se qualifient de « monstrueuses » simplement du fait de ressentir en elles un désir homosexuel : « J’avais l’impression que d’être homosexuel faisait de moi un sous-homme. » (Olivier, homosexuel, 37 ans, dans l’émission « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) ; « Je me sentais comme un déchet humain parce que je suis gai. J’étais un gros monstre, quelqu’un de mal, un déchet de la société. Mais je n’étais pas capable de m’accepter, encore moins de le dire à mes amis. » (un témoin homosexuel cité dans l’essai Mort ou Fif (2001) de Michel Dorais, p. 53) ; « Je sais bien que je suis la mère d’un enfant anormal. » (Estelle, la mère de Stéphane, homosexuel, dans l’autobiographie Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (2014) de Paul Veyne, p. 239) ; « J’ai déjà dit plus haut combien je me sentais différente de mes camarades de classe. […] Et j’en arrivais à me demander quelquefois si je n’étais pas un monstre. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 75) ; « Je devenais un être risible, monstrueux, un malade, un objet de mépris des adultes qui m’entouraient, et, ce qui était pire, la cible de la moquerie de mes semblables. » (Arturo Arnalte au moment de la découverte de son homosexualité, cité dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 135) ; « Comme personne ne me ressemblait autour de moi, comme je n’avais aucun repère, j’ignorais tout de l’homosexualité et j’ignorais que je l’étais. Je me croyais anormal, malade. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 91) ; « J’étais incapable d’imaginer une seule seconde qu’un homosexuel puisse être quelqu’un de normal. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 72) ; « Puisque la normalité exige que le masculin soit attiré par le féminin, et puisque ce n’était pas mon cas, j’en concluais que je souffrais d’une mystérieuse maladie. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 15) ; « J’étais un cas désespéré le jour de ma naissance. » (Quentin Crisp cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 151) ; « Décidé à l’avance que mon histoire aurait un dénouement malheureux, le mal ne pouvait être qu’un leurre. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 126) ; « À 18 ans, je me suis repliée sur moi-même, et j’ai abandonné jusqu’à la simple idée qu’on puisse m’aimer d’amour. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 19) ; « Lui dirais-je combien j’avais pu, adolescente, me sentir infirme, monstrueuse, vouée à jamais à la solitude quand je m’éprenais d’une fille de mon âge ? » (Paula par rapport à son amante Catherine, idem, p. 42) ; « Que Michael Jackson nous épargne ses jérémiades sur la pureté des enfants. Ce sont des monstres, comme nous. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 155) ; « Clermont-Ferrand, ce 20 octobre 1968. J’accuse aujourd’hui ma mère d’avoir fait de moi le monstre que je suis et de n’avoir pas su me retenir au bord de mon premier péché. Tout enfant, elle me considère comme une petite fille et me préfère à ma sœur, morte aujourd’hui. De mon père, j’ai le souvenir lointain d’un officier pâle, doux, presque timide, perpétuellement en butte aux sarcasmes de son épouse. […] Ce sont mon sentiment, ma faiblesse qui ont fait de moi un monstre. Oui, un monstre, puisque, au moment où je fais le bilan de mon existence, je m’aperçois que je n’ai jamais rien compris de la vie. […] Pendant de longs jours, j’eus l’impression d’être guéri : la vision ignoble de ce garçon, que je croyais viril, les images de cet homme singeant la femme en présence d’un autre homme tout aussi efféminé, tout cela endormait en moi toute velléité de recommencer. Toutes mes aventures, je les avais eues ou menées sous le signe de cette domination : en un mot, je ne m’étais jamais vu moi-même. Sensible et féminin, désirant d’impossibles caresses, j’eus alors la révélation que l’on n’est pas fait pour cela ; je sus qu’il y avait, en cet individu, quelque chose de détruit, comme en moi-même. Une sorte de timidité sexuelle faisait de nous ‘les invertis’, des monstres, des malades. Ainsi, il m’arrivait parfois de ne pas croire à ma propre homosexualité. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), pp. 75-110) ; etc.

 

Après cette phase auto-détestation, bien entendu, beaucoup vont retourner la honte en fierté, car intellectuellement et collectivement, la haine de soi fait mauvais genre, n’est pas très publicitaire pour l’identité et l’amour homosexuels : « J’ai appris qu’une femme qui aime les femmes n’est pas un monstre en soi, mais juste aux yeux des censeurs. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 209) Mais n’oublions pas qu’elle est le moteur premier de l’homosexualité ; et que le volontarisme optimiste ne constitue qu’un vernis bien mince appliqué sur celle-ci.

 
 

b) « Je suis une (plus grande) victime (que les autres) » :

La chaîne de la victimisation ne s’arrête pas là ! Non seulement les personnes homosexuelles se disent persécutées et incomprises, mais en plus, beaucoup soutiennent qu’elles sont plus persécutées que les autres victimes sociales reconnues comme telles : « Nous, les gays, nous sommes les plus discriminés ! » (cf. l’article « Crónica Auténtica De Lo Acontecido En Un Pub De Chueca Una Noche De Verano » de J. A. Herrero Brasas, dans l’essai Primera Plana (2007), p. 123) ; « J’aimais mieux me faire pointer du doigt comme drogué que comme gai. » (un témoin homosexuel cité dans l’essai Mort ou Fif (2001) de Michel Dorais, p. 74) ; « C’était mieux d’être un lépreux que de se sentir attiré par les hommes. » (Dan, homme homosexuel, dans le documentaire « Desire Of The Everlasting Hills » (2014) de Paul Check) ; « Être homosexuel, c’est être victime d’homophobie. C’est cela avant toute autre chose – ce n’est peut-être même que cela. » (Julien Picquart, Pour en finir avec l’homophobie (2005), p. 17) ; « On subit tous l’homophobie en général. » (Jeanne Broyon parlant des personnes homosexuelles, juste avant la projection de son documentaire « Des filles entre elles » (2010), diffusé lors du Seizième Festival Chéries-Chéris du Forum des Images de Paris) ; « En France comme ailleurs, les homos souffrent. […] Les homosexuels sont des victimes en puissance, comme toutes les minorités. » (Anne Delabre, Didier Roth-Bettoni, Le Cinéma français et l’homosexualité (2008), p. 93) ; « La situation de l’homosexuel pourrait être comparée à celle d’un Juif, à celle d’un Nègre, que sais-je, à celle de tous les minoritaires. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; « L’homosexualité est la voie la plus étroite, la plus dure, la plus difficile et vous voudriez que, de gaieté de cœur, ces adolescents qui ont peur de ne pas connaître le bonheur choisissent cette voie-là ? » (André Baudry cité dans l’essai Repères éthiques pour un monde nouveau (1982) de Xavier Thévenot) ; « Je devais admettre que Proust avait raison : les homosexuels n’étaient que des parias voués à une solitude irrémédiable, des parias sur qui personne ne poserait jamais un regard aimant. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 109) ; « Je me suis longtemps posé cette question : ‘Pourquoi ?’ Et aussi celle-ci : ‘Mais qu’avons-nous fait ?’ Il n’est d’autre réponse à ces interrogations que l’arbitraire des verdicts sociaux, leur absurdité. Et comme dans le Procès de Kafka, il est inutile de chercher le tribunal qui prononce ces jugements. Il ne siège pas, il n’existe pas. Nous arrivons dans un monde où la sentence a déjà été rendue, et nous venons, à un moment ou à un autre de notre vie, occuper la place de ceux qui ont été condamnés à la vindicte publique, à vivre avec un doigt accusateur pointé sur eux, et à qui il ne reste qu’à tâcher tant bien que mal de se protéger d’elle et de réussir à gérer cette ‘identité pourrie’. Cette malédiction, cette condamnation avec lesquelles il faut vivre installent un sentiment d’insécurité et de vulnérabilité au plus profond de soi-même, et une sorte d’angoisse diffuse qui marque la subjectivité gay. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 223) ; « À la différence des Juifs ou des Beurs où la prise en compte de la différence est appartenance (elle vous relie à votre famille, à vos amis, à votre entourage), la découverte de l’homosexualité est isolement, solitude. Tous les homosexuels ont eu, un jour, l’impression de ne pas être ‘chez eux, chez eux’. » (Frédéric Martel, Le Rose et le Noir (1996), p. 707) ; « Les maladies ou les handicaps, s’ils peuvent être source de peur ou de rejet (parce qu’on ne sait pas comment réagir, parce qu’on a peur du différent de soi…), ils ne sont pas source de haine. Donc, si l’homosexualité est source de haine, c’est qu’elle a quand même un statut particulier par rapport à un simple handicap ou à une simple maladie. » (Hugo cité sur ce site consulté en octobre 2003) ; « Une enquête de l’État de New York sur la violence concluait en 1988 que de tous les groupes minoritaires, c’étaient les hommes et les femmes homosexuels qui étaient les objets de la plus grande hostilité. » (Élisabeth Badinter, X Y de l’identité masculine (1992), p. 178) ; « Les homosexuels pourraient être les individus les plus opprimés au sein de cette société. » (Huey Newton, chef des Black Panthers, en 1970, cité dans le Dictionnaire gay (1994) de Lionel Povert, p. 72) ; « Je vous parle des discriminations que j’ai vécues en tant que… femme noire homosexuelle… Je ne suis pas encore juive. » (Gisèle lors du débat « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s », organisé le 10 octobre 2009 à la Salle des Fêtes de la Mairie du XIème arrondissement de Paris) ; « Être homosexuel, être Juif, être Blanc sont les 3 jambes sur lesquelles je marche. J’aime utiliser ma judaïté. » (Steven Cohen, le performer transgenre M to F, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte) ; « Remplacez dans la phrase qui est la vôtre le mot ‘homosexuel’ par ‘Noirs, femmes, Juifs ou Roms’, par exemple, et si vous voyez un propos raciste ou sexiste, c’est que le propos initial était homophobe. » (Louis-Georges Tin dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt) ; etc.

 

Dans son essai Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010), la « sociologue » Natacha Chetcuti affirme que le lesbianisme est une « identité marginalisée et dévalorisée » (p. 17), et que « les » lesbiennes sont victimes du « système hétérosexiste dominant » : «  Ignorées socialement, elles le sont théoriquement. […] Elles subissent une ‘double peine’, comme femmes et comme homosexuelles. » (pp. 7-14)

 

La communauté homosexuelle construit (ou projette) sur les écrans les preuves (qu’elle croit réelles) de l’oppression sociale qu’elle subirait. « Quand quelquefois, je vois à la télévision de belles âmes pleurer sur la misère sexuelle des malfaiteurs enfermés en prison, je ne peux me retenir d’évoquer ma jeunesse, tout aussi misérable, où je subissais une punition inhumaine pour des crimes que je n’avais pas commis. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 109) ; « C’était pas la Gestapo, mais c’était pas loin. » (Martin Boyce, militant homo ayant vécu les Révoltes de Stonewall à New York, en 1969, et décrivant les raids de police, dans le documentaire « Lesbiennes, gays et trans : une histoire de combats » (2019) de Benoît Masocco) ; etc. Par exemple, les agressions homophobes dont certains héros homosexuels pâtissent sont grossies à l’extrême au cinéma par beaucoup de réalisateurs homosexuels, qui n’hésitent pas s’il le faut à sombrer dans le scabreux et l’odieux pour rehausser le prestige des histoires d’« amour » qu’ils nous racontent, quitte à ce que leurs scenari soient totalement téléphonés, improbables, et invraisemblables : cf. le film « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve (avec la méchanceté homophobe présentée comme « gratuite » et « insensée »), le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot (avec l’agression aveugle des bourrins dans le bar), le film « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee (avec le meurtre sauvage et inexpliqué d’un des deux héros, à la fin de l’histoire), le film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne (avec l’agression homophobe caricaturale et d’une inhumanité sans nom), le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce (avec les agresseurs « machisés », infligeant sans raison un viol correctif à l’héroïne lesbienne), etc.

 

« Ré-écrire l’histoire à nos étendards » chante Étienne Daho (cf. la chanson « Ré-évolué ») … On est en plein dedans ! Il est très fréquent que les personnes homosexuelles actuelles s’identifient aux victimes de la déportation nazie, comme si elles étaient elles-mêmes passées par l’épreuve des camps de concentration. Par exemple, le groupe Bronski Beat (de Jimmy Somerville) use sur ses pochettes de disque du triangle rose. L’association S.O.S. Homophobie, en France, fait de même. Le personnage transsexuel du documentaire « Chandelier » (2002) de Steven Cohen porte l’étoile jaune. Selon certains individus homosexuels zélés, il ne fait aucun doute que les personnes homosexuelles auraient constitué pendant la Seconde Guerre mondiale « la plus basse caste des camps, celle qui était la plus détestée des autres déportés. » (Jean Boisson, Le Triangle rose (1988), p. 143) ; « Si tous les déportés eurent à subir ainsi les violences organisées de certains des leurs, il est à remarquer, là encore, que cette brutalité toucha plus particulièrement les homosexuels, comme s’ils étaient destinés par nature à souffrir plus que les autres. » (idem, p. 156) ; « Ce furent évidemment les ‘triangles roses’ qui devaient subir les pressions les plus rudes. » (idem, p. 165) ; « Les SS choisirent pour eux ‘les travaux les plus répugnants et les plus fatigants’. » (cf. l’article « De Sodome à Auschwitz » de Luciano Maximo Consoli, dans la revue Arcadie, juillet-août 1974, p. 184) Mais cette certitude se trouve finalement contredite par les mêmes historiens : « L’hostilité qui entourait ces ‘criminels’ se trouvait surtout nourrie par le fait que ‘les SS les avaient confié les plus importantes fonctions du camp’, les installant ainsi dans des ‘positions prédominantes’. » (idem, p. 144)

 

À en croire les militants pro-gays, « les » homosexuels auraient subi la totalité des outrages endurés par l’Humanité depuis le début de son Histoire. « Après tout, étant le bizarre du village, l’efféminé, je suscitais une forme de fascination amusée qui me mettrait à l’abri, comme Jordan, mon voisin martiniquais, seul Noir à des kilomètres. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 33) Par exemple, à la Gay Pride parisienne de 2001, certaines femmes lesbiennes s’associent arbitrairement à toutes les victimes « liées à l’esclavagisme, aux colonisations, à l’impérialisme, aux migrations forcées » (cf. l’article « Gaiphobie » de Guillaume Huyez, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 192). Rien que cela… Dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014, Emmanuelle, femme lesbienne de 26 ans, compare le sort des personnes homosexuelles « maltraitées par la Manif Pour Tous » à la « Seconde Guerre mondiale, à la Shoah, à l’histoire des Noirs », et sombre dans le délire paranoïaque de persécution : « Où est-ce qu’ils vont s’arrêter ? Tout ce qu’ils veulent, c’est que je dégage. » Marcel Proust célèbre comme une « race maudite » ces invertis « rassemblés à leurs pareils par l’ostracisme qui les frappe, l’opprobre où ils sont tombés, ayant fini par prendre, par une persécution semblable à celle d’Israël, les caractères physiques et moraux d’une race, parfois beaux, souvent affreux. » (Proust, 1972, p. 16)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles trouvent dans la victimisation un moyen pour se trouver une identité, tuer l’ennui, se donner une utilité dans une noble cause ( = la lutte contre un ennemi qu’elles rêvent invisible : l’homophobie), détourner l’attention sur leurs vrais problèmes intimes. « Je suis le pédé agressé à vie. » (Bruno Wiel, jeune homme trentenaire homosexuel connu médiatiquement pour avoir été tabassé et laissé pour mort par quatre hommes, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014) ; « Dans son ensemble, notre société n’est ni homophobe, ni violente à l’égard des femmes. Les chiffres de la Halde sont éloquents (Bilan avril 2011). Parmi les plaintes déposées pour discriminations, voici ce que le bilan annule de 2010 recense : ‘L’origine ethnique, avec 27% des réclamations, demeure le critère de discrimination le plus souvent invoqué. Viennent ensuite l’état de santé et le handicap (19%), l’âge (6%), les activités syndicales (5%), le sexe et la grossesse (4,5%), la situation de famille et l’orientation sexuelle (2,5%), les convictions religieuses et l’apparence physique (2%) et les opinions politiques (1%).’ Aucune mention de discrimination pour sexisme n’est signalée. » (Élizabeth Montfort, Le Genre démasqué (2011), p. 80) Dans leur cas, la jérémiade devient un masque figé, grimaçant, inutile. « Il faut être mécontent ! » soutient le parano. Par principe. Même quand il y a une amélioration en vue, elle est toujours mauvais signe ! Ça veut dire qu’on essaie de le rouler, de lui faire croire qu’il peut aller mieux, qu’il n’est plus une victime, alors forcément c’est suspect, c’est scandaleux ! « Comme au Juif, comme à tant d’autres traditionnels stigmatisés, rien ne doit être considéré comme acquis aux homos. » (Jacques Fortin, Homosexualités, l’adieu aux normes (2000), p. 30)

 

Dans l’émission Infra-Rouge intitulée « Souffre-douleurs : ils se manifestent » diffusée sur la chaîne France 2 le 10 février 2015, le jeune Lucas Letellier, lycéen se disant « homosexuel », affirme qu’il a subi le harcèlement scolaire de la part de ses camarades uniquement « parce qu’il est homosexuel ».
 

Dans l’affiche de son one-man-show L’Arme de fraternité massive ! (2015), Pierre Fatus a choisi de peindre son corps et son visage en noir, avec des inscriptions xénophobes et ethniques, figurant ainsi sa schizophrénie spatiale et son désir d’incorporer toutes les injures.
 

Le virus du Sida (HIV) sert souvent de support à la victimisation homosexuelle. Selon la direction générale de la Santé, « une certaine proportion d’homosexuels sont dans une sublimation de la séropositivité ou revendiquent une séroconversion volontaire. […] La séropositivité permet d’annoncer son homosexualité, de faire en quelque sorte partie du ‘club » (Thomas Montfort, Sida, le vaccin de la vérité (1995), p. 30).

 

Disons-le franchement. Il y a une forme de fascination morbide, de contemplation de narcissique de soi, une complaisance inavouée, dans la recherche du malheur entreprise par certaines personnes homosexuelles. Pour elle, la mort, la souffrance, l’injustice, c’est glorieux en soi. « C’est vrai d’ailleurs, on peut être un mendiant handicapé et homosexuel, noir qui plus est, mais ça tout de même ce n’est pas si commun, ce serait la figure sublime… enfin, je plaisante, quoique… » (Hugues Pouyé dans le site Les Toiles roses en 2009) ; « Nous, les femmes, on a énormément d’avantages puisqu’on cumule les discriminations. » (Anne Fraikin, lors du débat « Double discrimination femme et lesbienne », au SIGL, Carrousel du Louvre, à Paris, le samedi 3 novembre 2007) Malgré les apparences, la course aux discriminations et aux diplômes de Meilleures Victimes, entreprise par beaucoup de personnes homosexuelles, a quelque chose de non seulement déplacé mais aussi d’inhumain et de révoltant. Car elle fait de l’ombre aux vraies victimes (y compris les vraies victimes homosexuelles).

 

La différence fondamentale entre les vraies victimes et les fausses est expliquée par Pascal Bruckner dans son essai La Tentation de l’innocence (1995) : « Pourquoi est-il scandaleux de simuler l’infortune quand rien ne vous affecte ? C’est qu’on usurpe alors la place des vrais déshérités. Or ceux-ci ne demandent ni dérogations ni prérogatives, simplement le droit d’être des hommes et des femmes comme les autres. Là réside toute la différence. Les pseudo-désespérés veulent se distinguer, réclament des passe-droits pour ne pas être confondus avec l’humanité ordinaire ; les autres réclament justice pour devenir simplement humains. » (p. 17)

 

Dès qu’une victime devient haineuse, elle n’est plus victime, car comme l’expliquaient des grandes âmes comme Gandhi ou Mère Teresa, la révolte du pauvre ne se justifie que lorsqu’elle est son seul moyen d’être respecté dans sa dignité d’Homme. Jamais le vrai pauvre ne singe ni ne grossit sa souffrance : « Je n’ai jamais entendu un pauvre grogner ou maudire, je n’en ai jamais vu terrassé par une dépression. » (Mère Teresa, Il n’y a pas de plus grand Amour (1997), p. 163) Dans notre monde actuel, nous apprenons malheureusement de plus en plus aux pauvres à perdre leur innocence en devenant haineux et fiers de leur statut soi-disant « éternel » de victimes.

 
 

c) Homosexualité noire :

Truman Capote

Truman Capote


 

On trouve parmi les artistes homosexuels de nombreux défenseurs de ce que Guy Hocquenghem a appelé « l’homosexualité noire », c’est-à-dire une homosexualité à la dérive, persécutée, individualiste, nocturne, anti-conformiste, incorrecte, limite homophobe (logique de la traîtrise et de l’auto-trahison oblige !) : pour ne citer qu’eux, Bernard-Marie Koltès, Olivier Py, Arthur Rimbaud, Pier Paolo Pasolini, Patrice Chéreau, William Burroughs, Marcel Jouhandeau, Julien Green, Oscar Wilde, Vasco Pratolini, Juan Goytisolo, Kenneth Anger, John Rechy, Allen Ginsberg, etc. Par exemple, les « décadents » homosexuels de la fin du XIXe siècle (Jean Lorrain, Maurice Rostand, Oscar Wilde, Marcel Proust, Pierre Loti, Missy, Arthur Rimbaud, etc.) affichaient leur nullité et leurs mœurs libertaires honteuses avec complaisance. Jean Genet, quant à lui, invitait ses frères et sœurs invertis à se rebaptiser « Filles de la Honte ». Ernst Röhm, dès 1928, écrit ses Mémoires d’un traître. À l’époque, ses Mémoires d’un coupable de haute trahison faisaient jeu égal à l’époque avec Mein Kampf dans les librairies. On retrouve cette tendance à s’approprier son insulte chez la Beat Generation, le mouvement Pop Art, le courant néo-baroque, les idéologies queer et camp actuelles, la frivolité des Gay Pride, etc. Aujourd’hui, l’appellation péjorative « pédé », « gouine », ou « queer », va dans ce sens. Dans la préface de l’essai Théorie Queer et cultures populaires de Foucault à Cronenberg (2007) de Teresa de Lauretis, Pascale Molinier parle de l’incapacité chez les personnes homosexuelles de « se définir en positif » (p. 22). Beaucoup d’entre elles ne se rendent pas aimables et montrent leurs griffes : je pense aux noms choisis par certaines associations LGBT (ex : l’association lesbienne La Barbare (1999-2007), l’association Les Panthères roses, Ni putes ni soumises, etc.)

 

« Toutes les minorités se retrouvent dans le personnage du vampires. C’est le symbole du marginal de toutes les époques. Il est toujours un contre-pouvoir. » (Tony Mark, le romancier homosexuel s’étant identifié dès l’âge de 14 ans à Dracula, lors de sa conférence « Vampirisme et Homosexualité », au Centre LGBT de Paris, le 12 mars 2012) ; « Moi, je suis fière d’être gouine. » (Fanny Corral, lesbienne, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; etc.

 

Il se dégage de la revendication de la souffrance chez les personnes homosexuelles une fierté paradoxale : à la fois elles reprochent à la Terre entière de faire d’elles une Nation de malheureux (« Nous n’avons pas le monopole de la souffrance ! » hurlent-elles), et en même temps, elles construisent elles-mêmes leur mauvaise réputation avec une insistance sans relâche : « C’est notre clandestinité qui fait de nous des parias. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 100) ; « Je suis un produit de l’injure. Un fils de la honte. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 204) ; « Notre présence sur la planète est un virus, une énormité, un cancer. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p.130) ; « Quels sont les grands films homosexuels qui ont marqué les trente dernières années du XXe siècle ? Hélas ! a-t-on envie de dire, des films sombres, désespérés, échos attardés des époques de censure et de répression. Chasse au pédé dans ‘Scènes de chasse en Bavière’ de Peter Fleischmann (1968), choléra rédempteur dans ‘Mort à Venise’ de Visconti (1971), meurtre dans ‘Le Droit du plus fort’ de Fassbinder (1974), suicide dans ‘La Conséquence’ de Wolfgang Petersen (1977), exclusion sociale dans ‘Une Journée particulière’ d’Ettore Scola (1977), passion destructrice dans ‘La Loi du Désir’ de Pedro Almodóvar (1986), menace du Sida dans ‘Les Nuits fauves’ de Cyril Collard : le cinéma homo qui compte n’est-il qu’un catalogue de châtiments et d’expiations ? » (Dominique Fernandez, L’Amour qui ose dire son nom (2000), p. 307) ; « Vous avez déjà vu, vous, de l’homosexualité épanouie ? Et même si cela arrive quelquefois, on ne fait pas un film sur une situation homosexuelle heureuse. » (Patrice Chéreau par rapport à son film « L’Homme blessé » (1983), cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel) ; « Je suis alcoolique. Je suis un drogué. Je suis homosexuel. Je suis un génie. » (Truman Capote, Musique pour des caméléons, 1980) ; « On me dit que je suis Décadent. Cette appellation originale fut employée en insulte… Quoi de plus naturel que moi et de mes amis la prissions tout de suite comme un cri de guerre ? » (Paul Verlaine cité dans l’article « Poétiquement ‘correct’ » d’Alain Borer, sur le Magazine littéraire, n°321, mai 1994, p. 41) ; « J’aime le mot décadence tout en miroitant de pourpre et d’ors. » (Paul Verlaine en 1886) ; « J’éprouve une sorte de fierté à avoir été censurée. » (Laure Charpentier dans le cadre de la 3e Journée Mondiale contre l’homophobie, Mairie du 2e arrondissement, Paris, le 18 mai 2007) ; « Jean Genet avait en commun avec Violette Leduc ce goût du massacre, ce besoin de démolir. Pour des gens comme eux, il fallait que tout aille mal, c’était une stimulation. » (Jacques Guérin cité sur l’article « Genet, Violette Leduc » de Valérie Marin La Meslée, dans le Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 72) ; « La marginalité nous a rendu libres. On était quand même des marginaux. » (un des témoins homosexuels parlant de l’homosexualité vécue en France dans les années 1960-1970, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Je suis dangereuse, très dangereuse. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; « Le cancer, c’est moi. Il fait partie de moi. » (idem) ; etc.

 
 

d) « Je suis un traître » :

Pourquoi une telle réaction hypocrite et complaisante face au malheur ? Parce que les personnes homosexuelles sont bien souvent fascinées par le petit pouvoir de la trahison. Par exemple, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la biographe Marie-Louise Rodén dévoile que « les contemporains de la reine Christine la considéraient comme une traîtresse », de par sa conversion du protestantisme au catholicisme, de par son lesbianisme, de par ses dettes et fêtes coûteuses.

 

Pourtant, au départ, elles l’avaient haïe et crainte, car elle les avait fait souffrir en amour et en amitié : « Je me méfie d’une certaine nature humaine. Plus que tout je redoute la trahison. » (Mylène Farmer dans la revue Paris Match, n°2741, le 6 décembre 2001) ; « L’une des accusations les plus tenaces portées contre les homosexuels est celle de trahison. » (« L’Homosexualité à l’épreuve des représentations », Revue européenne d’Histoire sociale n° 3 (2002), p. 15) ; « L’homosexualité conduit à la trahison. » (Philippe Simonnot dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 56) ; « La solidarité y est fréquente ; encore plus l’égoïsme, la jalousie, l’hostilité, la trahison. » (Roger Peyrefitte parlant du « milieu homosexuel », cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 253) ; « Le grand point faible de l’homosexualité, c’est sa lâcheté : surpris en flagrant délit ‘d’outrage aux mœurs dans un lieu dit public’, le pédéraste ne peut chercher aucun secours chez son partenaire de rencontre ; il est seul. Personne n’est jamais homosexuel… sauf celui qui se fait pincer. Une ignoble loi de la jungle régit notre existence et nous vivons dans la perpétuelle attente de la catastrophe. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, idem, p. 103)

 

Mais elles ont fini par la juger nécessaire pour se créer une raison d’être : « La trahison paraît la prérogative de celui qui – individu ou groupe-hybride – n’arrive pas à rentrer dans les limites d’une catégorie, d’un genre, d’une espèce, d’une patrie, d’une profession. Ce sont des êtres et les entités échappant à une définition précise qui paraissent destinés à trahir : les classes floues comme la petite bourgeoisie, les statuts ambigus comme l’intellectuel-clerc, le déraciné et le parvenu, les sexes intermédiaires comme l’homosexuel, les nationalités incertaines comme le Juif, et puis encore le sans-patrie et le cosmopolite, le serviteur et le courtisan, le bâtard, le gaucher, le roux, l’albinos… Le traître, c’est l’indéfini et le monstrueux. » (Dominique Scarfone, De la trahison (1999), pp. 20-21) ; « Au-delà de ses inconvénients, il est pourtant indispensable de réaffirmer l’actualité du concept de ‘déviance’ pour comprendre la situation des homosexuels. Car nier qu’il y ait déviance ‘objective’ par rapport à la norme sociale qu’est l’hétérosexualité revient à nier l’existence de cette norme, c’est-à-dire, en dernière analyse, à masquer la domination subie par les gays et les lesbiennes. On voit bien le danger de la dénégation dans sa convergence paradoxale avec le discours de la nouvelle homophobie selon lequel les homosexuels auraient eu tout ce qu’ils voulaient, et ne seraient plus qu’un groupe culturel neutre et une ‘communauté de choix’. Au contraire, un concept enrichi de déviance permettrait, malgré ses limites, de comprendre comment les pratiques et l’univers symbolique de la communauté gay et lesbienne existent à la fois pour eux-mêmes et comme réponse à une situation concrète d’oppression. » (cf. l’article « Déviance » de Sébastien Chauvin, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 152) ; « Je ressentis la nécessité, dans le contexte d’un mouvement politique et de l’effervescence théorique qui l’accompagnait, de ‘plonger’ dans ma mémoire et d’écrire pour ‘venger ma race’. Mais ce fut une autre ‘race’ que je m’attachai à venger et donc une autre mémoire que j’entrepris d’explorer. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 242)

 

Bien souvent, dans leur esprit, le mot « traître » remplace celui « homosexuel » : « Je voulais surtout qu’il sache que malgré tout ce qu’on disait sur moi à Hay Salam, ‘la petite fille’, ‘la poupée’, malgré tous les surnoms de trahison j’étais encore vierge. Vierge vierge. Vierge des fesses. » (Abdellah Taïa parlant de son cousin Chouaïb, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), pp. 20-21) ; « Et si je sers si fort la main de ma mère, c’est pour que mon père ne s’aperçoive pas de ma nature de traître. Qu’il ne devine pas combien je trouve exaltant de se jeter d’un sixième étage, combien je jalouse mes cousins de la ville avec leurs parents alcooliques et tarés, combien je sais que la vraie vie est là-bas, avec les drames, les cris, les pleurs, la foule, plutôt que chez nous aux Espaces Verts. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 41)

 

La trahison constitue visiblement un fantasme esthétique et amoureux fort chez les personnes homosexuelles : « Stilitano pouvait trahir son pays et moi-même le mien par amour pour Stilitano. » (Jean Genet, Journal du Voleur (1949), p. 56) ; « Je suis noir, je suis un traître, je suis différent. » (Néstor Perlongher, « 69 Preguntas A Néstor Perlongher » (1989), p. 21) ; « Je pense que l’homo est un traître en puissance. Mais il faut bien comprendre ce que ça veut dire. Le traître, c’est l’aspect noir de la chose. Mais l’aspect blanc, doré, c’est que l’homosexuel essaie d’être une réalité profonde, très profonde. Il essaie de trouver une profondeur que n’ont pas les hétérosexuels. » (Jean-Paul Sartre cité dans l’essai Les Oubliés de la mémoire (2002) de Jean Le Bitoux, p. 181)

 

Dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), Abdellah Taïa, lassé d’être délaissé par son copain Slimane, décide d’« aller voir ailleurs ». Il présente l’infidélité comme une communication désespérée, la trahison comme une magnifique entorse à son habituel sens de la fidélité… une preuve d’amour, en somme ! « Je suis allé marcher ailleurs. Tu m’y as poussé. Il fallait arrêter. Trahir. » (p. 121)

 

Dans le documentaire « Out : Naissance d’une Révolutionnaire » (2000) de Rhonda Collins et de Sonja de Vries, la figure du traître est sacralisée en la personne de la femme lesbienne Laura Whitehorn (qui tenta de faire exploser une bombe dans le Capitole aux États-Unis). L’argument basique « La fin justifie les moyens » transforme ici une folie meurtrière en acte de bravoure exceptionnel.

 

Lors de la conférence « Différences et Médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon à la Mairie du IIIe arrondissement, le 18 novembre 2010, l’écrivain Christophe Bigot, en parlant de sa propre vie, s’est identifié très tôt (avant de le dés-idéaliser) au procureur Camille Desmoulins : « J’ai voué un culte à Camille Desmoulins pendant toute mon adolescence. […] C’est un homme violent qui désigne, à la vindicte populaire, les contre-révolutionnaires. » C’est la figure du traître impopulaire par excellence.

 

Paradoxe idolâtre du désir homosexuel ! La majorité des personnes homosexuelles, en idéalisant la trahison, laissent entendre qu’elles se retourneront aussi contre elles-mêmes. Eh oui ! La plus belle trahison à laquelle elles appellent, c’est finalement l’homophobie ! « Un écrivain n’est pas là pour donner une image positive de la communauté [homosexuelle]. » (Érik Rémès cité dans l’article « Érik Rémès, écrivain » de Julien Grunberg, sur le site www.e-llico.com consulté en juin 2005)

 
 

e) « Je suis fier d’être un psychopathe » :

Film "Gazoline" de Monica Stambrini

Film « Gazoline » de Monica Stambrini


 

Pour pousser la logique de la « beauté dans l’auto-destruction » jusqu’au bout, certaines personnes homosexuelles vont jusqu’à cultiver, en apparence et parfois en actes, leur image de bad boys et de bad girls, d’individus infréquentables et dangereux. « Nous sommes les femmes contre lesquelles vos parents vous ont mises en garde. » (une phrase inscrite sur certaines pancartes de meetings féministes à propos des femmes lesbiennes radicales, citée dans l’essai Mother Camp (1972) d’Esther Newton, 1972) ; « Personne n’est moins agressif que moi. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 114) ; « J’ai mauvais genre. Bien qu’étant une femme, j’ai les cheveux courts comme les messieurs qui ne veulent pas se faire remarquer. En outre, je m’obstine à m’habiller de telle manière qu’on me prend souvent pour un homme. » (idem, p. 7) ; « Je suis fermement décidée à emmerder le monde jusqu’à mon dernier souffle. » (idem, p. 12) ; « Les gentils citoyens en ont marre de voir des pervers comme nous bénéficier des mêmes droits qu’eux. » (le réalisateur homo Peter Gehardt en parlant au nom des personnes homosexuelles, dans son documentaire « Homo et alors ?!? », 2015) Par exemple, les rôles de méchants crapuleux dans les films semblent tenir à cœur à certains acteurs homosexuels : Ian McKellen, Anthony Perkins, etc. Pensons aux interprétations de gangster donnée à Paul Bernard (cf. le film « Voyage sans espoir » (1943) de Christian Jaque, le film « Le Bossu » (1944) de Jean Delannoy, le film « Roger La Honte » (1946) d’André Cayatte, le film « Un Ami viendra ce soir » (1946) de Raymond Bernard, le film « Panique » (1947) de Julien Duvivier, le film « Les Maudits » (1947) de René Clément).

 

Parfois, dans les faits, certains sujets homosexuels ont commis concrètement des actes criminels. « L’homosexualité ne conduit pas seulement à la pédophilie. Mais aussi au meurtre, à la dépression et à la toxicomanie. Les statistiques le prouvent. » (Petras Gražulis, président du groupe politique lituanien d’extrême droite Ordre et Justice, dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt) Par exemple Arthur Rimbaud a tenté d’assassiner le photographe Carjat. Valery Solanas, une femme lesbienne, tira un coup de feu sur Andy Warhol en 1968 dans sa Factory. Fritz Haarman (1879-1925), le « criminel d’Hanovre », a réellement existé. On peut penser aussi à Jeffrey Dahmer, à Violette Morriss (qui a tué un homme en 1936 avec une arme à feu, sur sa péniche), à Aileen Wuornos (une des plus célèbres femmes lesbiennes serial killer), à Andrew Cunanan, à Luka Magnotta, à Floyd Corkins (le tireur fou de 28 ans, bénévole homosexuel au centre LGBT de Washington, qui a ouvert le feu le 16 août 2012 au siège d’une organisation chrétienne conservatrice de Washington), etc.

 

 

« Dans les sphères dites ‘intellectuelles’, on découvre grâce à des statistiques récentes dressées par la P.J. près de trente pour cent d’homosexuels, dont quelque vingt pour cent ont eu, une fois au moins dans leur vie, maille à partir avec la police des mœurs. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 20)

 

Je vous renvoie également au documentaire « Licensed To Kill » (1997) d’Arthur Dong, au documentaire « Moi, Luka Magnotta » (2012) de Karl Zéro et Daisy d’Errata (racontant le parcours de Luka Magnotta, le célèbre escort boy, strip-teaseur, acteur porno occasionnel et mannequin raté, qui fut le premier web killer de notre époque), au documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz (avec les femmes lesbiennes pratiquant des avortements clandestins avec fierté : « C’était une période fabuleuse. »), etc. Je m’étends davantage sur la question des psychopathes homosexuels dans les codes « Folie », « Milieu psychiatrique », « Violeur homosexuel », « Voleurs », « Homosexuel homophobe », « Homosexuels psychorigides », et « Couple criminel » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

f) « Je suis un esclave tatoué » :

Film "Hustler White" de Bruce LaBruce

Film « Hustler White » de Bruce LaBruce


 

Dans la réalité, homosexualité et tatouage se tiennent souvent par la main (même si cette tendance s’inclut dans un processus global : rien qu’en France, en 2014, certaines statistiques avancent que 1 Français sur 10 porterait un tatouage). Je vous renvoie au duo (lesbien ?) russe T.a.t.u., au documentaire « Cœurs percés » (2004) d’Andrea Schuler et Oliver Ruts, au documentaire « Mr Angel » (2013) de Dan Hun, au documentaire « Unfinished : Exploring The Transgender Self » (2013) de Siufung (avec le tatouage de deux têtes de mort à la place des seins que s’est choisi une femme transsexuelle F to M), au docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider (avec André, l’homme homo couvert de tatouages), aux photographies de Daïjna Roos, au corps peint de Bill T. Jones, au one-man-show L’Homme tatoué (2007) de Pascal Tourain (qui se déshabille peu à peu sur scène pour montrer son corps tatoué – strip-tease qu’il présente comme un coming out), à l’importance des tatouages dans les mangas japonais (Cobra par exemple), au docu-fiction « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari (avec la longue séance chez le tatoueur), au documentaire « Les Garçons de la piscine » (2009) de Louis Dupont (avec Fabrice portant d’énormes tatouages), au documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, etc. On peut penser également à la passion du tatouage de certaines personnes homosexuelles : Severo Sarduy, Francis Bacon, Félix Sierra, Bruce LaBruce, Juan Soto, Buck Angel (femme transsexuelle F to M qui a fait plusieurs tentatives de suicide et qui a goûté à la drogue), etc. En 1983, Michel Journiac, homosexuel, s’est tatoué un triangle au fer rouge (« Marquage du corps au présent, rituel de corps exclu. »). On ne s’étonnera pas non plus de voir les tatoueurs élire domicile au cœur des quartiers « homosexuels » des grandes capitales gays mondiales (le Marais à Paris, Castro à San Francisco, etc.).

 

"Marquage du corps au présent" de Michel Journiac

« Marquage du corps au présent » de Michel Journiac


 

Dans le documentaire « Ken Burns » (2011) d’Adrienne Alcover, le tatouage est présenté comme un symbole de sur-virilité. Il donne l’illusion de toute-puissance (« Je suis un vrai mec, un tatoué : attention ! »), voire de changement de sexe : « J’ai commencé un tatouage pour me masculiniser. » (la femme trans F to M interviewée dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier) Dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, Déborah, Audrey et « M », trois personnes intersexes, s’offrent une séance tatouage pour fêter leur amitié et leur intersexuation.

 

Documentaire "Unfinished : Exploring The Transgender Self" de Siufung

Documentaire « Unfinished : Exploring The Transgender Self » de Siufung


 

Mais en dehors des considérations purement esthétiques, sentimentales, artistiques, militantes, en dehors des bonnes intentions en clair, ce sont les actes qui doivent retenir notre attention à propos du lien entre tatouage et homosexualité, car ils sont objectivement violents et irrespectueux des personnes. Beaucoup de personnes homosexuelles se mettent à revendiquer identitairement ce qui jadis fut une violence et une honte qu’elles ont subies (cf. je vous renvoie au code « Poids des mots et des regards » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Dans le couloir ils m’ont demandé qui j’étais, si c’était bien moi ‘Bellegueule’, celui dont tout le monde parlait. Ils m’ont osé cette question que je me suis répétée ensuite, inlassablement, des mois, des années, ‘C’est toi le pédé ?’ En la prononçant ils l’avaient inscrite en moi pour toujours tel un stigmate, ces marques que les Grecs gravaient au fer rouge ou au couteau sur le corps des individus déviants, dangereux pour la communauté. L’impossibilité de m’en défaire. » (Eddy Bellegueule dans son roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 15-16) ; « Mon ancien camarade de classe me met sous les yeux deux photos de Janson, cinquième et quatrième, toute la classe. […] Moi, mince, l’air silencieux, innocent d’une innocence évidente. Cela m’a ému, car depuis… Et tout à coup, le visage de Durieu que j’avais oublié et qui m’a arraché un cri : un visage d’ange résolu. Silencieux aussi celui-là, on ne le voyait pas, il disparaissait, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir sa beauté comme une brûlure, une brûlure incompréhensible. […] Ce fut mon tout premier amour, le plus brûlant peut-être, celui qui me ravagea le cœur pour la première fois, et hier je l’ai ressenti de nouveau devant cette image, j’ai eu de nouveau treize ans, en proie à l’atroce amour dont je ne pouvais rien savoir de ce qu’il voulait dire. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp. 23-24) ; etc.

 

Dans l’Histoire humaine, le tatouage a été systématiquement un signe d’esclavage, de soumission et de dépersonnalisation. Il est de retour comme pratique (librement ?) choisie dans le « milieu homosexuel », et ce n’est pas un hasard. Il dit un désir de se soumettre à soi-même et aux autres, de vivre dans la superficialité et le « devenir-objet », de détruire son propre corps pour avoir une maigre prise sur la violence sociale dont on pâtit (cette prise pourrait s’appeler « imitation » ou « esclavage »). Selon Hegel, le tatouage est l’indice que l’homme ne veut pas rester tel qu’il est.

 

« À peine fut-il sur moi, que je versais des larmes de désolation. L’instant de sodomie, rigoureusement chargé, vit tout mon être disparaître dans les profondeurs du mal pour ne devenir qu’une empreinte. Les filles pensais-je alors, subissent-elles le même sort ? J’avais terriblement mal et je hurlais que jamais plus je ne résisterais, mais qu’il fallait que cela cesse. Torture terrifiante qui m’incendiait de partout, son sexe sans pitié qui me ravageait par des tamponnements secs et violents. […] Tatoué comme une bête à l’abattoir, je revêtais désormais une beauté étrange et maladive dans le grand silence de mon secret […]. Cet effet de souffre sur la peau »  (Berthrand Nguyen Matoko racontant sa nuit brûlante d’« amour » homo, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), pp. 68-71)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles, dans la sacralisation des corps-objets, cherchent en réalité à détruire les corps réels, habités par une âme. Elles parlent d’ailleurs parfois de la nécessité de « s’affranchir de l’esclavage corporel » (cf. l’article « Procréation médicalement assistée » de Marcela Iacub, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 380), de « posséder son corps ». Mais cette possession/dépossession ne s’exerce pas sans violence. Elles en arrivent parfois à agresser leur propre corps, à l’image ou réellement (scarifications, tatouages, piercing, régimes alimentaires drastiques, chirurgie esthétique, procréation médicalement assistée, bodybuilding, ablation du sexe, etc.) et célèbrent l’extérieur en le réifiant. Pour détruire le mythe médiatique du corps parfait auquel elles croient encore (parce qu’en désir, elles prétendent l’incarner !), un certain nombre de personnes homosexuelles pensent prendre leur revanche en se vengeant sur leur propre physique, soit par la science, soit par l’art (cf. le Body Art dans les années 1970). Elles dessinent les corps de leur désir sexuel : des chairs fragmentées, sanguinolentes, brûlées, tatouées, écartelées, diffusées comme un média (cf. l’article « Arts plastiques » d’Élisabeth Lebovici, op. cit., p. 46), éclatées, mythiques. Plus qu’un traitement du corps, il s’agit d’un travail sur la corporalité, sur l’idée de corps, car elles vident le corps concret de son aspect symbolique, de son âme. Beaucoup d’entre elles cherchent à éprouver leur corps parce qu’elles ne le/se sentent plus : c’est pourquoi elles empruntent souvent les chemins de la pornographie, de l’hyperréalisme camp, des drogues, et du sadomasochisme. La place des synesthésies dans leurs écrits est d’autant plus intéressante qu’elle montre implicitement que le contact qu’elles établissent avec le monde extérieur est souvent dévitalisé, se fait à travers la vitre du miroir jamesbondien.

 

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Code n°91 – Homosexuels psychorigides (sous-codes : Père tyrannique / Militaire / Femme-paon / Architecte / Maniaque de la propreté / Dictateur gay / Mappemonde)

Homosexuels psycho

Homosexuels psychorigides

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Le fascisme homosexuel… ou la discordance entre la fin et les moyens

 

PSYCHORIGIDES Char rose

 

Les entendez-vous, ceux que la haine d’eux-mêmes a parfois transformé en agressifs révoltés ? Moi, oui. Je les vois même très clairement. Ils arrivent, les dictateurs homosexuels et le totalitarisme arc-en-ciel, trônant sur des chars peinturlurés en rose (mais des chars quand même !), sous la bannière de la démocratie égalitiste (mais, je vous le demande, quel fascisme, tout au long de l’Histoire humaine, ne s’est pas valu de la « nature », de l’« amour », de la « différence », de la « tolérance », de l’« égalité », du « progrès », de la « fête », des « discriminations », pour s’imposer avec une incroyable violence ?), se plaçant sincèrement en éternelles victimes d’une société qu’ils haïssent et qu’ils cherchent à détruire, assoiffés de vengeance d’un faux/vrai viol qu’ils auraient/ont subi, mais surtout qu’ils ne dénoncent pas en tant que tel.

 

Ces despotes d’opérette plumés sont-ils une réelle menace pour la société ? Je ne le crois pas. Des haut-parleurs ne font qu’amplifier un message qui ne vient pas d’eux. Ils sont d’abord et surtout une menace pour eux-mêmes (c’est bien là le drame de leur fausse révolution). Et ensuite, pas de quoi diaboliser le fameux « lobby gay » non plus. Ce ne sont que les désirs homosexuel et hétérosexuel actés qui constituent une menace pour l’Humanité ; pas les personnes homosexuelles en elles-mêmes. Leur existence n’est que le signe d’une dictature qui les dépasse et qu’elles alimenteront comme des moutons si et seulement si elles s’adonnent à leur désir homosexuel. La communauté homosexuelle, qu’on peut aisément qualifier actuellement de mini-dictature (quand bien même elle soit composée de membres très variés), n’est que le voyant rose d’un totalitarisme social beaucoup plus étendu et dangereux que lui : l’idéologie homophobe, angéliste, asexualisante, matérialiste, individualiste, athée, sentimentaliste, désincarnée, de la bisexualité universelle obligatoire.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Parodies de mômes », « Homosexuel homophobe », « Androgynie bouffon/tyran », « Douceur-poignard », « Tout », « Hitler gay », « Reine », « Se prendre pour Dieu », « Se prendre pour le diable », « « Je suis différent » », « Différences culturelles », « Promotion « canapédé » », « Faux révolutionnaires », « Patrons de l’audiovisuel », « Bourgeoise », « Entre-deux-guerres », « Violeur homosexuel », « Milieu homosexuel infernal », « Parricide la bonne soupe », « Liaisons dangereuses », à la partie « Misanthropie » du code « Solitude », à la partie « Laverie » du code « Innocence », et à la partie « Fantasme pour le uniformes et les militaires » du code « Défense du tyran », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

La métamorphose de la victime innocente en bourreau révolté

 

Pierre et Gilles

Pierre et Gilles


 

Quand les êtres humains n’arrivent pas à se retrouver sur un relatif pied d’égalité, ce qui arrive toujours un jour ou l’autre, chacun tient à l’égard des autres à la fois le rôle de bourreau et celui de victime. S’ils ne prennent pas conscience de ces deux masques qu’ils peuvent endosser du fait de leur liberté, et qu’ils choisissent de se vouloir éternellement victimes, ils ne se confesseront ni bourreaux ni finalement victimes, étant donné que leurs tendances de bourreaux leur interdiront d’élire pour destin une communion à celui de leurs victimes. C’est ce qui arrive à beaucoup de personnes homosexuelles, qui présentent les tyrans comme de gentils agneaux à prendre en pitié, et les victimes (qu’elles défendaient à l’origine) comme une impitoyable foule de monstres ricanants à ignorer/mépriser. Leur anti-conformisme de principe les amène à sacraliser ce qui est horrible, non parce qu’elles l’aiment vraiment, mais parce qu’elles s’imaginent que c’est diabolisé par les autres, donc désirable. La compassion homosexuelle pour le méchant, poussée à l’extrême, peut les conduire à la fascination des figures d’autorité qu’elles prétendent par ailleurs haïr. Dans leur adolescence, elles ont été très souvent éblouies par les leader de leur classe, ou bien par des grands hommes historiques (Louis XIV, Napoléon Bonaparte, Néron, Charles de Gaulle, etc.). Elles sont les premières à être profondément touchées par la blessure d’amour du mythique dictateur que tout le monde devrait éthiquement mépriser mais aussi saluer pour sa sincérité maladroite et blessée.

 

Comme les Hommes ne sont pas de la perfection dont elles avaient rêvée, elles préfèrent se rabattre sur celui qui est entier (quitte à ce que ce soit dans le mal !). Le mensonge sur la pureté est pour elles encore pire que la méchanceté affichée du tyran, qui, lui, a le mérite de jouer courageusement son rôle jusqu’au bout sans retourner sa veste. Elles vont donc très souvent vénérer/mépriser la trahison, en se montrant à elles-mêmes qu’elles peuvent héroïquement choisir pour modèle une personne qu’elles n’auraient (comme la « majorité ») a priori pas élu non plus, parce qu’elles se persuadent qu’elles se doivent d’être ouvertes, infidèles et anti-conformistes, y compris avec elles-mêmes ! Ainsi, à propos des nazis trahis en 1944 pendant la Libération par le peuple français qui avait auparavant collaboré avec eux, Jean Genet écrit en 1947 dans Pompes funèbres : « Ils ne furent pas seulement haïs mais vomis. Je les aime. » (cf. l’article « Physique de Genet » de Philippe Sollers dans le Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 41)

 

Si les personnes homosexuelles sont tentées de soutenir le tyran et de s’y identifier, c’est bien parce qu’inconsciemment et en fantasmes, elles se reconnaissent dans les drames personnels qu’il a/aurait vécus (despotisme parental, solitude de cour d’école, non-reconnaissance des talents, profonde déception du monde, etc.). Elles savent très bien qu’avant de devenir ce qu’il est, il a été victime (à commencer de lui-même !). Malheureusement, elles gardent souvent une vision figée et révolue du dictateur quand il était encore beaucoup plus victime que bourreau, sans la connecter à ce qu’il est devenu par la suite : une version plus dommageable du bouc émissaire.

 

Généralement, le tyran incarne le mal qu’elles désirent mais qu’elles détestent assez pour ne pas l’imiter : le louvoiement avec le totalitarisme ou le terrorisme ne restera qu’un jeu ironique « second degré ». Par exemple, dans le roman À la recherche du temps perdu (1913-1927) de Marcel Proust, le baron Charlus se fait passer pour un espion allemand souhaitant passionnément la victoire de l’Allemagne, plus pour provoquer le chauvinisme ambiant que par conviction personnelle. Mais le problème, c’est que beaucoup de personnes homosexuelles ne maîtrisent pas autant leur jeu auto-parodique qu’elles le souhaiteraient, car elles ont pris le tyran en sincérité et en esthétique. C’est la raison pour laquelle elles vont parfois défendre concrètement les tyrans modernes. « Redevenir gendarme, chasser le voleur, consoler la victime. Subitement, je voudrais pratiquer l’abus de pouvoir par personne ayant autorité. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 44)

 

Le soutien mutuel entre homosexualité et dictature n’est pas toujours qu’une mise en scène sortie des cerveaux soucieux de cultiver l’amalgame entre homosexualité et monstruosité. Parfois, elle a été réalité. Comme le signale très justement Reinaldo Arenas, écrivain cubain incarcéré en tant qu’« homosexuel » dans les prisons de Fidel Castro, s’il y a bien une chose qui a développé la répression sexuelle à Cuba, ce fut précisément la libération homosexuelle : « Je crois franchement que les camps de concentration homosexuels et les policiers déguisés en jeunes hommes obséquieux pour débusquer et arrêter les homosexuels ne contribuèrent qu’à un développement de l’activité homosexuelle. » (Reinaldo Arenas, Antes Que Anochezca (1992), pp. 132-133)

 

L’amour entre le monarque et son mignon efféminé est historiquement connu (Edward II et Piers Gaveston, Louis XIII et son favori Charles Albert de Luynes, Hitler et Ernst Röhm ou bien Arno Breker, Napoléon Bonaparte et sa « Tante Urlurette » Cambacérès grâce à qui l’homosexualité ne fut jamais condamnée par le Code Civil, Pétain et sa « Guestapette » Abel Bonnar, Nelson Mandela et son chauffeur Cecil Williams, Louis II de Bavière et son mignon Ludwig, Staline et le frêle Arménien Mikoyan, etc.). Les tyrans qui ont le plus persécuté la communauté gay étaient particulièrement entourés de personnes homosexuelles. Dans le cercle politique proche de Fidel Castro, par exemple, Reinaldo Arenas atteste qu’il y a eu de nombreux hommes homosexuels (Armando Valladares, Alfredo Guevara, etc.). Rien que si nous regardons le gouvernement de Tony Blair en 1998, nous pouvions compter sur seize ministres quatre hommes homosexuels (Chris Smith, Ron Davies, Nick Brown, et Peter Mendelson), ce qui n’est pas une petite moyenne ! Beaucoup de personnes homosexuelles font partie de l’entourage proche des puissants. Fréquemment, homosexualité et Jet Set ne font qu’un. « Nous sommes un peu comme le Dom Juan de Molière : nous avons développé une morale progressiste, mais nous, nous sommes toujours du côté des maîtres. » (Patrice Chéreau cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 109)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles connaissent mieux que quiconque les mécanismes des systèmes dictatoriaux. Le seul problème, c’est qu’au lieu de les dénoncer, elles les adorent. Elles sont ces enfants des « démocraties » actuelles, qui, par manque de combats, cautionnent des systèmes répressifs qu’elles vomissent et pourtant attendent. « L’homo democraticus entretient vis-à-vis du despotisme un rapport ambigu : il l’exècre mais regrette aussi sa disparition. À la limite, il semblerait presque inconsolable de ne pas être opprimé : alors, faute d’ennemis réels, il s’en forge des imaginaires ; il se délecte à l’idée qu’il vit peut-être vraiment sous une dictature, que le fascisme va lui tomber du ciel, perspective qui le remplit de crainte autant que d’espoir. » (Pascal Bruckner, La Tentation de l’innocence (1995), p. 135) Tout ce qui fait le décorum à paillettes dissimulant l’horreur du totalitarisme les époustoufle, les captive et les désarme. Par exemple, elles soutiennent artistiquement le kitsch, l’art totalitaire par excellence. Certaines se sont concrètement agenouillées devant les beaux soldats allemands, ce paquet cadeau doré de la dictature nazie – nombreux sont les intellectuels et les artistes homosexuels à avoir rempli les rangs des collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale –, et expriment parfois leur amour-répulsion pour le régime nazi, à la fois dans l’humour camp, mais aussi très sérieusement : « Je ne peux pas m’empêcher d’avoir pour Hitler une admiration pleine d’angoisse, de peur et de stupeur » déclarera André Gide dans son journal au 20 août 1940. Par exemple, au générique de son film « Passion » (1964), Yasuzo Masumara écrit le mot passion à côté d’une énorme croix gammée rouge : difficile d’être plus clair…

 

Dès que la corrélation entre homosexualité et totalitarisme est faite, cela provoque généralement un tollé dans la communauté homosexuelle. « Problème sociologique : pourquoi tant de pédérastes chez les collaborateurs ? » s’interroge Jean Guéhenno (cf. l’article « Écrivains et collaboration » d’Emmanuel Pierrat, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 123). Certains intellectuels évacuent presque systématiquement le lien de coïncidence par le rejet pourtant justifié du lien de causalité. « Il est évident qu’il y avait des homosexuels parmi les nazis ou, inversement, des nazis parmi les homosexuels, mais cela ne signifie rien en soi. L’idée d’un lien intrinsèque entre adhésion au nazisme et orientation homosexuelle est si paradoxale… » (cf. l’article « Nazisme » de Michel Celse, op. cit., pp. 334-338) Ils s’imaginent qu’ils fuient l’extrémisme d’où ils viennent, en choisissant celui qui lui est opposé. En réalité, ils passent souvent d’un fondamentalisme à un autre, de l’extrême droite à l’extrême gauche. Nous ne serons pas étonnés de lire André Gide écrire dans Morceaux choisis (1921) que « les extrêmes le touchent ».

 

Il y a quelque chose d’incompréhensible dans le soutien homosexuel au totalitarisme, une attitude de défense/déni comparable à celle du personnage de Molina dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) face au film nazi « Destino », ou au refus de Manuel Puig de prendre connaissance du contenu du livre de Susan Sontag sur le campC’est comme si j’en avais peur, ou peur de prendre conscience de certaines choses dont j’ai seulement l’intuition, ou peur de ne pas être d’accord et de sentir qu’elle tripote des choses que j’aime. », Manuel Puig à Emir Rodríguez Monegal, « El Folletín Rescatado, Entrevista A Manuel Puig » (1972), dans la Revista De La Universidad de México, vol. XXVII, n°2, octobre 1975, pp. 25-35) : une curieuse fascination qui refuse de se rendre intelligible. Cette attraction homosexuelle vers la dictature suit majoritairement une logique esthétique et intentionnelle plus qu’une dialectique d’amour et de Réalité. Vous connaissez sûrement la fameuse citation de Pascal : « Qui veut faire l’ange fait la bête ». Quand les personnes homosexuelles ne prennent pas conscience de la nature totalitaire et idolâtre de leur désir homosexuel, parce qu’elles confondent l’humilité avec l’humiliation, la Vérité avec la sincérité, ou bien l’autorité avec l’autoritarisme, il arrive qu’elles cherchent à imiter en actes l’image du tyran qu’en intentions elles prétendent sincèrement combattre. Ainsi, une minorité d’entre elles peut passer insensiblement de la douceur à la violence, autrement dit de « pédale douce » à « pédale dure », comme l’a filmé Gabriel Aghion.

 
 

Les Dictateurs homosexuels : César, Néron, Hitler, Mao, Fidel, Staline, Oussama, and Cie

 

Au départ, on donnerait le bon Dieu sans confession à ces crèmes d’Hommes ultra-sensibles homosexuels qu’un rien ne semble ébranler. Et voilà qu’au bout d’un moment, en vivant avec eux, nous les voyons parfois se transformer en petits despotes insupportables. Ceci est illustré dans l’iconographie homo-érotique par la présence des personnages homosexuels psychorigides, exerçant quelquefois le métier d’architecte, détestant ce qui n’est pas carré, rangé, propre ou absolument pur. Certaines personnes homosexuelles deviennent ces « dames de fer » que décrit Yongyooth Thongkonthun, qui nous font bien rire sur le moment alors qu’elles devraient plutôt nous inquiéter sur la durée. Marguerite Duras n’avait pas tort de dire qu’elle voyait « dans l’apparente douceur de l’homosexualité une provocation à la violence » (Marguerite Duras citée dans l’article « Marguerite Duras » de Louis-Georges Tin, sur le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin., p. 137). Il n’est pas anodin d’observer au théâtre qu’une des astuces pour incarner au plus près un rôle de délicieux méchant est de cultiver une préciosité masculine, donc une homosexualité. Iconographiquement, l’homme-paon caressant, le versant masculin de la femme-paon – personnage de cabaret très présent dans la fantasmagorie homosexuelle – symbolise parfois le dictateur. Sur scène et au cinéma, les artistes homosexuels interprètent souvent des rôles de dictateurs ou de méchants crapuleux. Les dictateurs à l’écran sont à maintes reprises montrés comme homosexuels.

 

Ces images rejoignent une certaine réalité fantasmée. Souvent dans l’histoire humaine, le dictateur et la personne homosexuelle ont fusionné concrètement. Par exemple, dans les années 1930, le régime nazi est touché de plein fouet par la découverte d’un foyer important de personnes homosexuelles au sein des Sections d’Assaut (Hitler en fait exécuter cent cinquante le 30 juin 1934 pendant la Nuit des Longs Couteaux) : leur représentant le plus connu est Ernst Röhm. Même si de fameux dictateurs ont persécuté les personnes homosexuelles, ils étaient contre toute attente eux-mêmes homosexuels. « En contradiction avec ses propres pratiques, Mao Zedong ordonna la persécution des homosexuels et instaura la peine de mort pour sodomie. » (Michel Larivière, Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997), p. 236) Ceux qui ont vécu les camps de concentration sont formels : beaucoup de leurs tortionnaires nazis étaient homosexuels (Aimé Spitz cité dans l’essai Les Oubliés de la mémoire (2002) de Jean Le Bitoux, p. 93). Le goût de Benito Mussolini pour l’Antiquité et sa fascination des beaux athlètes (pensez au Stadio dei Marmi qu’il a fait construire pour le dixième anniversaire de la Marche sur Rome) ou bien d’Hitler pour les beaux sportifs ne font aucun doute. « Toute la mystique hitlérienne était fondée sur l’homosexualité. » (idem, p. 194 ; voir également l’article « Hitler était-il homosexuel ? » dans la revue VSD, du 17 au 23 octobre 2002, pp. 63-65) Lothar Machtan a consacré un ouvrage entier à l’homosexualité d’Hitler dans sa biographie La Face cachée d’Adolf Hitler (2001). Cette thèse déchaîne bien évidemment les foudres de la communauté homosexuelle actuelle (cf. l’édito « Hitler et les talibans » de Thomas Doustaly, dans la revue Têtu, n°60, novembre 2001). À quoi bon montrer qu’Hitler était homosexuel ?, s’indigne-t-elle. Cela ne rajoute rien à l’horreur du personnage, et de surcroît, ne fait que charger inutilement la barque des personnes homosexuelles et convaincre l’opinion publique que l’homosexualité produit des dictatures et des monstres. On peut difficilement soutenir une telle affirmation. À mon sens, il importe peu que l’hypothèse soulevée par le livre de Lothar Machtan soit avérée ou non, puisque, même s’il est fort probable qu’Hitler a été une personne homosexuelle refoulée (quand on lit en intégralité la longue biographie en deux tomes (1999) rédigée par l’historien Ian Kershaw – un ouvrage complètement neutre sur la question de l’homosexualité du « Führer » –, il ne fait aucun doute en effet que la vie d’Hitler comporte de nombreuses coïncidences de l’homosexualité relevées dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels), il est impossible d’assurer qu’il était l’incarnation humaine de « l’homosexuel » ou de « la personne homosexuelle » étant donné que ces deux personnages sont au mieux des mythes, au pire des réalités fantasmées que personne n’arrivera jamais à devenir complètement. C’est précisément le refus de la probabilité qu’Hitler ait pu être homosexuel, non pas parce qu’il était entièrement homosexuel mais simplement du fait de son humanité, qui est inhumain et homophobe. Comme le souligne très finement Gerald Messadié dans sa préface de la biographie La Face cachée d’Adolf Hitler (2002) de Lothar Machtan, « ce menteur dissimulait non pas un vice, mais ce qu’il était contraint de tenir pour un vice : son homosexualité. D’où son inhumanité » (pp. 7-8). Messadié soutient l’idée selon laquelle le rapport idolâtre d’attraction-haine concernant le désir homosexuel, c’est cela qui est inhumain et monstrueux, et non l’homosexualité en elle-même. Reconnaître les tendances homosexuelles d’Hitler, c’est finalement rendre l’homosexualité beaucoup plus humaine et moins monstrueuse que de la nier dans l’angélisme et la diabolisation d’un être humain historiquement figé au rang de « non-personne ». L’anti-fascisme homosexuel est une autre forme de négation du désir homosexuel. Il conduit tout autant à la dérive totalitaire et homophobe que le despotisme montré en tant que tel dans les manuels d’Histoire.

 
 

Le lobby gay :

la dictature Rainbow souriante

 

Qu’en est-il aujourd’hui de la communauté homosexuelle et de cette fusion entre dictature et homosexualité ? Ne concerne-t-elle que les fascismes du passé ? Bien évidemment que non, puisque le désir homosexuel, lui, ne change pas, et est indéfectiblement attiré par le viol, la violence, et le totalitarisme.

 

Si pendant des siècles les personnes homosexuelles rasaient les murs ou bien habitaient secrètement les palaces, maintenant, elles s’exposent de plus en plus au grand public, et se s’organisent sous forme d’un lobby conquérant, motivé, fier de ce qu’il est, soucieux de tourner la page à un passé diabolisé. Ce n’est qu’après avoir posé les bases d’une dictature communautaire minoritaire que le ghetto gay cherche à s’étendre mondialement, d’une part pour extérioriser ses embarrassants problèmes internes, et d’autre part pour assurer sa survie. Certaines personnes homosexuelles tentent de créer une nouvelle dictature, d’autant plus invisible et violente qu’elle s’affiche comme une anti-dictature.

 

La minorité « culturelle » homosexuelle actuelle offre une version peu ou prou similaire des anciens totalitarismes du début du XXe siècle. L’Histoire humaine nous montre que de tout temps il n’y a pas eu une seule dictature qui ne se soit pas revendiquée de la démocratie, du progrès, de la justice, de la liberté, et de l’amour, pour asseoir son redoutable humanisme. Les fascismes traditionnels des années 1920-1940 se caractérisaient idéologiquement par le paternalisme, le nationalisme, la négation du pluralisme social, le militarisme, le culte de l’unité et de l’autorité, l’interventionnisme dans la vie privée des individus, le conservatisme religieux, une politique économique d’inspiration corporatiste, etc. Mais chez les terrorismes contemporains (dont la communauté homosexuelle fait souvent partie), nous identifions exactement l’arsenal des anciens fascismes, cette fois remplacé par sa caricature inversée : le matriarcat, la toute-puissance de ceux qui s’étiquettent victimes, le culte du divertissement et de la jouissance orgasmique, l’individualisme infantilisant, l’égalitarisme uniformisant, la « contre-culture » (Michel Foucault, Dits et écrits I (2001), p. 1250) assénant comme poncifs le relativisme culturel et l’acceptation des différences (celles-ci seront généralement niées), le néo-paganisme, l’internationalisation anti-patriotique, la célébration d’un Homme nouveau (« l’homosexuel » dans le cas de la communauté homosexuelle) reposant sur la diabolisation d’un autre Homme nouveau présenté comme préhistorique (« l’hétérosexuel » ou « l’homophobe »), le remplacement des traditions par des mythologies historicistes archaïsantes, l’apolitisme encourageant le développement des extrêmes et « la tyrannie d’une majorité de minorités » (Michel Schneider, Big Mother, Psychopathologie de la vie politique (2002), p. 290), l’anti-totalitarisme moralisant (celui-ci est « le fondement de la censure d’aujourd’hui », comme l’a souligné avec pertinence Élisabeth Lévy dans son essai Les Maîtres Censeurs (2002), p. 19), le rejet systématique du personnalisme politique et du capitalisme libéral pour prescrire un capitalisme permissif et hédoniste fondé sur la libre concurrence et la compétition à outrance (avec à la tête de ce nouveau système « anti-hiérarchique » un roi/reine bourgeois invisible – l’androgyne – que les masses cherchent à imiter collectivement et à détruire symboliquement pour le rendre réel).

 

Afin de s’imposer, les fondamentalismes actuels font de principes humanistes tout à fait défendables quand ils sont vraiment mis en application (le respect des autres, l’acceptation des différences, la défense des victimes, le partage, la tolérance, le partage égalitaire, etc.) des mots d’ordre qui dictent le Bien et le mal, et qui permettent à ceux qui s’annoncent sous des hospices apparemment démocratiques de se ranger dans le camp qu’ils auront imposé comme « bon » pour se venger d’ennemis imaginaires diabolisés, et se transformer en petits despotes. Par exemple, à force de vouloir à tout prix, pour reprendre les termes de Bertrand Delanoë, « marteler que la diversité est une source inépuisable d’enrichissement collectif » (cf. la préface du Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2002) de Didier Éribon, p. 7), la communauté homosexuelle en oublie parfois que seuls le respect et la douceur et peuvent laisser aux différences reconnues leur espace d’expression et d’existence. L’accueil des différences, la promotion de la diversité : très bien. Mais à une condition : que soient respectées ces deux notions fondamentales de la Réalité qui lui sont concomitantes : l’unité et l’identité. Sinon, la défense totalitaire des différences nous entraîne vers l’uniformité, paradoxalement au nom de la lutte contre l’uniformel par la vénération poétique de différences abstraites. Nous ne reconnaissons rien et n’unissons rien si nous ne dissocions pas. Par l’emploi du terme flou d’« égalité » (mot absolutisé par les militants homosexuels qui nous parlent souvent d’« égalité totale », « absolue », « pleine »), on remarque une confusion récurrente et dangereuses entre la notion d’« égalité de droits » (légitime à demander, comme nous l’apprennent les Droits de l’Homme) et celle d’« égalité des identités » (illégitime puisque nous sommes chacun et chacune uniques, différents, et n’avons pas les mêmes besoins). C’est ce qui explique que Xavier Lacroix définisse à juste raison l’argument de l’égalité, devenu la marotte du militantisme homosexuel actuel, comme un « rouleau compresseur », un disque uniformisant et diabolisant la légitime hiérarchisation induite par nos préférences et nos distinctes réalités/besoins.

 

Il est clair que depuis un certain temps, les membres de la communauté homosexuelle n’arrivent pas la fleur au fusil, même si en apparence, ils annoncent les couleurs. Dans l’emblème choisi par les personnes homosexuelles pour les représenter – le fameux Rainbow Flag (le drapeau arc-en-ciel) –, nous retrouvons l’idée de fascisme, avec la décomposition colorée du spectre de la lumière blanche (rappelons que le mot fascisme provient du romain fascio qui signifie « faisceau »). Plus ça va, et plus nous percevons au loin des bruits des bottes et les roulements de tambour de leurs petits soldats de bois : les armées cinématographiques ou musicales « gay » se multiplient dans les fictions homo-érotiques. Leurs chants deviennent de plus en plus belliqueux (« Allons, allons, gays enfants de la patrie, le jour de gloire est bientôt arrivé… », cf. le slogan inscrit sur la pochette de la série de courts-métrages « Courts mais gays » tome 8, 2004) et leurs discours se radicalisent. « Uraniens de tous les pays, unissez-vous ! » (cf. le documentaire-fiction « Race d’Ep » (1978) de Lionel Soukaz et Guy Hocquenghem) Nous les entendons nous prévenir qu’« il faut se méfier des minorités silencieuses » comme la leur (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 30). Même si les militants homosexuels assurent dans un premier temps que leur démarche se situe bien « loin d’une quelconque volonté subversive et révolutionnaire » (cf. l’article « San Francisco » de Cyril Royer, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2002) de Didier Éribon, p. 418), à d’autres moments, ils parlent le plus sérieusement du monde de l’extraordinaire horizon civilisationnel dont ils seraient les dignes représentants : « On voit les immenses possibilités qui s’offrent à nous et nous emportent bien loin des recherches menées en biologie sur le clonage et autres technologies de la reproduction. Nous sommes à un tournant de l’histoire. Depuis la découverte de la pilule et la maîtrise de la fécondité par les femmes elles-mêmes, plusieurs choix s’offrent à nous. Le développement des techniques reproductrices, et leurs insolubles conflits éthiques (comment refuser le ‘progrès’ ?), mais aussi la possibilité de donner d’autres buts à la sexualité que la reproduction. Aujourd’hui, ce n’est plus la survie des sociétés qui est en jeu, mais celle de la planète. Il va falloir réorienter la libido autrement, vers un nouveau rapport à la nature, aux animaux, à l’environnement. Après le matriarcat il y eut le patriarcat. Et après le patriarcat, qu’est-ce qu’il y aura ? Une nouvelle civilisation que nous pouvons déjà pressentir à travers les motivations de nos désirs profonds. » (Marie-Jo Bonnet, Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004), p. 129) Dans leur discours, ils passent en deux temps trois mouvements de la victimisation à la menace expansionniste mégalomaniaque, comme l’illustrent ces propos d’un étudiant français de Sciences Po : « C’est bien de dire ‘Oui, il y en a partout’. Maintenant, on va vous montrer qu’en effet y’en a partout. Et que ces homos parfois qui vous font tant peur, ils arrivent sur le marché du travail et pas n’importe lequel. Et que c’qu’on nous a pas donné, on va peut-être le prendre. Donc s’il s’agit d’avoir un p’tit peu peur pour certains, pourquoi pas ? En tout cas, on arrive, ouais. » (Alex, un témoin homosexuel, dans l’émission Zone interdite, sur la chaîne française M6, en mai 2000) Même si c’est d’abord par l’image que se manifeste le terrorisme, l’objectif de certains est de créer une force politique intimidante dont les personnes transsexuelles seraient les « redoutables » porte-drapeaux : « Ce qu’il faut maintenant, c’est réussir à effrayer à nouveau les gens. Ils se sont habitués aux drags. C’est la seule chose qui m’inquiète. Il faut trouver de nouveaux trucs. » (John Waters dans le documentaire « God Save The Queens », à la Nuit gay de Canal +, le 23 juin 1995)

 

Conjointement à la demande d’indifférence mutuelle et à la consolidation souterraine, viennent l’exigence de l’ouverture internationale de la communauté homosexuelle et une évangélisation musclée. Les réunions associatives de ses adhérents s’achèvent souvent par des conclusions dignes des grands meeting politiques du Parti Communiste : « Courage mes frères ! La lutte continue ! » (cf. le slogan venant clore le débat sur l’homoparentalité organisé au barLe Cargo d’Angers en 2002) Le lexique du combat y est omniprésent. Des mots d’ordre concis font figure de programme politique. Par exemple, dans le premier numéro de la revue Têtu (juillet 1995), la consigne de l’édito est plus que claire : « Soyez têtus ! » L’appel à l’action s’accompagne de l’idée de dette patriotique : « Maintenant que nous avons fait notre travail et lancé Têtu, à vous de confirmer que la communauté gay et lesbienne existe. » L’identité homosexuelle regarderait tout le monde. Mieux : elle serait tout le monde ! La communauté homosexuelle prend appui sur la fameuse légende qui stipule qu’il y aurait forcément dans tout groupement humain au moins 10% de personnes homosexuelles, pour justifier son prosélytisme mondial. « Il ne faut pas libérer l’homosexuel ; il faut libérer l’homosexuel qu’il y a en chacun ! » (cf. le slogan du groupe Eros en Argentine, dans les années 1970) Elle insiste sur l’urgence de l’action, par exemple dans les milieux scolaires, en se rendant déjà coupable de non-assistance à personnes en danger si elle ne fait pas ce que lui ordonnent ses larmes intérieures. « Ne pas aider les jeunes gays et lesbiennes à accepter leur homosexualité, c’est les livrer à l’homophobie de leurs copains, à l’angoisse d’être différents, voire à la tentation du suicide… C’est surtout manquer gravement à l’éducation affective et sexuelle des adultes de demain. Il y a urgence : les récents actes homophobes nous le rappellent. » (cf. l’article « L’Homosexualité à l’école : Faut-il en parler ? », dans la revue DJ Actu, avril 2004, n°109, p. 3) Il est déjà trop tard pour agir (il aurait fallu prendre « les homos » au berceau…), donc à présent, il s’agit de limiter la casse… et de faire vite ! « Action = Vie » comme dirait Act-Up. Certains militants gay font de leur cas une généralité, de l’exception un exemple, une priorité politique nationale, mais paradoxalement dans une perspective non-universelle, individualiste. C’est là toute la contradiction/l’hypocrisie de leur combat. Le fait de se persuader d’être homos les pousse à en voir partout, ce qui explique qu’ils ne peuvent que penser leur combat pour l’acceptation de l’homosexualité comme juste et majoritaire, même si intellectuellement, ils restent attachés à l’idée de minorité vivant en autarcie en dessous et surtout au-dessus des autres.

 

À l’extérieur, ils mènent donc une politique expansionniste à travers diverses actions militantes. Rien qu’en France, ils investissent tous les terrains sociaux imaginables : scolaire, associatif, sexuel, économique, religieux, ethnique, professionnel, universitaire, etc. Il faut le reconnaître : la communauté homosexuelle est une franc-maçonnerie comme une autre, avec ses ramifications. Elle possède ses propres librairies, entreprises, musées, villes, quartiers, rassemblements, Jeux Olympiques, etc. Que ce phénomène de lobbying à l’américaine s’explique par une oppression sociale ou un instinct de survie ne change rien à cet état de fait : le sentiment d’exclusion conduit n’importe quel groupe à des unions créant des réseaux de pouvoir. À tous les « paranos » qui les soupçonnent de fomenter un coup d’État mondial, certaines personnes homosexuelles répondent en pouffant nerveusement de rire que le « lobby gay » n’existe pas. Mais, comme au bout d’un certain moment, elles ne peuvent pas nier qu’il y a bien une activité associative homosexuelle relativement importante, elles finissent parfois par avouer à demi-mots que le lobby homosexuel existe très certainement, mais tout de suite après, elles embrayent sur la justification de sa présence par de jolis principes démocratiques et la victimisation, en soutenant qu’il ne dépassera jamais en importance et en cruauté le « lobby non-homosexuel » et qu’il procède d’un processus logique de résistance. « Évidemment, il existe un lobby gay, comme il existe un lobby franc-maçon ! Il est normal qu’une minorité qui a été opprimée s’entraide et se serre les coudes ! » (Pierre Bergé dans l’article « Y a-t-il une culture gay ? », sur la revue TÉLÉRAMA, n°2893, le 22 juin 2005, p. 18) La maxime tacite pour justifier l’établissement d’une force politique gay est donc que la fin (= rendre justice aux victimes que seraient les personnes homosexuelles) justifie les moyens. À partir de là, les membres actifs des commandos homosexuels ne considèrent pas les méthodes expéditives qu’ils mettent en place (zap, dying, interruption de messes, opérations « coup de poing » dans les lieux publics, entartages, outing, Marche des Fiertés, interventions en milieu scolaire, etc.) comme des atteintes à la liberté d’autrui puisqu’elles seraient nées des intentions les plus pures.

 

Face à ses ennemis, la communauté homosexuelle sait parfois se montrer plus subtile et souriante pour s’imposer. Elle pratique une forme démocratique du totalitarisme : la simulation émotionnelle du sacrifice solidaire. Toute bonne croisade se justifie par le prétexte de la libération des victimes, mais aussi des bourreaux, « dominés eux-mêmes par leur domination » (cf. l’article « Hétérosexisme » de Louis-Georges Tin, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003), p. 210). Même si certaines personnes homosexuelles pensent qu’elles détestent « les hétéros », elles ont quand même la prétention d’être plus charitables qu’eux : elles ne désirent pas les écraser complètement comme eux les ont/auraient jadis soi-disant écrasées, histoire de bien leur montrer que rien n’égalera leur inhumanité. En fin de compte, leur élan vers les personnes dites « hétérosexuelles » n’équivaut pas à un geste de pardon, mais plutôt à un accueil condescendant. Elles les utilisent souvent à des fins pédagogiques et publicitaires. Par exemple, elles aiment montrer des modèles de personnes « homophobes » repentantes faisant leur mea culpa larmoyant devant les caméras en se frappant la poitrine pour toutes les injustices qu’elles leur ont/auraient infligées. Dans certains films, nous assistons à de véritables mises en scène de l’apprentissage : ce sont les personnages homosexuels, en bons maîtres, qui donnent une leçon d’humanité au pseudo « hétérosexuel » aveugle qui recouvre miraculeusement la vue : nous en trouvons une belle illustration avec la scène d’écoute de Maria Callas dans le film « Philadelphia » (1993) de Jonathan Demme. Les militants homosexuels, loin de dénigrer leurs opposants réactionnaires, s’émeuvent à les utiliser pour la propagande, à les convertir. Par exemple, l’article de Libération composé des lettres d’insultes envoyées à Noël Mamère après le mariage de Bègles (cf. l’article « Homophobes en toutes lettres » de Blandine Grosjean, dans le journal Libération, le 22 juin 2004) finit par la remarque attendrissante et insipide d’une mamie de 83 ans (« La démocratie, c’est de ne pas condamner et ne pas s’occuper de la vie privée des gens quand ils ne font de mal à personne. ») … comme pour prouver aux « vieux cons hétérosexuels » qui la lisent qu’il existe parfois des exceptions de « vieux cons » dont ils peuvent exceptionnellement faire partie (s’ils restent sages et obéissants, bien sûr !).

 

Certes, parler de dictature en ce qui concerne la communauté homosexuelle peut paraître excessif, voire paranoïaque, quand dans la réalité, les personnes homosexuelles sont loin de faire numériquement l’unanimité dans les sociétés où elles vivent. Mais ne nous y trompons pas. Un désir totalitaire de domination peut exister à l’état de fantasme, avec ou sans réalisme, et donc tout à fait émaner d’une minorité, surtout celle qui a actuellement une influence non négligeable dans le monde des symboles sociaux, et donc des désirs collectifs à échelle nationale et internationale. À mon avis, il convient d’ouvrir l’œil sans catastrophisme, de surveiller que la minorité culturelle homosexuelle reste dans des sentiers démocratiques, et de ne pas baisser nos exigences concernant les personnes homosexuelles, non pas parce qu’elles seraient potentiellement dangereuses en elles-mêmes, mais parce qu’elles méritent ces exigences du fait de notre commune humanité, et de leur liberté.

 
 

Faut-il avoir peur du Gay Power ?

 

Tout au long de mes écrits sur les liens non-causaux entre désir homosexuel et viol, j’ai essayé de montrer en quoi beaucoup de personnes homosexuelles, en cherchant à tout prix à être innocentées d’un crime qu’elles ont/auraient subi, sont devenues parfois bourreaux des autres et surtout d’elles-mêmes. Comme l’affirme à juste raison Frédéric Martel dans son essai Le Rose et le Noir (1996), « la dictature de la majorité n’est pas plus enviable que la dictature des minorités. » (p. 713) En apparence, elles ne sont donc pas du tout à plaindre par rapport à des Hommes plus désemparés qu’elles, matériellement du moins. Cependant, je crois qu’elles font partie d’une nouvelle catégorie de personnes violées, non moins importante que les vrais miséreux ou les laissés-pour-compte audiovisuels, puisqu’elle se compose de victimes qui ignorent qu’elles le sont à force d’espérer se substituer aux autres. Elles sont pauvres de la « pauvreté d’Occident » dont parle Mère Teresa, celle qui se subit en se choisissant, et qui concerne le manque de désir du Désir. Elles ont apparemment tout pour elles, mais il leur manque l’essentiel : le manque et l’acceptation de celui-ci. C’est pourquoi elles sont définies à juste titre par Gian-Luigi Simonetti comme des « martyres à la fois symboliques et réels » (cf. l’article « Pier Paolo Pasolini » de Gian-Luigi Simonetti, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 307). Elles ne maîtrisent pas leur identification à la victime et au bourreau cinématographiques, et actualisent parfois imparfaitement sur elles-mêmes ces deux personnages, de manière souvent inconsciente et violente. Leur entreprise de destruction est dirigée essentiellement vers elles-mêmes. Voilà le drame. « Cet isolement, c’est une sauvagerie, rien d’autre. Oui, une barbarie. Mais inoffensive. À la fin, ça ne détruira que moi. Ce qui m’attend, c’est de me consumer, de m’annuler. » (Leo, l’un des personnages homos du roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson, p. 66) Si elles ont vengé leur sexe en ordonnant l’assassinat – symbolique et parfois réel – de l’homme (dans le cas des femmes lesbiennes), ou de la femme (pour les hommes gays), le prix de la rébellion sociale par la transgression sexuelle qu’elles ont malgré tout désirée est souvent l’isolement. C’est une réalité déplaisante à voir : beaucoup de personnes homosexuelles relativement âgées se retrouvent finalement toutes seules, sans enfants, sans compagnon de vie, parfois après des années de bons et loyaux services pour la cause gay. Elles préfèrent ne pas se retourner sur leur passé par peur d’éprouver le vertige existentiel qui les a menacées depuis les premiers jours de la découverte de leur liberté. À travers leurs mots, elles expriment souvent un cri semblable à la plainte de Molina dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, celle de l’enfant qui en elles ne demande qu’à naître : « Et ma vie, quand est-ce qu’elle commencera ? Quand est-ce que ce sera mon tour d’avoir quelque chose à moi ? » (p. 239)

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) Le père militaire :

 

PSYCHORIGIDES douche

 

Avant de se durcir et de choisir la voie du despotisme, le héros homosexuel montre des antécédents familiaux qui semblent l’avoir prédestiné. Il est en effet fréquent de voir que son père ou/et sa mère se sont comportés en tyrans, ou bien ont exercé le métier de militaire. On trouve la figure du père tyrannique dans le roman Adrienne Mesurat (1927) de Julien Green, le film « Le Cercle des poètes disparus » (1989) de Peter Weir, le roman Dream Boy (1995) de Jim Grimsley, le film « Postcards From America » (1994) de Steve McLean, le film « Dorian Blues » (2005) de Tennyson Bardwell, le film « Une Famille allemande » (2004) d’Oskar Roehler, le film « Footing » (2012) de Damien Gault (le père de Marco est un gendarme à la retraite), la pièce The Importance To Being Earnest (L’importance d’être Constant, 1895) d’Oscar Wilde (avec le père de Jack qui est lieutenant-colonel), etc. « Comme mon père, j’ai horreur d’avoir tort. Mais comme cela n’arrive jamais, je suis finalement très sociable. » (Jarry dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « C’était un militaire, un homme dur. » (Joe en parlant de son père, dans la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner) ; « Mon père voulait que je devienne militaire de carrière. » (Damien, le travesti M to F, dans la pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, le père de Chance est militaire : ses enfants l’appellent même « chef ». Dans le film « Le Jupon rouge » (1986) de Geneviève Lefebvre, Manuela est traitée de « fille de fasciste ». Dans la pièce très autobiographique Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, le père de l’héroïne lesbienne, Vanina, est policier militaire, et a participé au régime de la junte militaire de 1976-1983 en Argentine. Dans le film « Catilina ou le venin de l’amour » (2012) d’Orest Romero, Catalina, fils d’un ancien militaire propriétaire d’un supermarché, décide de se faire passer pour son père pour conquérir Marcus, un jeune garçon qui vient d’être embauché. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Lefteris Christopoulos, le père de Dany (le héros homosexuel) et de son frère Ody serait un homme politique d’extrême droite. Dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson, le beau Vincent raconte que la première fois qu’il a couché homosexuellement, c’était dans un coin reculé d’une plage, à l’âge de 15 ans, avec un homme de 20 ans, Sébastien, qui s’est fait sauter la cervelle un an après avec l’arme de service de son père qui était gendarme. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, le Père 2 (homosexuel) de Gatal (homo lui aussi) écoute de la musique militaire (fanfares) bien fort dans l’appartement… et ordonne à son fils de devenir dur comme lui : « Tu vas me faire le plaisir de t’endurcir, mon fils ! » Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, Stéphane, le père de Nathan, est un CRS. Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Monsieur Groff, le proviseur du lycée de Moordale, est le père d’Adam, l’un des héros homosexuel : il est très froid avec son fils, ne lui témoigne aucune affection, et lui rappelle sans cesse l’ordre : « Tu connais les règles. » (c.f. épisode 1 de la saison 1).

 
 

b) Le comportement de vieux gars tyrannique et inflexible :

Film "The Colonel's Outing" de Jacqui Stanford

Film « The Colonel’s Outing » de Jacqui Stanford


 

Le manque d’amour et de tendresse parentale peut avoir des retombées sur le caractère du héros homosexuel, qui pour le coup devient un « vieux garçon » irascible, qui ne supporte pas de se plier à d’autres désirs que les siens : cf. le film « Oublier Chéyenne » (2004) de Valérie Minetto (avec le personnage de Chéyenne), le film « Une Affaire de goût » (1999) de Bernard Rapp (avec le personnage de Frédéric), le film « Rien sur Robert » (1998) de Pascal Bonitzer (avec Michel Piccoli en écrivain misanthrope et caractériel), le film « Personne n’est parfait(e) » (1999) de Joel Schumacher (avec le personnage de Walt Koontz), le film « Jan-Ken-Senso » (1971) de Shuji Terayama, le film « Menmaniacs » (1995) de Jochen Hick, le film « Crush, le Club des Frustrées » (2001) de John McKay, le film « Au secours, j’ai 30 ans ! » (2004) de Marie-Anne Chazel (avec l’homo vieux gars), le film « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ! » (1982) de Coline Serreau, le film « Swimming Pool » (2002) de François Ozon (avec la rigide romancière Sarah Morton), le film « Dirty Talk » (2012) de Jeff Sumner (avec Nathan, le prof d’anglais secrètement homo et plutôt conservateur), la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco (avec Édouard, le héros gay, homme politique de droite, refoulant son homosexualité et montré comme guindé), le film « Indian Palace » (2011) de John Madden (avec Graham, le magistrat rigide et homosexuel), etc.

 

Lui ou bien son entourage le décrit comme un garçon manquant de souplesse, transi de peurs et de complexes : « Ça fait des années qu’on parle : il est psychorigide. » (Manu par rapport à Philippe, dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq) ; « J’suis insomniaque, psychorigide, maniaque. » (l’un des personnages homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Ta belle-fille est d’extrême droite ? Sois pédé ! » (cf. un couplet de la chanson « Sois pédé » de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Pierre est un vieux garçon, homosexuel. » (Lili dans la pièce Le Clan des joyeux désespérés (2011) de Karine de Mo) ; « Nous, les fiottes, aussi aigres que des griottes, aussi raides que des balais de chiottes… » (les quatre personnages homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Elle [Gabrielle] sait que de tout temps, on l’a considérée comme une femme dure, autoritaire, inflexible et, bien que parfois il lui soit arrivé d’en souffrir, elle en retire aujourd’hui le délicieux bénéfice d’avoir su protéger ses sentiments. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 14) ; « D’ailleurs, je suis facho. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 345) ; « J’ai des acouphènes en avion. » (Jean-Paul, le pédé bourgeois du film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier) ; « La musique ethnique… une de tes spécialités… comme la musique militaire. » (Michael parlant à son pote Emory, homo comme lui, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « J’ai jamais vu un mec qui avait l’air aussi propre sur lui et qui était autant bordélique. » (Polly parlant de son meilleur ami gay Simon, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 13) ; « Claude ne sait exister que dans la colère. » (Mike par rapport à Claude, son amie lesbienne, op. cit., p. 107) ; « Tu es absolument paranoïaque. » (Michael, le héros homosexuel s’adressant à son coloc gay Harold, un vieux gars précieux, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Efficacité allemande typique » (Jane se moquant de la maniaquerie de Petra son amante, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 91) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Norbert, le compagnon de Victor, est un vieux gars, ultra-organisé, ingénieur en poêles à frire, coincé, ordonné, ne voulant jamais sortir, regardant Thalassa chaque vendredi soir. Dans le film « Como Esquecer ? » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino, Julia, l’héroïne lesbienne, décrit son meilleur ami homo Hugo, comme « un tyran » ; elle-même apparaît aux yeux de ses proches comme une femme inflexible, « tendue », intello. Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, on dit de Jason, l’un des deux héros homosexuels, qu’il est un « petit tyran » (p. 461) : « Dans son obsession du contrôle il avait besoin de prévoir l’imprévisible jusque dans ses moindres détails. » (p. 377) D’ailleurs, Colette, l’héroïne qui lui fait office de grand-mère, l’encourage à être plus flexible, car visiblement, il a du mal à (se) faire confiance : « De la superficialité, bon sang de bonsoir ! De la souplesse ! » (p. 462) Dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, tous les personnages sont intraitables, orgueilleux (par force ou par faiblesse) : en particulier le personnage de Vincent Garbo, l’arrogance incarnée du séducteur froid (« Vincent Garbo se réserve jusqu’au bout le droit d’écarter les gêneurs. », p. 18), ainsi le personnage d’Emmanuel Montier, vieux gars qui n’a toujours pas « baisé à trente-trois ans » (p. 151), qui a « la manie du rangement des désordonnés profonds » (p. 152). Dans la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, Christophe, le « copain d’un soir » du héros homo, a voté Le Pen en 2002. Dans le film « Minuit à Paris » (2011) de Woody Allen, les artistes lesbiennes Gertrude Stein, Djuna Barnes…) sont présentées comme des femmes à poigne, capables d’être désagréables. Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Georges est officier ministériel, notaire, obéissant aux règles et aux protocoles. Dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki, Stella est taxée de « gouine coincée » par Thor. Dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum, le mathématicien homosexuel Alan Turing est un homme inhumain, autoritaire, asocial, se mettant tout le monde à dos : « Plus insupportable que ce type, ça n’existe pas. » (le flic s’adressant à l’inspecteur de police à propos de Turing) Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, est décrit comme invivable : « Quel insupportable bonhomme ! » s’exclame Helmer.

 

Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, les deux membres du couple homo, Franz et Léopold, se transforment l’un au contact de l’autre en despotes car ils n’osent pas s’avouer qu’ils n’ont rien à faire ensemble et qu’ils s’insatisfont : Franz a des troubles obsessionnels de femme au foyer (« Il y a encore quelque chose qui ne va pas !! » « Dois-je faire encore quelque chose ??? »), il tourne en rond dans l’appart, et ne sait pas comment contenter son amant Léopold ; quant à ce dernier, il manipule complètement son cercle libertin – composé d’Ana, de Véra et de Franz – et ne fait pas secret de sa rigidité : « Je suis toujours aussi épouvantablement nerveux. »

 

Dans le film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, le danseur et chorégraphe homo Rudolf Noureev est montré comme un génie parce qu’inflexible, intraitable et maniaque. C’est un peu hallucinant. Par exemple, il fait une scène dans un restaurant de luxe spécialisé dans la gastronomie russe, parce qu’il refuse de manger de la viande avec de la sauce au poivre… : « Je déteste la sauce !!! ». Il pique une crise pour que son amie Clara Saint se plaigne auprès du restaurateur à sa place.
 
 

c) Esprit de conquête et orgueil :

Film "Avant la nuit" de Julian Schnabel

Film « Avant la nuit » de Julian Schnabel


 

Le mal-être existentiel du héros homosexuel peut prendre chez lui la forme de l’orgueil offensif : « J’étais Marlon Brando. Un vieil homme qui avait de la classe et de la cruauté. Un vieil homme irrésistible, généreux, impitoyable, sanguinaire. » (Omar après avoir tué son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 168) ; « Ce costume n’a pas assez d’ampleur. Je voudrais une traîne de 2 mètres. Et une capeline avec une violette qui me couvre jusqu’aux chevilles. Je parlerai à l’intérieur dans un micro. Je serai trop intimidée. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Quand je prends une décision, je suis pire que Napoléon. » (cf. la chanson « No Hay Marcha En Nueva York » du groupe Mecano) ; « J’aime soumettre. J’aime imposer. » (Simone dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) ; « Je n’admets pas qu’on menace mes résolutions. » (cf. la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer) ; « J’aime pas quand on m’impose un truc. » (Pierre, le héros homosexuel de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Je suis un homme hyper nerveux. » (la figure d’Anton Tchekhov, dans la pièce Anton, es-tu là ? (2012) de Jérôme Thibault) ; « Tu n’as pas le goût du pouvoir ? » (Horacio s’adressant à Silvano qui ne se laisse pas draguer par lui, dans la pièce La Vie est un tango (1979) de Copi) ; « Cocteau est décidément une brute, un saligaud ! » (Érik Satie dans la pièce musicale Érik Satie… Qui aime bien Satie bien (2009) de Brigitte Bladou) ; « C’est Claude que je trouve minable. Elle ne sait exister que dans la colère. » (Mike, le narrateur homosexuel parlant de son amie lesbienne, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 107) ; etc.

 

Le héros homosexuel a tendance à tenir le discours de la conquête (en général la conquête par la voie de la séduction). C’est le cas par exemple dans la pièce Dialogue aux enfers (1864) de Maurice Joly, avec l’ambigu et diabolique Machiavel cherchant à convaincre Rousseau. C’est parfois le feu dévorant de son amour passionnel et possessif qui pousse le protagoniste à se braquer : cf. le film « Charlotte dite ‘Charlie’ » (2003) de Caroline Huppert (avec l’envahissante et rigide Charlotte), le film « Je te mangerais » (2007) de Sophie Laloy (avec Julie en proie aux griffes d’Emma, son oppressante colocataire), le film « Intrusion » (2007) d’Artemio Benki, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec Stella et la vénéneuse Lorelei), etc. Dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1971) de Rainer Werner Fassbinder, plus Petra prétend aimer Karin, plus elle entre dans la spirale du despotisme. Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, le pasteur Ralph, marié avec enfants, fait des prêches d’autant plus virulentes qu’il masque sa pratique homosexuelle privée. Dans le film « Avant la nuit » (2000) de Julian Schnabel, Johnny Depp joue deux rôles différents, celui de Bonbon le travesti M to F puis celui du lieutenant inflexible et homophobe. Dans la série House of Cards, Kevin Spacey, homosexuel, joue le président des États-Unis.

 

Photo Le Festin des Barbares de Rancinan

Photo Le Festin des Barbares de Rancinan

 

En amour comme en société, le protagoniste homosexuel prétend avoir tous les pouvoirs : « C’est bien le curieux de la nature humaine qui porte souvent plus d’intérêt à la conquête qu’à ce qui pourtant déjà existe, si beau, dans sa maison. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 70) ; « Malgré les bonheurs que Marie me donnait tous les jours, ce bel amour simple ne me suffisait déjà plus. Cette inclination que j’ai pour la conquête est sans doute le pire. Je me sens toujours amoureuse du plus difficile, de l’impossible même, et donc condamnée à n’être jamais comblée. » (idem, p. 204-205)

 

Par exemple, dans le roman Le Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, Suzanne, l’héroïne lesbienne, évoque « sa tendance à tout régenter » : « La seule différence entre maintenant et ma lointaine enfance, c’est que je domine plus subtilement. J’ai acquis du savoir-faire. » (p. 25)

 

Certains personnages homosexuels sont attirés par le terrorisme : cf. le film « Hantise » (1998) de Jan De Bont, film « Tu marcheras sur l’eau » (2005) d’Eytan Fox (avec les attentats contre les néo-Nazis), le film « Matador » (1985) de Pedro Almodóvar, le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde (Dorian Gray, par sa beauté, inspire la « terreur » à Lord Henry), le one-woman-show Femmes de pouvoirs, pouvoirs de femmes (2013) d’Océane Rose-Marie, etc. « Je voulais une panique. Je voulais que ça flambe et que les gens aient vraiment peur. » (Julien Brévaille, le personnage homosexuel incendiaire du roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 136)

 
 

d) L’architecte :

Le personnage homosexuel est tellement soucieux de tout contrôler dans sa vie et ses amours qu’il exerce souvent le métier d’architecte : cf. le film « It’s My Party » (1996) de Randal Kleiser, le film « Le Tuteur » (1996) de Fabien Onteniente, le film « Un de trop » (2000) de Damon Santostefano, le film « Cat People » (« La Féline », 1942) de Jacques Tourneur, le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, le film « Le Vent de la nuit » (1998) de Philippe Garrel, la pièce Le Roi Lune (2007) de Thierry Debroux, le film « Hammam » (1996) de Ferzan Ozpetek (avec le film Francesco), le film « Poséidon » (2005) de Wolfang Petersen, le film « Un Couple presque parfait » (2000) de John Schlesinger, le film « La Souris » (1997) de Gore Verbinski, le film « Clara Es El Precio » (1975) de Vicente Aranda (avec Juan, l’architecte homosexuel), le film « You Belong To Me » (2009) de Sam Zalutsky, le film « Les Biches » (1967) de Claude Chabrol (où le jeune architecte Paul est au centre de l’amour lesbien entre Why et Frédérique), le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford (Jim, le copain de George, était architecte), la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (avec le personnage de Jean-Luc), la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset, le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta (où Luther, l’un des héros homos, est architecte), le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier (avec Kim, l’héroïne lesbienne, qui est présentatrice télé et anime une émission d’architecture Des Maisons et des Hommes), le film « Frauensee » (« À fleur d’eau », 2012) de Zoltan Paul (avec Kirsten, la maîtresse de Rosa, qui est une architecte de renom), le téléfilm « Ich Will Dich » (« Deux femmes amoureuses », 2014) de Rainer Kaufmann (avec Marie, l’héroïne lesbienne architecte), l’épisode 91 « Retour vers le futur : 1998-2018 » de Joséphine ange gardien (avec Ismaël, l’ange gardien gay), etc. « Si un architecte a bâti une maison et qu’elle s’écroule, entraînant la mort de celui qui l’habite, l’architecte sera mis à mort. » (Laura à son amante Sylvia, dans le roman Deux femmes (1975) de Harry Muslisch, p. 88) ; « J’adore l’ARCHITECTURE de la bibliothèque. » (Bosley dans le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest, p. 45) ; « Il est architecte. Il va faire l’architecte. » (Sara en parlant de son fils gay Malik aux tantes de ce dernier, dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « J’étais chez Marmeladi. […] Il m’a dit qu’avec le temps tu étudieras l’architecture. En tout cas, tu as des dons pour ce qui est décoratif. Tu as de la chance. » (Mirna à Ernestito, homosexuel, dans l’autobiographie Folies-Fantômes d’Alfredo Arias, p. 267) ; « À l’époque, je rêvais d’être architecte. » (Damien, le héros travesti M to F parlant de son enfance, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) ; « Les architectes adorent le cinéma. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Smokrev revint fréquemment dans la boutique. Il achetait toujours quelque chose : un jour une collection de gravures sur l’architecture viennoise, le lendemain, une biographie des compositeurs d’opéras italiens, etc. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 299) ; « Restez, ordonna Smokrev avec une sévérité efféminée. » (idem, p. 481) ; « J’voulais faire une école d’archi… mais faut le bac pour ça. » (Victor, le héros homosexuel ado, qui finira à l’âge adulte par devenir architecte, dans le téléfilm Fiertés de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; « En fait, je suis architecte. » (Tareq, le héros homosexuel syrien, dans le film « A Moment in the Reeds », « Entre les roseaux » (2019) de Mikko Makela) ; etc.

 

Par exemple, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Ronit, l’héroïne lesbienne, cherche à provoquer des convives à un dîner, en leur annonçant abruptement son homosexualité par l’entremise d’un mensonge : elle fait croire qu’elle a « une amante architecte imaginaire » (p. 140) : « En fait, je suis lesbienne. Je vis avec ma compagne à New York. Elle s’appelle Miriam. Elle est architecte.’ Ce n’est pas vrai. Ça n’a jamais été vrai. J’ai connu une Miriam, il y a longtemps, mais nous n’avons pas vécu ensemble. Quant à l’architecte, c’était une autre femme. » (p. 123)

 

Dans la pièce The Mousetrap (La Souricière, 1952) d’Agatha Christie (mise en scène en 2015 par Stan Risoch), Christopher Wren, le héros homosexuel hyperactif, est architecte et dit qu’il doit son nom au célèbre architecte du même nom. Ce jeune homme est présenté comme « un jeune architecte très prometter qui a conçu la Cathédrale de Saint Paul à Londres ». Pour la petite histoire, l’acteur qui joue l’architecte dans le film « Titanic » (1997) de James Cameron, Victor Garber, est gay. Dans le téléfilm nord-américain The Christmas House (Duel à Noël chez les Mitchell, 2022) de Rich Newey, Jake, le mari de Brandon, est architecte.

 
 

e) Maniaque de la propreté :

Major Weldon dans le film "Reflets dans un œil d’or" de John Huston

Major Weldon dans le film « Reflets dans un œil d’or » de John Huston


 

Par ailleurs, un certain nombre de personnages homosexuels se montrent hyper maniaques et obsédés par la propreté : cf. la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer (avec Simone, la maniaque du rangement), le film « La Ley Del Deseo » (« La Loi du désir », 1986) de Pedro Almodóvar (avec le personnage hypocondriaque et hygiéniste d’Antonio), le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston (avec l’inflexible major Weldon, homosexuel très refoulé, ventant les mérites d’un monde aseptisé), la pièce Attachez vos ceintures (2008) de David Buniak (avec le vendeur en prêt-à-porter), le film « Les Derniers Aventuriers » (1969) de Lewis Gilbert (avec les lesbiennes auto-stoppeuses agressives et obnubilées par la propreté), la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy (avec le couple homosexuel déguisé en femmes de ménage maniaques de la propreté, les « Blues Brosseuses » : « On nettoie tout, tout, tout. ») ; « Personne n’a une porte de vestiaire aussi nickel que toi, Romain ! » (Martial se moquant de Romain, le héros homosexuel, dans la B.D. Pressions & Impressions (2007) de Didier Eberlé, p. 11) ; « Il était conscient de cet arôme qu’il dégageait […], mais cela allait-il jusqu’à la hantise, jusqu’à la propreté maniaque ? » (Jean-Marc par rapport à son amant Michael, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 223) ; « C’est un cauchemar, la ligne 13… Et puis l’odeur… C’est une horreur. » (Samuel Laroque dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « Sylvia présenta bientôt les symptômes d’une manie de nettoyage. » (Laura à propos de son amante Sylvia, dans le roman Deux femmes (1975) de Harry Muslisch, p. 121) ; « J’aime être propre : avant et après. […] La douche, c’était le grand moment. » (Eloy, le prostitué homosexuel, un fou des douches, et racontant ses habitudes en amour, dans le film « Esos Dos » (2012) de Javier de la Torre) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier, Jean-Paul, le prototype du pédé nouveau riche bobo, pro-humanitaire en théorie mais pas du tout en pratique, refuse de quitter son petit confort bourgeois pour partir à l’étranger accompagner le couple lesbien dans sa démarche d’adoption : « T’as plongé dans cette eau dégueulasse ??? » Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, Anamika, l’héroïne lesbienne, se bat pour que les femmes s’épilent sous les aisselles. Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, lorsque le héros raconte son deuxième « plan cul », il dit qu’il est tombé sur un mec qui lui a fait prendre une douche avant de faire l’amour parce que « c’était plus hygiénique », et qui l’a fait languir pendant un long moment parce qu’il a lui aussi pris une douche interminable : il est tombé sur un véritable « Monsieur Hygiène ». Dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H., Jonathan est ultra-maniaque, veut toujours avoir une haleine fraîche, est très sensible aux odeurs : « Pourvu qu’il y ait pas d’odeur… » dit-il après avoir chié juste à côté de son copain. Dès le début de la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Bernard, le héros homosexuel, débarque sur scène avec son plumeau rose qu’il passe dans tout l’appartement. Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, Jacques, l’écrivain homosexuel quinquagénaire, évoque « son obsession pour le rangement, le ménage ». Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Frankie, le héros homosexuel, a du mal à se tenir droit, et à rester droit… si bien qu’il se croit atteint de vertiges et de signes physiques montrant qu’il est malade du Sida. Son hypocondrie le pousse à voir des risques de contagion partout. Il se scrute sans arrêt la peau dans le miroir pour y voir des taches. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca, homosexuel, est très à cheval sur l’hygiène. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, l’un des héros bisexuels, est un maniaque de la propreté. Il fait d’ailleurs de régulières rencontres troublantes avec Rémi dans une laverie.

 

Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Rudolf, l’un des héros gays, autrichien, est un homme maniaque : il aspire méticuleusement la poussière sur chacun des livres de sa bibliothèque, vénère les principes (il parle de « son obsession des règles » et sort cette maxime : « L’ordre, c’est la beauté. »), se présente comme quelqu’un d’intransigeant (« Je suis très rigoureux et organisé. »). Ses amis homos Nicolas et Gabriel apprennent à faire avec : « C’est moi ou sa peine de cœur le rend encore plus psychorigide ? » demande Nicolas ; ce à quoi Gabriel lui répond « Il est un peu névrosé, c’est tout ».

 

Chez l’homosexuel fictionnel, la faute de goût ou de « savoir-vivre » peut être décisive dans le choix ou l’abandon de l’amant : « J’aime qu’elles sachent manger. […] Le test de la table sert à donner des indications sur la sensualité. » (Suzanne en parlant de ses amantes, dans le roman Le Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 237) ; « J’ai l’amour de la netteté et de la fraîcheur. Or, la vulgarité des hommes m’éloigne ainsi qu’un relent d’ail, et leur malpropreté me rebute à l’égal des bouffées d’égouts. » (Renée Vivien, La Dame à la Louve (1904), p. 24) ; « C’est pas que je sois obsessionnel mais chez moi, c’est ‘no concession’ sur la propreté ! » (Jarry dans son one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman)

 
 

f) Le militaire homosexuel :

Film "East West Palace Palais" de Zhang Yuan Zhang Yuen

Film « East West Palace Palais » de Zhang Yuan Zhang Yuen


 

Souvent, dans les fictions homo-érotiques, le militaire ou le flic est homosexualisé, présenté comme une grande tapette : cf. le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari (avec le flic voyeur en train de se rincer l’œil en observant les coïts homos dans les docks), le one-man-show Le Comte de Bouderbala (2014) de Sami Ameziane (avec le flic homo), le film « Cibrâil » (2010) de Tor Iben, la chanson « La Folle du régiment » de Michel Sardou, la pièce Les Z’héros de Branville (2009) de Jean-Christophe Moncys (avec l’amour entre les deux militaires, le colonel Crevard et le Vieux Con), la série Les Bleus, premiers pas dans la police (2006-2010) d’Alain Robillard (avec Kévin et Yann, les deux flics en couple), le film « Freier Fall » (« Free Fall », 2014) de Stéphane Lacant (avec le couple de CRS à l’allemande, Engel et Marc), le film « Hard » (1998) de John Huckert, le film « Túnel Russo » (2008) de Eduardo Cerveira, le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill (avec Kettle, le militaire homo efféminé), le film « Pauline » (2009) de Daphné Charbonneau (avec Pauline, l’héroïne lesbienne déguisée en soldat marin), la pièce L’Homosexuel et la difficulté de s’exprimer (1971) de Copi (avec Garbenko et Pouchkine, les militaires à la sensibilité de jeune fille), le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe (avec les deux flics « homos » ; l’un finit par se prendre à son rôle), le film « L’Immeuble Yacoubian » (2006) de Marwan Hamed (avec le flic militaire homo), la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali (avec Frédérique policière lesbienne), le film « Mambo Italiano » (2003) d’Émile Gaudreault (avec Nino, le policier homosexuel), le film « Fiesta » (1995) de Pierre Boutron (avec le colonel Masagual, un officier franquiste pédéraste), le sketch du « Colonel » de Pierre Palmade, la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim (avec le lieutenant Kalashnikov), le roman La Nuit du décret (1981) de Michel del Castillo (avec le policier franquiste homo), le film « Haltéroflic » (1982) de Philippe Vallois (avec le personnage du flic homo), le film « Sergent » (1967) de John Flynn, le film « Magnum Force » (1973) de Ted Post (avec les quatre policiers fascistes), le film « Y’a plus de trou à percer » (1971) de J. Johnsone (avec le policier homo), le film « La Bidasse » (1982) d’Howard Zieff, le film « Colonel Redl » (1985) d’Istvan Szabo, le film « Spionage » (1955) de Franz Antel, le film « Les Hommes de sa Majesté » (2001) de Stefan Ruzowitzky (avec l’équipe travestie de soldats américains), le film « Operación Gonada » (2000) de Daniel F. Amselem (avec le militaire fasciste et homo), le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie (avec l’adjuvant Diaz, homosexuel homophobe), le film « La Perm » (1990) d’Eytan Fox (avec le lieutenant macho), le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet (avec le flic homo), la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd (avec le couple des deux flics gay Wilcox et Zielinsky), le film « Nous étions un seul homme » (1978) de Philippe Vallois, le film « Caballeros Insomnes » (« Les Chevaliers insomniaques », 2012) de Stefan Butzmühlen et Cristina Diz (avec le jeune policier homosexuel, Juan), la chanson « Marcel » de Bobby Lapointe (dans laquelle « faire le coup du légionnaire » se réfère à la sodomie), la chanson « Mathématiques souterraines » d’Hubert-Félix Thiéfaine (avec la flic lesbienne), le film « Private Romeo » (« Soldat Roméo », 2011) d’Alan Brown (Huit cadets sont livrés à eux-mêmes dans un camp d’entraînement militaire), la série In Traitement (2008) de Rodrigo Garcia (avec Alex, le policier militaire gay), le roman Une Histoire d’amour radioactive (2010) d’Antoine Chainas (avec les deux flics homos), le film postiche « Servir et protéger » dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz (avec les deux militaires Dany et Billy), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee (avec Wilma, le flic travelo), le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs (avec les deux flics homos en uniforme, Ted et Roberto, qui vivent en couple), la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand (avec l’adjuvant qui est un homme travesti, portant des talons hauts et du rouge à lèvres), etc.

 

Film « Honeypot » (2010) de Nghi Huynh

 

« Les deux chefs des armées russe et américaine [les amiraux Smutchenko et Smith], assez semblables entre eux, blonds, s’avancèrent se tenant par le bras. Deux interprètes du sexe féminin brunes les suivaient. » (Copi, La Cité des Rats (1979), p. 113) ; « Jane se demanda s’il était homo. » (Jane, l’héroïne lesbienne face à un policier, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 151) ; « Je rêve d’être policier. » (Frank, le héros homosexuel, dans le film « Glückskinder », « Laissez faire les femmes ! » (1936) de Paul Martin) ; etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale Frankenstein Junior (2012) de Mel Brooks, Ziggy, l’homosexuel de service, est le bras droit du gendarme boiteux. Dans la nouvelle « Mémoires d’un chiotte public » (2010) d’Essobal Lenoir, deux flics, nommés Pastis et Pandrax (un duo de vigiles de la brigade du S.A.C.Sécurit Alarme Cabinet) s’envoient en l’air dans des toilettes publiques : « Nos deux superflics s’embrassaient sur la bouche à la russe. » (p. 91) Dans le film « 30° Couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue, le flic au commissariat martiniquais se travestit. Dans le film « Un Héros très discret » (1995) de Jacques Audiard, le Capitaine plaque tout pour suivre un bel Américain : « Il s’appelle Marlon, il a 20 ans, il vient de Virginie, il est beau comme un char d’assaut. Il me fait découvrir le jazz et le charme violent des armées victorieuses. Ah, Albert, l’amour, l’amour ! » Dans le film « Pas si grave » (2002) de Bernard Rapp, Leo est troublé par le beau policier espagnol qui, le soir venant, se travestit dans un cabaret. Dans le roman La Conjuration des imbéciles (1981) de John Kennedy Toole, le premier homosexuel qu’Ignatius, le héros, voit dans le quartier français de la Nouvelle-Orléans est marin : pour lui, c’est la preuve que tous les militaires sont des homos.

 

Le militaire gay est souvent une projection du héros homosexuel lui-même, qui lui attribue ses propres fantasmes de dictature et de luxure. On le voit très clairement dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, quand Timofeï, le héros découvrant son homosexualité, s’imagine, pendant qu’il est en voiture, un agent de la circulation lui faire de l’œil. Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella, l’une des deux héroïnes lesbiennes, traite le flic Tommy de « suceur de bites ». Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, sont filmées des soirées « Nuit de la Police » SM où tous les clients homos sont déguisés en flics, en Nazis ; et les flics se font traiter de « pédés » par les travestis (à raison parfois car certains se font passer pour des policiers sur les lieux de drague homo pour « tirer leur coup » incognito…). Dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa, l’héroïne lesbienne, compare le flic qui l’arrête en bagnole à un viril chanteur des Village People. Dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau, sur les lieux de drague homo, et notamment les gares, Jean, le héros homosexuel, fait semblant de « faire flic » pour se prostituer et détrousser ses amants de passe.

 

Bien des personnages homosexuels se voient dans la peau d’un militaire ou d’un policier (figure parfois allégorisée par une femme fatale incestueuse) : « La femme démente avec une tenue incroyable… c’est la police. » (cf. une réplique de la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand) ; « J’étais devenu flic pour retrouver ma mère. » (Steven, l’un des héros homos du film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa) ; « J’me serais très bien vu en militaire. » (Zaza Napoli dans la pièce La Cage aux folles (1973) de Jean Poiret) ; « Pédépolis : tout le monde est gay, même la police. » (l’un des personnages homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Salut les gouines ! » (Anthony Kavanagh saluant deux femmes flics, dans son one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out, 2010) ; « Je veux devenir un playboy professionnel […] j’entrerai dans l’armée. […] Ce sera que pour fréquenter l’école militaire. Pour m’entraîner et avoir un corps magnifique. Je veux dire un corps rude et robuste comme le vôtre. » (Anamika, l’héroïne lesbienne, à Adit, le père de son meilleur ami, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 206) ; « J’m’en fous, j’suis goudou. » (la contractuelle dans « Very Bad Blagues » : Quand on prend une amende ») ; etc.

 
 

g) Le soldat-paon :

Le "Livre blanc" de Copi (Geraldas von Stroessner, ex-dictateur latino-américain)

Le « Livre blanc » de Copi (Geraldas von Stroessner, ex-dictateur latino-américain)

 

L’identification au despote orgueilleux se fait par le biais du sentiment amoureux esthétisé sous la forme d’un animal : le paon : cf. la couverture du premier album de Christophe Willem (où le chanteur apparaît déguisé en militaire bobo, entouré de plumes de paon), le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte (avec Michael, le chorégraphe despotique très plumé), le spectacle musical Yvette Leglaire « Je reviendrai ! » (2007) de Dada et Olivier Denizet, la couverture de l’album Histoires naturelles de Nolwenn Leroy, le roman Le Cri de l’ôtruche (2007) de Claude Gisbert, la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec la « dame à plumes »), la chanson « Mon truc en plume » de Zizi Jeanmaire, la pièce À trois (2008) de Barry Hall, le roman Les Paons (1901) de Robert de Montesquiou, la nouvelle Les Paons (1968) de Yukio Mishima, la pièce Morir Por Cerrar Los Ojos (1968) de Max Aub (avec la description du sergent-paon, se pavanant de manière très efféminée), le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet (et la Tata Louise autoritaire, avec « sa plume dans le cul »), le film « Œufs de l’autruche » (1957) de Denys de La Patellière, la pièce Les Œufs de l’autruche (1948) d’André Roussin, le film « Une Poule, un train et quelques monstres » (1969) de Dino Risi, le spectacle de marionnettes L’Histoire du canard qui voulait pas qu’on le traite de dinde (2008) de Philippe Robin-Volclair (avec les deux marionnettes plumées Édouard et Luigi), le tableau Messe en sol mineur (1972) de Jacques Sultana, le film d’animation « Là-haut » (2009) de Pete Docter et Bob Peterson (avec Kévin, l’homme-paon), le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot (avec Myosotis, l’homme-paon), la pièce La Cage aux folles (1973) de Jean Poiret (avec Jacob, le domestique, imitant le paon), le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, la pièce Dans la solitude des champs de coton (1987) de Bernard-Marie Koltès (à un moment, l’un des héros homos est comparé à une poule), le one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval, la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi (avec le Jésuite et sa plume de paon), le recueil d’illustration Un Livre blanc (2002) de Copi (avec Geraldas Von Stroessner, ex-dictateur latino-américain, s’attaquant à un paon), la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983) de Copi (avec les hommes portant des masques de plume dans la boîte gay), le one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba (avec la chambre de son héros homosexuel, Fayssal, avec « des plumes, des plumes partout »), la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier (avec Philippe qui fait le pompier-paon), le vidéo-clip de la chanson « It’s OK To Be Gay » de Tomboy, le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré (avec l’homme aux 100 yeux, qui se métamorphose en paon), le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson (avec les plumes de paon traînant dans les loges des danseurs homosexuels), le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder, la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet (c.f. le tableau du paon ou de l’autruche accroché au mur du salon), le film « Le Bal des 41 » (« El Baile de los 41 », 2020) de David Pablos (avec les paons peints sur le paravent de la maison d’Ignacio, ainsi que les plumes de paon sur la coiffe de la cantatrice gay travestie), le film « Miss » (2020) de Ruben Alves (avec le tableau final du concours de Miss France), etc.

 

Le "Livre blanc" de Copi

Le « Livre blanc » de Copi


 

Le totalitarisme du personnage homosexuel psychorigide s’annonce par la voie de la douceur du paon plumé, de la séduction caressante du travesti (cf. je vous renvoie au code « Douceur-poignard » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Il est tout mielleux et doucereux avant de frapper : « J’ai un pillow en plumes en forme de lune, en forme de dune, refais le geste. » (cf. la chanson « Appelle mon numéro » de Mylène Farmer) ; « Le huitième jour, une odeur de vanille fait surgir l’image de ta mère. Lorsque l’effluve s’agrémente d’un soupçon de bois de rose, l’image prend du relief. Statufié dans ton sommeil, tu jurerais qu’elle te fait face, que ses boucles noires titillent tes joues comme des plumes. » (cf. la description de la mère de Félix, le héros homosexuel, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 167) ; « Nous vîmes de notre cachette […] un thon à pieds de cochon et tête de mule, un éléphant à tête d’homme dont la trompe finissait par un ongle, un crapaud à queue de paon et tête de dinde, un griffon tel quel, une femme à queue et tête de kangourou portant un grand scorpion à tête de coq dans sa poche, et parmi eux le Dieu des Hommes avec les deux têtes du caniche et du fox-terrier à la place de la sienne, et une queue de lézard, et j’en passe des plus bizarres, telle une tortue de mer à tête de queue de poisson. » (Gouri décrivant le « Dieu des Hommes », dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, p. 135) ; « Je commence à m’arrêter de plus en plus souvent, dès que je vois une branche de libre. Et j’y trouve des gens qui me ressemblent, des camarades qui ont des muscles meurtris à force de voyager. Et je reste avec eux, piailler, sautiller, changer de branche quand le temps nous le concède. Alors il pleut souvent. Nos plumes deviennent grises. Alors, peu à peu, je viens chez vous. » (Copi, La Journée d’une rêveuse, 1968) ; « Goliatha, vous êtes une autruche ! » (« L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Personne n’est un paon royal. » (Cachafaz, l’un des héros homosexuel de la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Hier soir j’étais sorti de mon œuf… Je crois bien que c’était un œuf, alors ils m’ont dit : tu iras à la guerre ! […] Moi, la guerre, je n’en connaissais rien. Je ne savais même pas où ça se passait ! […] Alors je me suis mis à voler. J’y prends un plaisir fou […] moi je planais comme un dingue. […] Mais cette vie-là ça m’a fatigué vite. Je commence à m’arrêter de plus en plus souvent, dès que je vois une branche de libre. Et j’y trouve des gens qui me ressemblent, des camarades qui ont des muscles meurtris à force de voyager. Et je reste avec eux, piailler, sautiller, changer de branche quand le temps nous le concède. Alors il pleut souvent. Nos plumes deviennent grises. Alors, peu à peu, je viens chez vous.é (Copi, La Journée d’une rêveuse, 1968) ; « Le Marais, c’est un peu comme une grande ferme où y’a de la dinde en batterie. » (Samuel Laroque dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ?, 2012) ; « J’ai mis Mister Wren dans la chambre rose. Il aimait bien le baldaquin. » (Mollie à propos de Mister Wren, le héros homo, dans la pièce The Mousetrap, La Souricière (1952) d’Agatha Christie, mise en scène en 2015 par Stan Risoch) ; « Maman, quand je serai grand, je voudrais être un paon. » (Jarry dans son one-man-show Atypique, 2017) ; etc.

 

Film "Reflets dans un oeil d'or" de John Huston

Film « Reflets dans un oeil d’or » de John Huston


 

Par exemple, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval, après s’être comparés à des poules, Max panique auprès de son copain Fred face à la mère de ce dernier qu’ils ont comparée à un renard : « On va se faire plumer !!! » Dans le film « Ma vie avec Liberace » (2013) de Steven Soderbergh dresse le portrait de Liberace, un pianiste virtuose absolument tyrannique autant que doucereux avec ses amants qu’il infantilise et exploite en les traitant tôt comme des dieux (il dira « Mon Sauveur !!! » à Scott) tantôt comme des diables qui lui ont pourri la vie.

 

La « follitude » (la féminité fatale singée par le personnage homosexuel) est souvent appréhendée comme un instrument de pouvoir, de propagande, et de soumission :

 

Cyrille – « Pourquoi est-ce que vous ne m’appelez pas ‘maître’ ?

Le Journaliste – Je n’en ai pas l’habitude, maître.

Cyrille – Vous êtes intimidé ? Vous n’aviez jamais rencontré une folle sublime dans la vie privée ? »

(Copi, Une Visite inopportune, 1988)

 

Le personnage homosexuel s’identifie à la féminité psychorigide de la bourgeoise un peu facho : « Vous pensez que je suis folle, je suis juste sous l’emprise de mes hormones, je veux diriger l’empire des sens, être votre maîtresse à tous ! […] Oui, c’est ça dont on manque, de folie… de folles… Oui, c’est pour ça que moi je suis gay, voilà j’ai réussi à le prouver ! La folie, c’est la seule chose qui ne soit pas mondialisée. La folie c’est la véritable différence entre les gens, c’est la vérité. C’est quand on est fou qu’on est différent. La reine des folles, c’est moi ! Voilà ce qu’il nous faut : Une folle présidente ! » (la folle militante dans la pièce La Fesse cachée (2010) de Jérémy Patinier)

 

Par exemple, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, la Doctoresse Freud, une poupée que L. prénomme « Fraulein Freud », incarne un despotique transgenre : « Vous lui agrafez trois plumes d’oiseaux du paradis soutenues par un gros strass sur le front, comme si elle allait descendre le grand escalier des Folies Bergère ! » Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, la Téré, la directrice despotique de la volière, est définie comme un « oiseau qui chante, ou un paon qui se pavane ».

 

Harold, le cynique homo du film "Les Garçons de la bande" de William Friedkin

Harold, le cynique homo du film « Les Garçons de la bande » de William Friedkin


 

D’ailleurs, il n’est pas anodin que, très souvent dans les fictions homo-érotiques, ce soit les personnages transsexuels que l’on présente comme les « sublimes » instruments du terrorisme homosexuel : cf. le film « Dragzilla » (2002) de Lola Rock ‘N’ Rolla, le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot, la comédie musicale Big Manoir (2007) d’Ida Gordon et Aurélien Berda, le film « L’Honneur du dragon » (2005) de Prachya Pinkaew, le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, le film « Who’s Afraid Of Vagina Wolf ? » (« Qui a peur de Vagina Wolf ? », 2013) d’Anna Margarita Albelo, la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias (avec le Coryphée, cet homme travesti M to F, despotique et plumé), etc. Par exemple, dans la B.D. La Foire aux Immortels (premier tome de la Trilogie Nikopol) d’Enki Bilal, Jean-Ferdinand Choublanc, « Gouverneur de la cité autonome de Paris » est manifestement homosexuel : les adhérents au parti sont tous sans exception très fortement maquillés, il s’adresse à ses maquilleurs en les appelant « les filles » et à son intendant en l’appelant « chéri », intendant avec lequel il partage son bain.

 

Le transsexuel ou l’homosexuel efféminé joue souvent le rôle du cerbère terrorisant du ghetto homo censé s’étendre et convertir les autres protagonistes non-homosexuels : « Je suis comme une sorte de terroriste queer comme j’oblige les hommes hétéros de se rendre compte que tout le monde est pédé, quoi, parce que tout le monde bande pour n’importe qui. » (Cody, le héros homosexuel nord-américain s’adressant à son pote gay Mike, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 98-99) ; etc. Par exemple, dans la pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine, Damien, le travesti M to F, fait peur à son huissier Monsieur Alvarez quand il se travestit en « Brigitte ».

 
 

h) Le despote homosexuel :

Vidéo-clip de la chanson "Relax" de Frankie Goes To Hollywood

Vidéo-clip de la chanson « Relax » de Frankie Goes To Hollywood


 

Mais allons plus loin dans l’étude des dictateurs homosexuels, et observons les nombreux cas fictionnels d’homme de pouvoir qui sont présentés comme des homosexuels, ou qui le sont vraiment : cf. le vidéo-clip de la chanson « Trust Me » de Matt Zarley, le film « Bulldog In The Whitehouse » (« Bulldog à la Maison Blanche », 2008) de Todd Verow (avec le président des USA homosexuel), le film « Les Adieux à la reine » (2011) de Benoît Jacquot (avec Marie-Antoinette lesbianisée), le vidéo-clip de la chanson « Gay Bar » du groupe Electric Six (avec le président des USA homosexuel), l’opéra King Arthur (2009) d’Hervé Niquet (avec un Roi Arthur super efféminé), le vidéo-clip de la chanson « Tainted Love » du groupe Soft Cell, etc. « À la mairie de Paris, y’a vraiment beaucoup de pédés ! » (Laurent Violet dans le one-man-show Faites-vous Violet, 2012) ; « Ils [les hommes politiques] en sont tous. » (un des héros homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Le président se faisait sodomiser par le pape de l’Argentine » (la voix narrative du roman L’Uruguayen (1972) de Copi) ; « Les balles avaient été réalisées avec la peau des boules authentiques de Fidel Castré. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « L’Apocalypse des gérontes » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 131) ; etc. Je vous renvoie également à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran » ainsi qu’au code « Promotion « canapédé » » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Certains personnages homosexuels sont même des dictateurs : cf. le roman Les Maîtres du monde (1996) de Gilles Leroy, le film « The King » (1968) de Looney Bear, le film « King Girl » (1996) de Sam Miller, le film « Sacré Graal » (1974) de Terry Gilliam et Terry Jones (avec le prince Herbert), le film « Le Petit César » (1930) de Mervyn LeRoy (avec le personnage de Rico), le film « Marche triomphale » (1976) de Marco Bellocchio, le roman Les Aigles foudroyés (1997) de Frédéric Mitterrand, la chanson « Princes Of The Universe » du groupe Queen, le roman Le Monarque (1988) de Knut Faldbakken, la chanson « Les Gens stricts » du groupe Animo, le film « Blanche » (2001) de Bernie Bonvoisin (avec José Garcia en Louis XIV de pacotille), le film « The Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman (avec le « cruel » Dr Franck-N-Furter), le film « Tan De Repente » (2003) de Diego Lerman (avec Lénine et Mao, les deux héroïnes lesbiennes), le film « La Passion » (2004) de Mel Gibson (avec l’empereur Néron en grande tapette), le roman El Príncipe Que Quiso Ser Princesa (1920) d’Álvaro Retana, le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik (avec la figure du roi despotique), le film « Les Week-ends de Néron » (1956) de Steno, le film « Fiddlers Three » (1944) d’Harry Watt (avec l’empereur Néron en homosexuel), le dessin animé « South Park, plus long, plus grand et pas coupé » (1998) de Trey Parker (avec le couple gay Saddam Hussein/satan), le film « The Singing Forest » (2003) de Jorge Ameer, le film « Girl King » (2001) d’Ileana Pietrobruno, le film « La Racine du cœur » (2000) de Paulo Rocha (avec le dictateur nommé Caton), le spectacle d’imitations L’Électron libre (2008) de Dany Mauro (avec Sarkozy en talons aiguilles), le vidéo-clip de la chanson « Relax » du groupe britannique Frankie Goes To Hollywood (avec l’empereur décadent), le film « La Jeunesse de la bête » (1965) de Seijun Suzuki (avec le tyran homo), la photo Adam et Ewald (2008) de la photographe iranienne Sooreh Hera (représentant deux amants homosexuels talibans), le film « Fiesta » (1994) de Pierre Boutron (avec le tyran homo franquiste), le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot (avec Papito, le tyran homosexuel), la B.D. Batman (avec le méchant clown, fardé comme une folle), le film « Furyo » (1982) de Nagisa Oshima (avec le capitaine japonais homosexuel), la pièce Jules César (1599) de William Shakespeare, la pièce El General Poder (1960) de Copi, etc.

 

Par exemple, dans le film « Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ » (1982) de Jean Yann, Jules César (interprété par Michel Serrault) est plus attiré par ses gardes que par Cléopâtre. Dans son one-man-show Atypique (2017), Jarry, en policier du GIGN, porte une cagoule de Ben Laden. Dans le film « Serp I Molot » (1994) de Sergei Livnev, Staline promeut la transsexualité. Dans la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne (2008) de Witold Gombrowicz, Ignace, le monarque gay, fait des avances à son bras droit Chambellan. Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, le couple Catherine/Muriel est associé à l’improbable duo despotique Marie-Antoinette/Cléopâtre (p. 294), ou bien au couple Marc-Antoine/Louis XVI. Dans la pièce El Campo (1967), Griselda Gambaro aborde l’homosexualité refoulée de son personnage Franco. Dans son film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975), Pier Paolo Pasolini déguise les quatre dictateurs en folles ou en mariées. Dans les romans El Color Del Verano (1982) et El Palacio De Las Blanquísimas Mofetas (1982), Reinaldo Arenas décrit un Fidel Castro homosexuel fréquentant les pissotières. Dans la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco, John, la lesbienne asociale, se fait baptiser par erreur « Lénine » (« comme le dictateur » dit-elle) au lieu de « Lennon ». Dans le one-man-show Varón Mayor De 30 Años (2007) de Javier González Traba, le magicien compare sa femme à un Guardia Civil à moustache. Dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, Luc, le héros homosexuel a choisi pour pseudo Internet « Benito », comme Benito Mussolini. Dans la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner, Roy Cohn s’exprime comme un dictateur. Le roman Un Rajah blanc à Bornéo (2002) de Nigel Barley raconte la vie de Sir James Brook, homosexuel psychorigide, ayant pris le pouvoir sur l’île de Borné, et déchiré entre son statut de colon anglais méprisant et son appel à aimer physiquement l’étranger qu’il cherche à soumettre. Dans la pièce Lettre d’amour à Staline (2011) de Juan Mayorga, l’écrivain Boulgakov, sous l’emprise d’un Staline homosexuel, rejette sa femme Boulgakova, et ne ressent plus rien au lit avec elle : « Tu te sens coupable d’être avec moi plutôt qu’avec elle… » lui susurre Staline. Dans son sketch « Le 11 septembre », l’humoriste Dieudonné dévirilise les talibans ; il joue le rôle d’un Ben Laden haranguant les hommes de son commando kamikaze en les présentant comme des bisexuels refoulés : « On n’est pas des travelos, les mecs ! » ; « Pourquoi y’aurait pas des hommes ? 50/50 ? » Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, appelle au téléphone son amant Brice qui ne le reconnaît pas tout de suite, alors ça l’agace, et il se fait passer cyniquement pour Vladimir Poutine : « Tu pensais que t’allais tomber sur quoi ? Poutine ?! Non, désolé, il a piscine. » Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le héros homosexuel, a placé une couronne royale sur le tableau de bord de sa bagnole. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse, l’héroïne lesbienne, ne lésine pas sur les moyens qu’elle n’a pas : elle veut la suite présidentielle comme chambre d’hôtel. Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, pendant le cours d’histoire, Nathan simule un malaise alors que le prof parle de l’accord (pacte de non-agression) entre Hitler et Staline pendant la Seconde Guerre mondiale, pour être amené à l’infirmerie par son futur amant Jonas, qu’il va draguer en même temps qu’humilier.

 

« Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway

« Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway


 

Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, se compare au tsar de Russie : « Je me suis assis, comme le Tsar, sur le Trône d’Hiver. » Plus tard, quand la bourgeoise Mary Sinclair débarque dans sa chambre et le découvre cul nu, Eisenstein ose dire qu’il fait un hommage à Staline : « Les Russes ne portent pas de pyjama. Staline n’en porte pas non plus ! » Hunger attribue à ce capricieux un « comportement puéril », « une longue aventure irresponsable », « des exigences exorbitantes ».
 

Roger Payne

Roger Payne


 

« Je serai pour toi un pur César du bidonville au bord du fleuve. » (Cachafaz à son amant Raulito, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « J’adore te voir en colère, on aurait dit… Jules César… ou Alexandre le grand… Ouais c’est ça… plutôt Alexandre, partant en guerre. J’ai cru que t’allais me frapper ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 158) ; « On aurait dit la branche homosexuelle d’Al-Qaïda. » (Ali Bougheraba parlant des amis de son quartier qui se fringuaient comme George Michael pendant les années 1980, dans son one-man-show Ali au pays des merveilles, 2011) ; « Il y a un point commun entre Al Qaïda et nous : on aime se faire sauter. » (le narrateur homosexuel du one-man-show Elle est pas belle ma vie ! (2012) de Samuel Laroque) ; « Quand Mark parle, on obéit. C’est comme ça. » (un militant LGBT présentant le jeune leader du mouvement LGBT londonien, à Joe le novice, dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « Elle commence vraiment à me gonfler, la Kim Jong-Un de la natation ! » (Damien, personnage homo, par rapport à Fred, son co-équipier trans M to F dirigeant la choré de leur équipe de water-polo, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; etc.

 

Scar dans "Le Roi Lion" de Walt Disney

Scar dans « Le Roi Lion » de Walt Disney


 

Pas étonnant que les méchants des dessins animés (travaillés pour la plupart par les studios Disney), pour accentuer leur cruauté et leur violence de despotes, cultivent justement des attitudes précieuses et homosexuelles : je pense par exemple au Dr Facilier, le « Maître des ombres » efféminé du film d’animation « La Princesse et la Grenouille » (2009) de Ron Clements et John Musker, à Skar dans le film d’animation « The Lion King » (1994) de Roger Allers et Rob Minkoff, à Jafar dans le film d’animation « Aladdin » (1992) de John Musker et Ron Clements, au prince Jean dans le film d’animation « Robin Hoods » (« Robin des bois », 1973) de Walt Disney, etc.

 

Le Prince Jean dans "Robin des Bois" de Walt Disney

Le Prince Jean dans « Robin des Bois » de Walt Disney


 
 

i) L’armée homosexuelle :

La fusion entre totalitarisme et homosexualité ne se limite pas aux monarques d’antan. Elle s’élargit aux tenants de la culture homosexuelle contemporaine : militants d’association LGBT, mais aussi couples homosexuels dits « ordinaires » et célibataires occasionnels. En ce qui concerne le despotisme homosexuel à échelle communautaire, je vous renvoie au code « Milieu homosexuel infernal » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Le personnage homosexuel décrit souvent le « milieu homosexuel » comme une dictature, un paradis de la consommation et de l’apparence, avec des légions de clones militaires : cf. le film « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve, le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure, le film « Fast Forwad » (« D’un trait », 2004) d’Alexis Van Stratum, le vidéo-clip de la chanson « Dile A Tu Amiga » de Dalmata, le vidéo-clip de la chanson « Alejandro » de Lady Gaga, le vidéo-clip de la chanson « Go West » des Pet Shop Boys, le vidéo-clip de la chanson « Du temps » de Mylène Farmer, le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, etc.

 

Pierre Fatus dans Arme de fraternité massive (2015)

Pierre Fatus dans Arme de fraternité massive (2015)


 

On retrouve l’armée ou la police homosexuelle dans beaucoup d’œuvres homo-érotiques : cf. la pièce Jeffrey (1993) de Paul Rudnick (avec les Panthères roses), le vidéo-clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer (avec les prisonniers), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 Journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec l’armée décadente), le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz (avec l’armée gay, composée des anciens amants de Sébastien), les vidéo-clips des chansons « Pourvu qu’elles soient douces » et « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer (avec les soldats de plomb), le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger (avec les soldats), les armées cinématographiques de Youssef Chahine ou de Bruce LaBruce, la B.D. La Guerre des pédés (1982) de Copi, le film « The Virgin Soldiers » (1969) de John Dexter, le film « Our Miss Fred » (1971) de Bob Kellett, le film « Lady Oscar » (1978) de Jacques Demy, le film « Marche triomphale » (1976) de Marco Bellocchio, le film « Les Amazones » (1974) de Terence Young, le film « Tank Girl » (1994) de Rachel Talalay, le film « Armée d’amants » (1976) de Rosa von Praunheim, le film « Les Chevalières » (2002) de Barbara Teufel, le film « Johanna d’Arc Of Mongolia » (1988) d’Ulrike Ottinger, le film « Kyokon Densetu » (1993) de Nakamura Genji, le film « Kamikaze Girls » (2004) de Tetsuya Nakashima, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato (avec le bruit des bottes), le film « Poo Kor Karn Rai » (« The Terrorists », 2011) de Thunska Pansittivorakul, le vidéo-clip de la chanson « Only Gay In The World » de Ryan James Yezak, la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi (et les 4 « gouines armées » avec, à leur tête, Sapho), etc.

 

Par exemple, dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann, la grand-mère de Robbie qualifie les homos de « terroristes ». Dans le roman Des chiens (2012) de Mike Nietomertz, le groupe de rock de Polly, l’héroïne lesbienne, s’appelle les Lesbians Warriors. Dans le film « Surfing Gang » (2006) de Katrina del Mar, le gang de méchantes filles lesbiennes, avec leur drapeau pirate, sème la terreur sur la plage de Rockaway Beach. Dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, les Hommens pro-life sont parodiés en groupe paramilitaire sado-maso de puceaux homosexuels refoulés, vomissant du slogan hétérosexiste : « Attention = HÉTÉROSEXUALITÉ EN DANGER ! […] On vaincra ! On a un phallus ! […] Voici ce qui se passe quand on laisse sortir les femmes de la cuisine ! […] Nous devons sanctuariser la famille hétérosexuelle ! ». Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, le cri de guerre de l’équipe de water-polo gay s’achève en mimant une décapitation : « On va vous décortiquer ! On est les crevettes pailletées ! Argh…. ! »

 

Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, ce sont les travestis qui prennent la place des policiers persécutant les homos dans les parcs : « Les jardins du Sacré-Cœur sont bien gardés par les flics ! Vous ne me faites pas peur ! […] Vous, les travestis troupières, vous venez nous faire la guerre à nous, pédés pacifistes, nous traitant de jeunes filles tristes quand tout ce que nous cherchons, c’est simplement un garçon (si c’est possible un artiste) idéaliste, simple et bon qui reste garder la maison quand nous faisons secrétaires ! vous voulez nous effrayer, affublées de vos perruques, habillées comme des perruches. » (Pédé)

 

Dans le roman Des chiens (2011) de Miko Nietomertz, Polly soupçonne son ami gay Simon de désigner le « milieu homo » comme une « fausse démocratie »… parce qu’elle sent bien qu’il a raison : « En fait, t’es en train de nous dire qu’il y a autant de personnels armés en France que de gays et de lesbiennes ? Si je suis ton raisonnement, on pourrait faire une révolution gays-lesbiennes contre les uniformes armés, pour obtenir le pouvoir ? » (p. 30)

 
 

j) La politique expansionniste du milieu homo : le fascisme gay

Il arrive que les personnages homosexuels des fictions ne se fassent pas à l’idée que, selon eux, le monde soit « non-homosexuel » ou ne soit pas « hétérosexuel ». À les entendre, tout le monde serait homo quelque part. « Tout le monde est gay de nos jours. » (Mr Chapiro, dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner) ; « On est partout, tu sais ? » (Éric le héros homo s’adressant à Otis, dans l’épisode 1 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc. Pour « libérer » chez tous ceux qui ne voient pas la sexualité comme eux « l’homosexuel qui serait en eux », beaucoup partent en croisade pour l’« amour libre » (homo, hétéro, bi, peu importe) : cf. le film « Papa faut que j’te parle » (2008) de Philippe Becq et Jacques Descomps, le film « Were The World Mine » (2010) de Tom Gustafson (où la communauté homo essaie de rendre gay tous les hétéros), le roman Hétéro par-ci, homo par le rat (2000) de Cy Jung, le film « In & Out » (1997) de Frank Oz (avec le coming out généralisé final), la chanson « You Are Unstoppable » de Conchita Wurst, etc.

 

Cette homosexualisation de la terre entière commence par la blagounette… et puis la blague devient parfois beaucoup plus sincère que prévu. Par exemple, l’affiche d’Élisabeth Ohlson Wallin pour Equal Program (2004) représente sur fond ténébriste et apocalyptique un homo, une lesbienne et un transsexuel M to F déguisés en l’autre trinité autoritaire qu’ils prétendent remplacer : l’armée, l’Église, et la police. Dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, il est question d’installer les femmes puissantes et des homosexuels au pouvoir pour exterminer tous les hommes sexués et « détruire le sexe masculin ». Cette œuvre théâtrale promeut un monde asexué, imposant le totalitarisme ascétique de l’orgasme : « La sexualité est une activité totalement inutile. […] Le sexe est le refuge des débiles. »

 

Les slogans des héros homosexuels deviennent de plus en plus menaçants, belliqueux, victimisants : « Réécrire l’Histoire, à nos étendards… Soldats de la rue ou anges déçus… Oh, debout et le poing levé ! » (cf. la chanson « Réévolution » d’Étienne Daho) ; « Je suis un nom, sommes légion… et de lumière sur les pavés coule le ré de rébellion de nos prières. » (cf. la chanson « Réveiller le monde » de Mylène Farmer) ; « Ce n’est qu’un début. Continuons le combat ! » (cf. la dernière phrase du film anti-sarkoziste « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, scandé par un groupe de militants petits-bourgeois de gauche) ; « Les victimes d’aujourd’hui seront-elles les bourreaux de demain ? » (Joachim dans la pièce Entre vos murs (2008) de Samuel Ganes) ; « On va faire un putsch ! » (Stephany, la lesbienne du film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; « C’est pas la guerre mais c’est l’invasion. » (Jefferey Jordan parlant des personnes homos dont il fait partie, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « Aide-les à construire une Nation : celle du cœur. Vous êtes un Peuple fier et ancien. Aide ces garçons à construire leur propre Nation. » (Scrotes s’adressant à son amant Anthony, à propos du couple homo naissant Jim/Doyler, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « Couchons-nous et demain, lesbiennes et pédales seront le genre humain. » (Cf. la reprise parodique de l’Internationale, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini) ; « Ce qui est chiant avec vous les gays, c’est que vous voyez des gays partout. » (le Dr Katzelblum s’adressant à ses deux patients en couple homosexuel Benjamin et Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.

 

Dans le film « L’Ultime souper » (1996) de Stacy Title, un groupe de cinq étudiants « libéraux » décident d’éliminer tous ceux qui représentent selon eux des menaces pour la démocratie : les extrémistes, les fascistes, les racistes, les homophobes. On a affaire ici à un programme de nettoyage ethnique inversé.

 

Certains personnages communautaires homosexuels ne se contentent pas de fermer les portes de l’enfer de leurs pratiques sexuelles autour d’eux : ils veulent l’étendre au reste du monde, en cherchant – pour les plus extrémistes – à homosexualiser la Planète entière, et – pour les encore plus extrémistes et les plus bobos d’entre eux – à bisexualiser/asexualiser tous les êtres humains : « Je pense à toutes ces situations que la plupart des femmes ne connaîtront jamais, par ce manque de courage qu’elles ressentent pour assumer leurs goûts au regard des conventions imposées. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 71) ; « Je compris que les amies allemandes de ma cousine étaient mues par une force invisible qui exigeait que le plaisir qu’elles prenaient des femmes se répandît, si possible, dans l’univers entier, et que pour parvenir elles comptaient beaucoup sur la contagion. » (idem, p. 110) ; « De toute façon, le vingt-et-unième siècle sera bi ou ne sera pas ! » (Claude, une des héroïnes lesbiennes du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 63) ; « R. me dit qu’il est peut-être bi, qu’il sait pas et que dans le fond, il s’en branle, il veut avoir tous les choix. Moi ça m’effraie qu’il ne choisisse pas son camp. Polly dit que la sexualité, de toute façon c’est dans la tête, et en réinterprétant Freud, On est tous des bisexuels qui faisons des choix. » (Mike, le narrateur homosexuel, op. cit., pp. 67-68) ; « Toutes les femmes sont des lesbiennes dans l’âme ! » (les filles lesbiennes du film « Pride » (2014) de Matthew Warchus) ; etc. Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny, l’un des héros homosexuels, dans son synopsis cinématographique, veut créer « un univers où tout est inversé, un monde gay où les hétéros sont une minorité ». Dans le film « Were The World Mine » (2010) de Tom Gustafson, le but affiché des protagonistes homosexuels est « de rendre gays tous les hétéros ». Dans son one-woman-show Chatons violents (2015), la compagne d’Océane Rose-Marie a un pote qui fait de la bande dessinée. Océane s’énerve contre lui parce qu’il n’est pas homo : « Il ne peut pas être pédé comme tout le monde ? » Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine, la bourgeoise découvrant avec horreur que tout son entourage, et même son mari, devient homo, s’insurgent : « On n’est pas tous pédés !! »

 

La politique expansionniste homosexuelle ne s’appuie pas uniquement dans la défense ouverte d’une identité ou d’un amour homosexuel(-le). L’autoritarisme des personnages homosexuels peut prendre des détours et se valoir de la défense des enfants (« mariage pour tous », PMA, GPA, adoption) ou des pauvres (« la solidarité ») pour asseoir son pouvoir : « Je veux un enfant et je l’aurai ! » (Claire et sa compagne Suzanne dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener)

 
 

k) Mappemonde : It’s a Small World

Film "Le Dictateur" de Charlie Chaplin

Film « Le Dictateur » de Charlie Chaplin


 

La vision de l’existence qu’adoptent certains héros homosexuels étant homosexualo-centrée, narcissique, faussement humaniste (puisqu’elle est déconnectée du réel et très liée à la pulsion fantasmatique), médiatique, il arrive qu’ils le réduisent à une mappemonde, à un petit écran de télévision ou d’ordinateur portable, à un miroir d’eux-mêmes ou de l’être aimé, à un globe terrestre qu’ils peuvent tenir dans leurs mains en se prenant pour les Créateurs du Monde : « L’Univers, c’est la personne. » (cf. une réplique de la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg) ; « J’imaginais le corps de Linde et la carte du pays fusionnant les limites entre plusieurs États afin qu’ils se chevauchent. » (Anamika, l’héroïne lesbienne parlant de son amante Linde, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 57) ; etc. Par exemple, dans le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, le héros désire « s’identifier au monde ». Dans le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitmann, le mot « Univers » apparaît en ombre au dos de Frédéric au moment où il entre dans le bar et que Hugo tombe amoureux de lui. Dans le film « Como Esquecer ? » (« Comment t’oublier ? », 2011) de Malu de Martino, Julia dit que le corps d’Antonia « était une carte qui n’avait aucun secret pour elle ». Dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, George, le héros homosexuel maître d’école, explique à toute sa classe de primaire, avec un globe terrestre, à quoi ressemble la Planète. Le monde miniature à portée de main symbolise au fond l’étroitesse de la conception libertine de l’Amour. Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, a dans sa chambre une immense mappemonde accrochée au-dessus de son lit. Et elle s’anime en décor lumineux sur lui. D’ailleurs, même le titre du film illustre qu’il se prend pour le monde et qu’il est dans son monde.

 

Le monde mondialisé/érotisé sous forme de mappemonde, possédé avec jouissance par le dictateur homosexuel, apparaît dans un certain nombre de fictions homo-érotiques : cf. le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le film « Le Dictateur » (1940) de Charlie Chaplin (avec le dictateur efféminé face à sa mappemonde), la pièce Le Roi des aulnes (1970) de Bernard-Marie Koltès (avec le gyroscope), le film « Pink Narcissus » (1971) de James Bidgood (avec le globe terrestre), le film « Star Maps » (1997) de Miguel Arleta, la pièce La Reine morte (1942) d’Henry de Montherlant (avec l’astrolabe), le film « Queen Of The Whole Wide World » (2001) de Roger Hyde, le film « Mathi(eu) » (2011) de Coralie Prosper (avec la mappemonde affichée dans la chambre de Mathilde), le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi (avec les planètes comparées à des oranges), la pièce Dans la solitude des champs de coton (1987) de Bernard-Marie Koltès (avec le monde tenu à la pointe de la corne d’un taureau), etc.

 

« Il est à moi, le Monde, il est à moi, le Monde ! » (cf. la chanson « Dessine-moi un mouton » de Mylène Farmer) ; « Le monde m’appartient ! » (la voix narrative, du haut de sa fenêtre, dans le roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 99) ; « Et dans mes mains le monde tournera. Je suis la Reine ! » (cf. la chanson « La Reine » de Lorie) ; « Comment on voit le monde quand sur son planisphère tout est à l’envers ? » (Lourdes dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « Rakä […] essayait de trouver notre position sur une mappemonde échappée par fortune au supplice des livres. » (Gouri dans le roman La Cité des rats (1979), p. 124) ; « Essaie de voler, mon petit. Tu vas voir comme ce n’est pas difficile. Je te donnerai un sucre. Je te montrerai l’Afrique, tu vas voir, c’est comme un mouchoir. Je te montrerai le monde, il est comme une boule de billard bleue avec des puces dessus. » (le Vrai Facteur dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « Le monde, ma chérie amie, c’est fini, archi-fini, c’est une carte postale du Sacré-Cœur en ovale juste bonne pour les touristes ! » (Fifi à Mimi dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) La mappemonde dans les œuvres homosexuelles traduit en général une conception plate, caricaturale, mégalomaniaque, désenchantée de la vie.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Le père militaire :

Avant de se durcir et de choisir la voie du despotisme, un certain nombre de personnes homosexuelles montrent des antécédents familiaux qui semblent les avoir prédestinés. Bien sûr, ceux-ci expliquent mais ne justifient rien, n’impliquent aucun déterminisme. Cependant, j’annonce tout de suite que ce code que je traite ici, loin de devoir culpabiliser la communauté homosexuelle (tant j’insiste ici sur les circonstances atténuantes et les possibles violences qui ont pu survenir en amont dans le passé des individus homos), est d’abord là pour aider les personnes homosexuelles à identifier leurs vieux démons et la haine de soi dont le désir homosexuel est le signe, pour éviter précisément les reproductions mimétiques inconscientes de schémas totalitaires parentaux et sociaux.

 

Car oui, certaines parmi elles ont reçu une éducation trop stricte, soit parce que trop laxiste, soit parce que trop exigeant. Elles ont vécu l’éducation de leurs parents comme une tyrannie (parce que parfois elle en était une). Dans son essai Man, Morals And Society (Homme, morale et société, 1945), J.-C. Flugel écrit que les individus homosexuels qui, dans leur enfance, se sont identifiés avec des modèles paternels ou maternels très sévères auront tendance à embrasser en grandissant des causes conservatrices et à être fascinés par les régimes autoritaires. Beaucoup de sujets homosexuels ont un père militaire de carrière (Érik Rémès, Jean Le Bitoux, Renaud Camus, Graham Chapman, Bai Xianyong, Luis Cernuda, Bernard-Marie Koltès, Rupert Everett, Havelock Ellis, Pier Paolo Pasolini, Hélène de Monferrand, etc.) ou un géniteur particulièrement autoritaire (James Baldwin, Julien Green, Serguei Esenin, Louis II de Bavière, Virginia Woolf, Élia Kazan, etc.). « Le capitaine n’était pas un joyeux drille. Le nez droit, l’œil sévère, militaire à la maison comme à la caserne, il aimait l’ordre et l’obéissance et il nous faisait baisser la tête… » (Jean-Claude Brialy parlant de son père, dans son autobiographie Le Ruisseau des singes (2000), p. 25) ; « Notre maison regorgeait de livres, des jeux de société, ainsi que des décorations militaires qui peuplaient le salon. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 18)

 
 

b) Le comportement de vieux gars tyrannique et inflexible :

Le manque d’amour et de tendresse parentale peut avoir des retombées sur le caractère de certains individus homosexuels, qui pour le coup deviennent des « vieux garçons » irascibles, qui ne supportent pas de se plier à d’autres désirs que les leurs (cf. je vous renvoie également au code « Parodies de mômes » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Eux ou bien leur entourage les décrivent comme des hommes ou des femmes pas faciles à vivre, manquant de souplesse, transis de peurs et de complexes, bref, psychorigides : « Lire la biographie de Carson McCullers, de Tennessee Williams ou de Truman Capote, c’est lire la vie d’éternels enfants terribles, de monstres sacrés, de sacrés monstres, empêtrés dans leurs contradictions, englués dans leur narcissisme d’adolescents égoïstes. » (Georges-Michel Sarotte cité dans la biographie Carson McCullers (1995) de Josyane Savigneau, p. 210) ; « J’espère que dans ses biographies elle ne sera pas dépeinte par la postérité toute de blanc vêtue ou avec une auréole. C’était une garce, et je ne veux pas qu’elle apparaisse comme un ange. » (Robert Walden à propos de Carson, p. cit., p. 317) ; « Marcel est génial, mais c’est un insecte atroce, vous le comprendrez un jour. » (Lucien Daudet à propos de Marcel Proust, cité dans Le Passé défini (1953) de Jean Cocteau) ; « Il avait beau être un tyran, on finissait par l’aimer pour cela, quand on en connaissait les raisons. » (Céleste, la nourrice de Marcel Proust, citée dans l’article « Sainte Céleste » de Diane de Margerie, sur le Magazine littéraire, n°350, janvier 1997, p. 44) ; « Je devins bientôt un enfant brillant mais de caractère difficile. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 12) ; « Sur un plateau [en tant que metteur en scène], je suis un emmerdeur. » (Copi cité dans l’article « Copi en forme » de Jean-Pierre Thibaudat, dans le journal Libération du 10 octobre 1983) ; etc.

 

Dans l’article « Rainer Werner Fassbinder » de John Tain (publié sur le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, pp. 188-190), le réalisateur allemand Rainer Werner Fassbinder est défini comme un « petit dictateur » boulimique. Dans sa biographie La Jeunesse d’André Gide (1963), Jean Delay en arrive à traiter le célèbre romancier français de « pédéraste arrogant ». Miguel de Molina est présenté comme un homme ultra-maniaque, capricieux, sauvage, dur, têtu, snob, et méprisant envers les sujets homosexuels (cf. l’article « Miguel De Molina, Tan Grande, Tan Andaluz » (1997) d’Ángel Berlanga). Dans le film biographique « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert (qui veut pourtant donner une image positive de l’homosexualité), Pierre Bergé apparaît comme « un nerveux » colérique, un maniaque, un gestionnaire calculateur et volage : « T’aboies tout le temps » lui reproche par exemple Victoire. Et le compagnon de Bergé, Yves Saint-Laurent, dans un autre style, n’est pas plus souple : dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, il s’associe volontiers à la « grande famille des nerveux » décrite par Marcel Proust.

 

La présomption d’homosexualité rigide planant sur certains individus encore célibataires à 30 ans n’a pas à nous choquer ou à être moralisée, car elle se limite pas à une simple obsession sociale du mariage : elle peut dire aussi un assèchement du cœur chez pas mal de sujets homosexuels dont la vie n’est pas pleinement donnée à la bonne personne. « Cette absence de reconnaissance s’est parfois incarnée, au XIXe siècle, dans la figure de la ‘vieille fille’, grande et maigre come la Miss Harriet de Maupassant (Miss Harriet, 1883). […] C’est le cas par exemple de la Lisbeth Fischer de Balzac (La Cousine Bette, 1847). […]. Derrière l’archétype de la ‘vieille fille’ se cache celui de ‘la’ lesbienne – et plus généralement des femmes qui font preuve d’indépendance. » (Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010), pp. 100-101) ; « Quand nous étions ensemble, Martine et moi, nous étions seules. Nous avions essayé de nous tenir chaud, de nous réconforter l’une à l’autre, mais la solitude était toujours là et ce n’était pas la vie. Martine et moi étions deux vieux garçons misogynes, mais à qui était-ce la faute ? » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 134)

 

Le despote homosexuel version réel (même s’il ne s’actualise jamais complètement), c’est en général l’homme hétéro donjuanesque et libertaire qui se bisexualise et s’homosexualise en assumant (un peu mais pas trop) l’étiquette de l’homosexuel pour la nier la plupart du temps (il est donc homophobe), et surtout pour nier ses actes homosexuels et la responsabilité qu’ils lui confèrent. Par exemple, dans le documentaire « Cet homme-là est un mille-feuilles » (2011) de Patricia Mortagne, le père de Patricia, homosexuel tardif, est présenté comme un tyran qui, parce qu’il a toujours cherché dans ses relations le confort de la fusion, qu’il n’a jamais su couper les liens avec ses proches (ses enfants, sa femme, ses amants avec qui il vit dans la même propriété : « Tu l’as bien dit toi-même : je ne sais pas couper les liens que j’ai avec les autres. »), et qu’il s’est créé « sa petite cour », est pourri « gâté », « possessif »… même s’il niera mollement qu’il a agi comme un despote : « J’ai pas l’étoffe d’un tyran. »

 

Dans mon entourage amical, j’ai un ami homosexuel, sensiblement dans la même situation, hébergeant dans sa baraque son jeune amant, mais aussi son ex-compagne et le fils qu’ils ont eu ensemble… Et j’entends parfois son copain lui reprocher son statut de pacha pourri gâté, qui n’a renoncé à rien, qui « a tout » (le beurre et l’argent du beurre), qui n’a pas choisi de donner son cœur entièrement à une seule personne. Oui : l’homosexualité et bisexualité pratiquées, c’est le summum de la tyrannie du désir homosexuel.

 
 

c) Esprit de conquête et orgueil :

Le mal-être existentiel de certaines personnes homosexuelles peut prendre chez elles la forme de l’orgueil offensif, de la fierté mal placée, de la carcasse de suffisance : « Général, empereur, Byron, ou rien. » (Jean-Luc Lagarce dans son Journal, 1992) ; « J’aime les tsars et les aristocrates, mais leurs actions ne sont pas bonnes. […] Le président Wilson n’est pas un danseur. Wilson est dieu dans la politique. Je suis Wilson. Je suis un politique raisonnable. » (Vaslav Nijinski, Cahiers (1918-1919), p. 66) ; « Je jouais plusieurs rôles, y compris mon préféré, celui de leader suprême. Où que je fusse, je parvenais toujours à former une bande, une bande où j’étais le chef. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 124) ; « J’ai toujours eu l’habitude de faire ce que je voulais. » (Catherine, intervenante lesbienne, dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 63) ; « Comme ma mère, je suis têtu, dictateur, quand je le veux. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 119) ; « Je suis pour l’ordre. Vive l’ordre ! … Évidemment, l’ordre le plus raffiné est celui qui fait la plus grande place au désordre ! » (Renaud Camus dans le documentaire « L’Atelier d’écriture de Renaud Camus » (1997) de Pascal Bouhénic) ; « Face aux autres, Wilde montrait un masque trompeur, fabriqué pour étonner, amuser ou parfois exaspérer. Il n’écoutait jamais et il prêtait à peine attention à un avis autre que le sien. À partir du moment où il n’était pas le seul à briller, il s’éclipsait. » (André Gide dans « Masques de Oscar Wilde ») ; « J’ai une haute opinion de moi, c’est vrai. C’est effrayant d’être ainsi infatué de soi-même. […] Rien ne me décourage plus que de percevoir en moi cette suffisance (qui n’est pas de la confiance en soi). » (Yukio Mishima, Correspondance 1945-1970 (1997), p. 66) ; « Je suis un peu obstiné, c’est mon côté breton, sale gosse. […] Je suis très orgueilleux. » (Christophe Honoré cité sur le site www.e-llico.com, consulté en juin 2005) ; « Je possède un orgueil que je crois terrible. » (la chanteuse Mylène Farmer citée dans la biographie Ainsi soit-elle (1991) de Philippe Séguy) ; « Ton destin de souveraine est la volonté de Dieu. » (la voix-off s’adressant à Christine, dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke) ; « Elle a été élevée pour régner. On l’a formatée pour commander. » (la biographe Marie-Louise Rodén parlant de Christine, idem) ; « Il me faut d’abord être couronnée roi ! » (Christine, idem) ; « J’ai peur de découvrir mes limites. » (Alexandre, jeune témoin homo de 24 ans, dans l’émission Temps présent spéciale « Mon enfant est homo » de Raphaël Engel et d’Alexandre Lachavanne, diffusée sur la chaîne RTS le 24 juin 2010) ; etc.

 

Quand Oscar Wilde débarque à New York le 2 janvier 1882 devant une meute de journalistes et que le douanier lui demande s’il a quelque chose à déclarer, il répond : « Rien d’autre que mon génie. » (François Dupuigrenet-Desroussilles, « Chronologie », dans le Magazine littéraire, n°343, mai 1996, p. 20) Dans l’affiche de son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca se représente avec une couronne de roi. Dans mon entourage amical proche, je connais un ami homosexuel qui se déguisait en Néron pendant son adolescence.

 

En amour comme en société, certaines personnes homosexuelles prétendent avoir tous les pouvoirs : « J’étais toujours le chef, et mon frère, docile et effacé, faisait office de chauffeur, de secrétaire et d’adjoint, toujours prêt à participer aux jeux fantastiques dont j’avais le secret. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 33) ; « Enfant, j’aimais les costumes, les déguisements et les cérémonies militaires. » (idem, p. 24) ; « J’aime l’aventure, l’ambition. J’aime commander. Et les femmes soumises. » (Maïté, femme lesbienne, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) ; etc. Dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, Guy Hocquenghem, l’un des pères du militantisme homosexuel français dans les années 1970, est décrit comme un orateur despotique et imbu de sa personne.

 

Lors de la conférence « Différences et Médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon, à la Mairie du IIIe arrondissement, le 18 novembre 2010), quand Christophe Bigot raconte sa petite enfance, on ne peut que penser qu’il a confondu cour d’école et cour de justice : « Je faisais le bourreau du Tribunal révolutionnaire sur la cour d’école. » D’ailleurs, il avoue s’être identifié très tôt (avant de le dés-idéaliser) au procureur Camille Desmoulins, figure du romantisme avant l’heure : « Il est jeune, courageux, fougueux, c’est un amoureux. J’ai voué un culte à Camille Desmoulins pendant toute mon adolescence. […] C’est un homme violent qui désigne, à la vindicte populaire, les contre-révolutionnaires. »

 

« Pourquoi donc les pédérastes feraient-ils de meilleurs chefs et de meilleurs éducateurs ? » Hans Blüher répond : « Bien qu’il n’y ait pas de différences essentielles entre homosexuels et non homosexuels, il y a des différences marquées dans l’efficacité de l’éducation et de l’enseignement de la jeunesse. Maintes et maintes fois, des cas historiques ont montré que l’efficacité d’un chef était directement proportionnelle au degré de son inversion sexuelle. […] Du point de vue éducatif, il y a cinq types sexuels d’hommes, depuis l’hétérosexuel exclusif jusqu’à l’homosexuel complet. L’homme hétérosexuel exclusif est le moins bien habilité à enseigner la jeunesse. La seconde catégorie, à savoir des hommes qui satisfont leurs besoins sexuels avec des femmes, mais sont socialement dépendants de leur propre sexe, fait d’excellents éducateurs, de même que les bi-sexuels. […] Un quatrième type, c’est l’homme qui satisfait ses besoins sexuels avec des hommes, mais remplit la plupart de ses besoins sociaux avec des femmes. . […] Le cinquième et dernier type d’homme est l’homosexuel exclusif. De tels hommes sont le point focal de toutes les organisations de jeunesse, et sont souvent des figures révolutionnaires. » (Hans Blüher dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 149)
 
 

d) Architecture et homosexualité :

Même si, à l’évidence, le trio homosexualité-architecture-totalitarisme reste difficile à prouver, il existe et certaines personnalités du monde homosexuel en font mention inconsciemment : « Décidément, les dictateurs ont un goût très sûr en architecture. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 201) Je vous renvoie à l’essai Queer Space: Architecture and Same-Sex Desire Hardcover (1997) d’Aaron Betsky.

 

On rencontre d’ailleurs des architectes homosexuels ou tout du moins un attrait des dictateurs bisexuels pour l’architecture. Par exemple, Hitler était fasciné par l’architecture viennoise.

 
 

e) Maniaque de la propreté :

Certaines personnes homosexuelles sont tellement soucieuses de tout contrôler dans leur vie et leurs amours – parce qu’au fond on ne leur a pas donné assez d’amour et de confiance – qu’elles mettent le paquet sur le matériel, les apparences, les mondes figés. Elles se montrent souvent hyper maniaques et obsédés par la propreté : « Ranger, ranger encore. Mon obsession. […] Mettre de l’ordre, ne rien laisser traîner après moi. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 148) ; « Ma douce folie du ménage est un plaisir, presque une joie, dont je ne me lasse pas. Un besoin impérieux. » (idem, p. 188) ; « Exagération dans la propreté corporelle » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 378) ; « Beaucoup de professeurs signalent, au long des cours qu’ils font à de futurs médecins, comment la peur des maladies vénériennes pousse certains individus vers la pédérastie. Cette crainte agit naturellement sur les esprits faibles. On sait que Henri III ne devint pédéraste qu’à son retour d’Italie où il avait contracté une maladie vénérienne. Diderot, dans ses œuvres, signale qu’une des causes de l’immense développement, en son temps, de l’homosexualité, n’était autre que l’effroi produit par les maladies vénériennes. Beaucoup d’hommes sont devenus des invertis par peur de la syphilis. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p.218) ; « J’suis un peu maniaque. Dès qu’il y a une mèche qui va pas… » (Laura, homme M to F, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; etc.

 

Par exemple, le romancier homosexuel Marcel Proust, sous prétexte de son asthme, il ne supportait pas les parfums, les plantes, les bruits (il avait tapissé sa chambre de plaques de liège).

 
 

f) Le militaire homosexuel :

Il n’est pas rare que certains individus homosexuels aient trouvé dans les métiers militaires et para-militaires un bon compromis entre leur recherche puriste de rigueur et leurs pulsions esthético-sexuelles : cf. le documentaire « Ma Vie (séro)positive » (2012) de Florence Raynel (avec Kévin, le trentenaire, ex-officier de police), l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias (racontant la liaison entre le prof d’art dramatique et l’un de ses élèves cadets du lycée militaire), l’association Flag ! (créée en 2001) réunissant des policiers et des gendarmes homosexuels en France, etc.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Les liens entre l’armée et l’homosexualité ont beau être passés sous silence (« Don’t ask, don’t tell » comme a dit Bill Clinton), ils existent : pensons au maréchal Lyautey, au général Montgomery, Cambacérès, Mauricio Ruiz, Maurice Pinguet, Roger Vandenberghe, etc. « Il y a beaucoup d’homophiles dans l’armée. Nous accueillons dans notre club jusqu’au grade de colonel. » (Abraham, responsable homo du Club 58 en Suisse, dans le documentaire « Les Homophiles » (1971) de Rudolph Menthonnex et Jean-Pierre Goretta) Par exemple, Blücher (l’adversaire de Napoléon pendant la campagne de France en 1814 et à Waterloo en 1815) avait la réputation d’être un homosexuel chevronné. Quant aux généraux homosexuels de l’armée allemande, de l’époque hitlérienne, leurs noms sont sur les lèvres de tous… Goering, Himmler, Roehm, et même Hitler. Le scandale du Général Eulenburg dans l’armée du Kaiser Guillaume II sous le Deuxième Reich, ou bien l’affaire des cadets du collège militaire en Argentine en 1942, ont bel et bien fait date. Le comportement erratique de l’ancien commandant en chef de l’Armée suisse Roland Nef serait lié à une homosexualité réprimée. Le film « Der Fall Des Generalstabs-Oberst Redl » (1931) de Karl Anton raconte la vie d’un militaire homosexuel, Alfred Redl, ayant réellement eu des pratiques homosexuelles. En 1946, le gouverneur militaire de Melilla est homosexuel et force Juan Soto à coucher avec lui (Fernando Olmeda, El Látigo Y La Pluma (2004), p. 89). « Il avait dix-sept ans à présent, presque dix-huit, comme moi. Nous avions tous deux connu cinq ans de souffrance dans ce lycée militaire où nos familles respectives nous avaient envoyés, avec l’espoir que cette éducation virile anéantirait notre imaginaire. Dans un esprit de pédagogie et de feinte gentillesse, ils avaient formé le plan de nous éliminer. Nous avions construit, Ernestito et moi, un jeu de miroirs qui allait devenir notre planche de salut : chacun de nous était tantôt le personnage, tantôt le reflet, et nous ne nous quittions pas. Ce rituel allait nous permettre de survivre aux innombrables épreuves d’humiliation auxquelles cette ‘formation’ se prête volontiers. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 189-190)

 

Le militaire ou le flic homosexuels apparaît maintenant dans bien des publicités et des discours : pensons aux flics des dessins pornographiques homosexuels de Roger Payne ou de Tom of Finland, au personnage du policier dans le groupe des Village People, à la publicité pour la voiture Renault Clio (2010), etc.

 

Le militaire gay est souvent une projection des communautaires homosexuels eux-mêmes, qui attribue aux corps armés leurs propres fantasmes de dictature et de luxure (des fantasmes prenant parfois la forme allégorique de la femme fatale incestueuse) : « Les militaires aussi sont des folles, c’en est même incroyable, ce sont les plus folles de tous ! Sadiques. Elles organisent des séances de torture, et tout ça… Et puis elles sont mariées avec les femmes les plus laides du monde, les plus monstrueuses. Elles ne les baisent jamais, d’ailleurs, on s’en doute. » (Copi dans son interview par Alberto Cardin, dans le journal Libération du 10-11 juin 1978) ; « Quand notre neveu [Alfredo] a fait le lycée militaire, il croyait voir parfois, entre ces hommes en uniforme, les fantômes d’une femme qui apparaissait et disparaissait. Laquelle d’entre nous était-ce ? Qui de nous trois pouvait-ce être ? » (une des 3 tantes d’Alfredo Arias, dans l’autobiographie de ce dernier Folies-Fantômes (1997), p. 148)

 

D’ailleurs, sur certains lieux de drague homosexuelle, il arrive que des hommes homosexuels se déguisent en flics pour satisfaire leurs appétits sexuels et pratiquer les actes homosexuels sans craindre d’être découvert : « Ces ‘tasses’ restent le lieu de prédilection des invertis. C’est là que se nouent les idylles, là que l’on s’échange les adresses de rendez-vous ; c’est là aussi qu’opèrent les faux frères, les truqueurs, les faux policiers : tout y est permis puisque, en général, les victimes, par crainte du scandale, ne portent pas plainte. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 24) ; « Des fois il y en a qui attaquent tout de suite en disant ‘Tu prends combien ?’, mais ceux-là, je ne leur réponds pas, j’ai toujours peur que ce soient des flics. » (Pierre Benichou parlant de l’ambiance dangereuse des lieux de drague homo, dans le journal Le Nouvel Observateur, p. 44)

 
 

g) Le soldat-paon :

Illustration d'Aubrey Beardsley pour "Salomé" d'Oscar Wilde : "la Robe de Paon"

Illustration d’Aubrey Beardsley pour « Salomé » d’Oscar Wilde : « la Robe de Paon »


 

L’identification au despote orgueilleux se fait parfois par le biais du sentiment amoureux esthétisé sous la forme d’un animal : le paon. Par exemple, dans son recueil de poèmes La Danse de Sophocle (1912), Jean Cocteau s’illustre en animal mi-homme mi-paon. On retrouve la femme-paon chez Alfred Hitchcock, l’humoriste Jarry, ou bien chez Thierry Le Luron (qui imite Line Renaud). Il est curieux d’observer qu’en Espagne la culture de la frivolité camp féminisante qui a émergé sous le franquisme et qui perdure aujourd’hui soit appelée « la Pluma » (traduction : « la plume »). Au Venezuela, quand on suspecte quelqu’un d’être homo, on lui dit qu’on lui voit les plumes : « Se le salen las plumas… »

 

Femme paon thierry-mugler-haute-couture-spring-summer-1997

Collection Spring Summer de Thierry Mugler

 

La « follitude » (la féminité fatale singée) est souvent appréhendée comme un instrument de pouvoir, de propagande, et de soumission : « Une nouvelle surprise m’attendait : mon gitan ‘grand et beau’, une fois la lumière éteinte, s’avéra une triste ‘lopette’ plus efféminé qu’il n’est permis de l’être. Poussant des cris de paon, il provoqua presque un scandale dans l’hôtel. » (Jean-Luc, 27 ans, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 109) ; « La folle est une forme de concession à la répression, afin d’en atténuer les effets. » (Jean-Yves Le Talec, Folles de France (2008), p. 36. C’est moi qui surligne.) ; « Ce qui comptait, c’était de se pavaner comme un paon. » (Steve Blame parlant du vent de « liberté » homosexuelle au Studio 54 à New-York à la fin des années 1970, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte)

 
 

h) Le despote homosexuel :

B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi


 

Il serait bien sûr erroné de penser que les caricatures des despotes mondiaux en homosexuels sont soit totalement révélatrices (l’homosexualisation des hommes de pouvoir qu’on veut discréditer, affaiblir, ridiculiser, est une stratégie bien connue de dévalorisation : même le Pape en fait les frais…) soit totalement infondées. Car en effet, dans l’Histoire mondiale internationales, il y a eu des cas avérés de dictateurs et d’hommes politiques – ce qui ne va pas nécessairement ensemble, je me permets de le dire – qui ont été bisexuels voire homosexuels pratiquants : Néron, Frédéric II de Prusse, Édouard II (amoureux de son favori Gaveston) et Jacques Ier d’Angleterre, Henri III, Rodolphe II, Alexandre de Macédoine, le Sultan Mehmet Fatih (Mehmet II, le conquérant de Constantinople), le Sultan Suleyman Kânouni, Mustapha Ataturk de Turquie, Louis II de Bavière, etc. Pour de plus amples détails, je vous conseille la lecture du Dictionnaire des chefs d’État homosexuels ou bisexuels (2004) de Didier Godard, du Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997) de Michel Larivière, ou bien de la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) Hitler (cf. la biographie La Face cachée d’Hitler (2002) de Lothar Machtan), Charles XII de Suède, Christian VII de Danemark et de Norvège, Guillaume III d’Orange-Nassau, Édouard VIII de Grande-Bretagne, José Antonio Primo de Rivera, Tibère, Jules César, Agélisas II, Caligula, etc.

 

« Si l’on brûlait tous ceux qui font comme eux, dans bien peu de temps, hélas, plusieurs seigneurs de France et prélats d’importance souffriraient le trépas. » (cf. la chanson « La Complainte de Chausson et Fabbri », tous deux exécutés pour sodomie en 1661) ; « Il existe, chez les grands meneurs d’hommes, un tel sens de la virilité que, souvent, cette prédilection pour la beauté et la force physique du mâle dégénère en un attachement contre nature. Il n’y a pas lieu, ici, de condamner ou d’approuver. On se borne à constater cette particularité et à relever quelques-uns des plus frappants exemples de l’histoire. Au-delà de l’histoire, cependant, la légende ! Car la légende, avant l’histoire, est fertile en témoignages sur les penchants homosexuels des conducteurs de l’humanité. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 213) ; « [Au Grand Siècle français] L’homosexualité reparaît, plus triomphante que jamais, sous Louis XIII et Louis XIV. Un grand nombre de hauts personnages s’y livrèrent ouvertement et l’on compte parmi eux le frère de Louis XIII, Gaston d’Orléans, et ses familiers : le duc de Bellegarde, le chevalier de Lorraine ; Monsieur, frère de Louis XIV, le duc de Vendôme, qui fut accusé du ‘ragoût d’Italie’, dit Tallemant des Réaux ; le fils du maréchal de Villars, surnommé ‘l’ami des hommes’ ; le Grand Condé, le duc de Vermandois, le prince de Conti, le Grand Dauphin, ainsi que le comte de Gramont. Le vice contraire fut fort répandu parmi les dames de la cour. Madame de Maintenon et Ninon de Lenclos, Adelaïde de Savoie, la Princesse de Monaco et Christine de Suède en furent très longtemps les championnes. » (idem, p. 140) ; « Catherine de Russie, la Grande Catherine, sur ses vieux jours, après avoir épuisé plusieurs centaines d’amants, préféra les femmes et ses maîtresses furent aussi nombreuses que les premiers. Édouard II et Jacques Ier, en Angleterre. » (idem, p. 141) ; « Guillaume II est superficiel et agité, incapable de travailler sérieusement, sentimental et théâtral, arrogant et parfois même violent, et il recherche les applaudissements comme un homme de théâtre. » (Baechler cité dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, pp. 48-49) ; « Je suis une terroriste du Genre ! » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; « On est une armée, un mouvement pour faire bouger les choses. » (Ann Northrop, activiste d’Act-Up aux États-Unis, dans le documentaire « Lesbiennes, gays et trans : une histoire de combats » (2019) de Benoît Masocco) ; etc.

 

L’abbé séculier Brantôme, chroniquant les mœurs légères de la cour française au XVIe siècle dans La Vie des dames galantes, nous a dressé le portrait de beaucoup de dames de compagnie qui, jour et nuit, au nombre de deux ou trois cents, s’unissaient corporellement. « À cette époque (1596), Paris aussi bien que la Cour regorgeait de femmes lesbiennes, que les maris tenaient d’autant plus chères qu’avec elles, ils vivaient sans jalousie. Les unes, sans s’en cacher, nourrissaient des belettes, dont les Anciens usaient comme des lettres hiéroglyphiques pour signifier des tribades ; les autres s’échauffaient avec leurs adorateurs, sans consommer l’acte d’amour, et sans pour autant vouloir les contenter puis venaient se rafraîchir avec leurs compagnes. » (Henri Sauval, Amours des Rois de France, 1739)

 

Des hommes politiques tels qu’Héliogabale, Jules César, Henri III, Catherine II, Néron, se sont vraiment travestis. « Néron s’habillait non seulement en femme, le plus souvent en courtisane de basse classe, poussant son vice jusqu’à épouser un esclave affranchi. Héliogabale, un des derniers empereurs romains, multiplia les extravagances et se prostitua dans les bas quartiers de Rome. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 285) Christine de Suède (1626-1689), par exemple, refusa de se marier et passa une bonne partie de sa vie habillée en homme.

 

La bisexualité de Mao Zedong – qui a pourtant persécuté de son vivant les personnes homosexuelles – est abordée par exemple dans l’essai Assises de la mémoire gay, gays et lesbiennes en Chine (2004) des Actes des troisièmes assises internationales (p. 57). En 2017, le président des Philippines, Rodrigo Dutertre, a avoué sa bisexualité.

 

Yukio Mishima

Yukio Mishima


 

L’écrivain homosexuel japonais Yukio Mishima est allé jusqu’à fonder un régime militaire et sa propre secte mystico-militaire qu’il a baptisée « la Société du Bouclier » : « Je me suis fait réprimander en ces termes : ‘Dis donc, tu ne serais pas un peu facho ?» (Yukio Mishima, Correspondance 1945-1970 (1997), p. 93) D’ailleurs, dans son récit de la journée du putsch raté de l’écrivain le 25 novembre 1970, Marguerite Yourcenar compare Mishima à un dictateur à son balcon (cf. l’article « Yukio Mishima, La nostalgie du Japon classique » de Marguerite Yourcenar, cité sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003).

 

Mohammed Atta

Mohammed Atta


 

Plus proche de nous, Mohammed Atta, l’un des 4 terroristes du 11 septembre 2001, et membre d’Al Qaïda, était homosexuel. En 2011, des rebelles libyens ont découvert des DVD pornos gay dans le bureau de la villa de Saadi Kadhafi, le 3ème fils du colonel. Certains jeunes islamistes (Omar Mateen et tant d’autres) s’attaquent aux personnes homos parce qu’ils sont eux-mêmes homos pratiquants. Sur l’édito « Hitler et les talibans » de Thomas Doustaly, dans la revue Têtu (n°60, novembre 2001), il est question d’études sociologiques qui ont été faites sur l’homosexualité chez les talibans (données qui sont évidemment méprisées et caricaturées par la comité de rédaction de Têtu). Je vous renvoie à tous les cas d’homophobie actuels dans lesquels est systématiquement observable l’homosexualité refoulée (mais aussi célébrée !) des persécuteurs des personnes homosexuelles (cf. je vous renvoie au code « Homosexuel homophobe » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

PSYCHORIGIDES Taliban

 

Ce n’est pas un hasard si ce sont souvent les milieux sociaux les plus stricts, où le culte de la personnalité est un objectif, où la différence des sexes est très marquée ou paradoxalement gommée – le sport, la mode, l’art, la politique, la télé, la religion, la danse, etc. – qui accueillent le plus de personnes homosexuelles. « Dans les pays fascistes, l’homosexualité, ruineuse pour la jeunesse, fleurit impunément. Dans le pays où le prolétariat s’est audacieusement emparé du pouvoir, l’homosexualité a été déclarée crime social et sévèrement punie. » (Gorki, Humanisme prolétarien, 1934)

 

Le totalitarisme, fort heureusement, ne débouche pas toujours sur une dictature nationale réelle, mais reste à l’état de fantasme inassouvi chez la majorité des personnes homosexuelles, fantasme qui sera d’autant plus actualisable qu’il n’est pas souvent conscientisé et reconnu humblement par ces dernières : « Je sais que c’est moi le dictateur, moi qui ne laisse aucun espace pour la contradiction. […] Je ne suis pas un metteur en scène, je suis un contremaître. […] Suis-je devenu en deux films un cinéaste de droite ? » (Christophe Honoré dans son autobiographie Le Livre pour enfants (2005), pages 116, 125, puis 141) ; « Mon premier soin, quand je serai dictateur, ce sera de faire pendre haut et court un psychiatre, de préférence un psychanalyste. » (Marcel Arland dans l’autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006) de Pascal Sevran, p. 204) ; « Ami du théâtre, bonjour ! Voici une pièce où joue un copain de lycée, Alexis Wininger surnommé par moi Anicétus à l’époque où je me prenais pour Néron 😉 Si tu peux la voir, dis-moi ce que tu en penses. » (cf. le mail d’un ami homo, Sylvain, 32 ans, reçu en novembre 2010) ; etc. Par exemple, dans son documentaire « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon, la réalisatrice lesbienne Jeanne Broyon se met le masque de Ben Laden sur le visage. Les artistes homosexuels interprètent à maintes reprises des rôles de dictateurs (Tim Curry, Marlon Brando, David Bowie, Elton John travesti en Marie-Antoinette, Freddie Mercury déguisé en roi lors des concerts de Queen, etc.). L’acteur Maurice Escande, par exemple, joue exclusivement les personnages de monarques dans des films historiques. Dans le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala, Jean Cocteau raconte son goût pour le terrorisme : il aime à se déguiser en fantômes pour faire peur aux autres.

 
 

i) L’armée homosexuelle :

La fusion entre totalitarisme et homosexualité ne se limite pas aux monarques d’antan. Elle s’élargit aux tenants de la culture homosexuelle contemporaine : les militants d’association LGBT, les couples homosexuels dits « ordinaires » et les célibataires occasionnels, mais aussi les personnes transsexuelles (particulièrement utilisées comme épouvantails à moineaux sociétaux) : cf. le documentaire « La Terreur transsexuelle » (2007) d’Aykut Atasay, le documentaire « Transexual Menace » (1995), au film « Brüno » (2009) de Larry Charles, et au documentaire « Armée d’amour » (1978) de Rosa von Praunheim, etc. « Rien ne nous arrêtera ! » (Conchita Wurst, le chanteur autrichien barbu travesti M to F, après sa victoire à l’Eurovision en juin 2014) Par exemple, Michel Dorais propose très sérieusement d’organiser une « Gayrilla » (2005) contre l’homophobie. Pendant la soirée thématique « La Représentation LGBT à la télévision française » organisée au Centre LGBT de Paris le 24 juin 2010, l’homme transsexuel M to F Pascale Ourbih n’arrête pas d’employer le lexique du combat : « Tant qu’on n’a pas gagné sur tous les fronts, c’est le même combat. » Dans le militantisme homosexuel français s’illustrent différents « groupes commandos » tels que le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (1971), les Groupes de Libération Homosexuelle (1974), le Comité d’Urgence Anti-répression Homosexuelle (1979), Act-Up (1987), etc. Les Panthères roses, SOS Homophobie, Ni Putes Ni Soumises, et Act-Up constituent une forme de « police rose ».

 

En ce qui concerne le despotisme homosexuel à échelle communautaire, je vous renvoie au code « Milieu homosexuel infernal » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels. Beaucoup de personnes homosexuelles décrivent le « Milieu homosexuel » comme une dictature, un paradis de la consommation et de l’apparence, avec des légions de clones militaires.

 
 

j) La politique expansionniste du milieu homo : le fascisme gay

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Il arrive que certains individus homosexuels ne se fassent pas à l’idée que, selon eux, le monde soit « non-homosexuel » ou ne soit pas « hétérosexuel ». Pour « libérer » chez tous ceux qui ne voient pas la sexualité comme eux « l’homosexuel qui serait en eux », beaucoup partent en croisade pour l’« amour libre » (homo, hétéro, bi, peu importe) : « Pour moi, j’imaginais que les gars devaient tous être homosexuels quelque part au fond. Je n’arrivais pas à croire que l’on puisse avoir du désir pour une femme, seulement pour une femme. Je me disais que c’était une bande de menteurs. Moi, au moins, j’étais honnête. » (un témoin interviewé dans l’essai Mort ou fif (2001) de Michel Dorais, p. 90) ; « La France est homosexuelle. » (Jeanne Broyon, la réalisatrice lesbienne du documentaire « Des filles entre elles », 2010) ; « Faire du monde ‘réel’ un monde tout homo. […] Comme l’écrivait déjà Gilles Deleuze dans Proust et les signes, ‘l’homosexualité est la vérité de l’amour’. C’est une telle expansion de l’homo-érotisme loin des petits sujets désirants, par-delà les labels d’homo ou d’hétéro, et peu à peu jusqu’aux plantes, aux mots perdus et même aux courants d’air, jusqu’au flou d’une complète indéfinition, qui fait de Proust à son insu le maître à penser, le plus grand répétiteur de toute la doctrine queer. » (François Cusset, Queer Critics (2002), pp. 166-167) ; « Oui, oui. On est mal-baisés ! Oui. On avait un humour époustouflant ! À partir de ce moment-là, j’étais persuadée que tout le monde était homosexuel. » (une témoin lesbienne de 70 ans, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Nous, le féminin, nous allons occuper votre espace. Nous allons faire de nos corps des armes. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Par exemple, dans l’émission de Patrick Buisson traitant du « communautarisme gay » sur la chaîne LCI en 2003, Alain Soral définit le mouvement gay de « réactionnaire » (il parle « tapettocentrisme »)… et au même moment, l’écrivain homosexuel Guillaume Dustan soutient qu’« il faut démocratiser l’homosexualité car tout le monde est bisexuel ».

 

Cette homosexualisation de la terre entière commence par la blagounette… et puis la blague devient parfois beaucoup plus sincère que prévu. « La queerisation tant souhaitée de la société, autrement dit l’éradication des ‘catégories sexuelles’, si elle se réalise jusqu’au bout, sera aussi un grand moment de criminalisation générale et de nettoyage des derniers résidus du vieux monde. Un grand épisode d’épuration. Ni homme ni femme nulle part, mais des Vigilants et des Dénonçants partout. Plus de sexes mais du sexe. Du sexe partout parce que plus de sexes. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 68) ; « Cette subversion vise à terme à instaurer la dictature d’une minorité. » (Élizabeth Montfort, Le Genre démasqué (2011), p. 43) ; « On ne s’arrêtera jamais. Le progrès de la démocratie, c’est ça. » (Louis-Georges Tin dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt) ; etc. À présent, des intellectuels (de droite comme de gauche, homosexuels ou non) décrivent la dérive totalitaire de la communauté homosexuelle actuelle (cf. l’essai Les Maîtres Censeurs (2002) d’Élisabeth Lévy, l’essai Épître à nos nouveaux maîtres (2002) d’Alain Minc, l’essai La Tentation de l’innocence (1995) de Pascal Bruckner, l’essai Big Mother (2002) de Michel Schneider, l’essai Les Martyrocrates (2004) de Gilles William Goldnadel, l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, etc.). Dans le documentaire « Act-Up – On ne tue pas que le temps » (1996) de Christian Poveda, la fameuse association activiste homosexuelle Act-Up est accusée de « totalitarisme intellectuel » par le ministre de la santé Hervé Gaymard… ce que ses militants ne semblent pas démentir en actes et en discours : « Act-Up, c’est une société de nettoyage en quelque sorte. » ; « J’ai eu l’impression d’être dans un mouvement qui n’avait plus rien à voir avec la lutte contre le Sida, un mouvement qui disait le bien et le mal de manière totalement totalitaire. » (Pierre Kneip au sujet d’Act-Up, cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 526)

 

Les slogans des militants homosexuels deviennent de plus en plus menaçants et belliqueux. Ils prennent des tournures qui suggèrent le caprice mégalomaniaque victimisant : « L’homosexualité n’a pas de frontières » (pour la Journée Internationale contre l’Homophobie de 2009 en France) ; « Le changement c’est maintenant ! » (cf. slogan indigent de la campagne de François Hollande aux élections présidentielles françaises de 2012) ; « L’Égalité n’attend plus ! » (pour la Gay Pride parisienne en juin 2012) ; « La France est toujours à la traîne. » (Florence d’Arthuy souhaitant élargir la pratique de la PMA et la GPA à toute la Nation française, dans son documentaire « Homos, et alors ? » diffusé dans l’émission Tel Quel, sur la chaîne France 4, le 14 mai 2012) ; « Les gouines, les pédales, seront le genre humain ! » (cf. le détournement de l’International par quelques Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, dans le documentaire « Et ta sœur ! » (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin) ; « Avec une mentalité pareille, ce n’est pas demain qu’on va prendre en main les commandes de la planète ! » (p. 235) (Paula Dumont critiquant les femmes « hétérosexuelles », dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 235) ; « Nous, gays et lesbiennes, les masses de marginaux et des laissés-pour-compte, dissidents, hétérodoxes et non-conformes de tout poil, nous sommes le vecteur d’une nouvelle et inédite organisation de l’humanité. Rebellons-nous contre ceux qui nous divisent ! Ce que nous avons entendu ici ce soir, il faut le crier sur les toits ! » (Marisol, le transsexuel M to F, dans l’article « Crónica Auténtica De Lo Acontecido En Un Pub De Chueca Una Noche De Verano » de J. A. Herrero Brasas, dans l’ouvrage collectif Primera Plana (2007), p. 123)

 

Les soirées-débats organisées par des associations homosexuelles classiques finissent parfois par des envois de ce type : « Courage mes frères. La lutte continue ! » (cf. la phrase de Bruno venant clore le débat sur l’homoparentalité, organisé au bar Le Cargo d’Angers (France) en 2002) ; « Il nous faut suivre le ‘Droit Chemin’ de l’homosexualité. » (cf. la phrase de conclusion de l’exposé de l’homme transsexuel Natacha aux JAR de l’association David et Jonathan au Mont Dore, en 2004) Dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture, Out » (2014) de Maxime Donzel, il est question de « faire vivre cette culture dont la portée ne cessera jamais d’être politique » : cette culture libertaire, cela va de soi. Lors de sa conférence pour présenter son essai Délinquance juvénile et discrimination sexuelle au CGLBT de Paris en janvier 2012, Sébastien Carpentier a encouragé fortement les interventions en milieu scolaire : « Les interventions en milieu scolaire, il faut vraiment les développer. […] Il faut vraiment sensibiliser les parents. » ; il justifie le plus sérieusement du monde que le « Genre » soit une « police ». Dans le documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau, le Collectif « Grève du ventre » (homo ? bi ? en tous cas, « queer ») est un groupe commando menant une politique expansionniste pour que les femmes « arrêtent de faire des enfants ». Dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, le lexique guerrier est omniprésent dans tous les articles. En parcourant l’univers documentaire de la communauté homosexuelle, on tombe souvent sur de véritables films de propagande, des reportages résonnant comme des appels à la violence proférés par des militants homosexuels zélés tenant un discours belligérant. Par exemple le reportage « The Edge Of Each Other’s Battles : The Vision Of Audre Lorde » (2002) de Jennifer Abod nous montre une Audre Lorde qui se comporte comme un vrai gourou, une femme-dictateur prônant le féminisme noir lesbien. Saisissant.

 

Les militants homosexuels deviennent de plus en plus gourmands de droits, parce qu’ils ne veulent pas régler la question de la haine de soi, si centrale dans la communauté homosexuelle. « Ainsi glisse-t-on, sans crier gare, du PaCS – évident – au droit à l’adoption – plus complexe. De la répression des discriminations – impérative à la revendication de la spécificité – inacceptable – […] de la solidarité entre brimés – naturelle – à la transformation en un appareil de pouvoir – illégitime. » (Alain Minc, Épîtres à nos nouveaux maîtres (2002), p. 54) ; « Vous êtes une maçonnerie comme une autre. […] Est-ce un procès en sorcellerie ? Autant que pour les autres confréries ; ni plus, ni moins. Le sentiment d’exclusion conduit à des réflexes de solidarité et ceux-ci engendrent tout naturellement des réseaux de pouvoir. » (idem, p. 74) ; « Les plus radicaux ne se cachent pas, d’avoir une conception très extensive de la pénalisation de l’homophobie, et ne se gênent pas pour écrire qu’elle ‘ne doit pas se limiter aux seules insultes ou violences, mais doit être élargie à l’homophobie discursive de certain(e)s intellectuel(s) supposé(e)s bien-pensant(s).’ Il s’agit donc bien d’une loi des suspects destinée à interdire toute expression jugée non correcte et même à bâillonner tout contradicteur potentiel, si possible avant même qu’il se soit manifesté, fût-ce de manière discursive. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 127)

 

Généralement, les personnes homosexuelles ou gay friendly nous rient au nez quand on leur parle de « lobby gay » (cf. la conférence « Le Lobby gay… Un bruit de couloir » à l’Amphithéâtre Érignac à Sciences Po Paris le mardi 22 février 2011), alors que pourtant, il existe bien, ce groupe de pression, qui, au moins dans la sphère médiatique, a su s’imposer massivement depuis quelques décennies, au point que maintenant, dans les pays occidentaux, plus beaucoup de personnes se choquent de légaliser le mariage homosexuel.

 

PSYCHORIGIDES Drapeau

 

La communauté homosexuelle, depuis les années 1960-1970, s’est transformée en police de la pensée et de la bonne intention. « Maintenant est venu le moment de continuer à défendre la Société de l’Arc-en-ciel : une société ouverte, plurielle, métisse, où tout le monde sans exception à sa place. […] Plus que jamais, nous devons être actifs dans la lutte pour la liberté, l’égalité et la fraternité. » (Pedro Zerolo cité dans l’ouvrage collectif Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 50) ; « Nous sommes particulièrement fiers de programmer une séance d’éducation à l’image réservée aux collégiens afin de les sensibiliser aux questions de genre et au problème de l’homophobie. » (l’acteur transsexuel M to F Pascale Ourbih, éditorial de la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, le 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris) ; etc. C’est l’idéologie de la « diversité, de l’hétérogénéité, de l’hétérodoxie » (Juan A. Herrero Brasas, Primera Plana (2007), p. 9), mise paradoxalement à plat par le désir insistant d’égalité, qui est matraquée. Par exemple, dans l’article « Esta Batalla La Vamos A Ganar » tiré du même essai d’Herrero Brasas, la militante lesbienne espagnole Boti García Rodrigo arrive quand même à employer le mot « égalité » rien moins que 26 fois ! (sur un espace textuel de seulement 7 pages, il fallait le faire !). En réalité, l’éloge de la diversité et de l’égalité n’est souvent qu’une façade, un désir d’uniformité énonçant que tous les homos sont les mêmes ou bien que tout le monde est homosexuel. C’est la chasse au Réel, et à l’Amour pour le coup, qui est lancée. Par exemple, dans la devise inscrite sur le guide Gay-Friendly France (2000) édité par l’Office français du Tourisme (« Égalité, Fraternité, Diversité »), le pluralisme uniformisant – appelé « Diversité » – a pris bizarrement la place de la Liberté… En octobre 2004, les slogans choisis pour l’ouverture de la chaîne Pink TV en France étaient « Le Liberté, ça se regarde » ainsi que « Liberté, Égalité, Télé ». Le mot « Fraternité » a été éjecté au profit de l’image médiatique, de la machine.

 

La communauté homosexuelle fictionnelle élève le culturel sur un piédestal, sans penser que tout système totalitaire est aussi culturel que les cultures humanistes (puisque tout ce qui est humain est à la fois naturel et culturel). Elle cherche à s’imposer par le sentiment et des concepts fleur bleue déconnectés du réel, vides de sens (« la tolérance », « l’égalité », « la liberté », « l’amour »…). Or, comme l’explique à juste titre Pierre Jourde dans son essai La Littérature sans estomac (2002), « il n’y a guère de dictatures qui ne se réclament de la démocratie et de la liberté. » (p. 48) L’enfer totalitariste est réellement pavé de bonnes intentions !

 

L’homophobie (réelle mais surtout fantasmée) sert d’alibi à beaucoup de personnes homosexuelles pour justifier leurs actes homosexuels les plus violents et les plus hypocrites, justifier tous leurs caprices : « Il n’y aurait pas eu toutes ces manifs pour tous, je crois que je ne me serais pas mariés. C’est plus un acte militant [contre l’homophobie] qu’un mariage d’amour. » (Pierre parlant de son « mariage » avec Bertrand, dans l’émission Infra-Rouge du 10 mars 2015 intitulée « Couple(s) : La vie conjugale » diffusée sur France 2)
 

Le plus inquiétant, c’est qu’actuellement, le lobby hétéro gay friendly sait très bien jouer sur l’ignorance populaire en matière d’Histoire (ignorance qui a atteint les hautes sphères du pouvoir politique), sur la culpabilité mondiale et la corde sensible de l’homophobie, du machisme ou de l’esclavagisme, pour asseoir sa bien-pensance. Tout l’art des groupes féministes, marxistes, et maintenant LGBT. Les prétentions anti-esclavagistes de ces nouveaux mouvements esclavagistes prêteraient presque à sourire si ces derniers n’étaient pas aussi sérieux et intolérants aux différences fondatrices (différence des sexes + différence Créateur/créatures) et aux personnes, dans les faits…
 

"Décolonisez vos corps" (... car la sexuation naturelle, c'est l'Esclavage colonialiste, bien sûr...)

« Décolonisez vos corps » (… car la sexuation naturelle, c’est l’Esclavage colonialiste, bien sûr…)


 
 

k) Mappemonde :

La vision de l’existence qu’adoptent beaucoup d’individus homosexuels étant homosexualo-centrée, narcissique, faussement humaniste (puisqu’elle est déconnectée du réel et très liée à la pulsion fantasmatique), médiatique, il arrive qu’ils le réduisent à une mappemonde, à un petit écran de télévision ou d’ordinateur portable, à un miroir d’eux-mêmes ou de l’être aimé, à un globe terrestre qu’ils peuvent tenir dans leurs mains en se prenant pour les Créateurs du Monde : je vous renvoie à tout l’univers visuel des premières années de la chaîne télévisuelle franco-allemande ARTE (particulièrement gay friendly), à l’esthétique de Philippe Decouflé.

 

PSYCHORIGIDES Livre blanc roi seul

 

Le monde miniature à portée de main symbolise au fond l’étroitesse de la conception libertine de l’Amour, la brutalité anesthésiante et amnésique du viol : « J’étais dans le sommeil. Je flottais. Le monde était devenu bleu et moi, petit et grand, bientôt très grand, bientôt avec une autre image de moi-même. Me construire autrement, dans une autre vie. » (Abdellah Taïa décrivant ses impressions pendant qu’il se fait violer, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 17) ; « J’ai couché avec la terre entière. Enfin, j’ai fait ce que j’ai pu. C’est une phrase un peu donjuanesque. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; etc.

 

"Le Livre Blanc" de Copi

« Le Livre Blanc » de Copi


 
 

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Code n°92 – Humour-poignard (sous-code : Blague virant au drame)

Humour-poignard

Humour-poignard

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

 

L’humour langue-de-pute, autrement dit humour acerbe et bourgeoisement cruel (ceux qui le poétisent diraient « camp » ou « queer ») caractérise une grande partie des personnages homos des fictions, et parfois aussi les personnes homos réelles. En règle générale, l’humour devient violent à partir du moment où la conscience d’être drôle ou de faire rire échappe à l’être humain, où l’objet mimé parodiquement est en réalité protégé/adulé dans la (simulation de) destruction, ou bien lorsque l’acte humoristique est saturé d’intentions (parodiques, esthétiques, spirituelles). Dans notre société, c’est exactement ce que nous avons le loisir d’observer avec les jeux de mots publicitaires, qui déforment les dictons populaires à souhait et font semblant de faire des fautes d’orthographe énormes… mais ces déformations caricaturales ne sont drôles et subtiles que si nous connaissons la réalité originale qu’elles malmènent. Dans le cas contraire, elles ne nous font pas rire. Elles peuvent même nous agresser, car elles servent le mensonge et alimentent notre ignorance. Si, dans l’esprit de la personne qui méconnaît le Réel auquel le slogan publicitaire renvoie, le bon mot n’est pas connecté à sa sphère de conscience, celui-ci la manipulera, lui mentira, et mettra en exergue son ignorance/sa fermeture. C’est pourquoi les blagues employées par les personnes homosexuelles, qui souvent usent de l’humour pour s’éloigner du Réel (je pense aux parodies dans le play-back, au désir d’être objet, dans le travestissement, aux médisances des cyniques, aux blagues « en dessous de la ceinture » où règnent des fantasmes non-assumés… et pas toujours contrôlés…) agissent en général comme un poignard qui les enfonce un peu plus dans l’isolement et le délire narcissique.

 
 

N.B. 1 : Je vous renvoie également aux codes « Douceur-poignard », « Amant triste », « Cour des miracles », « Cirque », « Clown blanc et Masques », « Parodies de mômes », « Milieu homosexuel paradisiaque », « Femme-vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois », « Androgynie bouffon/tyran », « Homosexuels psychorigides », « Liaisons dangereuses », à la partie « Carte » du code « Inversion », aux parties « Imitateurs » et « Travestissement » du code « Substitut d’identité », à la partie « Accident » du code « Passion pour les catastrophes », à la partie « Silence amusé » du code « Déni », à la partie « Jeu virant au drame » du code « Jeu », à la partie « Kitsch » du code « Fan de feuilletons », et à la partie « Mélodrame » du code « Emma Bovary « J’ai un amant ! » », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

N.B. 2 : Je précise à tout hasard que ce code ne concerne pas, contrairement à ce que les plus bisexuels et les plus homophobes des personnes homosexuelles croient, uniquement les individus homosexuels efféminés et les femmes lesbiennes masculines. Pas besoin d’être un minet « maraisienne » pour être cynique et sarcastique ! Je dirais même que ce chapitre s’adresse beaucoup plus aux personnes sur qui l’homosexualité ne se voit pas !

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Ha ha ha ha, hi hi hi hi, ho ho ho ho,

hé hé hé hé, hum hum hum hum,

bof bof bof bof, aïe aïe aïe aïe

 

HUMOUR Gay Pride

 

Dans le quotidien et les créations artistiques des personnes homosexuelles, une grande place est laissée à l’humour. Malheureusement, celui-ci ne s’oriente pas vers une saine catharsis étant donné qu’il vise en priorité le déni de souffrances, le narcissisme, et la destruction. Les comiques homosexuels, souvent très appréciés le temps d’un spectacle, sont en général d’impitoyables observateurs des comportements humains, des personnalités à la base très timides qui pour se venger d’un passé douloureux et d’un présent affectif pas plus heureux ont tendance à s’offrir le luxe de sombrer dans la violence des calembours sardoniques « mouillés d’acide » (comme le chante Charles Aznavour dans « Comme ils disent »), quitte à se la retourner d’abord contre eux-mêmes, pour ensuite la renvoyer au public dans une simulation de destruction qu’Umberto Eco appelle « captatio malevolentia » (figure rhétorique par laquelle un comédien feint de s’aliéner le public pour mieux le rendre réceptif à la monstration de sa propre mutilation).

 

Cependant, les clowns homosexuels ne maîtrisent pas toujours le retour inattendu du premier degré dans leur soi-disant usage du second. Le motif de l’accident, très courant dans la fantasmagorie homosexuelle, illustre parfaitement ce possible basculement inconsciemment désiré du mythe « humoristique » à la réalité fantasmée. Le passage brutal du rire à l’incident dramatique, de l’humour pris au sérieux par des personnages qui ne savent plus arrêter leur blague à rallonge, du revirement inattendu entre le « jeu » et le viol, nous est fréquemment présenté.

 

Concrètement, il arrive aux personnes homosexuelles d’effectuer un va-et-vient incontrôlé entre tragédie et dérision, larmes forcées et rires mécaniques, parodie fantaisiste et plaisanterie sérieuse. Par exemple, on a du mal à croire qu’Alfred Jarry et ses successeurs se soient pris totalement à la rigolade lorsqu’ils ont inventé en 1898 la discipline de l’absurdité instituée baptisée « pataphysique », quand par la suite ils ont fondé en 1948 le Collège de Pataphysique, puis créé un calendrier pataphysique. Dans un tout autre style, le profil déluré de l’armée d’opérette de Yukio Mishima, surnommée la « Société du Bouclier », prêtait à sourire… jusqu’au moment où le romancier japonais s’est révélé très ferme dans son délire puisqu’il tenta un coup d’État et mit fin à ses jours en se faisant hara-kiri. De leur côté, Andy Warhol, Pierre Loti, ou encore Salvador Dalí, ont très souvent montré par leur vie qu’ils ont pris leurs propres « blagues » mégalomaniaques au pied de la lettre. Enfin, on peut parfois été frappé par le visage stoïque et étonnamment sérieux – « professionnel » même ! – que les magnifiques et flamboyants hommes transgenres arborent tout pendant qu’ils amusent la galerie pendant les Gay Pride. Manuel Vásquez Montalbán a tout à fait raison de mettre en doute l’humour bon-enfant des humoristes homosexuels qui mettent en scène un « drame qui ressemble à une comédie… ou une comédie qui est un drame » (Manuel Vázquez Montalbán, Los Alegres Muchachos De Atzavará (1988), p. 265). Le tragique et le comique ne sont jamais incompatibles, surtout quand nous nous forçons à nier leur possible mariage. L’auto-parodie est généralement l’espace de la « violence intériorisée » (Claude Leroy, La Parodie (1977), p. 60). C’est sans doute ce qui fait dire au Dr Franck-N-Furter du film « Rocky Horror Picture Show » (1975) de Jim Sharman, que « ce n’est pas chose aisée que de s’amuser ». L’usage – que certaines personnes homosexuelles rendent systématique – du stéréotype, de la caricature, du comique de répétition, de l’humour noir, du kitsch, du « second degré », possède une certaine violence : celle de la réification. L’individu qui, pour se fuir, s’enchaîne à une image déréalisante ou à un personnage caractérisé par sa superficialité, qui plus est sous couvert de l’humour, laisse souvent de glace ou nous oblige au rire jaune et poli parce que nous devinons sa douleur d’exister et son regret de ne pas incarner ce qu’il mime. Il nous expose en quelque sorte ce dont personne ne peut être fier : son désir de mort.

 

On remarque que beaucoup de personnes homosexuelles cherchent à ne pas prendre leur fantasme de viol au sérieux. Mais en faisant diversion pour évacuer sa violence, elles l’actualisent par un rire dénégateur, inapproprié aux drames qu’il soulève. Derrière la répétitive blague potache, le calembour scatologique ou cassant, est souvent exprimée une envie d’auto-destruction, une frustration d’amour inavouée, un enchaînement aux media, une fausse exorcisation de la peur de la sexualité, une bêtise qui se présente comme de l’esprit, un manque d’amour de soi transformant l’audace en vulgarité, la parodie en égoïsme, le besoin des autres en cynisme agressif. Humour et désir de mort ne s’opposent pas toujours, et bon nombre de sujets homosexuels en fournissent la preuve à travers leurs recours à l’humour camp. Ils ont tendance à ne savoir rire d’eux qu’entre eux et aux dépens des autres, dans l’auto-parodie excessive. À cause du regard malveillant et complexé qu’ils se portent, ils peuvent devenir extrêmement susceptibles. Dès que l’humour vient de l’extérieur, ils demandent souvent à ce qu’il cesse. « Du côté des médias, on souhaiterait une diminution des blagues sur les ‘folles […] On peut imaginer les ravages qui s’ensuivent sur un jeune en questionnement. » (Michel Dorais, Mort ou fif (2001), p. 113) Les « blagues à pédés », les petites attaques ou railleries, les boutades sur les hommes efféminés, plus bêtes que méchantes, résonnent souvent comme de véritables insultes quand ils leur donnent le poids qu’elles n’auraient jamais eu s’ils ne les avaient pas eux-mêmes cautionnées. Alors que l’humour aimant nous aide à rigoler sainement de nous-mêmes, et qu’il ne fait pas rire aux dépens de l’autre mais avec l’autre (… même s’il prend parfois le risque de le bousculer dans une simulation de destruction : l’humour qui ne dérange pas les meubles n’a pas grand intérêt…), c’est comme si, pour un certain nombre de personnes homosexuelles, la simulation de destruction par le rire passait par l’actualisation incontrôlée de cette destruction puisque l’amour de soi n’est pas assez présent et qu’en désir, la Réalité n’est pas toujours respectée. Or, si l’humour aimant permet d’approcher une réalité désagréable pour la rendre moins abrupte et plus humaine, jamais il ne la nie, ni ne l’édulcore. Il ne cherche pas à gommer constamment la frontière entre sérieux et non-sérieux. C’est bien souvent le contraire que fait l’humour employé par la majorité des sujets homosexuels : même si la dédramatisation qu’il propose est bien intentionnée et semble a priori lutter contre la morosité ambiante, il apporte une avalanche de frivolité inappropriée à des situations qui, sans être dramatiques, ne sont pas légères. Il n’est jamais interdit de démystifier la souffrance par l’humour. Mais il y a un temps pour tout : un pour rigoler, un pour être sérieux, un pour être sérieux tout en rigolant, un autre pour rire quand il ne faut pas… et le délire s’éternise souvent beaucoup trop chez certains sujets homosexuels pour qu’ils se respectent réellement eux-mêmes. Quand la légèreté humoristique n’a pas sa place dans un contexte où la souffrance humaine n’est pas reconnue et dénoncée, il agit involontairement comme un glaçon.

 

En découvrant l’échec de leur entreprise de dérision, la plupart des personnes homosexuelles vont inconsciemment retourner la carte psychique du comique et sombrer dans le tragique singé de la Drama Queen, toujours pour nier leur véritable souffrance. C’est rassurant d’un certain côté (nous les voyons parfois aux bords du suicide en début de soirée… puis danser sur les tables à la fin : leur tristesse a duré le temps d’une averse), et inquiétant d’un autre (qui nous assure, par exemple, qu’un sujet homosexuel suicidaire ne va jamais, les jours de profond spleen, mordre précipitamment à l’hameçon de sa théâtralité et passer à l’acte irréparable ?). C’est parce que la détresse homosexuelle ne se dit pas souvent simplement et sans se styliser à l’excès, que nous devrions lui prêter encore plus d’attention, la trouver touchante. La mise en scène mélodramatique que beaucoup de personnes homosexuelles composent est signifiante, même si elle paraît à première vue théâtrale, fausse, et forcément un peu risible puisqu’elle mime exactement les simulations de crises d’abandon de la femme fatale télévisuelle. « Ènième coup de téléphone de François P., qui m’énerve considérablement : il dit qu’il m’aime, et qu’il ne m’appellera plus jamais, car il va se tuer demain, je n’ai même pas envie de le croire ou de ne pas le croire, je reste indifférent, tout juste agacé : qu’il fasse ce qu’il veut, je ne le connais pas. » (Hervé Guibert, Le Mausolée des amants (1976-1991), p. 23) La « c-homo-édie », pourrions-nous l’appeler, par la lassitude/indifférence qu’elle engendre chez la majorité des personnes homosexuelles qui la jouent pourtant chroniquement, et qui la trouve navrante à force de croire qu’elles la connaissent par cœur, n’est pas assez analysée en termes de nature du désir homosexuel qui, je le crois, est par essence tragi-comique, et cause beaucoup plus de maux invisibles qu’il n’y paraît. Du coup, ceux qui la rejettent la déifient fréquemment, et sont tentés de l’actualiser parfois. Beaucoup de personnes homosexuelles figent leur appel de détresse, souvent justifié, en mouvement esthétique surchargé de pathos cinématographique, pour occulter leur souffrance réelle, qui, une fois ignorée à force d’être esthétisée, peut s’aggraver. Dans le malheur, elles ont tendance à se prendre narcissiquement trop au sérieux ou pas assez au sérieux, si bien que leurs proches hésitent à les écouter, et perdent patience à essayer de démêler chez elles d’un côté ce qui fait partie du fantasme de souffrance, et, de l’autre, ce qui est de l’ordre de la souffrance véritable.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) Le personnage homo se croit ou est cru plus drôle que les autres :

Dans les fictions traitant d’homosexualité, très souvent, le personnage homo se croit ou est cru plus drôle que les autres : il serait le maître du délire : « Plus on est de folles, plus on rigole ! » (Dick dans le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot) ; « C’est d’un chiant les soirées sans homos ! » (David dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, l’épisode 1 « À la recherche du prince charmant ») ; « Tout est drôle. » (Pierre, le héros homosexuel faisant passer un casting à des femmes qu’il veut utiliser comme mère-porteuse, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Dès qu’il y avait une blague débile à faire, Jean n’était pas loin. » (Alex parlant de son ex-amant Jean, dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare) ; etc. L’humour et le rire seraient l’apanage de l’homosexualité : cf. la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, etc. « Mon coiffeur a un rire très… coiffeur. » (Laurent Gérard dans son one-man-show Gérard comme le prénom, 2011)

 

Par exemple, dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, Roger, le personnage homo, est la bonne humeur incarnée. Il est très sympa, frivole, toujours partant pour s’amuser. Il enchaîne les répliques tordantes. Il ne prend jamais rien d’autre au sérieux que son look. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, « un hétéro et un homo se découvrent amoureux. Sans clichés, ni préjugés, il franchiront toutes les étapes avec beaucoup d’humour ».

 

Pensons également à tous les rôles de « rigolo » et de « fouteur d’ambiance » qui lui sont réservés : cf. Agrado le transsexuel M to F à la langue bien pendue dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, le Maître de Cérémonie dans le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, l’équipe de volley-ball LGBT du film « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun, Arnold le meilleur ami gay du héros homo Georges dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Cody l’homosexuel nord-américain excentrique et hyper efféminé du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, les flamboyants travestis du film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot, etc.

 

C’est souvent par le biais de la blague potache cochonne que s’exprime l’humour « décalé et ravageur » du héros homosexuel. Par exemple, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), le travesti M to F Charlène Duval nous fait une lecture sulfureuse d’extraits enfantins de Oui-Oui chauffeur de taxi, avec l’histoire détournée de la queue du chat.

 

Le protagoniste homosexuel pare souvent son humour de « second degré », d’autoparodie, de caricature, de romantisme, ou d’une carcasse de suffisance narcissique tellement excessive qu’on doute de l’humilité de la démarche : cf. le roman Yo No Tengo La Culpa De Haber Nacido Tan Sexy (C’est pas de ma faute si je suis né si sexy, 1997) d’Eduardo Mendicutti. « Je suis très à cheval sur la plaisanterie. J’aime l’humour. Et accessoirement les charades. » (Jules, le dandy homo austère et sans humour, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Si une chose nous fait rire, il nous suffit d’un regard pour nous comprendre. » (Matthieu par rapport à son amant Jonathan dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; etc.

 

Concernant l’humour qu’emploient les héros homosexuels et transgenres, il ferait apparemment mourir de rire tout le monde (cf. je vous renvoie aux codes « Milieu homosexuel paradisiaque » et « Mère gay friendly » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), il serait « désopilant », « tout-puissant », « libératoire », « jubilatoire », « génial », « révolutionnaire », « queer ». Et paradoxalement, ces adjectifs sont employés par une élite petite-bourgeoise de pseudos artistes iconoclastes bisexuels sans humour, qui préfère jouer la comédie de l’extase euphorique et dithyrambique plutôt que de reconnaître qu’elle crée des œuvres « avant-gardistes » qui emmerdent tout le monde et font à peine sourire… : « Je suis productrice. Rayon ‘humour’. » (la productrice hyper cassante de la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) On en a de bons exemples de ce décalage entre noirceur et humour, résolu un peu vite par l’excuse de « l’Art », avec la troupe des « Farfadets de Limoges » des Petites Annonces (2007) d’Élie Sémoun (dirigée par le metteur en scène hilare/stoïque nommé saint Brice) qui est une parodie du théâtre contemporain (très bisexualisé et bisexualisant) ; ou encore avec le sketch parodique crypto-lesbien « Le Doutage » du trio Les Inconnus : « J’aimerais être comme toi : pleine d’humour… »

 

 

L’humour dont il est question dans les œuvres traitant d’homosexualité flirte souvent avec l’hébétude, le rêve éveillé du schizophrène, ou le sourire jaune béat : « Le sourire aux lèvres, continuer à vivre en pièces détachées. » (cf. la définition du verbe « vivre » par Denis, le narrateur homosexuel, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « J’ai rêvé qu’on pouvait s’marrer. » (l’imitation parodiquement macabre de Mylène Farmer dans le spectacle La Folle Parenthèse (2008) de Liane Foly) Le rire esquisse une angoisse. Par exemple, dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, lorsque Kevin commence à ressentir une attraction amoureuse pour son copain Chiron, le jeune héros homosexuel, il se contente d’en rire : « T’es marrant, tu sais ? ».

 
 

b) Le clown triste :

En réalité, le rire homosexuel fictionnel semble plus mécanique que justifié par la liberté, l’intelligence humaine, la claire conscience de ce qui amuse : « L’autre sœur eut un rire hystérique. » (Copi, Un Livre blanc (2002), p. 89) Par exemple, dans la série nord-américain Modern Family (2009-2011), Cameron, un des héros homos, est un clown raté qui n’arrive pas à faire rire. Plein de chansons du répertoire homosexuel laissent échapper un rire nerveux : cf. la chanson « Vis à vis » d’Étienne Daho, la chanson « Porno-graphique » de Mylène Farmer, la chanson « Nolwenn ohwo ! » de Nolwenn Leroy, la chanson « Wanna Be » des Spice Girls, la chanson « No More I Love You’s » d’Annie Lennox, la chanson « Over-protected » de Britney Spears, etc. Par exemple, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, les deux amants Léo et Gabriel sont pliés de rire au cinéma devant un film d’horreur où des mariés se font massacrer par un robot.

 

Micheline – « Qu’est-ce qui te fait rire, Ahmed ?

Ahmed – Rien, je ne sais pas, mais je ne peux pas m’arrêter ! (Il a une crise de fou rire) Oh, mais qu’est-ce que j’ai, moi ! »

(cf. un extrait de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi)

 

Quand le héros homosexuel rit ou fait rire, c’est en général lié au désir de se fuir soi-même, d’être objet, de devenir robot, donc finalement au désir de mourir. C’est la raison pour laquelle, même pendant ses show d’imitations parodiques, il arbore un sérieux et une attitude stoïque qui contrastent complètement avec son intention d’amuser la galerie. « Le fond de leur rire avait quelque chose de métallique. » (Pretorius parlant des clients de l’Hôtel du Transilvania, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Le plus sérieusement du monde, Cody [l’homosexuel nord-américain hyper « grande folle »] allume une cigarette, tire une taffe, s’étouffe, tousse, ouvre la fenêtre, jette sa clope et dit ‘Bon, on dirait que Catherine Denouve elle fume plus, hein ? Ah lalah, j’espère que j’aurai pas mes period si je rencontre l’homme, tu comprends, je veux pas avoir du sang pendant mon premier sex session, quoi.’ » (Mike Nietomertz, Des chiens (2011) de, p. 102) ; « Elle rit jusqu’à ce qu’elle dût s’arrêter pour reprendre haleine et cracher du sang, car elle avait dû se mordre la langue dans son effort pour faire cesser ce rire hystérique ; un peu de sang resta sur son menton, jeté là par ce rire d’agonie. » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 257). Dans l’épisode 363 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 25 décembre 2018, André Delcourt, le père de Chloé l’héroïne, fait son coming out, après un « mensonge » et une disparition de plus de 35 ans, pendant lesquels il a abandonné femme et enfants (Anna et Chloé). Il passe son temps à faire le pitre et le joueur, mais il finit par avouer à son ex-femme Marianne que cette légèreté est un masque qui occultait son homosexualité : « Pourquoi je faisais toujours le con, à ton avis ? Pourquoi j’estimais que jamais rien n’était sérieux ? »

 

Comme cet humour n’est pas le fruit d’une vraie liberté mais d’une soumission aux images médiatiques déréalisantes, fatalement, il rend mélancolique le protagoniste homosexuel. Derrière l’humour et après la fête homosexuelle, il y a souvent le revers de médaille de la tristesse. « J’ai pour amis des folles comme moi, des amis pour passer un moment, pour rigoler un peu. Mais dès que nous devenons dramatiques… nous nous fuyons. Chacune se voit reflétée dans l’autre, et est épouvantée. Nous nous déprimons comme des chiennes, tu peux pas savoir. » (Molina, le héros homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 205) ; « À l’heure où naît un jour nouveau, je rentre retrouver mon lot de solitude. J’ôte mes cils et mes cheveux, comme un pauvre clown malheureux de lassitude, je me couche mais ne dors pas. Je pense à me amours sans joie, dérisoires… » (cf. la chanson « Comme ils disent » de Charles Aznavour) ; « J’avais peur que les bouffonneries du travesti me dépriment. […] J’en avais trop vu de ces pathétiques créatures dans ma jeunesse pour trouver celle-là vraiment drôle. » (Jean-Marc, le héros homosexuel parlant du travesti Sandra Deelicious, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, pp. 173-175) ; « Voir un ami travesti pleurer. » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; etc. Je vous renvoie aussi à tous les personnages homosexuels des fictions filmés avec le rimmel qui coule, comme des « rigolos tristes » : cf. le film « Je vois déjà le titre » (1999) de Martial Fougeron (avec Paulo, le clown triste et travesti), le film « Nos vies heureuses » (1999) de Jacques Maillot (avec le déprimant travesti M to F « Miss Sophistication »), le film « Muriel » (1994) de P. J. Hogan (avec le pathétisme des actrices « roses-bonbons »), le roman El Ángel De La Frivolidad Y Su Máscara Oscura (L’Ange de la frivolité et son masque sombre, 1999) de Luis Antonio de Villena, le film « Love, Valour And Compassion » (1997) de Joe Mantello (avec la répétition du Lac des Cygnes de Tchaïkovski), le film « Victor Victoria » (1982) de Blake Edwards (avec Toddy, l’homosexuel frivole mais abandonné), le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion (avec Adrien en larmes dans sa piscine, après son acte de trahison), etc. Par exemple, dans le film « Monsieur Max » (2007) de Gabriel Aghion, Max Jacob se définit comme un « clown triste », un « pitre ». Les héros homosexuels, en bons maniaco-dépressifs « Jean-qui-rit Jean-qui-pleure », sont en général sujets à des accès subits de joie ou de cafard.

 
 

c) Le clown violé et souvent violent :

Je vous renvoie avec insistance à la partie « Jeu virant au drame » du code « Jeu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

 

La particularité du rire homosexuel fictionnel, c’est qu’il n’est ni contrôlé ni libre, qu’il est souvent accidentel, et donc potentiellement emprisonnant et agressif : « Ok, tout ça n’était qu’un jeu. Ok, on s’est prix au sérieux. Le rire au fond des yeux. Nuit magique. » (cf. la chanson « Nuit magique » de Catherine Lara) ; « La seule chose qu’on aurait pu lui reprocher, c’est qu’il n’avait pas le sens de la mesure. C’était trop maintenant, il se laissait entraîner. » (Claudio par rapport au spectacle drolatique travesti de François, dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 97) ; « La crise, ça veut dire qu’il faudra carrément se fendre à deux… de rire. » (Zize, le travesti M to F, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « L’homme se frotta les yeux et gémit. Il avait un crâne chauve constellé de taches de vieillesse ; sa bouche, large avec des lèvres fines, aurait été une bénédiction pour un clown. » (Jane, l’héroïne lesbienne décrivant le vieux Karl Becker, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 62) ; « Sa large bouche s’étira pour former un sourire et il ressembla à nouveau à un clown triste. » (idemp. 67) ; « Tielo trouvait ça tordant. C’était un peu paradoxal – j’envisageais de révéler mon homosexualité à nos parents, et en même temps je mentais à toutes les filles que je rencontrais. » (Petra se travestissant en homme, et s’adressant à son amante Jane, idem (2012), p. 83) ; « Ses lèvres fines étaient sèches et gercées, blanchies par le froid, mais sa bouche était toujours large et clownesque et il était facile de l’imaginer en train de hanter un cortège de fantômes. » (Jane décrivant le vieux Herr Becker, idem, p. 218) ; « Je doute que vous sachiez plaisanter. » (le Commandant Denniston s’adressant au mathématicien asocial homosexuel Alan Turing, dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum) ; « Arrêtez de vous cacher derrière votre humour qui ne fait pas rire grand monde. » (Dr Katzelblum, homo, s’adressant à son patient homo Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc. Par exemple, dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, l’homosexualité entre Bruno et Pablo commence par une boutade en soirée, et finit par être prise au sérieux. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand balance sur le faible sens de l’humour des lesbiennes camionneuses pas commodes, notamment avec le personnage de Joyce, la femme en cuir insensible avec qui le couple Rodolphe/Claudio avaient initialement prévu d’avoir un enfant, et qui se révèle un vrai monstre : Joyce dit d’un air très pince-sans-rire qu’« elle adore les enfants » et qu’elle « en a déjà mangés 4 »… pour conclure hyper sérieusement « Non, j’déconne. Humour lesbien. C’est particulier. Je sais, je n’en ai pas. » Elle compte même couper en deux l’enfant que le couple Rodolphe/Claudio comptaient faire avec elle dans leur projet de coparentalité : « On fait 50/50 avec l’enfant ? Je prends la tête et vous les jambes ? » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ted, l’un des héros homos, parle d’un « clown géant » auquel il doit faire face, lors d’un jeu de rôle où il ne distingue pas la réalité de la fiction. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, pendant la messe, Ziki ose caresser la main de Kena, sa copine, alors qu’elles peuvent être vues… ce qui n’amuse pas du tout Kena qui sort en trombes de l’assemblée pour demander à Ziki d’être plus discrète. Ziki prétexte « l’humour » : « Je m’amusais. C’est tout. »

 

Plus les séquences filmiques des œuvres homosexuelles sont volontairement clownesques, plus elles annoncent en général l’arrivée d’un drame cinématographique. Pensons par exemple à la scène du mariage des quatre nazis travestis dans le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 Jours de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (préfigurant la tuerie finale), à la danse collective en tutu dans le film « Love, Valour And Compassion » (1997) de Joe Mantello (annonçant la mort prochaine des protagonistes emportés par le Sida), à l’usage grinçant et amer de l’humour dans le film « Orange et Pamplemousse » (1997) de Martial Fougeron (racontant les déboires pathétiques d’un internaute qui va d’humiliation en humiliation parce qu’il n’a pas le physique de rêve que demandent ceux qui veulent le sauter), à la scène de passage à tabac d’un homme laissé pour mort par les Nazis intercalée à un spectacle de cabaret comique mené par le Maître de Cérémonie dans le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, à la séquence du tabassage d’Enrique par l’amant de sa femme filmée en parallèle avec le show travesti de son fils transsexuel M to F Michael en boîte dans le film Gun Hill Road (2011) de Rashaad Ernesto Green, etc.

 

Film « Das Flüstern Des Mondes » (« Whispering Moon », 2006) de Michael Satzinger ("Ce n'est qu'une blague")

Film « Das Flüstern Des Mondes » (« Whispering Moon », 2006) de Michael Satzinger (« Ce n’est qu’une blague »)


 

Le pathétisme de l’humour du héros homosexuel dit souvent une grande souffrance existentielle, une misère amoureuse. Généralement, le rire agit dans les fictions homo-érotiques comme un paravent du viol, de l’inceste, de la haine de soi, de la mort ou de la vieillesse : « Viens, dupons notre monde par un air rieur. » (Macbeth s’adressant à sa femme après avoir perpétré leur meurtre, Acte I, scène 7, dans la pièce Macbeth (1623) de William Shakespeare, p. 77) Par exemple, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Didier veut « continuer à rigoler » avec son voisin homo Bernard ( = coucher de temps en temps).

 

Vianney – « Non, je ne fume pas, mais ça ne me dérange pas, j’aime bien les bouches qui sentent le tabac froid, ça me rappelle mon père.

Mike – T’as couché avec ton père ?

Vianney –

Mike – C’était de l’humour, bon, ok, je me tais. »

(cf. le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 85)

 

Comme le héros homosexuel ne veut pas regarder sa réalité souffrante en face, ni la douleur de ceux qui l’entourent, il lui arrive en général de se servir de l’humour comme d’un système de censure redoutable, une matraque, un instrument de viol, pour se venger de ceux qui ont osé identifier sa blessure ou ses actes mauvais. Il passe de la blague à l’agression, en une fraction de seconde : « Ces gars qui se maquillent, ça fait rire les passants. Mais quand ils voient du sang sur nos lames de rasoir, ça fait comme un éclair dans le brouillard. » (cf. la chanson « Quand on arrive en ville » de Johnny Rockfort et Sadia dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) Par exemple, dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Kyril, le dandy maniéré avec son monocle, se gausse méchamment de Marguerite en feignant de l’aduler. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François et son amant Thomas pratiquent un amour piquant gossip (rire-poignard). François décrit Thomas comme « Monsieur Je casse toujours tout le monde », à l’« humour ravageur. ».

 

La force comique que le héros homosexuel met en place n’est ni sociale ni véritablement conviviale : cf. la B.D. Humour secret (1965) de Copi. C’est plutôt un humour personnel, autistique, caustique, narcissique, fait de private jokes seulement compréhensibles à une minorité de cyniques comme lui. Un humour qui n’exorcise rien, en dépit du fait qu’il soit noir et qu’il parle ouvertement de souffrance, de mort, de sexe, de maladie : « Comment ça va, ton cancer ? » (Mimi à son ami Fifi, travesti M to F comme lui, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Nous ne sommes pas sûrs que le cadavre qu’ils nous ont rendu est le bon, tant il est calciné. » (le narrateur parlant de la mère de son amant Pietro, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 14) ; « Qu’est-ce qu’on s’est poilés à Fukushima. » (Didier Bénureau dans son one-man-show Bénureau en best-of avec des cochons, 2012) ; etc.

 

Machiniste – « Mon grand-père le clown s’est suicidé en cours de spectacle. Il s’est pendu au trapèze, tout le monde croyait à un numéro comique ! Il a eu quinze minutes d’applaudissements avant qu’on s’aperçoive qu’il était mort !

Auteur – C’est ça l’art ! »

(Copi, La Nuit de Madame Lucienne, 1986)

 

Par exemple, dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, aime pratiquer l’humour grinçant : « Des mecs comme moi sont les rois de l’ironie. » Il s’extasie au départ devant la camaraderie explosive des drag-queens entre elles dans leurs vestiaires du cabaret… (« Vous êtes hyper sarcastiques, mais personne n’est violent. ») juste avant de changer d’avis en voyant qu’elles s’envoient réellement des objets pour se blesser. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne, est odieuse : elle flingue, par un cynisme bien calibré, tous les membres de son entourage… et le piège se retournera contre elle. Dans le film « Joe + Belle » (2011) de Veronica Kedar, Joe, l’héroïne lesbienne, est une jeune trafiquante de drogue très cynique. Dans la pièce Lacenaire (2014) de Franck Desmedt et Yvon Martin, Lacenaire rit toujours de tout et dans le sarcasme, y compris quand il s’agit de mort ou de crime. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah, l’une des héroïnes lesbiennes, a un humour très cassant. Elle et sa copine Charlène nous offrent des « grands » de rires nerveux tout le temps. Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel a la prétention de dire que les homosexuels ont toujours le mot pour rire : « Nous ne sommes jamais à court d’humour. » Mais en réalité, lui et ses amis passent leur temps à s’insulter l’air de rien : « On a beaucoup d’ironie sur nous-mêmes. » ; « Qu’est-ce que tu fous, connasse ? » ; « T’as dormi où, p’tite salope ? » ; « Non ! Non ! C’est de l’amusement. C’est de l’auto-dérision. »

 

Même entre amants homosexuels fictionnels, on observe beaucoup d’humour vache et narquois, basé sur l’humiliation mutuelle et les petits « pics » désagréables (« Je teste la force de ton amour pour moi – ou bien je te prouve mon amour – au point d’en devenir imbuvable et d’accepter que tu le sois avec moi ! ») : cf. le film « Giorni » (« Un Jour comme un autre » (2003) de Laura Muscardin, le film « I Love You Baby » (2001) d’Alfonso Albacete et David Menkes (avec l’humour pas sympa dans le couple Daniel/Marcos), etc. « Tu me casses les burnes, Paul Wood. » (Jack à son amant Paul, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt) ; « C’était une blague. » (Engel juste après avoir fait son baiser volé à Marc, dans un élan homophobe, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant) ; etc. Dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel, la photo de Nathan et de Louis s’embrassant secrètement à une soirée de jeunes circule sur les réseaux sociaux : Nathan fait croire que c’était un jeu, pour faire mentir la photo. « Quand j’ai embrassé ce garçon, c’était pour de rire. » (Nathan)

 

La méchanceté homosexuelle soi-disant « humoristique » (« Mais j’rigole ! Je te taquine ! ») dépasse le cadre du couple et s’élargit bien sûr à la sphère « amicale » et sociale. Tuer son opposant/amant par un jeu de mots bien senti est, aux yeux du héros homosexuel, un art de séduction fabuleux, une occasion d’auto-satisfaction parfaite ! « J’ai encore plein de sarcasmes en réserve. » (Arnold, l’un des héros homosexuels de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; « J’ai la langue acérée, le verbe assassin. » (Charlène Duval dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines, 2011) ; « Moi, j’aime l’acide, l’amer. » (idem) ; « Comme si, vers la quarantaine, les gays basculaient dans le cynisme. » (Bjorn, l’un des héros homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 159) ; « Le cynisme, c’est l’humour des gens qui sont beaux. » (cf. une réplique de la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « Il faut que je m’adapte. Aujourd’hui, c’est l’humour de ceux qui ricanent du malheur des autres qui marche. » (Pierre Fatus dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; « Les gens, ils croient qu’on se marre chez les PD. Mais c’est pas vrai. On ne se marre pas. » (Loïc, homosexuel, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc. Le personnage homosexuel est connu pour manier l’humour comme il donnerait des coups de griffes ou viserait sa victime au revolver à bout portant. Par exemple, dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, « les fiottes pleines d’esprit acide » sont mises à l’honneur. Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, Mourad, l’un des deux héros homosexuels, est grand fan de la cruauté cynique de la garce de l’histoire, Amande : « Mourad [l’homo] jubilait. Amande était une peste, mais sa méchanceté avait une drôlerie sans équivalent. Il suffisait de la lancer sur une piste, et elle démarrait au quart de tour, brossant des portraits comme une virtuose, se dépensant sans compter. » (p. 83) ; « Il était un inconditionnel d’Amande. Elle était pour lui le condiment sans lequel l’atmosphère aurait affreusement manqué de saveur. » (idem, p. 415)

 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, c’est un florilège de coups bas entre amis et amants homosexuels qui se balancent des blagues cyniques dans une joute verbale destructrice pendant toute une soirée : « Cette folle est très amusante, non ? » (Michael par rapport à Harold, avec agressivité) Par exemple, la conversation entre Alan et Michael à propos d’Emory, le héros gay dont l’efféminement agace suprêmement Alan ne manque pas de sel :

Alan – « C’est son humour, j’imagine…

Michael – Il sait être drôle.

Alan – Oui… Si on trouve ça drôle… Il fait très tapette. »

 

À la surprise générale, le héros homosexuel ne rigole pas du tout, même quand il semble proposer quelque chose d’objectivement farfelu et de comique. « Il n’y a rien de comique [dans cette pièce], on ne rit pas une seule fois ; c’est pervers, c’est tout. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Vous plaisantez toujours sur des choses où il n’y a pas de raison de rire. » (Antonietta s’énervant contre son ami homosexuel Gabriele, dans le film « Una Giornata Particolare », « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola) ; « Une plaisanterie banale se termine tragiquement. Tu m’as griffé. » (Gabriele parlant à Antonietta, idem) ; « Il m’a bloqué direct. Zéro Humour. » (Jérémy Lorca parlant de ses amants homos qui n’ont aucun humour sur les sites de rencontres, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc. Plus susceptible qu’il ne le montre, il se sert parfois du prétexte de l’humour pour violer à son tour ceux qui l’ont/l’auraient agressé. Par exemple, dans le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot, l’amusant travesti Félicia finit par agresser les occupants du bar qui se sont moqués de lui. Dans le film « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Étienne, le héros homosexuel, filme sans arrêt le couple Vanessa-Ludovic « pour de rire » jusqu’au moment où il obtient leur rupture. Dans le film « Where The Truth Lies » (« La Vérité nue », 2005) d’Atom Egoyan, un duo comique, Lanny Morris et Vince Collins, très connu aux États-Unis, est lié à un meurtre d’une femme découverte morte dans leur suite.

 

Par exemple, dans la pièce Et Dieu créa les fans (2016) de Jacky Goupil, Tom, le fan de Mylène Farmer, est très susceptible et ne rigole pas du tout : « On ne fait pas d’humour sur la Farmer ! »
 

L’« humour » du protagoniste homosexuel se radicalise quelquefois en système politico-économique dictatorial, sous couvert paradoxalement de lutte « anti-fasciste » et de légèreté comique vengeresse : « Quand Rakä ramassa des pierres pour casser les vitraux de la Sainte-Chapelle, je l’imitai ; nous éclatâmes tous de rire, laissant échapper notre angoisse. » (Gouri, le narrateur bisexuel du roman La Cité des Rats (1979), p. 90) Par exemple, dans la pièce En circuit fermé (2002) de Michel Tremblay, Nelligan critique à juste titre l’invasion médiatique des humoristes (qu’il appelle « les niaiseux ») dans le milieu de la télé, au détriment des émissions sérieuses ou culturelles qui font moins recette : « Ce sont les nouveaux curés de la télé. » ; Robert, le producteur, dit quant à lui qu’il « est là pour faire de l’argent avec le rire ». Le masque de l’humoriste homosexuel cache bien souvent le visage du tyran aux méthodes pas drôles du tout !

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) Les membres de la communauté homo se croient ou sont crus plus drôles que les autres :

Très souvent, les personnes homosexuelles se croient ou sont crues plus drôles et plus libérées que les autres. « Beaucoup d’homosexuels possèdent un sens critique aigu, parfois même une tournure d’esprit satirique et anti-conformiste, qui découlent en grande partie de leur homosexualité. » (Marc Daniel, André Baudry, Les Homosexuels (1973), p. 68) ; « La parodie, signe à elle d’une certaine liberté d’esprit, s’impose comme le genre le plus queer des Lumières britanniques. » (François Cusset, Queer Critics (2002), p. 45) ; « La comédie, c’est notre meilleure arme pour faire changer les choses. » (Lea Delaria, lesbienne, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel) ; « Aujourd’hui, c’est moi qui vais rigoler à gorge déployée » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Les Français et le rire » (2013) de Stéphane Bégoin sur la chaîne France 5, « les » homos sont présentés comme les tenants de l’humour, les précurseurs d’une nouvelle légèreté.

 

Par exemple, il existe en France une association homosexuelle de convivialité baptisée Les Mâles Fêteurs. Et on compte parmi les artistes homosexuels un certain nombre d’humoristes célèbres : Muriel Robin, Pierre Palmade, Graham Chapman (des Monty Pythons), Marc-Olivier Fogiel, Élie Kakou, Thierry Le Luron, Jarry, Philippe Jullian, Laurent Ruquier, Jennifer Saunders et Dawn French, Michel Heim, Shirley Souagnon, etc. Les personnes homosexuelles sont connues pour être les « maîtres du délire » : « Ils mettent une ambiance de dingue dans mes concerts ! » (la chanteuse Zazie en parlant des individus homosexuels, dans la revue Égéries, n°1, décembre 2004/janvier 2005, p. 24) Dans « leurs » boîtes, on s’y amuserait, paraît-il, plus qu’ailleurs.

 

Certains créateurs homosexuels forcent d’ailleurs leur public à ne considérer leurs œuvres que comme de simples bouffonneries sans prétention et sans interprétation à tirer. Des chefs-d’œuvre de dérision. Par exemple, dès le début de la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1971) de Copi (dans la mise en scène de Cyrille Laïk et Suzanne Llabador en 2010), la comédienne qui joue Irina nous prévient que nous allons assister à un spectacle qui n’est qu’une « énorme blague ».

 

L’humour et le rire seraient l’apanage de l’homosexualité : « Être gay ne se résume pas à parler d’homophobie, de Sida et d’homoparentalité. Nous revendiquons le droit à la légèreté. » (Franck Besnier dans « L’Édito » du magazine Égéries, n°1, décembre 2004/janvier 2005, p. 3) ; « Je m’emmerde dans les dîners d’hétéros, ça manque d’humour. » (Claude, homosexuel, cité dans l’autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006) de Pascal Sevran, p. 16)

 

Certains créateurs bobos bisexuels se payent souvent le luxe d’être triviaux (… et ça ne fait rire qu’eux), car leur instrumentalisation de la thématique de l’homosexualité se pare de militantisme. Par exemple, dans « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, je pense à la blague (la seule du film) potache sur les huîtres, symboles saphiques cousus de fil blanc et graveleux. Adèle, qui n’aimait pas les huîtres, finit par les aimer (ha ha ha, qu’est-ce qu’on rigole…). Rire (ou faire rire) avec des choses étiquetées « incorrectes et choquantes » par le bisexuellement et le boboïsement correct, c’est (se) donner l’illusion d’un engagement et d’un héroïsme.

 

À en croire les critiques gays friendly (souvent homosexuels eux-mêmes), l’humour qu’emploient les héros homosexuels et transgenres, ou les créateurs homosexuels, serait « désopilant », « tout-puissant », « jubilatoire », « génial », « révolutionnaire », « queer » : « L’humour, chez Copi, est le plus radical des garde-fous contre la pédanterie. » (Marcial Di Fonzo Bo dans l’article « Le plus Bo des Argentins » de Franck Sourd, sur le journal Les Inrockuptibles, daté le 30 mars 2005) ; « J’ai toujours trouvé que la profession dite d’‘humoriste’ avait quelque chose de borné. Pourtant Copi empruntait les sentiers de l’humour et si en chemin on se prenait à frissonner c’était peut-être bien d’être confronté soudain au sentiment de l’absolu ! » (Myriam Mézières dans la biographie du frère de Copi, Jorge Damonte, Copi (1990), p. 77) ; « Doué pour tout, Copi. L’humour et la vie surtout. » (cf. l’article « Copi, à jamais pas conforme » d’Armelle Héliot, dans le journal Le Quotidien de Paris publié le 15 décembre 1987) ; « Un rire désespéré et libératoire celui qui traverse tout le théâtre de Copi » (cf. l’article « Le Rire désespéré de Copi, la folie totale d’Eva Perón » de Brigitte Salino, dans le journal Le Monde publié le 5 mars 2006) ; « La transgression, c’est toujours quelque chose qui m’intéresse. Dans la vie. Dans mon travail. Et c’est quelque chose que j’aime dans la culture gay en général. C’est de vraiment twister les choses, de les rendre différentes. Et en fin de compte qu’arriver à coder quelque chose, je trouve que c’est assez drôle. » (Michel Gaubert interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; etc. Et paradoxalement, ces adjectifs sont employés par une élite petite-bourgeoise de pseudos artistes iconoclastes bisexuels sans humour, qui préfère jouer la comédie de l’extase euphorique et dithyrambique plutôt que de reconnaître qu’elle crée des œuvres « avant-gardistes » qui emmerdent tout le monde et font à peine sourire… On en a un bon exemple avec la troupe de théâtre contemporain parodiée par les Inconnus, qui pense avoir de l’humour, alors que rien de ce qu’elle présente ne peut objectivement déclencher l’hilarité.

 

 

« J’aime et je me gausse quand personne ne ri(rai)t : mon rire est politique et minoritaire/pro-minorités. » Pour illustrer cette idée, je revois les rires forcés et satisfaits de certains spectateurs bobos au moment de la représentation – minable plus que blasphématoire – de la pièce épate-bourgeois Golgota Picnic (2011) de Rodrigo García au Théâtre du Rond-Point à Paris. Sans être des ricanements, ce type d’esclaffements ne sont pas des rires francs, mais rien que des rires intentionnalisés, surpolitisés, surchargés de paraître, de snobisme, de jugements, d’ignorance, étant donné que ce qu’on regarde est de la pure provocation adolescente. C’est « l’affreux rire de l’idiot » dépeint par Arthur Rimbaud dans son poème « Une Saison en enfer » (1873), un spasme mécanique, poussé, agressif, hystérique parfois, conquérant, qui se croit – malgré le gouffre d’ignorance qu’il traduit – plus intelligent et distingué que les autres.

 

Les individus homosexuels sont les premiers à croire en leur réputation d’« humoristes révolutionnaires ». D’ailleurs, ils présentent souvent leur propre « esprit comique » comme une grâce divine, inattaquable et indétrônable : « Le clown, il peut tout être. Le clown, il est au-delà. » (la femme transsexuelle F to M, dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier)

 

En réalité, l’humour employé est beaucoup plus trivial et nu qu’il n’y paraît. C’est souvent par le biais de la blague potache cochonne que s’exprime le mieux le calembour « décalé et ravageur » du plaisantin homosexuel. On entend souvent de sa part la même ironie salace, dans laquelle les sous-entendus sexuels, tirés par les cheveux, s’enchaînent à une cadence infernale. Et il faut bien reconnaître que, le temps d’un week-end, d’un show travesti, d’une « soirée délire » entre potes, ou d’un défilé de Gay Pride, les métaphores filées « en dessous de la ceinture », le jeu grandiloquent de la superficialité kitsch, et les références à la vulgarité télévisuelle bon marché, sont soit touchants, soit carrément à mourir de rire ! 24h/24, et en amour, c’est une autre affaire… mais à petite dose, et dans le cadre chaleureux de l’« amitié sans prise de tête », ça reste franchement sympa et convivial. L’humour facile et déréalisé est exactement à l’image du désir homosexuel : sur le coup, il peut être objectivement efficace, déclencher émotions et fous rires en cascade une fois que nos nerfs sont lancés et chauffés. Mais efficacité et contenu ne sont pas nécessairement synonymes…

 
 

b) Le clown triste :

La réputation d’humour des comiques homosexuels est à nuancer et à revoir fortement à la baisse une fois qu’on regarde les faits, la durée, le sens, et ce qui est construit en amour. Ils parent souvent leur humour de « second degré », d’autoparodie, de caricature, ou d’une carcasse de suffisance narcissique tellement excessive qu’on doute de l’humilité de leur démarche : « Tu es marié ? Quelle horreur ! » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, s’adressant à un homme qui lui plait, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 74) Beaucoup d’entre eux, quand ils sortent une blague, ne « déconnent pas tant que ça » : ils prêchent le faux pour savoir le vrai, balancent une blague dont on ne sait pas si c’est du lard ou du cochon (« Je te tripote, mais c’est pour de rire, tu sais : je suis très tactile. »), et pencheront du côté sérieux ou du côté ludique que décidera leur auditeur : leurs calembours expriment souvent un test, un manque d’assurance et de liberté, un attachement au desiderata des autres, une démission, une faiblesse, une soumission, une angoisse de ne pas être aimé et cru. On ne les a tellement pas crus dans leur adolescence !

 

Par exemple, un film comme « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha a la prétention d’être une comédie légère, mais il nous raconte des histoires existentielles tellement pathétiques et vouées à l’échec, à travers le parcours amoureux des trois potes homos Nicolas, Gabriel et Rudolf, qu’il semble que le réalisateur et ses personnages se retrouvent à s’auto-parodier eux-mêmes. Autre exemple : dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, l’humour noir y est tellement présent que le spectateur sent une auto-détestation sous-jacente chez le comédien, empêchant de rire de bon coeur. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca pratique l’humour grinçant typiquement gossip gay.

 

À la longue, l’humour porté par une majorité d’individus homosexuels suinte la vanité, la prétention, la bêtise, le manque d’inventivité, le manque d’amour de soi et des autres, l’impression de ne pas être pris au sérieux. « Les homosexuels sont, dit-on, fort peu drôles, exception faite des cas où ils se miment eux-mêmes avec exagération. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 24) ; « On dira que Grand-Guignol et folinguerie sont les masques de la pudeur de Copi. Soit. L’ensemble cependant, drame compris, constitue une amusette assez anodine, même si elle peut scandaliser encore quelques boétiens attardés. Cette amusette, drôle au début, ensuite s’éternise et s’appesantit. Elle ressortit au genre du théâtre pour copains, celui qu’on fait entre soi, dans le grenier, les soirs de nouvel an précisément. Mais on éprouve quelque gêne aussi à voir les homosexuels, au théâtre comme à la ville, non seulement se complaire à leur propre dérision (que les bien-pensants charitables diront « émouvante » ou tragique) mais surtout se conformer à l’image que les autres se font d’eux : des monstres assez dérisoires. Ces minauderies sophistiquées, ces hanches tortillées, ces piaillements appliqués, assortis de la drogue, de l’hystérie et de l’infanticide – avec tout l’humour noir qu’on voudra, celui qu’on reconnaît volontiers à Copi – n’amusent que deux sortes de gens : les copains et les poujadistes. Cela fait, il est vrai, de nombreux Français. » (cf. l’article « La Tour de la Défense de Copi : La Cage aux folles version rive gauche » de Gilles Sandier, dans le journal Le Matin de Paris, publié le 26 novembre 1981) ; « Tu es toujours en train de prendre les choses à la légère, de te moquer tout le temps. » (André reprochant à son amant Laurent son inconstance, sa mollesse et son indifférence amoureuse, dans le film « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; « J’ai été mal dans ma peau jusqu’à l’âge de 20 ans. Je me trouvais moche, je ne plaisais pas. J’ai vite compris qu’il fallait que je séduise par autre chose que mon physique. J’avais l’humour caustique, un peu anglais. J’étais vieux à 20 ans et jeune à 40, l’âge où j’ai commencé à déboutonner mon corset. » (Stéphane Bern, Paris Match, août 2015) ; etc.

 

En ce qui concerne ma propre expérience et mon ressenti de l’ambiance qui règne dans les cercles relationnels LGBT (y compris ceux qui se disent « hors ‘milieu’ »), je dirais que globalement, j’ai rencontré quelques personnes homosexuelles individuellement/amicalement très drôles (voire hyper drôles), mais dès qu’elles étaient en couple homo ou qu’elles cherchaient à croire à ce dernier, elles devenaient pathétiques, compliquées, vulgaires et langues-de-pute. Parmi les humoristes qui se présentent ouvertement comme « homosexuels », je me rends compte que les rares qui arrivent vraiment à faire rire un large public sont ceux qui ont un minimum de recul sur leur désir homosexuel, qui en soulignent les ambiguïtés, et qui ne le justifient pas (c’est-à-dire très peu de gens, au final ! : Océane Rose-Marie, pour ne citer qu’elle, fait partie des rares exceptions). Dès qu’un humoriste tente de justifier d’une identité ou d’un amour homosexuel, son sens comique s’éteint à petit feu ou dégouline en naïveté guimauve, en vulgarité facile ou en militantisme gonflant.

 

Avec les « soirées pétasses » entre amis que j’ai vécues, notamment dans ma période étudiante angevine (en 2002-2003), je me suis bien amusé, je le reconnais. Mais au bout du compte, on n’abordait tellement pas de sujets profonds ni nos drames personnels (si on le faisait, c’était purement factuel, et dans la confidence adolescente de déboires sentimentaux non-analysés), on parlait tellement peu de nous-mêmes, on jouait tellement à se fuir dans la superficialité, que je crois qu’on ne se comprenait pas vraiment. Rares sont les fois où j’ai eu la chance de recevoir des conseils solides et avisés de la part de mes « potes » homosexuels pratiquants. Certes, avec eux, on a en commun ce sens du ridicule assumé, ce goût de la critique acérée, le plaisir de la fête. Et ça fait du bien, dans les cercles relationnels homos, de « se lâcher » sans complexe, de médire pour ne rien dire, de « s’éclater », de partager des goûts étonnamment communs, de devenir quelqu’un d’autre et d’enfiler le masque du carnaval de temps en temps. Mais sur la durée, du point de vue existentiel, de l’Amour, de la profondeur, de l’amitié profonde et solide, ou même de la foi, ça ne comble pas. Ça peut même foutre le cafard, car on se sent isolé, incompris, et en décalage, quand bien même on soit parfois entouré des bras de « son homme » et de la compagnie de nombreux amis gay friendly à l’humour familier (mais si peu chaleureux !).

 

Ça va vous paraître curieux, ce que je vais vous dire, mais ma référence d’humour aimant, c’est mon propre père. Mon papa, espagnol d’origine, il n’est pas bête du tout (puisque c’est un homme de Dieu), mais ce n’est pas un intello. Son humour n’est pas raffiné comme l’attendent certains individus bobos et pseudo « lettrés », qui ont la « beauf attitude » en horreur. Il a au contraire l’humour facile. Il adore les spectacles de clowns, et les chutes Vidéo Gags le font hurler de rire, c’est vous dire ! Il est bon public, mais uniquement à partir du moment où c’est facile à comprendre, ouvert à tous, où on ne se moque de personne, où tous les gens impliqués dans la blague ressortent vainqueurs. Sinon, il décroche, fait répéter les blagues parce que les calembours étaient trop privés, trop rapides ou trop cyniques. Et maintenant, quand je me retrouve seul dans un groupe d’amis et de connaissances où j’imagine que mon père serait humoristiquement largué, je me sens hyper mal à l’aise, en dépit de la qualité parfois objective des bons mots qui fusent entre les invités. Je vois mentalement comment mon père rirait ou ne rirait pas s’il était là. Et ça décide de ma état d’humeur/de rire en société. Pour rire de bon cœur, j’ai besoin qu’il y ait de l’amour universel, de la bienveillance, de l’ancrage dans le Réel… chose que je ne sens pas du tout dans les groupes relationnels homosexuels, ou dans la personnalité du sujet homosexuel pratiquant.

 

En réalité, le rire homosexuel semble plus mécanique que justifié par la liberté, l’intelligence humaine, la claire conscience de ce qui amuse. Par exemple, dans le documentaire « L’Atelier d’écriture de Renaud Camus » (1997) de Pascal Bouhénic, l’écrivain Renaud Camus arbore un sourire très crispé. Et pour ma part, je vois rarement des personnes homosexuelles aimer rire de toutes leurs dents, de bon cœur.

 

Quand les individus homosexuels rient ou font rire, c’est en général lié au désir de se fuir soi-même, d’être un objet esthétique, de devenir robot, donc finalement au désir de mourir. Ils provoquent le fou rire, comme l’explique très bien Bergson qui a écrit sur les liens entre l’humour et le « devenir objet », parce qu’ils deviennent glaçants et irréels. Par exemple, lors de la représentation de la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, le marionnettiste Jonathan Capdevielle est constamment pris d’hilarité nerveuse, censée passer pour spontanée, alors que ce qu’il raconte est absolument macabre et violent.

 

« Le Possédé. Comme tel, il souffre. Tout ce qui ne lui plaît pas le fait tellement saigner qu’il porte plainte ; mais il jouit encore tellement lorsqu’il porte plainte qu’il est incapable de se voir en train de porter plainte et de rire de lui-même. C’est ainsi qu’il est comique, d’un douloureux comique que plus personne n’ose nommer ainsi. C’est un comique de doléance, comme il y a un comique de répétition, et ce nouveau comique, absolument inconnu des anciennes littératures, est souvent très réussi. » (Philippe Muray, Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), p. 71)

 

Pendant leurs show d’imitations parodiques, certaines personnes homosexuelles arborent un sérieux et une attitude stoïque qui contrastent complètement avec leur intention d’amuser la galerie. « Le voging, c’est une façon d’être sérieux. » (Kassandra Ebony, le transgenre M to F, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte) Cela me marque particulièrement lors des play-back travestis (les garçons qui imitent par exemple les chorégraphies de Mylène Farmer montrent une application et un sérieux qui laissent songeurs, qui font sourire jaune : on a l’impression qu’ils rient intérieurement très peu), ou bien lors des « happening » osés des hommes transsexuels taillés comme des mannequins de haute couture pendant les Gay Pride et les soirées en boîtes (on les voit, perchés sur leurs hauts talons aiguilles d’échassier, rentrer dans des magasins, mettre une ambiance de folie… mais eux restent paradoxalement impassibles, concentrés à 100% dans leur rôle de duchesse hautaine décalée). Le masque de fer créé par l’inconscience et la haine de soi… ça me scotche toujours autant !

 

Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, lorsque la narratrice transgenre F to M se fait un pénis avec un préservatif qu’elle rembourre de coton (pénis artificiel surnommé « le paquet »), le public observe qu’elle ne plaisante pas tant que ça, en réalité.
 

Comme l’humour homosexuel n’est pas le fruit d’une vraie liberté mais d’une soumission aux images médiatiques déréalisantes, fatalement, il rend souvent mélancoliques les sujets homosexuels. Derrière l’humour et après la fête homosexuelle, il y a souvent le revers de médaille de la tristesse. « Copi dans la vie avait l’air triste. Comme beaucoup de grands comiques. » (cf. l’article « Mort de Copi » de M. N., dans le journal Le Figaro, publié le 15 décembre 1987) ; « En fait, je n’aime pas aller au Cargo [ancien nom d’un bar gay de la ville d’Angers]. L’ambiance festive me plait et parler ‘homo’ m’est utile, mais le côté pathétique des homos me déprime. Je me sens totalement en décalage, perdu dans tout ça, noyé dans cette souffrance sous-jacente. » (cf. un extrait d’un mail qu’un ami homo de quarante ans m’a écrit en 2003)

 

Pour nier leur mal-être existentiel ou leurs souffrances, beaucoup de personnes homosexuelles usent de l’humour, ce dernier étant l’un des remparts humains les plus crédibles et les plus « innocents » qu’offrent les bonnes intentions. En effet, plutôt que de reconnaître simplement que « quelque chose ne va pas », elles préfèrent s’esclaffer de rire pour montrer à leur interlocuteur qu’elles ne sont pas aussi folles – ou qu’elles sont bien plus folles ! – qu’il ne le croit. Mais une blessure mal soignée ou ignorée risque toujours de se réveiller et de s’étendre au moment où l’on s’y attend le moins. Et là, l’humour a ses limites.

 

La menace de l’humour autocentré guette les personnes trop gays friendly ou pro-pratique homosexuelle (comme le montre la juste réprimande de Laurent Ruquier face aux Lascars Gays en 2013).

 
 

c) Le clown violé et souvent violent :

Je vous renvoie avec insistance à la partie « Jeu virant au drame » du code « Jeu » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

La particularité de l’humour employé par un certain nombre de personnes homosexuelles, c’est qu’il n’est ni contrôlé ni libre, qu’il est souvent accidentel, et donc potentiellement emprisonnant et agressif. Par exemple, avec l’excentrique Pierre Loti, on passait de la bouffonnerie au goût très sérieux et obsessionnel de la reconstitution minutieuse d’ambiances atemporelles. De même, la folie travaillée et rigolote de Salvador Dalí était pourtant très « premier degré » et vénale. Et l’armée japonaise d’opérette de Yukio Mishima, que personne ne prenait au sérieux, s’est révélée finalement un délire violent et dramatique pour son fondateur.

 

L’humour surréaliste homosexuel, par définition, n’est pas maitrisé. Celui qui le pratique pense que non, car il programme le fait de ne pas programmer. Mais au final, cela revient au même : ce n’est pas parce qu’on met de la volonté dans le hasard, de la conscience dans la pitrerie accidentelle, qu’on y met pour autant de la liberté et de la qualité. Ce n’est pas un hasard si le « troisième degré », dans le registre humoristique, n’existe pas, et équivaut, même si ça ne fait pas plaisir à celui qui le revendique, à un « premier degré ».

 

Par exemple, dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, l’homosexualité, en tant qu’identité et qu’acte, est déproblématisée, montrée comme touchante, exotique, rigolote, sensible : ce n’est pas du tout ça dans la réalité. Il n’y a quasiment aucune interprétation ou dénonciation de la violence ou de la souffrance des personnages. C’est du « Amélie Poulain » à la sauce gay, sans la moindre remise en cause du mode de vie homo. Gallienne ne dénonce pas grand-chose : il dit « Chacun son parcours : voici le mien. » Il n’est pas allé bien loin : il s’est défaussé. Rien n’est dramatisé (isolement amical, calvaire au collège et à l’armée, tentative de suicide, dictature incestueuse maternelle, tentative de meurtre par le frère, plan cul qui se finit en « touze » et en viol, désenchantement amoureux, crise de la personnalité, absence paternelle, cure psychanalytique, etc.) alors que ce qui est raconté est objectivement grave. Ce film ne joue pas son rôle. Il lisse et police tout dans la sensiblerie éthérée et dans l’auto-mise en scène parodique. L’homosexualité et l’hétérosexualité sont totalement banalisées. Cela rend ce film, qui à bien des égards pourrait paraître touchant, pathétique.

 

Les personnes homosexuelles se prennent bien plus au sérieux qu’elles ne le pensent. Dans toute blague humaine, il y a toujours un fond de vérité… et les communautaires interlopes ne dérogent pas à cette règle ! Par exemple, les acteurs soi-disant « hétéros » qui ont joué le temps d’un film le « délire travesti », ou un rôle homosexuel, sont souvent très sérieusement homosexuels dans la vraie vie (je pense notamment à John Travolta, à Emmanuel Moire, à Greta Garbo). Plus le délire comique d’un individu homosexuel s’éternise ou se systématise, plus il s’actualise, ou bien indique en général un drame, un profond mal-être existentiel.

 

 

Il y a sous une forme de dérision l’expression d’un sentiment de vivre dans un monde dérisoire, un sentiment de vacuité : « Le monde entier amusait Copi, le langage l’amusait, sa propre manière de l’estropier en français ou en italien, tout comme les accents divers de ses amis de langue espagnole. » (cf. l’article « Le Petit Sommeil », préface de Giovanni Gandini, dans le recueil d’illustrations Un Livre blanc (2002) de Copi, p. 10)

 

Le pathétisme de l’humour du sujet homosexuel dit souvent une grande souffrance existentielle : « Une parodie est toujours une manière de se moquer, mais d’affirmer en même temps que quelque chose est sérieux. » (Michel Balmont); « La tragédie parfois revient, mais comme farce. » (Roland Barthes, Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 85) ; « Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? Le jeu, toujours désarçonnant, relève ici de la provocation surréaliste. Une sorte de facétie pirandellienne (l’acteur à la recherche d’une identité) en forme de clownerie onirique. Telle est la nature de Copi, et son humour : bariolé et dérangeant. Avec, au cœur, une angoisse d’enfant perdu. Une gentillesse portée sur la mort et l’érotisme, Eros et Thanatos, étroitement liés. » (cf. l’article « La Nuit de Madame Lucienne : Exercices de style » de Pierre Marcabru, publié dans le journal Le Figaro, le 23 mars 1986)

 

Par exemple, dans le documentaire Et ta sœur ! (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin, on voit bien que les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence occupe un double rôle de clowns et de pleureuses. De même, dans l’article « Copi, blagueur et douloureux » de Pierre Marcabru sur le journal Le Figaro daté du 27 octobre 2001, le dramaturge argentin Copi est défini comme un « humoriste désespéré ». Dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla, Linn et Jup, les deux amis travestis, singent des rires sardoniques démoniaques ininterrompus.

 

Faites un tour sur les sites de rencontres homos sur Internet, et vous verrez combien l’humour y est soit absent, soit pesant et complètement sclérosé par la drague ou la légèreté des ambitions. Tant qu’il n’y a pas de recherche de Vérité, de reconnaissance de ses propres souffrances, ni le minimum de gratuité de l’amitié désintéressée, difficile de tomber sur des gens drôles et simples à la fois. Je vous mets au défi de m’en trouver !

 

Je me méfie de l’hilarité ou du côté « pince-sans-rire » du masque du clown homosexuel. Et je ne suis pas le seul ! « Cocteau souffrait énormément, et déguisait cette souffrance sous les calembours. » (Pierre Bergé cité dans l’article « Cocteau est aujourd’hui le plus moderne » de Gérard de Cortanze, sur le Magazine littéraire, n°423, septembre 2003, p. 39) ; « Le plus difficile pour moi était d’avoir à côtoyer toute la journée de vrais travestis. Ces garçons étaient très gentils, touchants, sensibles et généreux. Ils arrivaient le matin, après avoir joué leur spectacle la nuit dans un cabaret, ils étaient blêmes, le cheveu triste, pas maquillés. Je les entendais parler entre eux de leurs problèmes quotidiens, de leurs amants, de leurs menus tracas, on sentait en eux un désespoir, un malaise permanents. Ils semblaient vraiment seuls, abandonnés. Et, malgré toute leur gentillesse et leurs attentions, je me sentais sur une autre planète, je ne parvenais pas à être à l’aise. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 391) ; « En vieillissant, ils deviennent effrayants, leurs tics se multiplient, leurs rides se creusent : ce qui hier encore, faisait rire, avec les ans, donne la nausée. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 39) ; « Ces gens sont douloureux ; ils portent une part de l’humaine souffrance. » (cf. l’article « La Tour de la Défense de Copi : La Cage aux folles version rive gauche » de Gilles Sandier, dans le journal Le Matin de Paris, publié le 26 novembre 1981)

 

Le rire homosexuel cache parfois le fantasme de viol/de mort. « Dieu t’a déjà punie, tu as un cancer. » (une des trois tantes d’Alfredo Arias dans l’autobiographie de ce dernier, Folies-Fantômes (1997), p. 148) ; « Ce génie pour la découverte de formes absurdes, tragi-comiques de l’art théâtral fonctionnait comme une sorte de baume qui cicatrisait les blessures causées par ces rencontres violentes. » (Alfredo Arias parlant de son ami Copi, idem, p. 16) ; etc. Par exemple, le romancier Jean-Louis Bory, le clown affable et taquin qui amusait constamment la galerie à l’émission radiophonique du Masque et la Plume, a fini par se suicider. Je pense aussi aux nombreux rôles mélodramatiques choisis par l’humoriste lesbienne Muriel Robin. Dans le registre musical cette fois, Bola de Nieves, ou bien encore Charles Trénet, sont décrits comme des « hommes tristes qui chantaient joyeux » (par exemple, la chanson entraînante « Je chante » de Charles Trénet évoque le suicide). Je retrouve ce visage de clown riant despotique chez le présentateur télé Laurent Ruquier. Dans le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan, Bambi, le fameux artiste transsexuel M to F, raconte avec un visage toujours souriant et un humour ravageur les drames pourtant nombreux de son existence.

 

Généralement, le rire utilisé dans la communauté homo agit comme un paravent du viol, de l’inceste, de la haine de soi, de la mort ou de la vieillesse : « J’ai cru que c’était une blague, une espèce de farce. Un épouvantail. » (le cycliste qui a découvert le corps inanimé de Matthew Shepard, battu à mort, dans la docu-pièce Le Projet Laramie (2012) de Moisés Kaufman) ; « Quand j’ai commencé ce travail, je pensais que Wilde était un écrivain amusant, mais à présent je sais que ce n’est pas le cas. Tous ses personnages vivent dans la terreur d’être découverts. » (Neil Bartlett, Who Was That Man ? A Present For Mr Oscar Wilde, 1993)

 

Comme l’individu homosexuel ne veut pas regarder sa réalité souffrante en face, ni la douleur de ceux qui l’entourent, il lui arrive de se servir de l’humour comme d’un système de censure redoutable, d’un poignard, d’un instrument de viol, pour se venger de ceux qui ont osé identifier sa blessure ou ses actes mauvais : « L’humour est l’arme de la folle camp. » (Esther Newton citée dans l’essai Folles de France (2008) de Jean-Yves Le Talec, p. 255) ; « C’était un gentil […]. Un cœur, Copi. Un amour d’être humain, tendre et insolent, généreux et féroce, sarcastique et désespéré… » (cf. l’article « Copi, à jamais pas conforme » d’Armelle Héliot, dans le journal Le Quotidien de Paris publié le 15 décembre 1987) ; « Ma grand-mère, un bon écrivain de théâtre, riait comme une folle quand je lui lisais mes pièces. Elle voyait en son petit-fils une méchanceté qui lui était propre […] une certaine méchanceté pour critiquer les autres. […] J’avais 16 ans quand elle est venue voir ma première pièce représentée, avec les meilleures comédiens argentins. Une des vieilles comédiennes avait été sa maîtresse. » (le dramaturge argentin Copi, cité dans l’article « Entretien avec Michel Cressole : Un mauvais comédien, mais fidèle à l’auteur » de Michel Cressole, sur le journal Libération du 15 décembre 1987)

 

Avec les « humoristes » bobos homosexuels, on peut passer de la blague et du sourire doucereux à l’agression, en une fraction de seconde. Par exemple, en 1979 à San Francisco (États-Unis), un groupe de comédiens et d’activistes, baptisé les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, a eu l’idée de se déguiser en religieuses et de défiler dans les quartiers gay de la ville en faisant des pitreries… mais leur comédie « humoristique », matinée de prévention et de solidarité, louvoie presque systématiquement avec la vulgarité, le blasphème, la provocation, l’agressivité et le totalitarisme intellectuel.

 

La force comique que l’individu homosexuel met en place n’est généralement ni sociale ni véritablement conviviale. C’est plutôt un humour personnel, autistique, caustique, narcissique, fait de private jokes seulement compréhensibles à une minorité de cyniques comme lui. Un humour qui n’exorcise rien, en dépit du fait qu’il soit noir et qu’il parle ouvertement de souffrance, de mort, de sexe, de maladie. « Son humour n’unit pas, il divise. » (cf. l’article « Copi, blagueur et douloureux » de Pierre Marcabru, dans le journal Le Figaro, le 27 octobre 2001) ; « J’ironise un peu sur tout. » (le dramaturge Jean-Luc Lagarce dans son Journal, 1992) ; « un sourire au coin des lèvres aussi chargé d’amitié que d’ironie » (Jorge Lavelli décrivant le dramaturge Copi, dans la biographie du frère de Copi, Jorge Damonte, Copi (1990), p. 29) ; « Quand on est très loin, on imite, on prend les influences sans problème. Plus tard, que reste-t-il de tout cela ? Rien. Sinon une certaine méchanceté pour critiquer les autres. » (Copi parlant de lui-même dans l’article « Copi : Le Théâtre exaltant » (1983) de Michel Cressole, p. 53)

 

Par exemple, lors de sa conférence du 18 novembre 2010 « Différences et médisances » autour de la sortie de son roman L’Hystéricon, le dandy-romancier Christophe Bigot parle de « sauver la médisance » : « Il y a du brillant dans le père siffleur. » dira-t-il ; « J’ai pas mal de tendresse pour Amande, le personnage de la garce dans L’Hystéricon. » ; « J’aime l’humour british. » D’ailleurs, Les Médisances a failli être le titre du roman.

 

Brigitte et Josiane (Benoît Dubois & Thomas Vitiello : les Mauvaiiises)

 

Même entre amants homosexuels, on observe beaucoup d’humour vache et narquois, basé sur l’humiliation mutuelle et les petits « pics » gratuits, enfermants, désagréables : « Notre art est fondé sur l’humiliation en public. Nous nous traitons de merdes ou de salauds. » (Gilbert et son amant George, cités dans l’article « Gilbert and George » d’Élisabeth Lebovici, sur le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 222) Par exemple, dans le documentaire « Pierre Louÿs : 1870-1925 » (2000) de Pierre Dumayet et de Robert Bober, André Gide décrit Pierre Louÿs comme un « mauvais farceur ».

 

La méchanceté homosexuelle soi-disant « humoristique » (« J’rigole… Je te taquine… Qui aime bien châtie bien… ») dépasse le cadre du couple et s’élargit bien sûr à la sphère « amicale » et sociale. Tuer son opposant/amant par un jeu de mots bien senti est, aux yeux de beaucoup de personnes homosexuelles, un art de séduction fabuleux, une occasion d’auto-satisfaction parfaite ! Par exemple, dans le one-man-show Chroniques d’un homo ordinaire (2008) de Yann Galodé est exposée la suffisance « cassante » du précieux homosexuel qui fait rire jaune. Dans l’article « Le Style Camp » de son essai L’Œuvre parle (1968), Susan Sontag dépeint très bien « l’esthétisme mêlé d’ironie des homosexuels » (p. 447). Ce n’est pas par hasard si cette essayiste associe l’humour camp à l’autosatisfaction (cf. l’article « Notes On Camp » (1964) de Susan Sontag, dans l’essai A Susan Sontag Reader (1982), pp. 105-119).

 

Les individus homosexuels sont connus pour manier l’humour comme ils donneraient des coups de griffes ou viseraient leur victime au revolver à bout portant. Par exemple, lors de l’émission radiophonique Homo Micro du 3 avril 2006, sur Radio Paris Plurielle, le lesbianisme n’est pas associé à l’humour : bien au contraire, à en croire les quatre intervenantes lesbiennes sur le plateau, « une lesbienne, ça ne rigole pas ». Attention ! Pas touche !

 

À la surprise générale, certaines personnes homosexuelles, prêtes en toute circonstance à se moquer de tout et de tout le monde (sauf d’elles-mêmes !), ne rient pas du tout, même quand elles semblent proposer quelque chose d’objectivement farfelu et de comique. « Il ne s’est jamais regardé lui-même avec humour. » (Francisco García Lorca en parlant de son frère homosexuel Federico, dans sa biographie Federico Y Su Mundo (1980), p. 159) ; « Je ne suis plus capable de supporter les éternelles blagues sur les tapettes qu’on entend dans les émissions de variétés. Ça devient insupportable d’entendre ça. » (un témoin homosexuel cité dans l’essai Mort ou fif (2001) de Michel Dorais, p. 78) ; « Le problème n’est pas que l’on fasse des blagues sur l’homosexualité (peu de phénomènes sociaux y échappent et l’humour n’a rien de négatif en lui-même, au contraire !), mais que l’on entende que cela, ou presque, à propos d’homosexualité sur les ondes publiques et aux heures de grande écoute, accentuant la gêne, la honte, voire la haine de soi chez les jeunes (comme chez les moins jeunes) qui ont des attirances homosexuelles. Plus encore : cela conforte et attise le sexisme, l’efféminophobie et l’homophobie. La violence tournée contre soi – dont le suicide – ou contre les autres – les actes homophobes – en est, hélas, le résultat direct ou indirect. Enfin, les médias ne pourraient-ils pas faire un effort pour contribuer à l’acceptation de ces jeunes en montrant davantage de personnages positifs et réalistes de jeune vivant l’homosexualité ou la bisexualité ? » (Michel Dorais, op. cit., pp. 106-107) Plus susceptibles qu’elles ne le montrent, elles se servent parfois du prétexte de l’humour pour violer (verbalement) à leur tour ceux qui les ont/les auraient agressées, à commencer par leurs jumeaux d’orientation sexuelle (c’est ce qu’on pourrait appeler « la force comique du viol », comme dans la chanson enfantine française qui termine par « Le fromage est battu, le fromage est battu… ») : « La réalité de la bastonnade est loin de nuire à la force comique. La comédie, tout aussi bien que la tragédie, exige un bouc émissaire, quelqu’un qui sera rossé, mis au banc de l’ordre social. » (cf. l’article « Les Happenings : Art des confrontations radicales » dans l’essai L’Œuvre parle (1968) de Susan Sontag, p. 419) ; « La clandestinité a produit les traits les plus saillants de la culture homosexuelle : le langage et l’humour. Le dictionnaire de l’argot homosexuel établi aux États-Unis donne des centaines d’exemples d’un vocabulaire plein de nuances sur l’amour, la drague, mais aussi la timidité, l’angoisse et son revers, le cynisme agressif. L’usage des prénoms féminins et d’adjectifs et de diminutifs ‘prétentieux’ exprime souvent à la fois le jeu de cache-cache social et l’ironie que beaucoup d’homosexuels cultivent dans leur présentation de soi. L’image de la ‘folle perdue’ que les hétérosexuels se font de l’homosexualité et la réalité du style de certains homosexuels réunit tous les éléments des préjugés anti-homosexuels et de l’humour du milieu. La ‘folle perdue’, cette image diffusée dans nombres nombre de blagues et de pièces de boulevard, est le cas limite de l’homosexuel qui a accepté de tout faire pour correspondre à la caricature que ceux qui l’oppriment se font de lui. » (Michael Pollack, Une Identité blessée (1993), p. 194) Il y a dans l’autoparodie homosexuelle une homophobie intériorisée… et parfois celle-ci s’extériorise.

 

Selon certains critiques, l’humour homosexuel serait d’autant plus bon et désopilant qu’il est violent. Par exemple, l’humour décalé et agressif du dramaturge argentin Copi est applaudi d’être « molto divertente e crudele » (cf. l’article René de Ceccatty, « Copi, c’est autre chose ! », dans l’ouvrage collectif Il Teatro Inopportuno Di Copi (2008) de Stefano Casi, p. 22) ; « E tutto questo costituisce un mondo comico, violento» (cf. l’article « Copi, c’est autre chose ! » de René de Ceccatty, dans l’essai Il Teatro Inopportuno Di Copi (2008) de Stefano Casi, p. 19) ; « On a perdu aujourd’hui pareille insolence, pareil esprit libertaire. » (cf. l’article « Copi : Le Visionnaire » de Fabienne Pascaud, dans le journal Télérama, n°2882, le 6 avril 2005, p. 68) cf. l’article « Humour horrifiant » de Pierre Marcabru, dans le journal Le Figaro le 31 octobre 1981, par rapport à la pièce La Tour de la Défense (1974).

 

À en croire la majorité des personnes homosexuelles, l’humour noir ou affreux (dit « gay, kitsch & camp ») serait le fin du fin du sens de l’humour et du « bon goût », il « exploserait joyeusement la normalité » (Jean-Michel Rabeux par rapport à l’œuvre de Copi, cité dans l’article « Copi conforme » de Fabienne Arvers, sur le journal Les Inrockuptibles, publié le 29 janvier 2002) : « Copi n’hésite pas à nous faire éclater de rire avec la plus terrible des situations. » (Guy Hocquenghem à propos du dramaturge Copi, dans l’édition 1988 de la pièce Une Visite inopportune) ; « L’humour selon Copi, c’est de l’esprit, mais pas au sens méchant du salonard, l’esprit comme hasard, et comme faux pas volontaire. L’esprit, non de l’homme spirituel, mais de la cruauté comique. » (idem) ; « Ce goût de la provocation joyeuse. » (cf. l’article « Copi, à jamais pas conforme » d’Armelle Héliot, dans le journal Le Quotidien de Paris publié le 15 décembre 1987) ; « On rit, on ne peut s’interdire de rire en parlant de Copi, parce que, par-delà la tragédie et la mort terrible, on le revoit lui, si gentil, si facétieux, si joyeusement provocateur. » (cf. l’article « Copi : toujours souffrir, toujours mourir, et toujours rire ! » d’Armelle Héliot, dans le Quotidien de Paris, publié le 16 février 1988) ; etc.

 

Ce qui est éthiquement gênant dans ce schéma de pensée, c’est qu’on nous fait croire qu’humour et férocité vont forcément de pair, que la violence est « vraie » et se justifierait à partir du moment où elle est jugée « drôlissime et drolatique ». En gros, le moyen justifierait la fin.

 

De fil en aiguille, il n’est pas rare que l’« humour » des personnes homosexuelles se radicalise quelquefois en menace, en système politico-économique dictatorial, sous couvert paradoxalement de lutte « anti-fasciste » et de légèreté comique vengeresse. Par exemple, quand je regarde les émissions télé de celui que j’appellerais le « bouffon rieur et tyrannique » (à savoir l’animateur homosexuel Laurent Ruquier), émissions fondées principalement sur le calembour et le lynchage des invités sur le plateau, je me dis que l’excuse du rire a très bon dos, et que ceux qu’on nous présente aujourd’hui comme des « humoristes » (même les non-homosexuels, les « friendly » : Gérald Dahan et autres Sofia Aram) sont pire que des dictateurs identifiés comme tels, car eux, ils nous tuent avec le sourire et en se lavant les mains. Le masque de l’humoriste homosexuel cache bien souvent le visage du tyran aux méthodes pas drôles du tout, et aux méthodes très peu démocratiques ! « Oui, oui. On est mal-baisés !’ Oui. On avait un humour époustouflant ! À partir de ce moment-là, j’étais persuadée que tout le monde était homosexuel. » (une témoin lesbienne de 70 ans, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz)

 

 

La violence de l’humour – ou, en l’occurrence du manque d’humour et de recul – de certains communautaires homosexuels fait parfois froid dans le dos… Ce n’est pas toujours grave, heureusement. Mais c’est au moins hallucinant. Par exemple, lors de l’avant-première de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco au Théâtre Clavel de Paris, en février 2012, un des spectateurs, à l’issue du spectacle, s’en est pris physiquement à l’acteur qui jouait le rôle du père homophobe d’Édouard, le héros homosexuel. On voit à travers cet accrochage que certains individus sont tellement en souffrance, et formatés à aboyer dès qu’ils entendent le mot « homophobie », qu’ils perdent tout humour et tout ancrage dans le Réel.

 

Aussi étrange que cela puisse paraître, il existe bien, malheureusement, une jouissance à détruire, une forme d’hilarité instinctive dans la vengeance. Il y a fort à parier que des Caroline Fourest sont sincères et se croient drôles (en même temps que subversives) quand elles lancent les Femen « casser du cathos-fachos ».

 

C'était juste pour rigoler... (dixit Caroline Fourest) Pas d'humour, les intégriste...

C’était juste pour rigoler… (dixit Caroline Fourest et ses Femen) Pas de second degré, ces intégristes…

 

En France, dans beaucoup de pièces de théâtre actuelles, nées du contexte national clivant du « mariage pour tous », on voit de plus en plus se développer un humour vengeur et capricieux, où leurs auteurs homos ou/et gays friendly à la fois caricaturent les opposants aux lois étant passées au nom « des homos », mais paradoxalement aussi massacrent ces mêmes lois comme les cadeaux empoisonnés qu’elles sont réellement et qu’ils n’ont jamais véritablement voulues parce qu’elles se calquent exactement sur les diktats de l’homosexuellement et de l’hétérosexuellement correct : je pense par exemple aux pièces-mauvaise-foi telles que Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, Mâle matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, En ballotage (2013) de Benoît Masocco, etc. Ces pièces, « collant » soi-disant à l’actualité, se voulant corrosives ou pied-de-nez à la Manif Pour Tous (alors qu’elles ne sont que le fruit de projections haineuses un peu à côté de la plaque), ressemblent à une auto-punition d’avoir été aussi égoïstes, bobos-homos-consensuels dans l’anti-conformisme. L’humour qu’ils s’y développent (et qui ne fait rire que la bourgeoise bobo du premier rang s’auto-persuadant que son enthousiasme « jubilatoire » est « politique ») n’est que cynisme et bas règlement de comptes. Même les spectateurs qui devraient en rire restent stoïques. Car la vengeance déguisé en humour glacerait même nos meilleurs amis.
 
 

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Code n°93 – Icare (sous-code : Chute)

Icare

Icare

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Vertige de « l’amour »

 

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Icare, héros très connu de la mythologie grecque, ayant voulu être l’égal de Dieu et cherché en vain à voler de ses propres ailes de cire pour atteindre le soleil, apparaît de temps en temps dans les œuvres artistiques homosexuelles. Le personnage homosexuel s’identifie en effet à cette figure de l’amour déçu. Cela illustre que le désir homosexuel est à la fois un élan irréaliste, limité, particulièrement humain, orienté davantage vers la mort angéliste que vers la vie, mais aussi un signe d’orgueil démesuré. Avec lui, le risque de chute – concrète autant que sentimentale – est prévisible, sinon incontournable : on tombe homosexuellement amoureux, et on tombe tout court !

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Artiste raté », « Femme allongée », « Destruction des femmes », « Femme au balcon », « Animaux empaillés », « Se prendre pour Dieu », « Aigle noir », « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » », « Lunettes d’or », « Extase », « Funambulisme et Somnambulisme », « Innocence », à la partie « Pont » du code « Symboles phalliques », à la partie « Décadence » du code « Entre-deux-guerres », et à la partie « Descente aux enfers » du code « Milieu homosexuel infernal », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) La chute (libre ?) de l’ange :

B.D. "Icare" de Moebius et Jiro Taniguchi

B.D. « Icare » de Moebius et Jiro Taniguchi


 

Dans sa prétention à vivre l’extase, à fuir sa carcasse corporelle pour devenir Dieu (cf. je vous renvoie aux codes « Se prendre pour Dieu », « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » » et « Planeur » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels), le héros homosexuel, déguisé en oiseau mythique, souhaite souvent arriver à des hauteurs irréelles où ses fantasmes, à son grand désarroi, ne pourront pas s’incarner… à moins de forcer les choses et de les vider d’amour, comme l’a fait un certain Lucifer, prince de la lumière : cf. le roman Histoires de vertige (1920) de Julien Green, la chanson « Le Vol d’un ange » de Céline Dion, le film « Free Fall » (2013) de Stephen Lacant, le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée (avec le personnage transsexuel M to F surnommé « Rayon ») ; etc. « Plus loin, plus haut, j’atteins mon astre, j’ai l’vertige de vivre. » (cf. la chanson « Vertige » de Mylène Farmer) ; « Je suis né dans le soleil. » (le héros de la pièce L’Autre monde, ou les états et empires de la lune (1650) de Savinien de Cyrano de Bergerac) ; « Notre enfant n’a pas de sexe, il est le fils de la Terre, elle-même fille de la lumière. » (Ahmed et Lou en parlant de leur bébé, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Ça a commencé toute petite. Quand j’étais petite je ne voulais surtout pas être actrice. Je voulais être dieu. Je voulais être une super-héroïne. Une sorte de comics… une sorte de rêve éveillé pour vous, une sorte de muse, d’enchantement pour vos yeux… Ce soir, je suis dieu. Puisque c’est moi qui dis. Et comme ce soir c’est celui qui dit qui est… Chacun pense ce qu’il veut, mais moi je sais qui je suis… Je suis dieu. […] Comment vous convaincre que je suis dieu ? […] Je peux tout demander, ça arrive. Je peux faire qu’il pleuve sur cette scène (didascalies : un bruit de fond et un jeu d’eau)… Je peux faire le soleil, je SUIS le soleil. » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Et toi, t’étais assis dans ce rayon toute la journée. Je me souviendrai longtemps de ce rayon. » (Rudolf parlant de son amant Pierre, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha) ; « La plus grande chute est celle qu’on fait du haut de l’innocence. » (Merteuil dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller) ; « Vous êtes une fille étrange. Tombée du ciel. » (Carol, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Thérèse, dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes) ; « Mon ange. Tombé du ciel. » (idem) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, pour draguer « poétiquement » Adèle en boîte, Emma feint de donner la signification étymologique du prénom « Adèle », et le premier mot qui lui sort, c’est « Soleil » ; ensuite, après être sorties ensemble, les baisers lesbiens que s’échangent les deux filles se font sur fond solaire ; leur liaison finira par capoter. Dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro, Léo, l’un des deux héros homosexuels, s’est pris des coups de soleil. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Oliver lit Les Fragments cosmiques d’Héraclite.

 

Certains personnages homosexuels semblent buter contre une paroi solide ou un mur invisible (la paroi de leur vitrine narcissique ?) qui les empêche d’aller plus haut. « Et c’est ainsi que l’on se cogne au plafond. » (Madame de Polignac, l’amante secrète de la Reine Marie-Antoinette, dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot) ; « La mouette entre par la fenêtre et vient se cogner contre un meuble. » (cf. les didascalies de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi)

 

Par exemple, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Jack, le célèbre danseur étoile homosexuel, découvre dans les journaux son destin d’Icare, suite à son éjection de l’Opéra et à son envoi en retraite anticipée : « Jack Spencer, après avoir touché la lune, touche le fond. »

 
 

b) L’oiseau humain foudroyé en plein vol :

Le héros homosexuel s’écrase parfois comme un oiseau touché par la foudre (ou par le coup de foudre) : cf. le film « L’Oiseau de feu » (1970) de Maurice Béjart, le roman Les Aigles foudroyés (1997) de Frédéric Mitterrand, le roman Les Mouettes volent bas (1995) de Joseph Hansen, etc.

 

« Qui arrête les colombes en plein vol, à deux au ras du sol ? Une femme avec une femme. » (cf. la chanson « Une Femme avec une femme » de Mecano) ; « Moi, mon père est mort dans un accident d’avion. » (Vincent, l’un des héros homosexuels du film « Les Yeux fermés » (2000) d’Olivier Py) ; « Comme un igloo farouche et empesé, ultracivilisé, j’me tiens bien en surface. Mais qui me foudre et qui me branle bas, se lâcher sans effroi pour le grand don de soi. Je déconne, vos idées sur le bien m’assomment. Je ne crains plus le regard de personne. À cette fièvre je m’abonne pour découvrir où l’amour se love. Un doux poison dans la fibre nerveuse qui me met en deçà en dessous mais au-dessus. Étrange flux, vertige ascensionnel qui pénètre mes sens et s’y diffuse jusqu’au ciel. […] Comme un igloo électrocuté qui fond sous ta chaleur, combustion assurée. Je mets au clou tous mes préjugés, abondance d’émois n’a jamais rien gâté. Je me la surdonne. » (cf. la chanson « Comme un igloo » d’Étienne Daho) ; « Oh, la mouette, là-bas ! Elle tourne autour du feu ! Hé, la mouette ! Connasse ! Elle va se brûler ! Elle est comme un papillon qui va s’écraser contre le feu ! » (cf. une réplique de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « Elle voulait toucher le soleil. Rien ne sera pareil, perdu dans son sommeil. Et puis les nuages étincellent sur des étangs de miel, et mes larmes s’emmêlent. J’ai toujours su qu’elle allait partir en fumée. […] Au bord du quai, doucement elle a sauté. Ses cheveux, lentement, dans l’eau ont flotté. » (cf. la chanson « Soleil d’hiver » de Niagara) ; « Ces petites plumes voletaient dans les rayons du soleil… » (Jarry évoquant son petit canard « Canardo » dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman) ; « Elle est libre, elle a deux vies mais pas de chance. Pas d’équilibre, mais elle fait de son mieux, elle penche. Aimer et fondre l’or, faire de la mort une immortelle, rêver jusqu’à l’aurore, aimer encore, gagner le ciel. » (cf. la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer) ; « Ça brûle tellement le monde qu’on se jette en parallèle, ça brûle tellement qu’on cherche à se fondre. » (l’Actrice dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; etc.

 

Tableau "Bird Wing" de Matt Mahurin

Tableau « Bird Wing » de Matt Mahurin


 

Dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité, il est d’ailleurs très souvent fait référence au personnage mythologique grec d’Icare, cet humain qui a voulu atteindre vainement le soleil avec ses ailes de cire, et qui en est mort, comme un ange déchu : cf. la pièce Une Rupture d’aujourd’hui (2007) de Jacques-Yves Henry, le roman El Salto Del Ángel (1985) d’Eduardo Mendicutti, le film « Flying With One Wing » (2004) d’Asoka Handagama, le roman El Palomo Cojo (1991) d’Eduardo Mendicutti, la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton (avec le personnage de Kévin), le film « Vingarme » (1916) de Mauritz Stiller, le film « Herme’s Bird » (1979) de James Broughton, le tableau Les Griffes du dormeur (1995) de Michel Giliberti, le tableau Envol d’elle (1995) de Michel Giliberti, le roman Un Ange est tombé (2000) de Claude Neix, le tableau Icare (2003) de Philippe Peseux, la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, le poème « Icare rime avec choir » (2010) de Steven, le roman Les Bagages d’Icare (1991) de Joseph Bialot, la B.D. Icare (2005) de Jirô Tanigushi et Moebius (avec des scènes d’homosexualité), la pièce Le Choc d’Icare (2013) de Muriel Montossey, etc.

 

« Les ailes vous en tombent. Plombé en plein vol, déplumé, le peu d’espoir qui reste. Sans plus rien dans le dos pour redresser la dégringolade, l’oiseau mystique s’affale à voir ces ignares égarés, tronçonneuse en mains, saccager les plus belles forêts de métaphores de l’humaine création. » (Vincent Garbo, le narrateur se parlant à lui-même à la deuxième personne du pluriel, dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 19) ; « En époussetant le buffet qui se trouve dans le salon, je fais tomber un bibelot. Une petite statuette en bronze qui représente un personnage ailé et qui heureusement touche le parquet sans s’ébrécher. » (Théo, le narrateur du roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 68)

 

Par exemple, dans la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, Marcy, l’héroïne lesbienne, se compare à un oiseau qui s’écrase au sol. Dans le film « Footing » (2012) de Damien Gault, Marco, le protagoniste gay, chute dans la benne à ordures en déchargeant un chauffe-eau : « J’adore tomber dans les bennes à ordures » dit-il ironiquement à son père qui lui reproche sa maladresse ; Marco vit le syndrome homosexuel du poignet cassé : « J’ai un peu mal au poignet, mais ça va. » Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Alex, le héros hétéro, fait une blague (inachevée) sur un « pédé qui fait un saut en parachute ». Dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi, les cinq hommes-oiseaux – qui sont en réalité les facteurs – tombent du chêne au fur et à mesure ; un peu plus tard, le « vrai facteur » nous apprend qu’« un boeing s’est écrasé dans le Colorado » et qu’il a « brûlé ».

 

Bien souvent, le personnage homosexuel effectue une grosse chute (elle lui est quelquefois fatale) : cf. le film « Memento Mori » (1999) de Kim Tae-yong et Min Kyu-dong (avec la chute suicidaire de Hyo-Shin), le film « L’Ennemi naturel » (2003) de Pierre-Erwan Guillaume (avec la chute mortelle de Nicolas Luhel du haut d’une falaise), le roman Un Garçon d’Italie (2003) de Philippe Besson (avec Luca, tombé mortellement dans l’Arno), le film « Fotostar » (2002) de Michele Andina (avec Jonas qui a fait une chute mortelle dans un précipice montagneux), le film « Accatone » (1961) de Pier Paolo Pasolini, le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, le film « Un Amour à taire » (2005) de Christian Faure (avec Philippe tombant du haut de la cage d’escalier), la chanson « L’Amour n’est rien » de Mylène Farmer, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky (avec la chute de l’acrobate Ulumji sous les roues de la voiture de Timofei), le film « Thelma et Louise » (1991) de Ridley Scott (avec les deux amantes fugitives qui se jettent dans le ravin), le film « Thomas trébuche » (1998) de Pascal-Alex Vincent, le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala (avec la chute de Maxime), le film « Prayers For Bobby » (« Bobby, seul contre tous », 2009) de Russell Mulcahy (avec le suicide de Bobby par une chute sur la quatre voies), le vidéo-clip de la chanson « Don’t Tell Me » de Madonna (avec la chute à cheval), le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot (avec la chute en vélo de Marcel Cantin, l’un des héros homosexuels), le film « Au ras du sol » (2012) de Filippo Demarchi, etc. Par exemple, dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas, Henryk, à propos du personnage lesbien d’Helena, remarque qu’« Helena est fascinée par sa propre chute ». Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben le peintre homo peignant sur les toits de Manhattan, fait une chute dans l’escalier après avoir réalisé sa plus belle toile. Dans le film « Portrait de la jeune fille en feu » (2019) de Céline Sciamma, Héloïse, l’héroïne lesbienne qui fuit son mariage hétérosexuel, a pour habitude de courir au bord de la falaise pour s’y jeter : « Ça fait des années que je rêve de faire ça. » Dans le film « Plus on est de fous » (« Donde caben dos », 2021) de Paco Caballero, Raul, le héros gay, a chuté par terre et s’est fracturé le nez lorsque son mec l’a quitté.

 

« Soudain, je le savais, je m’y attendais, le sol s’ouvre sous mes pieds. Le Roi rit plus fort. La salle, toute la salle, l’imite alors. Je tombe… Je tombe… Je tombe dans l’abîme. Je quitte la terre. Je rejoins les ténèbres. Avant le monde. Le noir pour toujours. Je suis aveugle. Une voix m’accompagne dans cette chute interminable, cette mort seul. Vers l’enfer éternel. ‘Bye-bye… Tu n’es plus marocain… Bye-bye… Tu n’as plus de père… bye-bye… Tu n’as plus de Roi…’ Je suis toujours dans la chute. J’ai peur. J’ai peur. » (Khalid, l’un des héros homosexuels du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 21-22) ; « Je serais immanquablement tombé. » (Lacenaire dans la pièce éponyme (2014) de de Franck Desmedt et Yvon Martin) ; « Jane perdit l’équilibre. Pendant un moment étourdissant, elle sentit le poids de la gravité, le néant entre elle et le sol, et elle se représenta parfaitement sa chute à la renverse dans l’escalier. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 122) ; « Anna bascula et tomba dans la cage d’escalier. Elle se cogna au mur une fois dans sa chute, puis atterrit sur le sol avec un bruit sourd discret et définitif. » (idem, p. 245) ; « T’as basculé, en fait. » (Stan s’adressant à Ninon, l’hétérosexuelle qui est en train de virer sa cutie, dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt) ; « Arthur est tombé, tombé, tombé. » (Hall parlant de son frère homo Arthur, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc.

 

On retrouve souvent le motif de la chute d’eau dans les œuvres homo-érotiques : cf. la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi (avec les chutes d’Iguazú), le film « Le Zizi de Billy » (2003) de Spencer Lee Schilly (avec les chutes du Niagara), le film « Happy Together » (1997) de Wong Kar-Wai, etc. « Aujourd’hui, les enfants, nous allons étudier les chutes d’eau, annonça Mrs Thaityallam. Je veux que vous tiriez un trait vertical dans vos cahiers. D’un côté, inscrivez ‘cascade’ et de l’autre ‘chutes d’eau’. » (Abha Dawesar, Babyji (2005), p. 56)

 

La chute – notamment celle de la reine carnavalesque aussi vite détronisée qu’elle avait été intronisée – est un leitmotiv de la fantasmagorie homosexuelle : cf. le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot (avec Sidonie Laborde, la conteuse lesbienne qui trébuche dans sa robe), le film « The Hours » (2003) de Stephen Daldry (avec la défenestration), le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan (avec la chute finale de Chloé, l’héroïne lesbienne), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec Lena chutant dans les escaliers), le roman La Hora De La Caída (L’Heure de la chute, 1912) d’Antonio de Hoyos, la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi (avec Irina qui s’est cassée une jambe en tombant dans l’escalier), etc. Par exemple, dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier, le personnage de Lourdes, la Marilyn Monroe obèse, chute sans arrêt : « On n’est pas toujours en équilibre avec son corps. […] Encore un mythe qui s’écroule. » Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, le transsexuel M to F Octavia se casse la figure dans les escaliers. Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, le comédien se ramasse plusieurs fois sur scène, et ce, dès l’entrée (et ce n’est pas un hasard si la chanson « Tombé du ciel » de Jacques Higelin sert d’intermède). Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Ody dévale les escaliers en même temps qu’il écoute à fond sa chanteuse italienne préférée (et tragédienne) dans les oreilles.

 

La chute, toute accidentelle qu’elle puisse paraître, peut être le fruit d’un désir inconscient sublimé par l’esthétique ou le sentiment. Le héros homosexuel tombe de sa chaise comme il tombe amoureux : cf. le roman Une Chute infinie (2009) de Mohamed Leftah, le film « Miracle de la chute » (2008) de Denis Guéguin, le film « Chute libre » (1993) de Joel Schumacher, etc. « J’suis hétéro. J’ai dérapé. J’allais pas bien. Il était là. » (Didier, l’un des deux héros homosexuels de la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Qu’y a-t-il de plus beau qu’une chute ? Qu’un beau destin raté ? » (Denis D’Arcangelo dans la pièce Le Cabaret des hommes perdus (2006) de Christian Siméon) ; « Dans l’escalier, vais-je me décider à m´laisser monter,monter… monter l´envie de…tomber. » (cf. la chanson « Dans l’escalier » d’Élodie Frégé) ; « Laure et Lise s’enlisent encore. » (cf. la chanson « Laure et Lise » de Renaud Hantson) ; « Au fond, seule issue protégée par une barrière extensible, un escalier en colimaçon grimpait jusqu’au grenier. J’attendis que les employés bleus eussent atteint le point le plus éloigné de leur boustrophédon, et le trou béant m’engloutit à mon tour. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 109) ; « Je te pousserai de la falaise. » (Hervé Nahel lors de son concert parisien au Sentier des Halles, le 20 novembre 2011) ; « Une dégringolade sans splatch. Vincent Garbo tombait, tombait et sentait que rien ne l’arrêtait. C’est pour ça qu’il écrit, sûrement. Pour calmer le tournis et l’effet de brouillage qu’en la chute le défilement haut en bas du décor impose à sa vue. » (Quentin Lamotta, Vincent Garbo (2010), p. 16) ; « C’est toujours drôle, les gens qui tombent, surtout les vieux. » (Jean-Paul, le dandy homosexuel du film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier) ; « Je tombe déjà du haut de la falaise. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « Quand j’ai vu Patrick, littéralement, je me suis vautré dans l’escalier. » (Hugo, le héros gay, dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills) ; etc. Par exemple, dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, le saut de la falaise est voulu comme une métaphore du saut vers l’amour vrai. Johnny ose finalement se jeter dans le vide pour rejoindre son Roméo.

 

Les sentiments du personnage homosexuel semble obéir à la loi de la gravité, mais une gravité pas du tout ascensionnelle ni positive : il s’agit plutôt d’une gravité abyssale. Par exemple, dans le film « La Mouette » (1996) de Nils Tavernier, Valéria, au moment de déclarer sa flamme, dit à Laurence : « Laurence… J’ai peur de tomber… ». Laurence lui demande étonnée : « De tomber ? » Valéria finit : « …de tomber amoureuse. »

 

Dans le roman L’Amant des morts (2011) de Mathieu Riboulet – racontant comment Jérôme s’est fait violer par son propre père –, Jérôme, le héros homosexuel, tombe amoureux de son voisin de pallier précisément quand il voit chuter ce dernier dans les escaliers (À l’antenne de l’émission Homo Micro sur Radio Paris Plurielle, le 28 mars 2011, l’auteur en personne qualifie cette chute de « révélation visuelle », quasi érotique…).

 

La chute gravitationnelle est le contre-coup des montagnes russes que font vivre les sentiments amoureux homosexuels : « Dès lors, Stephen [l’héroïne lesbienne] pénétra dans un monde complètement nouveau, qui tournait sur l’axe de Collins [l’amante]. C’était un monde plein de continuelles et émouvantes aventures : des ivresses, des joies, d’incroyables tristesses, mais aussi un bel endroit pour s’y précipiter, comme un papillon qui courtise une chandelle. Les jours allaient de haut en bas ; ils ressemblaient à une balançoire qui s’élève au-dessus du faîte des arbres, puis retombe dans les profondeurs, mais rarement, sinon jamais, tient le milieu. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 27) ; « Dans les escaliers, je demande ‘Mais nous deux, on est quoi ? Des amants ? Un couple ?’ Il me regarde en levant les yeux au ciel. » (Mike à son amant Léo dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 100) ; « Je suis tombé avec toi dans un puits sans fond. » (William s’adressant à son amant Georges, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; etc. Par exemple, dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Rudolf, homosexuel, écrit un roman dans lequel il se met dans la peau de sa grand-mère, une femme des hauteurs : « Elle regarde la vallée. Son village est minuscule vu d’ici. » L’échappée intérieure (et surtout narcissique) de Rudolf s’achève en larmes devant la vitre de sa fenêtre, et sur un défilement d’images de chutes (saut d’un plongeoir, saut à ski, chute en tire-fesses…). Le héros saute lui-même de sa fenêtre.

 

Plus qu’un motif esthétique, la mention d’Icare dans les œuvres homosexuelles désigne le désir homosexuel comme un fantasme d’inceste ou de viol, voire un désir diabolique : « Emmène-la au sommet. Je veux la voir tomber de haut. » (Vera l’héroïne lesbienne machiavélique s’adressant à son amante Lola par rapport à Nina, la maîtresse de celle-ci, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Malcolm [l’amant d’Adrien] se leva et fit signe à Adrien de le suivre. Il le conduisit dans une petite pièce adjacente. Il alluma la lumière et tendit le bras : ‘Regarde, c’est beau non ? Tu vois, ça c’est celui je préfère !’ Adrien s’approcha. Un enfant dont le visage n’était pas vraiment celui d’un enfant, plutôt celui d’une créature sortie d’un monde fantastique, mi-homme mi-volatile, chevauchait une bicyclette aux roues enflammées. La chevelure abondante, prise au vent, ressemblait à un plumage d’oiseau. Le plumage d’oiseau qui vole à contresens. Le rouge et l’orange dominaient. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 30) ; « Ça doit être mon père qui m’a fait ainsi ! Il était trop beau lui aussi ! Comme un gamin-papillon, j’étais fasciné par sa beauté d’homme solitaire. Peut-être que je m’y suis brûlé les ailes ! Je devrais jeter toutes ces photos que j’ai de lui ! Cesser de penser que j’aurais hérité de lui cette attirance pour les garçons. Un désir refoulé qu’il m’aurait transmis en quelque sorte. Et tout cela, parce qu’il nous prodiguait, à moi et à mon petit frère, la tendresse de la mère perdue. » (Adrien, le narrateur homosexuel, op. cit., p. 60) ; « Je refais le rêve du cirque. Si… tu sais bien… le numéro de trapèze. Mon père, ma mère et moi… » (la psy racontant sa chute avec ses parents, dans le one-woman-show Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Accrochez-vous à vos rêves très fort. Car si les rêves meurent, la vie n’est qu’un oiseau aux ailes cassées qui ne peut pas voler. » (Adam, le héros homo citant Langston Hughes, dans l’épisode 6 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; etc.

 

À en croire le héros homosexuel, chuter, c’est comme succomber à la tentation : cf. le vidéo-clip de la chanson « Que mon cœur lâche » de Mylène Farmer (avec la thématique de l’ange déchu), le film « La Caída De Sódoma » (« La Chute de Sodome », 1976) de Pedro Almodóvar, la pièce La Descente d’Orphée (1957) de Tennessee Williams, le film « Paradis perdu » (1939) d’Abel Gance, le film « Prinz In Hölleland » (« Prince en enfer », 1992) de Michael Stock, etc. Mais cette tentation, visiblement, fournit quand même quelques compensations qui font oublier pour un temps sa violence : « Mais j’ai glissé avec délice… Certes ! » (cf. la chanson « Les Attractions-désastre » d’Étienne Daho) ; « Si je dois tomber de haut, que ma chute soit lente. » (cf. la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer) ; « Cette pente était si belle. N’allez pas regretter. La descente était de celles qu’on ne peut éviter. J’ai succombé à cette avalanche. » (cf. la chanson « La Pente » des Valentins) ; etc. Par exemple, dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone, il est question de « l’orgasme de la chute libre ».

 

La réalité de la chute est en général une issue tragique : elle se matérialise soit par une mort physique, soit par une mort identitaire (= schizophrénie, transidentité). « J’avais l’impression qu’une partie de moi était tombée par terre, et l’autre accrochée en haut de l’arbre. » (Damien, le héros travesti M to F, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine) Par exemple, dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella fait tomber son amante Dotty de leur lit « conjugal », et la chute se révèlera, sur la durée, grave et mortelle. Dans le film « Camionero » (2013) de Sebastián Miló, Randy meurt après une chute volontaire et suicidaire. Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, les personnages homos se cassent la gueule : Oliver tombe à l’horizontale dans le plan d’eau, il tombe également à vélo et se fait une entaille dans l’aine, et à la fin lui et son jeune amant Elio vont voir les chutes d’eau.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La chute (libre ?) de celui qui se prend pour un ange :

Dans leur prétention à vivre l’extase, à fuir leur carcasse corporelle pour devenir Dieu (cf. je vous renvoie aux codes « Se prendre pour Dieu », « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » » et « Planeur » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels), certains individus homosexuels, déguisés mentalement en oiseau mythique, souhaitent souvent arriver à des hauteurs irréelles où leurs fantasmes, à leur grand désarroi, ne pourront pas s’incarner… à moins de forcer les choses et de les vider d’amour, comme l’a fait un certain Lucifer, prince de la lumière. « Sur la scène par exemple, la chemise du danseur espagnol avec ses manches si abondantes font penser à des ailes. Tout le monde décide que c’est un efféminé. Mais pour moi, ces manches sont un signe de cette nécessité d’un supplément, qui s’exprime ici par un excès de tissu et de fronces. Cette façon d’envisager la vie, personne ne doit l’arrêter. Quand on doit donner, on donne. La mère du danseur a tout fait pour stopper l’élan généreux de son fils. » (Alfredo Arias, Folies-fantômes (1997), p. 161) ; « En enfant de bourgeois éclairés, j’avais été élevée dans l’idée que tout m’était possible. Et chaque renoncement me faisait dégringoler d’un échelon dans l’estime de moi-même. Quand je pense que mon livre préféré de Camus était La Chute ! » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 74)

 

La hauteur désincarnée de la mégalomanie donne parfois le vertige, au sens propre comme au sens figuré et existentiel : cf. je vous renvoie à l’autobiographie Impotens Deus (2006) de Michel Bellin.

 
 

b) L’oiseau humain foudroyé en plein vol :

Icare foudroyé

Icare foudroyé


 

Et fatalement, la chute peut arriver ! Curieusement, dans le discours d’un certain nombre de personnes homosexuelles, il est parfois fait référence au personnage mythologique grec d’Icare. Je vous renvoie aux photographies d’homme-oiseau de Jacques Crenn. Par exemple, la romancière lesbienne Marguerite Yourcenar débuta sa carrière littéraire par un drame en vers, Icare (devenu par la suite Le Jardin des Chimères en 1921). Dans la biographie Saint Genet (1952), Jean-Paul Sartre évoque un certain « complexe d’Icare » (p. 127) chez l’écrivain homosexuel Jean Genet, c’est-à-dire l’existence d’un dynamisme de la chute, et la vanité d’un orgueil. Par ailleurs, une lecture homo-érotique sur l’androgynie « Renaissance » de l’Icare de Philippe Desportes a déjà été faite. Je vous renvoie également au site suivant sur Icare.

 

Il n’est pas anodin que dans leur quête amoureuse et vitale, certains sujets homosexuels se comparent à des jumeaux d’Icare, au destin prométhéen : « Je convergeais aux alentours de la maison, tel un aigle sans repères, en me rafraîchissant le visage brûlé par le soleil […]. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 76) ; « J’ai commencé à faire bouger mes p’tites ailes. Des p’tites ailes qui sont devenues démesurées. » (Thérèse, une femme lesbienne de 70 ans, en parlant de mai 1968 et de sa découverte de la pratique homosexuelle, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz)

 

La chute – notamment celle de la reine carnavalesque aussi vite détronisée qu’elle avait été intronisée – est un leitmotiv de la fantasmagorie homosexuelle, très axée sur la reproduction des icônes de la féminité fatale (supposées « belles dans la chute »), de la décadence bourgeoise, ou des amours romantiques qui vont decrescendo. Par exemple, à ce jour, le roman La Chute (1956) d’Albert Camus est un de mes romans préférés.

 

 

L’attrait homosexuel pour la chute, toute accidentelle qu’elle puisse paraître, peut être le fruit d’un désir inconscient de (faire) tomber, sublimé par l’esthétique ou le sentiment (exemple : Laura Ingalls chutant dans sa prairie). Les personnes homosexuelles tombent de leur chaise comme elles tombent amoureuses ou comme elles découvrent les ambiguïtés de leur désir homosexuel.

 

Par exemple, dans son autobiographie Libre : De la honte à la lumière (2011) (titre ô combien icarien !), Jean-Michel Dunand raconte « l’incident de l’escalier » quand il était au collège, à savoir l’outing surprenant dont il a fait les frais : il s’est fait insulter de « pédé » par un camarade, devant tout le monde. La chute, ici, c’est la honte : c’est à la fois la révélation de l’homosexualité et l’acte homophobe : « J’aurais tellement souhaité disparaître de la surface de la terre, me fondre dans le béton des marches de l’escalier et ne plus exister. » (p. 22)

 

Et en amour, les sentiments des personnes homosexuelles semblent obéir à la loi de la gravité, mais une gravité pas du tout ascensionnelle ni positive au final. Il s’agit plutôt d’une gravité abyssale : « Vous avez un diamant brut [= l’amant] dans les mains et ça ne sert à rien de brusquer les choses, you know the drill, il suffit de tenir sur le cheval et lui montrer que vous lui faites confiance en serrant bien les jambes pour lui montrer que vous êtes bien en équilibre sur la selle et de là haut vous voyez bien, au loin, vous regardez l’horizon et le cheval vous suit mais en fait c’est lui qui fait tout le travail. Ça vous revient naturellement, après toutes les chutes du passé quand le cheval s’emballe parce qu’il a peur ou qu’il veut vous tester mais là c’est pas la peine car il est sympa et il voulait une promenade lui aussi… » (cf. l’article « Moi vs le Roi des rois » de Didier Lestrade, publié sur son blog, en mai 2012)

 

Pièce "Les Oiseaux" d'Icare

Pièce « Les Oiseaux » d’Icare


 

Plus qu’un motif esthétique, la mention d’Icare dans les discours des sujets homosexuels tend à désigner le désir homosexuel comme un fantasme d’inceste ou de viol, voire un désir de mort : « Je redoutais cependant, que seul l’avenir, sans appel, perdit ses perspectives comme un oiseau en plein vol, qui perd son altitude pour s’écraser sur une surface bitumée. » (Berthrand Nguyen Matoko par rapport à son refus de la proposition d’un « travail » de prostitué, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), p. 118)

 

Certains militants pro-gay appellent leurs chutes amoureuses ou existentielles « homophobie » pour ne pas analyser les trous d’air et les dépressions icariennes du couple homosexuel en général… mais ils nous mettent quand même en garde contre la chute vers laquelle il peut entraîner l’individu qui s’y adonne. Par exemple, en regardant le docu-fiction « It Could Happen To You » (« Ça pourrait vous arriver », 2011) de Shane Crone Bitney, on a l’impression que la mise en garde concerne la menace homophobe ; en réalité, Tom Bridegroom, l’un des deux amants, est mort en faisant une chute mortelle en tombant d’un toit ; la fin du couple n’a rien à voir avec l’homophobie ni avec l’homosexualité en elle-même. Elle est, je crois, indirectement liée à l’histoire des couples homosexuels, et au désir homosexuel essentialisé et actualisé.

 

 

La crainte esthétisée de la chute est typique de la bourgeoise ou du bourgeois décadent (décadent = qui tombe), qui vit dans la superficie, le paraître, la vanité du libertinage.

 
 

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Code n°94 – Île

île

Île

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Myconos, c’est fini !

 

La tendance homosexuelle aurait-elle un caractère d’insularité ? Symboliquement et fantasmatiquement, oui. L’île est le lieu de la beauté esthétique qui se fait passer pour de l’Amour. Elle est aussi un coin reculé, à part, qui renvoie à la différence homosexuelle, à la mise à l’écart, à la misanthropie et à l’éloignement narcissique du Réel chez certaines personnes homosexuelles.

 

Une île entre le ciel et l’eau… L’île est l’espace du marginal homosexuel qui n’a ni les pieds sur terre, ni le cœur assez tourné vers Dieu, du traître qui s’isole pour aimer (alors que l’Amour vrai, même s’il a besoin d’intimité, n’est jamais synonyme d’isolement, de rupture totale avec le reste du monde), de l’intermédiaire qui ne joue pas son rôle humanisant de médiateur. L’île constitue souvent le lieu de villégiature préféré des couples homos fictionnels… et parfois des amoureux gays et des amoureuses lesbiennes réels. Dans la scénographie homosexuelle, elle n’est pas nécessairement un cadre bucolique et paradisiaque : elle peut se limiter à une métaphore carcérale ou corporelle. Ce qui ressort dans ce code insulaire, c’est l’idée de cocon d’amour homosexuel, un nid à première vue chaleureux, mais qui, sur la durée, s’annonce étouffant. La « solitude à deux » homosexuelle cache bien son jeu… et ne mesure pas qu’une île n’est pas éternelle.

 

Le couple homosexuel comme une « presqu’île »…

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Solitude », « Moitié », « Jumeaux », « Voyage », « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » », « Fusion », « Inversion », « Icare », « Planeur », « Eau », « Homme invisible », « Substitut d’identité », « Fatigue », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », et à la partie « Peter Pan » du code « Parodies de mômes » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) L’île aux merveilles narcissiques :

Pochette de la chanson "Canary Bay" d'Indochine

Pochette de la chanson « Canary Bay » d’Indochine


 

Dans les fictions homo-érotiques, le motif de l’île revient très souvent : cf. le film « Isle Of Lesbos » (1996) de Jeff B. Harmon, le roman L’Île aux Dames (1895) de Pierre Louÿs, le roman L’Île atlantique (1979) de Tony Duvert, le film « Children Of God » (2010) de Kareem Mortimer (avec l’île d’Eleuthera), la pièce Détention provisoire (2011) de Jean-Michel Arthaud (avec l’île de la Liberté), le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen (avec Moon Island), le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest (avec l’île de Corinthe), le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, la pièce Quand mon cœur bat, je veux que tu l’entendes… (2009) d’Alberto Lombardo (avec l’île de Rhodes), le roman La Presqu’île des brouillard (1991) de Francis Robert, le poème « L’Île au trésor » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset, le roman Aux portes de l’île (2010) de Mathieu Riboulet, le film « L’Île Atlantique » (2005) de Gérard Mordillat, le roman La Isla (1961) de Juan Goytisolo, le roman Son frère (2001) de Philippe Besson, le film « Mediterraneo » (1991) de Gabriele Salvatores, le film « Regarde la mer » (1997) de François Ozon, le roman L’Île d’Arturo (1957) d’Elsa Morante, le film « Collateral » (2004) de Michael Mann, le film « Deep Waters » (1948) d’Henry King, le film « Il Mare » (1962) de Giuseppe Patroni Griffi, le film « Agostino » (1962) de Mauro Bolognini, le film « Wilby Wonderful » (2005) de Daniel McIvor, le film « Frans En Duits » (1995) d’Orlow Seunke, la chanson « La Isla Bonita » de Madonna, le vidéo-clip de la chanson « Pure Shores » des All Saints, la chanson « Autonome » de Catherine Lara, etc. Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le jeune héros homosexuel, habite sur l’île de Crête. Dans le roman Deux garçons, la mer (2014) de Jamie O’Neill, Jim et Doyler, les deux amants homos, se retrouvent tous les matins sur les rochers du Forty Foot pour se baigner : ils font le serment de traverser à la nage la baie de Dublin, le jour de Pâques 1916, pour aller planter un drapeau irlandais sur un îlot battu par les flots. Certains « critiques » littéraires arrivent à prêter à Robinson Crusoé et à son compagnon Vendredi une liaison homosexuelle.

 

Canary Bay, le Pays imaginaire, l’île des Amazones ou de Lesbos (si chère à la poétesse Sappho)… beaucoup d’îles sont des destinations particulièrement privilégiées par les personnages homosexuels, pas seulement pour leur beauté, mais aussi pour leur configuration géographique (petites criques, plages, l’aspect « lieux retirés », baies cachées, etc.) favorisant des pratiques sexuelles clandestines et honteuses sous des prétextes esthétiques de cartes postales : « Tous les trois mois, j’vais dans les îles. » (un protagoniste homosexuel de la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy) ; « Après le repas, Ethan reste seul à la table du Samothrace. Il laisse son regard se perdre dans les fresques. Tout doucement, il s’imagine à la grande époque grecque, lorsque le sanctuaire des Grands Dieux était en activité sur l’île de Samothrace. Il se demande quelle place il aurait occupé dans cette société. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 64) ; « J’ai toujours rêvé de vivre sur une île sauvage. » (Cyril dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 208) ; « J’ai pas du tout envie d’être la Reine d’une île grecque. » (Europe, Dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; « Je vous laisse pagayer jusqu’à votre île de lesbiennes. » (Loren, l’hétérosexuelle, s’adressant ironiquement au « couple » lesbienne Karma/Amy, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; etc. Par exemple, dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Paolo, l’ex d’Erik, a toujours rêvé de vivre sur une île au Brésil. Dans le roman Down There On A Visit (L’Ami de passage, 1962) de Christopher Isherwood, le narrateur homosexuel, Christopher, évolue sur les îles grecques de 1933, où il côtoie une bande d’homosexuels qui gravitent autour d’Ambrose, un Anglais riche et dépravé.

 

Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, l’île d’Eleuthera près des Bahamas est présentée comme le lieu où se vit l’Amour universel, où tous les personnages – hétéros comme homos – vont guérir de leurs amours passées et retrouver un nouvel amour fusionnel. D’ailleurs, Johnny se présente inconsciemment à son futur amant Johnny comme l’incarnation de l’île : « Demain, tu verras le vrai visage de l’île. » Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Joey, le jeune adolescent de 15 ans, sur qui pèse une suspicion d’homosexualité, dit qu’il a vécu son premier grand amour pour une fille sur les Îles Vierges.

 

L’île semble agir comme un miroir narcissique (cf. je vous renvoie à la partie « Peter Pan » du code « Parodies de Mômes » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Hier j’ai fait un rêve. C’était en Grèce peut-être, en tout cas sur une île où les femmes vivaient ensemble. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 19) ; « Souvent, il me semble que j’appartiens entièrement au rêve que j’ai fait de cette île grecque avec les Amazones, et que je vis à mon époque par erreur. » (idem, p. 48) ; « Julien Brévaille, en face de moi, est mon île et mon rêve. » (le narrateur homosexuel du roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 47) ; etc.

 

Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Jim et son amant Doyler, les deux adolescents amoureux, apprennent à « s’aimer » à la mer, sur une île où ils vivent leur secrète idylle, la petite île de Muglins Rock : « Ici, sur notre île, c’est chez nous maintenant. Personne ne pourra nous prendre cet instant. » dit Doyler à Jim.
 

L’île est l’espace de la dualité diabolique, entre terre et mer : « Refais le rêve obscur d’une île. » (cf. la chanson « Looking For My Name » de Mylène Farmer) ; « Bientôt, l’île [de la Cité] fut déserte d’humains et couverte de rats qui chantaient bien fort nos vieilles chansons révolutionnaires. […] Nous comprîmes que nous bénéficiions de la protection d’un être de nature soit divine, soit diabolique, ou une alliance des deux. » (Gouri, le narrateur bisexuel du roman La Cité des rats (1979) de Copi, p. 93) ; « Le monde est une boule de mer ; le seul bout de terre qui continue à flotter étant votre île de la Cité. » (l’Albatros s’adressant à Gouri, idem) ; « Jane contempla son ventre qui émergeait de l’eau telle une île volcanique dans une mer savonneuse. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 41) ; etc.

 

Film "contracorriente" de Javier Fuentes-León

Film « contracorriente » de Javier Fuentes-León


 

Souvent, le personnage homosexuel parle de l’île comme une métaphore poétique de son propre isolement volontaire/subi : « Elle [Annah] dit qu’elle vient d’un pays trop grand pour elle, sans frontières. Il y a juste de l’eau autour. » (Greg parlant de sa meilleure amie lesbienne, dans le film « Entre les corps » (2012) d’Anaïs Sartini) ; « Il va hériter du blason, du château, des estancias et de mes îles d’Outremer ! Et nous allons tout tenter pour en faire un Vice-Roi ! » (Pédé parlant de son petit-fils Gilles Blaise de la Soledad, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Les hommes sont des îles. » (cf. la chanson « Adieu » de Philippe Tailleferd) ; « Tout seuls dans nos vies. » (cf. la chanson « Réveille-toi » de Philippe Tailleferd) ; « Les îles n’ont pas de fond. » (Dotty, l’une des deux héroïnes lesbiennes du film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald) ; « J’aurais aimé être un pédé heureux. Dehors, c’est pas possible. Ils ne comprennent rien. Ils confondent tout. Le vice et l’amour… » (Éric Caravaca dans le film « Dedans » (1996) de Marion Vernoux) ; etc.

 
 

b) La « solitude à deux » insulaire et mortifère :

L’île comme métaphore de l’isolement narcissique individualiste peut s’étendre au couple homosexuel fictionnel : cf. le film « L’Île des amours interdites » (1962) de Damiano Damiani, le film « Lucía Y El Sexo » (2001) de Julio Medem, le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, les chansons « JBG » et « Mon Maquis » d’Alizée (avec l’île de Corse, « subtilement » comparée au sexe féminin), etc.

 

À maintes reprises dans la fantasmagorie homosexuelle, les amants, dans un élan androgynique égocentrique, veulent vivre à deux en autarcie sur une île : « Eh voilà… l’Île de la Tentation… » (Francis, le héros homosexuel s’adressant à Stan en le prenant par l’épaule, dans la pièce Hors-piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt) ; « Nous sommes isolés à présent. Complètement isolés ! C’est drôle, non ? » (Christopher Wren, le héros homosexuel tout excité, dans la pièce The Mousetrap, La Souricière (1952) d’Agatha Christie, mise en scène en 2015 par Stan Risoch) ; « « Mon île, mon ‘il’. » (l’un des héros homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Ahmed tourne le regard vers la Seine et l’île de la Cité, avec la Cathédrale Notre-Dame. Il se demande s’il y a encore un Quasimodo qui y vit, prêt à tout par amour pour lui. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 52) ; « J’étouffe ici. Si on allait sur l’île ? » (les deux amants dans le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye) ; « Moi, je serais bien partie sur une île. » (Ada s’adressant à son amante Cherry dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Nous sommes isolées du reste du monde. » (la narratrice lesbienne parlant à son amante Mathilde, dans le roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 33) ; « D’une certaine manière, nous sommes parfaitement libres d’agir comme nous le voulons l’un par rapport à l’autre, tu comprends ? Comme si nous étions dans une île déserte. Une île où nous serons peut-être seuls des années. Ceux qui nous oppriment sont hors de notre cellule, pas à l’intérieur. Ici personne n’opprime personne. » (Valentín s’adressant à son amant Molina, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, pp. 192-194) ; « C’est à Canary Bay, des filles qui s’aimaient en secret. » (cf. la chanson « Canary Bay » du groupe Indochine) ; « Qu’est-ce que t’en dis si on se passe une petite journée rien que toutes les deux sur une plage toute isolée ? J’en connais une. » (Sonia s’adressant à son amante Clara, dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret) ; « Pourquoi, il n’y a personne pour nous voir. » (Saïd dans la pièce Les Paravents (1961) de Jean Genet) ; « J’ai enfin quelqu’un pour partager sur la solitude qu’est la nôtre. » (Jean-Jacques s’adressant à son amant Jean-Marc, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Tous les mecs ils sont cons. Et puis je me dis que si on était juste toutes les deux ce serait peut-être mieux. » (Zoé s’adressant à sa meilleure amie et amante occasionnelle Clara, dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret) ; On s’entend bien toi et moi dans un lit. On s’entend même mieux dans un lit qu’en dehors. » (Vincent ayant recouché avec son « ex » Stéphane pour une nuit, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Tout ce que je veux, c’est qu’on soit heureuses. » (Albertine s’adressant à son amante Lena, dans l’épisode 85 « La Femme aux gardénias » (2017) de la série Joséphine Ange-gardien) « On n’a besoin de personne pour ça. » (Lena, idem) ; etc.

 

Mais ne nous fions pas aux apparences. L’île n’est pas qu’un gentil cliché romantique et esthétique. En effet, bien souvent, les deux membres du couple homosexuel sont tellement repliés sur eux-mêmes que l’excès de proximité, d’isolement, de confort et de fusion les rend étrangers l’un à l’autre. Ils expérimentent l’étrange sensation d’une « solitude à deux » : ils sont a priori en couple (cf. je vous renvoie aux codes « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Fusion », « Solitude » et « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels), mais au final, chacun se sent terriblement isolé, victime de leur égoïsme profiteur mutuel : cf. le film « Un Pyjama pour deux » (1961) de Delbert Mann, le film « Together Alone » (1991) de P. J. Castellaneta, etc. Ils découvrent qu’ils ne se connaissent pas, qu’ils sont tous les deux dans des bulles séparées. « J’en apprends plus sur toi en une matinée qu’en un an ! En fait, je réalise que je ne sais rien de toi. » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 418) ; « Tu m’as ignoré, oublié, écarté. Tué. Tu ne m’as même pas regardé, Khalid, tu n’as même pas cherché à me prendre avec toi par les yeux. Non. Tu es resté tout seul dans ta gloire. Tout seul dans ton moment. Égoïste. Égoïste. Tu étais égoïste, Khalid. Et j’étais seul. Seul et à côté de toi. Seul et toujours accroché à toi… » (Omar parlant à son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 132) ; « Dans sa chambre, isolés du monde, j’étais revenu tellement de fois, avec enthousiasme, extase, sur ce pont, sur ce mystère. » (Omar parlant de la chambre de Khalid, op. cit., p. 170) ; « Personne non plus dans ma vie ne connaît ton existence. » (Daniel s’adressant à son amant Luther, dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta) ; « Il jouit en moi comme il s’en retire, sans un bruit, sans un regard pour moi, sans un mot ou un geste. Je le regarde partir se laver dans la salle-de-bain dans une odeur de merde chauffée, le cul endolori, la bite encore dure, avec un sentiment violent de frustration. Il revient, s’installe pour dormir, me repousse quand je veux me coller à lui en m’expliquant ‘Ah non, ça m’empêche de dormir, d’avoir quelqu’un collé à moi.» (Mike, le narrateur homosexuel décrivant son amant Léo, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 98) ; « Me parlez-vous de loin, de votre île de la lune à l’envers qui invite à l’union ? » (Émilie parlant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 19) ; « J’ai l’impression que vous m’habitez, que vous me parlez sans cesse, de là-bas, de votre domaine sur l’île de la lune à l’envers. » (idem, p. 138) ; « À n’en pas douter, quelque chose a été profondément bouleversé en moi et je ne suis plus celle que j’étais avant de poser le pied sur votre île. Aurais-je bu un philtre à mon insu ? » (idem, p. 143) ; « Plus mes relations avec lui devenaient étroites, plus je m’isolais du monde extérieur : en même temps que la chaleur de cette sphère intérieure, je partageais l’isolement glacial de son existence, totalement en marge. » (le narrateur parlant de son amant, dans le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, p. 67) ; « Faudrait voir à ne pas vivre dans sa planète à part. » (Pierre, l’hétéro mettant en garde contre la tendance autarcique des couples homos, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; « Je renforcerai mon emprise. Je continuerai à t’isoler des autres. » (Sigrid s’adressant à son amante Maria, dans le film « Sils Maria » (2014) d’Olivier Assayas) ; etc.

 

Par exemple, dans le film lesbien « Viola Di Mare » (2009) de Donatella Maiorca, Angela et Sara vivent isolées sur une île près de la Sicile. Dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, Jean-Marc, le héros homosexuel, va pleurer son amour homosexuel perdu et impossible sur l’île de Key West. Dans le roman La Peau des zèbres (1969) de Jean-Louis Bory, les personnages homosexuels en couple affirment expérimenter « la solitude à deux sur une île » (p. 33).

 

En plus d’un éloignement de l’Amour incarné, l’île symbolise beaucoup plus dramatiquement le viol, l’inceste, ou la mort : « Nagez, Linda ! Il y a une île ! […] Oh merde ! L’île qui s’enfonce ! » (Loretta Strong dans la pièce éponyme (1974) de Copi) ; « Le jeune homme [Ednar, le héros martiniquais homosexuel] trouvait toujours un prétexte pour reporter son fameux voyage. La plus heureuse était Adesse [la mère d’Ednar] ; pour elle, tous les prétextes étaient bons pour retenir dans l’île Ednar. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, Un Fils différent (2011), p. 28) ; « C’est compliqué de s’éviter sur une île. » (Chloé dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Sur une île, tout se sait. C’est épuisant. […] Sur une île ou dans une cité : même combat ! » (Léa, idem) ; « La Nature est cruelle. Sébastien l’avait toujours su depuis sa naissance. J’ignorais que nous sommes traqués, tous dévorés par l’avide Création. Je refusais d’affronter cette horrible vérité. Quand soudain, l’été dernier, j’ai appris que Sébastien disait vrai, que ce qu’il m’avait montré aux îles Galapagos était l’horrible, l’inéluctable vérité. » (Mrs Venable parlant de son fils homosexuel, dans le film « Suddenly Last Summer », « Soudain l’été dernier » (1960) de Joseph Mankiewicz) ; « Le charme de l’île Moustique tenait à son absence de charme ; et à son sens cultivé du snobisme, du ridicule et du mauvais goût. » (Emmanuel Pierrat, Les Dix Gros Blancs (2005), p. 22) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « L’inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie, l’île est le théâtre de meurtres homophobes entre personnes homosexuelles : « C’est un petit monde. Vous devez tous vous connaître, non ? » (l’Inspecteur s’adressant à Franck, le héros homo). Franck rêverait d’une proximité et d’une fusion insulaire avec Michel, l’assassin, alors que ce dernier ne veut pas rester « scotché » à lui : « Ça ne va pas m’amuser longtemps. » Michel avait déjà assassiné par noyade son premier amant qui était trop rentré dans le jeu enfermant de l’île.

 

À l’instar de l’île au Diable des Dix Petits Nègres (1939) d’Agatha Christie, l’île des fictions homosexuelles se présente comme un piège qui se referme sur les héros : cf. le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude (où les habitants homosexuels d’une île meurent un par un), le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat (avec l’île Moustique qui est le théâtre d’une série de meurtres), le film « The Last Island » (1990) de Marleen Gorris, le film « Avant le déluge » (1953) d’André Cayatte, le film « L’Évadé de l’Île au Diable » (1972) de William Witney, le film « La Chair et le Diable » (1927) de Clarence Brown, le film « Island Of Lost Souls » (1933) d’Erle C. Kenton, le film « Voodoo Island » (1957) de Reginald Le Borg, le film « The Tempest » (1979) de Derek Jarman, les films « Vampyros Lesbos » (1970) et « La Comtesse noire » (1973) de Jess Franco, le film « Le Lézard noir » (1968) de Kinji Fukasaku, la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi, la pièce Cachafaz (1993) de Copi (avec l’île des Rats), etc.

 

Film "Cloudburst" de Thom Fitzgerald

Film « Cloudburst » de Thom Fitzgerald


 

Par exemple, dans le film « Camping 2 » (2010) de Fabien Onteniente, Patrick et Jean-Pierre sont coincés sur une île, l’île de la Vieille, revivant ainsi la Légende de l’île de la Vieille. Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, le couple lesbien Dotty et Stella manque de se noyer parce que les deux femmes âgées s’aperçoivent trop tard qu’elles se trouvent sur une île au moment de la montée des eaux de la marée : « Oh merde ! C’est une île !!! » s’exclame Stella avec effroi.

 

Non, ce n’est pas futile, une île…

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’île aux merveilles narcissiques :

ÎLE Sitges
 

Myconos, Ibiza, Sitges, Dinah Shore, l’île de Lesbos… beaucoup d’îles sont des destinations particulièrement convoitées par les touristes homosexuel(-e)s, pas seulement pour leur beauté, mais aussi pour leur configuration géographique (petites criques, plages, l’aspect « lieux retirés », baies cachés, etc.) favorisant des pratiques sexuelles clandestines et honteuses sous des prétextes esthétiques de cartes postales.

 

Par exemple, dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, il est question de « la fréquentation homosexuelle de l’île de Lesbos » (p. 226).

 

Celle qui sort du lot reste quand même l’île de Capri, un lieu de villégiature très apprécié par certains membres de la communauté homosexuelle : Oscar Wilde, André Gide, George Eekhoud, Jean Cocteau, le baron d’Adelswald-Fersen, Somerset Maugham, E. F. Benson, Norman Douglas, Natalie Barney, Romaine Brooks s’y retrouvaient. À ce propos, Hervé Vilar, homosexuel notoire, a interprété la fameuse chanson « Capri, c’est fini » qui reste dans de nombreuses mémoires.

 

Plus symboliquement et fantasmatiquement, l’île semble agir comme un miroir narcissique (cf. je vous renvoie à la partie « Peter Pan » du code « Parodies de Mômes » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. la biographie Un Rajah blanc à Bornéo (2002) de Nigel Barley (avec l’île de Bornéo), le site gay hispanophone Isla De La Ternura (traduction française : « Île de la tendresse »), la série Les Enfants des Îles (1980-1981) de Pierre et Gilles, etc. « Mon index caresse une photo de cet été où il se tient debout torse nu devant la mer dans l’île de Fuerteventura, comme si j’espérais que du corps de papier émanerait la chaleur du corps réel. » (Christian à propos de son amant Kamel, dans l’autobiographie Parloir (2002) de Christian Giudicelli, p. 25) ; « Fantôme figuratif : oiseau, poisson des Îles » (cf. un dessin de Roland Barthes réalisé le 24 juin 1971, figurant dans l’autobiographie Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 84) ; « L’île : chez moi thème récurrent. » (Christian Giudicelli, Parloir (2002), p. 42) ; « Un jour, tu seras sur une île antique où les femmes ont été libres de s’aimer entre elles. » (la grand-mère parlant à son petit-fils Alfredo Arias, dans l’autobiographie de ce dernier Folies-fantômes (1997), p. 160) ; « Je me reconnais à 100% dans le personnage de Claudine Dorsel dans le Club des Cinq ; Comme elle, je ne voulais pas grandir, comme elle j’aurais préféré vivre à l’âge adulte seule dans mon île avec mon chien. » (Bab El dans son article « Tom Boy à l’affiche »); etc.

 

Souvent, les personnes homosexuelles parlent de l’île comme une métaphore poétique de leur isolement volontaire/subi. Une sorte d’image d’Épinal de la mélancolie. Saudade…

 
 

b) La « solitude à deux » insulaire et mortifère :

Lesbos, île grecque de la Mer Égée connue pour sa poétesse Sappho

Lesbos, île grecque de la Mer Égée connue pour sa poétesse Sappho


 

L’île comme représentation romantique de l’isolement narcissique individualiste peut s’étendre au couple homosexuel. Un certain nombre d’amants, dans un élan androgynique égocentrique, veulent vivre à deux en autarcie sur une île : « À Elle sur l’Île. » (cf. la courte dédicace d’Élisabeth Brami pour ouvrir son roman Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 7)

 

L’île n’est pas qu’un gentil cliché romantique et esthétique. En effet, les deux membres du couple homosexuel ont tendance à être tellement repliés sur eux-mêmes que l’excès de proximité, d’isolement, de confort et de fusion les rend étrangers l’un à l’autre. « On vivait vraiment dans notre monde à nous. » (Nadia, témoin homosexuelle parlant de sa liaison secrète avec sa compagne, dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre) Ils expérimentent l’étrange sensation d’une solitude à deux : ils sont a priori en couple (cf. je vous renvoie aux codes « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Fusion », « Solitude » et « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels), mais au final, chacun se sent terriblement isolé, victime de leur égoïsme profiteur mutuel : « Quand nous étions ensemble, Martine et moi, nous étions seules. Nous avions essayé de nous tenir chaud, de nous réconforter l’une à l’autre, mais la solitude était toujours là et ce n’était pas la vie. Martine et moi étions deux vieux garçons misogynes, mais à qui était-ce la faute ? » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 134) ; « Mon corps était devenu ton corps. Mais tu voulais encore et encore plus. Quoi, plus ? Je ne savais plus quoi te donner… Tu exigeais que je sois là pour toi, tout le temps. Je l’ai fait. Avec plaisir. Avec amour. Avec dévotion, je t’aimais. Je t’adorais. J’ai quitté les autres, ma vie, mon chemin dans Paris, mes projets, pour toi. » (Abdellah Taïa s’adressant à son ex-amant Slimane, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 114) ; « Au fond, tu n’as eu à aucun moment l’idée de la solitude amoureuse que tu m’imposais… » (idem, p. 121) ; etc. Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Pierre Bergé se voit reprocher par les amis ou la famille de Yves de l’enfermer : « Tu peux pas isoler Yves comme ça. Yves a des amis ! » (Loulou)

 

La « solitude à deux » est souvent exprimée par mes amis homos qui vivent en couple ou qui rêveraient de vivre en couple, comme le montre cet extrait d’un mail que m’a écrit un ami qui, en 2002, essayait de me draguer et de m’apitoyer sur son sort : « C’est dur pour moi : je suis un affectif et la solitude me pèse… et puis les années sont là malgré tout. En 2 ans, je n’ai jamais réussi à construire une relation d’amour. Que de tentatives, d’espoirs vains, d’illusions et de désillusions ! et ce soir je vais rentrer seul… En fait, je n’aime pas aller au Cargo [le bar homo angevin que nous fréquentions en 2002]. L’ambiance festive me plait et parler ‘homo’ m’est utile, mais le côté pathétique des homos me déprime. Je me sens totalement en décalage, perdu dans tout ça, noyé dans cette souffrance sous-jacente. J’ai juste envie de bonheur, de rire, de plaisir partagé, de douceur. Je connais trop la solitude, et même quand j’étais en couple je vivais seul. Parfois c’était pire qu’aujourd’hui. »

 

Dans les discours, l’île symbolise beaucoup plus dramatiquement le viol, la mort ou le choc avec le Réel : « Ils [Polo et sa sœur Nuna] sont allés en vacances sur l’île de Lesbos. Un jour, ils étaient sur le port, quand un groupe de quatre marins les ont invités à faire un tour. Ils voulaient leur montrer le vieux château qui surmonte la ville. Ils les ont suivis. Le soleil tombait. Après la visite, quand ils ont voulu rentrer, Polo et Nuna se sont aperçus que les portes du château étaient fermées. Impossible de s’échapper. Les murailles avaient huit mètres de haut. Polo était ravi de se trouver enfermé en compagnie de ces quatre marins. Mais il ne savait pas quoi faire de sa sœur. […] Les marins n’ont fait ni une ni quatre. Ils ont enculé Polo et sa sœur Nuna, comme si elle était Rita Hayworth. » (Luisito dans la biographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 226) ; « J’ai bien peur qu’on vive vraiment dans notre microcosme, protégés et aimés par nos amis et nos parents. Et je crois que ce n’était qu’une illusion. » (Luca à son amant Gustav, après leur micro-trottoir tâtant le climat d’hostilité sociale vis à vis des couples homosexuels en Italie, dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007) de Gustav Hofer et Luca Ragazzi) ; etc.

 

Par exemple, dans ses mémoires Palimpseste – Mémoires (1995), Gore Vidal affirme qu’il pleurera toute sa vie son amour de jeunesse, Jimmie Trimble, mort brutalement à 19 ans sur l’île d’Iwo Jima : « Je n’ai jamais rencontré de nouveau mon autre moitié. » (p. 53). Le 22 juillet 2011, la revue Têtu célèbre un couple lesbien Hege Dalen et Toril Hansen en lien avec la tuerie de l’île d’Utoya : « Ces deux lesbiennes courageuses ont fait parti des premières personnes à porter secours aux jeunes ciblés par la terrible fusillade sur l’île d’Utoya, en Norvège, vendredi dernier. Grâce à un bateau, ce couple de femmes a aidé quarante personnes à s’enfuir lors du drame. »

 

Non, ce n’est pas futile, une île…

 
 

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