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Code n°131 – Noir (sous-codes : Pantin noir / Dix Petits Nègres / Joséphine Baker / Prostituée noire / Racisme / Afrique)

Noir

Noir

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

D’après vous, pourquoi le « mariage homo » est porté par Mme Taubira en France ?

 

Photos de travestis et trans noirs "Ladies And Gentlemen" par Andy Warhol

Photos de travestis et trans noirs « Ladies And Gentlemen » par Andy Warhol


 

L’identification-substitution aux pauvres est particulièrement visible à travers l’attrait des personnes homosexuelles pour les Noirs. Il n’est pas rare de voir apparaître au détour d’une scène de film à thématique homo-érotique des acteurs à la peau noire. Il ne s’agit pas toujours d’un Noir réel ; il est parfois figuré par un simple pantin sombre. On peut également souligner au passage l’influence surprenante que joue pour certains sujets homosexuels le roman Les Dix Petits Nègres (1939) d’Agatha Christie ainsi que leur dévotion pour celle qui est un déguisement de travesti à elle toute seule : Joséphine Baker (bientôt au Panthéon parisien ?…). Quel est le sens de cette passion homosexuelle pour la négritude ? C’est ce que nous allons tenter de voir dans cette étude qui va nous montrer l’étrange rapport qu’entretiennent les personnes homosexuelles avec la différence des sexes d’une part et la différence des espaces d’autre part. Un rapport idolâtre d’attraction-répulsion, à la fois homosexuel en intentions et homophobe en actes, à la fois humaniste en intentions et raciste en actes.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « « Je suis un Blanc noir » », « Amour ambigu de l’étranger », « Ombre », « Prostitution », « L’homosexuel riche/L’homosexuel pauvre », et « Homosexualité noire et glorieuse », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

Homosexualité et Négritude : Au bras d’un Noir, ça passe mieux !

 

Documentaire "We Were Here" de David Weissman

Documentaire « We Were Here » de David Weissman


 

Il existe un lien de coïncidence entre désir homosexuel et négritude, même si, bien entendu, il ne s’agit pas de le causaliser en soutenant par exemple que « la majorité des homos sont attirés par les Noirs », ou que « tous les homos sont racistes », ou encore que « les couples mixtes homos sont forcément superficiels ».

 

Ce lien est peu reconnu, ni même analysé, car à mon avis, il s’appelle « viol » (ou massacres dus à une certaine colonisation ; je ne dis pas « la » colonisation dans son ensemble) ; et il renvoie inconsciemment au désir de viol qu’est le désir homosexuel. C’est pour cette raison qu’il apparaît encore flou à notre société, y compris aux yeux des personnes homosexuelles qui s’y intéressent et qui voudraient le comprendre :

 

« Mon prochain roman, je voudrais qu’il se passe en terre de négritude, une nouvelle histoire d’amour métissée avec pour fond une réflexion sur ce que fut la colonisation. J’ai l’intuition qu’on n’est pas allés jusqu’au bout, sur le plan anthropologique, de ce que fut la rencontre du Blanc et du Noir. Il s’est joué dans la colonisation autre chose qu’un rapport de domination-soumission. […] Cette fascination du Blanc pour le Noir, c’est chez moi de l’ordre du désir, comme l’écriture, profond, mystérieux, fascinant. Souvent je m’interroge sur cette attirance pour l’homme noir. Et mes amis blacks ne m’ont jamais vraiment éclairé là-dessus, pas plus que les Blancs d’ailleurs ! » (l’écrivain homosexuel Hugues Pouyé, sur le site Les Toiles roses, en 2009)

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Il n’est pas anodin qu’au début du XXe siècle, Harlem ait été le quartier où gravitait l’intelligentsia homosexuelle new-yorkaise et d’où a émergé le mouvement mondial de « Libération homosexuelle ». Les militants homosexuels nord-américains se sont largement appuyés sur les groupes de défense des droits des noirs tels que les Black Panthers pour ensuite montrer patte blanche. La collaboration « negro-gay » est notamment visible à travers la musique : dans les années 1950-60 existent des liens très forts entre la Beat Generation et le jazz ; le disco des années 1970-80, musique gay par excellence – normal : c’est une des premières musiques qui ne se danse pas en couple… – (je vous renvoie à l’étude de Walter Hughes sur les liens entre musique disco et homosexualité), est portée par les Noirs ; nous pouvons également parler de la passion homosexuelle pour les grosses mamies black de la soul (Ella Fitzgerald, Donna Summer), les divas de la house music des années 1990, et les bimbos noires du R’n’B actuel (Beyoncé, Whitney Youston, Toni Braxton, Brandy, etc.). « On dit toujours que les gays aiment les chanteuses noires. Je pense aux chanteuses venues des Negros Spirituals. Elles sont à la fois tristes et pleines d’espoir. » (Lady Bunny, homme transformiste M to F, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel).

 

Parfois dans les créations homosexuelles, il est fait mention de l’Afrique comme une métaphore géographique du désir homosexuel. « Je constate que je ne parle de vous qu’en relation avec l’Afrique ; car je sais bien que c’est la part qui est peut-être la plus proche de votre vérité, et à laquelle je me sens le plus fortement attaché. » (cf. une lettre privée de Foucault à Rolf Italiaander pour Noël 1960) Dans le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, par exemple, ce n’est qu’au moment où Maximilien et Bryan trinquent « à l’Afrique » que nous comprenons qu’ils vont être amants (ce ne sera pas dit à un autre moment du synopsis). Il est significatif ici que la déclaration d’amour homosexuel ne passe pas par un « je t’aime » explicite mais par une adhésion orale à l’Afrique.

 

Photo de Rancinan "Les Barbares arrivent !"

Photo de Rancinan « Les Barbares arrivent ! »


 

Beaucoup de personnes homosexuelles ont intégré et désiré incarner ce fantasme du Noir. La prostituée noire (parfois lesbienne) est une icône homosexuelle récurrente. « J’ai connu des putains… de ténèbres. » (c.f. la chanson « Désobéissance » de Mylène Farmer) ; « Et toi quand tu parles de cette cubaine, appuyée contre la fenêtre en face de la jetée…, je me dis que cette femme, c’est moi » (Benigno au parloir du film « Hable Con Ella », « Parle avec elle » (2001) de Pedro Almodóvar). Le rappel de l’Afrique, c’est une manière de pointer du doigt la blessure homosexuelle : le désir d’esclavage – ou l’esclavage réel –, et plus largement le désir de violation de la/sa dignité humaine.

 

Pourtant, un certain nombre de personnes homosexuelles sont prêtes à qualifier le lien de coïncidence entre race noire et homosexualité de « raciste » simplement parce qu’elles le transforment en lien de causalité (les récents d’amalgames entre l’opposition à la loi Taubira et le soi-disant racisme de ces mêmes opposants – cf. l’épisode de la banane angevine en 2013 – sont assez éloquents) Du coup, c’est l’établissement du lien de causalité qui devient raciste ! Par exemple, concernant l’amant noir de l’ami d’enfance homosexuel de Billy dans le film « Billy Elliot » (1999) de Stephen Daldry, nous pouvons lire quelques critiques affirmer que « l’homme noir homosexuel est un cliché, voire même une incitation au racisme » (BohwaZ, « Billy Elliot », article écrit le 19 janvier 2001 sur le site suivant, consulté en juin 2005). On se demande dans ce cas précis qui est en train de juger qui… Si lier la négritude à tout sujet qui aborde la souffrance revient à être raciste, c’est que nous considérons le Noir comme un Superman qui ne souffre jamais ou, ce qui revient au même, comme un être inhumain (personnellement, je préfère le prendre pour un Homme singulier mais foncièrement comme les autres). Il est même curieux de découvrir que la très grande majorité des hommes gays racistes qu’on est amené à rencontrer ne se trouvent pas chez les Blancs mais parmi les sujets gays noirs : il n’est absolument pas rare de voir un certain nombre d’entre eux se protéger du soleil pour ne pas, selon leurs propres termes, « noircir davantage », jouer de leur double étiquetage de monstres – en tant que personnes homosexuelles et en tant que Noirs – (rappelons-nous leur regard fou et leur gestuelle exagérément démoniaque pendant les Gay Pride ; j’aborde dans le code « Vampirisme » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels l’identification d’un certain nombre de Noirs homos à Dracula), poser sur Internet la question saugrenue de savoir si cela ne nous dérange pas qu’ils soient Noirs (on a envie de leur dire que leur soi-disant « différence de race » n’a d’importance que pour eux…). Fondamentalement, le racisme n’a pas de race. La meilleure arme contre celui-ci réside déjà dans le fait de ne pas s’estimer à l’abri du racisme, qui plus est quand on est né Noir ET homosexuel !

 

N.B. : Message perso aux amis lecteurs qui seraient tentés de me taxer de « raciste » simplement parce que je parle du lien de coïncidence entre désir homosexuel et Noir, ou parce que j’emploie les mots « Noirs » et « race » (qui ne sont pas des gros mots, je préfère préciser, on ne sait jamais : ils renvoient à des réalités visibles et concrètes) :

 

Je me souviens (c’était en 2010) de l’étonnante réaction qu’avaient eue mes deux classes de futures secrétaires, étudiant au lycée professionnel de Juvisy, que j’avais emmenées voir l’excellent one-woman-show de l’humoriste Bérengère Krief, Ma Mère, mon chat, et Docteur House, à Paris. Elles avaient unanimement adoré le spectacle. Il faut dire qu’il était très « girly » et particulièrement adapté à elles. Mais j’avais été surpris de voir qu’un seul des sketchs de la série n’avait pas réellement fonctionné… alors qu’il n’était pourtant pas si différent des autres, et qu’en plus, il pouvait être considéré comme un plaidoyer en faveur de la France Blacks-Blancs-Beurs que représentaient tout à fait mes élèves : ce fut le sketch sur la dénonciation du racisme (Bérengère y imitait parodiquement une raciste de base). J’ai senti à ce moment précis du spectacle que les poils de mes secrétaires, pour la plupart d’origine maghrébine et africaine noire, se hérissaient. J’ai eu, du coup, une petite sueur froide moi aussi… Ce fut de leur part une méfiance instinctive, presque animale (j’en ai reparlé à la fin du spectacle avec Bérengère, et on s’est dits que leur coup de sang – heureusement vite estompé par la bonne humeur de la fin du spectacle – était « sociologiquement très intéressant à analyser », lourd d’interprétations !). Beaucoup de mes élèves, baignées dans un racisme ordinaire mâtiné de « tolérance multiraciale de principe » (exemple : Il n’y a ni races, ni religions, ni frontières, ni Blancs, ni Noirs, ni Jaunes, on est tous des frères égaux), élevées inconsciemment dans un climat de xénophobie-qui-s’ignore (car, en effet, comment puis-je être moi-même raciste, se dit le raciste, étant donné que je suis Noir et qu’on peut à tout moment m’attaquer pour ça ?), ont sorti, l’espace de 5 minutes, leurs griffes manucurées, uniquement parce qu’elles avaient entendu les mots-qui-font-peur (« Noir », « raciste », « sale Arabe »), les mots interdits d’une société qui cultive tous les tabous alors qu’elle prétend justement les pulvériser magiquement par un sourire publicitaire. La souffrance s’amuse toujours, pour se faire oublier, à brouiller les cartes entre les mots et les choses qu’ils désignent, à réduire les personnes à leurs actes et à leurs dires, afin de continuer à s’étendre. C’est inattendu, les chemins que prend la peur.

 

Pour les esprits faibles, ignorants, paranoïaques ou schizophrènes, c’est-à-dire ceux qui se laissent tellement bercés par leurs bonnes intentions qu’ils ne se voient plus (mal) agir, la différence entre l’explication et la justification, entre le dire et le faire, entre les mots et la réalité parfois violente qu’ils recouvrent, est abolie. Selon leur curieux schéma de pensée, le mot « eau » a le pouvoir de mouiller, le mot « feu » brûle, le mot « chien » mord, la télé dit la vérité et crée le Réel. Si tu parles de racisme, c’est forcément que tu le provoques et que tu es raciste toi-même ! ; si tu dénonces l’homophobie, c’est que tu es à coup sûr homophobe ! ; si tu traites des Juifs – en bien ou en mal, peu importe finalement ! il suffit d’en parler pour être dangereux, pas besoin d’aller chercher plus loin… –, tu es traîné en procès d’antisémitisme ! Il n’y a qu’à voir le sort qui m’est réservé actuellement par les brigades prétendument « anti-homophobie » qui me voient comme un ignoble homophobe uniquement parce que je m’attache à décrire les mécanismes de l’homophobie. Il n’y a qu’à voir les suspicions infondées de xénophobie et de racisme qui s’abattent sur un Éric Zemmour, simplement parce qu’il ose parler des étrangers et de l’identité nationale. Bientôt (c’est déjà le cas d’ailleurs), prononcer le mot « homosexualité » va devenir homophobe ! Pour notre société névrogène et superstitieuse, nous créons ce que nous disons… donc nous ne devons parler de rien : ni d’immigration, ni de souffrance, ni d’argent, ni de religions, ni de mort ! Nous sommes directement associés et contaminés par un mythique mal « tout-puissant » : parler du malheur, ça rendrait malheureux ! C’est être défaitiste ! « Je ne suis pas superstitieux, ça porte malheur… » : voilà le paradoxal crédo du parano manichéen athée. Les raccourcis moralisants des abrutis me fascineront et m’étonneront toujours…

 

Film "Parallel Sons" de John G. Young

Film « Parallel Sons » de John G. Young


 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

NOIR Seal

 
 

a) Le personnage homosexuel est souvent accompagné d’un Noir :

La négritude est un thème omniprésent dans les créations artistiques homosexuelles. C’est ce que l’on peut constater dans le poème « The Black Christ » (1929) de Countee Cullen, le film « Drool » (2009) de Nancy Kissam, le vidéo-clip de la chanson « Les Mots » de Mylène Farmer et Seal, la série Black Out (2010) de Rudee LaRue, la B.D. Pressions & Impressions (2007) de Didier Eberlé (avec Clotilde et sa compagne noire), le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, le film « La Cage aux Folles » (1978) d’Édouard Molinaro (avec Jacob, le domestique noir), les films « Territories » (1984), « The Passion Of Remembrance » (1986), « Looking For Langston » (1988), « Young Soul Rebels » (1991), et « The Attendant » (1992) d’Isaac Julien, le film « Society » (2007) de Vincent Moloi, le film « Loin du Paradis » (2002) de Todd Haynes (dans les années 1960 aux États-Unis, en pleine période de remise en question de la ségrégation raciale), la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, le tableau Blacks (1997) de Philippe Barnier, le film « Embrassez qui vous voudrez » (2001) de Michel Blanc, le film « Dakan » (1997) de Mohamed Camara, le film « J’aimerais j’aimerais » (2007) de Jann Halexander, le film « Get On The Bus » (1996) de Spike Lee, le film « Portrait Of Jason » (1967) de Shirley Clarke, le film « Edmond » (2005) de Stuart Gordon, le roman L’Œuvre au Noir (1968) de Marguerite Yourcenar, le film « Next Stop, Greenwich Village » (1976) de Paul Mazursky, le film « The Watermelon Woman » (1996) de Cheryl Dunye, le film « Peut-on être Noir et homosexuel aux États-Unis ? » (1989) de Marlon Riggs, le film « The Girl » (2000) de Sande Zeit, le film « Foxy Brown » (1974) de Jack Hill, le film « Esprit de famille » (2005) de Thomas Bezucha, le film « Swashbuckler » (1976) de James Goldstone, le film « La Chambre discrète » (1962) de Bryan Forbes, le film « Parallel Sons » (1995) de John G. Young, la série nord-américaine Six Feet Under (David, le cadet de la famille est en couple avec un policier noir), le film « Lettres d’amour en Somalie » (1981) de Frédéric Mitterrand, le film « Un Duplex pour trois » (2003) de Danny DeVito, le film « Prêteur sur gages » (1965) de Sidney Lumet, le film « Armaguedon » (1976) d’Alain Jessua, le tableau Impressions d’Afrique (1938) de Salvador Dalí, le film « Six degrés de séparation » (1993) de Fred Schepisi, la pièce Howlin’ (2008) d’Allen Ginsberg, le film « Un Chant d’amour » (1950) de Jean Genet, le film « Sous les verrous » (2003) de Jörg Andreas, le film « The World Unseen » (2007) de Shamin Sarif, la pièce Baby Doll (1956) de Tennessee Williams (avec Moïse, le Noir), le film « Brother To Brother » (2004) de Rodney Evans, la chanson « Tutti Frutti » de Little Richard, la comédie musicale Hairspray (2011) de John Waters, le film « Birth 3 » (2010) d’Anthony Hickling, le film « Tout ira bien » (1997) d’Angelica Maccarone, le tableau Afrique je t’aime (2006) d’Orion Delain, les tableaux du peintre Benoît Prévot (2007), le film « Strange Fruit » (2004) de Kyle Schidkner, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, le film « Sexe, gombo et beurre » (2007) de Mahamat-Saleh Haroun, le film « Justice pour tous » (1979) de Norman Jewison, la chanson « Billy Brown » de Mika (racontant un coming out), le film « Norman la folle » (1976) de George Schlatter, « Mon copain Rachid » (1998) de Philippe Barassat, le film « Nos Vies bouleversées » (2003) de Shahar Rozen, le roman Confidence africaine (1931) de Roger Martin du Gard, le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, le roman Nouvelles impressions d’Afrique (1932) de Raymond Roussel, le film « Girlboy » (1971) de Bob Kellett, le film « Next Stop Greenwich Village » (1976) de Paul Mazursky, le film « A Rainha Diaba » (1975) de Antonio Carlos Fontoura, le film « Un de trop » (1999) de Damon Santostefano, la chanson « Bessie » de Patricia Kaas, le film « The Family Stone » (« Esprit de famille », 2005) de Thomas Bezucha (dans lequel Ben a un copain noir), le film « Le Derrière » (1999) de Valérie Lemercier (avec le couple homo Claude Rich/Dieudonné), les films « Le Voyage au Congo » (1927) et « Le Blanc et le Noir » (1931) de Marc Allégret, le film « Proteus » (2003) de John Greyson et Jack Lewis, le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie MacDonald (notamment avec la danse finale entre la mère blanche de Jamie et la voisine noire Leah), la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays (avec la figure de Kirikou), le sketch « Le Noir » (1989) de Muriel Robin, la pièce Les Nègres (1959) de Jean Genet, le film « Keiner Liebt Mich » (« Personne ne m’aime », 1993) de Doris Dörrie, le film « Afrika » (1973) d’Alberto Cavallone, le roman Los Negros (1959) de Julio Antonio Gómez Fraile, le roman Sur les traces de l’Afrique fantôme (1991) de Michel Cressole, le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa (avec une négritude jugée comme dangereuse), le film « 8 Miles » (2002) de Curtis Hanson, le vidéo-clip de la chanson « Spinning The Wheel » de George Michael, le vidéo-clip de la chanson « Vogue » de Madonna, le roman Un Thé au Sahara (1949) de Paul Bowles, le film « Flirt » (1995) de Hal Hartley, le roman Série Black (2003) de Philippe Cassand, le roman Un Amor Fora Ciutat (1959) de Manuel de Pedrolo (avec Miquel, l’amant noir), le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec Hunter, l’amant noir), le film « Identity Crisis » (1988) de Melvin Van Peebles, le film « Made In America » (1992) de Richard Benjamin, le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, le film « Insatisfaites poupées érotiques du professeur Hitchcock » (1971) de Fernando Di Leo, le film « Collateral » (2004) de Michael Mann (avec le personnage de Max), la photo Man In Polyester Suit (1980) de Robert Mapplethorpe, le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy (avec Quintus Pearch, le serviteur noir), la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch (où Rachid est comparé à un Noir), la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie besset (avec Charlène, l’amie noire de Paul, le héros homosexuel), la pièce Confessions d’un vampire sud-africain : l’étrange histoire de Pretorius Malan (2008) de Jann Halexander, la pièce Orage (et des espoirs) (2017) d’Alexis Matthews, le film « Berlin Harlem » (1977) de Lothar Lambert, le film « Le Trou aux Folles » (1979) de Franco Martinelli, la pièce Les Babas Cadres (2008) de Christian Dob (avec Jeff possédant un livre illustré sur la Côte d’Ivoire), le film « La Salamandre » (1969) d’Alberto Cavallone, le film « Stir Crazy » (1980) de Sidney Poitier, le film « Greenbook » (2018) de Peter Farrelly, le film « Zurück Auf Los ! » (1999) de Pierre Sanoussi-Bliss, le film « Alles Wird Gut » (1997) d’Angelica Maccarone, les dessins Rugbymen (2005), Foot (2006), Gymnastes (2005), Handisport (2006) de Boris X, le film « La Princesse et la Sirène » (2017) de Charlotte Audebram, la chanson « Joe le taxi » de Vanessa Paradis, le film « 30° couleur » (2012) de Lucien Jean-Baptiste et Philippe Larue (avec Zamba, le travesti M to F haut en couleurs, au carnaval antillais), le roman La nuit de Maritzburg (2014) de Gilbert Sinoué (sur fond d’apartheid), la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz (avec le couple Chris – Blanc – et Ruzy – Noir), le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer (racontant l’histoire d’amour entre Johnny le Blanc et Romeo le Noir), le vidéo-clip de la chanson « Only Gay In The World » de Tomboy, la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (avec Emmanuel, le séminariste noir, le quota « solidaire » de la série), le concert Free : The One Woman Funky Show (2014) de Shirley Souagnon (avec le Commerce triangulaire et la traite des Noirs), le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu (se déroulant à Nairobi, au Kenya), le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan (avec Audrey la journaliste noire gay friendly), le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare (avec Alex, l’ex de Jean), la série Manifest (2018) de Jeff Rake (avec Bethany, lesbienne noire « mariée » avec Georgia), etc. Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’ Abdellatif Kechiche, Adèle, l’héroïne lesbienne, fait danser ses classes de maternelle sur des percussions de musiques « cools Africa » pour la kermesse de l’école. Dans l’épisode 4 de la saison 3 de la série Black Mirror (« San Junipero »), Yorkie, l’héroïne lesbienne, sort avec Kelly, noire des années 1980. Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, les « mères » de Jackson sont lesbiennes : Sylvia la blonde compose un « couple » avec une femme noire. Quant à l’un des héros principaux de la série, Éric, il est noir et homosexuel.

 

Film "Beautiful Thing" d’Hettie MacDonald

Film « Beautiful Thing » d’Hettie MacDonald


 

Au détour d’un film parlant d’homosexualité, ou d’une intrigue qui ne traite absolument pas de thématiques liées au racisme ou à la culture noire, il est fréquent de voir débarquer à l’improviste un Noir. C’est apparition impromptue est étonnante. « Remontant dans son bureau, Antoine croisa un homme, visiblement Africain, vêtu d’une blouse Euroclean, aux manettes d’une grosse shampouineuse de moquette. Il le salua. L’homme baissa les yeux sans répondre. » (Vincent Petitet, Les Nettoyeurs (2006), p. 154) ; « Antoine éteignit la lumière, puis tenta de faire une mise au point sur la fenêtre d’en face. […] Il lâcha les jumelles. Il les ramassa et regarda de nouveau. Dans une pièce aux murs couverts de masques africains, Martine Van Decker, immobile, murmurait d’interminables borborygmes en l’observant. » (cf. la dernière phrase du roman Les Nettoyeurs, op. cit., p. 248) ; « Plus près d’elle [Esti], une jeune femme Noire coiffée d’une multitude de tresses terminées par des perles de couleur se tenait devant les crèmes hydratantes. » (Naomi Alderman, La Désobéissance (2006), p. 206) ; « C’est nous qui lançons la mode. Nous, les blacks et les gays. » (Maria, la prostituée, s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 165) ; etc. Par exemple, dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, une sorte de sorcier marabout noir, habillé en costume africain traditionnel, débarque en pleine débauche sexuelle dans une boîte gay, juste pour interpeller le héros homo avec cette question : « Alors les gars, vous vous éclatez bien ? », puis repartir et ne plus apparaître dans le restant du film.

 

Film "Brother To Brother" de Rodney Evans

Film « Brother To Brother » de Rodney Evans


 

Parfois, le personnage homosexuel dit ouvertement son attachement aux Noirs et à l’Afrique : « Vive les Noirs ! les Nains ! » (Camille la lesbienne dans le one-man-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « Celui que j’aime est un garçon à la peau brune. » (une réplique de la pièce La Tragi-comédie de Don Cristóbal et Doña Rosita (1935) de Federico García Lorca) ; « Tu ne veux plus de moi parce que j’ai épousé un Noir ! Raciste ! » (l’infirmière s’adressant au professeur Vertudeau dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Toi aussi je t’aime, même si tu es moins claire que les autres. » (Aldebert parlant à Hud, la Noire de la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado) ; « Vous faisiez quoi en Afrique ? » (Henri interrogeant le très homosexuel Docteur Bosmans, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « J’ai exploré l’Afrique… dans tous les sens du terme. » (François, le héros homo du one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « C’est la fête en Afrique du Nord. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « Mama Africa, je t’appelle ! » (Pierre Fatus, le Blanc qui se prend pour un Noir, dans son one-man-show L’Arme de fraternité massive !, 2015) ; « Ils ont trop la classe, les Noirs. Ils ont bercé toute mon enfance : Billy, Ella, Charlie. » (idem) ; « L’Amérique du Sud, ça peut pas être pire que l’Afrique. » (Jean-Marie, homosexuel, dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré) ; etc. Par exemple, dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Garance, l’héroïne lesbienne, se met à fantasmer ironiquement sur « les douches avec de grands Noirs bien musclés ». Certains personnages homosexuels sont même homos et font leur coming out : « Ça a été très dur d’assumer ma négritude et mon homosexualité. » (Laurent Spielvogel imitant imitant Marie-Louise la femme de ménage noire lesbienne, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015)

 

Série "Six Feet Under"

Série « Six Feet Under »


 

Curieusement, il est fait mention de l’Afrique comme une métaphore géographique du désir homosexuel : cf. le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar (avec la fille de la Marquise, mystérieusement disparue en Afrique), la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, la pièce Dans la solitude d’un champ de coton (1987) et Combat de Nègre et de chiens (1979) de Bernard-Marie Koltès, le film « RTT » (2008) de Frédéric Berthe (avec Peyrac qui attiré par le flic noir), etc. Par exemple, dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Nounours, le peintre homo d’art contemporain, se marie avec le flic noir, à la toute fin.

 

Le couple homosexuel fictionnel se forme autour de l’Afrique : « Et si on essayait de se tirer là-bas en Afrique ? » (Billy s’adressant à Rasso dans la pièce Guantanamour (2008) de Gérard Gelas) ; « Elle me parle de l’Afrique, de poèmes pour sa mère. » (cf. le poème « Noire et Blanche » (2008) d’Aude Legrand-Berriot) ; « Vous faisiez quoi en Afrique ? » (Henri s’adressant au très homosexuel Docteur Bosmans, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; etc. Par exemple, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, Glen a prévu de partir en Afrique. Dans le film « Cabaret » (1972) de Bob Fosse, par exemple, ce n’est qu’au moment où Maximilien et Bryan trinquent « À l’Afrique ! » que nous comprenons qu’ils vont être amants (ce ne sera pas dit à un autre moment du synopsis). Il est significatif ici que la déclaration d’amour homosexuel ne passe pas par un « je t’aime » explicite mais par une adhésion orale à l’Afrique. Dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, Cleavon, le gardien de cellules noir, sert de messager entre Steven et Phillip à la prison. Dans le roman Para Doxa (2011) de Laure Migliore, Ambre et Helena se rencontrent en voyage humanitaire en Namibie, et tombent amoureuses. Le roman A Glance Away (1961) de John Edgar Wideman entrelace les monologues intérieurs d’un ex-drogué noir et d’un professeur de littérature blanc et homosexuel. Dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia, Bernard, le héros homosexuel, a quelqu’un dans sa vie qui s’appelle Patou et qui est créole. Dans le film « The Comedian » (2012) de Tom Shkolnik, Ed rencontre Nathan, un jeune artiste noir. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, Dodo raconte une histoire d’un ours polaire homosexuel qui visite l’Afrique. Dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, le producteur homosexuel, drague ouvertement Samuel (joué par Omar Sy) dans l’escalator du métro londonien.
 

Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie et Ruth, les deux héroïnes lesbiennes, tiennent une auberge où travaillent des Noirs : c’est ce qui leur vaut de gros ennuis avec le Ku Klux Klan, qui leur reproche autant leur cohabitation homophile illicite que leur ouverture à l’étranger (« On voit comment tu traites les Nègres. Et nous, ça ne nous réjouit pas. » dit le chef des cagoulés pointus à Idgie). Homophobie et racisme s’entremêlent.

 
 

b) Un métissage amoureux complexe et peu réussi :

Dans les fictions homo-érotiques, l’Afrique est souvent associée au vol (dans tous les sens du terme) : « Tout au fond de ma mémoire, je le sens se réveiller, l’ancestral désir de toi : c’est le désir de monter sur un beau tapis magique pour survoler toute l’Afrique dans un dessin animé. » (Lou parlant à Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Essaie de voler, mon petit. Tu vas voir comme ce n’est pas difficile. Je te donnerai un sucre. Je te montrerai l’Afrique, tu vas voir, c’est comme un mouchoir. Je te montrerai le monde, il est comme une boule de billard bleue avec des puces dessus. » (le Vrai Facteur dans la pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi) ; « Quelques packs promotionnels de lots de quatre boîtes de douze préservatifs dégriffés plus loin, le héros d’une histoire se faisait violer par un régiment de légionnaires en rut, retour d’Afrique. » (le narrateur homo, dans la nouvelle « De l’usage intempestif du condom dans la pornographie » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 98) ; « Ma copine… c’est un grand Black d’1,90 m. » (Fabien Tucci, homosexuel, simulant l’hétérosexualité, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; etc.

 

Le visage noir, plus qu’une réalité de race, est le signe d’une culpabilité inconsciente ressentie après un acte mauvais (un vol ou un viol) commis par le héros homosexuel. « Le soleil me noircit. Il me transforme. En cendres ? En quoi exactement ? Je me demande si, juste à la toute fin, je serai complètement noir. Noir de brûlures. » (Khalid, le héros homosexuel, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 69-71) Par exemple, dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, après leur vol à l’étalage et de retour chez eux, Élisabeth et Paul s’entendent dire par leur gouvernante Mariette : « Quelle belle mine ! Vous êtes tout noirs ! » Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, la liaison lesbienne entre Ziki et Kena est découverte par les gens de leur quartier, à Nairobi (Kenya). L’honneur de leur famille est sali, et Mercy, la mère de Kena, voit sa fille comme une souillon : « Elle ne sera jamais propre. » Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, l’homme marié (le « plan cul » régulier de Jézabel, l’héroïne bisexuelle) parle à Jézabel de son « âme noire ». Et un peu plus tard, Stan, le sacristain jaloux, la décrit au père David comme une femme noire : « Tu vois pas que cette fille elle est noire, elle sent le soufre ? » Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Alfonsina, l’ouvreuse dans un ciné porno, parle de l’avortement d’un bébé noir. Dans l’épisode 86 « Le Mystère des pierres qui chantent » de la série Joséphine Ange-gardien, diffusée sur la chaîne TF1 le 23 octobre 2017, Louison, l’héroïne lesbienne, se force à coucher avec son pote Max, un Noir, pendant la colonie de vacances, pour finalement renforcer son sentiment d’être homosexuelle.

 

Film "Kick-Off" de Shawkat Amin Korki

Film « Kick-Off » de Shawkat Amin Korki


 

Dans les fictions traitant d’homosexualité, la race noire et la race blanche s’unissent pour le meilleur, mais surtout pour le pire… Le métissage et la négritude sont souvent associées à la sorcellerie (cf. le film « le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, le roman Frankie Addams (1946) de Carson McCullers – avec la cuisinière noire –, le film « Le Sang du poète » (1930) de Jean Cocteau – avec l’ange noir -, etc.), à la schizophrénie et à l’infidélité (cf. la chanson « J’ai deux amours » de Joséphine Baker, « My Beautiful Laundrette » (1985) de Stephen Frears, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, etc.), à la féminité diabolique (cf. le film « Huit Femmes « (2002) de François Ozon – avec le visage de Chanel éclairé par le feu de cheminée –, le vidéo-clip de la chanson « Les Mots » de Mylène Farmer et Seal, la diabolique mère jouée par Carole Fredericks dans la version « live » de la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer en 1989, la pièce Lady Dracula (2014) de Nabil Massad, etc.), à l’union d’esclavage sadomasochiste (cf. le film « Shoot Me Angel » (1995) d’Amal Bedjaoui, le film « Salò ou les 120 journées de Sodome » (1975) de Pier Paolo Pasolini, le film « La Passion » (2004) de Mel Gibson – avec le parallélisme entre l’empereur efféminé Hérode et le gros plan d’un esclave noir –, le film « Le Lézard noir » (1968) de Kinji Fukasaku – avec le Noir poignardé –, le vidéo-clip de la chanson « Foolin’ » de Devendra Banhart, le film « See How They Run » – « Coup de théâtre » – (2022) de Tom George, etc.). Par exemple, dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel danse sur des tubes des chanteuses qu’il adore. Quand le démon de la danse s’empare de lui, il s’adresse à la chorégraphe noire « Mia Frye, sors de ce corps ! ». Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Samuel, noir, dit à son amant blanc Jonas qu’il « ne vaut rien », et le vire de chez lui parce qu’il l’a trop trompé avec d’autres hommes. Dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, Roscoe, le héros homo noir, se met en couple avec un riche diplomate blanc londonien, qui a l’âge d’être son grand-père, et qui lui demande de jouer le rôle de « sa nounou ».

 

Il arrive que les rôles s’inversent, et que le Noir fictionnel prenne sa vengeance sur son maître blanc. Il devient bourreau à son tour (cf. le film « Blacula » (1972) de William Crain, le film « Foot For Love » (2014) d’Élise Lobry et Veronica Noseda,etc.). « J’aurais préféré me faire violer par trois grands Blacks. » (l’humoriste Kallagan dans son one-man-show Virtuose, 2017) Par exemple, dans le film « L’Immeuble Yacoubian » (2006) de Marwan Hamed, le héros homo est violé par son domestique nubien noir. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, le Black frappe Skip au commissariat. Dans la pièce Cachafaz (1991) de Copi, Cachafaz est un souteneur noir qui fait travailler son amant Raulito comme travesti. Dans le film « Noir et Blanc » (1986) de Claire Devers, ou bien encore dans la pièce Désir et masseur noir (1948) de Tennessee Williams, on nous raconte la liaison SM d’un client qui se fait maltraiter par son masseur noir. Dans la pièce Dépression très nerveuse (2008) d’Augustin d’Ollone, le Dr Labrosse fantasme de se faire violer par un jeune Sénégalais de 16-17 ans nommé « Babacar ». Dans le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel doit faire son service militaire, et essaie, lors de la visite médicale, de se faire réformer. Il explique qu’il a fait une tentative de suicide suite à l’acte fratricide de son frère qui aurait essayé de le noyer « parce qu’il a appris qu’il avait eu une relation avec un… un… un… un… un Noir ».

 

Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel noir, découvre son attirance pour les hommes au sein d’un milieu noir très hostile et homophobe. Le film se veut un plaidoyer contre l’homophobie (sous couvert d’identité noire) et contre l’auto-racisme (donc l’homophobie au sens strict) : le surnom « Black » affublé au protagoniste principal résonne comme « Pédé », d’ailleurs.
 

Dans le (très autobiographique) roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, Adrien, le héros homosexuel, s’interroge sur son attrait sexuel presque monomaniaque pour les Noirs, et notamment pour son amant Malcolm, un prostitué noir avec qui il a entamé une relation compliquée : « Souvent, dans les bras de ces amants d’un soir, Adrien pensait à lui. Malcolm avait pénétré la mémoire de son corps et il ne s’étonnait plus que son désir le portât vers des hommes à la peau noire. Ils lui ressemblaient. Les mêmes cheveux où agripper ses doigts pour incliner amoureusement la tête, la même peau à la fois douce et tendue, aux reflets mordorés, la même odeur âcre et puissante, les mêmes yeux dont la lumière vient d’autres latitudes, les mêmes muscles saillants et fins, la même allure féline et noble. Tout cela rappelait Malcolm et portait Adrien à chercher l’amour des Noirs. Il s’interrogeait souvent sur les raisons secrètes du désir de cette beauté-là. Un désir de puissance, de virilité ? D’inverser l’ordre de l’Histoire ? D’aimer l’absolument autre ? Peut-être tout cela à la fois. » (pp. 34-35) On a l’impression que le héros gay aime en l’amant noir une texture corporelle plus qu’une personne vivante, unique, avec son âme, sa personnalité, et sa liberté. Nathalie, une amie d’Adrien, lui donne justement un élément de réponse à propos de son obsession des Noirs, quand elle énonce qu’« il cherche un miroir exotique » (idem, p. 46) de lui-même, une forme d’amour abstrait qui ressemble à la mort et à l’absence. Adrien en a bien conscience, intellectuellement parlant : « Ça m’interroge cette attirance pour les Blacks. […] Toujours le lointain, l’impossible, l’inatteignable. […] J’dois pas aimer l’amour proche ! » (idem, p. 46) Le héros homosexuel semble perpétuer un certain mépris colonialiste ancestral, qui à la fois vénère le Noir ET le traite pourtant comme une chose : « Il aimait ce corps d’homme métis. […] Adrien eut le sentiment étrange de n’être pas le seul à aimer un pareil corps. Il éprouva même une certaine gêne à l’idée que son regard s’inscrivît dans une longue chaîne de regards portés sur l’homme ébène. Désirs de Blancs fascinés par la puissance du corps du Noir, au point de vouloir la lui dérober, la posséder pour eux. N’était-il pas dans son regard comme un fils de colon, fier de tenir pour lui ce corps endormi ? » (idem, p. 50) En toile de fond, derrière l’« amour » homosexuel du Noir, le protagoniste négrophile et son amant noir sentent intérieurement qu’il y a un mépris larvé, une consommation mutuelle, une guerre cachée entre eux, un viol tacitement désiré/enfoui : « Moi, dans ton livre, je dois être le mauvais Black ! » (Malcolm s’adressant à son amant Adrien, idem, p. 62) ; « Malcolm n’est peut-être qu’un profiteur. Un esclave affranchi qui désormais possède le maître et se joue de lui. » (Adrien se rendant compte de l’opportunisme de Malcolm, idem, p. 59)

 

Film "Meine Liebe Ist Deine Freiheit" de John Greyson

Film « Meine Liebe Ist Deine Freiheit » de John Greyson


 

Parfois, le personnage homosexuel noir est apprécié en tant qu’amuseur complètement déjanté et grande folle. Dans le film « Rush Hour 3 » (2007) de Brett Ratner, par exemple, Carter joue le rôle de Bibiche, un costumier noir particulièrement maniéré, dans un cabaret parisien. Il y a aussi le flamboyant Ruby Rhod, le Noir très efféminé du film « Le Cinquième Élément » (1997) de Luc Besson. Mais en aucun cas ces personnages sont valorisés comme des êtres profonds et réels.

 

On décèle parfois dans cette vision misérabiliste ou au contraire diabolisante et frivole du Noir un racisme très ambigu, qui mélange attraction et répulsion : « On devrait peut-être adopter un p’tit Noir. Ce serait plus généreux. » (un couple gay dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Un groupe de musiciens berbères est soudain apparu devant nous. Ils avaient l’air dangereux, très dangereux même, mais ils jouaient merveilleusement bien tout un répertoire du folklore du Sud marocain. […] Ils étaient tous noirs, ces musiciens. Absolument noirs. Et leur musique, fascinante, nous a obligés, Khalid et moi, à suspendre notre dialogue et à les écouter un bon moment. » (Omar et Khalid dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 115) Dans le film « Occident (Statross le Magnifique 2) » (2008) de Jann Halexander, Statross Reichmann, un bourgeois métisse bisexuel, vit une relation tourmentée avec un jeune homme blanc d’extrême droite, Hans.

 

Dès que le désir homosexuel s’insère entre le Blanc et le Noir, le métissage tourne au vinaigre, s’annonce déséquilibré/déséquilibrant pour les deux membres fictionnels du couple. On voit déjà se profiler un rapport de forces violent. Très souvent dans les créations parlant d’homosexualité, le racisme pointe le bout de son nez, aussi bien dans le cadre amoureux que dans le cadre uniquement amical ou professionnel. Le racisme anti-Noirs est fréquemment exprimé par le héros homosexuel : « Retournes-y dans ton pays si t’es pas contente ! » (Georges parlant à Jacob, son domestique noir, dans la pièce La Cage aux folles – version 2009, avec Clavier et Bourdon – de Jean Poiret) ; « Tu vas pas me dire qu’ils vont purger les Noirs. » (Claude, l’homosexuel, s’adressant à son copain François, dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton) ; « Pense aux p’tits Africains qui n’ont pas ta chance ni ton intelligence. […] Les pauvres n’imaginent pas les soucis que les gens aisés ont avec leur personnel ! Ils sont trop gâtés et puis c’est tout ! » (Mamita, la grand-mère acariâtre et bourgeoise s’adressant à son petit-fils Corentin, dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Enfin, on dit il ne faut pas faire de généralités… Je suis sûr que si on cherche bien un jour on trouvera bien un Noir dans une bibliothèque. » (la bourgeoise « raciste anti-racistes » dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Bien que l’armistice ait déjà été demandé par Pétain, on murmure que des centaines de tirailleurs sénégalais ont été massacrés de sang-froid par les nazis. De cette ‘chasse aux nègres’, je ne veux rien savoir. Juste profiter de l’instant présent. » (Madeleine dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 63) ; « Ayez davantage de fils incapables et nommez-les à toujours plus de postes bidons, mariez vos filles à des Arabes, faites-les engrosser par des nègres. » (le roi Rigane dans la nouvelle « L’Apocalypse des gérontes » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 135); « Entre traînées, on s’entraide ! » (le pote noir homosexuel de Paul, dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso); etc. Dans le film « Morrer Como Um Homen » (« Mourir comme un homme », 2009) de João Pedro Rodrigues, Tonia le transsexuel M to F blesse « sa » collègue travesti noire Jenny en lui remontant la fermeture éclair de sa robe, et la traite de « sorcière ». Dans le film « Ce n’est pas un film de cowboys » (2012) de Benjamin Parent, Moussa est le personnage noir traité de « Kirikou » par Jessica à la fin. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Franck abandonne un gamin noir dans un immeuble. Dans son one-man-show Tout en finesse (2014), Rodolphe Sand se met dans la peau d’une odieuse bourgeoise, responsable d’un orphelinat au Burkina-Faso, exploitant les Noirs et leur parlant très mal : « Fatoumata, tu pues ! »

 

Joséphine Baker et Charles Trénet

Joséphine Baker et Charles Trénet


 

Dans le sketch « Le Couple homo » de Pierre Palmade et Michèle Laroque, les humoristes parodient un couple de bourgeois apparemment gay friendly, qui reçoit à dîner un couple gay (Alain, 48 ans, et son jeune amant brésilien Roberto, 19 ans). Une fois les invités partis, ils se lâchent et balancent des horreurs racistes. Par exemple, ils abordent la question du tourisme sexuel, en disant que Roberto est le « gigolo » d’Alain. Et ils font du milieu de la nuit cubain un repère d’homosexuels : « C’est comme dans les boîtes africaines… y’a que ça ! »

 

NOIR Copi racisme

B.D. « La Femme assise » de Copi


 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, un des membres du cercle d’« amis » homosexuels, Bernard, est noir, ce qui n’empêche pas Michael, le maître de la bande, de faire des blagues racistes qui déclenchent presque une baston : « Vous savez pourquoi les Nègres ont de grosses lèvres ? » (à propos de la soi-disant manie des Noirs de se plaindre du travail en soupirant bruyamment).

 

Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homosexuel, ne fait que des blagues racistes et homophobes sur les Noirs (il parle du « cul d’un Noir »). Tout comme sa mère, Diane, qui parle très mal au chauffeur de taxi noir, qu’elle enjoint à jouer du tam-tam. À propos de ce conducteur, Steve finit par l’insulter très violemment : « Va chier, Kirikou ! » ; « Sale race ! » ; « Putain de Nègre ! » ; « Retourne dans ton île ! Comme ça, t’envahiras pas mon pays ! »
 

Film "The Boys In The Band" de William Friedkin

Film « The Boys In The Band » de William Friedkin


 

Le racisme anti-Noirs affiché par certains artistes homosexuels, dans la mesure où il n’est généralement qu’un mime soi-disant parodique (« drolatique » diraient les snobs) de l’anti-racisme bourgeois ordinaire, n’en est pas moins violent : caricature ou pas, second degré ou pas, quand on mime, on reproduit l’agression, mais on ne la dénonce pas. C’est pourquoi je trouve par exemple que les imitations de bourgeoise anti-Noirs que l’Argentin Copi met constamment en scène dans ses œuvres sont très racistes. Une ou deux fois, passe encore ; mais tout le temps, bonjour les dégâts… : « Ce qui m’inquiète […], c’est que le jour de la fête elle mette bas un négrillon ! » (Ahmed dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Tu vas t’arrêter de remuer dans ta poussette, espèce de petite peste ? » (une mère à Vidvn, son bébé noir, dans le roman La Cité des rats (1979), p. 33) ; « Deux d’entre eux lui donnaient des coups de pied dans les reins et le bas-ventre pendant qu’un autre lui tapait à coup de matraque sur la tête. » (les CRS embarquant de force Vidvn, idem, p. 69) ; « Le cercueil est introduit debout dans une poubelle appuyé contre le mur en espérant que les éboueurs noirs du petit matin l’enlèveront même si c’est pour en voler les poignées, et qu’ils jetteront le cadavre dans une desserte avec les ordures et les gerbes. » (idem, p. 17) ; « Et tu couches avec des Noirs ? Avec de vrais Noirs ? Tu es une vraie vicieuse, maman ! » (« L. » à sa mère dans la pièce Le Frigo, 1983) ; « Dis bonjour de ma part à tes négrillons. » (idem) ; « Sa meilleure copine, une Arabe, s’est fait malmener parce qu’elle refusait de sucer la bitte d’un Nègre et après tout c’est elle qui a été condamnée parce que les Noirs avaient dit qu’elle les avait mordus aux couilles et on l’a fouettée en place publique. » (la voix narrative dans le roman L’Uruguayen (1972), pp. 64-65) ; « J’essaie de la faire parler des enfants : elle sait qu’on en a adopté trois, elle ne savait pas qu’ils étaient morts. […] Ces enfants étaient maudits de par leur race. […] C’est à cause de ça qu’ils sont morts de façon accidentelle, ils devaient expier le péché de leur père noir qui était par ailleurs trafiquant de drogue. » (la voix narrative dans le roman Le Bal des folles (1977), p. 88) ; « Le Noir est un démon. » (Silvano dans le roman La Vie est un tango, 1979) ; « Qu’est-ce que j’en ai marre de toi, saloperie de nègre ! » (Le Gros au Noir Angelino Pagano, idem) Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986), Martin, l’agent de ville, se fait traiter de « sale Noir » par Sapho. Dans la nouvelle « Les Vieux Travelos » (1978) de Copi, le viol du prince noir Koulotô par les deux travestis est le symbole d’une Afrique dépouillée par les néo-colonisateurs homosexuels : « Gigi lui arrachait sa montre-bracelet en or ; Mimi fouillait ses poches, où elle trouva une carte postale de Koulataï : un lac où miroitait le grand palace à 363 tours du prince Koulotô, en plein centre d’Afrique. Les vieux travelos se regardèrent. Après 60 ans d’humiliations (ou presque), elles étaient tombées sur l’homme de leur vie. » (p. 90)

 

Dans la nouvelle « Madame Pignou » (1978) de Copi, la petite fille Nadia hébergée par la boulangère Madame Pignou se trouve d’abord « dans un état de saleté indescriptible » et couverte de chocolat « salissant ». Finalement, plus le lecteur avance dans l’intrigue et plus il découvre que le chocolat et la saleté sont naturalisées : « C’est dans la glace que Mme Pignou s’aperçut que la petite fille n’était pas couverte de chocolat, elle était de race noire. » (pp. 49-51) Plus loin encore, la boulangère apprend avec effroi que Nadia est en réalité sa petite-fille, et le fruit peccamineux de l’union illégitime de sa fille (prostituée de métier) avec un Noir ; « C’est avec un Noir qu’elle a fauté. » (idem, p. 51) Elle décide donc de se débarrasser de la gamine noire, et de cacher le cadavre dans son sac : « Mme Pignou traîna de quelques mètres le sac contenant Nadia, s’assit sur le trottoir, l’ouvrit. Du sac sortit une fumée épaisse, la petite Nadia était morte asphyxiée. Mme Pignou la déposa dans l’eau du caniveau qui coulait, abondante. » (idem, p. 56)

 

Dans la nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978), l’héroïne, une femme nommée Truddy, se trouve dans une gare parisienne qui, selon elle, semble sentir un peu trop le Nègre… : « La gare de Lyon la faisait chier, c’était vachement pollué, et puis il y avait des Noirs qui circulaient dans des espèces de machines à couper le gazon très vite, faisant semblant de nous écraser. » (p. 25) C’est dans ce lieu malfamé qu’il lui arrive toute une série de mésaventures macabres, dont une avec un agent d’entretien noir, qui l’agresse sans raison avec son véhicule nettoyant roulant : « Une de ces machines ressemblant à un train de Walt Disney faillit l’écraser. L’homme noir qui la conduisait riait, il fit demi-tour et refonça sur elle. » (idem, p. 31) Truddy se fait défendre par un autre homme, tout aussi psychopathe que le technicien de surface, puisqu’il règle son compte au Noir, justement : « Le monsieur ressemblant à Charles Boyer sortit un pistolet de sa poche et tira sur le Noir, qui tomba sur le carrelage. » (idem, p. 32) Mais le massacre raciste ne s’arrête pas là. L’histoire se termine en méchoui collectif : « Le boucher jeta le Noir sur une table en bois, le déshabilla prestement et commença à le dépecer à l’aide de différents couteaux […]. La foule criait ‘Bravo !’ à chaque fois que le boucher décollait un membre du cadavre du Noir que l’apprenti allait jeter dans le bûcher. » (idem, p. 38) Voilà. Je crois que la boucle du racisme copien est bouclée !

 

B.D. "Le Monde fantastique des gays" de Copi (planche "Le Roman")

B.D. « Le Monde fantastique des gays » de Copi (planche « Le Roman »)


 
 

c) Le Noir-objet, le pantin noir :

Dans les fictions homosexuelles, le Noir n’est pas tellement considéré comme un être humain. Il est plutôt sacralisé en statuette d’ébène sacrée, en pantin noir : cf. le film « L’Ange bleu » (1930) de Josef von Sternberg, le film « Le Narcisse noir » (1947) de Powell et Pressburger, le film « Firework » (1947) de Kenneth Anger (avec la statue africaine), le roman À ta place (2006) de Karine Reysset (avec les deux statuettes africaines), la chanson « Ma Vénus d’Ébène » de David Jean, le roman Lettres à un homme noir qui dort (2007) de David Dumortier, etc. Par exemple, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz, Marilyn compare le footballeur noir et homo Ruzy à du chocolat.

 

Stromae par Pierre et Gilles

Stromae par Pierre et Gilles


 

L’idolâtrie pour le Noir confine au racisme positif : « En plus, les Blacks, ils sont bien montés ! » (Nono, le héros homo de la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez) ; « Je regardais Le Prince de Bel-Air, le Cosby Show. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc. Par exemple, dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Romeo, le héros homosexuel noir-ébène, s’amuse à se montrer à poil face à son amant blanc Chris, et vante l’impressionnant volume et capacités insoupçonnées de son sexe génital.

 

En général, le Noir est réifié, transformé en objet ou en image. Par exemple, l’un des personnages lesbiens de la pièce Monologues du vagin (2007) d’Eve Ensler possède un grand poster de femme noire dans sa chambre. Dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, Gouri décrit « la peau d’ébène » de Vidvn (p. 113). Dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, une affiche d’un boxeur noir est accrochée au mur de la chambre de Bruno, le héros gay. Dans le film « Urbania » (2004) de Jon Shear, la bourgeoise fait tomber des photos d’hommes noirs sur le trottoir. On retrouve les épouvantails noirs dans le vidéo-clip de la chanson « Fuck Them All » de Mylène Farmer. Le lien entre négritude et fétichisme est clair dans « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa. Précisément, dans ce film, le Noir-fétiche porte malheur : Orient, depuis qu’il a acheté une statuette africaine chez un marchand noir un peu vaudou, n’a que des ennuis dans sa vie, ne connaît que des phénomènes paranormaux ; il jette même sa petite amie noire, pour finir homosexuel…

 

L’Afrique est tellement objetisée, mise à distance, qu’elle finit parfois par avoir la taille d’un mouchoir de poche, d’un écran de télé : « Essaie de voler, mon petit. Tu vas voir comme ce n’est pas difficile. Je te donnerai un sucre. Je te montrerai l’Afrique, tu vas voir, c’est comme un mouchoir. » (le Vrai Facteur dans le pièce La Journée d’une rêveuse (1968) de Copi)

 

Film "The Watermelon Woman" de Wiktor Grodecki

Film « The Watermelon Woman » de Wiktor Grodecki


 

Plus que le Noir réel, c’est l’improbable et mythique « Condensé de victimes » (que représente la Femme-Noire-Lesbienne divine) qui est célébré par le héros homosexuel : « Bon, Comment ça a commencé déjà ? Donc, quand j’étais petite, je voulais être noire… gay… et dieu ! » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Vous saviez qu’il était Noir, Résus ? Oui, 1) Il appelait tout le monde ‘mon frère’ 2) Il aimait chanter la gloire de Dieu 3) Et il n’a pas eu un procès équitable, c’est plutôt évident non ? » (idem) ; « Est-ce que les lesbiennes noires seront un jour des dieux… pas des déesses, mais des dieux ? » (idem) ; « Y’a jamais eu d’Afrique. » (Sarah s’adressant à son amante Charlène une fois que celle-ci découvre que la mère de Sarah n’est pas partie avec une ONG en Afrique, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent) ; etc.

 

Dans les fictions sur l’homosexualité, le Noir apparaît souvent comme la « transfiguration d’un état de misère » (cf. expression inventée sous la plume d’un ami romancier angevin en 2003), comme un fantasme sexuel qui instrumentalise/diabolise en même temps qu’il flatte les Noirs réels : « Allez vivre dans le tiers monde ! Riche comme vous êtes, vous devriez régner sur une cour d’éphèbes qui vous éventent les mouches à l’aide de feuilles de bananier. » (Cyrille à Hubert dans la pièce Une Visite inopportune, 1988) ; « Petit monstre, petite teigne, démon à apparence humaine, mon ballon d’oxygène, tu me plais car tu me touches beaucoup. J’aime tes fruits défendus, ton cul haut perché comme ces statues africaines. » (cf. la chanson « Quand tu m’appelles Éden » d’Étienne Daho) ; « Oui, le pied est vraiment le nègre du corps humain […] : mal traité, sentant mauvais même chez la dame la plus élégante, déformé par les souliers, martyrisé par les fardeaux que vous lui faites supporter depuis vos premiers pas, et c’est la première partie du corps à mourir. » (James Purdy, Je suis vivant dans ma tombe (1975), pp. 21-22) ; « À nos yeux, il incarnait ce que Quentin Crisps, l’icône gay, appelée – sans référence raciale, naturellement – le ‘Great Dark Man’, le grand Noir, objet de désir mythique. » (Michael offrant à son amant Ben un « plan cul à trois » avec Patreese Johnson, un Noir-objet, dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 145) ; « Je pensais à Linde [l’amante régulière], et à la peau sombre et au sindhoor rouge sang de l’autre femme [Rani, qu’elle a rencontrée dans un bidonville]. » (Anamika, l’héroïne lesbienne évoquant ses deux amantes, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 18) ; « Les pitoyables pitreries d’Eddie Murphy, son rire niais qu’il trimballe depuis une longue décennie et qui finit par nous faire croire que l’acteur joue toujours le même personnage – le sien –, son sourire aux dents trop courtes comme s’il se les était fait limer pour dissimuler son évidente rapacité n’arrivèrent pas à détourner mon attention du malheur que je vivais. » (Jean-Marc dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 50)

 

Le Noir n’est pas tellement considéré comme un être humain : c’est plutôt un déguisement : cf. le film « Vivir De Negro » (« Vivre dans le noir », 2010) d’Alejo Flah. Par exemple, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau, Jules, l’écrivain homosexuel pédant, se décrit pompeusement comme « L’Homme en noir ». « J’aime le noir. Aussi, je m’habille toujours en noir. Si j’avais un appartement, je peindrais au moins deux murs en noir. » (Franz, l’un des héros gays de la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder)

 

NOIR masques B.D.

« Comics & Art » de Dylan Edwards (NDR)


 

Dans la nouvelle « Les Vieux Travelos » (1978) de Copi, le mythe du Noir-objet est complet, autant pour l’homme noir (il est question de son incroyable « carrure : un géant de presque deux mètres, beau comme un dieu. […]. Descendant de la reine de Saba par sa mère, il avait la réputation d’avoir le visage le plus parfait de la race noire. », p. 92) que pour la femme noire (« Une jeune impubère noire comme l’ébène descendit toute nue les escaliers de l’avion », idem, p. 94). Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Mathieu couche avec son amant noir qui se révèle être un escort : « C’est une pute. ». Au départ, Jacques, l’ex de Mathieu, se réjouissait pour lui : « Il avait l’air tout en muscles. »

 

Dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier, c’est la puissance génitale du Noir qui est célébrée ; et cette ode se veut « solidaire », alors qu’elle n’est en réalité qu’une attitude de consommateur occidentalisé. « Elle [la bite africaine] traîne un peu les pieds, mais elle arrive toujours triomphante… Le continent qui se présente compense sa pauvreté par sa puissance créatrice ! »

 
 

d) Le roman Les Dix Petits Nègres (1939) d’Agatha Christie :

Cela pourra paraître totalement anecdotique, ou tiré par les cheveux, de parler d’un tel roman dans ce chapitre sur la négritude (il aurait d’ailleurs pu figurer aussi dans le code « Bourgeoise » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), mais en même temps, c’est CE chef d’œuvre de la littérature anglo-saxonne mondiale qui est repris dans beaucoup d’œuvres homo-érotiques, et à mon avis pas par hasard. « Notre demeure est fortement isolée. Oui, cela vous rappelle sans doute quelque chose. Agatha Christie. Chateaubriand. Daphné Du Maurier ou Scooby-Doo. Peu importe qui ou quoi. Si vous frissonnez agréablement et éprouvez le désir de mettre un gros pull ou de faire un feu de cheminée, c’est que vous êtes dans la bonne direction. » (cf. les premières lignes du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 13) ; « Gabrielle n’a pas fermé l’œil de la nuit. La compagnie de la bonne Agatha Christie n’y a pas suffi. Gabrielle a toujours été fascinée par l’œuvre de cette romancière, autant que par le personnage. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 97)

 

On retrouve des allusions plus ou moins claires au Dix Petits Nègres d’Agatha Christie dans le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude (qui reprend exactement la structure du livre de Christie), le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, l’adaptation cinématographique des Dix Petits Nègres d’Olivier Ciappa, le film « Cinq filles dans une nuit chaude d’été » (1972) de Mario Bava, le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (avec une savoureuse ambiance Cluedo), la pièce Devinez qui (2003) de Sébastien Azzopardi, le film « Ten Violent Women » (1979) de Ted V. Mikels, la pièce Le Cabinet de Curiosité (2008) de Cédrick Spinassou, la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, etc.

 

L’oeuvre d’Agatha Christie caresse le thème de l’homosexualité selon les adaptations. Dans le téléfilm « Les Dix Petits Nègres » (2015) de Sarah Phelps, l’homosexualité est sous-jacente. Par exemple, Miss Émily Brent pousse sa jeune domestique Béatrice Taylor au suicide après l’avoir convoitée. Quant à William Blore, l’inspecteur, il est homophobe et a violé dans une cellule de la prison de Dartmoor un prostitué homosexuel, James Stephen Landor, qui faisait le tapin dans les pissotières, et qu’il a fait condamner aux travaux forcés à perpétuité où il a fini ses jours : « Edward Landor était un pédéraste. Plutôt mourir que de m’approcher d’un de ces pervers ! »
 
 

e) Le personnage homosexuel voue un culte à la chanteuse Joséphine Baker (1906-1975) :

 

NOIR Baker fourrure

 

Je vous renvoie à la comédie musicale À la recherche de Joséphine (2007) de Jérôme Savary, au film « Frida » (2002) de Julie Taymor (avec la supposée relation lesbienne entre Frida Kahlo et Joséphine Baker), au film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz (le héros homosexuel João, qui se travestit, a pour idole Joséphine Baker), au film « Zouzou » (1934) de Marc Allégret (avec Joséphine Baker dans le rôle principal, justement), etc.

 

Dans le sketch « Le Couple homo » de Pierre Palmade et Michèle Laroque, Roberto (19 ans), le petit copain noir d’Alain (48 ans), est décrit comme un prostitué arriviste, notamment grâce à la comparaison avec Joséphine Baker (« Il suffit qu’Alain arrive au procès avec sa jolie Joséphine Baker derrière… »). Dans la pièce La Cage aux folles (version 2009, avec Clavier et Bourdon) de Jean Poiret, Jacob, le domestique gay, se compare à Joséphine Baker.

 

Parfois, le héros homosexuel incarne Joséphine Baker en personne. Par exemple, dans l’épisode 85 « La Femme aux gardénias » (2017) de la série Joséphine Ange-gardien, Lena Collins est une chanteuse de jazz, un peu la Joséphine Barker, qui est l’amante secrète d’Albertine. Elle chante dans La Revue nègre, à Paris. Leur « amour » est mis sous le signe de la lutte anti-racisme : « Et moi, tu crois que ça m’a pas demandé du courage pour en arriver là ? Est-ce que tu as vu la couleur de ma peau ? Tu penses que c’est facile pour moi ? » (Lena)
 
 

f) La prostituée noire revient très souvent dans l’iconographie homo-érotique :

 

On retrouve la prostituée noire dans le roman Lady Black (1971) d’Yves Navarre, le spectacle musical Cindy (2002) de Luc Plamondon (avec le personnage de Candela), la chanson « Ma Vénus d’ébène » de David Jean, le film « Cowboy Jesus » (1996) de Jamie Yerkes, la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne, le film « La Femme flambée » (1982) de Robert Van Ackeren, le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ?, 2010) de Malu de Martino (avec la chanteuse noire dans le cabaret), le film « Une si petite distance » (2010) de Caroline Fournier (avec la voisine noire, matée pendant qu’elle prend son bain), etc.

 

Le personnage homosexuel considère cette putain fictive comme sa mère désirante : « Chez Adrien, chose étrange, la figure de la mère perdue aurait pris les traits de l’être métissé, les traits de l’homme à la peau noire : ceux de Malcolm. » (Adrien dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 40) ; « En rentrant j’ai trouvé un cadavre, celui de la dame négresse du tabac, nue avec des talons aiguilles et la gorge tranchée. » (la voix narrative dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 26) ; « la dame négresse du tabac (mon ancienne maîtresse morte, bien qu’elle ne l’a jamais su). » (idem, p. 47) ; « J’irai ainsi sans rien comprendre, jusqu’à la mort, avec cette haine pour cette femme mystère, noire. Complètement noire. » (Omar dans le roman Le Jour du roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 36) ; « Je me suis assis à côté d’une vieille femme noire. La seule noire. Sans la saluer. Et j’ai levé les yeux au ciel pour regarder le soleil grand et plein qui arrivait lentement vers nous. […] Le soleil de notre monde était mort. » (idem, p. 58) ; « J’aime Hadda. Elle est noire, Hadda. Elle est très grande. Je n’arrive pas à lui donner un âge. Vingt ans ? Elle ressemble à une femme que j’ai connue de loin, juste avant l’adolescence. Qui ? Où ? Une parente ? Une parente noire ? Hadda ne parle pas. On lui a coupé la langue ? Elle n’a plus rien à dire ? Elle a déjà tout dit ? Tout ? Tout ? On m’a dit qu’elle était devenue muette. […] Je l’ai suivie, Hadda. Un corps généreux, tellement noir. Un corps vaste, inédit. Beau ? Un corps pour les hommes, les saints, les dieux. Les enfants. Un appel. […] Où commencent les origines de Hadda ? De quelle forêt arrive-t-elle ? » (idem, pp. 78-79) ; « Une saveur qui me venait de ma mère allait désormais être liée à cette femme noire et sans voix. » (idem, p. 103) ; « En la regardant maintes fois, j’ai compris un peu de la beauté mystérieuse des femmes noires. » (Hadda, parlant du tableau exposé au Louvre Portrait d’une Négresse de Marie-Guillemine Benoist, idem, p. 193) ; « La Négresse du tableau ne m’aimait pas. Elle avait raison. Elle était devenue, au fil du temps, ma rivale. Mon ennemie. Des yeux qui ne se fermaient jamais. Elle avait, elle aussi, le don de voir. » (Hadda, idem, p. 196)

 
 

Omar – « Hadda était une pute, elle aussi ?

Khalid – Probablement.

Omar – Qu’est-ce que cela veut dire, Khalid ?

Khalid – Je n’aime pas les putes.

Omar – Moi, oui. »

(cf. un extrait de dialogue entre les deux amants homos du roman Le Jour du roi, idem, p. 117)

 
 

La femme noire célébrée par le personnage homosexuel est une figure de déchéance suprême : « Comme j’ai deux esprits, j’ai aussi deux amours. L’un est mon réconfort, l’autre mon désespoir. Mon bon ange est un homme d’une grande beauté, et mon mauvais ange est une femme bronzée. » (William Shakespeare, Les Sonnets, 1609) ; « Ourdhia était une femme et en plus, ô désolation, elle était noire ! » (la voix narrative du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 57) ; « Ce soir, je serai noire comme on a voulu que je le sois. » (Hadda la servante noire violée, dans le roman Le Jour du roi, idem, p. 207) ; « Je suis mauvaise. Une dévergondée. Une putain. » (Hadda, idem, p. 195) ; « La folle Noire de la favela, quand elle passe, tout le monde se moque. […] Ma peau noire est mon armure de courage. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, par exemple, Bram, l’amant caché de Simon, est noir. Et Simon dit son adoration des femmes noires, même s’il ne les touchera pas : « J’adore les femmes noires. Enfin… pas comme si j’avais un truc spécial pour les femmes noires… J’adore toutes les femmes. » La négritude est envisagée comme un destin, une soumission, une invisibilité : « Je suis Hadda. Je suis noire. On ne me voyait pas. On ne me voit toujours pas. » (idem, p. 209) ; « Je suis partie en Afrique parce que j’ai cru que l’Afrique pourrait défaire mon histoire. » (Julia, la femme violée par son père, et qui finit par devenir mannequin avant de partir vivre en Côte d’Ivoire, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La défense du peuple noir par la communauté homosexuelle :

Je vous renvoie au documentaire « Greta’s Girls » (1977) de Greta Schiller, au documentaire « A Darker Side Of Black » (1994) d’Isaac Julien, au documentaire « Due Volte Genitori » (2008) de Claudio Cipelleti (avec Salvo, homosexuel, et son amant noir), aux photos Abandon et Ying et Yang de Jean-Daniel Cadinot, au tableau Ladies And Gentlemen (1975) et à la série polaroïds « Drag Queen Wilhelmina Ross » (1974) d’Andy Warhol, à l’exposition photos Garçons de Cotonou (2015) de Michel Guillaume, etc.

 

Le 23 novembre 2011, j’ai eu la chance, pour l’association Tjenbé Rèd (réunissant les personnes bisexuelles et homosexuelles d’origine africaine), d’animer au Théâtre du Temps à Paris, une soirée « Négritude et Homosexualité ». Pour la première fois, le temps d’une soirée, on me demandait de développer mes compétences de chercheur de l’homosexualité, et de parler d’un code précis et inattendu de mon Dictionnaire (merci au chanteur Jann Halexander, au passage). Expérience que je pourrais vivre avec les 185 autres codes de mon répertoire, et qui serait tellement riche !

 

Film "Finn's Girls" de Laurie Colbert et Dominique Cardona

Film « Finn’s Girls » de Laurie Colbert et Dominique Cardona


 

Bien sûr, il existe un lien fort entre homosexualité et négritude. Déjà parce qu’il y a beaucoup de personnes à la peau noire qui se sentent homosexuelles ou bisexuelles (Malcolm X, la chanteuse Billie Holliday, l’écrivain James Baldwin, l’activiste et philosophe Angela Davis, la chanteuse Tracy Chapman, le chanteur soul Luther Vandross, la chanteuse de blues Bessie Smith, l’écrivain Langston Hughes, le chanteur Johnny Mathis, la romancière Alice Walker, l’activiste Bayard Rustin, la chanteuse de blues Ma Rainey, le danseur Alvin Ailey, la chanteuse Joséphine Baker, le plongeur Greg Louganis, le chanteur Little Richard, la performeuse RuPaul, le chanteur Jann Halexander, l’acteur Will Smith et Duane Martin, etc.) ; et d’autre part, parce qu’un certain nombre d’intellectuels (Michel Foucault, Jean Genet, Marguerite Yourcenar, Leonard Zoe, Allen Ginsberg, Jean Cocteau, Alwin Nikolais, Marlon Brando, etc.) ont défendu/défendent les droits des Noirs, et notamment les Black Panthers dans les années 1960-1970, au moment où émergeaient les premières revendications identitaires LGBT. Par ailleurs, beaucoup d’artistes homosexuels ont contribué à l’essor du mouvement culturel noir « The Harlem Renaissance » : Bola de Nieves, Gastón Baquero, James Baldwin, Little Richard, Cole Porter, Franck O’Hara, Tennessee Williams, Claude McKay, Langston Hughes, Wallace Thurman, Gladys Bentley, Alain Locke, Carl Van Vechten, Bruce Nugent, etc. « Les Antilles françaises qu’on le veuille ou non comptent une importante communauté homosexuelle. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, Un Fils différent (2011), p. 142)

 

Aux États-Unis, l’un des synonymes d’« homosexuel » dans la langue vernaculaire, c’est « boogie » qui signifie « Noir ».

 

Mon voyage d’une semaine en Côte d’Ivoire en juin 2014 m’a fait comprendre l’étendue de la pratique homosexuelle en Afrique, pratique qui ne sera pas remise en cause tant qu’elle ne se voit pas et qu’elle ne se cristallise pas en identité publique. La pratique homo reste un grand déshonneur dans les familles africaines… mais paradoxalement, il y a de plus en plus d’autochtones qui se sentent homosexuels, en lien avec l’expérience de l’inceste (très marqué et présent sur le continent) et avec les images circulant par la télé, le cinéma, Internet. J’ai l’impression que là-bas, la pratique homosexuelle prend des formes plus ou moins similaires à celles d’Occident : bisexualité due à l’alcool et au monde de la nuit, prostitution, ascension sociale, impact croissant des médias dans les mentalités assoiffées de modernité (à Abidjan, j’ai vu des pubs pour la 4G partout, et la chaîne gay friendly Canal + partout !), infidélité et double vie des hommes mariés, pression étatique pour faire passer l’homosexualité pour « banale » et sous la forme d' »aides au développement », de « lutte contre les discriminations », de campagnes sanitaires en faveur de « l’égalité des sexes » et de la « prévention sexuelle ».

 

Certaines personnes homosexuelles ont dit ouvertement leur attachement à la négritude ou à l’Afrique : « L’Afrique, ma seule alternative. » (Pier Paolo Pasolini dans le reportage « Les Fioretti de Pier Paolo Pasolini, 1922-1975 » (1997) d’Alain Bergada) Par ailleurs, le travesti noir est souvent très valorisé par certains membres de la communauté homosexuelle : « Et comment ne pas reconnaître l’homosexualité poétique de Declan Donnellan dans l’inoubliable Rosalinde incarnée avec génie par Adrian Lester, acteur noir qui joue du vocabulaire féminin avec un art consommé. » (Georges Banu, « Jeux théâtraux et enjeux de société », dans l’ouvrage collectif Le Corps travesti (2007) de Georges Banu, p. 3)

 

Film "FIT" de Rikki Beadle-Blair

Film « FIT » de Rikki Beadle-Blair


 

Parfois, la négritude est interprétée comme un symptôme d’homosexualité ou de lesbianisme : « Avec ton premier livre [Le Cœur est un chasseur solitaire], on a su que tu aimais les nègres, et avec celui-ci [Reflets dans un œil d’or] on comprend que tu es une gouine. » (les parents de Carson McCullers à leur fille lesbienne, cités dans la biographie Carson McCullers (1995) de Josyane Savigneau, p. 115) ; « Dans un élan fraternel nous trinquons à la santé… des nègres et des pédés. » (Lionel Vallet cité la revue Triangul’Ère 4 (2003) de Christophe Gendron, p. 50) ; « Ce qui est remarquable, c’est que l’égalité entre Noirs et Blancs, hommes et femmes, semble avoir été générée par l’homosexualité. » (Colin Spencer, « La Politique à l’âge du jazz », dans Histoire de l’homosexualité de l’Antiquité à nos jours (1998), pp. 394-397) Dans la publicité pour les matelas Léo (2017), même le très viril judoka noir Teddy Riner joue les homos en faisant croire qu’il va passer une nuit torride avec un homme qui se révèlera finalement être son lit.

 

Dans les années 1970 aux États-Unis, pour certains artistes, dire qu’ils étaient en faveur des droits des Noirs, cela revenait à faire un coming out officiel, comme l’explique avec humour Eric Burdon, le chanteur gay du groupe The Animals (il raconte dans le documentaire « Sex’n’pop – Part I » (2004) de Christian Bettges comment il a été accueilli une fois dans un hôtel où il passait la nuit par une pancarte qu’il pouvait lire depuis la fenêtre de sa chambre, et où était inscrit en gros « Eric Burdon loves niggers »… ce à quoi il répond : « J’ai eu envie de descendre pour écrire en dessous : ‘Ouf course I am !’ ». Traduction : « Bien sûr que j’en suis ! »).

 
 

b) Un métissage amoureux complexe et peu réussi :

Il y a parmi les couples homosexuels réels un certain nombre d’union mixte. Parmi les plus connues, Monty Woolley a vécu les dernières années de sa vie en couple avec un de ses serviteurs noirs. Quant aux biographies écrites par Sir Roger Casement (Les Carnets noirs et Rapport sur le Congo, 1908), elles traduisent toute l’ambiguïté du colon qui veut sincèrement aimer les Noirs à partir du moment où ces derniers lui restent soumis.

 

NOIR Pub Prévention

 

L’écrivain homo Hugues Pouyé, dans un article qu’il consacre au site Les Toiles roses, en 2009, sent bien que le non-dit du viol – et du viol colonial entre autres (esclavage, traite des Noirs, ségrégation raciale, apartheid, tourisme sexuel, prostitution masculine, exploitation par le porno, etc.) – n’est toujours pas levé concernant l’attrait homosexuel pour les Noirs… et lui-même ne le dévoile qu’à demi mot, comme on avoue un péché mignon dont on ne souhaite surtout pas se débarrasser : « Mon prochain roman, je voudrais qu’il se passe en terre de négritude, une nouvelle histoire d’amour métissée avec pour fond une réflexion sur ce que fut la colonisation. J’ai l’intuition qu’on n’est pas allés jusqu’au bout, sur le plan anthropologique, de ce que fut la rencontre du Blanc et du Noir. Il s’est joué dans la colonisation autre chose qu’un rapport de domination-soumission. […] Cette fascination du Blanc pour le Noir, c’est chez moi de l’ordre du désir, comme l’écriture, profond, mystérieux, fascinant. Souvent je m’interroge sur cette attirance pour l’homme noir. Et mes amis blacks ne m’ont jamais vraiment éclairé là-dessus, pas plus que les Blancs d’ailleurs ! » Il y a chez cet auteur, mais aussi chez certaines personnes homosexuelles, une forme de fantasme embellissant mais misérabiliste du Noir, qui fait que celui-ci est aimé à terre plutôt que debout : « C’est vrai d’ailleurs, on peut être un mendiant handicapé et homosexuel, noir qui plus est, mais ça tout de même ce n’est pas si commun, ce serait la figure sublime… enfin, je plaisante, quoique… » (Hugues Pouyé, idem) Si le Noir est à l’égalité, il n’intéresse plus : il n’est plus « à sauver », « à aimer »… ou bien il est craint.

 
 

c) Le Noir-objet, le pantin noir :

L’Homme noir est très souvent utilisé comme un objet d’art par les artistes homosexuels, ou bien davantage apprécié pour ses charmes physiques d’Apollon en ébène « dominateur et bien monté », que pour sa personne et ses qualités d’âme. « Sur la terrasse où Serge T. s’est installé avec son fourbi, je le vois découper des photos de grands nègres avantageux en vue d’un collage sur Jean Genet. Cet homme-là ne s’ennuie pas, il découpe des grands nègres. » (Pascal Sevran, Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 160) ; « Le quatrième jour, il m’est arrivé une chose extra-ordinaire, à mes yeux extraordinaire. J’ai rencontré Karabiino. Il travaillait à notre hôtel comme garçon de chambre. Noir. Très noir. […] Un corps surprenant, tout entier dans l’allongement. Maigre, mais puissant. Solide. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 72) ; « Je n’avais pas beaucoup voyagé dans ma vie. Face à Karabiino, je me rendais compte que l’Humanité est une espèce qui m’était en grande partie inconnue. Ce garçon n’était pas comme moi. Ne pouvait pas avoir les mêmes origines que moi. Les mêmes racines. Impossible. Évidemment, je le savais, mais je ne pouvais pas m’empêcher de le remarquer, de me le répéter. Après tout, j’étais africain moi aussi, comme lui. Il avait l’air encore pur, encore frais, encore précieux, loin de la banalité des autres hommes. Ce garçon de 17 ans réinventait l’homme pour moi et révolutionnait du même coup l’idée que je me faisais de la grâce. » (idem, p. 73) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Christian, le dandy quinquagénaire, est parti en Afrique en tant que coopérant, dans ses jeunes années : il raconte comment il fantasmait sur les hommes noirs qui se baignaient dans la mer, et qu’il regardait depuis sa fenêtre.

 

Le Noir auquel se réfèrent certains auteurs ressemble plus à une marionnette, à un pantin, à un être symbolique imaginaire, qu’à un être humain de chair et de sang. Par exemple, le photographe Robert Mapplethorpe expose les pénis en érection de ses amis noirs. L’automate noir qui garde la Villa Sospir de Jean Cocteau est surnommé « Le Seigneur ». Dans son autobiographie Mon Père et moi (1968), J. R. Ackerley évoque l’existence de son pantin noir : « On a beau le rejeter, il s’arrange toujours pour revenir à la surface. » (J. R. Ackerley cité sur le site www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) Didier Roth-Bettoni parle des films de « blaxplotation » traitant des Noirs en lien avec l’homosexualité.

 

De l’adulation fétichisante au mépris iconoclaste raciste, il n’y a qu’un pas… qui est souvent franchi par les membres de la communauté homosexuelle. « Pendant le dîner, nous avons appris que l’esthéticienne avait été hétérosexuelle avant d’être touchée par la grâce [= l’homosexualité]. Elle avait passé des années en Afrique avec son seigneur et maître qui s’engraissait à faire suer le burnous et elle tenait sur les Africains des propos qui m’ont stupéfiée. J’ai découvert avec surprise ce soir-là qu’on peut être encore de nos jours d’un racisme effarant. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 156) Par exemple, le dessinateur argentin Copi se fait en partie évincer de la Rédaction du journal Libération le 8 août 1979 après avoir publié un dessin jugé raciste : « 1960 : l’Oncle Sam montre ses seins. En l’an 2000, je me suis fais enculer par un Noir. » Michaël Kühnen (1955-1991), condamné en 1984 à trois ans de prison pour incitation à la violence et à la haine raciale, fait son coming out en 1986 alors qu’il est encore en prison.

 

Docu-fiction "Brüno" de Larry Charles

Docu-fiction « Brüno » de Larry Charles


 

Dans le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, Brüno semble pétri de bonnes intentions pour le Darfour : « Je kiffe les Blacks ! […] Ça me botterait d’agir pour l’Afrique. » Mais on découvre bien vite le pot aux roses de son charity business : « Les œuvres caritatives, c’était super pour devenir célèbres ! » D’ailleurs, il se filme en train d’adopter un petit bébé noir qu’il transporte comme un colis, dans un carton, sous les yeux ahuris et choqués de la communauté noire nord-américaine.

 

Aux États-Unis, Jeffrey Dahmer (« le monstre de Milvaukee ») est un vrai cannibale et nécrophile, homosexuel de surcroît : entre 1978 et 1991, il a tué dix-sept jeunes hommes. Jeffrey couchait avec des mannequins, et en particulier des Noirs car il disait apprécier la texture particulière et fine de leur peau.

 

J’aborde plus amplement le phénomène du fantasme de fusion violente entre l’Homme blanc et l’Homme noir dans le code « Je suis un Blanc-Noir » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels ; mais déjà, ce qu’on peut dire, c’est qu’il faut aussi se méfier de l’élan en apparence « amoureux » ou « solidaire » du Blanc vers le Noir (et inversement), car l’un comme l’autre peuvent se servir l’un de l’autre, homosexuellement parlant, pour au fond se centrer sur leurs propres intérêts respectifs, leurs appétits de gloire, de pouvoir, et de vengeance. Il est même possible, comme l’a vu Patrick Bougon dans le cas de Jean Genet, qu’ils s’instrumentalisent entre eux en vue de s’opposer à leurs semblables sociaux, raciaux : « La position politique de Genet est moins propalestinienne qu’anarchiste. […] Ce qui intéresse Genet chez les Black Panthers et les Feddayin, c’est qu’ils sont des vecteurs de déstabilisation du pouvoir et de l’État. » (Patrick Bougon, « Politique et Autobiographie », dans Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 69) Attention, donc, à bien regarder si l’amour inter-racial – qui peut exister, et dans ces cas-là, c’est une grande joie – soit vraiment effectif, appuyé sur des actes, et pas uniquement un tissu de bonnes intentions.

 

Concernant les romans de Frantz Fanon, qui abordent souvent les rapports de cœur entre Blancs et Noirs, Stuart Hall explique que le post-colonialisme de Fanon prend la forme de l’amour incestueux : « Je crois que pour Fanon, ce qui est important, c’est le conflit avec le père. C’est ce qui est au centre du texte : le conflit entre le fils noir et le père colonisateur. C’est cette relation Noir-Blanc / père-fils qui donne cette profonde masculinité à sa vision d’ensemble, qui génère le rôle ambigu des femmes dans le texte, et explique pourquoi ses sentiments sur les relations homosexuelles sont porteurs comme souvent aux Caraïbes, du même genre d’ambiguïtés. On est donc très près du complexe d’Œdipe. »

 

Comme nous venons de le voir, l’adulation homosexuelle pour le Noir flirte presque systématiquement avec le racisme, le viol, la prostitution, ou l’inceste. « Les Arabes et les Noirs sodomisent et châtrent leurs ennemis vaincus. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 260) ; « Avec l’apparition du Sida, à New York, y’avait tous ces Black qui, comme ils avaient peur et étaient désœuvrés, ont créé la house music. » (Didier Lestrade dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Out » (2014) de Maxime Donzel)

 

Par exemple, dans l’affaire du préservatif en Afrique, la communauté homosexuelle occidentale a tendance à prendre vraiment les Africains (d’Afrique noire) pour des imbéciles – qui prendraient les mots du Pape au pied de la lettre (c’est bien mal les connaître et bien mal connaître la réalité religieuse complexe de leur pays !) – et pour des victimes sur qui pleurer sans jamais leur venir concrètement en aide. Tout ça pour justifier son propre libertinage effréné.

 

Un cliché parmi d'autres des travestis noirs M to F pris en photo par Andy Warhol

Un cliché parmi d’autres des travestis noirs M to F (Wilhelmina Ross) pris en photo par Andy Warhol


 

Le pire, c’est qu’actuellement, beaucoup de personnes homosexuelles noires semblent trouver leur compte dans cette exploitation. Elles rentrent de plus en plus dans le jeu du racisme positif que certains de leurs adorateurs leur imposent, puisqu’elles découvrent dans la défense de leur statut d’« Homosexuel » et de « Noir » une double raison (voire une triple raison, quand elles sont nées femmes !) de se définir comme les plus grandes victimes interplanétaires de tous les temps, des intérêts financiers mais surtout symboliques. « Après tout, étant le bizarre du village, l’efféminé, je suscitais une forme de fascination amusée qui me mettrait à l’abri, comme Jordan, mon voisin martiniquais, seul Noir à des kilomètres. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 33) Le lien entre homosexualité et négritude, qu’elles causalisent en l’essentialisant autour de leur personne, leur permet de se forger une nouvelle identité de survivants de « l’ignominie occidentale », et de revendiquer un droit de vengeance sur les prétendus ennemis de leurs « libertés fondamentales ». C’est pour cela que ces semi fausses victimes, embarquées dans des conflits d’intérêts qui les dépassent mais qui les grisent aussi, pour le coup, puisqu’on leur déroule le tapis rouge et on les applaudit avec la larme à l’œil, sont de plus en plus utilisées par les associations LGBT en faveur de la propagande actuelle des « droits des homos ». Cela fait toujours son petit effet de mettre au micro « Super Victime » (comprendre = une femme lesbienne noire : ça, c’est le must !) pour défendre le mariage gay… même si, au fond, la couleur de peau n’a rien à voir avec le mariage des personnes de même sexe. On s’en fout ! On mélange tout. La victimisation fait table rase des différences ! Du moment qu’on se partage le butin (= argent, sexe, honneurs) en coulisses… Et on s’en va en vainqueur en posant la question insoluble : « Mais pourquoi diable, Dieu ne serait-il pas une lesbienne noire ? » (Albert Le Dorze, La Politisation de l’ordre sexuel (2008), p. 108)

 

Je me souviens, à ce propos, d’un débat intitulé « Toutes et tous citoyen-ne-s engagé-e-s » (rien que les tirets prouvaient toute l’hypocrisie de l’événement…), organisé par l’association David et Jonathan à la Mairie du XIe arrondissement de Paris le 10 octobre 2009, débat pendant lequel bizarrement on ne débattait pas du tout et on ne réfléchissait pas : l’analyse avait été supplantée par une série de témoignages émotionnels censés donner du contenu pour l’avancée des « droits LGBT ». Assis tranquillement dans mon coin, j’étais juste atterré par le niveau intellectuel des interventions, mais il y avait tellement de monde qui écoutait béatement les discours que j’ai préféré me taire ; de toute façon, l’assistance n’avait pas tellement la parole ni le cœur à parler, et il eût semblé totalement déplacé d’aller à contre-courant d’une telle effusion émotionnelle collective. Je ne vais pas vous rapporter l’intégralité des propos qui ont été tenus par les 5 invités qui se sont succédés au micro. Simplement, je ferai mention de la petite boutade qu’a sortie la toute dernière intervenante, Gisèle, une femme noire de 40 ans, car sa blagounette m’a légèrement passionné. En effet, quand elle s’est présentée, elle a d’emblée commencé par nous montrer tous ses diplômes de Victime, comme pour se prémunir de toute éventuelle attaque, et surtout pour s’offrir à elle-même la légitimité d’être le bouquet final du somptueux Feu d’artifice de la Victimisation auquel nous avions été conviés pendant près d’une heure et demie. Elle a dit ceci : « Je suis une femme noire homosexuelle… Je ne suis pas encore juive ! » La majorité du public a à peine souri, puis s’est inclinée devant de si beaux atouts, de si manifestes bleus au corps devinés, de si jolies couronnes d’épines en papier. Moi, personnellement, j’ai juste trouvé ça puant, déloyal, et finalement raciste et homophobe, un tel arrivisme. Ceux (et je sais qu’ils sont nombreux) qui ont pleuré devant la méritante athlète LESBIENNE+NOIRE+FEMME qui visiblement parcoure le marathon des droits LGBT (sponsorisé par Têtu, le SNEG, Yagg, David et Jonathan, et la Mairie de Paris) depuis des siècles et des siècles pour accumuler des droits qui ne lui reviennent pas (non du fait qu’elle soit lesbienne, ou noire, ou trisomique, ou cul-de-jatte, que sais-je encore… mais simplement du fait qu’elle est humaine !), m’auraient certainement jugé comme un sans-cœur du simple fait que cette femme – qui certainement a vécu de vraies épreuves – n’ait pas réussi à me toucher. Mais comment faire comprendre à ces gens que dans cette grande Foire à la Victime, les sans-cœurs racistes et égoïstes sont justement ceux qui ont les yeux humectés de larmes ?

 

Il y a un tel retard sur la compréhension de la connexion entre homosexualité et négritude ! Ce lien a été si rarement analysé ! On peut presque dire qu’on est actuellement au point mort, tout simplement par phobie de l’accusation de racisme ou de communautarisme négro-sexuel. Alors pour pallier à ce manque, en général, que fait-on ? On se met à créer de faux débats sur les fossés « culturels » et religieux entre les continents, ou bien on s’invente des différences bidon entre communauté noire et communauté homo, qui ne font pas du tout avancer les choses. On en reste au paraître, à la question creuse de la visibilité : « La différence entre être homosexuel et être Noir, c’est qu’être Noir, ça n’a pas à s’annoncer : ça se voit. L’homosexualité, ça ne se voit pas forcément. » (Lionel dans l’émission-radio Je t’aime pareil d’Harry Eliezer (thème : « Papa, maman, les copains, chéri(e)… je suis homo »), le 10 juillet 2010, sur France Inter)

 

Il serait tellement pertinent et plus éclairant de se limiter à lier la négritude et le désir homosexuel pour les deux seuls dénominateurs qui soient existants : le fantasme de viol d’une part, et la haine de soi d’autre part ! Car il ne suffit pas de se revendiquer fièrement Noir, ou fièrement gay, ou fièrement « Homo noir », pour s’aimer soi-même. Il ne suffit pas d’avoir la peau noire pour ne pas jamais être raciste. Par exemple l’écrivain nord-américain John Edgar Wideman, issu d’un quartier noir pauvre de Pittsburgh, écrit dans sa biographie Brothers And Keepers (1984) que « sa négritude l’accuse », qu’il vit dans « la peur qu’on découvre le diable en lui et qu’on le rejette comme un lépreux. » (pp. 56-57) N’entendons-nous pas cette haine de soi exprimée ? Et si nous l’entendons, pourquoi nous n’en parlons jamais et nous ne la réglons pas ?

 

Les exemples d’amis noirs homosexuels complexés pullulent autour de moi ! Et bien sûr, je ne justifie pas du tout leur auto-détestation : je suis le premier à la déplorer ; à les encourager à s’aimer un peu plus eux-mêmes ; et je suis aussi le premier à constater la manigance de certains Noirs qui, pour camoufler la honte existentielle secrète qu’ils portent depuis l’enfance au sujet de leur propre couleur de peau, vont se mettre à chanter excessivement leur coming out, comme si celui-ci allait tout réparer, comme si l’homosexualité avait le pouvoir de les réconcilier totalement avec eux-mêmes. Mais n’ont-ils pas compris que le couple homosexuel n’était qu’un cache-misère du racisme et d’une homophobie sociale galopants ?

 
 

d) L’importance du roman Les Dix Petits Nègres (1939) d’Agatha Christie :

Sans transition, je finis ce long chapitre de la négritude homosexuelle par une touche plus légère, d’une part en vous parlant à nouveau du roman Les Dix Petits Nègres (1939) d’Agatha Christie, mais du point de vue de l’actualisation, et d’autre part des liens concrets qui ont existé entre Joséphine Baker et la communauté homo.

 

À propos des Dix Petits Nègres, beaucoup de personnes homosexuelles aiment particulièrement ce roman d’Agatha Christie. Le Noir réel y est d’ailleurs totalement absent : aucun des personnages de l’histoire n’est de race noire. En fait, l’Homme noir est juste lointain, fétichisé, inerte comme une statue. Chacun des dix protagonistes est symbolisé par une statuette de Nègre exposée dans le salon de la villa. Et c’est avec stupeur que les invités de l’île voient tour à tour disparaître les statuettes à leur effigie à chaque fois que l’un d’eux est assassiné. Ainsi s’actualise une forme de rite vaudou créant une atmosphère inquiétante et paranormale très haletante.

 

Je me suis longtemps demandé pourquoi, étant adolescent, cette histoire m’avait tellement marquée ; pourquoi, de tous les romans d’Agatha Christie que j’avais lus, celui-ci avait largement ma préférence. L’intrigue des Dix Petits Nègres m’a habité très longtemps. Vers l’âge de 8 ans, j’en faisais des cauchemars (il faut dire que j’étais influencé par les réadaptations que je voyais à la télévision, dans des séries B telles qu’Amicalement vôtre, Matt Houston, Chapeau-melon et Botte de cuir, etc.), mais en même temps, ce roman me fascinait. À l’École des Beaux-Arts de Cholet, vers l’âge de 12 ans, j’ai même repris les personnages de Dix Petits Nègres pour les intégrer à une de mes sculptures éphémères (mon personnage préféré du roman étant comme par hasard la seule belle et jeune femme de l’histoire, la secrétaire Vera Claythorne).

 

Et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir quelques années plus tard, au cours de mes rencontres, que les Dix Petits Nègres d’Agatha Christie n’était pas une lubie uniquement personnelle, une vérité isolée de mon désir homosexuel, mais bien un point commun que je partageais avec bon nombre de mes frères homos ! Plus j’avançais dans mes recherches sur l’homosexualité, plus je découvrais – sans jamais en faire une règle ou une généralité sur « les » homos – que ce roman était très « gay », même s’il ne parlait à aucun moment explicitement de désir homo.

 

À mon avis, ce qui fait son succès dans la communauté homo, c’est qu’il renvoie directement à la beauté du viol. Les assassinats perpétrés dans cette œuvre sont faits avec une telle élégance, une telle finesse, une telle précision d’orfèvre, qu’ils finiraient par être désirés par le lecteur. Le machiavélique meurtrier interne, dissimulé parmi les 10 héros, a signé LE crime parfait. L’émergence soudaine du meurtre dans le rose-bonbon bourgeois est source de fantasme chez beaucoup de personnes homosexuelles, je le crois vraiment.

 

De temps à autre, il m’arrive de sonder discrètement les personnes homosexuelles que je rencontre (même si maintenant, je suis un peu grillé, parce que ce code commence à être connu de mon entourage amical proche, donc l’effet de surprise s’amenuise avec le temps…). Et certaines m’ont révélé spontanément leur passion pour Les Dix Petits Nègres : c’est le cas d’un jeune ami romancier nommé Yannick B. (et que j’ai rencontré à Paris en 2006) par exemple, du réalisateur Alejandro Amenábar (il avoue d’ailleurs qu’il « dévorait » littéralement les romans d’Agatha Christie quand il était adolescent), du metteur en scène Ladislas Chollat. Le 22 avril 2010, j’ai demandé pendant une conversation Facebook au réalisateur français Olivier Ciappa de m’expliquer pourquoi il avait eu le projet de faire un film sur le modèle des Dix Petits Nègres : il ne s’est pas étendu en détails. Il s’est contenté de m’écrire cette phrase laconique, mais qui a suffi à faire mon bonheur : « J’adore le concept. »

 
 

e) Certaines personnes homosexuelles vouent un culte à Joséphine Baker (1906-1975) :

Ce n’est pas par hasard si la chanteuse noire Joséphine Baker est une icône gay. Elle est la première Noire-objet de l’ère contemporaine, la première femme de peau noire à devenir une grande star mondiale. Cette sulfureuse figure du music hall, née aux États-Unis et devenue française à partir de 1937, a osé revendiquer une identité minoritaire méprisée, une fierté d’être noire. Pétrie de paradoxes, elle a tout de la prostituée glorieuse et « assumée », de la figure du viol consenti (l’autre nom du désir homosexuel), de la femme phallique (avec son pagne-gode-ceinture aux multiples bananes-verges) qui exhibe fièrement sa réification. « Vous êtes le contraire de Barbette. Il cache tout, vous montrez tout ! » (Jean Cocteau à Joséphine Baker, dans la biographie La Véritable Joséphine Baker (2000) d’Emmanuel Bonini, p. 52) Pas étonnant, par conséquent, qu’elle « parle » à autant de personnes homosexuelles d’hier et d’aujourd’hui !

 

Joséphine Baker

Joséphine Baker


 

Joséphine Baker était la « fille à pédés » par excellence. Par exemple, Violette Morris (lesbienne) raconte qu’elle allait en boîte avec elle. Joséphine Baker est d’ailleurs classée parmi les « bisexuels célèbres » dans beaucoup de répertoires dédiés à l’homosexualité. Figure majuscule des Années folles en France, elle est en lien avec beaucoup d’artistes homos planqués (par exemple, elle prendra la pose avec l’acteur Rudolf Valentino). Elle est aussi une des pionnières de la militance pour l’« égalité des droits », un concept politique très récent (elle a notamment participé à la Marche de la Liberté organisée par Martin-Luther-King) Elle a côtoyé de près le monde de la nuit homosexuel, des Folies Bergère en passant par le Palace. Par exemple, elle a remis en personne la « Coupe de la Beauté travestie » à une fausse Marlene Dietrich, à l’issue d’un concours de costumes au dancing de Magic-City en 1937.

 

On retrouve parmi les personnes homosexuelles beaucoup de fans de la chanteuse, toutes générations confondues : Jean-Claude Brialy, Michel Gyarmathy, Denis Daniel, Jérôme Savary, Jean-Luc Lagarce, Jean Cocteau, Jean Marais, Pierre Meyer, Marc Allégret, etc. « Fascinée comme moi par le spectacle, ma tante Germaine m’offrait régulièrement le cinéma l’après-midi. Un soir, elle eut la bonne idée de m’emmener voir Joséphine Baker aux Folies-Bergère. Ce fut un total émerveillement ! » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 50) Panama Al Brown, l’amant du poète Jean Cocteau, jouait un temps les danseurs de claquettes dans La Revue Nègre de Joséphine Baker (Cocteau lui a même baisé les pieds). Michel Simon assistera à l’enterrement de la diva.

 

Joséphine Baker est même parfois considérée comme une mère adoptive par certaines personnes homosexuelles : « En cette époque magique, toute notre intelligentsia se trémoussait la nuit au rythme endiablée de sa ceinture en bananes, la toute nouvelle star du music-hall : Joséphine Baker ! C’est au milieu de ce vacarme que je me décidai à venir au monde […]. » (Denis Daniel, Mon Théâtre à corps perdu (2006), p. 13) Le chanteur-compositeur britannique Bill Pritchard, par exemple, prend la défense de son idole : il distingue la « Mamma Baker » qui se ruina en adoptant une ribambelle d’orphelins, et l’artiste qui, en avance sur son temps, combattit les préjugés en assumant courageusement sa vie de femme libérée : « Nous rions tous pendant que Joséphine Baker fait le guet / À cause du Klan dans le Sud, / Nous sommes tous les formes informes / De l’état invisible. » (cf. la chanson « Mamma Baker » de Bill Pritchard)

 

La légende de Joséphine Baker nourrit actuellement l’univers imaginaire de beaucoup d’hommes travestis M to F. Cette femme noire est l’un des personnages typiques des cabarets transformistes (cf. le documentaire « Nous n’irons plus au bois » (2007) de Josée Dayan, avec l’homme transsexuel Nancy). Dans les années 1960-70, Michel Catty (alias Michou) faisait des imitations burlesques de Joséphine Baker. À la Gay Pride berlinoise de 2008, un des derniers « triangles roses » encore vivants à l’époque, Rudolf Brazda, a imité la Baker au music hall. Par ailleurs, il est à noter que la chanson « La Petite Tonkinoise » de Joséphine Baker existe dans une double version, féminine et masculine ! Enfin, on retrouve aussi Joséphine Baker sur le logo du célèbre bar gay le Banana Café, qui existe encore à Paris, et qui ne désemplit pas.

 

NOIR Baker Les Années Jazz

 

Bref, je me risquerai à dire que celle que l’on surnommait parfois « Joe » ou « la Putain » quand elle était encore en vie, est symboliquement le premier modèle transgenre du XXe siècle (elle succède à la Joconde) : « Le spectateur à peine éveillé voit débouler sur la scène un morceau de caoutchouc recouvert de guenilles, salopette noire et chemise blanche en lambeaux… […] Est-ce un homme ?, est-ce une femme ? Quand le phénomène se met à se déhancher de façon diabolique au son fantastique charleston, l’assistance a le souffle coupé. ‘La Baker’ vient de naître. » (Emmanuel Bonini, La Véritable Joséphine Baker (2000), p. 40)

 
 

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Code n°133 – Ombre (sous-codes : Enfant dans la galerie des ancêtres / Fils d’une célébrité / Amant-ombre / Obscure clarté)

Ombre

Ombre

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Dans l’iconographie homosexuelle, la conscience expulsée du personnage homosexuel apparaît souvent sous la forme de l’ombre. Symboliquement, cela a du sens. Un bon nombre de personnes homosexuelles considèrent, parce qu’elles le fantasment, mais aussi parce que cela peut être vrai, que quelqu’un leur a fait de l’ombre dans leur vie : leur père, leur mère, leur frère, un camarade de classe, une célébrité, leur amant homosexuel, elles-mêmes à l’état de reflet dans le miroir ou de photo jaunie sur un pêle-mêle. Elles s’imaginent qu’aux yeux des autres elles n’existent pas pour elles-mêmes mais pour une lignée abstraite, un passé « glorieux » pesant (cf. je vous renvoie à la partie sur la « Peur d’être unique » du code « Moitié » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Ce n’est pas par hasard si la métaphore de l’enfant déambulant dans la galerie où sont exposés tous les tableaux des victoires supposées de ses aïeux vient fréquemment habiter la fantasmagorie homosexuelle. Le drame homosexuel, selon moi, n’est ni plus ni moins que de se prendre pour une photocopie, de douter de son originalité et de son unicité. Nombreux sont les enfants de personnes célèbres qui se disent homosexuels parce qu’ils ont longtemps souffert de leur statut de « fils de… (l’Homme invisible ombreux) » : Judith Gauthier, Anna Freud, Lucien Daudet, Maurice Rostand, Jaime Salinas, Klaus Mann, Siegfried Wagner, Saadi Khadafi, etc. Par exemple, Robin Maugham, neveu de Somerset Maugham – lui-même homosexuel –, a écrit une autobiographie dont le titre est éloquent : Escape From The Shadows (traduction française : « Fuir les ombres »).

 

Robin Maugham

Robin Maugham


 

Quand l’ombre apparaît dans les œuvres artistiques homosexuelles, en général, ce n’est pas dans un sens positif. Idéalement, elle aurait pu être envisagée comme la marque salutaire de notre incarnation humaine, l’heureux signe de notre « être-au-monde », la preuve que nous sommes certes limités mais aimés/réchauffés par un Dieu solaire… Mais non. Pour la conscience homosexuelle, l’ombre est plutôt synonyme d’ambiguïté oxymorique diabolique (l’amant homosexuel se révèle sous un jour décevant, triste ou violent), envisagée comme le « côté obscur de la force » de l’amour homosexuel, comme le poids pesant d’une hérédité niant l’unicité de l’être humain. La peur d’être unique, voilà bien l’un des terreaux majeurs du désir homosexuel.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Doubles schizophréniques », « Mère possessive », « Parricide la bonne soupe », « Actrice-Traîtresse », « Inceste », « « Je suis un Blanc-Noir » », « Moitié », « Inceste entre frères », « Innocence », « Amant diabolique », « Couple homo enfermé dans un cinéma », « Morts-vivants », « Haine de la famille », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Clown blanc et Masques », « Fresques historiques », « Homme invisible », « Poids des mots et des regards », « Se prendre pour le diable », « Mère gay friendly », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Noir », « Fusion », « Jumeaux », à la partie « Ombres chinoises » du code « Femme et homme en statues de cire », à la partie « Crâne en cristal » du code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », à la partie « Peter Pan » du code « Parodies de Mômes », à la partie « Père et fils gays » du code « Inceste », et à la partie « Veuve » du code « Mort = Épouse », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 
 

a) L’ombre au tableau :

B.D. "Au-delà des ombres" de Brent Weeks

B.D. « Au-delà des ombres » de Brent Weeks


 

Il est beaucoup question d’ombre dans les œuvres fictionnelles traitant d’homosexualité. Souvent, le personnage homosexuel est suivi par une obscurité énigmatique : cf. le poème « Les Étrennes des orphelins » d’Arthur Rimbaud, le film « Les Ombres gigantesques » (1922) de Loïe Fuller, les chansons « Avant que l’ombre » et « À l’ombre » de Mylène Farmer, le conte L’Ombre d’Hans Christian Andersen, le roman L’Ombre (1941) de Francis Carco, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, le film « Les Ombres de la nuit » (2004) de J. T. Seaton, le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser, le film « De l’ombre il y a » (2015) de Nathan Nicholovitchetc, la chanson « Shadowland » de K.D. Lang, la chanson « Le Long des berges grises » de Reda Caire, la chanson « I’m The Boy » de Serge Gainsbourg, etc.

 

En général, l’ombre est de mauvais augure : « Nous nous sommes allongés dans l’herbe à l’ombre d’un arbre en lisière de la route, lorsqu’un bruit de moteur nous tire de notre ennui. Une forme apparaît au loin dans le ciel. Un aéroplane. Nous le regardons s’approcher, incrédules et curieux. Il vient vers nous. Tout à coup, un cri retentit : ‘C’est un avion allemand. Il va nous tirer dessus ! » (Madeleine dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 34) ; « Les bâtiments abandonnés sont comme les gens abandonnés. Ils deviennent aigris et peu fréquentables. Vous n’avez pas vu des ombres traverser la cour la nuit ? » » (Karl Becker s’adressant à Jane, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 67) ; « Jane regarda une nouvelle fois le bâtiment en ruine qui s’élevait de l’autre côté de la rue, comprenant que, même en été, son ombre s’étirerait dans la chambre, étouffant toute chance de chaleur. Elle avait pris l’immeuble de derrière pour une réplique, plus jolie que le leur, plus élégant et rénové, mais peut-être était-ce l’inverse et leur bâtiment était-il le reflet de l’immeuble délabré. Cette idée lui donna l’impression d’être petite, et l’enfant qu’elle portait plus petit encore, un poisson solitaire piégé dans des eaux fluviales. » (idem, pp. 70-71) ; « L’obscurité commençait à filtrer à l’intérieur de l’église, les ombres des arbres du cimetière entraient par les fenêtres en vitrail et s’allongeaient sur les dalles de pierre. » (idem, p. 204) ; « Love Song quand je vois l’ombre nous séparer. » (cf. la chanson « Love Song » de Mylène Farmer) ; « Vous êtes très obscure. » (Geoffrey s’adressant à l’écrivaine lesbienne Virginia Woolf, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc. Par exemple, dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1977) de Copi, la mort-ombre est omniprésence et porte malheur à tous les personnages : Venceslao le gaucho se suicide, Rogelio est empoisonné, sa jeune femme meurt sous les balles des militaires, etc.

 
 

b) Je ne suis que l’ombre de moi-même :

Souvent, c’est le héros homosexuel qui se prend pour l’ombre : cf. le roman Les Vivants et leur Ombre (1977) de Jacques Lacretelle, le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig (avec Léni, la « collabo »), le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green (avec le personnage diabolique de Brittomart, qui agit comme un double malfaisant du héros), la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti (avec Audric parlant à son ombre), etc.

 

« J’ai toujours préféré l’ombre et la liberté qu’elle autorise. » (Cyril, l’internaute psychopathe surdoué du roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 12) ; « Moi, c’est Claire et je me mets souvent dans des situations sombres. » (Claire à sa compagne de cellule, dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) d’Adeline Blais et Anne-Lise Prat) ; « Vous n’êtes plus qu’une ombre. » (la Reine s’adressant au Rat dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) ; « Je singe les ombres. » (cf. la chanson « Monkey Me » de Mylène Farmer) ; « Les ténèbres, je connais bien. » (le Baron Lovejoy, homosexuel, dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen) ; « Ma vie me faisait peur, je ne faisais que jouer un rôle… et je ne redevenais que moi-même quand j’étais dans le noir. La solution c’était le noir éternel ou porter une perruque sur une scène. » (Actrice, dans la pièce Parano : N’ayez pas peur, ce n’est que du théâtre (2011) de Jérémy Patinier) ; « Sûrement que le soleil s’éteint et que Lucifer me guide, et je serai une ombre comme la Tour de Babel… et ton amour, Père rappelle-toi !! L’Église promulgue que je suis une pédale de merde, si c’est ça mon péché, je suis coupable, comme une infâme Inquisition. Mais je n’ai tué personne. » (cf. la chanson « Madre Amadísima » de Haze et Gala Evora) ; etc.

 

Comme pour Peter Pan, l’ombre représente souvent ce double schizophrénique et narcissique du héros, l’immaturité de ce dernier, sa mauvaise conscience, sa peur d’exister, sa méchanceté (espiègle ?) : cf. le roman La Sombra Del Humo En El Espejo (1924) d’Augusto d’Halmar, le film « Le Testament d’Orphée » (1959) de Jean Cocteau (avec la figure du poète emporté par deux ombres de cheval), etc. « C’est pas moi ; c’est mon ombre. » (Andersen dans le film « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] décida sombrement qu’elle avait dû rester enfant. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 111-112) ; « Ton ombre suit ton corps de trop très. » (Paul s’adressant à son amant Jean-Louis dans la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset) ; « Faisons à nous deux un héros de roman. […] J’irai dans l’ombre à ton côté. Je serai l’esprit. Tu seras la beauté. » (Cyrano à Christian dans la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan) ; « Tu n’es plus que l’ombre de toi-même. » (cf. la chanson « Bambino » de Dalida) ; « Je ne supporterai pas plus longtemps de vivre dans l’ombre. » (Gabriel s’adressant à son amant Philippe qui ne l’assume pas, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; etc.

 

C’est souvent un personnage diabolique qui revêt le costume de l’ombre : « Un homme s’avance dans les salles à peine éclairées du musée. Son ombre glisse sur chaque tableau, le visiteur nocturne sait qu’il ne sera pas inquiété. […] Il a les cheveux longs, légèrement ondulés. Il est habillé tout de noir et a gradé son imperméable. […] Il a l’air de parler tout seul, mais cette impression est la conséquence des nouvelles technologies, qui rendent les téléphones portables presque invisibles. […] La Mission commence. […] La femme qui vient à la rencontre de l’homme énigmatique, dans la salle numéro cinq, sait très bien, elle aussi, ce que la ‘Mission’ recouvre comme réalité. […] Le Maître est le numéro un d’une organisation plus ou moins secrète, dont le nom complet est : La Guilde de Saint Dibutades. […] La Guilde a rompu ses liens avec l’Église à la fin du seizième siècle, lorsque ses membres ont canonisé Dibutades, contre l’avis de la papauté. Aujourd’hui encore, la puissance de l’organisation s’étend à la planète entière, mais seuls le Maître et ses proches associés en connaissent la véritable ampleur. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), pp. 15-16) Par exemple, dans le film d’animation « La Princesse et la Grenouille » (2009) de Ron Clements et John Musker, le marabout Dr Facilier, autoproclamé le « Maître des Ombres », est particulièrement efféminé.

 

Il n’est pas rare que l’ombre soit la figure esthétisée de la mort/de la femme violée jugée « belle » par le personnage homosexuel (cf. je vous renvoie à la partie « Veuve » du code « Mort = Épouse » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « Je suis fatiguée des ombres. » (Sibylle s’adressant à Dorian qui la poussera au suicide, dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde) ; « La mère est là. Elle est là, droite, debout devant moi, raide dans la douleur. Sa raideur ressemble à la rigidité d’un cadavre. Ce n’est pas l’expression d’une forme de dignité même si je ne doute pas un seul instant que cette femme soit d’une exemplaire dignité. C’est l’immobilité de la souffrance absolue, la position de qui lutte pour ne pas mourir. […] La mère est là. Elle est grise, comme si le visage était de cire, comme si toute lumière avait disparu, comme si l’ombre avait affaissé tous ses traits, comme si l’obscurité s’était emparée d’elle. […] On est submergé par sa douleur à elle. » (Vincent décrivant la mère de son petit ami Arthur qui a perdu son fils à la guerre, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 189-192) ; « La duchesse d’Albe se tenait presque cachée dans l’ombre d’un jasmin, le visage dissimulé sous une mantille noire. » (Copi dans sa nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978), p. 13) ; « Est-ce moi qui tangue comme une ombre sur les talons d’une reine en cavale ? » (cf. la chanson « Les Enfants de l’aube » de Bruno Bisaro) ; « Quand j’arrivai dans le dernier couloir menant à la tour Nord, j’eus la certitude d’apercevoir de nouveau un morceau de robe blanche et les rubans d’une robe de mariée flotter un instant à l’autre bout du lugubre corridor, avant de disparaître dans l’ombre. » (Bathilde parlant du fantôme Lady Philippa qu’elle considère comme une jumelle tragique, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 304) ; etc. Par exemple, dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, Bijou, la Reine des rats, se fait aussi appeler « La Reine des Ombres » (p. 27).

 

L’identification du héros homosexuel à la pénombre annonce sa mort prochaine ou effective. Par exemple, dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Jack, l’un des deux amants de l’intrigue, se définit comme une ombre (« Ça fait longtemps que je suis mort ? Peut-être trop longtemps. »), un « mec vampirisé » par son amant Paul : il finit d’ailleurs par se suicider. Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1977) de Copi, le héros, Venceslao, se pend après s’être confessé au perroquet de sa maîtresse, et revient sous la forme d’une ombre.

 
 

c) Être « le fils de », le fils de l’ombre :

Dans les fictions homo-érotiques, l’ombre renvoie généralement à quelqu’un qui a fait de l’ombre dans la vie du héros homosexuel : son père, sa mère, son frère, une actrice, lui-même (en chair et en os).

 

Cela peut être l’ombre du père qui lui fait ombrage par sa célébrité et ses hautes fonctions : cf. le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman (avec Ronit, l’héroïne lesbienne, fille d’une sommité du monde juif : le Rav), le film « Le Neveu de Beethoven » (1985) de Paul Morrissey, le film d’animation « Shark Tale » (« Le Gang des Requins », 2004) d’Éric Bergeron (avec Lenny, le requin douillet et mauviette, dont le père, Don Dino, n’est rien moins que le parrain du gang des requins), le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, le film « All Over Brazil » (2003) de David Andrew Ward, le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, le film « Laberinto De Pasiones » (« Le Labyrinthe des passions », 1982) de Pedro Almodóvar, le roman Le Fils du Président (2001) de Krandall Kraus, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant (avec Scott, le héros homosexuel dont le père est le maire de la ville), etc.

 

« À seize ans, moi, j’étais encore seulement un fils. Le fils d’un très grand médecin, le saviez-vous ? L’agrégation, la faculté, l’Académie, la faculté, l’Académie, toutes ces choses en imposent à un fils. Je me souviens d’une ombre portée sur nos vies, d’un homme plus grand que nous tous, sans que nous sachions véritablement si cette grandeur était une aubaine ou un malheur pour notre futur d’homme. Aujourd’hui, avec le recul, sans doute, je dirais que notre indifférence réciproque était plus feinte que réelle, et qu’au final j’aurai appris de mon père. » (Vincent, le jeune héros homosexuel de 16 ans, parlant de son père à Marcel Proust, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 54) ; « Je sais l’importance qu’il accorde à la lignée, comme si nous étions des pur-sang chargés de reproduire l’espèce. » (idem, p. 96) ; « Le maire du village, c’est mon père. C’est pas drôle. Depuis qu’il sait que je suis homo, il ne veut plus me voir. Ça fait 6 ans qu’on ne se parle plus. » (Antoine, héros homosexuel, dans le téléfilm « Le Mari de mon mari » (2016) de Charles Nemes) ; « Cecilia a toujours travaillé dans l’ombre de sa mère. » (Dallas, l’assistant-couturier homosexuel œuvrant au service de la grande styliste, dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Éric, le héros homosexuel, est le fils du présentateur télé Georges de la Ferrinière (lui-même homosexuel !). Dans le film « K@biria » (2010) de Sigfrido Giammona, Giovanni, le père de Francesco, est politicien et se montre incapable d’accepter l’homosexualité de son fils. Dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Zach, le héros homosexuel, est le fils du directeur de l’université. Dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Barthélémy, le jeune héros homosexuel, est l’un des héritiers de l’Empire Lanzac et vit dans l’ombre de son père, chef d’entreprise. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Édouard, le héros homosexuel, a pour père le président de la République, Gérard Couret, homophobe au possible, et qui lui met une pression incroyable pour la passation de pouvoir ; Sofia, la secrétaire de Gérard, exerce aussi sur lui la pression de l’héritage politique : « T’as ça dans le sang ! Tu as le sang de ton père ! » Dans la nouvelle « L’Apocalypse des gérontes » (2010) d’Essobal Lenoir, le fils du Roi Rigane est homosexuel… ce qui ne semble pas faire l’orgueil de son père : « J’aurai même un fils homosexuel pour justifier qu’on dépense de l’argent pour cette maladie de tantouses […]. » (p. 134) Dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée, Rayon, le héros transsexuel M to F, se rend chez son père, homme politique riche, pour lui demander de l’argent ; il vit encore avec le poids du regard sombre de ce dernier sur lui : « As-tu honte de moi ? » Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, les deux héroïnes lesbiennes, Kena et Ziki, ont chacune respectivement leurs pères qui se présentent (en rivaux, donc) aux élections d’une municipalité de Nairobi (Kenya), Slopes : John Mwauras et Peter Okemi. Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Adam, le héros homo, est le fils du proviseur (Monsieur Groff) et en souffre : « J’aimerais être un mec normal avec une queue normale et un père normal ! » (c.f. épisode 1 de la saison 1).

 

La mère peut également exercer une influence sombre sur son fils ou sa fille homosexuel(-le) : cf. le film « Homme aux fleurs » (1984) de Paul Cox, le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, le film « Sonate d’automne » (1978) d’Ingmar Bergman, le film « Psycho » (« Psychose », 1960) d’Alfred Hitchcock, le film « Tacones Lejanos » (« Talons aiguilles », 1991) de Pedro Almodóvar (avec l’ombre des chaussures de la mère sur l’affiche), le film « Mi Hijo No Es Lo Que Parece » (1973) d’Angelino Fons, etc. Je vous renvoie évidemment aux codes « Mère gay friendly », « Mère possessive » et « S’homosexualiser par le matriarcat », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

« Je me laisse mourir au fond de mon lit avec pour seule compagne l’ombre de ma mère emprisonnée entre mes bras qui brassent le vide. […] Vivre cachée comme une chose dans l’ombre de ma mère. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 64)

 

L’homosexualité du héros apparaît alors non pas comme une identité naturelle et libre, mais comme une stratégie de résistance et d’opposition, comme la cristallisation d’une peur (réelle ou projetée) de décevoir les attentes du père/de la mère, comme le produit de l’homophobie parentale et de sa propre homophobie intériorisée : « J’pourrais me raser le crâne pour ne pas lui ressembler. » (Chloé parlant de sa mère, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] profitait, semblait forte, et quand ses cheveux poussèrent, on découvrit qu’ils étaient auburn comme ceux de Sir Philip [le père de Stephen]. Il y avait aussi une petite fente à son menton, si petite qu’elle sembla d’abord une ombre ; et quelques temps après […], Anna [la mère de Stephen et l’épouse de Philip] vit que ses yeux devenaient pers et pensa que leur expression était celle du père. […] Anna croyait devenir folle car cette ressemblance avec son mari la frappait comme un outrage. Elle haïssait la façon dont Stephen se mouvait. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 20-23)

 
 

d) Être « le frère de », le frère de l’ombre :

Cf. je vous renvoie au code « Jumeaux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Film "Soudain l'été dernier" de Joseph Mankiewicz

Film « Soudain l’été dernier » de Joseph Mankiewicz


 

Parfois, c’est le frère du héros homosexuel qui est l’ombre portée. « Mon frère a surgi de nulle part. » (Donato, le héros homosexuel, parlant de son frère Ayrton, dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz) Certains personnages homosexuels ont l’impression de remplacer le frère mort ou idéalisé par la famille : cf. le film « Le Clan » (2003) de Gaël Morel, le téléfilm « Juste une question d’amour » (2000) de Christian Faure (avec l’ombre du cousin homosexuel décédé sur Laurent, le héros homosexuel), le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, etc.

 

Dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz, Daniel déclare vivre constamment « dans l’ombre de son frère Robert ».

 
 

e) La pression d’une lignée sombre ou trop glorieuse :

Sur les épaules du héros homosexuel pèse souvent le lourd fardeau d’un héritage familial et national présenté comme glorieux, le poids de la responsabilité d’assurer la descendance (c’est parfois lui-même qui se met la pression tout seul) : cf. la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, etc.

 

« Il va hériter du blason, du château, des estancias et de mes îles d’Outremer ! Et nous allons tout tenter pour en faire un Vice-Roi ! » (Pédé parlant de son petit-fils Gilles Blaise de la Soledad, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Tanguy s’arrêta devant un petit hôtel dont la façade régulière accusait le style français. Il sourit. Il trouvait amusant de penser qu’il était le petit-fils de celui qui avait habité cet hôtel, et possédé des terres innombrables et des maisons à travers toute l’Espagne. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), pp. 180-181) ; « Dans son orgueil de mâle, Clément de Bassignac avait vécu les cinq premières maternités de son épouse comme une réelle frustration. Dylan [le héros homo, le sixième enfant après cinq filles], dès sa naissance, cet enfant ‘mâle’, fut la gloire et la fierté de sa famille. Le ciel leur envoyait Dylan pour aider Clément à hisser la bannière de sa virilité comme lui-même avait tenu naturellement ce rôle auprès de son père Étienne de Bassignac. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, dans son roman semi-autobiographique Un Fils différent (2011), p. 32) ; « De toute façon, vous ne pouvez rien pour moi. Au-dessus de moi, il y a tout le poids de mon éducation. » (une patiente à sa psy dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Quoi qu’elle [Gabrielle, l’héroïne lesbienne] ait réalisé, jamais elle n’en a reçu la moindre reconnaissance sociale ; toute l’admiration, la célébrité sont revenues aux hommes de la famille : à son grand-père, le pionnier, à son père, le fondateur de l’usine, puis à son mari, ‘ingénieur aux cent brevets’. Elle n’a été qu’une femme de l’ombre, à la suite de tant d’autres… » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 50)

 

Par exemple, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay, Manon ne supporte pas d’être le portrait craché de son père ; et sa grande sœur Carmen n’accepte pas davantage de vivre dans l’ombre de sa sœur Manon. Dans le one-man-show Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, le protagoniste affirme être « le raté de la famille ». Dans son one-man-show Les Bijoux de famille (2015), Laurent Spielvogel décrit le poids de la tradition juive et de la pression nataliste pesant sur ses épaules. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les deux pères de Gatal, le héros homosexuel, lui mettent une pression de malade pour qu’il se marie, perpétue leur nom de famille et leur race : « Ta semence est épaisse et riche. » ; « Tu es le prétendant, cow-boy ! » ; « Il faudra bien t’assurer que ta descendance est bien le fruit de ta descendance. » Le promis de Gatal ressent cette même chape de plomb : « Pourquoi cet héritage empoisonné ? » clame-t-il à ses parents qu’il nomme « les fantômes du passé ».

 

Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Tommaso, le héros homosexuel, porte un double poids sur les épaules : il doit reprendre l’entreprise de pâtes de son père qui lui fout une pression de malade (alors qu’il aspire à une carrière littéraire) ; et il doit aussi supporter le coming out inattendu de son frère Antonio, révélation qui l’empêche de faire la sienne.
 

Parfois, le héros homosexuel se dévalorise en se comparant à une famille fictionnelle et cinématographique (ses stars, ses héros de dessins animés et de films, une figure politique lointaine et charismatique…) plutôt qu’à sa famille réelle : cf. le film « Merci… Dr Rey ! » (2003) d’Andrew Litvack, le roman À l’ombre des jeunes filles en fleurs (1919) de Marcel Proust, la chanson « Du côté de chez Swann » de Dave, le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa (avec l’ombre du roi Hassan II), etc. Par exemple, dans son one-man-show Gérard comme le prénom (2011), l’humoriste Laurent Gérard a peur/en a marre d’être confondu avec l’imitateur Laurent Gerra : « Qu’on ne me prenne plus pour un homonyme ! » Dans le film « Sacré Graal » (1974) de Terry Gilliam et Terry Jones, le prince Herbert souffre d’être le fils deux parents célébrités.

 
 

f) L’enfant homosexuel visitant le Panthéon de ses ancêtres :

Scénario curieux. Très souvent dans les œuvres homo-érotiques, on peut observer la même mise en scène : le personnage homosexuel se retrouve seul dans une galerie d’art dans laquelle sont exposés les exploits de ses aïeux, ou à l’intérieur d’une chambre remplie de photos de stars (cf. je vous renvoie au code « Fresques historiques » et à la partie « Crâne en cristal » du code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Il oscille entre admiration et vertige : cf. la pièce La Reine morte (2007) d’Henry de Montherlant (avec le prince), le film « Sancharram » (2004) de Licy J. Pullappally (avec Kiran pénétrant dans la maison familiale), le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman (avec Ronit, l’une des héroïnes lesbiennes visitant la maison de son enfance, p. 165), le film « Dead Poets Society » (« Le Cercle des Poètes disparus », 1989) de Peter Weir (avec la scène des photos de classe que Monsieur Keating fait parler), le film d’animation « Anastasia » (1997) de Don Bluth et Gary Oldman, le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri, le film « For The Boys » (1991) de Mark Rydell, la pièce La Femme assise qui regarde autour (2007) d’Hedi Tillette Clermont Tonnerre, le vidéo-clip de la chanson « Redonne-moi » de Mylène Farmer, le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger, le film « The Servant » (1963) de Joseph Losey (avec Hugo dans la chambre ornée de posters de bodybuilders), le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion (Isabelle perdue dans la galerie de statues italiennes), etc.

 

« À peine engagé entre les décors vagues du studio désert, Paul devint un chat prudent auquel rien n’échappe. » (la voix-off de Jean Cocteau dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville) ; « Il traverse la chambre abricot, son regard saute d’une image d’Épinal à l’autre, sous verre, encadrées de noir, en frise autour de la pièce, Vengeance d’une portière, Le Prince Mirliton, Till L’Espiègle, Histoire de Mimi Bon-Cœur. » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 48) ; « Dans mon enfance, j’étais venue ici une fois. À l’époque, il y avait partout de grands fauteuils et des tables ; je ne me rappelle pas les icônes, mais seulement les petits dieux pleins d’allégresse et les pampres qui ornaient le plafond vert céladon. » (Laura, l’une des deux héroïnes lesbiennes du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 109) ; « Ma mère m’a ruinée, elle a tout gaspillé dans sa galerie d’art ! Ma mère est une femme excentrique et insupportable ! » (« L. » à Hugh dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Ah, combien de souvenirs se sont abrités sous ces frondaisons ! Décors de maisons de maîtres, conversations dans un jardin d’hiver, scène de bals masqués, voyages de noces à Baden-Baden ! Sous cette coupole d’images, elle s’était assoupie pour toujours. » (Laura, l’un des deux héroïnes lesbiennes du roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 11) ; « Derrière elle, tous les meubles de la famille l’avaient vue grandir : le vaisselier breton, les chaises de velours grenat, la lourde table Henri II, le fauteuil dans lequel son tuteur était mort, mais qui venait d’une autre maison, la desserte en poirier luisant, tout cet ensemble d’une majesté un peu funèbre formait un décor loin duquel Élise se sentait inquiète et mal à l’aise. […] Cette salle à manger est ma forêt natale. Je suis là comme une bête sauvage dans sa jungle.’ Aujourd’hui, pourtant, le regard qu’elle jetait sur ces meubles en détournant la vue des arbres n’était pas sans l’anxiété de quelqu’un qui, à la fois, souhaite et redoute qu’un événement se produise. » (Fabien dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, pp. 202-203) ; « C’est là que tout a commencé, la fondation du cabinet, les premiers locaux, les premiers succès. Ne l’oubliez pas, monsieur de Linotte, nous sommes à la fois des héritiers et des conquérants… » (Monsieur de Binette faisant visiter les prestigieux et glaciaux locaux du Cabinet Fersen au jeune Antoine, dans le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet, p. 49) ; « L’ouverture des Maîtres chanteurs de Wagner retentit dans sa salle. Sur l’écran, Antoine reconnut le visage d’Andrew Fersen et les bureaux bostoniens. » (p. 63) ; « Maria-José [un homme transsexuel M to F] était la seule héritière de Louis du Corbeau, propriétaire de la plus complète collection au monde d’art précolombien, sans compter les Rubens et les Géricaults qui tapissaient son château du Berry. Elle se demanda ce qu’elle allait faire de sa fortune. » (Copi, « Le Travesti et le Corbeau » (1983), p. 33) ; « Elle [Stephen, l’héroïne lesbienne] avait, pour la première fois, passé la lourde porte d’entrée toute blanche, sous le brillant vantail demi circulaire. Elle avait marché dans le vieux hall carré où il y avait des peaux d’ours et les portraits des Gordon si bizarrement costumés, le hall avec son porte-cravaches où Stephen rangeait ses cravaches, le hall avec sa belle fenêtre irisée qui donnait sur les pelouses bordées de plantes herbacées. Et peut-être que, la main dans la main, ils avaient passé le hall, son père, un homme, sa mère, une femme, déjà marqués de leur destinée… et cette destinée avait été Stephen. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 113) ; « En vérité, elle courait en passant sous la lourde porte blanche sous le vantail demi circulaire et dans l’escalier qui conduisait au hall où étaient accrochés les anciens portraits bizarres des Gordon… des hommes morts depuis longtemps, mais encore merveilleusement vivants, puisque leurs pensées avaient façonné la beauté de Morton, puisque leur amour avait créé des enfants de père en fils… de père en fils jusqu’à la venue de Stephen. » (idem, p. 139) ; « Alors, le silence revient dans la chambre de mon enfance. Je regarde les volets fermés sur la fenêtre ouverte. Je regarde le liseré rouge de la tapisserie, les photographies sur le mur, la reproduction d’une toile du Greco, les meubles du siècle dernier, qui proviennent de l’ancienne demeure des aïeux disparus, l’imposant miroir au-dessus de la cheminée de marbre, un fauteuil dont l’étoffe est usée, et le lit où nous nous trouvons étendus, dans le désordre des draps de famille, ceux où figurent les initiales des noms du père et de la mère, comme des armoiries ridicules. Je regarde ce tout petit monde qui n’est pas à notre mesure, ce lieu étrange où je n’imaginais pas perdre ma virginité, cet espace incertain où nous tanguons délicieusement. » (Vincent en parlant de lui et de son amant Arthur, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 68) ; « Il était avant tout un nain, creusant des galeries obscures dans les mines de la littérature, à la recherche d’un filon scintillant. Il était un conservateur de rêves. Oui, le dernier archiviste d’histoires futiles. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 171) ; etc.

 

En général, le regard du héros homosexuel sur le patrimoine dont il hérite par le sang et le Réel n’est pas très valorisant. Par exemple, dans le film « Lust » (2000) de Dag Johan Haugerud, les membres de la famille, allongés et endormis, sont passés au crible de la lampe-torche tenue par les deux amants homosexuels. Dans la chanson « À table » de Jann Halexander, le narrateur homosexuel contemple, navré, aux côtés de sa grand-mère (une sorte de jumelle narcissique, de matriarche dont on se moque comme un animal de foire qu’on expose « pour la galerie ») le triste spectacle d’un repas de famille : « Grand-mère, Grand-mère, ne désespère pas ! On est deux à haïr ces repas. On n’en peut plus de la famille. » Dans le roman La Cité des rats (1979) de Copi, Gouri et Rakä visitent les galeries des grottes de la Cité des Rats : « La Reine inspectait les étages supérieurs où elle trouva, dit-elle, d’excellentes fresques sur le mur dans le goût de celles des grottes d’Altamira qui représentaient des rats aux cheveux longs, probablement nos ancêtres que no légendes font venir de l’Atlantide. » (p. 142) Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le héros homosexuel, a fait du grenier familial sa caverne aux merveilles, où il se travestit, accroche les photos de ses actrices, se maquille. C’est pourtant le drame quand son père, qui a découvert le pot aux roses, l’y entraîne de force pour tout y casser au marteau, surtout les miroirs. Davide résiste en vain : « Papa ! Rentrons à la maison ! » Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, la voix-off s’adresse à la reine pseudo « lesbienne » Christine, jouée par une actrice qui regarde ses parents et ancêtres accrochés en toiles aux murs de son château, pour mettre en relief le poids de la lignée royale pesant sur ses épaules : « Ton père compte sur toi pour suivre son œuvre. » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Vita Sackville-West se ballade dans son manoir d’enfance de Knole, avec son amante Virginia Woolf, et semble écrasée par son lignage. Elle dit être « passée d’une lignée d’hommes à une autre », sans s’y reconnaître.

 

La galerie tristement « familière » du personnage homosexuel est en réalité la vitrine du narcissisme mortel de ce dernier : « Plusieurs fois dans les mois qui suivent je retourne seul au Louvre (sans jamais réussir à m’y faire enfermer ; j’aimerais beaucoup vivre ici et le dis chaque fois aux gardiens) […] À force d’observations, je finis par découvrir que je figure sur trois peintures au moins et que sur celle signée Raphaël j’apparais carrément tout entier à poil […] : c’est là devant ce tableau que pour la première fois de son existence Vincent Garbo aura éprouvé sur tout son corps l’émotion de l’amour. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 45). Dans le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, Hugo, le héros gay, a toujours été fasciné par le bureau d’un certain Monsieur Carroll, constructeur d’une gare éponyme, qu’il regardait de l’extérieur sans pouvoir y rentrer (Il se trouve que ce Monsieur Carroll, ayant vécu au XIXe siècle, était un homosexuel planqué). Hugo fait visiter à son futur amant Patrick l’officine de Carroll qu’il parvient enfin, en tant qu’adulte, à pénétrer : « C’est le bureau de Monsieur Carroll. Quand j’étais petit, j’adorais coller mon front et voir toutes les affaires telles qu’il les a laissées. C’est comme un musée. L’histoire de toute une vie. » (Hugo). Patrick est sous le charme aussi : « C’est dingue. On dirait qu’on est remontés dans le passé. »

 
 

g) J’ai épousé une ombre : L’ombre comme métaphore du viol et de l’amour possessif

À l’ombre des jeunes amants en fleurs… Souvent, l’ombre est tellement imposante et crainte qu’elle finit par devenir amoureuse (cf. je vous renvoie également au code « Amant diabolique » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels). Il n’est pas rare, dans les fictions traitant d’homosexualité, que l’amant homosexuel prenne la forme de l’ombre sous laquelle il fait bon se protéger, mais qui soudain se montre inexplicablement froide et menaçante : cf. le roman Una Sombra Entre Los Dos (1934) d’Elisabeth Mulder, l’affiche du film « Swimming Pool » (2003) de François Ozon, la chanson « Sleeping With Ghosts » du groupe Placebo, la chanson « Cap Falcon » d’Étienne Daho, le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, les chansons « Shadow Of love » et « Je cherche l’ombre » de Céline Dion, la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim, etc.

 

« Laissez venir les ombres. » (les personnages de la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen) ; « J’aime être dans le noir. » (Cherry, l’héroïne lesbienne de la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Nous nous sommes retrouvés dans la pénombre climatisée, son ombre sur le mur, son corps sur le mien. » (Ashe à propos de Paul, dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 45) ; « D’un coup du cœur enlace l’ombre qui passe. » (cf. la chanson « Tristana » de Mylène Farmer) ; « J’ai eu envie de me branler. Je me suis mis sur le dos, j’ai gardé les yeux entrouverts […]. Quand j’ai ouvert les yeux, […] j’ai eu l’impression que l’obscurité de la forêt derrière moi s’était étendue. Mais ce n’était pas ça, c’était une ombre, une vraie, et j’ai pensé que quelqu’un d’autre avait partagé mon plaisir. » (Claudio, l’un des personnages homosexuels du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 103) ; « Tu es une ombre – non pas l’ombre d’une morte, mais celle d’une femme encore à naître. » (Sylvia à son amante Laura, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 97) ; « Je suis son ombre. Il me raconte tout. » (Yoann, le héros homosexuel, par rapport à Julien son amant, dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi) ; etc.

 

Quelquefois, l’amant homosexuel fictionnel apparaît comme une ombre, une séduisante et troublante menace diabolique, qui empêche d’exister : « Je demande à mon ombre, sans trêve… si ce baiser sacré… peut me trahir. » (cf. les paroles d’un boléro dans le roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 215) ; « Je me demande si tu ne manœuvres pas dans l’ombre pour manipuler Lola. » (Nina s’adressant à Vera, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « J’appréhende l’ombre qu’il fait sur moi quand ça va pas. » (cf. la chanson « Amélie m’a dit » d’Alizée) ; « Il n’est de Jean Valjean sans l’ombre de Javert. » (Valjean s’adressant à Javert, pendant qu’ils se déclarent leur flamme l’un à l’autre, dans la comédie musicale Les Miséreuses (2011) de Christian Dupouy) ; « Je t’ai vu passer en moto, toi tu ne m’as pas vu ! Si je n’avais pas reconnu la moto… tu n’aurais été qu’une ombre qui passe ! » (Kévin s’adressant à son amant Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 305) ; « J’aime une ombre, un fantôme… » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, op. cit., pp. 309-310) ; « Je t’ai vu descendre du ciel, un matin d’hiver. Je t’ai vu seul, sombre et silencieux. » (idem, p. 453) ; « Elle [Esti, l’amante lesbienne] a reculé d’un pas. La moitié de son visage a disparu dans l’ombre. Autour de nous, les arbres bruissaient et bourdonnaient. » (Ronit, l’héroïne lesbienne du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 143) ; « Je pensais à Linde, et à la peau sombre et au sindhoor rouge sans de l’autre femme [Rani, la servante-amante rencontrée dans un bidonville]. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 18) ; « Nos trois sexes formaient un seul canon, qui traversait nos corps encastrés, dirigés par un cerveau unique. Nous éjaculâmes en rafale, le garçon de derrière, puis moi, puis l’ange. À l’instant où ce dernier déchargeait cette accumulation de nos énergies vitales, une forme hideuse jaillit de l’ombre. […] Un rai de lumière dévoila cette créature. […] Aussitôt nous fûmes embrochés comme des infidèles, et son sperme ardent traversa nos trois corps comme un fluide électrique. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Queue du diable » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 116-118) ; « Mais dans quelle ombre vous nous foutez ? J’suis déjà l’ombre de mon homme. » (Raulito, l’homme travesti M to F, s’adressant à l’agent, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Je ne veux plus […] vivre à côté d’un homme comme son ombre ! » (l’un des personnages de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je ne voulais pas vivre dans ton ombre, sous ta tutelle. » (Luc s’adressant à son amant Jean-Marc qu’il a quitté, dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; etc.

 

L’ombre représente en réalité l’invisibilité et l’absence d’amour. Par exemple, dans la pièce Non, je ne danse pas ! (2010) de Lydie Agaesse, les hommes absents sont comparés à des ombres.

 

L’ombre qui plane sur le héros homosexuel, c’est aussi plus dramatiquement celle du viol et de l’inceste… ou de la honte que ces derniers inspirent : « Je m’apprête à passer des formidables vacances à Rome, j’accepte même de jouer le romantisme indispensable dans cette vieille ville entre deux coïts rapides dans un coin sombre avant d’aller boire une bière avec son partenaire Piazza Navona et lui prêter dix mille lires que vous ne reverrez plus. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 22) ; « Maintenant je suis un mec, je viens de te voir passer devant moi dans la rue, je te chope dans un coin sombre et je te baise comme la belle salope que tu es… » (Claude, l’héroïne lesbienne, s’adressant à sa copine Polly, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 74) ; etc.

 

L’ombre est d’ailleurs tout simplement la métaphore du violeur, du ravisseur : « J’avais rêvé que j’observais le viol de lady Philippa par les vitraux brisés de la chapelle. En même temps, j’étais lady Philippa moi-même, contemplant terrorisée mon propre visage dans l’ouverture en forme d’ogive, depuis la pierre tombale où je subissais ce terrible attentat. En revanche, mon agresseur lui-même n’était dans mon rêve qu’une masse sombre et sans visage. » (Bathilde dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 303) ; « Il fixa des yeux une tache sur son bouvard. […] C’était une tache d’une forme bizarre qui fait songer à l’ombre d’une main sans pouce. […] Cela ressemblait à une main de voleur, mais de voleur qui eût volé autre chose que de l’or. ‘Un voleur de vent’, murmura Fabien. Et plus haut il répéta : ‘Voleur de vent, voleur de vent. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 29) ; etc.

 
 

h) Obscure clarté diabolique :

Film "L'Inconnu du lac" d'Alain Guiraudie

Film « L’Inconnu du lac » d’Alain Guiraudie


 

En définitive, l’ombre figure la dualité diabolique de la lumière froide, obscure et intensive de Lucifer (cf. je vous renvoie aux codes « Homme invisible » et « Lunettes d’or » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le roman L’Ombre ardente (1897) de Jean Lorrain, le film « Shatten Der Engel » (« L’Ombre des anges », 1976) de Rainer Werner Fassbinder, le film « L’Âge atomique » (2012) d’Héléna Klotz, le recueil de poèmes Ombre du paradis (1944) de Vicente Aleixandre, le roman Le Reflet d’une ombre (2004) de Jonathan Denis, le film « L’Ombre blanche » (1924) d’Alfred Hitchcock, le roman Les Neiges interdites (2002) de Thierry Brunello, la pièce La Corte Del Cuervo Blanco (1914) de Ramón Gy de Silva, le film « In The Shadow Of The Sun » (1972-1980) de Derek Jarman, la chanson « Les Fleurs de l’interdit » d’Étienne Daho, le film « Black Shampoo » (1976) de Greydon Clark, le film « Ghostlight » (2003) de Christopher Hermann, le film « L’Ange noir » (1993) de Jean-Claude Brisseau, le roman La Trace de l’ange noir (1949) d’Hans Henny Jahnn, l’opéra-rock Starmania de Michel Berger (avec la bande des Étoiles noires, semant la terreur dans Monopolis), le film « Les Astres noirs » (2009) de Yann Gonzalez, le film « Day’s Night » (2005) de Catherine Corringer, le film « Una Noche » (2012) de Lucy Molloy, etc.

 

« Le soleil était devenu, année après année, une grande obsession morbide pour Khalid. Il en parlait tout le temps. Il en avait une connaissance scientifique, intime, amoureuse. Il voyait le soleil comme une menace sérieuse, certaine. […] Le soleil et la mort se regardent fixement. Le soleil gagne. Il va bientôt triompher. Exploser. Tout deviendra ombre. […] J’imagine le soleil qui vient vers moi. […] Il me noircit. Il me transforme. En cendres ? En quoi exactement ? Je me demande si, juste à la toute fin, je serai complètement noir. Noir de brûlures. […] Quelle est la lumière des ténèbres ? » (Khalid, l’un des héros homosexuels du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 69-71) ; « Sur la blancheur de l’oreiller, la tête de Fabien faisait une grande tache sombre. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 303) ; « À mesure que l’obscurité se faisait plus épaisse, la blancheur du lit se détachait plus vivement dans cette sorte de nuit en plein jour et l’on finissait par ne plus voir que ce grand rectangle couleur de neige où gisait Fabien. » (idem, p. 305) ; « Toi aussi je t’aime, même si tu es moins claire que les autres. » (Aldebert à Hud, une femme noire, dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado ; Hud dira qu’elle « est l’éclipse qui couvre la lumière blanche ») ; « Vois la pénombre qui éclaire mon visage. » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer, en référence à « l’Autre » diabolique) ; « Il fait toujours nuit pour moi. » (Léo, le héros homosexuel aveugle, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; etc.

 

L’ombre des fictions homosexuelles est diabolique, non d’être 100% mauvaise et obscure, mais d’être précisément un peu lumineuse et attractive. Par exemple, dans le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de John Mankiewicz, Sébastien meurt au moment du jour où le soleil est au zénith et qu’il perd son ombre. Ceci est confirmé par cette phrase de Garnet Montrose dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy : « À midi tu n’as pas d’ombre, et sur toi le Démon exerce son emprise. » (p. 78) Dans un roman La Confusion des sentiments (1928), Stefan Zweig évoque les « voies infernales entre l’ombre et la lumière » (p. 117).

 

L’obscure clarté est au bout du compte ce mal qui prend l’apparence du bien, de l’« amour » possessif qui n’aime pas et qui étouffe : cf. le film « Ombres de soie » (1977) de Marie Stephen. « Tu ne me verras pas. Je ne t’importunerai pas. Je vivrai dans ton ombre. Je t’entourerai d’une protection dont tu n’auras même pas conscience. » (Félicité s’adressant à son fils Fernand, dans le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, p. 80)

 

Enfin, l’ombre, c’est aussi la honte et la visibilité agressive de l’homosexualité, l’homophobie intériorisée du héros homosexuel, l’obscurité qui s’habille de lumière parce qu’il s’efforce de l’appeler « identité » ou « amour » : « Contrairement à ce qui se passait aux Antilles, ici en métropole, nous poursuivions le combat avec acharnement. L’imminence d’une manifestation sur la voie publique se précisait à mesure que nous imposions nos idées. […] Plus que jamais le moment était venu de sortir de l’ombre, et les grands chambardements de la société de mai 68 furent une aubaine. » (Ednar, le héros homosexuel racontant ses premières années de militantisme homosexuel, dans le roman autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 172)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’ombre au tableau :

Roman "L'Ombre ancestrale" de Georges Eric Dang Tseny

Roman « L’Ombre ancestrale » de Georges Eric Dang Tseny


 

Regardez et écoutez ce que nous, personnes homosexuelles, avons à vous dire. Dans nos propos, aussi inconscients soient-ils, se trouve parfois l’ombre (… d’un doute… ou plutôt d’une identité et d’un amour douteux) : cf. les photos Ombre (1979) et L’Ombre (1981) d’Andy Warhol, le roman L’Ombre ancestrale (2013) de Georges Eric Dang Tseny, etc. « Mais derrière cette façade glamour se cache sans doute une part d’ombre. » (Peter Gehardt, ironique, dans son documentaire « Homo et alors ?!? », 2015)

 

Dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata, Charles Trénet avoue qu’il souffre, en amour, d’un « mal mauve », celui « de l’ombre et du remord ».
 
 

b) Je ne suis que l’ombre de moi-même :

D’ailleurs, certains individus homosexuels se prennent vraiment pour une ombre : « Je suis un spectre, une ombre. » (le chanteur Stéphane Corbin lors de son concert Les Murmures du temps au Théâtre de L’île Saint-Louis Paul Rey, à Paris, en février 2011) ; « Par peur d’être catalogués, les homosexuels sortaient uniquement à la tombée de la nuit (pareil à des chauves-souris) pendant que les voyous et les drogués squattaient en permanence les lieux. » (Jean-Claude Janvier-Modeste, dans son roman autobiographique Un Fils différent (2011), p. 188) ; « J’ai commencé à m’aimer en regardant mon ombre marcher à côté de moi. » (Déborah, personne intersexe élevée comme une fille, dans le documentaire « Ni d’Ève ni d’Adam : une histoire intersexe » de Floriane Devigne diffusé dans l’émission Infrarouge sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018) ; etc.

 

Comme pour Peter Pan, l’ombre peut symboliser concrètement chez eux un double schizophrénique, une immaturité, une mauvaise conscience, une méchanceté, un désir noir, voire la folie : « En 1964, j’ai vu arriver dans mon bureau, un tout petit homme, tout mince, assez sombre, l’air d’un oiseau. » (l’éditeur Christian Bourgeois décrivant le dramaturge argentin Copi, et cité dans l’essai Le Rose et le Noir (1996) de Frédéric Martel, p. 157) ; « Les ombres de la folie se firent bientôt plus menaçantes, et à l’automne de 1918, Nijinski montra des signes inquiétants de déséquilibre qui culminèrent à la fin de l’année. » (Christian Dumais-Lvowski dans l’avant-propos des Cahiers (1919) de Vaslav Nijinski, p. 10)

 
 

c) Être « le fils de », le fils de l’ombre :

Dans le discours de l’individu homosexuel, l’ombre renvoie généralement à quelqu’un qui lui a fait de l’ombre : son père, sa mère, son frère, une actrice, lui-même (en chair et en os). Je vous renvoie évidemment aux codes « Mère gay friendly », « Mère possessive » et « S’homosexualiser par le matriarcat », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels ; ainsi qu’à l’essai Luis Cernuda En Su Sombra (2003) d’Armando López Castro, à l’autobiographie Lions And Shadows (1938) de Christopher Isherwood, et à l’autobiographie Escape From The Shadows (1975) de Robin Maugham, etc.

 

La mère ou le père a pu avoir sur son fils ou sa fille homosexuel(-le) une influence sombre : cf. la photo Andy Warhol And Julia Warhola (1958) de Duane Michals, le film « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne (avec la vraie mère du réalisateur, regardant son fils dans l’obscurité de la salle de théâtre où il raconte son histoire, à la fin), etc. « J’ai longtemps eu le sentiment de n’être qu’un ersatz de mon père. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 15) ; « L’ombre menaçante de la peau de vache envahissait toute la chambre. » (Frédéric Mitterrand en parlant de sa mère, La Mauvaise Vie (2005), p. 116) ; « C’était une ombre, mon père. Donc c’est difficile d’avoir une colère contre lui. » (Andrew Comiskey, en conférence à la Trinité à Paris, le 3 octobre 2014) ; « Il faut que je m’avoue la prédominance de la jalousie et d’une absurde vexation. Il remporte la victoire partout où il se montre. Sortirai-je jamais de son ombre ? Mes forces y suffisent-elles ? … Bref, ‘les Grands Hommes’ ne devraient pas avoir de fils… » (Klaus Mann en parlant de son père Thomas Mann, dans son Journal (1989-1991), p. 115) ; « Mes rapports avec lui étaient difficiles et point exempts d’un sentiment de culpabilité, puisque mon existence jetait par avance une ombre sur la sienne. » (Thomas Mann parlant de son fils Klaus, cité dans l’article « Famille Mann » de Jean-Philippe Renouard, dans le Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes (2003) de Didier Éribon, p. 309) ; « Je suis né de ce traître, se dit-il, je porte son nom, son œuvre, sa honte, je suis son héritier. » (Dominique Fernandez parlant de son père collabo sous l’Allemagne nazie, dans la biographie Ramon (2008), p. 18) ; « » (un témoin homosexuel gendarme, dans le documentaire « Coming In » (2015) de Marlies Demeulandre) ; « un autre ‘fils de quelqu’un’, dont le père était, pareillement, un intellectuel de grand renom, Nicolaus Sombart. » (Philippe Simonnot, Le Rose et le Brun (2015), p. 123) ; etc.

 

Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, Nicolaus Sombart avoue qu’il s’est senti condamné à être le fils de son père, à être toute sa vie « le fils de Werner Sombart » (p. 273). La fille de Johnny Depp et Vanessa Paradis, Lily Rose, se dit lesbienne/bisexuelle.
 

L’homosexualité des personnes homos apparaît alors non pas comme une identité naturelle et libre, mais comme une stratégie de résistance et d’opposition, comme la cristallisation d’une peur (réelle ou projetée) de décevoir les attentes du père/de la mère, comme le produit de l’homophobie parentale ou de leur propre homophobie intériorisée : « Ses illusions de m’aider à faire une carrière politique en Argentine à son image (ce pour quoi je fus conçu) avait échoué avant la première tentative. » (le dramaturge homosexuel Copi parlant de son père diplomate et ambassadeur à l’étranger, à Paris en août 1984 dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 85)

 
 

d) Être « le frère de », le frère de l’ombre : 

Cf. je vous renvoie au code « Jumeaux » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Parfois, c’est le frère du sujet homosexuel qui est l’ombre portée : cf. le film « Enfances » (2007) de Yann Le Gal (avec Fritz Lang et son frère), etc. À ce titre, je vous renvoie à la partie « Jalousie » du code « Inceste entre frères » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Par exemple, toujours dans le film biographique « Enfances » (2007) de Yann Le Gal, on nous apprend qu’Ingmar Bergman, petit, a essayé d’étouffer sa petite sœur bébé avec un coussin parce qu’elle lui avait « piqué » sa place de benjamin. Quant à Romaine Brooks, elle a connu une enfance perturbée à cause de l’attention excessive que sa mère accordait à son jeune frère.

 

Il n’est pas rare que certains individus homosexuels aient l’impression de remplacer (dans le cœur de leurs parents) le frère mort ou idéalisé : « J’ai le sentiment que ma mère s’en veut toujours du décès de mon frère, comme si elle n’avait pas bien pris soin de moi, alors qu’elle n’avait que 15 ans ! J’ai aussi le sentiment qu’elle a fait une sorte de transfert sur moi. J’ai remplacé l’enfant mort. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 15) ; « Ma sœur était morte (à l’âge de cinq ans) et ma mère m’appelait ‘sa petite fille’ et m’apprenait le canevas. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 77) ; « Je suis née parce que ma sœur est morte, je l’ai remplacée. Je n’ai donc pas de moi. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), p. 44) ; « Là, dans cette obscurité, dans cette exécution, cette mort volontaire, je me suis souvenu de ma sœur hantée. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 123) ; etc.

 

C’est parfois la ressemblance troublante avec ses frères de sang qui a jeté une ombre dans l’esprit de l’individu homo. Par exemple, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko raconte que lorsqu’il était adolescent, les amis de son père le « confondaient toujours avec ses sœurs » (p. 17). Parmi mes amis homosexuels, certains ont d’ailleurs souffert d’avoir été pris dans la rue pour telle ou telle grande sœur ou tel ou tel petit frère.

 
 

e) La pression d’une lignée sombre ou trop glorieuse :

Sur les épaules de l’individu homosexuel pèse souvent le lourd fardeau d’un héritage familial et national présenté comme glorieux, le poids de la responsabilité d’assurer la descendance (c’est parfois lui-même qui se met la pression tout seul) : « Tu m’apparaissais comme une ombre suspendue dans l’air. » (Alfredo Arias à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-fantômes (1997), p. 156) ; « Je suis le zéro de la famille, celui qui ne compte pas. » (Lucien Daudet, homosexuel, complexant du succès littéraire de son père Alphonse et de son frère Léon, cité dans le Dictionnaire des homosexuels et bisexuels célèbres (1997) de Michel Larivière, p. 116) ; « Pendant cette période de maladie et de jeux solitaires, la sollicitude exacerbée de ma mère développa en moi des manières de poule mouillée, au grand mécontentement de mon père. Je devenais un être incontestablement hybride, bien différent de la lignée familiale des héros conquérants du Tennessee oriental. La lignée paternelle avait été illustre. » (Tennessee Williams parlant de son adolescence, Mémoires d’un vieux crocodile (1972), p. 30) ; « Je rentre en Cours Préparatoire. Mon père et mon grand-père sont passés par ces mêmes bancs des années plus tôt. Et maintenant c’est à moi de prendre la relève… » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 9) ; « Je suis l’aîné de sept frères et sœurs : ni mon environnement social et provincial ni ma place d’aîné dans ma fratrie n’étaient propices à un épanouissement sexuel. […] La position d’aîné dans une famille maghrébine implique de se comporter en modèle, dans le strict respect des traditions : virilité, mariage, paternité et autorité sur les cadets, autant de ‘qualités’ qui me manquaient cruellement. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), pp. 7-8) ; etc.

 

Par exemple, dans sa biographie Rosa Bonheur, sa vie, son œuvre (1909), Anna Klumpke raconte comment on a caché à Rosa Bonheur sa bâtardise en lui faisant miroiter un passé familial magique : « Tu descends par ta mère d’une race royale. » (p. 172) Michel Foucault, le philosophe français, est attendu au tournant dès son adolescence : son père, son grand-père et son arrière-grand-père furent médecins ; il s’opposera toute sa vie avec véhémence à son « destin familial ». De son côté, Federico García Lorca, le fils aîné de sa famille, subit la pression de son père qui veut faire de lui un « homme important » ; le dramaturge espagnol fera l’inverse de ce (qu’il croit) qu’on attend de lui puisqu’il choisit d’exercer le « métier le plus inutile du monde », à savoir poète. Quant à Louis II de Bavière, il hérite très jeune de l’empire de son père disparu prématurément, et vivra toute sa vie la tête polluée des conquêtes passées opérées par ses ancêtres. Dans la biopic « Vice » (2018) d’Adam McKay, Mary, la fille du vice-président nord-américain Dick Cheney, est lesbienne.

 

Selon le sociologue Didier Éribon (dans son autobiographie Retour à Reims, 2010), tout Homme serait forcément esclave de son destin familial, serait l’objet d’un conditionnement par l’« ordre social » : « Car ils sont tôt tracés, les destins sociaux ! Tout est joué d’avance ! Les verdicts sont rendus avant même que l’on puisse en prendre conscience. Les sentences sont gravées sur nos épaules, au fer rouge, au moment de notre naissance, et les places que nous allons occuper définies et délimitées par ce qui nous aura précédé : le passé de la famille et du milieu dans lesquels on vient au monde. » (pp. 52-53)

 

En réalité, beaucoup de personnes homosexuelles se dévalorisent en se comparant à une famille fictionnelle et cinématographique (leurs stars, leurs héros de dessins animés et de films, une figure politique lointaine et charismatique…) plutôt qu’à leur famille réelle. Comme je l’expliquais en notice, beaucoup d’enfants de célébrités se déclarent plus tard homosexuels : Judith Gauthier, Anna Freud, Lucien Daudet, Maurice Rostand, Jaime Salinas, Klaus Mann, Siegfried Wagner, Saadi Khadafi, Robin Maugham, etc. Par exemple, la photographe lesbienne Claude Cahun est la nièce de Marcel Schwob. Christopher Ciccone, le frère de la chanteuse Madonna, est ouvertement gay. Roxane Depardieu, la fille de Gérard Depardieu, se dit lesbienne.

 
 

f) L’enfant homosexuel visitant le Panthéon de ses ancêtres :

Scénario curieux. Quelquefois, dans le discours de l’individu homosexuel, on peut observer la même mise en scène : il se décrit en train de se balader seul dans une galerie d’art dans laquelle sont exposés les exploits de leurs aïeux, ou à l’intérieur d’une chambre remplie de photos de stars (cf. je vous renvoie au code « Fresques historiques » et à la partie « Crâne en cristal » du code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Il oscille entre admiration et vertige : « Ma tante, moderne et indépendante, habitat un studio au-dessus de son salon : un grand lit par terre, des photos d’artistes collées au mur, Henri Garat et Mireille Balin, Jean Gabin, Michèle Morgan, Arletty, tout y était un peu bohème. » (Jean-Claude Brialy, Le Ruisseau des singes (2000), p. 19) ; « Au mur, une ancêtre nous regardait malicieusement dans son tableau. » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 35) ; « Je pénétrai sans bruit dans la chambre décorée de meubles chinois en laque de Coromandel, partout des petits personnages, des fleurs, des oiseaux qui me faisaient rêver de l’Orient. » (idem, p. 41) ; « En sortant de la brasserie, j’ai observé longuement la façade de la gare du Nord, et j’ai pensé que mon père était une des statues, boulonnées sur la corniche, et qu’il me regardait, et j’ai pensé : est-ce qu’il me regarde ou est-ce qu’il me surveille ? » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 91) ; « Notre maison regorgeait de livres, des jeux de société, ainsi que des décorations militaires qui peuplaient le salon. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 18)

 

Par exemple, dans son autobiographie Confession d’un masque (1971), Yukio Mishima raconte comme il s’est introduit dans la chambre de sa grand-mère, qu’il présente comme un sanctuaire « plein de kimonos colorés et d’obis garnis de roses afin de se travestir en une magicienne qu’il avait admirée sur une scène de théâtre ». François Reichenbach, quant à lui, est élevé dans une riche famille de collectionneurs de tableaux. Dans le documentaire « Louis II de Bavière, la mort du Roi » (2004) de Ray Müller et Matthias Unterburg, la figure de Louis II est filmée en train de se promener dans la galerie de ses ancêtres où sont exposés des toiles relatant les exploits qu’il devra imiter… mais qu’il n’imitera pas car il fuira ses responsabilités de roi.

 
 

g) J’ai épousé une ombre : L’ombre comme métaphore du viol et de l’amour possessif

Film "L'Inconnu du Nord-Express" d'Alfred Hitchcock

Film « L’Inconnu du Nord-Express » d’Alfred Hitchcock

 

À l’ombre des jeunes amants en fleurs… Souvent, l’ombre est tellement imposante et crainte qu’elle finit par devenir amoureuse (cf. je vous renvoie également au code « Amant diabolique » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels). Il n’est pas rare, dans l’esprit du sujet homosexuel, que son amant prenne la forme de l’ombre sous laquelle il fait bon se protéger, mais qui soudain se montre inexplicablement froide et menaçante car elle empêche d’exister : « Mais j’avais l’impression d’avoir perdu mon ombre. Je courus vers toi. » (la narratrice lesbienne s’adressant à son amante, dans le roman La Vallée heureuse (1939) d’Anne-Marie Schwarzenbach) ; « Martine éprouvait pour moi une admiration sans bornes. D’après ses critères, j’étais celle qui avait réussi, alors qu’elle avait tout raté. Dans cette logique, il était souhaitable pour elle de rester dans mon ombre et de continuer à vivre ainsi, par procuration. » (Paula Dumont parlant de sa relation amoureuse « malsaine » avec sa copine Martine, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 72)

 

L’ombre qui plane, c’est aussi celle du viol et de l’inceste… et surtout celle de la honte que ces derniers inspirent : « Je voudrais te demander pardon. Je sais que tu ne me pardonneras jamais. Tu me l’as dit à l’époque, très fermement. Mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Mon désir de perfection me hante. C’est désagréable, j’en conviens. En plus, je t’ai fait peur dans la pénombre de la chambre que nous partagions. Tu as ouvert les yeux. On pouvait lire ton étonnement. Mais ça me prenait comme ça, de me réveiller vers deux ou trois heures du matin, comme un somnambule. J’allais jusqu’à l’armoire où se trouvaient tes vêtements que je revêtais, à moitié endormi. » (Alfredo Arias à sa grand-mère, dans son autobiographie Folies-fantômes (1997), p. 160) ; « Après avoir poussé mon désir d’entrer dans l’âge adulte, mon père m’intimait donc l’ordre de me rétracter intelligemment, espérant que j’étais assez grand pour découvrir, seul, les secrets de la vie d’un père de famille. C’était compter sans l’ombre persistante qui pesait sur mon chemin, dans le décor éclaboussé de chaleur et d’amour, de mon amour maternel. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 48)

 

Parfois, l’ombre est tout simplement la métaphore du violeur, du ravisseur : « Je ne vais pas te violer tout seul… Nous allons tous te violer. Faire de toi une vraie petite fille…’ Il a ouvert la porte. La peur m’a repris. Elle montait. Elle m’inondait. M’aveuglait. Les autres sont entrés. Ils étaient quatre et non deux comme au début. Comme il faisait encore un peu sombre dans la pièce, je n’arrivais pas à voir à quoi ressemblaient les deux nouveaux. Ils se sont tous déshabillés aussitôt. La sex party allait commencer. » (Abdellah Taïa, Une Mélancolie arabe (2008), p. 24) ; « Plus tard, à l’approche de la première lumière qui annonce le grand jour, je me retrouvais dans sa chambre sans trop savoir pourquoi. Sa forte ombre qui tournait autour de moi bourdonnait des mots incompréhensibles, tel un chanteur aux mâchoires serrées. […] La sensation de beauté qui m’avait ébloui la veille, laissa la place à un visage banalement masculin, pas nécessairement très beau mais sexy, avec un air d’ivresse dans les yeux. » (Berthrand Nguyen Matoko décrivant son amant d’un soir qui va le sodomiser sauvagement, dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), pp. 66-67) ; etc.

 
 

h) Obscure clarté diabolique :

En définitive, l’ombre décrite par certaines personnes homosexuelles figure la dualité diabolique de la lumière froide, obscure et intensive de Lucifer (cf. je vous renvoie aux codes « Homme invisible » et « Lunettes d’or » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Elle est diabolique, non d’être 100% mauvaise et obscure, mais d’être précisément un peu lumineuse et attractive : cf. le documentaire « Les Mille et un soleils de Pigalle » (2006) de Marcel Mazé (racontant le quotidien de deux jeunes Maghrébins dans les sex-shops parisiens). Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la comédienne transgenre F to M, pendant qu’elle chante « Are You Boy Or Girl ? », reçoit des spots de couleurs qui projettent sur un mur blanc trois ombres colorées d’elle : une bleue, une rose, une jaune. Signes de sa schizophrénie mégalomaniaque.

 

L’obscure clarté est au bout du compte ce mal qui prend l’apparence du bien, de l’« amour » possessif qui n’aime pas et qui étouffe : « Dans mon enfance, ma mère était pour moi une ombre blanche. » (Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit (1997), p. 93) ; « Avec la neige, j’ai toujours les idées noires. » (André Schneider, le réalisateur homosexuel du docu-fiction « Le Deuxième Commencement », 2012) ; etc.

 

Enfin, l’ombre, c’est aussi la honte et la visibilité agressive de l’homosexualité, l’homophobie intériorisée du sujet homosexuel pratiquant, l’obscurité qui s’habille de lumière parce qu’il s’efforce de l’appeler « identité » ou « amour » : « De Brazzaville à Goussainville, l’homosexualité était devenue l’ombre de moi-même : un véritable cheval de bataille, impliqué autoritairement dans ma vie de tous les jours. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 103)

 
 

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Code n°136 – Parodies de Mômes (sous-codes : Peter Pan / Bilboquet / Immaturité / Refus de grandir / Sales gosses)

 

Parodies de mômes

Parodies de mômes

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Vidéo-clip de la chanson "Sans contrefaçon" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer


 

Question délicate et peu traitée, alors qu’elle crève pourtant les yeux : le désir homosexuel est-il signe d’une immaturité, d’un refus de grandir ? On a toutes les raisons de le penser… même si la communauté homosexuelle n’a pas le monopole de l’adolescence rebelle, et qu’elle est le signe d’un éloignement social et plus global du Réel. Oui. Ça ne fera pas plaisir à tout le monde de l’entendre, mais je le dis quand même : l’homosexualité est la marque d’un refus de devenir un adulte responsable et pleinement libre.

 

Ce n’est pas l’enfance que la plupart des individus homosexuels célèbrent quand ils défendent la beauté de la jeunesse, mais un fantasme d’adultes fondé sur un passé réécrit (dans l’angélisme et la diabolisation), un état antérieur à la vie, un stade pré-natal dont ils ignorent tout, un bambin littéraire asexué qui force sa jeunesse et auquel ils désirent s’identifier. Ils cultivent sérieusement l’effacement de la frontière entre enfance et âge adulte, et affirment très souvent ne plus vouloir grandir. On les voit parodier ce qu’ils imaginent être l’enfance, pour idéaliser/diaboliser et les vrais enfants et les vrais adultes, mais aussi pour se conduire en sales gosses qu’ils ne seraient pas s’ils apprenaient à s’aimer un peu plus eux-mêmes. Jérôme Savary n’a pas tort quand il soutient que « l’homosexualité est souvent le refus d’entrer dans la vie d’adulte. » (cf. l’article « Tous ses personnages, c’est lui » de Gilles Costaz, dans le Magazine littéraire, n°343, mai 1996, p. 42) Il n’y a qu’à voir dans les créations homo-érotiques les nombreuses références faites à Peter Pan, aux contes, aux dessins animés, aux bandes dessinées, aux boîtes à musique, pour s’en convaincre.

 

Au fond, leur désir d’éternelle jeunesse ressemble à la tristesse de l’adulte déconnecté du Réel, perpétuellement angoissé par les mouvements de la vie qui l’obligent à s’adapter aux autres. Il ne leur permet pas d’accéder à la vraie jeunesse éternelle, celle que fournit l’espérance en la vie, et non simplement l’âge biologique ou l’apparence physique. Jeunesse et homosexualité ne font pas souvent bon ménage. On croise plus de « vieux vieux » et de « jeunes vieux » blasés parmi les personnes homosexuelles qu’on n’en rencontre dans les maisons de retraite, je peux vous l’assurer ! Vieillir, ce n’est pas simplement souffler des bougies sur un gâteau et voir son corps se défaire : c’est déserter ses idéaux, à 20 ans comme à 89 ans. La belle Nina Bouraoui ne me contredira pas : « Il n’y a aucune jeunesse homosexuelle. J’ai perdu mon âge, j’ai perdu mes illusions, je suis un corps de 100 ans. » (la narratrice lesbienne du roman Poupée Bella (2004) de Nina Bouraoui, p. 7)

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Éternelle jeunesse », « Conteur homo », « Petits Morveux », « Amant diabolique », « Prostitution », « Se prendre pour Dieu », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Jeu », « Dilettante homo », « Pédophilie », « Milieu homosexuel infernal », « Poupées », « Scatologie » et « Homosexuels psychorigides » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) J’ai 10 ans, je sais que c’est pas vrai mais j’ai 10 ans…

 

Film "Créatures célestes" de Peter Jackson

Film « Créatures célestes » de Peter Jackson


 

En général, dans les fictions traitant d’homosexualité, le héros homo veut rester éternellement jeune. Il le dit lui-même : « Plus grandir, j’veux plus grandir, plus grandir pour pas mourir, pas souffrir. » (cf. la chanson « Plus grandir » de Mylène Farmer) ; « Ne brise pas une enfant. Soyez sympas : ne m’enfoncez pas. » (cf. la chanson « Maman » de Sally, dans la comédie musicale Cabaret (1966) de Sam Mendes et Rob Marshall) ; « Aujourd’hui, c’est trop tard. Je ne peux plus grandir. » (Bill dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut) ; « J’aimerais bien avoir treize ans. » (Ada dans la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi) ; « Enfin jeune ! Jeune à jamais, comme l’Amérique ! » (le héros homo de la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Stephen [l’héroïne lesbienne] décida sombrement qu’elle avait dû rester enfant. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), pp. 111-112) ; « Pourquoi grandir ? » (Élisa, l’héroïne lesbienne du film « Le Sable » (2005) de Mario Feroce) ; « Moi, je préfère penser que je vais pas grandir. C’est une idée qui me rassure. […] Je vieillirai plus. J’ai quatre ans. Pour toujours. » (le jeune narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, pp. 9-11) ; « Il m’arrive souvent de rêver encore à l’adolescent que je ne suis plus. On sourit en revoyant sur les photos jaunies l’air un peu trop sûr de soi que l’on prend à 16 ans, et que l’on fait de son mieux pour paraître plus vieux. » (cf. la chanson « Du côté de chez Swann » de Dave) ; « Vous ne voulez plus grandir. Pour ne pas mourir. » (le narrateur homosexuel, parlant de lui-même à la deuxième personne du pluriel, dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol, p. 54) ; « Il s’avéra que même si j’étais destinée à vieillir et à mourir, je pourrais avoir une jumelle, installée dans un satellite se déplaçant à la vitesse de la lumière, qui ne vieillirait pas au même rythme que moi. » (Anamika, l’héroïne lesbienne de 18 ans qui prétend rechercher « l’immortalité », dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 219) ; « Tu n’as plus l’âge de tes poupées. » (cf. la chanson « Lola » de Jeanne Mas) ; « Je n’ai pas dû grandir. Je suis resté un môme. » (Kévin, l’un des héros homosexuels du roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 12) ; « J’ai l’impression d’avoir dix ans. » (India, le héros homosexuel s’adressant à son copain au lit, dans le film « FAQ’s », « Prends-moi » (2005) d’Everett Lewis) ; « On aurait cru un enfant qui quémandait un sucre d’orge. D’ailleurs c’est ce qu’il est, un enfant de vingt ans qui agit comme les gosses dont on dit aux parents avec un air contrit ‘Mais qu’est-ce qu’il est gracieux ce petit, pour ne pas dire, mais qu’est-ce qu’il a l’air pédé, ce petit’. Simon a l’air pédé» (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 21-22) ; « Cette fille pleure comme un enfant, je ne m’en étais jamais rendu compte. » (Mike parlant de son amie lesbienne Polly, idem, p. 121) ; « Tu vois, c’est marrant, à l’aube de nos trente ans, on se retrouve comme quand on en avait vingt ! Toi tu cherchais la preuve que l’amour existe, tu n’en étais pas sûr, Simon la preuve que l’amour n’existe pas, et moi je suis venue ici pour le trouver. Et aujourd’hui, après tout ce temps, on est tous les trois revenus au même point, hein ? » (Polly, idem) ; « Décidément, quand on est tous les trois : des vrais gamins. » (le couple homo Seb et Loïc ainsi que leur meilleure amie Marie, dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion) ; etc.

 

Ce jeu de l’éternelle jeunesse peut être encouragé par un développement tardif ou inexistant des signes extérieurs physiques de l’âge adulte et de la puberté. Par exemple, dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Frankie, l’homo blondinet et féminin, se moque de l’immaturité de Todd, son futur amant : « T’as quel âge ? 12 ans ? » ; et ce dernier, cautique, lui rétorque : « Mais moi, j’ai pas l’air d’un petit garçon… » Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, Mélodie, l’héroïne bisexuelle, tient le même discours immature aux deux personnes avec qui elle sort séparément, Charlotte puis Michel, et qu’elle embrasse sur la bouche et va voir pile au moment où il ne faut pas (« Je suis désolée. C’est pas très adulte. »)… et elle se voit répondre la même chose par eux (« On s’en fout d’être adultes. »). Face à ses coups de cœurs et ses actes sexuels inconséquents, elle conclut (en lien avec un chèque que lui a donné sa grand-mère) : « Ça me fout les boules. J’ai l’impression d’avoir 15 ans. » Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, se fait surnommer « Little » par ses camarades. Et on lui reproche de ne pas grandir.
 
 

b) Peter Pan :

Film "Peter Pan" de Walt Disney

Film « Peter Pan » de Walt Disney


 

Par conséquent, on ne s’étonnera pas de voir que le personnage homosexuel s’identifie quelquefois à Peter Pan, le mythique héros qui refuse de grandir : cf. le roman El Beso De Peter Pan (1993) de Terenci Moix, la pièce Une Souris verte (2008) de Douglas Carter Beane, la chanson « In Search On Peter Pan » de Kate Bush, la chanson « On ne grandit vraiment jamais » de Lorie, la chanson « Corto » de David Jean, la chanson « Chaque seconde avec toi » de Stéphane Corbin et Marie Aliquot, la chanson « Peter Pan » de Nicolas Bacchus, la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot (le « Capitaine Crochet » est un des nombreux noms donnés à l’appareil génital masculin), la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone (où est mentionnée la fée Clochette), etc. « Peter Pan et Tom Sawyer m’attendent. » (cf. la chanson « Boulevard des rêves » de Stéphane Corbin) ; « Pierre me rejoignait dans ma chambre, entrait dans mon lit, et je lui racontais un long feuilleton dans lequel deux petits enfants nommés Susan et Peter, orphelins comme il se doit, erraient dans une Angleterre de fantaisie à la recherche d’un mystérieux trésor. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 24) ; « Ce n’est pas Peter Pan qui fait battre plus vite le cœur de Ben, mais le Capitaine Crochet. » (Michael, le héros homo du roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 131) ; « J’ai couché avec le Capitaine Crochet. » (Kévin, le personnage homosexuel de 17 ans, dans la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte) ; « Quel fils de pute, ce Peter Pan ! » (Bruno, le héros homo reprochant en boutade à Peter Pan de lui avoir fait croire qu’il était possible de voler dans les airs, dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger) ; « T’as le syndrome de Peter Pan. » (Philippe, le héros homosexuel s’adressant à son frère hétéro Alex, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce ; un peu plus tard, Alex accuse son psy homosexuel, Gabriel, d’avoir le syndrome de Peter Pan) ; « J’étais Peter Pan, mais à la bourre. » (Schmidt dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller) ; « Alors comme ça, tu aimes bien les dessins animés ? Je dis ça par rapport à ton pseudo Peter Plan… » (Jérémy Lorca discutant avec Damien, un internaute qu’il a rencontré « en vrai », dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc. Par exemple, dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Brad, le « méchant », surnomme Chance « la Fée Clochette » pour se moquer de lui et le féminiser. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, le skinhead efféminé est décrit comme « un Peter Pan sauvage » (p. 95).

 
 

c) Parodie du môme immature jouée par un adulte:

Vidéo-clip de la chanson "Que mon coeur lâche" de Mylène Farmer

Vidéo-clip de la chanson « Que mon coeur lâche » de Mylène Farmer


 

Bien souvent, le personnage homosexuel se présente (ou est présenté) comme un grand enfant : « On me vieillit, mais je rajeunis tous les jours sur la Terre. » (Machiavel dans la pièce Dialogue aux enfers (1864) de Maurice Joly) ; « Un homme lui avait pris son premier amour. Marie ne savait pas que l’enfance finissait un jour. » (Alexandra, la narratrice lesbienne reprochant à sa bonne, Marie, son attachement à l’hétérosexualité, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 185-186) ; « Vous êtes habituée à vivre avec votre sœur qui vous facilitait tout. Toute seule, vous êtes comme un enfant. » (Fougère dans la pièce Les Quatre Jumelles (1973) de Copi) ; « Je sais, c’est une écriture de gosse. » (Dick décrivant sa propre écriture à Tom, le héros homosexuel, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; etc. Par exemple, dans le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, Adam, pourtant adulte, affirme qu’il est un enfant. Dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau imite un gamin de 10 ans, très efféminé. Dans le film « Die Frau » (2012) de Régina Demina, on voit la protagoniste lesbienne s’habiller en collégienne (il ne lui manque plus que les couettes), se farder avec du rouge pour se donner une apparence mi-enfantine mi-adulte. Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, les adultes imitent les conneries de leurs enfants : Diane et Kyla, les deux mères au foyer, se comportent comme deux adolescentes, et suivent Steve, le héros homosexuel désorienté, dans ses excès. Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, les deux héroïnes lesbiennes, Idgie et Ruth, jouent les gamines adultes qui font des bêtises et qui refusent de grandir. Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, Mathias Le Goff, entraîneur de water-polo hétéro, qualifie l’équipe gay dont il a la charge de « bande d’ados ». Il se désole d’avoir à fliquer sans arrêt un groupe d’immatures désobéissants, qui montrent sans arrêt leur bite.

 

Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, l’un des héros homosexuels (le plus efféminé), raconte, avec les yeux fixés dans le vide, d’un air béat, comme envoûté, son premier émoi homosexuel pour Peter, un lycéen un peu plus âgé que lui (tiens, comme par hasard : Peter…), alors qu’il n’était encore qu’au collège et qu’il se comportait déjà comme un adolescent puéril qui, pour la fête du collège, confectionnait des décorations enfantines : « Je lui ai raconté que je faisais des étoiles en alu, et des nuages en coton. Il faut une folle pour ce genre de choses. […] Je l’ai aimé dès que mes yeux se sont posés sur lui. J’étais au collège et lui au lycée. »

 

Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Mr Mack définit Jim, son fils homosexuel, comme un être « ni homme ni môme ».
 

Dans les films ou les romans traitant d’homosexualité, les enfants sont parfois interprétés par des acteurs adultes se mettant à parler comme ils imaginent que parleraient les enfants : cf. la nouvelle « L’Histoire qui finit mal » (2010) d’Essobal Lenoir, la pièce Non, je ne danse pas ! (2010) de Lydie Agaesse (dans laquelle des actrices adultes jouent à redevenir enfants), le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (Mathilde Sagnier et Virginie Ledoyen rentrent dans la peau de petites filles chipies et faussement modèles), le film « Teens Like Phil » (2011) de David Rosler et Dominic Haxton, la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi (avec Irina, la gamine peu docile, qui se prostitue et qui est jouée par un homme adulte), le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit (avec Gwendoline, la lycéenne qui se prostitue et fait des tournantes dans les caves), le film « Glue » (2006) d’Alexis Dos Santos, la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, etc.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Par exemple, dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès, Luca, le protagoniste, suce son pouce. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, Jeff, le héros homosexuel, devient l’ami des enfants : ils lui font des couettes comme avec une poupée. Dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M se met dans la peau d’une petite fille modèle ridiculement habillée en princesse par ses parents. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, saute comme un gamin sur le matelas de son lit à baldaquin. Hunger lui attribue un « comportement puéril », « une longue aventure irresponsable », « des exigences exorbitantes ».

 

Le héros homosexuel déjà mûr se met même à se désolidariser du monde adulte, comme s’il n’en faisait plus partie : « Le monde des adultes est un vilain lieu. » (Jean Sennac, le poète homosexuel du film « Soleil assassiné » (2002) d’Abdelkrim Bahloul) ; « Le monde adulte, un monde abrupt, et là, je broie du noir. » (cf. la chanson « Dessine-moi un mouton » de Mylène Farmer) ; « Les grands ont des griffes comme des bouts de ciment. […] Les grands ont des rires qui vous giflent en passant. » (cf. la chanson « Parler tout bas » d’Alizée) ; « Les adultes dénigrent l’amour. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 151) ; « Ça fait deux enfants à la maison. Ça fait beaucoup. C’est la famille. » (Emma parlant d’elle-même et affirmant qu’elle s’entend très bien avec la gamine de sa compagne Liz, et qu’elles font même des bêtises ensemble, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche) ; « Tu es timide et orgueilleuse… ce qui ne facilite pas le rapport avec les autres. » (le père de Claire, l’héroïne lesbienne, s’adressant à sa fille, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « J’ai deux papas et deux mamans. Mais je suis toujours un enfant. » (cf. la chanson « Le Monde moderne » de Calogéro) ; etc.

 

Chez le héros homosexuel, le refus de vieillir et l’obsession pour la jeunesse ont leur revers déplaisant : ils le transforment bien souvent en petit sale gosse turbulent et immature… car en effet, à son insu, ils l’ont éloigné du réel. Par exemple, dans son roman Sodome et Gomorrhe (1922), Marcel Proust décrit les homosexuels comme des êtres « immatures ». Dans Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2012) de Christophe et Stéphane Botti, Martin, le héros sur qui pèse pendant toute la pièce une forte présomption d’homosexualité, dit qu’il « n’a pas encore eu le temps de faire sa crise d’adolescence ». Dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, nous voyons que Valentín commence à « s’homosexualiser » au moment justement où il rentre dans le jeu de l’infantilisation de Molina, son compagnon de cellule homosexuel qui lui apporte des provisions de repas et le considère comme son amant-poupée : il ne supporte pas les fins des récits de Molina (comme les enfants, il trouve que les histoires sont trop courtes), mange de plus en plus, dit sa peur de l’abandon, marque une dépendance à l’image et aux contes, se laisse gagner par le sommeil, tolère de moins en moins l’autorité. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le jeune héros homosexuel, est l’archétype du pédé fashion victim ingérable, capricieux, consommateur, despotique.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Souvent, le personnage homosexuel est présenté ou se présente comme un fils-à-maman turbulent, suffisant, teigneux et insupportable : « Quel enfant gâté ! » (Claire parlant d’Erik, son ami homo, dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs) ; « Ta Majesté jamais ne te déplace sans ton petit oreiller. » (cf. la chanson « Pourvu qu’elles soient douces » de Mylène Farmer) ; « Je suis l’enfant insouciant. Je n’ai pas de morale. » (Vincent, le héros homosexuel de 16 ans, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 46-47) ; « Nous sommes, insolemment, gâtés pourris. » (cf. la chanson « Cet air étrange » d’Étienne Daho) ; « Vous vous croyez malins en jouant masculins, mais vous pleurez maman quand vous n’êtes pas bien. » (cf. la chanson « Benoît tourne-toi » du groupe Benoît) ; « Je fais c’que j’veux ! » (Camille, l’héroïne lesbienne s’adressant à ses parents, dans le one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « Les pédés obtiennent toujours tout les premiers. » (Senel Paz, Fresa Y Chocolate (1991), p. 10) ; « Ce jeune homme se comporte comme un enfant de 12 ans. […] Alors que l’âge adulte se présente devant lui, il fait demi-tour et retourne jouer au parc avec les autres enfants. » (Thibaut de Saint Pol, N’oubliez pas de vivre (2004), p. 162) ; « J’ai des impatiences et des amuseries d’enfant sauvage. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 9) ; « Cette impérieuse envie de fuguer qui la reprend à quatre-vingts ans. Grotesque ! » (Gabrielle, une des héroïnes lesbiennes du roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 77) ; « C’est ce gosse [en moi] qui en a profité. » (le voisin âgé du bel Emmanuel, le payant pour qu’il se dénude devant lui, dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré) ; « Je ne suis pas finie. » (l’héroïne dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « C’est pas mon genre de faire le mec. J’essaie. Je n’y arrive pas. Quelque part, je n’ai pas grandi. » (Julien Brévaille dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre (2006), p. 54) ; « Sylvia adorait la littérature néerlandaise moderne, sans doute parce que celle-ci, à une ou deux exceptions près, se compose exclusivement d’une espèce plus ou moins améliorée de livres pour grands adolescents, qu’on ne lit plus au delà de 25 ans. » (Harry Muslisch, Deux femmes (1975), p. 42) ; « 5, Je dis ce que je veux. » (cf. la chanson « Maman a tort » de Mylène Farmer) ; « Je n’ai jamais supporté l’autorité. » (Cyril, le héros du roman Pavillon noir  (2007) de Thibaut de Saint Pol, p. 191) ; « Je prends goût à tout ce qui est inachevé. » (Prior, l’un des héros homos de la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner) ; « Je veux pouvoir choisir de ne pas choisir. » (Paul, le héros homosexuel, à la fin du film « Grande École » (2003) de Robert Salis) ; « J’aime pas quand on m’impose un truc. » (Pierre, le héros homosexuel de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « L’attente, je déteste ça. » (Jonathan, le héros homosexuel de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « C’est mon anniversaire, je fais ce que je veux ! » (« L. » dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Les pédés, ils sont flous, excessifs, durs. » (un des héros homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Tout le monde m’aimait, et pourtant, j’étais capricieux. » (idem) ; « Seize ans, c’est l’âge des possibles. Je ne m’interdis rien. Pourquoi m’interdirais-je quoi que ce soit ? » (Vincent, le héros homosexuel du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 23) ; « Ma tante rangeait derrière mon oncle, ma grand-mère derrière mon grand-père. D’un côté, j’en étais indignée. Mais de l’autre, j’aimais être un petit prince. Quand je serais grande j’aurais un harem plein de femmes. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 168) ; « Je suis un égo sur jambes. Y’a que moi qui m’intéresse. » (la productrice dans la pièce Psy cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Tes amis sont tous immatures. On devrait s’en débarrasser. » (Jean-Marc, le héros homosexuel s’adressant à son amant Jean-Jacques, à propos du groupe d’homosexuels refoulés des Virilius, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Vous ne pouvez pas continuer de fuir comme ça toute votre vie. Un jour, il va falloir que vous deveniez adulte. » (Mollie s’adressant à Christopher Wren, le héros homosexuel, dans la pièce The Mousetrap, La Souricière (1952) d’Agatha Christie, mise en scène en 2015 par Stan Risoch) ; « Moi aussi, j’ai mauvais caractère. Un peu comme toi, d’ailleurs. » (Romane, l’héroïne lesbienne s’adressant à son père Alain, dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; « Tu n’as pas l’habitude d’essuyer des refus. » (sir Harold Nicolson s’adressant à sa femme Vita Sackville-West, lesbienne, à propos de Virginia Woolf, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc.

 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Je vous renvoie également au film « Boy Culture » (2007) de Q. Allan Brocka, à la chanson « Bohemian Rhapsody » du groupe Queen (avec Freddie Mercury jouant l’enfant refusant de mourir et de se séparer de sa maman), au film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier (avec Loïc, le héros paresseux et despotique), etc.

 

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville


 

Par exemple, les personnages homosexuels du roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie « se comportent en enfants gâtés » : « Ils ne sont pas autre chose. Ils ont toujours été entourés, choyés, cajolés. » (p. 81) Dans le film « Torch Song Trilogy » (1989) de Paul Bogart, Arnold, le héros homo, est montré comme un être puéril et impossible à vivre : « Il faut pas mal de cran et un sacré sens de l’humour pour vivre dans les pompes d’Arnold »… Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, Zulma, la grand-mère travesti M to F, vole à l’étalage, pour sa fille Alba. Dans la pièce Confidences (2008) de Florence Azémar, Stéphane, le héros homosexuel, se décrit comme un « ado attardé qui n’arrive pas à grandir ». Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, le couple âgé homosexuel se comporte comme des gamines (Stella mange des sucettes, matte du porno lesbien ; Dotty fugue de sa maison de retraite) ; et après, Stella s’étonne quand même qu’« on la traite comme si elle avait 9 ans » ; et Dotty la recadre : « On n’est plus des petites filles, Stella. » Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville (avec Nicole Stéphane et Édouard Dermith), Paul et Catherine se comportent comme des enfants turbulents, chipant des objets dans les épiceries, tirant la langue aux petites filles dans les restaurants, se chamaillant sans arrêt, etc. Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Anne, l’héroïne bisexuelle de 15 ans, commande sérieusement un Happy Meal (pour les enfants) au Mc Do, et finit par agresser la restauratrice si elle n’obéit pas : « Je VEUX le jouet ! ». Avec ses jumelles-jouet gagnées avec son plat, elle scrute de près sa meilleure amie lesbienne Marie : « Trop bien ! Je vois les pores de ta peau ! » Ça saoule Marie : « J’en ai marre de tes conneries de gamine ! » Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, les deux amants Sieger et Marc font du trempoline avec Neetlje, la petite sœur de Marc.

 

Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, le trio d’homosexuels trentenaires Rudolf/Gabriel/Nicolas accumule les bourdes et les gamineries d’enfants espiègles et turbulents dans les montagnes autrichiennes. Par exemple, Gabriel et Nicolas ouvrent les cages à lapins alors que c’était défendu, et ils foutent la honte à leur ami Rudolf. Ils sont incapables de se tenir et d’agir en adultes. Plus tard, Nicolas joue à déglinguer les tire-fesses. Rudolf finit par capituler devant tant d’immaturité : « On n’a plus vingt ans. Moi, j’ai changé. Pas vous ! C’est pas Paris que je fuis : c’est vous ! »

 

Concrètement, beaucoup de héros homosexuels jouent des gamins qui sont « plus enfants que les enfants mêmes ». Autrement dit, ils sur-interprètent une enfance forcée, violée, aussi involontairement violente que l’hommage des personnes travesties ou transsexuelles M to F aux femmes réelles quand elles affichent avec sincérité une hyper-féminité d’apparat. L’hyper-jeunesse est fictionnellement signe ou moteur de violence.

 
PARODIES Collégiennes
 

Certains titres d’œuvres homo-érotiques connues sont d’ailleurs des signatures de la nature capricieux et inconstantes du désir homosexuel : cf. le troisième album Never Enough (1993) de Melissa Etheridge, le film « I Want What I Want » (1971) de John Dexter, le film « Nincsen Nekem Vagyam Semmi » (« C’est ce que je veux et rien d’autre », 2000) de Kornel Mundruczo, le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie (avec le faux magazine gay Obstiné, parodie de Têtu), la chanson « J’aime pas » de Stéphane Corbin, etc.

 
 

d) L’amour adolescent ou la sexualité régressive :

Film "Créatures célestes" de Peter Jackson

Film « Créatures célestes » de Peter Jackson


 

L’immaturité rejoint également la recherche d’amour homosexuel. Souvent, le héros gay est attiré amoureusement par la jeunesse, ou bien sa relation homosexuelle est circonscrite à une période d’adolescence prolongée : cf. la chanson « Depuis qu’il vient chez nous » de Dalida, le roman Les Vieux Enfants (2005) d’Élisabeth Brami, le film « Les Amitiés particulières » (1964) de Jean Delannoy, le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz), le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon (entre Victor et Selim, 17 ans), le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill (avec l’amour entre deux adolescents irlandais, Jim et Doyler), le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins (Chiron, le jeune héros homosexuel, sort avec son camarade Kevin), le film « Prora » (2012) de Stéphane Riethauser, le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (racontant l’amour tumultueux entre deux lycéennes, Sarah et Charlène), le film « L’Âge atomique » (2012) d’Héléna Klotz, le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma (dépeignant l’« amour » entre Marie et Floriane, deux adolescentes de 15 ans), le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer (Johnny et Romeo, avant d’être amants, étaient d’anciens camarades de collège), le roman Deux Garçons (2014) de Philippe Mezescaze, le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, le film « Nagisa No Sindbad » (« Grains de sable », 1995) de Ryosuke Hashiguchi (Ito, lycéen rêveur, secrètement amoureux de son meilleur ami Yoshida), le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp (avec les deux jeunes athlètes Marc et Seiger), etc. (cf. je vous renvoie aussi aux codes « Pédophilie » et « Élève/Prof » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Avec son partenaire amoureux, ils retombent en enfance. Par exemple, dans le film « Plan B » (2010) de Marco Berger, Bruno et Pablo ont une drôle de façon de se déclarer leur flamme : ils s’offrent en cadeaux une pelle et un seau… Dans la chanson « Les Attractions-Désastre » d’Étienne Daho, la voix narrative invite son amant à venir « faire l’avion » avec elle. Dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, les amants homosexuels jouent au cerf-volant ensemble dans une prairie. Dans le film « Cost Of Love » de Carl Medland, le beau Dale donne le biberon à un homme âgé qui est l’une de ses conquêtes. Dans le film « Die Bitteren Tränen Del Petra Von Kant » (« Les Larmes amères de Petra von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, Petra traite sa servante-amante comme une petite fille (elle l’envoie même faire des coloriages !). Dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, Esti et Ronit, après avoir été meilleures amies d’enfance, reconstituent à l’âge adulte la parodie, cette fois sérieuse et amoureuse, de leur lien enfantin. Dans la pièce La Dernière Danse (2011) d’Olivier Schmidt, Jack et Paul qualifient d’enfantillages de cour de « récréation » leur relation conjugale. Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Mariam Keshavarz, la relation amoureuse entre Shirin et Atefeh reste cantonnée à leurs années lycées, quand elles avaient 16 ans. Dans la pièce Tu m’aimes comment ? (2009) de Sophie Cadalen, la bisexualité se marie directement à l’enfance, avec l’enfant garçon qui veut avoir des « z’amoureux ». Dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, Karma et Amy, deux lycéennes, cherchent à être populaires dans leur lycée en se faisant passer pour lesbiennes. Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Tommaso, le héros homosexuel, pour expliquer à son frère Antonio qu’il est vraiment gay, revient sur son amitié particulière avec son camarade d’enfance Sasa : « On n’a jamais joué aux petites voitures, avec Sasa… » Dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Guillaume a connu son premier émoi homosexuel à 15 ans avec un certain Michael.

 

Dans les fictions homo-érotiques, l’homosexualité est spontanément associée à une sexualité de petit enfant, inachevée, incomplète, pré-pubère : « Vous faites de l’homosexualité infantile. » (Georges s’adressant à Jacob et Zaza, dans la pièce La Cage aux Folles (1973) de Jean Poiret) ; « On dirait des ados amoureuses. » (Bernd s’adressant à sa femme Marie par rapport à l’amante de celle-ci, Aysla, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; « Nous sommes comme les petits garçons qui mélangent leur sang. » (Malik à son amant Bilal, dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia) ; « Ah la pension… j’ai que des bons souvenirs là-bas. J’ai rencontré Johnny là-bas. » (Maxime, le héros homosexuel de la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; etc. L’homosexualité est reléguée à l’expérience d’adolescence passagère : « Je pensais à une petite amourette, comme des écolières. » (Ninette par rapport à l’amour que lui propose Rachel, dans la pièce Three Little Affairs (2010) de Cathy Celesia) ; « Tu t’es entichée d’elle comme une gamine. » (Richard, le copain de Thérèse, l’héroïne lesbienne, lui reprochant de partir avec une femme, dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes) ; « On a fini dans mon lit d’enfance. » (Abby racontant qu’elle a couché avec son amie d’enfance Carol qu’elle connaît depuis l’âge de 10 ans, idem) ; etc. Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, Angela Crossby ne prend pas au sérieux sa liaison amoureuse passagère avec Stephen, l’héroïne lesbienne : pour elle, il s’agissait juste de « quelques baisers d’écolières » (p. 196). Dans la pièce Moi aussi, je voudrais avoir des traumas familiaux… comme tout le monde (2012) de Philippe Beheydt, Eddy, jouant le rôle du père d’Édouard, suspecte ce dernier d’avoir eu une relation homosexuelle avec Michael, un camarade (fictif) du primaire, sur la cour d’école. Dans la pièce Les Amours de Fanchette (2012) d’Imago, la mère d’Agathe, voyant que sa fille est lesbienne, se lamente de son immaturité : « Faudrait d’abord qu’elle grandisse… » Dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, Jean-Marc affirme avoir une « sexualité adolescente » ; et Luc, son ex-compagnon, parle de « refaire du touche-pipi » avec lui. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben, le vieil oncle homo, pique la chambre d’adolescent de son petit neveu Joey, et y vit même une étreinte avec son amant George dans les lits superposés pour enfants.

 

Certains héros homosexuels, une fois qu’ils pratiquent les actes homosexuels, vivent différentes formes de régressions aux stades infantiles décrits par la psychanalyse (stade oral ou buccal, anal, génital, etc.) : « L’ocytocine, la molécule qui procure une sensation de plaisir pendant l’orgasme est aussi celle qui favorise le lien unissant la mère et l’enfant au moment de la tétée et la fidélité dans le couple. » (le Comédien dans la pièce Les Hommes aussi parlent d’amour (2011) de Jérémy Patinier) ; « La voisine prit le nouveau-né dans ses bras, ouvrit son corsage, mettant à nu un sein bien rond d’où, tout gonflé comme il était, le lait sortait déjà. Elle le guida vers la petite bouche qui instantanément se mit à téter. Je m’imaginais tétant ce joli sein, et me renouvelai la promesse que je m’étais faite : posséder un corps féminin et en avoir tous les plaisirs possibles. » (Alexandra, femme mariée attirée par les femmes soit plus mûres soit plus jeunes qu’elle, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 27) ; « Je la déshabillai tout à fait. J’approchai  ma bouche de son intimité, la léchant tendrement, comme un petit animal qui laperait du lait. » (idem, p. 65) ; « Elle a de bonnes mains chaudes et, vu notre différence de taille, quand elle s’occupe de moi, je retombe presque en enfance… […] Parfois, quand il y a trop d’huile et qu’elle l’essuie, je me sens comme une gamine dont on nettoierait le derrière. » (idem, p. 95) ; « J’eus alors l’idée de sucer mon pouce en la fixant. » (idem, p. 99) ; « Elle s’approcha de moi, ouvrit son corsage, sortit un sein puissant et rose, elle prit dans ses doigts le téton et l’approcha de ma bouche. Je le happai instantanément, comme je l’avais vu faire par l’enfant de la voisine. » (idem, p. 99) ; « Nous nous sommes embrassées lentement d’un jolie baiser de jeunes filles. » […] J’aurais voulu que cette préparation fût plus longue encore, pour que je puisse sentir un désir tendre monter en moi, comme lorsque j’étais jeune fille. » (idem, p. 194) ; etc. Par exemple, dans le roman La Cité des Rats (1974) de Copi, un parallèle est fait entre le lait maternel et le sperme de Mimile bu par sa fille Vidvn (p. 64). Pareil dans la pièce La Pyramide ! (1975), où le lait de vache symbolise la fellation. Fictionnellement, le sperme masculin est régulièrement confondu avec le lait maternel : je pense en particulier au film « La Manière Forte » (2003) de Ronan Burke (avec Adam, qui est utilisé comme une vache-à-lait du couple d’héroïnes lesbiennes), ou bien encore au film porno « Le Lait Nestlé » (2003) d’Hervé Joseph Lebrun. Dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti, lécher une glace est vu comme un signe d’homosexualité. Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, la mère de Laurent (jouée par Laurent lui-même) confond les Playboys et les Playmobils. Il n’est pas innocent que, dans les créations artistiques crypto-homos, le coït homosexuel fasse l’objet d’un traitement musical sur le mode de la comptine. Je vous renvoie par exemple au faux film porno « Bourre, bourre et ratatam » dans lequel Rick a joué dans le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie.

 

L’un des nombreux symboles fictionnels de la régression infantile que représente l’amour homosexuel, je dirais que c’est le bilboquet. « Quand Solange était petite, à l’âge de 5 ans, elle était fascinée par un enfant qui vivait sur le même palier, de 2 ans son aîné, qui passait sa journée assis dans l’escalier en train de jouer au bilboquet. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 112) ; « Je lui ai arraché les yeux pour m’en faire un bilboquet. » (Doris, l’héroïne lesbienne, parlant de l’actrice blonde Truddy, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; etc. On retrouve ce jouet en tant que code (un peu trivial et potache, du coup) censé mimer la pénétration anale par exemple dans le film « Les Hommes ne pensent qu’à ça » (1953) d’Yves Robert, le film « La Reine Margot » (1954) de Jean Dréville (avec le roi Henri III et son bilboquet), la chanson « Le Bilboquet » (1930) de Fernandel (abordant directement le sujet de l’homosexualité), la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim, etc. Dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, la statue de l’enfant au milieu de la place joue au bilboquet (p. 18). Dans la comédie musicale « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, Bill se définit lui-même comme un bilboquet : « Bill comme Bilboquet » Par exemple, dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony MacMurrough qualifie ses amants-prostitués de « bilboquets merdeux ».

 

Le héros homosexuel demande en général deux choses impossibles à son amant : que ce dernier l’aime comme lui imagine qu’une mère (incestueuse) aime son enfant ; ou qu’il se laisse aimer par lui comme un enfant, par son cœur de père : « Je caresse tes cheveux blonds. J’enlace ta jeunesse. » (Vincent à son amant Arthur, pourtant à peu près du même âge, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 47)

 

En sortant avec un homme nettement plus jeune que lui, il a l’impression de redevenir jeune, par un curieux atavisme fusionnel ; et de même, avec un homme beaucoup plus âgé, qui le dorlotera comme un petit bébé : « Il m’a semblé qu’aimer Ben c’était aimer celui que j’avais été, des années auparavant. » (Michael dans le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin, p. 26) ; « Je m’étais fait l’illusion de retrouver en vous ma propre jeunesse, mais rien en vous ne me séduit. Il y a trente ans je vous aurais peut-être trouvé désirable, et encore je ne suis pas sûr de cela, et puis vous n’étiez qu’un nouveau-né. » (Cyrille, le héros homo, au jeune journaliste, dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Je rentrai à la maison à pied avec le sentiment d’être à la fois étrangement jeune et étrangement vieille. » (Anamika, l’héroïne lesbienne de 18 ans, après avoir couché avec Linde, une femme mariée qui a l’âge d’être sa mère, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 43) ; « J’ai l’impression d’être à la recherche de mon enfance… » (Polly, l’héroïne lesbienne, évoquant son aventure avec son premier amour lesbien, Amandine, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 18) ; « La vérité, c’est que la différence entre Claude et moi, c’est l’âge ! Trente ans. Exactement trente ans trois mois et sept jours. Vous savez c’que ça veut dire cette différence ? Ça veut dire que j’ai la jeunesse, que cette salope m’a choisie pour ça, et qu’elle me jalouse. » (Polly parlant de sa compagne Claude, de 30 ans son aînée, op. cit., p. 78) ; « Vardelek revenait toujours avec l’air d’être beaucoup plus âgé, épuisé et las. Gabriel [jeune homme de 14 ans] se précipitait à sa rencontre et l’embrassait sur la bouche. Alors le comte [Vardelek] frissonnait légèrement et, après un petit moment, recommençait à avoir l’air très jeune. » (Erick von Stenbock, Histoire vraie d’un vampire, 1894) ; « Lola, viens ici. Je ne t’autorise pas à faire ce genre de caprice. » (Vera s’adressant à son amante Lola en la grondant, dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Ça va ! Je suis pas ta mère ! » (Lola s’adressant à son amante Nina, idem) ; « Tu ne sais jamais rien. J’en ai assez de te materner, Nina. » (idem) ; « Tu es une petite fille dans ta tête. » (Vera s’adressant à Nina, idem) ; « Oui, c’est confortable de stagner dans l’enfance. » (Lola parlant de Nina à Vera) ; etc. Rien d’étonnant qu’à un moment donné, il finisse par ne plus supporter ni l’infantilisation ni son paternalisme !

 

L’infantilisation qu’est la pratique homosexuelle dépasse largement le « couple » fictionnel homosexuel. Elle renvoie à la société toute entière, à un processus étatique. « C’est criminel de la part d’un État d’avoir infantilisé ainsi les gens. » (le père de Claire, l’héroïne lesbienne, à propos du gouvernement Hollande qui a fait passer le « mariage pour tous », dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
 
 

a) J’ai 10 ans, je sais que c’est pas vrai mais j’ai 10 ans…

Steevy Boulay

Steevy Boulay (et son Bourriquet)


 

L’homophilie est une structure psycho-affective, une tendance ou, si l’on préfère, une période de latence occupant les six ou sept premières années de l’enfance. L’être humain n’a donc pas vocation de s’y installer éternellement, et encore moins à l’âge de la maturité adulte. Et s’il s’y installe (à travers une homosexualité-identité ou une homosexualité actée), il s’expose fatalement à adopter des comportements régressifs, autrement dit immatures.

 

En général, les personnes homosexuelles veulent rester éternellement jeunes, ne jamais quitter l’enfance. Elles le disent parfois explicitement : « J’ai l’impression d’être un enfant bloqué dans un corps d’adulte me confrontant aux mondes d’adultes. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014) ; « Longtemps, je n’ai pas voulu grandir. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 258) ; « Cher Jorge Lavelli, Je te donne cette pièce en souvenir attendri de la ville de Buenos Aires qui a été, pour nous aussi, un peu le parc de notre enfance. C’est dans un coin de rue rose de cette ville que nous avons tué à coups de marteau dix-sept facteurs, un marchand de melons et la putain du coin avant d’aller comme des gosses scier les arbres des patios de San Telmo. » (cf. l’extrait d’une lettre de Copi à Jorge Lavelli, en préface de la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « Je me reconnais à 100% dans le personnage de Claudine Dorsel dans le Club des Cinq ; Comme elle, je ne voulais pas grandir, comme elle j’aurais préféré vivre à l’âge adulte seule dans mon île avec mon chien. […] Grandir me terrorisait. J’en faisais des crises d’angoisse dès que j’y pensais. J’ai accueilli comme un soulagement le redoublement du CM2, et j’ai pu sympathiser avec des filles plus jeunes, qui partageaient donc plus mes centres d’intérêt. Mais la puberté a été quand même été terrible pour cette raison. Je ne voulais surtout pas devenir comme ces femmes que je connaissais. Surtout comme ma mère. J’avais l’impression qu’elle vivait sa maternité comme une source de frustration, à l’époque. S’il fallait grandir, je voulais garder le goût de l’aventure, le plaisir du jeu. Un peu comme un homme, me disais-je. Je voulais être militaire, pilote de chasse, parce que c’était à mes yeux le truc le plus enivrant qu’on puisse faire. Ma vue, qui s’est détériorée, ne m’a pas permis de perdurer dans cette ambition. […] À partir de 14 ans, je me suis progressivement volontairement coupée des jeunes de mon âge, jusqu’à finir dans un isolement complet en prépa. J’étais devenue une fille repliée sur elle-même, asociale, complexée, effrayée de tout. » (cf. l’article « Tom Boy à l’affiche » de Bab El) ; etc. Par exemple, dans le documentaire « Homophobie à l’italienne » (2007), le couple Gustav Hofer et Luca Ragazzi se montre en train de laver ses figurines en plastique des dessins animés de Walt Disney dans une bassine (« Pour se détendre, ils cultivent en eux l’enfant qu’ils n’ont jamais cessé d’être. » commente la voix-off). Le poète homosexuel espagnol Luis Cernuda, quant à lui, décida toute sa vie de « se réfugier dans son imaginaire ou rester comme un enfant » (Armando López Castro, Luis Cernuda En Su Sombra (2003), p. 16). Le documentaire « Jenny Bel’Air » (2008) de Régine Abadia est présenté comme « l’histoire d’un petit garçon [le travesti M to F Jenny Bel’Air] à qui on a volé une enfance » (dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 80). Parmi mes amis homos, j’en connais énormément qui sont restés accros à leurs peluches, à leurs dessins animés, et à leurs jouets, alors même qu’ils ont trente ans passés…

 

Le réalisateur grec Panos H. Koutras

Le réalisateur grec Panos H. Koutras


 

Par ailleurs, je me faisais la remarque que le jeunisme était un des signes les plus latents de l’homosexualité un jour que je me trouvais dans le métro face à deux couples d’hommes gays de 50 ans qui se trouvaient dans le même wagon que le mien. J’ai immédiatement deviné leur homosexualité simplement parce qu’ils ne portaient pas les vêtements de leur génération, et qu’ils faisaient tout pour ne pas faire leur âge. En dehors de tout jugement moralisant ou de débat de goûts (car en plus, je trouve que parfois, la contrefaçon est très réussie et à peine identifiable/ridicule), je constatais que ne pas assumer son âge et s’habiller « jdeunes » et « fashion », ça faisait particulièrement homosexuel, ça faisait tout de suite pédale du Marais ou métrosexuel bisexuel.

 
 

b) Peter Pan :

PARODIES Peter Pan Girls

 

Pour poursuivre sur la même idée, il est peu surprenant que certaines personnes homosexuelles s’identifient à Peter Pan, le mythique héros qui refuse de grandir : « Elle est belle, mais difficile à peindre… Tu aurais dû choisir Peter Pan. » (Silvia parlant à Delia de son portrait d’Evita, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 182) ; « J’aimais les histoires de chevalier, je m’imaginais Robin des Bois, ou encore Peter Pan. » (cf. l’article « Tom Boy à l’affiche » de Bab El) ; etc. Peter Pan est le personnage préféré de beaucoup de personnalités homosexuelles (Jean Sennac, Michael Jackson, Alan Moore, Clive Barker, Bruno Moneroe, etc.). Par exemple, l’acteur britannique homosexuel Ian McKellen a joué le Capitaine Crochet dans le spectacle Peter Pan (1998). William Burroughs s’est énormément inspiré de la mythologie de Peter Pan pour écrire son roman Les Garçons sauvages (1972). Lors du débat « Transgenres, la fin d’un tabou ? » diffusé sur la chaîne France 2 le 22 novembre 2017, Lucas Carreno, femme F to M, est née jumelle avec un frère. Quand elle était petite, elle s’identifiait toujours à Peter Pan ou Mowgli. Certaines chanteuses et icônes gays sont rentrées dans la peau de la fée Clochette ou de Peter Pan : Alizée, les Spice Girls (cf. le vidéo-clip de la chanson « Viva Forever »), etc.

 

Tout cela s’explique assez bien. Le désir homosexuel, parce qu’il s’éloigne du Réel en rejetant en grande partie la différence des sexes, encourage les individus qui le ressentent à s’éloigner aussi d’un autre « roc » du Réel qui est la différence des générations. Le psychologue Dan Kiley a tracé, non sans raison, le lien entre homosexualité et Syndrome de Peter Pan (SPP), même s’il se garde fort heureusement de tomber dans la généralité : « Il est intéressant de voir qu’au théâtre le rôle [de Peter Pan] est généralement confié à une jeune fille. » (p. 132) ; « Je ne veux bien évidemment pas dire que tous les gays le sont parce qu’ils sont victimes du SPP (même si certains d’entre eux correspondent effectivement à la description de la victime du SPP). » (idem, p. 42)

 
 

c) Parodie du môme immature jouée par un adulte:

Comme le constate à juste raison Pascal Bruckner dans son essai La Tentation de l’innocence (1995), « Notre époque privilégie un seul rapport entre les âges : le pastiche réciproque. Nous singeons nos enfants qui nous copient. » (p. 95)

 

Film "Tick Tock Lullaby" de  Lisa Gornick

Film « Tick Tock Lullaby » de Lisa Gornick

 

Ce refus de vieillir et cette obsession pour la jeunesse ont leur revers déplaisant : ils transforment bien souvent leur adulateur homo en petit sale gosse turbulent et immature… car en effet, à son insu, ils l’ont éloigné du réel : « Il faut admettre que ce comportement d’éternel adolescent me jouait parfois de vilains tours. Effectivement, je tombais amoureux mais cela ne durait pas plus d’une semaine. » (Ednar, dans le roman semi-autobiographique Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste, p. 132) ; « Si j’aime, je dis que je ne n’aime pas. Si je n’aime pas, je dis que j’aime. » (Jean Cocteau, cité dans le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala) ; « Marc avait raison, elle serait perpétuellement une éternelle gamine qui ne mûrirait jamais. Il arrive que des inconscients me fassent remarquer que je ne sais pas ce que c’est que d’avoir des enfants. Ils sont dans l’erreur car pendant douze ans, j’ai eu Martine sur les bras. » (Paula Dumont parlant de sa compagne Martine, avec qui elle est restée 12 années, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 163) ; « Je me préfère toujours aux autres et je n’ai jamais eu envie de changer quoi que ce soit ni à mon apparence ni à mes attirances. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), pp. 7-8) ; « Si tant est que je puisse être modeste… » (Blandine Lacour à l’émission Homo Micro de Paris Plurielle, diffusée le 11 avril 2011) ; « Je devins bientôt un enfant brillant mais de caractère difficile. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 12) ; « Je déteste beaucoup de choses dans la vie. » (Lucía Etxebarría, auteure bisexuelle, lors de la présentation de son roman Le Contenu du silence (2012), organisée à la Galerie Dazelle de Paris, le 12 juin 2012) ; « J’ai été mal dans ma peau jusqu’à l’âge de 20 ans. Je me trouvais moche, je ne plaisais pas. J’ai vite compris qu’il fallait que je séduise par autre chose que mon physique. J’avais l’humour caustique, un peu anglais. J’étais vieux à 20 ans et jeune à 40, l’âge où j’ai commencé à déboutonner mon corset. » (Stéphane Bern, Paris Match, août 2015) ; « Dans un tract politique nazi du 16 septembre 1919, on pouvait lire ce slogan : ‘L’Allemagne est en train de devenir une ‘maison chaude’ pour les fantasmes et l’excitation sexuelle.’Cette formule correspondait à une réalité certaine. Des touristes du monde entier venaient à Berlin, parce qu’elle était surnommé ‘Sin City’… On pouvait même trouver des filles de 10-11 ans portant des habits de bébés qui se promenaient de minuit à l’aube en concurrence avec des blondes luxuriantes, nues dans leurs manteaux de fourrures. Ou avec des garçons habillés en poupées, poudrés, les yeux faits, et du rouge aux lèvres. Pas moins de deux mille prostitués mâles sillonnaient les rues de Berlin, tous listés par la police. » (Philippe Simonnot parlant de la libéralisation des mœurs dans la ville nazie berlinoise des années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 31) ; etc.

 

Certains ouvrages homo-érotiques sont des signatures de la nature capricieuse et immature du désir homosexuel. Je vous renvoie au titre du magazine homosexuel français par excellence, Têtu.

 

Pochette du single "Plus grandir" de Mylène Farmer

Pochette du single « Plus grandir » de Mylène Farmer


 

Par exemple, dans ses chansons, Mylène Farmer, l’icône gay française en titre, joue presque systématiquement la femme-enfant capricieuse ou névrosée (cf. « Plus grandir », « Chloé », « Sans contrefaçon », « L’Horloge », « On est tous des imbéciles », « Dessine-moi un mouton », « Libertine », « Maman a tort », « Effets secondaires », « Comme j’ai mal », « Lonely Lisa », « Monkey Me », etc.) ; et de plus, elle a « salegossisé » sa petite protégée, Alizée, en lui faisant chanter des mélodies aux jeux de mots salaces (« Mon Maquis », « Veni Vidi Vici ») ou en la forçant à grossir sa jeunesse (« J’en ai marre », « J’ai pas 20 ans ! », « Youpidou », « Parler tout bas »).

 

Autre exemple, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, le spectateur assiste, médusé, à la chorégraphie de petites fillettes façon mangas adolescents japonais effectuée par les quatre comédiennes adultes. Elles sont font à elles-mêmes des réflexions qui résonnent comme des aveux : « T’es devenue trop mature. » (Kanojo s’adressant à son amante Juna)
 

La parodie de jeunesse ainsi effectuée par la communauté LGBT ne rejoint pas les vrais enfants, mais au contraire l’enfant métaphorique despotique (mi-sale gosse mi-adulte) que certaines personnes homosexuelles deviennent parfois. Leur relationnel garde souvent d’elles une image de petits tyrans puérils et inconstants. C’est ce qui transparaît quand on lit les biographies de Virginia Woolf, Marcel Proust, Violette Leduc, Jean Genet, Federico García Lorca, Luis Cernuda, James Dean, Charles Trénet, Miguel de Molina, pour ne citer qu’eux. « Tous ceux qui ont connu Julio Antonio Gómez Fraile parlent d’un grand enfant, capricieux et obstiné dans ses désirs. » (www.islaternura.com, consulté en janvier 2003) ; « Genet était insaisissable, cabotin, profiteur, insupportable. Et en même temps sa gentillesse, son côté enfantin ! » (cf. l’article « Jacques Guérin : Souvenirs d’un collectionneur » de Valérie Marin La Meslée, dans le Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 73) ; « Dès le début de sa carrière, Cocteau entre de plain-pied, après une adolescence fiévreuse et brûlante d’enfant gâté, dans les hauts parages de la société parisienne. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 204) ; « Il ne supportait pas l’ennui. Il fallait toujours le surprendre sinon il se dégoûtait vite. » (Myriam Mezières dans la biographie Copi (1990) du frère de Copi, Jorge Damonte, p. 71) ; « Marcel est génial, mais c’est un insecte atroce, vous le comprendrez un jour. » (Lucien Daudet à propos de Marcel Proust, cité par Jean Cocteau dans son article posthume Le Passé défini, 1983) Par exemple, l’écrivain Paul Bowles a très bien décrit « l’enfant-femme que Carson McCullers a été toute sa vie » (Josyane Savigneau, Carson McCullers (1995), p. 17) ; « J’aimais énormément Carson. C’est un démon, mais je la respectais. » (Truman Capote dans la biographie Carson McCullers (1995) de Josyane Savigneau, p. 189) ; « J’ai toujours ressenti Carson comme une destructrice, et c’est la raison pour laquelle j’ai choisi de ne jamais me lier trop intimement avec elle. De l’affection pour elle, j’en avais très réellement. […] Carson reste dans mon esprit comme un génie enfant. » (Elizabeth Bowen à Virginia Spencer Carr, op. cit., p. 261) Gómez de la Serna présente Antonio de Hoyos comme « un enfant gâté par sa mère » (Alberto Mira, De Sodoma A Chueca (2004), p. 129) ; « Cocteau a eu la vie facile. » (la voix-off du documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) Yves Riou et Philippe Pouchain) ; etc. Dans le biographie James Dean (1995) de Ronald Martinetti, James Dean est défini par Alec Wilder comme « un gosse avec un esprit de gosse » (p. 90) et un « enfant gâté manipulateur et extrêmement égoïste » (p. 21). Dans la biographie du poète homosexuel espagnol Federico García Lorca, écrite par le frère de ce dernier, Francisco, il est question de « cette sensation de pouvoir infantile qui se réveille en Federico » (Francisco García Lorca, Federico Y Su Mundo (1980), p. 27). Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, les amants Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent se traitent mutuellement d’« enfants gâtés ». Dans son essai Le Rose et le Noir (1996), Frédéric Martel qualifient certains militants homosexuels des années 1970-1990 d’« enfants gâtés du capitalisme » (p. 114). Les personnes homosexuelles ne démentent pas toujours leur côté sale gosse. Par ailleurs, Jean Cocteau avouait lui-même avoir grandi « avec trop de chance, dans un milieu qui ne goûtait pas les choses qu’il devait lui devenir saintes » (cf. le documentaire « Jean Cocteau, autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky).

 

PARODIES barbu nounours

 
 

d) L’amour adolescent ou la sexualité régressive :

L’immaturité rejoint également la recherche d’amour homosexuel. Souvent, le sujet homosexuel est attiré amoureusement par la jeunesse, ou bien son histoire d’amour homosexuel est circonscrite à une période d’adolescence prolongée (cf. je vous renvoie aux codes « Pédophilie » et « Élève/Prof » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Avec son partenaire amoureux, ils retombent souvent en enfance. « Une des caractéristiques de l’amour homosexuel, avec son culte du jeune homme merveilleux, consiste à abolir le temps. » (John Sutherland, Is Heathcliff A Murderer ? Puzzles In The 19th Century Fiction, 1938) ; « Quand on est en couple, on essaie de ne pas trop attirer l’attention. Comme beaucoup d’ados, d’ailleurs. » (Wilfried de Bruijn, homo en couple, à propos des « couples » homos, dans le documentaire « Homo et alors ?!? » (2015) de Peter Gehardt) ; « Et cet amour tel qu’il s’exprime reflète peut-être un manque de maturité. » (Franco Brusati interviewé par Claude Beylie au sujet de l’homosexualité, dans la revue L’Avant-Scène Cinéma, n°277, le 1er décembre 1981) ; « Je ne comprends toujours pas comment j’ai pu atteindre mon âge si avancé, tomber amoureux de plusieurs garçons et passer à l’acte, même si ma pratique sexuelle restait très adolescente, sans réaliser que j’étais tout simplement homosexuel. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 30) ; « J’ai l’impression que pour moi le temps s’est arrêté à l’adolescence. Aujourd’hui, j’ai 45 ans et je suis systématiquement séduit par des très jeunes hommes d’environ une vingtaine d’années, comme si moi-même j’étais resté fixé à cet âge-là. » (idem, pp. 47-48) ; « J’ai regardé notre couple avec indulgence : deux vieilles adolescentes qui avaient attendu vingt ans pour s’aimer. » (Paula Dumont parlant de son couple avec Catherine, dans son autobiographie La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 41) ; « Moi, je m’estimais immature et nullement prêt pour être livré à moi-même. […] Je ressentais un vif plaisir à rester le fils de ma mère, en jouant avec mes camarades dans des rôles, où l’on pouvait me protéger, où je n’avais pas à prendre de décisions ou à prouver un statut de responsable. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 19-20) ; « C’est pendant mon adolescence que j’ai vécu les ‘mauvaises habitudes’. » (Pierre Démeron, homosexuel de 37 ans, au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 3 avril 1969) ; etc.

 

PARODIES Tatu

 

Freud et la psychanalyse avaient vu juste en décrivant la structure homosexuelle comme un arrêt dans le développement psycho-sexuel d’un individu. Car du côté homosexuel comme non-homosexuel, on remarque que l’homosexualité est spontanément associée à une sexualité de petit enfant, inachevée, incomplète, pré-pubère. Certaines personnes homosexuelles, une fois qu’elles pratiquent les actes homosexuels, vivent différentes formes de régressions aux stades infantiles (stade oral ou buccal, anal, génital, etc.) qu’elles décrivent parfois sans même se rendre compte de la signifiance de leurs propos : « C’est comme ça. Je me suis toujours senti plus à l’aise en couches. J’ai toujours trouvé les mecs en couches très excitants. » (Jerry, graphiste homosexuel canadien de 38 ans, cité dans l’ouvrage Le Sexe bizarre (2004) d’Agnès Giard, p. 131)

 

Même si elles y mettent du sentiment et de la sincérité (dans le meilleur des cas), les personnes homosexuelles n’ont pas une sexualité véritablement adulte quand elles choisissent de vivre en couple : celle-ci relève prioritairement du jeu adolescent, de la simulation, de l’imaginaire, de l’artifice. Certaines plaisantent très souvent entre elles sur la « sexualité touche-pipi »… mais elles ont quasiment toutes commencé par elle – souvent avec angoisse d’ailleurs –, et l’ont maintenue à l’âge adulte, cette fois dans sa version « trash », pour se donner l’illusion qu’elles la vivaient de manière plus mature et responsable. De même, nous pourrions tout à fait comparer la fellation (pratique qui n’est pas exclusivement homosexuelle mais qui reste très répandue parmi les hommes gay) à une sorte de retour au biberon, comme l’a suggéré à juste raison Hervé Joseph Lebrun dans son film érotique « Le Lait Nestlé » (2003), preuve que la sexualité humaine est parfois régressive. Helene Deutsch, Sigmund Freud, ou bien encore Simone de Beauvoir, évoquent le rapport de proximité entre homo-sexualité et adolescence. Il n’est pas innocent que Colette décrive le coït lesbien comme une « sexualité de petites filles », ou que le rapport homogénital fasse l’objet d’un traitement musical sur le mode de la comptine : par exemple, les chansons « Quel souci La Boétie ! » de Claudia Phillips, « Orgasmique » du rappeur homo Monis, et « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, reprenant l’air d’« am-stram-gram », se référent ludiquement aux coïts homosexuels masculins.

 

Dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko, homosexuel, raconte comment le premier attouchement pédophile qu’il a vécu l’a ramené à un agréable souvenir  sensoriel d’enfance : « J’avais trouvé cette pratique agréable au même degré que lorsque tout petit ma nourrice s’amusait à faire de mes fesses et de mon sexe, son jouet favori. » (p. 35)

 

L’un des nombreux symboles de la régression infantile que représente l’amour homosexuel, c’est à mon avis le bilboquet. Ce jouet était, dans l’imaginaire collectif homosexuel, l’ancêtre espiègle des sex toys d’aujourd’hui. Par exemple, dans l’essai Le Musée de l’Homme : Le Fabuleux Déclin de l’Empire masculin (2005) de David Abiker, Victor, l’ami gay, possède sur la table basse de son salon, des magazines (Têtu, Match, Télérama) et… un bilboquet !

 

Il est fréquent que certains individus homosexuels idéalisent un amour de jeunesse dont ils n’ont pourtant qu’un vague souvenir (le Maximin de Stefan George, le Ednar de Jean-Claude Janvier-Modeste, le Jimmy de Gore Vidal, etc.) En sortant avec un homme nettement plus jeune qu’eux, ils ont l’impression de redevenir jeunes ; et de même, avec un homme beaucoup plus âgé, qui les dorlotera comme un petit enfant : « Aux différents âges de ma vie, ceux qui m’ont aimé se sont adressés à moi comme un enfant. Il est vrai qu’aimer consiste à ne pas sortir de l’enfance. Ainsi n’ai-je pas accédé à l’état adulte. J’ai la faiblesse de croire qu’il s’agit d’une grâce. » (Christian Giudicelli dans son autobiographie Parloir (2002), p. 60) ; « J’ai tout d’abord rencontré Claire, une femme de mon âge, à l’air austère. Mais elle n’était attirée que par les filles de vingt ans. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 198) Mais ils ne se rendent pas toujours compte qu’ils demandent en général deux choses impossibles à leur amant : que ce dernier les aime comme ils imaginent qu’une mère aime son enfant (souvent une mère incestueuse, trop obligeante dans sa sollicitude) ; ou qu’il se laisse aimer par eux comme un enfant, par leur cœur de père. Rien d’étonnant qu’à un moment donné, ils finissent par ne plus supporter ni l’infantilisation ni leur propre paternalisme !

 

Vidéo-clip de la chanson "Lucky Love" d'Ace of Base

Vidéo-clip de la chanson « Lucky Love » d’Ace of Base


 

(Je rappelle pour finir que ce code fonctionne en doublon avec le code « Éternelle jeunesse » dans ce même Dictionnaire.)

 
 

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Code n°137 – Parricide la bonne soupe (sous-codes : Destruction des hommes / Père absent ou indifférent / Hamlet / Recherche du père avortée)

Parricide

Parricide

À mon papa, José Ariño,

que j’aime comme un fils essaie d’aimer son père.

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

Homosexualité : la crise mondialisée de paternité

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

L’homosexualité indique-t-elle un problème relationnel avec le père ? « N’importe quoi ! » me diront les quelques rares personnes homosexuelles qui soutiennent qu’elles s’entendent parfaitement bien avec leur papounet d’amour. Et elles n’auront pas tort : le cliché de la haine homosexuelle du père reste une image qui inclut de nombreuses exceptions humaines. « Sottise ! » sortiront ceux qui pensent que « tout le monde a un problème avec son père, homos et hétéros confondus ». Et ils n’auront pas tort non plus ! Tous les êtres humains ont, universellement, un contentieux à régler avec leur papa, non seulement biologique mais aussi adoptif et symbolique (par « père symbolique », j’entends le Réel, le pouvoir, la Loi, la force, l’effort, la guerre, les limites, la Parole, Dieu). La paternité est un enjeu fort qui se joue, se règle, et s’accomplit sur la durée et la distance. Mais dans la gestion de ce contentieux, certains individus s’en sortent beaucoup mieux que d’autres. Et à l’évidence, le rapport au père, de la part des personnes homosexuelles, est particulièrement blessé, tendu, inexistant, excessivement fusionnel.

 

Les clichés de l’homosexualité évoquant le père absent ou la haine du père, même si évidemment ils ne sont pas à transformer en causes directes de l’apparition d’un désir homosexuel, sont, je crois, le signe que les individus homosexuels et hétérosexuels ont vécu une rupture avec leur père plus marquée que les personnes non-homosexuelles et non-hétérosexuelles, et ce, de manière quasi générale, comme le prouve l’enquête Spira et tous les témoignages amicaux que je peux entendre : « Le sous-échantillon Spira confirme que les adolescents homosexuels masculins ont des relations beaucoup plus faciles avec leur mère qu’avec leur père, et ce dans des proportions extrêmement significatives, qui le sont encore davantage si on les compare aux hétérosexuels. Le dialogue sur la sexualité avec le père était ‘difficile’ ou impossible pour la quasi-totalité (98%) des adolescents homosexuels. » (Alfred Spira, Les Comportements sexuels en France, 1993) L’aversion homosexuelle pour le père biologique et ses figures symboliques traduit bien plus largement une misandrie sociale, c’est-à-dire un mépris croissant pour les hommes du simple fait qu’ils seraient naturellement, de par leur sexuation, des prédateurs, des bébés immatures, des abrutis vulgaires, violents, et prétentieux. Aujourd’hui, ce mépris anti-mâles passe complètement inaperçu aux yeux de nos contemporains féministes luttant contre le diable de la « domination masculine patriarcale », et retombe de surcroît en violence accrue sur les femmes réelles.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Homme invisible », « Haine de la famille », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Ombre », « Inceste », « Matricide », « Homosexuels psychorigides », « L’homosexuel = L’hétérosexuel », « Don Juan », « Femme et homme en statues de cire », « S’homosexualiser par le matriarcat », et « Orphelins », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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1 – PETIT « CONDENSÉ »

 

La diabolisation des hommes

par les hommes gays

 

Beaucoup d’individus gays nourrissent depuis leur enfance une haine viscérale contre la gent masculine. Le « mâle » et le « mal » sont souvent des synonymes dans leur esprit et dans leurs discours. Malgré leur maturité d’adultes, ils restent encore étonnés de trouver chez les garçons les qualités qu’ils n’envisageaient découvrir que chez les femmes (douceur, attention, écoute, grâce, sensibilité, etc.). Par conséquent, à chaque fois qu’ils pensent voir ces dernières chez les hommes, ils se laissent totalement charmer et perdent tous leurs moyens. Ils tombent dans le piège de croire que le seul individu (avec eux !) qui incarne cette autre « nature masculine exceptionnellement raffinée » n’est pas vraiment homme, et qu’ils doivent sûrement l’aimer d’amour. Pour ce qui est du reste de leurs semblables sexués, ils s’en font en général une image particulièrement déshumanisée et machiste de brutes épaisses. Par cette caricature réductrice, ils ne prennent pas conscience qu’ils blessent vraiment les hommes réels non-hétérosexuels (qui n’ont rien à voir avec les personnages masculins des publicités et des films).

 

Le principal représentant de ces derniers est bien sûr le père. Beaucoup de sujets homosexuels disent avoir une relation très mauvaise voire inexistante avec leur père (biologique, et surtout symbolique). Ils gardent de lui l’image d’un bon à rien qu’ils doivent remplacer et qui a rendu leur mère éternellement malheureuse. À les entendre, le père universel possède tous les défauts qu’un être humain puisse avoir : il est odieux, ridicule, autoritaire, démissionnaire, mort, ou endormi parce qu’il déserte son rôle de géniteur (… un peu comme eux finalement). Beaucoup de réalisateurs homosexuels ont coutume de présenter la recherche de père comme un prétexte au faux voyage, ou bien une quête perdue d’avance. Dans leurs fictions, ils inversent les rapports d’éducation : ce sont les enfants fictionnels qui éduquent leur père, et non l’inverse.

 

En matière de sexualité, la substitution au père peut se traduire par la composition de couples homosexuels dont l’écart d’âge entre partenaires est assez prononcé. L’homosexualité agit alors comme un meurtre à la fois réel et symbolique du père : nous retrouvons très souvent dans les œuvres homo-érotiques le thème du parricide, et notamment une prédilection pour le personnage d’Hamlet. Comme, en fantasme, certains individus homos ont désiré que leur père meure, ou bien parce qu’ils ont regretté son absence (du fait de sa mort, de son indifférence, de son éloignement géographique…), ils pensent parfois l’avoir réellement tué. La haine du père peut également cacher un désir incestueux refoulé. Par exemple, John, dans le film « Rebel Without A Cause » (« La Fureur de vivre », 1955) de Nicholas Ray, avant d’avouer que son père est toujours vivant et qu’il le déteste à travers l’idéalisation, fait croire qu’il est un héros légendaire de la mer de Chine mort courageusement au combat.

 
 

Ces femmes lesbiennes

misanthropes et misandres

 

Généralement, les femmes lesbiennes ne respectent pas davantage les hommes que les hommes gay. Certaines aiment beaucoup les messieurs, certes, mais pour s’en servir comme paravent de la sexualité. « Les garçons me protégeaient ; j’étais à l’abris avec eux. » (Véronique, femme lesbienne interviewée dans l’essai Les Chrétiens et l’homosexualité (2004) de Claire Lesegretin, p. 258) Elles les regardent comme des objets, étant donné qu’elles disent très souvent qu’elles les préfèrent « vus de dos » (Marie-France, femme lesbienne de 54 ans, dans le documentaire « Une Vie ordinaire ou mes questions sur l’homosexualité » (2002) de Serge Moati) et non de face. Ceci est particulièrement flagrant dans les romans de Colette, où les protagonistes masculins sont quasiment toujours observés de dos ou endormis (Je vous renvoie également à la partie « Dos » du code « Amant comme modèle photographique » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels).

 

L’aversion lesbienne pour les hommes n’est pas à prendre totalement au pied de la lettre, dans la mesure où beaucoup de femmes ont confondu l’homme imagé avec l’homme réel. C’est pourquoi, lorsque certaines déclarent très sincèrement que la haine lesbienne des hommes est un « mythe homophobe » (Marie-Jo Bonnet, Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004), p. 152), je crois qu’elles ont en partie raison, du moins dans le monde de l’intention. Mais dans le monde de la réalité concrète et des désirs, comme la distinction entre image et Réalité n’a pas toujours été faite, cette haine peut devenir effective. La butchphobie ou la gayphobie sont des signes tangibles de ce rejet de l’image des hommes, et parfois des hommes réels, exercé par certaines femmes lesbiennes. À entendre beaucoup d’entre elles, l’homme n’aurait jamais fait le bonheur de la femme au cours de l’histoire de l’Humanité. Il ne serait qu’un être lubrique, un obsédé sexuel, un violeur en puissance qui ne penserait qu’à « grimper les femmes ».

 

Paradoxalement, leur critique virulente du patriarcat s’accompagne d’une idéalisation diabolisée de la gent masculine. Elles pensent que l’homme, parce qu’il possède un pénis, est le seul à pouvoir être rongé par l’orgueil, étant donné qu’elles ont fétichisé le pénis en sceptre magique (qu’elles appellent à tort « phallus », alors que ce dernier ne désigne pas l’organe génital « pénis », mais la puissance narcissique et sexuelle n’appartenant pas plus aux hommes qu’aux femmes : cf. Jacques Lacan, « La Signification du phallus », conférence prononcée en 1958 et publiée pour la première fois dans les Écrits (1966), pp. 685-695) avant d’afficher pour celui-ci un profond mépris : « Ça gêne les hommes de savoir que les femmes lesbiennes puissent avoir du plaisir sans leur pénis ! » disent certaines. Beaucoup de femmes lesbiennes s’opposent au sexisme parce que précisément elles sont en général sexistes et génitalistes.

 

Enfin, à propos de la relation entre les femmes lesbiennes et leur papa, elle n’est habituellement pas plus pacifiée que chez les garçons gays : le père est tout autant jugé comme un rival (parce qu’il a mis un frein au rapport fusionnel avec la mère) ou un pote trop proche pour créer le mystère générant le désir génital pour l’autre sexe. Dans les deux cas, c’est l’inceste ou un désir incestueux qui se trouve à la racine de la distance/rupture avec le père, et du souhait parricide.

 
 

2 – GRAND DÉTAILLÉ

 

FICTION

 

a) La misandrie (mépris des hommes-mâles) :

Film "Huit Femmes" de François Ozon

Film « Huit Femmes » de François Ozon


 

Beaucoup d’œuvres de fiction traitant d’homosexualité expriment nettement une haine des hommes, c’est-à-dire une misandrie. Le portrait des hommes dressé dans les fictions traitant d’homosexualité est tout sauf brillant : leur musculature et leur assurance grotesque sont inversement proportionnelles à leurs qualités humaines intérieures : cf. le film « Baise-moi » (2000) de Virginie Despentes, le one-woman-show Karine Dubernet vous éclate ! (2011) de Karine Dubernet.), le film « Macho Dancer » (1988) de Lino Brocka, le film « Macho » (1994) de Bigas Luna, la chanson « Macho Man » des Village People, la pièce À trois (2008) de Barry Hall, la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et Maria Ducceschi (avec Gérard, la caricature du gros macho), le film « Fire » (2004) de Deepa Mehta (avec les machos obsédés sexuels), la pièce Coming out (2007) de Patrick Hernandez (avec les hétéros buveurs de bière et gros bébés), le film « Priscilla, folle du désert » (1995) de Stephan Elliot (avec les hétéros gratuitement homophobes), le film « Du même sang » (2004) d’Arnault Labaronne, le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, le film « Boys Don’t Cry » (1999) de Kimberly Peirce, le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1999) de Pedro Almodóvar, la pièce Les Amazones, 3 ans après… (2007) de Jean-Marie Chevret (avec Pablo, l’hétéro de base, volage et macho), le film « Beignets de tomates vertes » (1991) de Jon Avnet, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, la pièce Jupe obligatoire (2008) de Nathalie Vierne (avec Bernard), la pièce String Paradise (2008) de Patrick Hernandez et Marie-Laetitia Bettencourt (où la haine des machos est clairement exprimée), la chanson « Viril » d’Oshen, le vidéo-clip de la chanson « Rumour » de Chlöe Howl, le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion (où les hommes y sont dépeints comme des prédateurs, des manipulateurs), le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska (avec un milieu masculin des plus brutaux), le film « In & Out » (1997) de Frank Oz (avec les amis de Howard pendant son enterrement de vie de garçon), etc.

 

« Et les hommes, tu crois qu’ils ne sont pas cruels ? » (Sophie dans la pièce Nationale 666 (2009) de Lilian Lloyd) ; « Les hommes ne sont-ils pas tous des gros salauds ? » (Steve, le frère hétéro de George le héros homosexuel, dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner) ; « Ahhh… les hommes… » (John, soupirant contre l’aveuglement et le désintéressement de l’homme qu’il aime à son égard, comme le ferait une femme déçue, dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron) ; « Tu détestes les hommes autant que je les déteste. » (Alba, l’héroïne lesbienne s’adressant à Yolanda dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet) ; « Vous êtes cons, les gars. » (Karina, une fille à pédés, s’adressant à la bande de Fábio, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; « Les hommes ne savent rien des femmes. Comment peuvent-ils se permettre de parler en notre nom ? » (Junon s’adressant à Jupiter, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; « J’imagine que tu dois souvent avoir envie de tuer Tielo. » (Jane l’héroïne lesbienne s’adressant à Ute, la femme mariée à Tielo son mari, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 33) ; « Depuis toujours, il est mou. » (Vanessa parlant de son mari Franck, dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux) ; « Nymphomane’, pour les hommes, ça s’appelle ‘la vie’. » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Tous les hommes sont des ignobles soldats allemands avec une cicatrice dans la lèvre. » (Alfonsina, l’ouvreuse dans un ciné porno, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; « C’est pas drôle d’être homo. Y’a des mecs dans la salle, ce soir ? Bande de salauds ! C’est vous qui nous faites souffrir ! » (Fabien Tucci, homosexuel, en pleurs, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « C’est son rapport aux hommes qui est compliqué. » (Sandra parlant de Maryline, l’héroïne bisexuelle violée par Gérard, dans la pièce Jardins secrets (2019) de Béatrice Collas) ; « Les hommes, je les comprends pas. » (Maryline, idem) ; « Je ne peux pas être chevalier. Je veux être dentiste ! » (le Prince homosexuel de la pièce La Princesse Rose et le retour de l’ogre (2019) de Martin Leloup) ; etc.

 

Se cache derrière cette misandrie un viol, une jalousie, une trahison : « Un homme lui avait pris son premier amour. Elle [Marie, une des héroïnes lesbiennes] ne savait pas que l’enfance finissait un jour. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 185-186) ; « Ma tante rangeait derrière mon oncle, ma grand-mère derrière mon grand-père. D’un côté, j’en étais indignée. Mais de l’autre, j’aimais être un petit prince. Quand je serais grande j’aurais un harem plein de femmes. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 168) ; « Les mecs nous font gerber. On n’aime pas les sucer ! » (la troupe de chanteurs homosexuels du musical Adam et Steve dans le film « The Big Gay Musical » (2010) de Casper Andreas et Fred M. Caruso) ; « Quant à Stephen [l’héroïne lesbienne], elle détestait Roger Antrim, et cette aversion s’augmentait d’un sentiment d’envie des plus humiliants. Car, en dépit de ses imperfections, elle enviait au jeune Roger ses lourds et forts brodequins, ses cheveux ras et sa veste d’Eton ; elle lui enviait son droit de grimper aux arbres, de jouer au cricket et au football : son droit d’être parfaitement naturel ; elle lui enviait par-dessus tout son admirable conviction qu’être un garçon constituait, dans la vie, un privilège. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 63) ; etc. Par exemple, dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems, la narratrice transgenre F to M défend une vision vulgaire, beauf, rustre, de la masculinité : elle envie au niveau des attitudes (roter, péter, jurer, etc.) ce qu’elle abhorrerait chez les hommes réels.

 

Dans le film « The Stepford Wives » (« Et l’homme créa la femme », 2004) de Frank Oz, il y a un club exclusivement masculin dans la ville de Stepford, où on voit les hommes réunis se comporter comme des ados. Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011) de Maryam Keshavarz, tous les hommes sont présentés comme des prédateurs : par exemple, Shirin, l’une des deux héroïnes lesbiennes, est forcée de voir un chauffeur de taxi se masturber avec son pied à elle ; un peu plus tard, en boîte à Téhéran, elle « chauffe » un beau mec pour ensuite avoir le plaisir et l’énergie de l’envoyer balader (« Dégage ! »). Dans le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, Marie et Floriane partagent leur dégoût des hommes et des autres… et à l’écran, difficile de ne pas les suivre : François est un queutard qui prend son pied sans tenir compte du plaisir des femmes qu’il engrosse, les mecs sont des gros dégueus et des obsédés. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, l’image des hommes est pathétique : ils sont montrés comme des bourrus qui n’ont que la réussite financière en tête (exemple avec le père d’Adèle), de gentils beaufs ignorants et incultes (Thomas), des ennuyeux ou des terres à terre, des profiteurs et des tentateurs (le collègue instit). Les seuls qui trouvent grâce aux yeux du réalisateur sont soit homos (Valentin), soit « artistes » bisexuels (Joachim), soit rebeux et volontairement instables (Samir). Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, le couple lesbien Dotty-Stella est particulièrement misandre : elles méprisent tous les mâles de leur entourage (le jeune autostoppeur Prentice, le père de ce dernier, etc.) ; l’homme nu est présenté comme immonde et révulsif ; Dotty chie dans le bidet du père de Prentice.

 

Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Stan, le héros hétérosexuel, est traité comme un chien par ses trois autres partenaires bi-homosexuels. Il a tous les défauts : beauf, vulgaire, infidèle (il a cocufié Camille avec sa secrétaire blonde à gros seins), « radical de droite », raciste, homophobe, capitaliste (il travaille dans les mutuelles), « hermétique aux sentiments ». Guen, le héros homosexuel, avoue qu’il a des envies de meurtres à son égard. Et Ninon nie Stan dans son identité, dans sa virilité : « En fait, en tant qu’homme, tu sers à rien. »
 

Très souvent, le héros homosexuel dépeint le personnage masculin dit « hétérosexuel » comme une brute épaisse qu’il cherche à détruire : « Y’a que des salauds ! » (Manju, l’héroïne lesbienne parlant des hommes à son amante, dans le film « Flying With One Wing » (2002) d’Asoka Handagama) ; « Tous les hommes sont des porcs. » (Mademoiselle Ott dans le roman L’Autre (1971) de Julien Green, p. 60) ; « Les mecs ils sont tous nuls. » (le personnage travesti M to F de la chanson « Parle à ma main » de Fatal Bazooka) ; « Je déteste les hommes, je ne peux pas les supporter. » (Suzanne, l’héroïne lesbienne du roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 144) ; « Il puait l’homme comme les hommes peuvent puer. Il me prenait comme le taureau prend une vache. […] Les hommes sont tellement bêtes. » (Petra, l’héroïne lesbienne, parlant de son ex-mari Franck, dans le film « Die Bitteren Tränen Der Petra Von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972) de Rainer Werner Fassbinder) ; « Un homme nymphomane c’est juste un homme. » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Juna, pardonne-moi. Non, ne les laisse pas me toucher. » (Rinn, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Juna, dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez) ; etc. Par exemple, dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, le mari de Linde la battait, avant qu’elle ne le quitte… pour une petite jeune. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, les hommes sont tous des absents ou des salauds. Dans le roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, la narratrice lesbienne nous parle de « ces hommes toujours en rut » (p. 56) : « J’ai vite compris que je devais me retirer de ce pays masculin, ce vaste asile psychiatrique. » (idem, p. 21) ; « C’est vraiment des biques, les mecs ! » (Gwendoline, l’adolescente travesti M to F, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit) ; « Les curés, ce sont des hommes comme les autres : de obsédés. » (Frédérique Quelven dans son one-woman-show Nana vend la mèche, 2009) ; « Un garçon pense au sexe toutes les 30 secondes. Alors vous en mettez deux ensemble… » (Matthieu se justifiant de coucher le premier soir avec Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Comme quoi… un garçon ça ne pense qu’au sexe. » (idem) ; etc.

 

Dans les discours de certains héros homosexuels, « le mâle » devient vite synonyme de « mal » : « Il n’y a pas de mâle à cela. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 78) Dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, le jeu de mot entre « mal » et « mâle » est également repris par Suzanne. Sur le dessin Et puis, c’est si laid un homme (1891) de J.-L. Forain, deux femmes s’entretiennent, et l’une décourage l’autre de se tourner vers les hommes.

 

Les hommes sont vus comme des violeurs et des monstres par beaucoup de personnages homosexuels : « Il [le mari de Rani, sa servante] m’apparut en imagination, un type laid au visage grêlé et aux mains sales. Riant et la prenant à son corps défendant. Soulevant son sari pour l’envahir. Poussant un brusque gémissement avant de s’endormir. Exactement comme dans un film que j’avais vu à la télé. Je voulais le tuer. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, pp. 58-59) ; « Les hommes n’existent que pour nous faire souffrir. » (cf. une réplique de la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim) ; « Il la violera tous les soirs pendant 7 ans dans sa cave. » (Rodolphe Sand parlant de Rosetta et de « l’homme de sa vie », dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « Jane avait détesté la puberté, l’intrusion du sang et des seins, les messes basses entre filles et les invitations des hommes qui les suivaient en voiture en roulant au pas. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 29) ; « C’était comme si certaines filles portaient une marque secrète que seuls les pervers pouvaient voir. Une fois qu’elles avaient été abusées, d’autres salauds parvenaient à le sentir d’une façon ou d’un autre, et ils les pistaient pour prendre leur tour. […]Pourquoi est-ce que tu cherches sans cesse des excuses à ces hommes ? Ils ont cherché à gagner ta confiance pour abuser de toi. Même le prêtre ; il a préféré ignorer quel âge tu avais. Tu ne fais pas du tout dix-sept ans. Au fond de son cœur, il savait que tu étais trop jeune. Tu ne le vois pas ? » (Jane, idem, p. 242) ; etc.

 

La séduction qu’opèrent les hommes vient, selon les héros homosexuels, menacer l’équilibre fragile de l’identité homosexuelle et des « amours » homosexuelles. Elle est donc parfois envisagée comme de l’homophobie. Par exemple, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov (cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1), Liam est suspecté de machisme parce qu’il tombe amoureux de Karma, présentée par la rumeur comme « lesbienne », alors qu’elle aussi est attirée par lui.

 

Cela arrange alors la population gay friendly ou LGBT des fictions de caricaturer la majorité de la gent masculine en obsédés. Par exemple, dans son one-woman-show Wonderfolle Show (2012) de Nathalie Rhéa, Nathalie réduit les hommes à leur sexe anatomique : « Je n’ai pas besoin d’un homme : j’ai besoin d’un pénis. » Rien d’étonnant qu’après, elle considère tout homme qui vient vers elle comme un violeur (cf. la scène du flic qui l’arrête au volant de sa voiture).

 

Pourtant, les instincts animaux des « mâles » ont souvent été suscités par la provocation misandre et hétérophobe de certains protagonistes homosexuels, gay friendly, et/ou féministes : « Oui, j’étudie les hommes depuis des années, professionnellement… un peu comme une prostituée en somme… » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2012) de Jérémy Patinier)

 

La violence ignorante ou volontaire des hommes est bien souvent une simple projection fantasmée du héros homosexuel qui joue « les mâles hétéros » pour se justifier de ne pas rencontrer les hommes réels. Par exemple, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis, le groupe d’homosexuels refoulés des Virilius se conduisent comme des gros beaufs hétérosexuels : « On vaincra ! On a un phallus ! »

 

La vengeance misandre des femmes phalliques ou des hommes honteux d’être des hommes ne s’annonce pas toujours comme menaçante : elle adopte parfois le langage souriant de l’émancipation et de l’éducation libertine ; elle encourage à l’infantilisation et à l’homosexualité. « On devrait permettre le changement de sexe à l’âge de la puberté, avant que les caractères virils ne commencent à s’accentuer. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 39) Par exemple, dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, les hommes des années 1970 en France sont présentés comme des brutes épaisses et machistes… même si, ensuite, cette haine n’est pas assumée par les héroïnes lesbiennes : « On n’est pas contre les mecs. On est pour les femmes. » dira Carole.
 

Mais là encore, on cherche à « dresser » et à « mater » les machos, en étouffant à petit feu ce qu’il leur reste de force. Par exemple, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, tous les personnages masculins sont soit impuissants (quand ils sont hétéros), soit homos. Dans le film « La Croisière » (2011) de Pascale Pouzadoux, l’intégralité des hommes du film sont mis à mort et émasculés : entre les curés pervers complètement frustrés, les pauvres « mâles » qui reçoivent des bouchons de champagne dans les valseuses, les queutards menottés et réduits au silence sur leur lit par des femmes-enfants prostituées et cleptomanes, les maris qui délaissent leur femme et oublient de leur fêter leur anniversaire, ceux qui sont obligés de se travestir (comme Raphaël) pour avoir le droit de s’approcher du carré VIP féminin, ceux qui s’égarent à tout jamais dans les toilettes, ceux qui démissionnent de leur poste de travail (Alix dira au capitaine du bateau Jean Benguigui – souhaitant abandonner son navire – qu’il « ne sert à rien ».), on assiste au procès pur et simple et au meurtre symbolique du pouvoir masculin.

 

Toute la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier est orientée vers le parricide : c’est le père de famille bisexuel (Georges), ou encore le bon « hétéro » pas du tout concerné par l’homosexualité (Pierre) et qui devient comme par « magie » homophobe, qui sont placés sur la sellette. On assiste au procès des pères de famille et des mâles en général. Ils s’en prennent plein la figure et sont sommés de faire leur coming out, leur mea culpa gay friendly, ou alors ils méritent les insultes et les coups. C’est le mariage traditionnel, la paternité et la masculinité passant au crible de la coalition fraternelle (et incestuelle) d’une part (celle de William et sa sœur Adèle), et la coalition homosexuelle (celle des deux amants réconciliés William/Georges, liaison clairement incestuelle aussi) d’autre part. Hallucinant. Les incestueux qui font la morale à la paternité et à la conjugalité. On aura tout vu !

 

Il arrive que le mépris misandre se mute en menace de meurtre, et finisse dans un bain de sang : « La servante aspergeait M. Alphand de gasoil et y mettait le feu. » (cf. la nouvelle « La Servante » (1978) de Copi, p. 75) Par exemple, lors de son concert Tirez sur la pianiste (2011) d’Anne Cadilhac, Olga tente d’étouffer son copain avec un oreiller, et cherche à lui couper le sexe : « Maurice, après l’amour, il s’endort. Je vomis l’odeur de son corps. » Dans le film « Drool » (2008) de Nancy Kissam, le personnage du mari est tué par le couple de lesbiennes. Dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, le programme « Scum » compte se débarrasser des machos. Dans le film « Monster » (2003) de Patty Jenkins, Aileen, lesbienne, et sa copine Selby, tuent des hommes pour se venger des violences qu’ils leur ont fait subir. Dans le film « Thérèse Desqueyroux » (1962) de Georges Franju, Thérèse empoisonne son mari. À la fin du film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, tous les hommes sont dévorés ou abattus au pistolet de chasse par les femmes, les Bacchantes. Par exemple, Panthée est bouffé tout cru. Dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, les hommes sont tous présentés comme des brutes : Evelyne a un mari, Ed, qui la méprise et la traite comme une boniche (avec sa bière devant la télé) ; Idgie (lesbienne) se fait lourdement draguer par Gredy ; et Idgie finit par commanditer le meurtre du mari brutal de Ruth, Bennett, parce qu’elle est en couple secret avec elle.

 

On constate que le meurtre misandre ou le mépris homosexuel des hommes s’origine dans un sentiment de jalousie et d’adoration mal placée à l’égard de la gent masculine. Par exemple, dans le film « Les Deux papas et la maman » (1995) de Jean-Marc Longval, la femme lesbienne est celle qui va « foutre un coup de boule » à Jérôme parce que celui-ci a osé draguer sa copine. Dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stephan Druet, toutes les héroïnes se disputent le Prince charmant, l’unique protagoniste masculin de l’histoire, au point de le déchirer et de « tuer la beauté même » : « Vous rêviez toutes de cet homme, et vous l’avez écartelé ! » leur reprochera Magdalena, navrée du drame passionnel qui s’est produit.

 

En réalité, les hommes fictionnels, quand ils se comportent mal, ne sont jamais obsédés tout seuls. La misogynie et l’homophobie sont toujours le signe et le miroir d’une misandrie agressive et d’une homosexualité militante qui leur font face, qui menacent l’identité masculine.

 

Ceci est particulièrement visible dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Marie raconte que ce sont ses penchants lesbiens pour sa jeune voisine, qui a eu le mauvais goût de pactiser avec le « mâle » en se mariant à l’âge adulte, qui la rendront misandre : « Un homme lui avait pris son premier amour. […] Elle nourrit vis-à-vis des hommes un ressentiment irrémédiable, d’autant que celui qui avait ravi son amour n’avait pas de visage pour elle. D’instinct, elle se méfia dès lors de tous. » (p. 186). Toujours dans ce même ouvrage, Alexandra, l’héroïne, dresse un portrait sévère des hommes : ils seraient « tous bavards », incapables de « garder un secret » (p. 137), prédateurs (« Ils ont un goût instinctif pour la domination, et souvent, après une longue absence, ils cherchent à se rassurer en ‘prenant’ leur femme. Ils veulent, comme les animaux, marquer à nouveau leur territoire et utilisent cet appendice de leur corps comme une arme, sans se soucier du mal qu’ils peuvent faire. », p. 164) On sent chez elle une claire jalousie des hommes (« Je sentais bien que mes paroles ne pesaient rien face aux arguments et surtout à l’expérience de cet homme [son jardinier]. », p. 138), et notamment par rapport au phallus-pénis (« La nature ayant généreusement doté le jardinier sur le plan qu’on sait, il avait sur elle un avantage qui, connaissant la bonne, n’était pas négligeable. », p. 143) mais plus universellement au phallus-pouvoir (« Ma seule préoccupation était le pouvoir, et je ne ferais rien pour rétablir mon mari dans son privilège de commandement. », p. 190). On l’entend à la fois mépriser l’appareil génital masculin (concernant son mari, elle voudrait « qu’il voie l’inutilité de son masculin », p. 169) et l’idolâtrer (« Je suis bien décidée à ne pas me laisser blesser l’âme par le coup qu’il veut me porter avec ce qu’il a reçu en naissant garçon, de peur que cette blessure ne se referme jamais. », p. 169). Elle joue soi-disant « sexuellement l’homme » avec sa bonne en la prenant par derrière : « Je me mis derrière elle […], adoptant la position des hommes quand ils sont pressés et veulent posséder une femme violemment. Bien que ce fût une impossibilité, étant née femme, je me pressai contre son dos avec la force d’un amant. » (idem, p. 141) Elle couche avec ses domestiques féminines pendant l’absence de son mari, et son homosexualité actée accroît son dégoût des hommes : « Peut-être agit-il comme avant son départ, sauf que maintenant je ne le supporte plus. » (idem, p. 164) Pour pouvoir vivre librement ses aventures lesbiennes sans que son mari l’en accuse, elle tente de pousser ce dernier à l’adultère… comme cela, ils seraient quitte dans le vice : « Le principe de l’action est simple : le pousser à la faute avec une autre femme et le surprendre dans ses ébats. » (idem, p. 165) Les femmes du roman de Dominique Simon atteignent l’orgasme en asservissant les hommes : « Résolument tournée vers le masculin, la marquise prenait un plaisir très particulier, s’évertuant, malgré le goût vif qu’elle avait des hommes, à les réduire à rien. Elle aimait à faire naître une passion qui lui permettait de les faire souffrir. » (p. 211) Chez ces matrones, l’un des moyens les plus employés pour le meurtre symbolique des hommes est l’infantilisation incestueuse : elles traitent les membres de la gent masculine de « bébés » : « Mon pauvre ami, tu es un enfant. » (Alexandra à son mari, p. 196)

 

Quelquefois, le terme de « misandrie » – peu connu du grand public tellement la réalité à laquelle il renvoie est niée dans nos civilisations contemporaines – sera remplacé par celui de « misanthropie », à savoir la haine du genre humain (« Nous, les lopes, misogynes et misanthropes », déclare par exemple un des héros homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel)… ce qui n’est bien sûr pas exactement la même chose : la misanthropie reconnaît tout autant comme victimes les femmes que les hommes, mais non spécifiquement les hommes, alors que la misogynie, au contraire, reconnaît spécifiquement l’agression faite aux femmes. À nouveau, on nie aux hommes-mâles leurs fragilités et leur objective statut de victimes dans certains cas.

 

La misandrie des personnages homosexuels a bien évidemment pu être maquillée par un coming out, ou impulser l’« amour » homosexuel. Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara et Zoé, les deux meilleures amies, trouvent les mecs « très cons », craignent de connaître leur premier acte sexuel avec un homme, et tentent de se décourager l’une l’autre : « Tu crois encore au prince charmant ?? » Même le père de Clara va dans leur sens : « Il faut se méfier des garçons. » Elles finissent par sortir ensemble… à cause de Zoé, qui aboutit pourtant dans les bras d’un garçon, Sébastien, en laissant sa copine Clara en proie à des questionnements plus sérieux sur son homosexualité. Au bout du compte, Zoé identifie la source misandre de l’homosexualité de son amie : « J’t’aime plus, Clara. J’ai fait l’amour avec Sébastien. À cause de toi, j’ai failli faire une croix sur les garçons. C’est toi qui as un problème avec les mecs. Pas moi. »

 
 

b) Mépris pour le père :

Pièce "Happy Birthday Daddy"

Pièce « Happy Birthday Daddy » de Christophe Averlan

 

Le principal représentant des hommes, c’est évidemment le père. Beaucoup de personnages homosexuels disent avoir une relation très mauvaise voire inexistante avec leur père (biologique, et surtout symbolique). « Tout part d’un mauvais rapport au père ! » (Mr Alvarez, l’huissier face au travestissement en femme de son client Damien, dans le pièce Brigitte, directeur d’agence (2013) de Virginie Lemoine)

 

La lettre salée qu’adresse Bernard, le héros du roman Les Faux-Monnayeurs (1925) d’André Gide, à son « géniteur », va nous servir d’excellente introduction pour illustrer cette omniprésente inimitié anti-paternelle exprimée indirectement dans les fictions homo-érotiques :

« Monsieur, J’ai compris […] que je dois cesser de vous considérer comme mon père, et c’est pour moi un immense soulagement. En me sentant si peu d’amour pour vous, j’ai longtemps cru que j’étais un fils dénaturé ; je préfère savoir que je ne suis pas votre fils du tout. Peut-être estimez-vous que je vous dois la reconnaissance pour avoir été traité par vous comme un de vos enfants ; mais d’abord j’ai toujours senti entre eux et moi votre différence d’égards, et puis tout ce que vous en avez fait, je vous connais assez pour savoir que c’était par horreur du scandale. […] Je préfère partir sans revoir ma mère, parce que je craindrais, en lui faisant mes adieux définitifs, de m’attendrir et aussi parce que devant moi, elle pourrait se sentir dans une fausse situation ce qui me serait désagréable. Je doute que son affection pour moi soit bien vive ; comme j’étais le plus souvent en pension, elle n’a guère eu le temps de me connaître, et comme ma vue lui rappelait sans cesse quelque chose de sa vie qu’elle aurait voulu effacer, je pense qu’elle me verra partir avec soulagement et plaisir. Dites-lui, si vous en avez le courage, que je ne lui en veux pas de m’avoir fait bâtard ; qu’au contraire, je préfère ça à savoir que je suis né de vous. […] La décision que je prends de vous quitter est irrévocable. […] Il va sans dire que je préfère ne rien recevoir de vous à l’avenir. L’idée de vous devoir quoi que ce soit m’est intolérable et je crois que, si c’était à recommencer, je préférerais mourir de faim plutôt que de m’asseoir à votre table. […]. Je signe du nom ridicule qui est le vôtre, que je voudrais pouvoir vous rendre, et qu’il me tarde de déshonorer. Bernard Profitendieu. » (pp. 25-26)

 

Il est très fréquent dans les créations artistiques homosexuelles que le personnage homosexuel déclare détester son père : c’est le cas dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock (avec le personnage de Bruno), la pièce L’Anniversaire (2007) de Jules Vallauri (quand on écoute Vincent), la chanson « Papa Don’t Preach » de Madonna, le film « My Father Is Nothing » (1992) de Leone Knight, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg (avec le père maltraité), le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, le roman Papa a tort (1999) de Frédéric Huet, etc.

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les pères fictionnels ne sont pas portés dans le cœur de leur fils ou fille homosexuel-le : « J’la déteste. J’le déteste aussi ! » (Cal – interprété par James Dean – par rapport à son père et sa mère biologiques, dans le film « East Of Eden », « À l’est d’Éden » (1955) d’Elia Kazan) ; « My father was always wrong. » (Mr Farnsworth dans le film « The Man Who Fell To Earth », « L’Homme qui venait d’ailleurs » (1976) de Nicolas Roeg) ; « Je ne pourrai jamais aimer mon père. » (Môn, l’un des héros homos du film « Satreelex, The Iron Ladies » (2003) de Yongyooth Thongkonthun) ; « Papa papa papa, t’es plus dans l’coup papa. » (cf. la chanson « Papa t’es plus dans l’coup » de Sheila, reprise dans le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon) ; « Il n’aimait pas son père. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957), p. 20) ; « Son père sentait le lâche. » (idem, p. 244) ; « Nos pères sont des salauds. » (une réplique de la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau) ; « Il était une fois un petit garçon qui avait honte de son père… » (Jean-Marc lisant sa propre histoire à son amant Luc, à la fin de la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay) ; « Mon père a été le déclencheur de ma violence. Le responsable que j’accuse ! Complice secret de Satan […] » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 66) ; « Je n’aime pas mon père – ou aussi peu que toi ta mère. » (Ahmed à la lesbienne Lou, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Je ne sais ce qui s’est passé, mais un jour, j’l’ai détesté. » (Hervé Nael chantant une chanson sur son père, lors de son concert au Sentier des Halles, le 20 novembre 2011) ; « Il m’énerve… mais je l’aime… mais il m’énerve. » (Bill par rapport à son père, dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut) ; « Tu n’as pas idée des disputes que j’ai eues avec mon père. » (Petra s’adressant à son amante Jane, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 54) ; « Il est exactement comme notre père, mais il le déteste. » (SDF parlant de son frère homo, dans le bâti Norén Lars (2011) d’Antonia Malinova) ; « J’ai seize ans et je sais parfaitement ça, que d’avoir seize ans, c’est un triomphe. […] Le père […] est l’homme de l’autre siècle, du passé. Il est vieux. » (Vincent, l’un des héros homosexuels du roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 14-15) ; « Il ne m’a jamais réellement compris et je ne suis pas certain de l’avoir réellement aimé. » (idem, p. 55) ; « Je n’ai jamais eu de père. » (Rosa dans la pièce musicale Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi) ; « Dans toutes les cours d’Europe, on avait surnommé le père de la duchesse d’Albe, Don José Ignacio, ‘El Conde del Horror’, tant sa laideur était repoussante. » (cf. la nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978) de Copi, p. 10) ; « Mon père pleure. Mon père marocain pleure. Ce n’est pas un bon exemple pour moi, cette conduite. Il ne faut pas que je devienne comme lui. Apparence d’un homme. Déchéance d’un homme. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 31) ; « Autour de lui, une atmosphère d’Apocalypse. » (idem, p. 39) ; « Un martyr, mon père ? Je vois son calvaire. Il est en route. Il marche. En traînant lourdement les pieds. Il porte toujours la djellaba de son mariage. Il a à la main gauche une bouteille de vin rouge bon marché… Et, à la main droite, un paquet de cigarettes La Marquise. » (idem, p. 158) ; « Mon grand-père n’était pas de ces hommes dont un petit-fils peut être fier. Il a forcément fait des choses terribles. C’est un salaud. » (Théo parlant de son papy nazi, dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 58) ; « Je veux mettre [ma grand-mère] en garde : celui qu’elle aime est un monstre. » (idem, p. 166) ; « Ce grand-père oublié des siens, les miens, était-il ce monstre entouré de mystère ? » (idem, pp. 189-190) ; « Marie ne connaissait des hommes que son père, qui, sans qu’elle sût bien pourquoi, lui faisait un peu peur. […] De lui, elle avait appris le silence. » (Marie, une des héroïnes lesbiennes du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon) ; « Ça me dégoûte et je voudrais ne plus jamais voir ou entendre ça, le sacrifice permanent des femmes à cette race que je méprise, et à laquelle mon (gentil) père appartenait pourtant. Adorable comme père, mais affichant une virilité répugnante : tout pour que la gamine que j’étais n’ait pas envie, plus tard, de coucher avec ces choses immondes qui ne font que du mal, qui mentent en plus, et qui nous prennent pour des connes. […] Et je suis très satisfaite de ne pas être devenue cette pauvre victime consentante qu’est la femelle hétérosexuelle. » (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 49) ; « Papa est un gros mangeur de viande rouge. » (Claire, l’héroïne lesbienne s’adressant à sa compagne Suzanne, dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener) ; « Vous êtes un vrai salaud. » (Suzanne, idem) ; « Mon père et moi, c’était pas le grand amour. » (Jézabel, l’héroïne bisexuelle du film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco) ; « Mon père, il est réac, conservateur. Il comprend pas. […] Avec mon père, je n’ai jamais pu parler. » (Chris, le héros homosexuel parlant de son père, un chasseur-trappeur avec mitraillette, dans la pièce Happy Birthgay Papa ! (2014) de James Cochise et Gloria Heinz) ; « Mon père… j’avais un an quand il m’a reconnue. » (Nina, l’héroïne lesbienne dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio) ; « Si tu crois que c’est facile d’avoir un connard homophobe comme père ?! » (Nathan s’adressant à son père Stéphane, dans le téléfilm « Baisers cachés » (2017) de Didier Bivel) ; « On est comme deux étrangers. » (idem) ; « Il est complètement dingue. » (Louis, le héros homo, parlant de son père, idem) ; « De toute façon, j’ai pris ma décision. Je vais couper net avec lui, il m’empêche de vivre. À chaque fois que je me retrouve devant lui, j’arrive pas à aligner deux mots. Je suis comme paralysée. » (Romane, l’héroïne lesbienne, à propos de son père, Alain, dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; « Mais tu m’écoutes jamais ! À chaque fois que je dis quelque chose, ça va pas ! Écoute papa, franchement, tu me fais pitié. » (Romane condescendante par rapport à son père) « Je suis là en train de t’expliquer ce que je veux, avec qui j’ai envie d’être. Et toi, tu n’écoutes pas. Comme toujours. Tu te défiles, comme à chaque fois. On n’a plus rien à se dire toi et moi. Ici, t’es chez moi. Et je veux plus te voir, d’accord ? Tu t’en vas ! Vas-t’en, j’te dis ! Dégage d’ici ! » (Romane face à son père, idem) ; « Avec mon père, c’est plus compliqué. C’est quelqu’un qui exprime pas beaucoup, qui a du mal à échanger. On n’est pas toujours sur la même longueur d’ondes. » (Victor, le héros homo, euphémisant la relation désastreuse qu’il a avec son père devant l’assistante sociale de qui il veut obtenir l’agrément pour l’adoption d’un enfant, dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; « Plus jamais je t’appellerai papa ! Et à partir de maintenant, on s’adresse la parole le moins possible ! » (idem) ; « Ta gueule, connard ! » (Frida, l’héroïne lesbienne, s’adressant à son père Mario, dans le film « C’est ça l’amour » (2019) de Claire Burger) ; « Va te faire foutre ! » (Ritchie, le personnage homo, s’adressant à son père, dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies); etc.

 

Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, les héros homosexuels ont tous une relation très conflictuelle avec leur papa. Adam ne supporte pas d’être le fils du directeur de son lycée Monsieur Groff. Et en plein bal de l’établissement (c.f. épisode 7 de la saison 1), il l’empoigne devant tout le monde en lui déclarant publiquement sa haine : « Je te déteste !! ». Quant à Éric, son futur amant, ce n’est guère mieux avec son propre daron. Il se travestit et défie les interdits paternels en le narguant (alors qu’il va se faire violer parce qu’il est sorti travesti en femme) : « Salut papa ! » (c.f. épisode 5 de la saison 1). Il reproche aussi à Adam sa dureté « paternelle » : « T’étais déjà une brute quand t’es né ou t’as décidé d’imiter ton père ? » (c.f. épisode 8 de la saison 1).
 

Dans la pièce The Importance To Being Earnest (L’Importance d’être Constant, 1895) d’Oscar Wilde, Jack n’a que mépris pour son père (« Il n’y a bien sûr rien à redire sur les mères. […] Je ne connais personne au club qui adresse la parole à son père. »), ce à quoi Algernon, qui n’honore pas plus le sien (« Nous ne nous sommes même jamais adressé la parole. Il est mort avant que j’aie un an. »), rajoute : « C’est vrai. Les pères n’ont pas très bonne presse en ce moment. » Gwendolen tient également un discours parricide cherchant à materniser la figure paternelle : « En dehors du cercle familial, papa, je suis ravie de le dire, est un parfait inconnu. Et je crois que c’est très bien ainsi. Le foyer me paraît être le cadre idéal pour un homme. Et il ne fait pas de doute que dès qu’un homme se met à négliger ses devoirs domestiques, il devient péniblement efféminé, n’est-ce pas?» Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel présente son père comme un gros beauf.

 

Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon surnomme son propre père « Vooouin » tellement il est un homme qui passe vite, un être absent, un courant d’air, ou bien un individu qui l’a prise pour un objet et qui l’a violentée : « J’ai vraiment un corps de base. Si j’étais une voiture, je serais sans option. Mon père m’a eue en soldes. C’est un radin. » Elle finit par le renier : « Je ne sais même pas quel est le prénom de mon père. »
 

Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, Bryan, homosexuel, ne supporte pas son père. Et quand il apprend que son amant Tom a pu être physiquement puni par son père, il déclare solennellement à Tom – comme une preuve d’amour – qu’il n’hésitera pas à aller casser la gueule à son « beau-père ».
 

Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, le héros homosexuel, a une relation conflictuelle avec son père Jouko qu’il accuse d’avoir tué sa mère. Ce dernier le devine : « Je sais que tu me tiens responsable de la mort de ta mère. Tu ne crois pas que je me sens responsable, moi aussi ? » Leevi finit par quitter son papa, en suivant ainsi les pas de sa mère qui avait quitté aussi son mari : « Tu fais vraiment fuir tout le monde. »
 

Il arrive que le père du héros homosexuel soit présenté comme malade, un monstre, un clown : cf. le roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan, la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi (avec Rodrigo, le père aveugle), le roman Quand as-tu vu ton père pour la dernière fois ? (2014) d’Alex Taylor, etc. Dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, le père de Félix a la tuberculose. « Qui croire ? et si je devenais folle, à l’image de mon père dont le cerveau se détériore lentement. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, pp. 186-187) ; « Les vieux nobles qu’elle recevait étaient des amis de son père, aussi laids qu’elle. Le vieux comte des Asturies était couvert de verrues et le duc de Castille, son parrain, était bossu. » (Copi, la nouvelle « L’Autoportrait de Goya » (1978), p. 12) ; « J’ai grandi en coulisses. Mon grand-père était un clown. » (le Machiniste dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « L’homme se frotta les yeux et gémit. Il avait un crâne chauve constellé de taches de vieillesse ; sa bouche, large avec des lèvres fines, aurait été une bénédiction pour un clown. » (Jane décrivant le vieux Karl Becker, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 62) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Festen » (1998) de Thomas Vinterberg, le père incestueux de Christian est désigné comme un monstre. Dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, la haine des pères biologiques ou des pères politiques est très prégnante : « papa » est qualifié de « débile affectif » ; et on nous parle de « la face stupide et répugnante du président ». Dans le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel, le père de Romain est traité de « pauvre con ». Dans le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, les pères sont giflés. Dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie-Lou (2011) de Michel Tremblay, Manon ne supporte pas d’être le portrait craché de son père. Elle le juge « écœurant », au point que sa grande sœur, Carmen, lui reproche de se poser en victime et de ré-écrire la relation entre leurs parents de manière excessivement manichéenne : « T’es complètement folle ! Notre mère, c’était pas une martyre, et notre père, c’était pas le diable, bon Dieu ! »

 

Le mépris pour le père s’explique très souvent par les réactions odieuses et les actions violentes que ce dernier montre à l’écran. Par exemple, toujours dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay, le portrait du père, Léopold, est catastrophique : c’est un gros beauf scotché devant la télé (« Si la télévision portative sort de la chambre, je sors de la chambre aussi ! » déclare-t-il), qui a violé sa femme (« Comme les trois autres fois où tu m’as violée, tu m’as fait un autre petit. » dit sa femme Marie Lou), qui conduit sa famille à la mort dans un accident de voiture. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, le père de Charlène (l’héroïne lesbienne), bat sa femme. Dans la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco, Gérard Couret, le père d’Édouard (le héros homosexuel), est un homme politique froid, odieux avec son fils (il le traite de « néant »), bureaucrate, homophobe. Dans le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie Macdonald, le film « Le Cercle des poètes disparus » (1989) de Peter Weir, le film « Billy Elliot » (1999) de Stephen Daldry, le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, le roman Le Jardin d’acclimatation (1980) d’Yves Navarre, le roman All-American Boys (1983) de Frank Mosca, le roman Dream Boy (1995) de Jim Grimsley, le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le one-man-show Les Bijoux de famille (2015) de Laurent Spielvogel, etc., l’image du père est particulièrement catastrophique. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les « pères » homosexuels de Gatal sont de véritables despotes avec leur fils unique : ils téléguident sa vie à sa place : « Ça ne peut plus durer. Ça rime à quoi ?? » s’excite l’un d’eux parce qu’il ne comprend pas que son fils en soit pas en couple avec un homme. Ils ne lui disent jamais qu’ils l’aiment : « Comment n’ai-je que ce fils de rien ? » (le Père 2) Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, le héros homosexuel, vient rendre visite à son père qui ne lui ouvre pas la porte. Et il est dit qu’il a été « enfoncé » par ce dernier. Dans le film « Faut pas penser » (2014) de Raphaël Gressier et Sully Ledermann, le père bobo d’Arthur passe du mépris à l’indifférence gay friendly sans qu’on ne comprenne pourquoi. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Jacques, le héros homo, n’a que mépris pour ses parents (« Je les emmerde tous. Mes parents les premiers. ») ainsi que pour son propre statut de père puisqu’il est père du petit Louis : « J’aimerais que mon fils soit fier de son papa. C’est complètement con ce que je dis. On n’a pas à être fier de son père. »

 
 

c) Père absent ou indifférent :

Dans les fictions homo-érotiques, quand il n’est pas montré comme le grand méchant loup, le père est au mieux dépeint comme un être éteint, absent, lointain, lunaire, lointain, figé, allongé, voire mort : cf. le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, le sketch de « La Fermeture du salon de coiffure » de Muriel Robin (avec le mari complètement indifférent, et qui finit la tête grillée dans le casque chauffant), le film « L’Arbre et la forêt » (2010) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (avec Frédérick, le père absent homosexuel, qui n’est même pas là pour l’enterrement de son fils Charles), etc.

 

Par exemple, dans la pièce Frères du bled (2010) de Christophe et Stéphane Botti, une immense photo de Maurice, le père de François, trône dans le salon ; mais c’est le seul personnage absent de la famille. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi, parlant de son père à son ami-amant Damien, dit que c’était un homme « lunaire » qui a cessé de le considérer comme son fils à partir de la mort de son épouse (et de la mère de Rémi) : « Moi, il ne me voyait même plus. J’étais invisible. » Il décide, à l’âge adulte, de renoncer à être père à son tour, et de tuer le papa en lui : « Je n’ai même pas été le fils de mon père. Alors comment voulais-tu que je sois le père d’un fils ? » Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, ne répond pas quand on lui parle de son père. Il est élevé seul par sa mère (qui se drogue), et le père est totalement absent. Dans le film « The Cakemaker » (2018) d’Ofir Raul Graizer, Tomas, le héros homo allemand, déclare qu’il a à peine connu son père : ce dernier est parti de la maison quand il était petit. Dans l’épisode 268 de la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1 le 13 août 2018, Bart et son amant Hugo se trouvent « un point commun » : ils ont tous les deux manqué de père, Bart parce qu’il ne l’a jamais connu, Hugo parce qu’il a été abandonné à 6 ans par son père. Dans le film « Plaire, aimer et courir vite » (2018) de Christophe Honoré, Arthur a perdu son père dans un accident de voiture et dit qu’il n’a jamais réalisé sa mort : il l’a attendu longtemps. Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Rupert, le jeune héros homo de 10 ans, déclare que comme point commun fort qu’il partage avec John, lui-même homo, est « le fait qu’ils aient des rapports compliqués avec leur père » Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Monsieur Groff, le proviseur du lycée de Moordale, est le père d’Adam, l’un des héros homosexuel : il est très froid avec son fils, ne lui témoigne aucune affection, et lui rappelle sans cesse l’ordre : « Tu connais les règles. » (c.f. épisode 1 de la saison 1). Dans le film « Les Crevettes pailletées » (2019) de Cédric le Gallo et Maxime Govare, pendant l’enterrement de son fils gay Jean, le père de Jean reste glacial, ne semble pas affecté.

 

Dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, vit seul avec sa mère et sa sœur. Elle les a eus à 16 ans. Glass a été mise enceinte à 16 ans aux États-Unis et vit désormais en Allemagne. Phil est fruit de ce viol, et raconte le vide existentiel qu’il expérimente du fait de ne pas connaître son père biologique : « Une femme avec deux enfants et pas de mari, ça faisait tache ici. Mais on gérait, même sans homme à la maison. Les copains nous interrogeaient sur notre père. Alors on demandait à Glass, qui disait un truc du genre ‘Un marin en voyage’. Ou bien ‘Un cow-boy dans un ranch’. Et plus tard, quand on ne gobait plus tout ça, ‘Je vous le dirai quand vous serez prêts’. Un jour, on a arrêté de demander, vu que ça ne servait à rien. Et aujourd’hui ? C’est normal de ne rien savoir sur notre père, le mystérieux numéro 3 de la liste. Pour moi, ça restait un vide étrange. Un trou noir. Comme si le vide en moi prenait des couleurs. » Le trou noir (on comprend que c’est le vide paternel et le vide généalogique) obsède Phil : « Pourquoi ce foutu trou noir me mine à ce point ?!? Comment quelqu’un peut te manquer, alors que tu ne le connais pas ? » À la fin du film, Phil part à la recherche son père aux States.
 

Si le père s’absente, ce n’est en tous cas pas pour les bonnes raisons. Il est volage, démissionne de son rôle de père, se présente comme un handicapé de la relation, incapable d’instaurer un dialogue profond avec son fils ou sa fille homosexuel(-le) : « Je ne suis pas ton père, ma fille. » (Bacchus s’adressant à Europe, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; « Henri, mon père, peu présent, partait souvent en ‘voyage d’affaires’. Mais en ce début de siècle, en cette année 2000, la situation s’aggrava : il ne rentrait plus du tout à la maison… Il vivait avec une autre femme ! » (Bryan dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 19) ; « Mon père, je l’ai jamais vraiment connu. Il est parti quand j’étais petit. » (Fred, le héros homosexuel de la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Soleil : de plus en plus de taches. Notre astre suprême serait-il malade ? » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Je le hais. De pas savoir, jamais, être là. Simplement là. » (le narrateur parlant de son père, dans le roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 11)

 

Par exemple, dans le film « Le Secret d’Antonio » (2008) de Joselito Altarejos, Antonio, à 15 ans, a été abandonné par son père. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, le père d’Henri fait son coming out alors qu’il est prêtre et qu’il a renié son fils caché pendant toute sa vie. Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère » (1999) de Pedro Almodóvar), la jeune sœur Rosa (Penélope Cruz) n’est même pas reconnue par son propre père (Fernando Fernán Gómez), qui la prend pour une simple passante dans la rue. Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, Robert Pujol est chef d’entreprise et mari volage, souvent montré prostré dans un lit. Dans le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, le père de Steven est déguisé en cosmonaute et délaisse totalement son fils homosexuel. Dans le film « Gun Hill Road » de Rashaad Ernesto Green, Michael, le héros trans M to F, a un père absent, Enrique, qui est allé en taule, et qui ne l’a pas élevé ; les vols et les crimes du père font miroir à la transsexualité du fils, qui prétend détester son père et en arrive à souhaiter qu’il retourne en prison. Dans le film « Little Gay Boy » (2013) d’Anthony Hickling, Jean-Christophe a été abandonné par son père à la naissance (sa mère prostituée l’a eu avec un client). Dans le troisième volet, « Little Gay Boy 3, Holy Thursday (The Last Supper) » (2013), le héros, la vingtaine, rencontre son géniteur pour la première fois : c’est la désillusion totale. Dans le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, le père de Cal a fait croire à son fils que sa mère était morte, alors que ce n’est pas le cas. Dans le roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot, Marcel n’a pas été un enfant désiré par ses parents ; Georges, son père, avait même suggéré l’avortement à sa mère. Georges est le stéréotype du père absent. Il trompe sa femme Brigitte, la bat, et se moque complètement de son fils homo : « Marcel était déjà mort à ses yeux. Il avait abandonné tout espoir. Il avait rejeté ce fils dont il ne voulais plus, dont il n’avait finalement jamais voulu, et qu’il ne voudrait certainement plus jamais –, telle une serviette jetable après usage. » (p. 15) Et Bertrand, qui a fait faire à un couple lesbien un enfant, a tout du père démissionnaire : « Mais ce dernier ne s’implique pas beaucoup dans la vie du garçonnet et des deux lesbiennes, préférant un appel téléphonique hebdomadaire et quelques visites chaque année. » (p. 29) Dans le roman A Boy’s Own Story (1982) d’Edmund White, à plusieurs reprises, le petit garçon appelle son père à l’aide pour rompre le cordon ombilical ; et à chaque fois, le père fait la sourde oreille et le rejette. Dans le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry regrette que son père, qui l’avait jadis érigé en fétiche (« Mes fils, c’est ce que j’ai de plus précieux. »), le délaisse : « J’avais beau lui dire : ‘Papa, ouh ouh, j’suis là ! On peut communiquer ?’… » ; « Papa, oui, c’est moi, ton fils » ; « Mon père m’a ignoré pendant toute l’après-midi… » Dans le film « Dallas Buyers Club » (2014) de Jean-Marc Vallée, Rayon, le trans M to F, se rend chez son père, homme politique riche qu’il n’a pas vu depuis très longtemps, pour lui demander de l’argent… et « un peu » pour lui réclamer de l’attention : « As-tu honte de moi ? » Dans l’épisode 363 de la série Demain Nous Appartient diffusé le 25 décembre 2018, André Delcourt, le père de Chloé l’héroïne, fait son coming out, après un « mensonge » et une disparition de plus de 35 ans, pendant lesquels il a abandonné femme et enfants (Anna et Chloé) : « À l’époque, je n’ai pas trouvé d’autre solution que de disparaître. »

 

Le père démissionnaire dément sa réputation de père invisible. Par exemple, dans le film « Footing » (2012) de Damien Gault, Marco, le héros homosexuel, reproche à son père son indifférence ; et ce dernier trouve ça déplacé. Mais parfois, il la reconnaît quand même : « Rakä et moi […] nous nous dîmes que nous nous connaîtrions probablement pas nos enfants, mais nous-mêmes non plus ne connûmes pas nos pères et cela nous nous empêcha pas d’avoir une vie dont nous tirions orgueil par la diversité de l’aventure. » (Gouri et Rakä, les deux rats mâles du roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 102) Par exemple, tout le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou s’attaque aux pères, au profit d’une glorification des mères et des homosexuels. Même Junn, l’héroïne hétéro, finit par répudier son prétendant Alan, vieillard certes mignon mais vicelard et père démissionnaire : « J’ai pas été un très bon père. »

 

Il est fréquent que le personnage homosexuel reproche à son père son indifférence, son absence, sa froideur. Je vous renvoie à la chanson « Papa Can You Hear Me ? » de Lara Fabian, la chanson « Un père passe et manque » de Mélissa Mars, le film « Where’s Poppa ? » (1970) de Carl Reiner, la chanson « Un Homme qui passe » de Ronan dans la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon, la pièce Où va le cœur des filles quand ils sont partis ? (2008) d’Annelise Uhlrich, etc. « Tu t’es jamais préoccupé de moi ! » (Dany à son père, dans le film « Sexe, gombo et beurre » (2007) de Mahamat-Saleh Haroun) ; « À seize ans, moi, j’étais encore seulement un fils. Le fils d’un très grand médecin, le saviez-vous ? L’agrégation, la faculté, l’Académie, la faculté, l’Académie, toutes ces choses en imposent à un fils. Je me souviens d’une ombre portée sur nos vies, d’un homme plus grand que nous tous, sans que nous sachions véritablement si cette grandeur était une aubaine ou un malheur pour notre futur d’homme. Aujourd’hui, avec le recul, sans doute, je dirais que notre indifférence réciproque était plus feinte que réelle, et qu’au final j’aurai appris de mon père. » (Vincent, le héros homo s’adressant à la figure de Proust, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 54) ; « Alors, sans que j’aie rien demandé, tu évoques le père inconnu et donc forcément absent, la blessure de cette absence. […] Tu évoques l’imagination qu’il faut déployer pour tenter de constituer une image du père, et le désespoir ravageur au bout de ces tentatives forcément vaines, de ces essais nécessairement voués à l’échec. […] Tu évoques cette filiation unijambiste. Tu dis : quelquefois, j’aurais préféré un père mort, plutôt que pas de père du tout. Tu ajoutes : non. Pas quelquefois. Souvent. […] Tu évoques les années de l’enfance, quand les autres à l’école se moquaient de toi, quand il fallait inventer l’histoire d’un père aventurier, voyageur, disparu ou mort au cours de je ne sais quel hasardeux combat […] » (idem, pp. 98-99) ; « Ça ne m’étonne pas que je te déteste tellement, tu n’écoutes jamais rien ! » (Ronit, l’héroïne lesbienne, à son père, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 266) ; « Voilà trois ans qu’on ne s’est pas vus, trois ans qu’on n’existe plus pour toi et que tu n’existes plus pour nous… Alors à quoi ça sert de se revoir ? » (Bryan à son père dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 226) ; « Pourquoi tu ne m’as jamais aimé ? » (p. 412) ; « Elle éprouve l’angoisse d’une petite fille qui n’a pas été aimée par sa mère et qui, quoi qu’elle dise, s’est sentie abandonnée par son père. » (Suzanne à propos d’Erika, une de ses amantes, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 200) ; « Deux ans. Deux ans déjà qu’il ne me parle pas. […] Je reste sale et indigne de sa parole ; je suis une femelle au sexe pourri qu’il faut absolument ignorer afin d’échapper à la condamnation divine ! » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 31) ; « Mon père, indifférent, comme d’habitude. Il regardait la télé… » (Bernard, le héros homosexuel, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Il est vrai que, dans mon enfance, j’ai reçu très peu de ces marques d’affection que sont les caresses, mes parents étaient trop occupés et n’ayant aucun goût pour ça. » (Alexandra, la narratrice lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 96) ; « Il ne veut rien accepter de moi. » (Cal – interprété par James Dean – par rapport à Will, son père, avec qui il a du mal à communiquer, dans le film « East Of Eden », « À l’est d’Éden » (1955) d’Elia Kazan) ; « Mon père, il se contrefoutait de moi à la naissance. […] J’ai grandi sans référent masculin, ou peut-être trop, ce qui revient finalement au même. Des hommes de passage. » (Jean-Louis dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « Pour lui, vous n’existez pas. » (Jean-Charles, qui en travesti M to F se fait appeler « Jessica », parle de son père en se vouvoyant lui-même, idem) ; « J’craignais déjà qu’il ne m’aime pas. » (cf. la chanson « papapapapapa » lors du concert d’Hervé Nahel le 20 novembre 2011) ; etc.

 

Par exemple, dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Barthélémy, le jeune héros homosexuel, communique très peu avec son père, et le lui reproche : « C’est difficile de te parler. »

 

Le père indifférent et démissionnaire, c’est souvent le héros homosexuel lui-même. Par exemple, dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Marc, le père de famille secrètement homo, abandonne sa femme est enceinte, et la trompe avec Engel. Elle lui dira d’ailleurs qu’elle se sent traitée « comme mère-célibataire » par lui. Dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël »), Martin est l’homo laissant femme et enfants sur le carreau pour vivre avec un homme. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, certains héros homosexuels (Alan, Hank, etc.) sont pères avec plusieurs enfants et ont laissé leur famille pour vivre « librement » leur homosexualité. « La première fois que je l’ai fait, c’était pendant la grossesse de ma femme. IL y avait une réunion de professeurs, à New York. Ma femme ne se sentant pas bien, j’y suis allé seul. Et dans le train, j’y ai pensé. J’y pensais, j’y pensais pendant tout le voyage. Et peu après mon arrivée, j’avais emballé un mec dans les toilettes de la gare. » (Hank)

 
 

d) Le souhait parricide naissant d’un désir incestuel frustré :

Il se peut que le reproche que le héros homosexuel fait à son père soit justifié, si en effet ce dernier a vraiment manqué d’amour et de présence envers lui. Mais bien souvent, au lieu de dénoncer ce premier manquement, il en rajoute un second qui cette fois vient de lui : la revendication d’un rapprochement au père ou d’une inversion des rôles, qui tient de l’inceste (cf. la chanson « Papa m’aime pas » de Mélissa Mars).

 

Certains héros (souvent les héroïnes lesbiennes) détestent leur père biologique d’avoir cru que ce dernier était un dieu ou leur amant secret. « Je ne suis pas un de tes supers-méchants de tes B.D. Je n’ai pas le pouvoir dont tu parles. » (le père de Danny à son fils homo dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Vos parents sont des zéros/z’héros. » (le Dr Katzelblum, homosexuel, s’adressant à son patient homo Arnaud, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; « J’ai eu honte j’ai souffert. Je ne vais pas sortir les violons même si pour mon père c’est l’instrument de prédilection. […] Mais j’ai toujours eu en tête d’un jour lui reconnaître que j’aime profondément son dos pour rendre justice aux mots. » (cf. le poème « Un autre dos » (2008) d’Aude Legrand-Berriot, p. 46) ; « Elle aimait son large dos, elle avait toujours aimé ce dos très bon, rassurant et protecteur. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 115) ; « Ça doit être mon père qui m’a fait ainsi ! Il était trop beau lui aussi ! Comme un gamin-papillon, j’étais fasciné par sa beauté d’homme solitaire. Peut-être que je m’y suis brûlé les ailes ! Je devrais jeter toutes ces photos que j’ai de lui ! Cesser de penser que j’aurais hérité de lui cette attirance pour les garçons. Un désir refoulé qu’il m’aurait transmis en quelque sorte. Et tout cela, parce qu’il nous prodiguait, à moi et à mon petit frère, la tendresse de la mère perdue. » (Adrien, le narrateur homosexuel, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 60) ; « Mon père était quelqu’un d’exceptionnel. » (Daniel, en boucle face au tombeau de son père homosexuel, dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz) ; etc. Par exemple, dans la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, l’héroïne lesbienne Vanina se qualifie comme la fille chérie de son père, « l’homme qui posait comme un play-boy ». Dans le film « Le Maillot de bain » (2013) de Mathilde Bayle, le jeune Rémi, 10 ans, ressent son premier émoi pour un beau papa de 35 ans. Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Négoce, homosexuel, se présente comme le « voyou de feu son papa ». Dans le film « Mon Père » (« Retablo », 2018) d’Álvaro Delgado Aparicio, Segundo enterre son père homosexuel, Noé, et met dans son cercueil le retable qu’il a confectionné pour lui et où il s’est représenté en plâtre avec lui : « Papa, voici notre retable. »

 

Le personnage homosexuel applique la vieille vengeance de l’enfant capricieux qui n’aurait pas été assez écouté… et surtout qui veut être aimé pour un peu plus que ce qu’il est, à savoir un substitut marital. Comme ce souhait n’est pas possible, il va nourrir envers son père adoré un projet de destruction.

 
 

Film "Xenia" de Panos H. Koutras (avec le père pointé au pistolet par son fils Dany)

Film « Xenia » de Panos H. Koutras (avec le père pointé au pistolet par son fils gay Dany)


 

Par exemple, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Ody et son petit frère homo Dany haïssent leur père – biologique et fantasmé – qui les a abandonnés à la naissance, mais que Dany idéalise physiquement (il se rêve endormi sur son torse velu) : « On n’a pas de père ! Oublie-le ! » (Ody) ; « Je m’endormais sur son torse. Il était hyper poilu. » (Dany à propos de son père) ; « J’avais deux ans quand t’es parti. » (Dany à son père) ; « C’est toi le branleur. » (idem) ; « Ton erreur, c’est de m’avoir fait. » (idem) ; etc. Leur mère les a encouragé à détruire celui qu’ils nomment « L’Innommable » : « Elle s’est mise à insulter l’Innommable, comme d’habitude. » (Dany) Ils finissent par retrouver ce père tant détesté, qui est/serait devenu un homme politique remarié. Ils essaient de le faire chanter pour lui soutirer de l’argent. À la fin du film, Dany pointe son pistolet contre lui et le fait se déshabiller, avant de prendre ses clics et ses claques.

 

PARRICIDE Xenia Ody à Dany

Ody à son frère Dany dans le film « Xenia » de Panos H. Koutras


 

Le fantasme de parricide, c’est donc tout simplement le désir incestueux : le personnage fait mourir le lien filial avec son père en le considérant comme un amant. Par exemple, dans le film « The Parricide Sessions » (2007) de Diego Costa, Diego tente de convaincre son papa de jouer devant sa caméra le rôle de ses différents amants. Dans la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, le père est détesté d’avoir refusé de se prêter au rôle de l’amant : le personnage homosexuel lui reproche son indifférence à son égard : « Ça me fait bander de te voir impuissant. »

 

On retrouve le lien entre désir incestueux et parricide avec le dialogue entre « L » et sa mère dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi (pp. 30-31) :

L. – « Si papa savait ce que tu es devenue, il en mourrait une deuxième fois !

Mère – Et s’il savait que c’est toi qui l’a tué, il en mourrait une troisième fois !

L. – Tu sais très bien que je n’ai pas tué papa ! Pourquoi est-ce que j’aurais tué papa ?

Mère – Parce qu’il te sodomisait ! Je t’ai vu l’assommer à coups de talon aiguille avant de l’étrangler avec des bas de soie ! »

 

Le parricide fictionnel s’opère symboliquement par une inversion des rapports père/fils et la violation de la différence des sexes, autrement dit par le fantasme incestueux : « Si t’es un bon papa, alors tu fais qu’est-ce que je veux… » (l’enfant à son père dans la nouvelle « L’Histoire qui finit mal » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 5) ; « Je suis ma propre mère. Mon propre frère. Ma propre sœur. Je suis la famille entière, éclatée, réunie. » (Hadda dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 199). Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, John Mwauras, le père de Kena l’héroïne lesbienne, est volage et a un enfant avec une autre femme que la mère de Kena. En fait, Kena apprend qu’elle va avoir un petit frère (et demi-frère), à cause des infidélités de leur père, en même temps qu’elle fait son coming out.

 

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

En plus, les hommes volages, qui vont voir ailleurs ou qui fuient leur paternité, ce sont finalement les héros homosexuels eux-mêmes : par exemple Didier, qui va tromper sa femme avec Bernard, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia. Dans le film « Tu n’aimeras point » (2009) de Haim Tabakman, Aaron, le héros homosexuel, commence à devenir agressif avec son fils Nataniel, précisément au moment où il est sur le point de pratiquer son homosexualité.

 
 

e) Mépris homosexuel du père inspiré de la misandrie de la mère (réelle ou cinématographique) :

Tiens, tant qu’on parle d’inceste, restons-y… Parfois dans les fictions homo-érotiques, l’absentéisme ou l’effacement paternel résulte d’un parricide opéré par la mère : cf. le film « Treading Water » (2001) de Lauren Himmel, le film « Por Que As Mulheres Devoram Os Machos ? » (1980) d’Alan Pak, le film « Anne Trister » (1985) de Léa Pool, le film « À travers le miroir » (1961) d’Ingmar Bergman, le film « The Others » (« Les Autres », 2001) d’Alejandro Amenábar, la pièce Carla Forever (2012) de Samira Afaifal et Yannick Schiavone, etc. « Ne me pose plus de questions sur ton père. » (la mère de Smith, le héros homo, dans le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki) ; « Dad hits mum / Mum hates dad / Family’s done / Growing ou sad / Dad is fool / Mum is crying / Deep in my soul / Something’s breaking / Dad has stopped to hurt mum / A strange shot when dad is gone / Mummy’s head leaning over / Dad is Dead / Game over. » (cf. la chanson « Snowball » de Zazie) ; « Je suis laminé, Joëlle. Ta mère m’a achevé. » (Robert Pujol à sa propre fille Joëlle, dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon) ; « Papa est un boulet ! » (Grany devant sa fille, dans le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte) ; « Il était arrivé déjà le même doute pour les corps de son père, il est possible que les deux cadavres qui cohabitent dans cette tombe minuscule ne se soient jamais rencontrés de leur vie. » (Pietro, le personnage homosexuel, face à la tombe de ses deux parents ayant péri dans un incendie, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 14) ; « Comprendre quoi ? Que t’as tué mon père ? » (Gabriel, héros homo s’adressant à Morgane, sa mère transgenre M to F, dans l’épisode 402 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 18 février 2019 sur TF1) ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen, toutes les femmes entourant le « couple » homo Tom/Louis ont bazardé leur mari ou ont eu une aventure extra-conjugale cachée : la mère de Tom a quitté son mari (elle répète sans cesse : « Il m’appelle. J’réponds pas. », et sa mère lui dit : « Tu as viré le seul homme qui pouvait te rendre heureuse. ») ; la grand-mère de Tom a été adultère pendant la Seconde Guerre mondiale ; Graziella, la présentatrice-télé, est une femme-tigresse qui fait du jardinier gay un chippendale ; Cindy, la « fille à pédé », se sert de Tom pour s’assurer une visibilité en jouant sa copine. Dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan, Sam, mère capricieuse, coupe son fils Rupert, le jeune héros homo de 10 ans, de son père biologique : « T’es un menteur, comme ton père. »
 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Certaines mères prétendent se substituer aux pères, quitte à les détruire : « Fred, je suis ton père. » (Marina, la mère de Fred s’adressant à son fils homo, avec une voix parodique à la « Star Wars », lui expliquant qu’elle est un homme transsexuel F to M, dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Les voisines disaient qu’elle était devenue un homme. Elles avaient raison. Ma mère faisait sa révolution. Elle se libérait. Retrouvait sa jeunesse. Et pour cela, elle avait besoin de détruire notre monde, le centre de notre monde : mon père. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 34-35) ; « Elle avait, mon père n’avait pas cessé de le répéter, ce par quoi il était irrésistiblement attiré. Ce qui le rendait jaloux, possessif, fou. Elle avait en elle cette part de lui qu’il ne comprenait pas et qu’il ne comprendrait jamais. Elle avait le sexe sur sa figure, à en croire mon malheureux père. Elle avait le pouvoir. Et c’est pourquoi il l’avait emprisonnée les premières années de leur mariage. » (idem, p. 56.)

 

Par exemple, dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, la mère de Greta cache à sa fille le nom de son père. Dans le film « Les Frissons de l’angoisse » (1975) de Dario Argento, Carlo, le héros homosexuel, a vu sa mère tuer son père sous ses yeux. Dans le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant, la mère de Micke tire sur son mari dans une salle de cinéma où était projeté un western de John Wayne. Dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphan Druet, la mère de Yolanda a tué son mari. Dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi, le père de la Reine est mangé par la Reine et sa petite-fille : « Palalalo, écoute-moi ! Mangeons le Jésuite ! Il a toujours été mauvais père pour toi ! » (la Reine s’adressant à sa fille Palalalo, dans la pièce La Pyramide ! (1975) de Copi) Dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti M to F David Forgit, la mère-prostituée travestie M to F tue un de ses clients octogénaire en lui faisant atteindre l’orgasme. Dans le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, la mère de Cal (interprété par James Dean), a tiré un coup de revolver sur son mari, Will.

 

Il arrive que le fils homosexuel encourage sa mère à tuer le père : « Je veux un couple comme toi et papa, où tu prends le dessus de suite ! » (Zize, le héros travesti M to F s’adressant à sa mère, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) Par exemple, dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, la mère de Loretta et sa fille partage un gâteau pour fêter le meurtre du mari/père ensemble : « Faisons la paix, ouvrons ce frigo pour manger une fois pour toutes ce gâteau d’anniversaire ! Je meurs de faim ! Je n’ai rien mangé de sucré depuis ton dernier anniversaire ! » Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homo, empêche sa mère Diane de former un couple avec Paul, homme qu’il dénigre : « P’tain de beauf ! » En réalité, le fils et la mère se sont ligués contre la gent masculine : « Ils sont tous pareils, putain. » (Steve). Steve, comme par hasard, se retrouve sans père car ce dernier est mort. Il n’a que mépris pour lui : « Ça devait être un enfoiré de touriste, mon père. » Sa mère le confirme dans son élan parricide : « Le père crève ! Le fils l’achève ! »

 

PARRICIDE Fripouille 1

PARRICIDE Fripouille 2

 

Quand la mère ne tue pas son mari, en tous cas elle l’anesthésie et le transforme en mauviette émasculée. « C’est chose terrible, la sentimentalité d’une mère. Parole de Garbo. Et vraie calamité un père lui-même sirupeux tout lâche à l’heure de se coltiner ce primordial mensonge de l’amour maternel qui vous raconte la vie gentil conte de fée, de sa voix doué vous berce de l’illusion jusqu’à profond sommeil plein de rêves, et au réveil, ensorceleur encore, vous console de l’histoire pas vraie en vous minaudant de pires faussetés à l’oreille. » (Vincent Garbo, le héros homosexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 87) ; « Tu m’emmerdes ! Tu nous fais chier avec tes préjugés ! » (Françoise, la mère gay friendly d’Antoine son fils homo, s’adressant à son mari « homophobe » et « rétrograde » pendant le « mariage » de leur fils, dans le téléfilm « Le Mari de mon mari » (2016) de Charles Nemes) ; etc. C’est le cas par exemple dans le film « Mon Fils à moi » (2006) de Martial Fougeron, dans lequel la possessivité maternelle est la conséquence de l’apathie paternelle. Dans le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, le faible père d’Elliot baisse la culotte devant sa femme. Dans le film « Órói » (« Jitters », 2010) de Baldvin Zophoníasson, le père de Gabriel (le héros homosexuel) n’a aucune autorité : « Elle a toujours tout régenter. » dira-t-il par rapport à sa femme. Dans le film « No Se Lo Digas A Nadie » (1998) de Francisco Lombardi, la mère de Joaquín, le héros homosexuel, est ultra-protectrice et diabolise le père devant son fils.

 

Ou bien la mère du héros homosexuel fait son possible pour que son fils ne puisse pas retrouver son père disparu ou n’arrive pas à se rendre à l’enterrement de ce dernier : cf. le film « 510 mètres sous la mer » (2008) de Kerstin Polte, la pièce Frères du bled (2010) de Christophe Botti (tous les personnages se retrouvent un jour de Toussaint autour des secrets de la mère, pour l’anniversaire de la mort de leur père), le film « Donne-moi la main » (2008) de Pascal-Alex Vincent (avec le voyage vers l’enterrement de la mère, qui finit en escapade champêtre), le film « Comme des voleurs » (2007) de Lionel Baier, le film « La Traversée » (2001) de Stéphane Bouquet, le film « Burlesk King » (1999) de Mel Chionglo, le film « Violet’s Visit » (1995) de Richard Turner, le film « Le Secret d’Antonio » (2011) de Joselito Altarejos, le roman Le Cimetière de Saint Eugène (2010) de Nadia Galy, etc. La recherche de père est souvent avortée, présentée comme utopique et irréfléchie : « J’aime bien d’ailleurs cet aspect-là de Nino : qu’il ne soit pas à la recherche du père mais qu’au contraire, il cherche presque à être père de lui-même. » (Michaël Cohen à propos du personnage de Nino, dans le film « Le Héros de la famille » (2006) de Thierry Klifa, sur l’essai Le Cinéma français et l’homosexualité (2008) d’Anne Delabre et de Didier Roth-Bettoni, p. 281) Par exemple, dans le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, la vieille Mathilde dénigre la recherche paternelle de Félix : « Votre père, ce n’est qu’un prétexte. Il ne vous manque pas plus que moi mon mari : vous vous en foutez. » Le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco commence précisément par l’enterrement du père de Jézabel, l’héroïne bisexuelle : « C’est mon père : il est mort. » Jézabel arrive en retard et se fait engueuler par sa mère. Dans le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, Grany décourage son petit-fils Simon à retrouver son père. Dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Manuela ne veut pas qu’Esteban retrouve la trace de son père et découvre le secret de sa conception. Dans le film « Intrusion » (2003) d’Artémio Benki, l’auto-stoppeuse lesbienne, Florence, empêchera Clara de revoir son père à Gibraltar. Dans le film « Yossi » (2012) d’Eytan Fox, Yossi Hoffman, un jeune homosexuel part à la recherche de sa mère. Dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio, Alicia fait croire qu’elle recherche son père, mais elle ne le verra jamais. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, depuis l’Albanie, Dany et Ody cherchent à retrouver leur père en Thessalonique… mais pour le fric, et finalement sans être sûrs que c’est vraiment leur père : leur voyage est un prétexte pour réussir un concours de télé-crochet grec. Dans le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin, au moment de l’enterrement de son père où il devrait pourtant être présent, Antoine, le héros homosexuel, fuit sa famille et décide de partir loin, en avion.

 

Je vous renvoie également à la partie « Politique du non-dit de la mère » du code « Matricide » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

Parfois, c’est en cherchant à tuer l’imitation du père – vue comme un signe de lesbianisme -, que la mère du héros homosexuel tente d’anéantir son mari. « Stephen [l’héroïne lesbienne] profitait, semblait forte, et quand ses cheveux poussèrent, on découvrit qu’ils étaient auburn comme ceux de Sir Philip [le père de Stephen]. Il y avait aussi une petite fente à son menton, si petite qu’elle sembla d’abord une ombre ; et quelques temps après […], Anna [la mère de Stephen] vit que ses yeux devenaient pers et pensa que leur expression était celle du père. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 20) ; « Anna croyait devenir folle car cette ressemblance avec son mari la frappait comme un outrage. Elle haïssait la façon dont Stephen se mouvait. » (idem, p. 23)

 
 

f) Hamlet :

Rien d’étonnant, dans ces contextes fictionnels de parricide opéré par la mère du héros homosexuel, que ce dernier s’identifie fréquemment à la figure tragique d’Hamlet, l’emblématique personnage shakespearien dont la mère a tué le père (et celui-ci apparaît d’ailleurs devant son fils sous forme de spectre prononçant la fameuse phrase « Remember me… ») : cf. la pièce Hamlet, Prince du Danemark (1602) de William Shakespeare, le film « Hamlet » (1990) de Franco Zeffirelli, le téléfilm « Hamlet » (1972) de David Giles, l’opéra Hamlet (1888) de Piotr Ilitch Tchaïkovski, le film « L’Ange bleu » (1930) de Josef von Sternberg (avec la référence à Hamlet), la chanson « L’Horloge » de Mylène Farmer (et le lancinant « Souviens-toi… »), la série des tableaux Hamlet (1875) de Gustave Moreau, la pièce Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet (1974) de Bernard-Marie Koltès, la pièce Hamlet (1988) de Patrice Chéreau, la pièce Hamlet (1925) de John Gielgud, le film « Hamlet » (1921) de Sven Gade, le film « Hamlet » (1976) de Celestino Coronado, le film « Hamlet » (1976) de Jack Smith, le film « Hamlet » (1948) de Laurence Olivier (où le thème du travestissement traverse toute l’intrigue), le film « Lucky Luke » (2009) de James Huth (avec la scène où Jessie James – Melvil Poupaud – interprète Hamlet en grande drama queen drapée), etc.

 

Le héros homosexuel entend une voix qui lui dit qu’il a perdu son père : « Une voix m’accompagne dans cette chute interminable, cette mort seul. Vers l’enfer éternel. ‘Bye-bye… Tu n’es plus marocain… Bye-bye… Tu n’as plus de père… bye-bye… Tu n’as plus de Roi…’ Je suis toujours dans la chute. J’ai peur. J’ai peur. » (Khalid, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, pp. 21-22)

 

« Pourquoi les yeux de mon tonton nous dévisagent fixement ? » (Raulito à son amant Cachafaz, dans la pièce Cachafaz (1993) de Copi) ; « Cette histoire avec Malcolm, c’était aussi fort que si le fantôme de son père, mort quelques années auparavant, était réapparu. » (Adrien parlant de son amour fini pour son ex, Malcolm, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 95) ; « Pourquoi cet héritage empoisonné ? » (le fiancé de Gatal, se dirigeant à ses parents qu’il nomme « les fantômes du passé », dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, le gardien du lycée apparaît comme un spectre du passé. Dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay, Léopold, le père, est décrit comme un « fantôme » effrayant, qui, selon ses propres mots, « a la gueule en sang ». Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne, critique le jeu de l’acteur Lawrence Olivier dans Le Fantôme d’Hamlet. Dans le film « And Then Came Summer » (« Et quand vient l’été… », 2000) de Jeff London, David parle à son amant Seth de Hamlet. Dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, le dictateur Perón est représenté comme un spectre stoïque. Dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, Cyrille, le personnage homosexuel principal, a joué plusieurs fois le rôle d’Hamlet au théâtre : « Je n’ai pas joué Hamlet depuis un siècle ! Je ne me souviens même plus du texte… » ; « Montrez-lui ma photo dans le rôle d’Hamlet. » Dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi, la Mère critique son mari devant sa fille « L. », en le qualifiant de spectre (« ton fantôme de père »). Dans la pièce La Cité des Rats (1979) de Copi, le Diable des Rats apparaît à son fils Gouri pour lui révéler qu’il est l’enfant du viol : « Je suis ton père que tu n’as pas connu ; j’ai violé ta pauvre souris blanche de mère vierge dans le caniveau de la rue de l’Ancienne-Comédie un soir de folie. » Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Maurice, le père de Delphine, fait une crise cardiaque qui le rend tétraplégique, pile au moment où sa fille se lesbianise à la capitale. C’est face à ce « beau-père » grabataire, qui ne bouge pas mais qui entend, que Carole, la copine cachée de Delphine, fait son coming out.

 

Parfois même le père devient un dangereux (ou ignorant) Minotaure : cf. la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir (et le père avec « ses épaisses moustaches en forme de cornes de taureau », p. 29) Dans le one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out (2010) d’Anthony Kavanagh, quand le héros essaie de faire son coming out à son père, ce dernier évite sans cesse le sujet, fait semblant de ne pas comprendre, et répond à son fils qui lui dit « Papa, j’suis homo » : « Eh bien moi, j’suis taureau et ta mère est balance ! »

 

Du père viendraient un héritage et un destin maudits. « Ces enfants étaient maudits de par leur race. C’est à cause de ça qu’ils sont morts de façon accidentelle, ils devaient expier le péché de leur père noir qui était par ailleurs trafiquant de drogue. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 88)

 
 

g) Meurtre du père :

Film "Poltergay" d'Éric Lavaine

Film « Poltergay » d’Éric Lavaine


 

Plus souvent, c’est le héros homosexuel lui-même (au lieu de sa mère) qui achève fictionnellement son père. Le motif de l’assassinat du père est récurrent dans la fantasmagorie homosexuelle : cf. le film « Ken Burns » (2011) d’Adrienne Alcover, le film « Insects In The Backyard » (2010) de Tanwarin Sukkhapisit, la sculpture La Destruction du père (1974) de Louise Bourgeois, le roman Tuer le père (2011) d’Amélie Nothomb, la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan (où le héros homosexuel ligote son père et le bat à mort), le film « Huit Femmes » (2002) de François Ozon (qui se termine par le suicide du père, l’unique protagoniste masculin de l’histoire), les chansons « L’Innamoramento » et « L’Amour naissant » de Mylène Farmer, les films « Kika » (1993) et « Volver » (2006) de Pedro Almodóvar (dans lesquels les pères sont frappé mortellement), le film « Tu marcheras sur l’eau » (2005) d’Eytan Fox (avec le meurtre du grand-père), le film « Sitcom » (1997) de François Ozon, le film « Infernal Affairs » (2003) d’Andrew Lau et Alan Mak, le film « My Own Private Idaho » (1991) de Gus Van Sant (qui s’achève par l’enterrement du père), le film « Alice et Martin » (1998) d’André Téchiné, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie (dans lequel le père est mortellement assommé par le couple de lesbiennes), le roman Adrienne Mesurat (1927) de Julien Green (avec le père poussé dans les escaliers), le film « Ostia » (1970) de Sergio Citti, le film « Merci… Dr Rey ! » (2001) d’Andrew Litvack, le film « Ken Park » (2002) de Larry Clark (avec les deux grands-parents assassinés par leur petit-fils homo dans leur chambre à coucher), le film « Ghost Of Mars » (2001) de John Carpenter, le film « Regarde les hommes tomber » (1993) de Jacques Audiard, le film « Le Soleil assassiné » (2003) d’Abdelkrim Bahloul, le film « Je veux seulement qu’on m’aime » (1975) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Jin Nian Xia Tian » (« Fish And Elephant », 2001) de Yu Li, la chanson « Papa m’aime pas » de Mélissa Mars (où le père se fait flinguer : « Papa m’aime pas. Au nom du père, fais ta prière, les mains en l’air. Papa m’aime pas. J’ai verrouillé toutes les issues. Il est foutu. […] Adieu papa ! »), le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, le film « Diferente » (1961) de Luis María Delgado (où on fait mourir le père d’Alfredo accidentellement), la série The Borgias (2011-2012) de Neil Jordan (épisode 5 de la saison 2, où on découvre que le père du sodomite qui est mort a été tué par ce dernier), etc.

 

« J’vais vous briser ! » (Jules, le héros homosexuel parlant avec son père au téléphone, dans une discussion particulièrement houleuse, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Il ne dira pas qu’il a tué son père, sa mère, son frère, ses chats. » (cf. la chanson « Il ne dira pas » d’Étienne Daho) ; « J’ai tué mon père par deux fois. » (cf. la chanson « Je t’écris » des Valentins) ; « Mon père m’a engendré pour que je le fasse souffrir, pour que je sois son tortionnaire. » (le héros du roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan) ; « D’ailleurs, j’ai tué mes parents. […] Je n’ai jamais aimé trop mes parents. » (Pretorius, le vampire gay de la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « S’il le fallait, je les tuerais. Allongé sur mon lit j’envisage calmement le parricide. » (Vincent Garbo, le héros homosexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, pp. 50-51) ; « Va falloir vite se résoudre à couper l’affectif cordon qui me rattache à cette pantomime sentimentale. Depuis longtemps, ce père a failli. » (idem, p. 87) ; « Résultat, aujourd’hui il est mort… et ça me laisse complètement indifférent. » (Bryan, le héros homo parlant de son grand-père, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 406) ; « J’aurais voulu être Superman pour l’éclater. Mais un soir, il s’en est pris à moi. J’étais en CP, j’avais ramené un bulletin de notes un peu moins bon que d’habitude. Il m’a mis tout nu, m’a allongé sur le lit… j’étais terrifié. Il a défait sa ceinture et a commencé à me frapper, sans tenir compte de mon âge, comme si j’étais un adulte ou un criminel. Mais le bulletin, ce n’était qu’un prétexte. Il trouvait que j’avais l’air efféminé. À six ans ! Il me traitait de petit pédé, qu’il allait faire de moi un homme. » (Kévin, l’amant de Bryan, op. cit., p. 422) ; « Mes parents, ils sont morts. » (Henri, le héros homosexuel répondant à un de ses plans cul qui lui demande s’il a des parents, dans le film « L’Homme blessé » (1983) de Patrice Chéreau) ; « Pour moi, mon père est mort. Je vais vivre ma vie d’adulte. » (Édouard, le héros homosexuel de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco) ; « Mon grand-père le clown s’est suicidé en cours de spectacle. Il s’est pendu au trapèze, tout le monde croyait à un numéro comique ! Il a eu quinze minutes d’applaudissements avant qu’on s’aperçoive qu’il était mort ! » (le Machiniste dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) ; « Tu vois ton papa. Son haleine te dégoûte. Tu l’aurais bien tué. Ou t’avais rien sous la main pour faire ça. » (Bacchus parlant à Europe, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; « Les parents, c’est des connards. » (Willy, le gamin transgenre M to F qui se prend pour une fille, dans le film « Le Tout Nouveau Testament » (2015) de Jaco Van Dormael) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Navidad » (2009) de Sebastian Lelio, Lala, l’une des héroïnes lesbiennes, après avoir nié la présence de son père (« Mon père n’existe pas. »), le tue concrètement. Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, Ornithoman veut tuer son père. Dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, le narrateur assomme et tue son éditeur. Dans la pièce Mi Vida Después (2011) de Lola Arias, Vanina, l’héroïne lesbienne, raconte comment elle a découvert, une fois adulte, que son père avait été un militaire qui avait pris part à la dictature argentine des années 1970-1980 ; elle décide de le rayer de la carte : « Le pire, c’est qu’il sera toujours mon père, même si je ne le reverrai plus jamais. » Dans le film « Les Noms du père » (1974) de Geneviève Hervé, trois actrices (diva, star, anti-star), trois générations (grand-mère, mère, fille), tuent théâtralement leur mari. Dans le film « Hazel » (2012) de Tamer Ruggli, le père est délicatement recouvert au Tipp-Ex sur toutes les photos de famille. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, essaie de se débarrasser de son beau-père lors de l’enterrement du père de son meilleur ami transsexuel Annonciade. Dans la comédie musicale Amor, Amor, En Buenos Aires (2011) de Stéphane Druet, le père de Yolanda la prostituée a été « assassiné à coups de talons aiguilles » Dans le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, Cal (interprété par James Dean) provoque la crise cardiaque de son père, crise qui lui sera fatale. Dans le film « L’Objet de mon affection » (1998) de Nicholas Hytner, Nina, la « fille à pédés » enceinte de Vince, un homme hétéro qu’elle n’aime pas, décide d’élever son futur enfant avec son meilleur ami gay, George, qui fera office de père de substitution. George et elle décident de confisquer à Vince, le père de sang et de droit, son rôle de père : « Vince, je veux élever mon enfant avec George. » annonce solennellement Nina. Et Vince, blessé et agressif, lui rétorque : « Tu sais quoi ? moi, je veux l’élever avec l’Homme invisible. »

 

Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, Davide, le héros homosexuel, rejette l’appel téléphonique de son père et abandonne carrément son portable dans la rue. Plus tard, le père détruit au marteau le grenier où Davide vit son monde secret avec ses miroirs et ses photos d’actrices. Il tente de « guérir » son fils en le piquant avec une seringue aux fesses. À la fin du film, alors qu’il tente de le ramener de force à la maison, Davide se saisit d’un éclat de verre juste avant de monter dans la voiture paternelle. Le spectateur pense que le héros va trancher la gorge de son père avec l’arme de fortune. Finalement, il la retourne contre lui, sous les cris d’horreur de son père qui l’amène d’urgence à l’hôpital.
 

Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Vanessa et Nicolas, la sœur et le frère (homosexuel), assistent à l’enterrement de leur père, Richard, après le tragique suicide de leur mère Christiane survenu un an auparavant. Le père avait une maîtresse, Rose, avec qui il a eu un fils caché, Vincent, qui n’est autre que l’amant de Nicolas ! Au moment de l’enterrement, Vanessa et Nicolas apprennent que Rose et Vincent recevront seuls tout l’héritage, ce qui provoque l’ire de Vanessa sur la tombe de son défunt père (qu’elle porte responsable du suicide de sa femme) : « Sale porc ! Vicieux ! T’es qu’un gros dégueulasse ! Assassin ! Oser faire ça à maman ! » Plus tard, Géraldine, la femme de Nicolas, accuse Vincent d’avoir conduit son père (caché) à la mort : « C’est Vincent qui l’a tué ! » Quant à Nicolas, en couple avec son demi-frère, il rend responsable son père décédé de leur homosexualité à tous les deux (et, du coup, à tous les trois !) : « Tu vas voir tes deux fils s’aimer. Mais tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même ! »
 
 

h) Le parricide porté comme une culpabilité plus ou moins fondée :

Le meurtre parricide dans les fictions n’est pas nécessairement effectif ou prémédité : il se limite parfois à un cauchemar fait par le héros homosexuel, à une culpabilité (dénégatrice) ressentie face à la radicalité et à la brutalité de la mort naturelle/accidentelle du père (ou de la mère), à une impression honteuse d’avoir été pris à son insu la main dans le sac de l’inceste. Beaucoup de héros revêtent le deuil de leur papa au point de s’y identifier : « Mon père ne bougeait pas. Son visage était caché. On eût dit qu’il était mort. » (le petit Justin, découvrant à 5 ans son père mystérieusement mort dans le salon familial dans le film « Les Voleurs » de Téchiné) ; « Je sais pas comment j’ai compris que maman était morte. […] Peut-être c’est moi qui l’ait tuée. […] Comment leur dire que maman est pas vraiment morte et que papa a jamais existé ? » (le narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, pp. 10-11) ; « Adieu papa ! Lalalala. Papa m’aime pas. Je pourrai jamais dire papa. Je n’en ai pas. » (cf. la chanson « Papa m’aime pas » de Mélissa Mars) ; « Là, le monsieur couché, c’est qui ? C’est papa ? Il est mort ? » (la psy parlant à Auriane, une petite fille qui croit avoir tué son père en rêve, et qui commente son dessin, dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson) ; « Ma mère est morte quand elle m’a donné le jour. » (Dicky Teyer, le héros homo de la comédie musicale Le Cabaret des hommes perdus (2006) de Christian Siméon) ; « Ma mère est morte quand j’étais petit. » (Gabriel, l’un des deux héros homos du film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; « Comme m’a dit mon père avant de mourir dans mes bras : ‘Je ne comprends rien. Je n’ai jamais rien compris. » (Michael, l’un des héros homosexuels du film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Je l’ai démolie. Elle est là. Morte. Elle suffoque. Je devrais pourtant m’extraire. » (le narrateur de la performance Nous souviendrons-nous (2015) de Cédric Leproust) ; « Je me demande si mon père est mort parce que je lui faisais honte. » (Arthur, le héros homo, dans le roman Harlem Quartet (1978), mise en scène par Élise Vigier en 2018, de James Baldwin) ; « Écoute, t’as changé depuis la mort de maman. Je sais que tu culpabilises et je sais que ça a été difficile pour toi comme pour moi. Mais ça te donne pas le droit de tout contrôler dans ma vie. Tu comprends, ça ? Je n’en peux plus, j’ai besoin de respirer. » (Romane, l’héroïne lesbienne, s’adressant à son père dans l’épisode 68 « Restons zen ! » (2013-2014) de la série Joséphine Ange gardien) ; etc.

 

Dans le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, Bilal culpabilise de la mort de sa mère, même s’il n’a conservé aucun souvenir de sa maladie ; et Malik se sent coupable de la mort de son père dont il est l’un des seuls à connaître le cancer. Dans le film « Collateral » (2004) de Michael Mann, Vincent fait croire qu’il a tué son père quand il avait 12 ans. Dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, Sébastien est hanté par le souvenir de sa mère suicidée. Dans le film « Nocturne » (1990) de Jacqui Duckworth, ou bien dans le roman Deux Femmes (1975) d’Harry Muslisch, la mort de la mère est portée comme une faute. Dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, Luc culpabilise de la mort de son père.

 
 

i) Lien causalisé entre parricide et homosexualité:

Est-ce le meurtre (réel ou symbolique) du père qui a provoqué l’homosexualité, ou le désir homosexuel qui incite à l’assassinat du père ? Ni l’un ni l’autre. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il existe un lien fort, souvent signifiant, mais non-causal, entre homosexualité et parricide dans les fictions homo-érotiques. Loin de renvoyer à un désir de meurtre qui va toujours s’actualiser, il indique plutôt chez le héros homosexuel un éloignement du Réel, une fuite de sa famille/de sa propre paternité, une gémellité incestueuse entre homosexualité et homophobie.

 

Le héros homosexuel est lui-même très mal à l’aise avec sa propre homosexualité, qui trahit une relation incestuelle/incestueuse avec son père, et qu’il envisage parfois comme un parricide. Par exemple, dans le film « Mourir comme un homme » (2009) de João Pedro Rodrigues, au moment où le héros homosexuel Ze María tue son petit copain d’une balle, il dira bizarrement que « son père est mort » ; ensuite, tout fier de son crime passionnel, il déclarera à son père transsexuel : « J’ai tué un pédé comme toi qui ne méritait pas de vivre. » Dans le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, Uloomji, face au cadavre de son père veillé par sa famille Kamoulk, se fait accuser de parricide (« C’est toi qui a tué ton père ! »), officiellement pour son éloignement géographique (il a quitté sa famille pour vivre à Moscou), officieusement parce que son homosexualité a été découverte. Dans le film « Ander » (2009) de Roberto Castón, quand la mère d’Ander meurt, ce dernier culpabilise énormément (« C’est de ma faute. ») : il croit que c’est son homosexualité qui a mystérieusement tué sa mère, même si elle est morte sans l’avoir apprise. Dès l’incipit du roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman (qui traite de l’homosexualité féminine dans sa globalité), on assiste à la mort du père de Ronit (l’héroïne lesbienne), Rav Krushka le grand ; plus tard dans le livre, Dovid, le « gentil » mari d’Esti, fait un malaise au moment de découvrir que sa femme le trompe avec une autre : « J’ai observé Dovid affalé sur le sol de la chambre dans une posture étrange, une jambe tordue sous lui. » (p. 243) Dans le film « Poltergay » (2006) d’Éric Lavaine, Marc, le héros, assomme presque mortellement à la pelle le père de sa femme Emma en croyant se débarrasser d’un des nombreux fantômes homosexuels habitant sa maison. Dans le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, le père botaniste se fait tuer par le couple de lesbiennes Min et An dans la serre, juste au moment où il découvre leur liaison. Dans le sketch « Le Mariage homosexuel bientôt en France » de l’humoriste Lamide Lezghad, à l’émission On n’demande qu’à en rire sur France 2 du 31 janvier 2011, le mariage gay de Rachid provoque le suicide de son père. Dans le film « 510 mètres sous la mer » (2008) de Kerstin Polte, tout concoure à ce que Simone, la protagoniste lesbienne, reste bloquée dans un aéroport, fasse une rencontre amoureuse homosexuelle, et ne puisse pas se rendre à l’enterrement de son père (la première phrase de ce court-métrage est d’ailleurs « Mon père est mort. »).

 

Il est parfois explicitement dit que le coming out a provoqué la mort du père, ou bien que la mort du père a révélé chez le héros une homosexualité : « Je n’exclus pas que son absence brutale de ma vie, à un moment peut-être crucial pour moi, n’ait été responsable du fait que je sois devenue homosexuelle. » (Suzanne en évoquant sa mère qui est morte quand elle avait 11 mois, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 19) Par exemple, dans la nouvelle « La Césarienne » (1983) de Copi, Jean-Paul, le jeune homo, reçoit un colis des États-Unis, contenant la tête de son père : « Après un instant de stupeur, Jean-Paul se sentit pour la première fois de sa vie coupable de son homosexualité. » (p. 73) Dans la pièce Moi aussi, je voudrais avoir des traumas familiaux… comme tout le monde (2012) de Philippe Beheydt, Eddy (jouant le rôle fictif du père) offre à son pseudo fils Édouard Père manquant, fils manqué dès qu’il le suspecte d’être homo. Dans le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek, Vincenzo, le père, fait un infarctus suite au coming de son fils Antonio.

 

Le père est haï surtout parce qu’il exprime son malaise ou son refus de l’homosexualité de son fils/de sa fille. Par exemple, dans le film « K@biria » (2010) de Sigfrido Giammona, Giovanni, le père de Francesco, est politicien et se montre incapable d’accepter l’homosexualité de son fils. Dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, Bruno, le fils homosexuel, s’est fait surnommer « la chochotte » par son père quand il était petit. Dans le sketch « Le Papa Zonard » de Bruno Salomone, le fils se fait soupçonner de « dalepé » par son père parce qu’il écoute la comédie musicale Roméo et Juliette. Dans le film « No Se Lo Digas A Nadie » (1998) de Francisco Lombardi, le père de Joaquín force son fils homosexuel de 15 ans à s’endurcir, en le faisant jouer à la boxe ; voyant qu’il est impossible de l’endurcir, il finit par le maltraiter et par exprimer tout haut son homophobie.

 

L’homosexualité pratiquée devient, pour certains héros, l’instrument de la punition filiale. Par exemple, dans le roman La Dette (2006) de Gilles Sebhan, le héros homosexuel méprise son père colonisateur d’Algérie, et cherchent, en couchant avec les Algériens, à rembourser « la dette sans fin, la dette infinie qu’il lui faudrait payer en se livrant à des Arabes, en livrant son cul à des Arabes, pour déshonorer son sang, sa race, la dette contractée à travers son père à travers la Guerre d’Indépendance, à travers le renoncement au sol arabe, à travers ce supplice du sexe violé ».

 

Dans le film « Facing Mirrors : Aynehaye Rooberoo » (« Une Femme iranienne », 2014) de Negar Azarbayjani, le père d’Adineh l’héroïne transsexuelle F to M veut la forcer à se marier avec un homme (son cousin à elle) pour que sa fille ne déshonore pas la famille. Il aurait voulu qu’elle ne vienne pas au monde : « Je regrette de l’avoir fait. » Rana, une mère de famille et amie d’Adineh, essaie de faire entendre raison au père d’Adineh, en le rabaissant : « Vous ne l’avez jamais comprise. » Le père de cette femme intersexe s’acharne à la marier avec un homme pour la faire rentrer dans le rang : « Ou sinon, elle devra me considérer mort, comme sa mère. » assure-t-il.
 

On devine que le père du héros homosexuel est très mal à l’aise avec l’attrait homosexuel de son fils, au point qu’il essaie au départ de l’éradiquer à tout prix. Par exemple, dans le film « Le Fils préféré » (1993) de Nicole Garcia, Francis, le héros homosexuel, est rejeté par le père qui voulait en faire un boxeur. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, le père de Chance, le héros homosexuel, essaye de faire de son fils un soldat (ses enfants l’appellent même « chef ») ; et le père de Lévi, aussi homosexuel, veut transformer contre son gré son fils en champion de foot, et Lévi n’ose pas lui tenir tête.

 

C’est sans doute l’effet-miroir désirant entre le père et le fils qui pose problème. Par exemple, dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Jean-Loup, le héros homo, est en conflit avec son père (qui se trouve être aussi homosexuel !). Cet effet-miroir, indiquant un viol ou un événement ressenti comme tel, peut faire des étincelles et avoir une issue dramatique.

 

Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, le père de Danny s’oppose au film que son fils homosexuel a réalisé sur leur histoire houleuse (on devine qu’il l’a soit violé soit battu) : « Mon père est un salopard et un manipulateur. Il a trompé ma mère même la dernière année de sa vie. Il a baisé ma prof de théâtre et il m’a… » Chacun reproche à l’autre la maladie (cancer) puis la mort de la mère/femme : « Tu ne comptes plus, depuis que tu as fait souffrir maman jusqu’à la tuer ! » (Danny à son père, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) Le père de Danny renie l’existence de son fils.

 

Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Franz, le héros homosexuel, raconte qu’il a rêvé deux fois que l’amant de sa mère (son beau-père) pénétrait dans son lit pour le violer : « Puis il est venu dans mon lit. J’avais l’impression de devenir de plus en plus petit. Comme une fille. Puis il est rentré en moi. » Dans le one-man-show Cet homme va trop loin (2011) de Jérémy Ferrari, le père Vert, curé gay et pédophile, a jadis été violé par son père et par ses profs.

 

La haine homosexuelle du père est plus largement une attitude anti-sociale, car souvent, c’est toute la société qui est hétérosexualisée et patriarcalisée par les héros gays friendly bisexuels. « Tout le monde s’en fout de votre vieille tradition patriarcale. » (Shane, le héros homo s’adressant au couple hétéro réac de droite Loren/Tommy, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) La misandrie (mépris des hommes-mâles) :

Le XXe siècle a-t-il signé la mort à petit feu de la paternité, de la valorisation des pères, et plus globalement des hommes ? Tout porte à croire que oui. « Les hommes aujourd’hui sont sur la sellette. » (Meret Becker dans le documentaire « 68, Faites l’amour et recommencez ! » (2008) de Sabine Stadtmueller) Si on regarde dans l’Histoire humaine, en France par exemple, en 1935, le droit de correction paternelle est supprimé. Les progrès de la contraception ont rendu de plus en plus les femmes responsables des engendrements, et les pères sont devenus des objets annexes, des guichets automatiques. Peu à peu, le père a été réduit à la fonction symbolique de la nomination. En 1970, l’expression « chef de famille » a été supprimée. Est arrivée l’égalité des droits sociaux et politiques, la légalisation de l’avortement. La psychanalyse a basculé du père freudien à la maternalisation par l’intermédiaire de Mélanie Klein, Ferenczi, Winnicott… Dans Passeurs de vie : essai sur la paternité (1997), Xavier Lacroix explique comment actuellement les pères ne sont quasiment plus protégés par la loi et le droit en cas de divorce (il indique d’ailleurs les chiffres alarmants du taux de suicide des pères : les hommes divorcés se suicident dans une proportion de 3 à 6 fois supérieures aux hommes mariés).

 

Socialement, l’éloignement-rupture avec le père, et la fonction symbolique de ce dernier – à savoir le rappel du Réel, de la structuration humaine et des normes communes pour un mieux vivre ensembleindique un glissement de nos civilisations vers des rapports humains qui se virtualisent, s’uniformisent, se fragilisent, deviennent violents, paradoxalement au nom du confort et d’une béatification des victimes féminines/féminisées : « Il n’y a plus d’hommes, il n’y a plus de femmes, rien que des êtres humains égaux, forcément égaux, mieux qu’égaux, identiques, indifférenciés, interchangeables. […] on suggère la supériorité évidente des ‘valeurs’ féminines, la douceur sur la force, le dialogue sur l’autorité, la paix sur la guerre, l’écoute sur l’ordre, la tolérance sur la violence, la précaution sur le risque. […] La société unanime somme les hommes de révéler la ‘féminité’ qui est en eux. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 10) Comme l’explique parfaitement Philippe Muray dans son essai Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005), il existe une corrélation forte entre misandrie et destruction du Réel. Notre monde douillet et maternant, qui veut nier la mort et la souffrance pour mieux les laisser gagner, diabolise la force et le pouvoir en les affublant de doux surnoms tels que « patriarcat », « domination masculine », « hétérosexisme », « homophobie » : « De la domination masculine, comme on sait, procède tout les maux. » (p. 14)

 

Plusieurs années de féminisme idéologique et de libertarisme bisexualisant/homosexualisant ont rendu la misogynie moralement et légalement inacceptable dans la sphère publique, alors qu’à l’inverse la misandrie est maintenant justifiée, banalisée et excusée par la grande majorité de nos contemporains. Certains vont même jusqu’à nier agressivement son existence ! « La misandrie, ça n’existe pas ! Un homme agressé : IMPOSSIBLE ! Il ne peut être que l’agresseur de la femme ! Seules les femmes et les homosexuels sont des victimes ! » entend-on à longueur de temps. Dans nos sociétés occidentales gynocentriques – c’est-à-dire centrées sur les problèmes et les besoins des femmes – et misandriques – mettant en évidence la méchanceté et les imperfections des hommes –, les hommes, les maris, les grands-pères, ont de moins en moins droit de cité. Et ce mépris a parfois pour conséquence une radicalisation des camps hommes/femmes, et un accroissement des violences faites aux deux ! Dommages collatéraux logiques.

 

La communauté homosexuelle suit docilement le sillon anti-mecs (et donc, au final, anti-femmes) tracé par les militantes féministes agressives (expression pléonastique…). Ses membres dépeignent les hommes dits « hétérosexuels » comme des brutes épaisses, et cherchent à les détruire. « On s’en fout des hommes ! » (une des clientes lesbiennes d’une boîte parisienne, dans le documentaire « Les Femmes entre elles » de l’émission Dans les yeux d’Olivier (2011) d’Olivier Delacroix et Mathieu Duboscq, diffusée sur la chaîne France 2, le 12 avril 2011) ; « J’aime les femmes. Je n’aime pas les garçons. Ils sont trop brutaux. Ils ne sont pas beaux. Ils sont machos. » (Anne, femme lesbienne interrogée dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 87) ; « Je m’appliquais à me rapprocher le plus possible des garçons pour apaiser mes parents. En vérité, je m’ennuyais beaucoup en leur compagnie. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 105) ; « Je suis arrivé dans le salon. Et je les ai accusés de m’avoir fait homosexuel. Je leur ai dit que c’était de leur faute. » (Alexandre, jeune témoin homo de 24 ans, parlant de lui à 14 ans en 2001, dans l’émission Temps présent spéciale « Mon enfant est homo » de Raphaël Engel et d’Alexandre Lachavanne, diffusée sur la chaîne RTS le 24 juin 2010) ; « J’ai défoncé mon placard, et maintenant je vais te détruire. » (par rapport au « mâle dominant ») (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Je vous renvoie également au documentaire « Elula, les hommes on s’en fout » (2000) de Josée Constantin et Catherine Gonnard, ainsi qu’à l’essai Le Musée de l’Homme : Le Fabuleux Déclin de l’Empire masculin (2005) de David Abiker. Dans le documentaire « Regarde, elle a les yeux grand ouverts » (1978) de Yann Lemasson ou « La Domination masculine » (2007) de Patric Jean, on nous présente la caricature du macho comme un portrait fidèle de la réalité masculine. La haine des hommes est aussi exprimée par certaines femmes lesbiennes dans le documentaire « Mamá No Me Lo Dijo » (2003) de Maria Galindo.

 

« Nul mari ni amant ne m’approchera en érection ! » (Lise et Clara, le couple lesbien du documentaire « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau) ; « Les mecs sont interdits… non… en fait, j’dis en déconnant. C’est une affaire de proportion. Il nous faut une part des garçons comme il nous faut une part d’handicapés dans les entreprises. (rires) » (Charlotte et Marion, un « couple » lesbien, dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy, diffusée dans l’émission Tel Quel, sur la chaîne France 4, le 14 mai 2012) ; « Pendant ce temps, paradoxe du sexe, paranoïa de l’amour, mes relations avec les garçons déchiffraient une sorte de partition où participaient une attraction-répulsion, un jeu d’amour-haine. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 58)

 

Par exemple, dans le documentaire « Le Bal des Chattes sauvages » (2005) de Véronika Minder, un groupe de femmes lesbiennes décrit le torse velu des hommes comme le summum de l’horreur.

 

C’est la domination sur les hommes plutôt que la domination masculine que beaucoup de personnes homosexuelles (et leurs icônes-chanteuses) promeuvent et font semblant de dénoncer. Par exemple, lors de son (très décrié) concert de l’Olympia en juillet 2012, la chanteuse Madonna bâillonne lentement un de ses choristes sur l’air de la chanson « Je t’aime moi non plus », en simulant la scène SM de correction sexuelle.

 

Même si c’est mal compris et reçu, le mépris homosexuel des hommes s’origine majoritairement dans un sentiment de jalousie et d’adoration mal placée à l’égard de la gent masculine. « La jalousie dirigée contre les hommes n’est que la projection de sa propre attirance érotique pour les hommes. » (cf. l’article « Le Rôle de l’homosexualité dans la pathologie de la paranoïa » (1911) de Sandor Ferenczi, cité dans l’essai L’Homosexualité de Platon à Foucault (2005) de Daniel Borillo et Dominique Colas, p. 406)

 

Les personnes homosexuelles pratiquantes (et en particulier les femmes lesbiennes) nient en général leur misandrie par le fait (souvent avéré) qu’elles sont jalouses des hommes et qu’elles ne pourraient donc pas les détester (c’est bien mal connaître l’ambiguïté violente et fusionnelle de l’idolâtrie). « Je n’ai aucun problème avec les hommes. La preuve : j’ai un mec à l’intérieur de moi. » (Shirley Souagnon, lesbienne, dans l’émission Bref à Montreux (Suisse), sur la chaîne Comédie +, diffusée en décembre 2012) Par exemple, dans l’autobiographie Mauvais Genre (2009) de Paula Dumont, celle qui demandait à sa mère pourquoi elle n’avait pas de pénis et qui s’habillera plus tard en cow-boy dira, comme par amnésie, qu’« elle n’a jamais considéré les hommes comme des rivaux » (p. 115) et qu’« en aucune façon elle aurait voulu être un homme » (p. 117)… ce qui est en partie faux et en partie vrai, car l’hyper-masculinité cinématographique n’est pas le sexe masculin véritable mais a été considérée comme telle par l’écrivaine.

 
 

b) Mépris pour le père :

Le principal représentant des hommes, c’est évidemment le père.

 

Génétiquement, c’est le père qui détermine le sexe de l’enfant. Étant donné que beaucoup de personnes homosexuelles n’acceptent pas leur sexuation biologique de naissance, il est logique qu’elles s’en prennent à leur papa. Par ailleurs, dans leur enfance, le ressentiment contre leur géniteur a pu être renforcé par la relation fusionnelle avec la mère. En général, les personnes homosexuelles n’ont pas résolu leur complexe d’Œdipe, c’est-à-dire un désir incestueux pour la mère et un désir homicide envers le père. « Mes expériences m’ont également appris, de façon toujours renouvelée, que lors de l’attitude œdipienne négative les garçons ne font pas que haïr leur mère, mais qu’ils sont envieux et jaloux de son rôle auprès du père. […] Les hommes sont jaloux d’une rivale dans tous les cas où des motions homosexuelles latentes ou manifestes apparaissent en eux. » (Félix Boehm, « Le Complexe de féminité chez l’homme », dans l’essai Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 435)

 

Nombreuses sont les personnes homosexuelles qui ont une relation mauvaise voire inexistante avec leur père (biologique, et surtout symbolique)… même si, avec le temps, le conflit d’adolescence a parfois fini par se tasser ou par devenir cordial : on peut penser à Lord Alfred Douglas, Marlon Brando, François Ozon, James Baldwin, André Gide, Julien Green, Federico García Lorca, Rupert Everett, Cary Grant, Abraham Ángel, Serguei Esenin, Gus Van Sant, Peter Weir, Frank Mosca, Bai Xianyong, Yves Navarre, Oscar Wilde, Havelock Ellis, Jean Le Bitoux, Dominique Fernandez, Élia Kazan, Bruce Chatwin, John Cheever, Jim Grimsley, Andy Warhol, Tennessee Williams, Fritz Lang, Frédéric Lopez, etc. « Je ne l’aimais pas. Je ne l’avais jamais aimé. » (cf. les propos d’ouverture de l’essayiste français Didier Éribon, dans sa biographie Retour à Reims (2010), p. 15) ; « Mon père ivre » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 14) ; « Habitué au silence entre lui et moi » (idem, p. 58) « Faut que je te dise aussi un truc, c’est que je t’aime et que t’es mon fils, quand même, mon premier gamin.’ Je n’avais pas trouvé ça, comme on pourrait le penser, beau et émouvant. Son ‘je t’aime’ m’avait répugné, cette parole avait pour moi un caractère incestueux. » (idem) ; « Lui et moi n’avons jamais eu de véritable conversation. Même des choses simples, ‘bonjour’ ou ‘bon anniversaire’, il avait cessé de me les dire. » (idem, pp. 111-112) ; « Je n’étais pas un enfant désiré et mon père n’incarnait pas la bienveillance, expliquait-il. Il n’était que dans le dénigrement et les coups. […] Pour un fou rire qui l’agaçait, je pouvais me retrouver puni, enfermé dans un cagibi. J’étais terrorisé! Mon père n’était qu’une menace. » (Frédéric Lopez, présentateur français sur France 2 de Rendez-vous en terres inconnues, novembre 2016 pour TV Magazine) ; etc. Par exemple, Edmund White décrit son père comme un homme haineux. Lors de sa conférence en janvier 2012 au Centre LGBT de Paris, à l’occasion de la sortie de son essai sociologique Délinquance juvénile et discrimination sexuelle, Sébastien Carpentier tourne en dérision la « mode de revalorisation de l’image du père ». Dans son autobiographie Notes Of A Native Son (1955), James Baldwin raconte qu’il a repoussé le plus longtemps possible les visites à son père mourant, alors que toute leur vie, ils se sont menés une guerre sans merci : « J’avais dit à ma mère que c’était parce que je le haïssais. Mais ce n’était pas vrai. La vérité, c’est que je l’avais haï et que je tenais à conserver cette haine. Je ne voulais pas voir la ruine qu’il était devenu : ce n’est pas une ruine que j’avais haïe. » (p. 98) Dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko parle, concernant son père, d’« une aversion qu’il vouait à son égard » (p. 49). Dans le film documentaire « Louise Bourgeois : l’araignée, la maîtresse, la mandarine » (2009) de Marion Cajori , Amei Wallach, la sculptrice raconte les disputes de ses parents, les infidélités de son père volage, et dit qu’elle n’aime pas ce dernier et qu’elle n’est pas « réconciliée » avec lui.

 

Il arrive que le père soit présenté comme malade, un monstre, un clown, une brute : « L’homme que j’avais connu, vociférant à tout propos, stupide et violent, […] dans les mois, les années peut-être, qui avaient précédé sa mort, il avait cessé d’être la personne que j’avais détestée pour devenir cet être pathétique : un ancien tyran domestique déchu, inoffensif et sans forces, vaincu par l’âge et la maladie. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 31) ; « Tu ne m’avais jamais dit que mon grand-père faisait des masques de carnaval en papier mâché. » (Alfredo Arias s’adressant à sa grand-mère, dans l’autobiographie de ce dernier, Folies-Fantômes (1997), p. 156) ; « Une autre fois, ma mère dut s’absenter quelques jours pour se rendre au chevet de sa mère malade. J’ignorais tout à cette époque de la vie que pouvait mener mon père. Un soir, entrant dans la chambre de mes parents, que je croyais vide, j’eus la surprise d’y trouver mon père tenant dans ses bras notre cuisinière à demi dévêtue… Mon père m’administra un soufflet, pour me punir d’être entré sans frapper ; c’était la première fois qu’il me giflait… » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 79) ; « Mon père m’a fait souffrir. » (Arnaud, femme F to M, dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6) ; etc.

 
 

c) Père absent ou indifférent :

Quand il n’est pas montré comme le grand méchant loup, le père est au mieux dépeint comme un être éteint, absent, lointain, lunaire, lointain, figé, allongé, voire mort. Il est fréquent que les individus homosexuels lui reprochent son indifférence, son absence, sa froideur : « Je ne sais si j’aimais ou non ce monsieur de haute taille, affectueux sans cajoleries, qui ne m’adressait jamais de remontrances et parfois de bons sourires. Il était pour moi la grande personne autour de laquelle tournait la mécanique de ma vie. » (Marguerite Yourcenar à propos de son père, dans sa biographie Quoi ? L’Éternité, citée sur le Magazine littéraire, n°283, décembre 1990, p. 18) ; « Je n’ai pas beaucoup de souvenirs d’enfance avec mon père ; je garde de lui l’image d’une figure absente. Parfois, j’ai même l’impression d’avoir grandi sans père. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), p. 16) ; « Abandonnée par son père, élevée pas sa tante. » (Linn, jeune homme brésilien travesti en femme et parlant de lui-même, dans le documentaire « Bixa Travesty » (2019) de Kiko Goifman et Claudia Priscilla) ; etc. Comme le retranscrit Emilio Barón dans la biographie Luis Cernuda Poeta (2002), le poète espagnol Luis Cernuda n’avait que mépris pour sa mère qui « ne cherchait jamais à le comprendre et se moquait de lui », et pour son père : « Je me rappellerai toujours mon père enfermé dans son bureau. […] Ma présence le gênait. » (p. 18) ; « Mon père a énormément de difficulté à écouter. » (l’un des témoins homosexuels du documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; « Membre d’un parti qui prenait de l’ampleur, il devint rare à la maison. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 12) ; « Mon père n’est pas présent dans ma vie. » (Marvin, jeune témoin homo, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Quand ils ont renoncé leur homosexualité, leurs proches les ont rejetés » diffusée sur France 2 le 8 juin 2016) ; etc. Dans le documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) d’Yves Riou et Philippe Pouchain, le comédien Jean Marais est décrit comme « un fils élevé avec une image paternelle absente ». L’écrivaine bisexuelle Lucía Etxebarría évoque l’absence de son père. Charles Trénet n’a vu son père qu’à l’âge de 6 ans. Et en 1920, quand il n’avait que 7 ans, ses deux parents se séparèrent. « C’est un enfant de divorcés. » (Serge Hureau dans le documentaire « Charles Trénet, l’ombre au tableau » (2013) de Karl Zéro et Daisy d’Errata) Dans l’émission Toute une histoire spéciale « Quand ils ont renoncé leur homosexualité, leurs proches les ont rejetés » diffusée sur France 2 le 8 juin 2016, les deux invités homosexuels ont eu un père qui est parti quand ils avaient 3 ans.

 

Le père indifférent et démissionnaire, c’est souvent les personnes homosexuelles elles-mêmes, soit parce qu’elles fuient leur paternité/maternité, soit parce qu’elles fuient leurs devoirs parentaux et l’amour de leur géniteur du sexe complémentaire qu’elles auraient pu offrir à leurs progénitures. Par exemple, dans l’émission Toute une histoire spéciale « Mon père est parti avec un homme » diffusée sur la chaîne France 2 le 5 décembre 2013, c’est bien lui, Jacques Viallatte, le père démissionnaire, qui s’est séparé de sa femme après 23 ans de mariage, en quittant 4 enfants, pour aller vivre avec un homme.

 

d) Le souhait parricide naissant d’un désir incestuel frustré :

Il se peut que les reproches que formulent certains sujets homosexuels à leur père soit justifiés, si en effet ce dernier a vraiment manqué d’amour et de présence. Mais bien souvent, au lieu de dénoncer ce premier manquement, ils en rajoutent un second qui cette fois vient d’eux : la revendication d’un rapprochement au père ou d’une inversion des rôles, qui tient de l’inceste. Le fantasme de parricide, c’est aussi simplement le désir incestueux : l’individu fait mourir le lien filial avec son père en le considérant comme un amant : « Mon père a toujours été très tendre envers mon grand frère et moi, mais pour nous, ses câlins étaient des moments de dégoût. De dégoût puis de honte. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 34) ; « Au lieu de trouver un équilibre entre son amour et sa haine, en s’identifiant avec son père et en se représentant soi-même comme le futur père de ses enfants, l’enfant se dresse contre son père et devient l’amant potentiel de sa mère. Ne pouvant envisager des relations incestueuses avec elle, il se détournera de toutes les autres femmes (c’est ce qu’on appelle un phénomène de ‘compensation’). » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48)

 

Dans la biographie Ramon (2008), Dominique Fernandez fait la prouesse de retracer la vie de son père qui « a été un collabo, des plus notoires », jusqu’à ses funérailles : « Cette tête est celle de la mort. Cette photographie a été prise sur le lit de mort de cet homme. Cet homme qui est mon père, que je retrouve 62 ans après l’avoir vu pour la dernière fois. […] De temps en temps, dans les journaux, je voyais un visage lourd, massif, d’une virilité agressive. […] Force épaisse et butée, sans aucun rapport avec cette finesse de traits que j’ai maintenant sous les yeux, avec cette pureté d’expression, cet air de n’y être pour personne… Personne sauf peut-être pour son fils, qu’il a connu à peine, dont il ne s’est guère soucié, mais qui se trouve être aujourd’hui le dépositaire de cette vie et se heurte à un mystère insoutenable. Si beau dans la mort, si blâmable dans l’action : est-ce possible ? » (pp. 13-14) ; « Je suis né de ce traître, se dit-il, je porte son nom, son œuvre, sa honte, je suis son héritier. » (idem, p. 18) Dominique Fernandez nourrit une ambiguïté incestuelle vis-à-vis de son père qui ne fait aucun doute : « J’avais intériorisé l’interdit maternel. […] Amoureux de mon père, je l’ai toujours été, je le reste. Ma mère, je l’ai admirée, je l’ai crainte, je ne l’ai pas aimée. Lui, c’était l’absent et c’était le failli, l’homme perdu, sans honneur. C’était le paria. » (idem, p. 45)
 

Certains sujets (souvent lesbiens) détestent leur père biologique d’avoir cru que ce dernier était un dieu ou leur amant secret. « J’ai longtemps eu le sentiment de n’être qu’un ersatz de mon père. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 15) ; « Tout Louhoua estimait mon père. Star-patriarche du coin, charismatique, c’était un homme très séduisant, très adulé par les femmes. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 17) ; « Aujourd’hui, c’est le 19 juin, la fête des Pères, et comme tu es mon Miam, mon papa Miam, je ne t’oublie pas. » (Julien à son amant Pascal Sevran, dans l’autobiographie de ce dernier Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), p. 169)

 

Par exemple, dans le documentaire « Cet homme-là est un mille-feuilles » (2011) de Patricia Mortagne, Xavier est montré comme un père absent, coureur de jupons, et finalement homosexuel ! : « Ton père, il aimait bien plaire en société. » Dans le docu-fiction « Christine de Suède : une reine libre » (2013) de Wilfried Hauke, Christine, la reine pseudo « lesbienne », porte aux nues son père auquel elle s’identifie même physiquement, et qu’elle perd très jeune, à l’âge de 5 ans et onze mois : « C’était vraiment la petite fille à son papa. Elle adorait son père. » (la biographe Karin Borgkvist). Finalement, une fois arrivée à l’âge adulte, elle le descend de son piédestal : « Mon omniscient père avait tort. » Par ailleurs, l’ancien chroniqueur de Quotidien, Panayotis Pascot, a sorti un livre en août 2023 (La prochaine fois que tu mordras la poussière), qui est une autobiographie où il fait son coming out, tout en réglant ses comptes avec son père, pourtant décédé, en disant qu’il l’a écrite pour tuer une seconde fois son géniteur : « Ce livre me fait peur. Il a été douloureux à pondre. Mon père nous a annoncé qu’il n’allait pas tarder à mourir et je me suis mis à écrire. Trois années au peigne fin, mes relations, mes pensées paranoïaques, mon rapport étrange avec lui, crachés sur le papier. […] Je me suis donné pour but de le tuer avant qu’il ne meure. Ce que je ne savais pas c’est que j’allais traverser un épisode dépressif si intense que j’allais frôler la mort moi aussi… »

 
 

e) Mépris homosexuel du père inspiré de la misandrie de la mère (réelle ou cinématographique) :

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

Tiens, tant qu’on parle d’inceste, restons-y… Il est fort probable que la haine du père, observable chez une majorité de personnes homosexuelles, soit le fruit d’une imitation/soumission au discours misandre d’une mère cherchant à diviser le père et le fils pour, après un cuisant divorce, mieux régner amoureusement sur le second. La maman castratrice s’avance, un fusil à la main, pour tuer symboliquement son mari, et le ridiculiser auprès de son enfant homosexuel : « J’ai toujours eu l’impression que mon père n’était pas à la hauteur. » (Éric, homosexuel, dans l’essai Les Femmes et les homosexuels (1996) de Virginie Mouseler, p. 38) ; « C’est un homme plutôt doux, et surtout effacé, qui a abdiqué son autorité au profit de la mère. » (idem, p. 37) ; « Maman me parlait toujours mal de papa. Mon père ne prenait pas de décision et ma mère prenait trop de place. » (cf. la chanson « Luca Era Gay » de Povia) ; « Elle a distillé en moi une sorte de rancœur à l’égard de ce père toujours absent. Elle a ainsi contribué à faire germer en moi une culture d’affrontement avec le père. » (Jean Le Bitoux concernant sa mère, dans l’essai Citoyen de seconde zone (2003), p. 26) ; « Triomphe de la femme dominant un carnage de victimes masculines. Les héroïnes de Moreau sont fatales : les Érinnyes, Hélène de Troie, Salomé, inlassablement repeinte, Dalila, Circé, Lucrèce, Messaline, Lady Macbeth. » (Françoise Cachin, « Monsieur Vénus et l’ange de Sodome : L’androgyne au temps de Gustave Moreau », Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 88) ; « Tu en as tellement bavé avec papa et tu voudrais que je répète le même schéma ? » (Brahim Naït-Balk à sa mère, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), p. 89) ; « De mon père, j’ai le souvenir lointain d’un officier pâle, doux, presque timide, perpétuellement en butte aux sarcasmes de son épouse. » (Jean-Luc, homme homosexuel de 27 ans, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 75) ; « Je crois que pour Fanon, ce qui est important, c’est le conflit avec le père. C’est ce qui est au centre du texte : le conflit entre le fils noir et le père colonisateur. C’est cette relation Noir-Blanc / père-fils qui donne cette profonde masculinité à sa vision d’ensemble, qui génère le rôle ambigu des femmes dans le texte, et explique pourquoi ses sentiments sur les relations homosexuelles sont porteurs comme souvent aux Caraïbes, du même genre d’ambiguïtés. On est donc très près du complexe d’Œdipe. » (Stuart Hall parlant du héros du roman Peaux noires, masques blancs (1952) de Frantz Fanon) ; « Tu sais, je n’ai rien fait de méchant. C’est plutôt ton père qui était un peu con, il faut l’avouer. Il faut remercier Dieu de l’avoir rappelé à ses côtés aussi rapidement. » (la mère d’Ernestino à son fils homosexuel, dans l’autobiographie Folies-Fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 177) ; « Ce sont les impressions de l’enfance qui marquent l’individu au point de vue sexuel. Si elles ont été désastreuses, l’individu cherche souvent refuge dans l’homosexualité. C’est l’histoire banale des foyers désunis, où la mère, malheureuse et terrorisée par un père brutal, étouffe son enfant sous des manifestations d’affection anxieuse. Elle le retient dans son développement et tend à le conserver pour elle, comme un bébé. L’enfant, dans ces circonstances, témoin d’un rapport sexuel entre ses parents, l’interprète comme une attaque contre sa mère, une brutalité. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 48) ; « Mon père (présent/absent, toujours fatigué) a essayé de jouer son rôle de père malgré lui. Mais aucune affinité entre nous. Pas beaucoup de conversation car je le trouvais superficiel. Il cherchait à bien se faire voir auprès des autres alors qu’il n’avait pas les moyens de se payer les choses ou qu’il promettait des choses qu’il ne tenait jamais. C’était ses parents qui l’aidaient pour acheter de jolies voitures. Il se vantait auprès des autres de trucs qu’il faisait pour nous alors que il filait juste la pension et de quoi couvrir le manger pas les vêtements. Et encore… il disait que c’était lui qui payait presque tout. […] J’ai eu une enfance heureuse avec une mère qui me surprotégeait en dévalorisant à mes yeux mon père et un père présent absent qui n’a jamais été un pilier exemplaire. La mère a joué le rôle du père, je me rappelle que j’ai dit a ma mère que je voulais lui faire l’amour vers les 4 ans et elle a rigolé et ça m’a blessé comme si elle m’avait rejeté dans ma sexualité, castré. […] Mon père me considère toujours comme un gamin et j’ai remémoré des émotions en moi auprès de ma mère de lui et ma gorge m’a fait tousser presque à ne plus pouvoir parler une bonne partie de l’après midi. […] J’ai vu des médiums et énergéticiens qui me disent que c’est la colère envers la figure paternelle, l’absence du père qui me détruit, l’absence d’un père qui m’a bloqué dans mon évolution, ma construction d’homme auprès des femmes, professionnellement et médicalement et une mère poule qui me saoule, qui a toujours besoin de moi, toujours sur mon dos et qui fait tout à ma place. » (cf. le mail d’un ami homo, Pierre-Adrien, 30 ans, reçu en juin 2014); etc.

 

Par exemple, dans ses Mémoires (1995), l’écrivain nord-américain Gore Vidal raconte comment sa mère a méprisé son mari devant lui : « Ton père est un raté, ou du moins l’était jusqu’à ce qu’il m’épouse. » (p. 105) Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013), Guillaume Gallienne laisse entendre que son père n’est pas fidèle à sa mère : « Maman, j’adore quand tu parles espagnol. T’es encore plus belle que les secrétaires de papa. » Et il lui en veut d’avoir voulu le transformer en garçon, et donc de l’éloigner de sa mère : « Je ne sais pas pourquoi il ne veut pas que je sois une fille. C’est à cause de lui que ma mère m’habille en garçon. »

 

Beaucoup de personnes homosexuelles ont fini par intégrer dans leur cœur le discours binaire, démagogique, et parricide de leur maman : « Comment les pères surnomment-ils leur fils ? Idiot-bête. Glandu. Dorenchiant. L’imbécile. Une mère dit mon chéri, ma puce, Christ. » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 52) ; « J’ai étudié la psycho sur les origines de mon homosexualité. Cela est dû au fait que ma mère dénigrait tous les hommes, à commencer par mon père. Ils étaient divorcés. » (un ami en octobre 2013 sur Facebook) ; etc.

 

Certaines mères de personnes homosexuelles prétendent se substituer aux pères, quitte à les détruire : « Dans les cas d’homosexualité, c’est la mère qui se trouve avoir fait loi au père au moment décisif. » (Jacques Lacan, « Les formations de l’inconscient », Le Séminaire V, en janvier 1958, p. 210) ; « Ma mère était assez violente, peut-être plus que mon père, en réalité, et dans la seule confrontation qui, à ma connaissance, les opposa physiquement, ce fut elle qui le blessa, en lançant sur lui le bras du mixeur électrique qu’elle était en train d’utiliser pour préparer une soupe : le choc fut tel qu’il en eut deux côtes fêlées. Elle est assez fière de ce fait d’armes, d’ailleurs, puisqu’elle me l’a raconté comme on raconte un exploit sportif. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 81) ; etc.

 
 

f) Hamlet :

Hamlet (Sarah Bernhardt travesti en homme) face au crâne de son père

Hamlet (Sarah Bernhardt travesti en homme) face au crâne de son père


 

Rien d’étonnant, dans ce contexte discursif de parricide ou d’indifférence entretenu par certaines mères d’enfant homosexuel, que des individus homosexuels s’identifient à la figure tragique d’Hamlet, l’emblématique personnage shakespearien dont la mère a tué le père : « Mon drame, c’est celui d’Hamlet, mais lui n’avait pas la chance d’enregistrer des disques. » (Mylène, Charlie Hebdo, 1984, citée dans la biographie Mylène Farmer, L’Ange blessé (2003) de Caroline Bee, p. 7) ; « Mon rôle favori était celui d’Hamlet. » (Luchino Visconti, le réalisateur homosexuel italien, cité dans l’article « Biographie de Visconti » d’Olivier Bombarda, sur le site www.arte-tv.com) ; etc. Hamlet est un personnage qui fascine les membres de la communauté homosexuelle, car inconsciemment, il est le porte-parole d’un mépris social des pères. Par exemple, dans l’histoire du théâtre, Hamlet a souvent été joué travesti ou par des femmes (pensons à Sarah Bernhardt, la rebelle, ayant osé au début du XXe siècle la transgression en composant un Hamlet androgyne). En 1975, Elton John travaille aux côtés de Ken Russel à un projet de film-opéra-rock d’après le Hamlet de Shakespeare, avec David Bowie pour interpréter le rôle d’Ophélie (projet qui ne verra jamais le jour). L’écrivain espagnol Vicente Molina Foix a collaboré auprès de José Carlos Plaza pour la pièce Hamlet (1989). Dans son essai Para Enterdernos (1999), Alberto Mira fait longuement référence à Hamlet (p. 22). Dans le téléfilm « Hamlet » (1972) de David Giles, comme par hasard, c’est l’acteur homosexuel Ian Murray McKellen qui joue le rôle titre.

 

Hamlet représente tous ces maris, ces pères, ces frères, ces hommes, rendus invisibles par le peu d’attention qu’on leur prête : « En quelque sorte, ma vie quotidienne est désormais hantée par le spectre d’Alzheimer. Un spectre qui vient du passé pour m’effrayer en me montrant l’à-venir. C’est ainsi que mon père continue d’être présent dans mon existence. » (Didier Éribon, Retour à Reims (2010), p. 17) ; « La fille unique que je suis n’a jamais eu à se mesurer à un frère, donc à un garçon. Elle ne s’est heurtée qu’à un fantôme. » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 40) ; « Les hommes n’ont pas de corps. » (Oshen, la « lesbienne invisible », lors de son concert à L’Européen, à Paris, le 6 juin 2011) ; « En sortant de la brasserie, j’ai observé longuement la façade de la gare du Nord, et j’ai pensé que mon père était une des statues, boulonnées sur la corniche, et qu’il me regardait, et j’ai pensé : est-ce qu’il me regarde ou est-ce qu’il me surveille ? » (Christophe Honoré, Le Livre pour enfants (2005), p. 91)

 
 

g) Meurtre du père :

Loin de renvoyer à un désir de meurtre qui va toujours s’actualiser (je vous rassure, je ne connais, à ce jour, aucune personne homosexuelle qui ait tenté d’assassiner vraiment son père !), l’expression claire de la part d’un certain nombre de sujets homosexuels d’une profonde aversion pour leur père, indique plutôt un éloignement du Réel, une fuite de sa famille/de sa propre paternité, une gémellité incestueuse entre homosexualité et homophobie… Ce qui n’empêche pas, cela dit, que cet oubli des pères, relégués au statut de moins que rien, puisse engendrer à plus ou moins long terme des suicides, des meurtres, de vrais parricides. « Parallèlement à tous ces évènements brièvement décrits, notre vie familiale était très difficile à vivre suite à une grande difficulté conjugale entre mes parents : je ne reprendrai pas tous les détails de ces difficultés mais finalement, mon père se suicida le 25 août 1995. » (un ami homosexuel quinquagénaire, dans un mail datant du 19 octobre 2013) ; « Elles [le « couple » lesbien Charlotte et Marion] cherchent à couper le cordon, à se libérer enfin de l’emprise de leurs parents. » (la voix-off du documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy dans l’émission Tel Quel, diffusée sur la chaîne France 4, le 14 mai 2012) ; etc.

 

Par exemple, le réalisateur italien Pier Paolo Pasolini a quitté définitivement son père qui était très violent. Rayé de la carte ! Le 26 janvier 2017 en Suisse, un jeune gay de 19 ans comparaissait devant un tribunal zurichois du district de Hinwil (campagne zurichoise) pour avoir tenté un an plus tôt de poignarder à mort son père, après des années d’insultes et de souffrances psychologiques.

 

Lors de l’avant-première de la pièce En ballotage (2012) de Benoît Masocco au Théâtre Clavel de Paris en février 2012, un des spectateurs homos, à l’issue du spectacle, s’en est pris à l’acteur qui jouait le rôle du père homophobe d’Édouard, le héros homo, en cherchant à le tabasser, tellement il s’était identifié à la fiction !

 

Ensuite, il existe beaucoup de parricides homosexuels parallèles : pensons à ces hommes gays qui font tout pour ne pas imiter leur père et ne pas être pères eux-mêmes ; à ces femmes lesbiennes qui s’affairent à rentrer dans la peau de leur père idolâtré/fantasmé afin de tuer par la substitution leur vrai père ; à ces hommes transsexuels M to F qui se châtrent et se mutilent chirurgicalement pour tuer le père en eux. « Quand j’était cet homme que j’ai tué… » écrivait l’Américain transsexuel M to F Patricia Ann Morgan, à 24 ans, dans ses mémoires. Difficile d’être plus clair !

 

Dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, on nous raconte la rencontre entre Nicolaus Sombart et son amant beaucoup plus âgé que lui Carl Schmitt. Nicolaus Sombart semble utiliser l’homosexualité et son amant âgé comme parricide : « De toute ma vie, personne n’a plus occupé mes réflexions que Carl Schmitt. Pas même mon père. » (p. 273)
 

B.D. "Femme assise" de Copi

B.D. « Femme assise » de Copi


 

J’observe également un parricide symbolique (et malheureusement réel parfois) à chaque fois que j’entends les membres de la communauté homosexuelle rayer le père biologique de la carte du Réel, pour parfois prendre sa place, comme c’est le cas dans le discours des promoteurs de la « famille » homoparentale. Ainsi, lors de sa conférence « L’homoparentalité aux USA » à Sciences-Po Paris le 7 décembre 2011, Darren Rosenblum, jeune professeur de droit qui a acheté avec son compagnon « leur » petite fille à une mère porteuse (GPA), tient un discours qui tend à effacer les parents biologiques pour les remplacer par des rôles qui peuvent être tenus par des personnes asexués ou de tous les sexes. Face au public, il nie ouvertement qu’il ne dira pas à « sa » fille Myriam qui est son père, mais on le comprend puisque lui et son compagnon se le cachent déjà à eux-mêmes ! « Un de nous est le père biologique de Mélina. » ; « On ne voulait pas savoir qui était le père biologique. On sait maintenant qui est le père biologique, mais on garde le secret. » ; « Je soutiens une interprétation de la biologie. Je trouve que ces rôles de père ou de mère ne sont pas essentiels. Si dans une famille un homme veut être la mère, il doit pouvoir le faire. » De son propre aveu, Darren recherche une « parentalité androgyne » et parle de « désexuer la parentalité ». À propos des qualificatifs « père » et « mère », il dit : « Le sens de ces termes, je pense, va fondre. » Et il fait passer sa censure et son éloignement du Réel pour une incroyable créativité, en se valant du relativisme culturel : « Il y a un potentiel de jeux de rôles qui se développe dans les familles homoparentales. […] La parentalité, chez nous aux États-Unis, c’est aussi quelque chose de culturel. »

 

Un discours parricide semblable est tenu par Thierry Morisseau lors de l’émission Le Magazine de la Santé sur la chaîne française France 5, en décembre 2009 (ce documentaire fait partie de la série d’émissions 7 minutes pour une vie avec le titre « Homoparentalité : Le Parcours de deux mamans et deux papas ») : « La question de la disparition de la mère/du père doit exister » soutient-il. D’ailleurs, dans ce même reportage, quand on écoute le témoignage de Pascale et Julie, deux femmes en couple ayant réussi à « avoir un enfant » grâce à une insémination par don anonyme, on voit très clairement que l’existence du père est niée : « On est deux, pas un trio. […] On a fait le pari de construire nos propres références. » Elles refusent de connaître l’identité du donneur. Le père est assassiné, en quelque sorte.

 

Dans le documentaire « Zwei Mütter » (« Two Mothers, 2013) d’Anne Zohra Berrached, Katja et Isabella, à 43 et 37 ans, désirent un enfant. Mais il n’est pas question pour elles qu’une troisième personne vienne s’immiscer dans la vie de leur « couple heureux », amoureux et marié : « Les femmes ne veulent pas de père, juste du sperme » (cf. le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013, p. 42). Et après, les critiques de ce film ont le culot de se demander « pourquoi un amour qui semble si profond peut-il malgré tout être mis en danger » (idem) et souffrir des résistances. Et la misandrie ou l’effacement des origines des enfants, ce n’est pas violent, peut-être ?

 
 

h) Le parricide porté comme une culpabilité plus ou moins fondée :

Le meurtre parricide opéré par certains individus homosexuels n’est pas nécessairement réel ou conscient, comme je viens de le dire : il se limite parfois à une impression, à une culpabilité ressentie face à la radicalité et à la brutalité de la mort naturelle/accidentelle du proche parent, à une impression honteuse d’avoir été pris à son insu la main dans le sac de l’inceste. Il n’est absolument pas rare, par exemple, de voir que certaines personnes homosexuelles, à la mort de leurs parents, revêtent le deuil de leur papa, et surtout de leur maman, au point de s’y identifier, de s’en rendre malades, et de penser qu’elles ont commis un parricide irréparable… alors que bien évidemment, il n’y a pas eu assassinat. Notamment dans son article « La Douleur pour destin » (sur le Magazine littéraire, n°350, janvier 1997), Pietro Citati décrit « l’acharnement avec lequel Proust s’est poignardé lui-même, avec ses remords, surtout à l’égard de sa mère, au point de croire l’avoir tuée » (p. 24) On les a parfois tenu responsables d’un crime qu’elles se sont senties obligées de porter. René Crevel n’a que 14 ans quand sa mère le conduit devant le corps de son père pendu dans le salon familial. Dans son autobiographie Mémoire d’un nomade (1972), Paul Bowles raconte que son père l’a porté responsable de la maladie de sa mère : « Ta mère est très malade, et tout cela par ta faute, mon petit. Ne l’oublie pas. » (cf. le site www.islaternura.com). Quand sa mère meurt, Maurice Rostand sombre dans la démence parce qu’il croit l’avoir assassinée. Lorsque le père de Virginia Woolf décède, cette dernière pense l’avoir tué : « Sa vie eût entièrement mis fin à la mienne » rédige-t-elle dans son Journal, le 28 novembre 1928. La mère de Truman Capote, ou bien encore le père de Jean Cocteau, se sont suicidés alors que ces derniers n’étaient encore que des enfants. On peut penser également au désespoir qui s’abat sur Roland Barthes à la mort de sa mère, une insurmontable souffrance.

 

Parfois, cette culpabilité du parricide bascule en fausse indifférence. « On m’en veut parce qu’elle a voulu se suicider, mais, puisqu’elle a fait ça, c’est qu’elle est folle et moi je n’y suis pour rien. » (Stéphane, jeune homme qui se prostitue homosexuellement, parlant de sa propre mère, dans l’autobiographie Et dans l’éternité, je ne m’ennuierai pas (2014) de Paul Veyne, p. 234) Par exemple, la mort de la mère de Marguerite Yourcenar survient quelques jours après la naissance de l’écrivaine ; à l’âge adulte, celle-ci dira : « Je crois que le manque a été absolument nul. Car enfin, il est impossible, à moins d’avoir un caractère extrêmement romanesque, de s’éprendre, de s’émouvoir d’une personne qu’on n’a jamais vue. » (Marguerite Yourcenar, citée dans l’essai Qu’est-ce qu’une femme désire quand elle désire une femme ? (2004) de Marie-Jo Bonnet, p. 213)

 

L’idéalisation des parents, mis concrètement à distance, peut agir également comme un parricide symbolique : par exemple Arthur Rimbaud écrit Lettres aux siens (1881) alors qu’il a passé toute sa vie à les fuir. L’épigraphe-crachat « À personne » qu’Hervé Guibert choisit de mettre en tête de sa biographie Mes Parents (1986), qu’il dédie pourtant à son père et sa mère, est particulièrement parlante ! De son côté, Colette fait de sa maman Sido l’héroïne principale de ses romans (surtout à partir de La Naissance du jour, 1928), mais en réalité, elle adore une mère éloignée et la déteste dans la proximité puisqu’elle ne répond pas à ses lettres, ne va jamais la voir, lui cache les scandales de sa vie tumultueuse, dissimule son divorce d’avec Willy, ne l’accompagne pas aux derniers jours de sa maladie (alors qu’elle la sait pourtant à l’agonie), et refuse même d’assister à son enterrement (cf. l’article « Sido, Colette, portraits croisés » de Michèle Sarde, dans le Magazine littéraire, n°266, juin 1989, pp. 30-32).

 
 

i) Lien causalisé entre parricide et homosexualité:

Est-ce le meurtre (réel ou symbolique) du père qui a provoqué l’homosexualité, ou le désir homosexuel qui incite à l’assassinat du père ? Ni l’un ni l’autre. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il existe un lien fort, souvent signifiant, mais non-causal, entre homosexualité et parricide : « Je demande pardon pour avoir tué ma mère. » (Alfredo Ormando dans la lettre testamentaire qu’il a rédigée juste avant son suicide par le feu sur la place saint Pierre en 1998, pour dénoncer la condamnation des actes homosexuels par l’Église, cité dans le documentaire « Les Règles du Vatican » (2007) d’Alessandro Avellis) ; « Sans la mort de mon père, sans la culpabilité que j’ai portée de cette mort, le mal ne se serait pas répandu en moi. […] La mort de mon père ne m’a pas fait devenir glorieux ou infamant, elle a ranimé mon sang, elle m’a baptisé. » (Christophe Honoré évoquant la mort de son père survenue juste au moment de sa première expérience sexuelle homo-érotique à 15 ans, dans Le Livre pour enfants (2005), pp. 86-87) ; « Lucien a fait son coming out à 19 ans, depuis la mort de son père. » (la maman de Lucien, un jeune témoin homosexuel suisse, dans l’émission Temps présent spéciale « Mon enfant est homo » de Raphaël Engel et d’Alexandre Lachavanne, diffusée sur la chaîne RTS le 24 juin 2010) ; etc.

 

La seule chose qu’on peut assurer de manière générale, c’est que nombreux sont les psychanalystes ou médecins psychiatres qui dénoncent les ravages psychiques que l’absence de père provoque, plus particulièrement sur les garçons.

 
 

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Code n°139 – Patrons de l’audiovisuel

patrons

Patrons de l’audiovisuel

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Pédé-G

 

Laurent Ruquier

Laurent Ruquier


 

Le désir homosexuel a toujours été fortement intriqué avec les sphères du pouvoir audiovisuel : radio, télévision, journaux, photographie, cinéma, publicité. Étant un désir déréalisant, davantage fondé sur le fantasme d’être objet et le paraître que sur le Réel, cela peut se comprendre. Rien d’étonnant non plus que la majorité des personnages gays et lesbiens des fictions travaille dans le monde des arts, exerce des métiers de l’audiovisuel (publiciste, maquilleur, réalisateur, acteur, présentateur télé, etc.), et soit aux manettes des médias. Sans pour autant dire que le cliché est complètement applicable au monde réel, ni que « les gens du show-biz en sont tous ! » (car la soi-disant « mafia LGBT infiltrée dans le monde des images » n’est autre que la mafia hétéro-bisexuelle : les personnes homosexuelles sont instrumentalisées et minoritaires dans l’histoire), force est de constater que la communauté homosexuelle semble avoir pris d’assaut quelques hauts postes de l’audiovisuel, et que cette occupation est partiellement vérifiable à travers la propagande pro-amour-asexué qu’on nous sert en ce moment dans beaucoup d’émissions et dans la presse populaire.

 
 

N.B. : Je vous renvoie aux codes « Promotion ‘canapédé’ », « Bobo », « Milieu homosexuel infernal », « Artiste raté », « Homosexuels psychorigides », « Homosexualité, vérité télévisuelle ? », « Actrice-Traîtresse », « Reine », « Passion pour les catastrophes », « Photographe », « Bergère », « Maquillage », « Fan de feuilletons », « Télévore et Cinévore », « Musique comme instrument de torture », à la partie « Divin artiste » du code « Pygmalion », et à la partie « Grands Hommes » du code « Défense du tyran », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) Aux manettes du pouvoir médiatique :

PATRONS Doris Darling

Pièce Doris Darling de Ben Alton


 

Dans les fictions homo-érotiques, il n’est pas rare que certains personnages homosexuels travaillent dans les médias et occupent un poste important de direction/de création : cf. le film « Le Cas d’O » (2003) d’Olivier Ciappa, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation  », 2003) de Pedro Almodóvar, le film « J’en suis » (1997) de Claude Fournier, le film « Sugar Sweet » (2001) de Desiree Lim, le film « Grande École » (2003) de Robert Salis, le film « L’Homme qui venait d’ailleurs » (1976) de Nicolas Roeg, le film « Like It Is » (1998) de Paul Oremland (avec le producteur de disques), le film « People Jet Set 2 » (2003) de Fabien Ontoniente, le film « Oh ! My Three Guys » (1994) de Derek Chiu (avec les publicitaires), le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, le film « Le Goût des autres » (1999) d’Agnès Jaoui, le film « The Producers » (« Les Producteurs », 1968) de Mel Brooks (présentant le milieu artistico-médiatique comme rempli de folles tordues), le film « Play It As It Lays » (1972) de Frank Perry, le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver, la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow (avec Paul, l’animateur radio), le roman Michael Tolliver est vivant (2007) d’Armistead Maupin (avec Nate), le film « The Box » (1975) de Paul Eddey, le film « Mamá Es Boba » (1997) de Santiago Lorenzo, le film « Behind The Red Door » (2002) de Matia Karrell (avec le publicitaire joué par Kiefer Sutherland), le film « Working Girls » (1986) de Lizzie Borden, le film « Woman On Top » (2000) de Fina Torres, le film « L’Anniversaire » (2005) de Diane Kurys, le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte (avec Claude le publiciste), le film « Gay » (2004) de Tom Six, le film « El Grito En El Cielo » (1998) de Félix Sabroso et Dunia Ayaso, le film « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ! » (1982) de Coline Serreau, le film « Clean » (2003) d’Olivier Assayas, le film « My Loving Trouble 7 » (1999) de James Yuen, le film « Amos Gutman, Filmaker » (1997) de Ran Kotzer, le film « L’Immeuble Yacoubian » (2005) de Marwan Hamed, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec la réalisatrice Leni Riefenstahl), le film « Hammam » (1996) de Ferzan Ozpetek (avec Mehmet), la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau (avec Luc travaillant dans le monde cinéma), le roman Gaieté parisienne (1996) de Benoît Duteurtre (avec Nicolas le directeur d’un journal), le film « Taxi Zum Klo » (1980) de Frank Ripploh (avec Bernd le directeur de cinéma), le film « Une Journée particulière » (1977) d’Ettore Scola (avec Gabriele le présentateur radio), le one-woman-show Paris j’adore ! (2010) de Charlotte des Georges (avec François-Pierre, le publiciste homo), le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral (avec Jean-Hugues, le journaliste homo), le film « Potiche » (2010) de François Ozon (avec Jérémy), le film « Devil Wears Prada » (« Le diable s’habille en Prada », 2006) de David Frankel, le film « Hunger Game, La Révolte : Partie 2 » (2015) de Francis Lawrence (avec le présentateur télé efféminé Caesar Flickmann), etc.

 

« Les People, ils sont tous devenus folles. » (cf. la chanson « Les People » de Marianne James) ; « J’avais des paillettes, du chauve-business. J’avais envie de ça. » (Zize, le travesti M to F du one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson) ; « C’est quoi, la Rumeur n°1 dans le show-biz ? C’est l’homosexualité. » (Anthony Kavanagh dans le one-man-show Anthony Kavanagh fait son coming out, 2010) ; « Oh ! Mais laisse allumé, bébé. Y’a personne au contrôle. Et les dieux du radar sont tous ‘out’, et toussent et se touchent et se poussent, et se foutent et se broutent. » (cf. la chanson « Mathématiques souterraines » d’Hubert-Félix Thiéfaine) ; « Si on est gays, on attire les médias, et donc les producteurs. » (Dzav et Bonnard dans leur pièce Quand je serai grand, je serai intermittent, 2010) ; « À peine entrées dans le hall du théâtre, nous comprîmes que nous n’étions pas les seules à avoir reçu le message. Les ‘folles’ les plus élégantes de la ville avaient répondu à l’appel. […] Je sentais une certaine tension dans la salle. Je désignai à Sylvia les célébrités du monde artistique, généralement agglutinées en petits groupes et les mécènes de la grande industrie avec leur camarilla de chorégraphes, de décorateurs et de stylistes de mode, frangés d’une guirlande de mannequins au regard d’aveugle. » (Laura, la narratrice lesbienne du roman Deux femmes (1975), p. 91) ; « Cette connasse n’a pas capté que j’étais pédé comme Ruquier. » (Max, en aparté, la pièce 1h00 que de nous (2014) de Max et Mumu) ; « J’appelle Polly, elle me dit qu’elle est trop trop heureuse, qu’elles ont créé une boîte de production audiovisuelle, avec Claude, qu’elles l’ont appelé PoClauLesbo Production, ça la fait rire. » (Mike, le narrateur homosexuel parlant de son amie lesbienne Polly et de Claude la copine de celle-ci, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 59) ; « Oh la la… Y’a vraiment beaucoup de pédés là-bas ! » (Laurent Violet se référant au monde des médias, dans son one-man-show Faites-vous Violet, 2012) ; « J’pensais que c’était la fête à mon cul, dans le [monde du] spectacle ! » (Rodolphe Sand imitant une femme hétéro mère porteuse, dans le one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « [Jean-Pierre] Foucault, il est pédé ! » (Arnaud Ducret dans son one-man-show Pareil… mais en mieux, 2010) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Erik, le héros homosexuel, réalise des reportages destinés à la télé. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne, est directrice des programmes et animatrice d’un talk-show télé ; son grand jeu, c’est d’outer tous ses collègues présentateurs. Dans le film « Miss Congeniality » (« Miss Détective », 2001) de Donald Petrie, Vic, homosexuel, est le relookeur officiel – et le producteur officieux – du concours de Miss États-Unis ; et pendant la diffusion télé de ce programme national, deux membres de la prod, qui sont lesbiennes et travaillent derrière les caméras, en profitent pour faire leur coming out et s’insurger contre l’invisibilité lesbienne dans les mass médias. Dans la pièce Foot-ball (2008) de Christian Rullier, les journalistes sont associés spontanément aux personnes homosexuelles : « Y’en a qui font les pissotières… d’autres qui font les vestiaires… » dit le suspicieux entraîneur de foot. Dans la pièce Nous deux (2012) de Pascal Rocher et Sandra Colombo, Bernard, le héros homosexuel, est l’archétype du bobo parisien snob, travaillant à la télé (il est concepteur de jeux télévisés) et dans la mode ; lassé de sa carrière médiatique, il se recycle dans la direction artistique du camping de Saint Pierre-la-Bourg. Dans la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand, Georges de la Ferrinière, le présentateur-télé, est homo… et il se trouve que son fils Éric l’est également ! Dans le film « L’Immeuble Yacoubian » (2006) de Marwan Hamed, Zaki, le personnage homo, est éditeur en chef d’un grand journal. Dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Silberman est le chef du journal La Crítica. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, travaille comme assistant-télé de Stéphane Plaza, présentateur d’une émission sur M6 qu’il présente comme un « hétéro très homo ». Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien, le héros bisexuel, est un célèbre présentateur télé : « Ça a commencé à marcher pour moi à la télé. » Dans le film « Entre amis » (2015) d’Olivier Baroux, Astrid, en pleine croisière, reçoit des coups de fil de son meilleur gay, qui travaille dans la publicité. Dans la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn, le producteur Jack Warner menace James Dean de se tenir à carreau : « Si tu n’es pas un bon garçon, je te baiserai. » Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse, l’héroïne lesbienne, travaille comme reporter au Times. Dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, homosexuel, est producteur de films d’action à Londres. Dans le film « La Folle Histoire de Max et Léon » (2016) de Jonathan Barré, Eugène, le publiciste de propagande pétainiste, est particulièrement efféminé.

 

En général, ces chefs de programme tentent d’influencer leur téléspectateurs et de leur imposer  leurs conceptions pulsionnelles et asexualisées de la sexualité : « Nous [Télé-Lune] allons séparer nos chers spectateurs en mâles, femâles et transexuâles. » (la speakerine du JT de Télé-Lune, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi)

 
 

b) Des hommes qui commandent le monde de l’image mais pas leur propre vie :

Film "In & Out" de Frank Oz

Film « In & Out » de Frank Oz


 

Le problème de ces oligarques homosexuels des médias, c’est qu’ils vivent leur vie par procuration avec leur propre image, ou à travers leur empire télévisuel. Cela les précipite au mieux dans la schizophrénie et la dépression, au pire dans la mort : « Je ne suis pas un gentil mais un malade. C’est le show-biz ma maladie. » (Peter Malloy, présentateur télé et homosexuel, dans le film « In & Out » (1995) de Frank Oz) ; « Je ne savais pas que, en trois jours, je ferais le tour complet de tous ceux qui tirent les ficelles du monde gay. J’ai eu un véritable dégoût pour toute cette clique. » (Ashe, l’un des héros homos du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 234) ; « Le problème, c’est qu’on n’a rien pour alimenter le compte Twitter… » (Jean-Jacques, le chef de la bande des Virilius, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; etc.

 

Par exemple, la pièce En circuit fermé (1994) de Michel Tremblay dresse le portrait du monde impitoyable des médias, et de la lutte de pouvoir qui s’y joue ; certains personnages-requins, tels que Sonia, essaient de freiner l’ascension inéluctable du futur président de la télé, Nelligan Bougandrapeau, qui se révèle être homo : « Ce qu’il nous faut pour mener une chaîne de télé, c’est une bonne poigne. Pas un poignet cassé. »

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

 

a) Aux manettes du pouvoir médiatique ? :

Difficile de le nier : la visibilité homosexuelle, et les figures de proue de celle-ci, sont présentes et réelles dans l’espace médiatique mondial actuel. « Notre société est devenue tolérante à l’égard de l’homosexualité, au point que celle-ci est devenue un atout dans certains milieux, comme celui des médias, de la mode ou de la culture. » (Élizabeth Montfort, Le Genre démasqué (2011), p. 81) ; « Sous l’apparence constitutionnelle de la liberté d’expression, les clones ont conquis le pouvoir des médias et se sont attribué le pouvoir de contrôler les sources d’information. » (Philippe Guillaume, La République des clones, 1994) ; « Rupaul est une sorte de gourou, de Dalaï Lama pour la communauté homo. Mais il y a beaucoup d’hétéros qui regardent aussi. » (Rich Juzwiak, homosexuel, parlant de l’émission de télé-réalité transsexuelle aux USA Rupaul’s Drag Race, dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; etc.

 

14 juillet 2013 à Paris (soi-disant clin d'oeil à Desmond Tutu et à sa "Nation Arc-en-ciel")

14 juillet 2013 à Paris (soi-disant clin d’oeil à Desmond Tutu et à sa « Nation Arc-en-ciel« )


 

Par exemple, pendant le Jeu de la Vérité, on demande à la comédienne Alice Sapritch « pourquoi elle ne fréquente que des homos ». Elle répond : « Dans nos métiers, il y a beaucoup d’homosexuels. »

 


 

La forte intrication entre homosexualité et leadership audiovisuel ne date pas d’hier. « L’un des plus célèbres de ces bars, le Mikado, était fréquenté par des membres du gouvernement et des patrons à la recherche de mousses en goguette. » (Philippe Simonnot parlant d’un établissement allemand dans les années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 30) Je vous renvoie à l’émission Zone interdite de Pascal Lebovici et d’Édouard Duchâtenet consacrée au marketing gay, et diffusée sur la chaîne M6 en 1998. Par exemple, dans les années 1970 en France, Lucien Jeunesse, était homosexuel et animateur du Jeu des 1000 francs sur France Inter. Dans son autobiographie Down There On A Visit (L’Ami de passage, 1962), Christopher Isherwood raconte comment il a travaillé dans le cinéma, à Hollywood (Californie) dans les années 1940. Dans ses mémoires (Palimpseste – Mémoires, 1995), Gore Vidal parle d’« Alla Nazimova, une actrice sombre et au pouvoir presque intolérable qui régnait sur le monde lesbien d’Hollywood, qui englobait, d’après mes sources fiables, la quasi-totalité des stars féminines ou des épouses des stars » (p. 436).

 

Yves Mourousi

Yves Mourousi


 

En France, un certain nombre de présentateurs de Journal Télévisé de grande audience ont été ou sont homosexuels : Bruno Masure, Yves Mourousi, Hervé Claude, etc. Côté animateurs populaires, on a aussi ce qu’il faut (et à présent, ils s’en cachent de moins en moins) : Marc-Olivier Fogiel, Laurent Petitguillaume, Éric Galliano, Laurent Ruquier, Stéphane Bern, Frédéric Mitterrand, Magloire, Pascal Sevran, Philippe Verdier, Dave, Christophe Beaugrand, Jean-Marc Morandini, Jean-Pierre Koffe, Xavier Bettel (actuel Premier ministre luxembourgeois, et ancien présentateur télé), peut-être Yann Barthès, etc. « Je suis hétéro et homo… hétéromo ! Les animateurs c’est comme les anges, ça n’a pas de sexe ! » (l’animateur homosexuel Olivier Minne, au micro de RMC en août 2014)

 

En arrière-boutique, dans les hauts postes de responsabilité médiatique, les patrons homosexuels se sont bien installés aussi. On retrouve des personnes homosexuelles en particulier dans les métiers du management de l’image : Pierre Bergé (ex-PDG de Yves Saint Laurent et de la revue Têtu), Bertrand Mosca (directeur des programmes de France 3 et directeur général de Netgem Medias Services), Jean-Paul Potard (PDG Société Jean-Paul Gaultier), Marc Tessier (PDG de France Télévision), Michel Guy (vice-président de la chaîne de télévision La Sept et vice-président du Festival d’Avignon), Jeffrey Schmalz (sous-directeur du New York Times en 1990), Guy Black (président de la Press Complaints Commission), Michael Bishop (PDG de British Midland), David Geffen (propriétaire de label de musique et co-fondateur de Dreamworks), Pascal Houzelot (président de Pink TV), Jean-Paul Cluzel (président de Radio France), Jean-Jacques Aillagon (PDG de TV5, conseiller du groupe Artemis), Donald Potard (PDG des maisons Ungaro Europe et Castelbajac), etc.

 

Certains sont même devenus ministres de la culture : Jean-Jacques Aillagon, Jack Lang, Frédéric Mitterrand…

 

Ce n’est pas une tendance spécifiquement française. Rien que dans le monde hispanophone (Espagne et Amérique Latine prioritairement), plein de présentateurs et de directeurs de chaîne de la télé/revue sont homos : Jesús Vázquez (sur Telecinco), Jorge Javier Vázquez (créateur du « néo-réalisme télévisuel »), Boris Izaguirre (présentateur), Alfonso Llopart (réalisateur de Shangay Express), Miguel Ángel López (directeur de la revue homo Zero), Jordi González (présentateur). Idem en Angleterre et aux États-Unis : Kristian Digby (sur BBC Choice), Graham Norton (sur Channel 4), Paul O’Grady (sur Channel 4), Brendan Courtney, Antony Cotton (sur ITV1), Ellen DeGeneres (possédant une émission à son nom), Stephen Fry, Claire Balding (présentatrice des sports), Gok Wan (le flamboyant animateur), Jane Hill (sur la BBC), Sue Perkins (sur la télé britannique), Anderson Cooper (présentateur-vedette de CCN), Mary Portas, Craig Revel Horwood (l’un des jurés du Danse avec les stars de la BBC), Eileen Gallagher (productrice), Sir Cameron Mackintosh (producteur), Alice Arnold (présentatrice sur BBC), Pratibha Parmar (réalisatrice), Jane Czyzselska (éditrice du magazine lesbien DIVA), Steve Blame (sur MTV), Tim Cook (PDG d’Apple), etc.










 

Les animateurs batifolent même parfois ensemble. Et si ça ne s’est pas encore fait, ils prétextent que c’est « parce que ce n’était pas le bon moment » ou « par incompatibilité d’agenda » : « J’ai toujours trouvé Steevy plutôt mignon. Je crois qu’au moment où lui aurait été plutôt enclin à le faire, je n’étais pas disponible, parce que je vivais en couple et que j’étais fidèle. Puis quand j’ai été libre, ça faisait plusieurs années qu’on travaillait ensemble, et lui ne se voyait pas coucher avec son patron. […] On nous a tellement fait chier avec ça, l’un et l’autre, que c’est devenu risible. […] On a le projet de monter un jour ensemble sur scène et de faire un spectacle qui s’appellerait ‘Ils vont enfin coucher ensemble ! Comprenez que le seul obstacle a été… cette incompatibilité d’agenda. » (Laurent Ruquier parlant de Steevy, son petit protégé, dans l’interview suivante)

 

Le fait d’être aux commandes des médias permet à certaines personnes homosexuelles de ressentir l’orgueil du sophiste, du tribun de la Plèbe, du Pygmalion : « Plus qu’ailleurs, chez les homos, […] l’homosexualité peut devenir une fierté, une sorte de coterie d’élus à qui appartiennent les arcanes de la belle vie. Les relations sont faciles, et on fait des rencontres, parfois de personnes importantes qu’on n’aurait jamais connues ailleurs. Et on voyage, on court le monde et les fêtes, on ressent un certain orgueil à savoir vivre mieux que les autres, à être à l’avant-garde de tout, d’un milieu qui a tant de créateurs, à être en quelque sorte le fer de lance de la civilisation. » (Sébastien, Ne deviens pas gay, tu finiras triste (1998), p. 35) ; « La nature féminine se transforme sous le crayon des créateurs de mode. […]  Ils entraînent l’humanité consentante vers des corps de femmes sans seins ni fesses, sans rondeur ni douceur, des corps de mec, longs et secs. Ce sont leurs fantasmes que les créateurs de mode imposent à l’humanité, leurs fantasmes d’homosexuels (puisque l’énorme majorité d’entre eux le sont), qui rêvent davantage sur le corps d’un garçon que sur celui d’une femme. […]  Aujourd’hui, les jeunes filles, toujours au bord de l’anorexie, se fabriquent un corps de garçonnet pour plaire à des créateurs homosexuels qui n’aiment pas les femmes, qui les considèrent comme de simples ‘portemanteaux’, et les terrorisent pour quelques grammes de trop. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), pp. 19-20) ; etc.

 

Cela dit, il ne faut pas croire que les personnes homosexuelles dirigent le Monde, ni même le monde médiatique. Ça, c’est une illusion d’optique dans laquelle beaucoup d’intellectuels (par ailleurs très sérieux), d’hommes politiques un peu paranos, tombent en ce moment, parce qu’ils essaient de comprendre la popularité et la démocratisation fulgurante de la thématique homosexuelle sur nos petits écrans : « Forts de l’efficacité et de l’audience que leur assurent la complaisance des médias, la complicité de personnalités influentes, le soutien de leaders et de partis politiques, notamment de gauche, une minorité de marginaux homosexuels et toxicomanes, remarquablement organisés, ont lancé une puissante campagne pour faire passer dans le droit non écrit, sous la pression, la légalisation objective de leurs perversions et de leurs déviances. » (Ernest Chénière, le député RPR, dans le journal Le Monde du 14 décembre 1993) ; « L’émission du Sidaction a été une mystification de première grandeur, une escroquerie nationale dont l’objectif réel était de conférer officiellement aux comportements contre nature un statut de normalité. Puissance des ‘copinages’ médiatiques au service d’une certaine pornographie, puissance du lobby homosexuel, volonté de celui-ci de se dédouaner de toute responsabilité dans l’extension de la pandémie. » (Thomas Montfort, Sida le vaccin de la vérité (1995), p. 51-52) ; « Le lobby gay et lesbien, est très actif dans les médias et dans les lieux de pouvoir, comme les partis politiques. » (Élizabeth Montfort, Le Genre démasqué (2011), p. 30) ; etc. Ce n’est pas parce qu’une minorité des personnes homosexuelles – minorité elle-même instrumentalisée par un lobby hétéro-bisexuel beaucoup plus invisible et puissant qu’elle, qui s’en sert de chair à canon démagogique et de rideau à fleurs rose pour occulter son propre despotisme – se retrouve à des postes décisionnels de large visibilité et d’influence indéniable, que la plupart des personnes homosexuelles conspirerait pour être les maîtres de la télé, et qu’elles y parviendraient concrètement. Les véritables magnats de l’appareil médiatique mondial sont des êtres humains hétéro-bisexuels, gay friendly en intentions et homophobes dans les faits car ils veulent neutraliser l’homosexualité au profit de la suprématie de leur idéologie bisexuelle-asexuée-angéliste. « Le publicitaire n’est pas un prophète ; c’est le bras armé de l’idéologie dominante. Sous des airs ludiques, il est un officier supérieur du capitalisme. » (Éric Zemmour, Le Premier Sexe (2006), p. 26)

 
 

b) Des hommes qui commandent le monde de l’image mais pas leur propre vie :

B.D. "Kang" de Copi

B.D. « Kang » de Copi


 

Il n’est pas étonnant que beaucoup de personnes homosexuelles investissent davantage l’univers de l’audiovisuel que celui de la Réalité. À travers les objets et les images, elles fuient un mal-être existentiel et parfois amoureux, et pensent résoudre l’effondrement narcissique de leur personnalité. Celles qui ne font pas partie des milieux médiatiques de l’empowerment néo-libéral à proprement parler s’arrangent pour se laisser happer par les images d’une autre manière, à travers leurs loisirs et leurs passions (la bande dessinée, les jeux vidéo, la photo, la musique, la poésie, la peinture, la mode, Internet, le cinéma, etc.).

 

Tim Cook, PDG d'Apple, fait son coming out en octobre 2014 : "Je suis fier d'être gay." (Eh ben ça se voit...)

Tim Cook, PDG d’Apple, fait son coming out en octobre 2014 : « Je suis fier d’être gay. » (Eh ben ça se voit…)


 

Et pour ce qui est de la réalité du patronat LGBT dans les médias, elle n’est pas toute rose. « Les producteurs me disaient : ‘C’est vachement bien, mais il faut ajouter vingt-cinq rires’ ou bien : ‘T’es pédé, il faut faire des blagues sur les pédés, c’est rigolo !’ Ils voulaient me faire jouer au Point-Virgule. On ne me parlait pas du tout de mise en scène ou de théâtre, on me parlait d’efficacité. » (Vincent Dedienne, profession comédien gay pute-du-système, dans Les Inrockuptibles… très corruptibles, justement, jeudi 12 novembre 2015) Les quelques présentateurs télé qui ont fait le coming out se sentent piégés par leur image de « gays » et leur propre entourage professionnel (et pour cause : « l’homosexuel » n’existe pas, c’est une caricature : personne ne se définit par sa tendance sexuelle, et c’est inhumain et irrespectueux de croire le contraire), même s’ils ne se donnent pas le droit de s’en plaindre car ils sont complètement complices de la construction de cette réputation. Ils se retrouvent parfois dans des situations honteuses irréversibles (je pense par exemple au présentateur Marc-Olivier Fogiel qui en est déjà à deux enfants mexicains achetées et obtenues par GPA ; ou encore au présentateur québécois Joël Legendre, dans la même panade avec son compagnon et « leur » fils), et ils ont tout intérêt à assumer le mensonge pour qu’il ne leur retombe pas dessus.

 


 

Au fond, les patrons homos de l’audiovisuel vivent le drame narcissique de la perte de leur liberté, et du déni de cette perte, pour sauver la face : « Je suis journaliste et animateur d’une émission de télévision en activité sur une chaîne. […] Mon métier n’est qu’image, je l’ai choisi ou il m’a choisi, je ne sais plus trop. » (Gaël-Laurent Tilium, Recto/Verso (2007), p. 11)

 
 

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Code n°141 – Peinture (Sous-code : Décorateur)

Peinture

Peinture

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

Film "The Lady Is Dead" de Roy Raz

Film « The Lady Is Dead » de Roy Raz

 

On peut constater dans les œuvres homo-érotiques que la peinture occupe une place prédominante dans la vie des personnages gays et lesbiens : soit ils sont férus d’expositions d’art classique/moderne, et les tableaux de maîtres s’emparent sans cesse de leur imaginaire, soit eux et/ou leur amant exercent le métier d’artiste-peintre. D’ailleurs, ce cliché n’est pas éloigné de la réalité de beaucoup de personnes homosexuelles.

 

Pourquoi ce lien entre peinture et homosexualité ? Parce que le désir homosexuel est un désir d’être objet, de se prendre pour Dieu, et de s’éloigner du Réel pour rejoindre les univers virtuels et intentionnels plus que les réalités terrestres. Rappelons que la peinture est l’ancêtre de la photographie. Elle a donné naissance à l’homme-objet, et a été la première, avec la sculpture, à faire croire à l’Homme qu’à l’instar de Dieu, il pouvait créer, reproduire, et modifier à sa guise le Réel. Comme ce fantasme d’auto-engendrement par l’art est largement répandu dans la communauté LGBT, l’engouement homo pour la peinture s’explique très bien. Enfin, l’addiction à l’image figée montre que le désir homosexuel fait confondre aux individus qui s’y adonnent l’esthétique et l’éthique, les goûts et l’amour. Très souvent dans leurs discours, « aimer la vie ou l’amant », c’est comme « aimer une peinture » (le romantisme bobo narcissique par excellence). Et cette illusion semble être intrinsèque au désir homosexuel. D’ailleurs, j’ai l’impression de ne croiser que des esthètes romantico-libertins (amoureux mais non aimants) parmi les personnes homosexuelles de mon entourage.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Collectionneur homo », « Fresques historiques », « Amant narcissique », « Artiste raté », « « Plus que naturel » », « Jardins synthétiques », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Maquillage », et à la partie « Artiste divin » du code « Pygmalion », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

a) L’idolâtrie homosexuelle pour la peinture :

PEINTURE Manet

Détournement parodique gay du Déjeuner des Canotiers d’Auguste Renoir


 

La peinture occupe une très grande place dans les œuvres de fiction homo-érotiques. Le personnage homosexuel est souvent peintre, ou fan des expos d’art : cf. le roman Le Portrait de Dorian Gray (1891) d’Oscar Wilde, le film « Caravaggio » (1986) de Derek Jarman, le film « Anne Trister » (1985) de Léa Pool, le roman Off-Side (1968) de Gonzalo Torrente Ballester, le film « Mikael » (1924) de Carl Theodor Dreyer, le film « Pour le pire et pour le pire » (1997) de James L. Brooks, la chanson « Les Attractions-Désastre » d’Étienne Daho (avec l’extase devant un tableau de Witsen à Rome), le film « Les Amoureux » (1964) de Mai Zetterling, le film « Via Margutta » (1959) de Mario Camerini, le film « Violence et Passion » (1974) de Luchino Visconti, le film « Afrika » (1973) d’Alberto Cavallone, le film « Fraude matrimoniale » (1977) d’Ignacio F. Iquino, le film « Ocaña, Retrato Intermitente » (1979) de Ventura Pons, le film « Boulevard » (1960) de Julien Duvivier, le film « La Chamade » (1968) d’Alain Cavalier (avec le galeriste Jacques Sereys), le film « Le Glaive et la Balance » (1962) d’André Cayatte (avec Jean Ozenne), le film « Nuit docile » (1986) de Guy Gilles, le film « Parlez-moi d’amour » (1974) de Jean-Pierre Mocky, le film « Leaving Metropolis » (2002) de Brad Fraser, le film « Le Flic de Beverly Hills » (1984) de Martin Brest, la pièce « Loving out » (2013) de Jocelyn Flipo (avec Romain qui est galeriste d’art), le film « Serial Noceurs » (2005) de David Dobkin, le film « Never Met Picasso » (1995) de Stephen Kijak, le film « Amores » (1997) de Domingos Oliveira, le film « Siegfried » (1986) d’Andrzej Domalik, le film « The Attendant » (1992) d’Isaac Julien, le film « Le Goût des autres » (1999) d’Agnès Jaoui, le film « 800 Tsu Rappu Rannazû, Fuyu No Kappa » (1994) de Kazama Shiori, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (Emmanuel fait des dessins sur les murs de son salon), la chanson « Paint » de Roxette, le film « Mille millièmes, une fantaisie immobilière » (2001) de Rémi Waterhouse, le film « Rome désolée » (1995) de Vincent Dieutre, le roman Des chiens (2012) de Mike Nietomertz (avec « T », un des personnages homosexuels qui fait les Beaux-Arts de Paris, et présente des expos), la B.D. Muchacho (2006) d’Emmanuel Lepage (avec Gabriel de la Serna, passionné de dessin), le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo (avec une des héroïnes lesbiennes, Chiara, qui est galeriste), la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi (où les tableaux de Giacometti et de Léonard de Vinci occupent une grande place), la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi (avec la peinture dorée sur le parquet du théâtre), le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan (avec le jeune héros homosexuel, Hubert, qui fait de la peinture), le roman Paysage avec dromadaires (2014) de Carola Saavedra (avec Erika, artiste-peintre bisexuelle), le film « L’Art de la fugue » (2014) de Brice Cauvin (avec Alexis, l’un des héros homosexuels, qui est peintre), etc.

 

Par exemple, dans le one-woman-show La Lesbienne invisible (2009), Océane Rose Marie évoque ses « copines lesbiennes profs de peinture sur soie dans la Creuse ». Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, l’intérieur bourgeois est tapissé de tableaux. Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, Laurent, le fils que le spectateur devine homosexuel, suit des cours de dessin aux Beaux-Arts. Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, Nounours, l’un des héros homos, est un artiste d’art contemporain qui peint des vagins en forme de nénuphars roses. Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Leopold, l’un des deux héros homosexuel, vit dans un appartement « chic » épuré et savamment décoré ; quant à son jeune amant, qui est au chômage, il cherche vaguement comme travail « quelque chose qui ait un rapport avec l’art ». Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, les premières images représentent des couples homos en peinture. Et la plupart des personnages homos prétendent être artistes peintres et dessinateurs : c’est le cas d’Igor, par exemple ; et Paul, lui, se rend régulièrement à la Foire d’Art contemporain. Dans la pièce Le Clan des Joyeux Désespérés (2011) de Karine de Mo, Lili est la bobo qui anime un « atelier de peinture positive ». Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, Georges, le héros homo, des tableaux de maîtres. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ben, l’un des héros homosexuels, est peintre – il peint sur les toits des immeubles new-yorkais, les fameux roof tops – et a ses galeries. Il accroche ses toiles dans la chambre à coucher qu’il partage avec son « mari » George : « George adore les deux nus accrochés à la chambre. » Ben se demande s’il arrivera à devenir célèbre et à vivre de son art. Son amant à la fois le rassure et lui dit que ce n’est pas très important : « Il y a un nouveau peintre à la mode toutes les semaines. J’adore tes tableaux. Et je me fiche de l’avis des autres. » Comme par hasard, le tableau que Ben a peint juste avant sa chute (le tableau représentant le jeune et beau Vlad) sera jugé comme son meilleur. À la toute fin du film, Joey l’offre à George en guise de relique funéraire. Le dernier tableau est considéré comme un bout de Ben, comme une personne réelle. Dans la pièce Ma belle-mère, mon ex et moi (2015) de Bruno Druart et Erwin Zirmi, Julien, le héros bisexuel, collectionne les tableaux de peinture. Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, l’un des héros bisexuels, fait du dessin. Et il offre une de ses réalisations à Rémi, qui prend ce cadeau comme une confirmation de ses sentiments à l’égard de Rémi : « Damien… merci pour le dessin. » Dans la pièce Commentaire d’amour (2016) de Jean-Marie Besset, Mathilde travaille au Louvre et dirige la section de peinture flamande. Dans le film « La Forme de l’eau » (« The Shape of Water », 2018) de Guillermo del Toro, Giles, le personnage homo âgé, est peintre. Dans le film « A Moment in the Reeds » (« Entre les roseaux », 2019) de Mikko Makela, Leevi, le héros homosexuel, suit les traces maternelles : « Parfois, je peignais avec ma mère. ». Dans la série The Last of Us (épisode 3, 2023) de de Neil Druckmann et Craig Mazin, Frank peint des portraits.

 

Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, on nous fait croire que c’est l’amour homosexuel qui sert de véritable inspiration artistique au peintre homosexuel : Anna Ross, une conseillère professionnelle, dit à Johnny (un jeune peintre qui affirme que « la peinture, c’est toute sa vie ») que « son travail manque d’émotion » et qu’il devrait aller faire une toile sur l’île d’Eleuthera, près des Bahamas ; c’est en effet là-bas qu’il ira, qu’il trouvera ET l’inspiration artistique pour exécuter une toile magnifique, ET l’amour dans les bras de Romeo.

 

Dans le film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, le danseur et chorégraphe homo Rudolf Noureev est passionné de peintures et d’œuvres d’art, en particulier Le Radeau de la Méduse d’Eugène Delacroix, exposé au Louvre : « Je veux le ‘Radeau’ à moi tout seul. » Il reste scotché devant cette toile, et associe les moments importants de sa vie à un tableau de maître : « Chaque jour, c’est une obligation : observer un tableau. » déclare-t-il.
 

Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, les deux amantes Kena et Ziki se badigeonnent de peintures fluorescentes tribales en boîte de nuit kenyane… et après leur nuit blanche amoureuse, elles s’amusent encore des traces de peinture restantes : « On a encore de la peinture ! » rit Kena. La peinture semble représenter symboliquement l’attachement désirant.
 

 

Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, tous les personnages sont des beaux-ardeux de bas étage que le réalisateur fait passer pour de grands génies et de grands militants révolutionnaires. Emma, par exemple, est en quatrième année de Beaux-Arts et exerce le métier de peintre-philosophe (qui sort des phrases hyper profondes du genre « On peut décider soi-même de sa vie. » ; bon… en réalité, qui vomit de la sensation : « C’est ce qu’il y a de meilleur, la texture. »). C’est une femme engagée qui se pose même en outsider de sa propre profession puisqu’elle fait des tableaux politiques (le « nu », c’est obligatoirement « politique » et « sans concession », n’est-ce pas ?) et qu’elle est révoltée par le « système » capitaliste qui transforme l’art en business (putain, fais chhhiiier). Notre héroïne lesbienne est entourée de galeristes et d’artistes bisexuels, hétérosexuels et homosexuels qui conçoivent l’art comme ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire comme une fuite de la Vérité unique et de l’Espérance (à ce propos, l’une des amies d’Emma fait une thèse sur « la morbidité chez le peintre Egon Schiele » : hyper novateur), comme une élite bobo bisexuelle, comme une ode à l’orgasme et aux plaisirs des sens, comme un étalage d’érudition et de points de vue relativisés (avec des références – qui se veulent raffinées – à des peintres comme Klimt ou Schiele, qui sont des lieux communs de l’univers artistique français actuel). Léonard de Vinci n’a qu’à bien se tenir : la relève arrive !

 

On retrouve aussi beaucoup de héros homosexuels exerçant le métier de décorateur ou de designer (cf. je vous renvoie au code « Maquillage » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : Elliot, décorateur d’intérieur gay à Greenwich Village dans le film « Hôtel Woodstock » (2009) d’Ang Lee, le décorateur homosexuel de la série Full House (La Fête à la maison, 1987-1988) de Jeff Franklin, le jeune décorateur gay Bob Elkin du film « Un Dimanche comme les autres » (1971) de John Schlesinger, Molina dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-Araignée, 1976) de Manuel Puig, le cousin gay de Céleste dans le film « Celeste In The City » (2004) de Larry Shaw, Erlend le décorateur de vitrines homosexuel du roman La Terre des mensonges (2009) d’Anne B. Ragde, le décorateur homo du roman L’Étrangère est arrivée nue (1973) de Pénélope Ashe, le décorateur gay de la pièce Le Saut du lit (2005) de Frédéric Bouchet, Marco le héros homo du film « Footing » (2012) de Damien Gault, Vivien dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, le décorateur gay de la pièce Ma double vie (2009) de Stéphane Mitchell, etc. « Je suis un peu décorateur, un peu styliste. » (cf. la chanson « Comme ils disent » de Charles Aznavour) ; « Martin a toujours été doué en déco. » (Christine, l’ex-femme de Martin, le héros homo, dans la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche ; épisode 8, « Une Famille pour Noël ») ; « Hugo a toujours été très doué pour la décoration. » (Selma parlant d’Hugo, le héros gay, dans le film « Como Esquecer », « Comment t’oublier ? » (2010) de Malu de Martino) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, dès le collège, Emory, le héros homosexuel efféminé, a montré des prédispositions pour la décoration (il s’est occupé de la déco à la fête du lycée) ; il présente ces prédispositions comme innées à l’homosexualité : « J’ai raconté à Peter [son premier coup de cœur] que je faisais des étoiles en alu, et des nuages en coton. Il faut une folle pour ce genre de choses. » Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, se met dans la peau de la relookeuse de M6, Cristina Cordula, « la grosse gouine qui fait la déco à la télé ».

 

En général, la peinture est mise sur un piédestal par le héros homosexuel. Non seulement elle ne représenterait plus le Réel ni ne serait à Son service, mais elle se substituerait à Lui, en mieux, bien évidemment : « Mon émerveillement ne faisait que commencer. Les salles, ornées de fresques grandioses, auraient mérité la visite à elles seules. » (Éric, le héros homosexuel parlant de la Villa Borghese, dans le roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 20) ; « Je restai en arrêt, frappé d’admiration, devant les tableaux de Catherine S. Burroughs. » (Jean-Marc, le héros homosexuel du roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 213) ; « La peinture doit définir ce qui doit vivre. » (Élisabeth dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman) ; « Toi et moi, nous sommes des œuvres d’art. » (Sulky et Sulku, les deux artistes efféminés du film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes) ; « Il n’y a pas à dire, Jioseppe a vraiment un don, qui lui permet d’aller au-delà même de la représentation vraie, pour toucher l’idéal. […] Il ne se considère pas comme un simple imitateur de nature. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), pp. 10-11) ; « Jason allait réciter son credo mécaniquement. Dire qu’il ne croyait qu’à l’art. Affirmer avec un lyrisme faux que seules la peinture, la musique et la poésie permettent de supporter l’existence. » (Jason, le héros homosexuel du roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 357) ; « Tu vois, moi, c’est comme si je voyageais dans un pays merveilleux. » (Sidonie, l’héroïne lesbienne face à la broderie qu’elle tisse pour la femme qu’elle aime, dans le film « Les Adieux à la Reine » (2012) de Benoît Jacquot) ; « Il traverse la chambre abricot, son regard saute d’une image d’Épinal à l’autre, sous verre, encadrées de noir, en frise autour de la pièce, Vengeance d’une portière, Le Prince Mirliton, Till L’Espiègle, Histoire de Mimi Bon-Cœur» (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p. 48) ;« Vous avez vu cette exposition Picasso ? » (Adrien, le héros homosexuel, cherchant à changer de conversation dans un dîner mondain, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion) ; etc.

 

Par exemple, dans Les Nouvelles orientales (1939) de Marguerite Yourcenar, le vieux peintre Wang-Fô croit davantage en la peinture qu’à la réalité du monde, un monde qui le déçoit. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, le père d’Henri, quand il apprend son coming out, lui offre un tableau pour fêter ça. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homosexuel, fait une blague sur son manque de bronzage : « Ce n’est que la sous-couche. Celle qu’on met avant de peindre. »

 

Dans le film « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy, Maxence est un « garçon sensible », un peintre-poète à la recherche de son « idéal féminin » : il tombe amoureux de son propre portrait de Delphine, et confond la vie humaine avec la peinture : « Picasso, Klimt… c’est ça la vie. » ; « Son portrait et l’amour ne font plus qu’une image. » ; etc. D’autres personnages du film revendiquent que la peinture n’est pas abstraite puisqu’« elle peut avoir la même couleur que les yeux bleus ».

 

On observe comme une forme de ravissement éthéré, de captation (proche de l’amnésie schizoïde), d’hypnose idolâtre, concernant le rapport de certains personnages homosexuels à la peinture. Bref, un manque de liberté noyé par le plaisir des sens et des goûts. La confusion entre esthétique et esthétique dit une expérience de schizophrénie : « Après j’ai mieux compris l’expérience du Louvre. Devant le tableau de Raphaël, c’était sûrement Vincent imbécile ébahi qui au lieu de se contenter du plaisir des yeux s’était livré à un peu discret touche-pipi dans la poche du plus large futal de Garbo. À moins que ce ne fût le contraire. Car même aujourd’hui, avec un recul de six ans, il m’est encore impossible de dire en toute honnêteté lequel de Vincent ou de Garbo a depuis le début de ce micmac sexuel manipulé l’autre, à qui en réalité la main, à qui le manche. D’ailleurs Vincent Garbo se fout bien de le savoir. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 56) Par exemple, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, cache des photos pornos (en réalité, ce sont des reproductions de tableaux) dans sa valise : cela fait scandale à l’hôtel mexicain où il loge.

 

Il semble que dans bien des fictions homo-érotiques, ce soit la peinture qui impulse le premier émoi homosexuel, et non d’abord le Réel ou une personne de chair et de sang : « Hier, il m’a emmenée au musée voir les collections. Ce qu’il faut connaître si l’on se rend à Paris. […] Il m’a montré aussi le département réservé à la peinture. Certaines représentent des corps féminins exprimés au plus beau. Je me suis emplie de ces images. Je découvrais les regards mystérieux des statues, les femmes peintes. Les seins à demi dénudés éveillèrent en moi un désir qui bientôt devint si vif que j’eus, comme par poussées, des sensations dans mon ventre. » (Alexandra, l’héroïne lesbienne du roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, pp. 37-38) ; « Ma cousine prétend aussi que ces quatre images peuvent, si je les laisse bien en vue, ‘déclencher des vocations’… Que l’image a une force à laquelle nous sommes toutes sensibles, particulièrement dans le domaine dont il est question. Elle fait naître chez celles qui la regardent des envies inconnues et une assurance due au fait de savoir que d’autres le font déjà. Les gravures sont des outils. En les mettant sous les yeux de filles innocentes, on peut provoquer dans leur sommeil des rêves qui les inciteraient, si l’opportunité leur en était donnée, à ce genre de pratique. » (idem, p. 105) ; « Je ne pus m’empêcher de penser aux plaisirs que nous aurions bientôt à trois, comme sur les gravures que ma cousine m’avait envoyées. » (Alexandra par rapport à Marie et à sa bonne, op. cit., p. 171) ; « Je passe le bout de mes seins au Ripolin. » (c.f. la chanson « Le Petit Rouquin du Faubourg Saint-Martin » de Fortugé) ; etc.

 

Par exemple, dans le sketch « Sacha » de Muriel Robin, la mère indique que son fils Bruno aime la peinture, et montre cela comme un indice indiscutable d’homosexualité. Dans le film « Joyeuses Funérailles » (2007) de Franz Oz, c’est au moment où Daniel découvre l’homosexualité cachée de son père qu’il se met à observer fiévreusement autour de lui toutes les peintures et les sculptures masculines décorant le bureau paternel et chargées d’une sensualité soudain choquante/évidente. Dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat, Catherine, l’héroïne lesbienne, compare son amante Fanny à un tableau et tombe amoureuse d’elle. Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Julien, un ouvrier peintre en bâtiment tombe amoureux de la prostituée Rosa. Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Vita Sackville-West tombe amoureuse du portrait de Virginia Woolf peint par Vanessa avant de la rencontrer en vrai.

 

Dans le discours du personnage homosexuel, l’art fusionne souvent avec l’amour : « Si je savais dessiner, je te demanderais d’être mon modèle. » (Jacques s’adressant à son jeune amant Mathan, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Je crois en l’Amour… et aux arts plastiques. » (Helena, artiste peintre « plasticienne » lesbienne, dans le film « Como Esquecer ? », « Comment t’oublier ? » (2010) de Malu de Martino) Par exemple, dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan nous est montré un parallèle entre l’acte de peindre (Antonin et Hubert repeignent un appartement) et le coït homo. Dans le film « C’est une petite chambre aux couleurs simples » (2013) de Lana Cheramy, Mister Jones, vieux peintre aveugle et admirateur de Van Gogh, est soigné dans une maison de repos par Bob, un jeune infirmier dont il tombe amoureux. La chambre va peu à peu se transformer en nid d’amour et de communion de sensibilités artistiques… Dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Bernard Buffet, le peintre et amant de Pierre Bergé, tire le portrait d’Yves Saint-Laurent. Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, Mathan, le jeune héros homosexuel, a dessiné François, son premier amour. Dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, Glen est galeriste et essaie de draguer Russell en parlant voyage et arts ; il compare même l’acte sexuel à une page blanche (pas du tout réchauffée, la métaphore…) qui, telle une œuvre d’art qui se construit par petites touches, se charge de couleurs et de forme pour atteindre la perfection orgasmique.

 
 

Bryan – « La peinture, ce n’est pas mon truc mais j’aurais aimé savoir…

Kévin – Ça s’apprend. Je t’apprendrai si tu veux. »

(Alexis Hayden et Angel of Ys, Si tu avais été… (2009), p. 12)

 
 

Film "Avril" de Gérald Hustache Mathieu

Film « Avril » de Gérald Hustache Mathieu


 

Cet amour homosexuel basé sur la peinture a tout l’air d’être narcissique. « Plusieurs fois dans les mois qui suivent je retourne seul au Louvre (sans jamais réussir à m’y faire enfermer ; j’aimerais beaucoup vivre ici et le dis chaque fois aux gardiens) […] À force d’observations, je finis par découvrir que je figure sur trois peintures au moins et que sur celle signée Raphaël j’apparais carrément tout entier à poil […] : c’est là devant ce tableau que pour la première fois de son existence Vincent Garbo aura éprouvé sur tout son corps l’émotion de l’amour. » (Vincent Garbo dans le roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 45) ; « La jeune femme [Anne-Catherine] est touchée, pour la première fois de sa vie, par la grâce de l’art, devant l’autoportrait de Madame Vigée-Le Brun et sa fille» (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 308) ; « Parmi les affaires de Kévin, il y avait plusieurs tableaux. L’un d’entre eux représentait deux visages de profil, superposés, avec un seul œil en commun. » (Bryan parlant de son amant peintre Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 13) ; etc. Par exemple, dans le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, Guayi et Lala se choisissent comme symbole de leur amour lesbien une toile représentant une femme se baignant dans l’eau (elles disent que c’est « leur tableau »). Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, Jézabel, l’héroïne bisexuelle, se peint beaucoup en autoportrait.

 

Film "Johan, mon été 75" de Philippe Vallois

Film « Johan, mon été 75 » de Philippe Vallois


 

L’amant a tendance à être considéré comme un parfait reflet de soi-même regardé dans une glace, une œuvre d’art. « On vous a dit que vous ressemblez à un Botticelli ? » (Cyrille, le héros homosexuel draguant le journaliste Jean-Marc dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi) ; « Olivier n’avait pas envie de prendre son repas avec Fabien aujourd’hui. Il préfère regarder l’image de son ami dans le tableau que de le voir en vrai. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 128) ; etc. Par exemple, dans le film « Adèle Blanc Sec » (2010) de Luc Besson, la momie Patmosis fait les yeux doux à la peinture de St Sébastien au Louvre. Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, le peintre Basile tombe amoureux de son modèle Dorian Gray, qui lui-même tombe amoureux de son propre portrait. Je vous renvoie bien entendu au code «Pygmalion » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

b) Qui s’y frotte s’y « pic » :

Le problème, c’est que l’amant réifié, étant quand même vivant et libre, ne se laisse pas faire et posséder comme une chose… « J’ai l’impression d’être un tableau… abstrait. » (François parlant de Dominique qui le prend pour une bête curieuse parce qu’il est homo, dans la pièce On la pend cette crémaillère ? (2010) de Jonathan Dos Santos) ; « Le tableau macabre du rouquin est bien là, il est réel. » (le narrateur homosexuel dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 113) ; « L’endroit lui évoquait une galerie d’art moderne, vaste et impersonnel. » (Jane, l’héroïne lesbienne décrivant le nouvel appartement où elle et sa compagne Petra emménagent, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 21) ; etc. C’est pourquoi, dans les œuvres homo-érotiques, la peinture n’est pas une gentille estampe inoffensive. Tout le contraire. Elle s’anime, a le pouvoir de « bouffer l’espace psychique », d’étouffer les vrais désirs, de manipuler, et même de violer (cf. je vous renvoie au chapitre « Viol par l’image » de mon essai Homosexualité intime) : « Le souvenir d’une peinture voluptueuse, qui jadis avait dévasté son imagination, lui revint avec une précision intraitable. » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 172) ; « Moi, c’est le Caravage qui m’abîme. » (l’un des personnages du film « Musée haut, Musée bas » (2007) de Jean-Michel Ribes) ; etc.

 

Et on comprend bien pourquoi : l’art pictural, tout « dynamique » et « vivant » que les artistes contemporains snobinards le rêvent, fige la vie, cristallise le Réel, est inerte. L’être humain qui souhaite que sa vie soit une toile cherche en réalité à mourir. Les effets destructeurs de la peinture s’observent par exemple dans le roman The Picture Of Dorian Gray (Le Portrait de Dorian Gray, 1890) d’Oscar Wilde (le héros finit par se suicider car il ne supporte pas que la toile qui le représente beau ne corresponde pas à la marche du temps sur son propre corps), le roman Un Amour radioactif (2010) de Antoine Chainas, le roman Le Musée des amours lointaines (2008) de Jean-Philippe Vest (avec l’incendie du musée), etc. Par exemple dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, le couple homosexuel Greg et Mike possède une galerie d’art appelée Cactus Flower. Dans la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd, un tableau a le pouvoir de faire agenouiller tous ceux qui le contemplent. La peinture est donc symbole de damnation et de soumission.

 

La peinture dit également un amour possessif, excessif, insupportable, qui se délite : « Beauté d’une violence sauvage, dans l’Enlèvement de Proserpine, avec ce Pluton […] dont l’effroi se lit même dans la barbe. » (Éric, le héros homosexuel du roman L’Amant de mon père (2000) d’Albert Russo, p. 20) ; « Des images se projetaient dans mon esprit, tels les morceaux d’un miroir fracassé. » (idem, p. 115) ; « Ta chambre est une ode à la couleur mauve : des tapis aux abat-jour, des peintures aux statuettes, des draps aux alaises, le décor couvre chaque nuance du violet. » (Félix, le héros homosexuel décrivant sa chambre incestuelle, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 169) ; « Jioseppe Campi peignait beaucoup de portraits pour des couples qui allaient se séparer. Je veux dire que, dans plus de la moitié des cas, les peintures étaient exécutées avant que le mari parte avant la guerre ou se rende dans une autre ville pour le commerce. » (Jean-Philippe Vest, Le Musée des amours lointaines (2008), p. 82) ; « Kévin avait raison, nous fîmes plein de choses ensemble. À commencer par la peinture, nous y consacrions tous nos mercredis après-midi… puis tous nos week-ends… puis n’importe quand ! C’était un fabuleux prétexte pour nous retrouver. Comme promis, il fut très patient même si, au début, il prenait un peu trop au sérieux son rôle de professeur. Je n’en avais jamais eu d’aussi beau. Pour la première fois de ma vie, j’étais amoureux de mon prof. […] Cette fichue peinture à la fois nous réunissait et nous séparait. » (Bryan dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 82) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Santiago, un des deux protagonistes, est peintre (il l’est devenu « grâce à sa mère : c’est elle qui lui a donné la sensibilité ») ; et quand son amant Miguel découvre qu’il est le modèle exclusif de toutes ses toiles, il décide de les peinturlurer de rouge pour effacer les preuves de l’amour (homosexuel) idolâtre qu’elles représentent et qu’il n’assume pas.

 

Les musées et leurs alentours sont parfois des lieux de drague que les personnages homos prétendument « hors milieu » et « sophistiqués » se choisissent pour leurs rencontres. Mais le raffinement du cadre pictural est proportionnel à la violence/la vanité de leurs ébats : cf. la nouvelle « Au musée » (2010) d’Essobal Lenoir, etc. « M’en fiche, je veux fumer, je veux aller baiser au Louvre, je veux faire ce que je veux. C’est jamais fermé pour les pédés, le Louvre, tu savais pas, pauv’con ! » (Simon, l’un des héros homosexuels du roman Des chiens (2012) de Mike Nietomertz, p. 8) « Dans une odeur de pisse rance et de merde, sur des capotes souillées, il me fait l’amour. » (Mike parlant de lui et de Simon, op. cit., p. 15)

 

Le monde de la peinture sert d’alibi au héros homosexuel pour ne pas assumer ses actes de débauche et pour enrober la violence de ses pulsions d’un vernis qui fait sérieux, intello, esthète. « On a fait une expo, vu deux films, et on a fini par coucher ensemble. » (Matthieu en parlant de son amant Jody, avec qui il trompe son copain Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Comme tous les pédés, je veux aller voir la rétrospective de Nan Goldin à Beaubourg. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 89) ; etc. Hypocrisie totale.

 

La peinture est bien souvent utilisée par le personnage homosexuel comme un écran du viol ou de sa propre souffrance : « Je dessine pour ne pas entendre. Les cris. » (Yves Saint-Laurent dans la biopic éponyme (2014) de Jalil Lespert) ; « La peinture qu’elle avait achetée se trouvait encore devant sa porte, mais Jane avait rechigné à se mettre au travail. Les mots seraient encore là même si elle appliquait une nouvelle couche de laque ; elle voulait que leur laideur reste gravée au fer rouge dans les souvenirs des Mann comme ils l’étaient dans les siens. La colère qu’elle avait pu ressentir vis-à-vis de la fille en rapport avec le graffiti avait disparu. Si c’était Anna qui avait dégradé sa porte, elle l’avait fait par désespoir et par peur de ce que les soupçons de Jane pourraient entrainer pour son père. Si c’était Mann, alors lui aussi était désespéré et effrayé. Cette idée la travaillait. » (Jane, l’héroïne lesbienne qui ne se décide pas à effacer le graffiti homophobe « Lesben Raus ! » qui figure à la peinture rouge sur le mur d’entrée de l’appartement qu’elle partage avec sa compagne Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 155) ; etc.

 

Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Anton, le héros homo, regarde par internet comment, en Russie, certains « cassages de pédés » s’opèrent : la victime se voit humiliée en étant marquée de peinture bleue sur le visage et les cheveux. C’est le sort qui l’attend à la fin du film. La peinture est signe d’infâmie.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

a) L’idolâtrie homosexuelle pour la peinture :

Vernissage Rennes

Vernissage Rennes


 

On compte beaucoup d’artistes peintres parmi les personnes homosexuelles (Francis Bacon, Léonard de Vinci, Michel Ange, Caravage, Gustave Moreau, Andy Warhol, Copi, Paul Cadmus, Henri Scott Tuke, Salvador Dalí, Géricault, Pierre et Gilles, Einar Wegener, etc.) et un certain nombre d’amateurs d’œuvres d’art (François Reichenbach, Julien Green, Marcel Proust, Marguerite Yourcenar, Bruce Chatwin, Dominique Fernandez, etc.). « Il dessinait beaucoup. » (Christian Dumais-Lvowski, dans l’avant-propos des Cahiers (1919) de Vaslav Nijinski, p. 9) ; « Lola s’exile au Mexique. Elle a l’adresse d’un peintre efféminé qui admire ses formes. Le soir, quand elle dort, il enfile ses robes. Ils sont complices comme deux copines. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 253) ; etc. Dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud, Bertrand est obsédé par le monde de la peinture : « Pourquoi cette attirance pour les musées ? Il ne l’a jamais su. » (la voix-off de la mère de Bertrand, parlant de son fils) Il rêve de fuir sa réalité pour pénétrer dans les toiles : « C’était comme une maison de poupées. Un théâtre de marionnettes. C’est dans un musée que j’ai senti que mon fils était un homme. »

 

Pour ma part, j’ai fait l’école des Beaux-Arts à Cholet, ma ville de naissance, pendant 6 ans, de l’âge de 10 à 16 ans (cycle enfant et cycle ado). On retrouve aussi beaucoup de personnes homosexuelles exerçant le métier de décorateur : Léonard de Vinci, James Bidgood, Danilo Donati, Philippe Starck, etc.

 

Le peintre Paul Cadmus

Le peintre Paul Cadmus


 

La communauté LGBT est connue pour être peuplée d’esthètes et de graines de peintres géniaux. « Leur imagination est charmée à la vue de beaux jeunes gens, à la vue de statues ou de peintures dont ils aiment à entourer leur chambre. » (J. L. Casper parlant « des pédérastes », dans son Traité pratique de Médecine légale, 1852) ; « Beaucoup d’hommes de tous âges venaient chez moi, parlant des objets d’art ou dans l’espoir d’une aventure. » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 88) ; etc. On la flatte même pour ça. Les sujets homosexuels auraient une sensibilité artistique plus accrue que le reste de l’Humanité… alors certains ont fini par le croire ! Par exemple, l’écrivaine lesbienne Paula Dumont a eu une histoire d’amour longue, irrégulière et tourmentée avec Catherine, une femme bisexuelle peintre. Dans l’essai Le Musée de l’Homme : Le Fabuleux Déclin de l’Empire masculin (2005) de David Abiker, Victor l’ami gay visite beaucoup d’expos.

 
Mika Psycho
 

La peinture constitue une source d’inspiration (et d’impression sensorielle) capitale pour les personnes homosexuelles. Par exemple, dans les vidéo-clips « Je te rends ton amour » et « Sans logique » de Mylène Farmer, on retrouve l’influence d’Egon Schiele et de Goya. Le réalisateur suisse Lionel Baier souligne l’importance qu’a eu la gravure La Vie meurtrière de Félix Vallotton dans sa vie. Le poète William Burroughs a collaboré avec le peintre Brion Gysin, et le monde des arts plastiques occupe une place centrale dans son écriture : « Dans les ouvrages de Burroughs, l’influence de la technique du cinéma est partout manifeste. Burroughs fait lui-même allusion à l’influence de la peinture, et parle de son utilisation de la ‘technique du collage’. » (cf. l’article « William Burroughs et le roman » de Susan Sontag, L’Œuvre parle (1968), p. 147)

 

On observe comme une forme de ravissement éthéré, de captation (proche de l’amnésie schizoïde), d’hypnose idolâtre, concernant le rapport de certaines personnes homosexuelles à la peinture ; bref un manque de liberté noyé par le plaisir des sens et des goûts : « Chaque œuvre de Yourcenar paraît prendre sa source dans une œuvre d’art. » (Jean-Marie Le Sidaner, « Le Musée imaginaire », dans le Magazine littéraire, n°283, décembre 1990, p. 48) ; « Le dernier à faire son apparition fut Paco, dans son uniforme d’astronaute. Ses peintures et sculptures tournaient autour de la planète dans des sphères intersidérales. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 278) ; « La peinture de Danièle pour moi est une peinture onirique. Ce qui me frappe c’est que le vrai sujet des ‘Lutteurs’, ce n’est pas la violence. C’est la danse lente de la lutte, la complicité amoureuse. » (Hélène Cixous s’exprimant l’exposition de lutteurs sumos Les Lutteurs (2010) de Danièle Heusslein-Gire)

 

Dans le discours d’une grande majorité de personnes homosexuelles, l’art fusionne avec l’Amour. « L’homosexualité n’est alors qu’une sous-couche sous le papier peint que nous offrons à la joie du Seigneur. Pourquoi ce papier-peint ne lui présenterait pas une belle histoire d’amour, humble comme du papier et vraie dans ces traits, gardée avec prévenance dans sa fragilité et forte de son regard à Lui qui portent les agneaux blessés ? » (Henry Creyx, Propos décousus, propos à coudre et propos à découdre d’un chrétien homosexuel (2005), p. 92) Par exemple, dans la pub de Leroy Merlin (2012), c’est le couple homosexuel peignant son appartement qui ouvre le bal des bricoleurs d’intérieur.

 

 

Bien souvent, les individus homosexuels parlent d’Amour quand ils ne devraient parler que de goûts et de pulsions (« je trouve esthétiquement beau/je bande = donc j’aime ») : « Pour mieux comprendre, aidons nous d’un exemple : passer en rêvant devant un tableau, pressé par la foule, encombré de ses préjugés, ou prendre le temps de le regarder, y revenir, y porter toute son attention. Vous ne le verrez pas pareillement. En amour idem. » (Christophe Aveline, L’Infidélité : La relation homosexuelle en question (2009), p. 55)

 

Dans le documentaire « Yves Saint-Laurent et Pierre Bergé : l’Amour fou » (2010) de Pierre Thoretton, on constate, hallucinés, que Pierre Bergé et Yves Saint-Laurent ont vraiment pris les objets pour des dieux vivants : « Mes tableaux de Jéricho, Mondrian, Picasso, Braque, Cézanne… Maintenant, ce sont mes enfants. » (Pierre Bergé) Selon Pierre Bergé, si de son vivant Yves Saint-Laurent avait dû se déposséder de ses tableaux, « il aurait été saisi de vertiges ». Pierre Bergé a toujours été fan de peinture, et est sorti même avec un peintre, Bernard Buffet.

 
 

b) Qui s’y frotte s’y « pic » :

Le tableau Le Radeau de La Méduse de Théodore Géricault

Le tableau Le Radeau de La Méduse de Théodore Géricault


 

Mais l’addiction des individus homosexuels pour l’art de la peinture, loin de toujours signifier une capacité hors du commun à s’émerveiller, dit au contraire, malheureusement, un snobisme et un narcissisme nombriliste affligeant… car l’important n’est pas tant de s’extasier devant une toile présentée comme « artistique », ni tant dans le regard et l’intention, que qui et ce qu’on regarde. Et comme ce qui est regardé par eux n’est en général pas relié au Réel, ni à l’Amour, ni à la beauté, ni au sens de la vie, ni au plus réel des Réels (= le Christ, icône vivante et sainte par excellence), ils se retrouvent très souvent à contempler leur propre prétention au vide.

 

Beaucoup sont des « beaux-ardeux », de faux artistes qui n’ont rien à défendre sauf « l’art pour l’art » (cf. je vous renvoie au code « Artiste raté » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels), des libertins qui confondent (inconsciemment la plupart du temps) goûts et amour, esthétique et éthique. Par exemple, dans la pièce très gauche caviar (théâtre contemporain agressif) Hétéro (2014) de Denis Lachaud, l’espace scénique blanc finit par être aspergé de peinture multicolore partout : le sens ? Dire que la vie est une toile abstraite insensée.

 

Et plus fondamentalement, au niveau symbolique, les toiles semblent avoir « bouffer leur espace psychique », étouffer leurs vrais désirs, les avoir manipulés et même violés (cf. je vous renvoie au chapitre « Viol par l’image » de mon essai Homosexualité intime) : « Elle [Cecilia] contempla sans se lasser la peinture de son fils. Une Mae West pointait entre les feuillages tropicaux, où abondaient fleurs, papillons. À ses pieds, une panthère noire. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 229) Si l’on remonte la chaîne, on découvre que, pour certaines personnes homosexuelles, la peinture est le cadre du viol : « La pièce était petite et sentait très fort la peinture fraîche. Le lit sous plastique, placé au milieu, était grand et bleu, on aurait dit une piscine intérieure. Je voyais l’eau, j’entendais les petites vagues, je sentais un appel. Je me suis déshabillé en toute hâte. » (Abdellah Taïa racontant le viol qu’il a subi/accepté, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 17) ; « Quand on attaque une toile au couteau, ça m’intéresse. » (Celia s’adressant à Bertrand, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; « Je crois que je suis plus peinture. » (Bertrand, idem) ; etc. Le viol, comme la gouache, laisse une trace.

 

Par exemple, dans son autobiographie L’Arc-en-ciel (1983, Journal 1981-1984), Julien Green évoque dans sa vie « certains tableaux qui l’ont marqué et dont il a parlé dans son Journal » : « l’évolution du goût et des sentiments à travers l’œil d’un enfant, puis d’un homme, ce que le monde en apparence plat de la peinture fait surgir dans la perspective du rêve, la tyrannie des images depuis l’enfance. Et, je pense, sans oublier les idoles de la sculpture. » (juin 1981, p. 39)
 
 

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Code n°142 – Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme

personnage empêchant

Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme

 
 

NOTICE EXPLICATIVE :

 
 

Tous briseurs de couples ??

 

Les individus homosexuels sont-ils contre les couples femme-homme ? Pas tous. Mais beaucoup d’entre eux, oui, parce qu’ils s’opposent (à juste titre pourtant) aux couples cinématographiques hétéros (et à tous les couples femme-homme qui les imitent dans la réalité), et qu’ils les ont confondu avec les couples femme-homme aimants non-hétérosexuels.

 

Beaucoup de personnes homosexuelles empêchent la rencontre entre la femme et l’homme en la diabolisant ou en la romançant sur les écrans. « Pour pouvoir abolir le mariage, il faut d’abord que tout le monde puisse en bénéficier. […] C’est l’étape suivante. » (Caroline Mécary, Avocate au barreau de Paris, s’exprimant au sujet du « mariage pour tous » au festival Mode d’emploi à Lyon en novembre 2013) Dans certains films homo-érotiques, il n’est pas anodin que ce soit le personnage homosexuel qui, on ne sait jamais vraiment pourquoi (peut-être s’interpose-t-il pour leur éviter une guerre dramatique élaborée par ses propres fantasmes ?), sépare la femme et l’homme. Le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion en fournit un parfait exemple. Les représentations stylisées du combat entre le camp des filles et celui des garçons – notamment dans les comédies musicales et les jeux télévisés – excitent souvent beaucoup les personnes homosexuelles. Elles mettent fréquemment en scène l’impossibilité de l’union femme/homme, souvent par le traitement tragi-comique, à travers une scène de répudiation entre une femme hautaine et un homme désespéré l’implorant à genou, ou bien des disputes cataclysmiques jouées par des stéréotypes agressifs de chacun des deux sexes.

 

Cette vision diabolisée ou mièvre de l’union femme-homme implique aussi l’illusion de la compréhension parfaite entre les femmes et les hommes réels. Beaucoup de personnes homosexuelles divinisent le couple hétérosexuel, y compris aux dépens du mariage et du couple femme-homme réel non-hétérosexuel. Elles croient à la fois que tous les humains sont condamnés à ne jamais être heureux en amour, et paradoxalement, qu’ils goûtent tous au bonheur magique et « normal » dont elles seules seraient privées. Par exemple, certaines pensent naïvement que « les enfants hétéros n’auront jamais aucun problème dans leur vie » (Denis, témoin homosexuel dans l’émission Bas les masques (1992) de Mireille Dumas). Comme elles attribuent à ceux qu’elles appellent parfois « les normaux » ou « les heureux » (Jean-Louis Bory, La Peau des zèbres (1969), p.128) une vie selon les stéréotypes de la publicité, elles assurent que l’existence des autres est peu enviable, mais cependant plus harmonieuse que la leur. « Je pensais jalousement à ces hommes anonymes qui à cette heure s’amusaient, grossièrement peut-être, mais qui étaient supérieurs à moi par leur connaissance du plaisir, dont j’avais seulement le désir… » (cf. le poème « El Placer » de Luis Cernuda)

 

Beaucoup de personnes homosexuelles idéalisent le couple femme-homme non-hétérosexuel parce que elles le jalousent secrètement, lui ET le couple hétérosexuel. La jalousie semble être l’un des moteurs principaux du désir homosexuel. Certaines personnes homosexuelles la justifient en la projetant en haine « hétérophobe » sur ceux qui ne seraient que des « homophobes envieux » (Gregory Woods, Historia De La Literatura Gay (2002), p. 294) faisant une allergie inexpliquée à « leur bonheur d’homosexuels ». En définitive, elles envisagent que le bonheur puisse être gênant, non pas parce qu’il le serait réellement, mais parce qu’elles-mêmes en font une expérience paradoxale. La félicité des autres a souvent quelque chose d’écœurant quand on ne la vit pas exactement soi-même. S’il y a une haine de leur part pour le couple femme-homme qu’elles qualifient de « tyrannique », c’est parce qu’effectivement il est matraqué en tant que « modèle hétéro » idyllique dans les médias, mais aussi parce que la supériorité du couple femme-homme désirant (donc non-hétérosexuel) réveille leur orgueil mal placé et les renvoie de fait aux déficiences des structures conjugales homosexuelles (et hétérosexuelles !). Leur mépris affiché des couples intégrant la différence des sexes exprime leur quête désespérée d’approbation et la volonté de se substituer à ces couples dans l’inversion mimétique hétérosexuelle ou homosexuelle.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Trio », « Destruction des femmes », « FAP ‘Fille à pédé(s)’ », « Parricide la bonne soupe », « Jumeaux », « Duo totalitaire lesbienne/gay », « Violeur homosexuel », « Haine de la famille », à la partie « Parents divorcés » du code « Orphelins », à la partie « Fils de Merteuil et Valmont » du code « Liaisons dangereuses », à la partie « Scène de répudiation » du code « Femme et homme en statues de cire », et la partie « Peur de la sexualité » du code « Symboles phalliques », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

Film "Garçon stupide" de Lionel Baier

Film « Garçon stupide » de Lionel Baier


 

Très souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, le personnage homosexuel fait barrage à l’amour entre la femme et l’homme : cf. le film « L’Un dans l’autre » (1999) de Laurent Larivière (Matthieu drague son pote Antoine qui cherchait pourtant à flirter avec Laëtitia la veille), le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion (Adrien face au couple Eva/Alexandre), le film « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (Étienne avec le couple Vanessa/Ludovic), le roman Les Liaisons dangereuses (1782) de Choderlos de Laclos (la Marquise de Merteuil court-circuitant l’idylle amoureuse entre Cécile Volanges et le Vicomte de Valmont), la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton (Kevin face au couple Joe/Jenny), le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier (Loïc empêchant sa meilleure amie Marie d’avoir un copain : il la traite même de « pute » dès qu’elle vit une histoire d’amour), la pièce L’École des femmes (1662) de Molière (Arnolphe s’interposant entre Agnès et Horace), le film « De sang-froid » (1984) de Penelope Spheeris, la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco (la lesbienne « John » séparant le couple Elvis/Marilyn), la pièce Confidences entre frères (2008) de Kevin Champenois (Damien faisant obstacle à l’union Amélie/Samuel), la pièce Doubles (2007) de Christophe et Stéphane Botti (avec Louis, empêchant son frère siamois de connaître une fille), le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow (Sébastien, le héros homosexuel empêchant l’union Paul/Marie : il traite sa meilleure amie Marie de « garce » dès qu’elle lui préfère un autre homme), le film « Dead Ringers » (« Faux semblants », 1988) de David Cronenberg (Elliot cherche à séparer son frère jumeau Beverly et la femme de ce dernier, Claire), la pièce On la pend cette crémaillère (2010) de Jonathan Dos Santos (avec François, le héros homosexuel, sautant sur les hommes mariés, et essayant de détourner Jérôme de Catherine), le film « Nettoyage à sec » (1997) d’Anne Fontaine (le jeune Loïc s’ingérant dans la vie d’un ménage, Nicole et Jean-Marie), le film « L’Homme de sa vie » (2006) de Zabou Breitman (Hugo arrachant Frédéric à sa vie d’homme marié), etc.

 

Par exemple, dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, le jeune John, amoureux d’un papy de 70 ans, tache de jus de fruit la veste de la copine de Mr Carter, Lucilla, quand elle se serre de trop près à ce dernier. Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Konrad, le héros homosexuel, vient séparer Ayrton et sa copine Dakota. Dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah, l’héroïne lesbienne, s’interpose de manière intempestive et déplacée dans une conversation téléphonique où les parents de sa copine Charlène se parlent, en agressant le père pour que la mère « l’envoie chier définitivement » et pour couper court à leur discussion. Charlène est morte de rire avec elle. Dans la pièce Lettre d’amour à Staline (2011) de Juan Mayorga, Staline s’incruste dans le couple Boulgakov/Boulgakova pour séduire l’intellectuel. Dans le film « À mon frère » (2010) d’Olivier Ciappa, le fait que l’un des deux jumeaux ait trouvé copine est ressenti par l’autre comme une trahison et une hypocrisie. Dans le one-woman-show Wonderfolle Show (2012), Nathalie Rhéa reprochent aux couples hétéros se tenant la main dans la rue de lui barrer le chemin à cause de leurs bras. Dans la pièce Qui aime bien trahit bien ! (2008) de Vincent Delboy, Sébastien, le héros homosexuel, trame tout un plan pour dresser Stéphanie, sa « meilleure amie », contre Pascal, le petit ami de celle-ci. Dans le film « C.R.A.Z.Y. » (2005) de Jean-Marc Vallée, Zac s’interpose entre sa cousine et le copain de cette dernière, en se plaçant au milieu de leur lit conjugal. Dans le téléfilm « La Confusion des sentiments » (2000) d’Ilan Duran Cohen, Alain, le héros homosexuel, fait écran à l’union entre Marc et Babette. Dans le vidéo-clip de la chanson « J’ai le droit aussi » de Calogero, le héros homosexuel, attristé, se retrouve pris en sandwich entre un couple hétéro qui s’embrasse. Dans la série Clara Sheller (2005) de Renaud Bertrand, JP, le héros homosexuel, empêche le couple Clara/Patrick de se former (cf. l’épisode 1 « À la recherche du prince charmant »), car il veut posséder à la fois l’exclusivité affective de sa meilleure amie, et garder Patrick pour lui tout seul. Dans le film « Club de femmes » (1936) de Jacques Deval, Alice en pince pour sa camarade de pensionnat Juliette, qui n’a d’yeux que pour son fiancé ; jalouse, elle se débarrasse de la lettre de demande en mariage de sa copine, pour faire échouer le projet. Dans la pièce La Cage aux folles (1973) de Jean Poiret, Georges veut dissuader son fils Laurent de se marier avec une femme. Dans la pièce Coloc’ à taire ! (2010) de Grégory Amsis, Fred, le héros homo, trahit sa meilleure amie en lui piquant son copain. Dans la pièce Casimir et Caroline (2009) d’Ödön von Horváth, Eugène s’oppose à l’union Casimir/Caroline. Dans le film « Donne-moi la main » (2009) de Pascal-Alex Vincent, Quentin voit d’un très mauvais œil la relation amoureuse entre son frère jumeau Antoine et Clémentine. Dans la pièce Une Heure à tuer ! (2011) de Adeline Blais et Anne-Lise Prat, Claire veut faire divorcer le couple Joséphine/Luc. Dans le film « Circumstance » (« En secret », 2011), Maryam Keshavarz, Atafeh essaie d’arracher sa copine Shirin du mariage hétérosexuel dans lequel elle s’est empêtrée. Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, l’homosexuel qui n’avait pas voulu de Franckie quand elle était célibataire, la jalouse quand elle revient avec un « ex » à elle. Dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, Catherine intercepte une lettre d’amour entre Paul et Agathe. Dans la pièce Le Gai Mariage (2010) de Gérard Bitton et Michel Munz, le père homosexuel d’Henri (le héros qui feint l’homosexualité) traite Elsa, la copine de son fils, de « folle » : elle serait « une de ces tordues » qui va détourner son fils du « droit chemin de l’homosexualité ». Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Engel est le tentateur de Marc, l’homme marié et futur père : Marc lui reproche d’avoir « bousillé sa vie ». Dans le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan, Cal (James Dean) espionne son frère Aron et sa future femme Abra, et il leur fait une crise de jalousie en jetant contre eux des blocs de glace. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Camille, la mère de Matthieu, juge les mariages « inconscients ». Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Léopold veut empêcher son amant Franz de revoir Ana… puis il la lui piquera. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, est témoin que son meilleur ami Jérémy baise la belle Lisa sous la pluie… et il maudit bien sûr sa rivale : « C’est vraiment une espèce de… » Dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas, Léo, le héros homosexuel, se montre jaloux du couple Garance/Riton. Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, Todd s’incruste entre Molly et Frankie son futur amant en se mettant au milieu d’eux sur le canapé, jartant la donzelle ainsi que sa tentative de faire virer sa cuti à Frankie. Dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux, Géraldine, la femme de Nicolas le héros homosexuel, est contrainte d’assister au mariage d’inconnus, Laurence et Martin, qu’elle cherche à détruire de son regard critique assassin : elle ne supporte pas « le mariage de ces guignols ». Dans la pièce Les Faux British (2015) d’Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, Thomas, le héros homosexuel, maintient une relation très fusionnelle avec sa sœur Florence. « Je n’apprécie pas que vous mettiez vos sales pattes sur ma sœur ! » dit-il à Helmer, le fiancé de Florence, en lui faisant comprendre que la chasse est gardée. Helmer résiste, en vain : « C’est un être dangereux, particulièrement déséquilibré. Il ne supportera de donner sa sœur à qui que ce soit. ». « Il est de notoriété publique que vous êtes d’une possessivité maladive à l’égard de votre sœur. » lui lance-t-il à la face. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Tom, le héros homo, observe l’homme qu’il aime faire l’amour dans un bateau avec une femme, Marge, en forçant un peu la main à celle-ci. On découvre qu’il brise le couple de Dick et de Marge, puis pique Peter à Marge. Dans la pièce Les Favoris (2016) d’Éric Delcourt, Guen, le héros homosexuel, dénigre les sentiments que porte Stan à sa meilleure amie Camille. Dans le film « La Passion d’Augustine » (2016) de Léa Pool, Augustine, mère supérieure d’un couvent-conservatoire, transpose sur sa nièce Alice, virtuose en piano, tous ses fantasmes esthétiques, amoureux et carriéristes, inachevés. Lorsque celle-ci a une aventure avec un garçon et l’embrasse sur la bouche, Augustine s’interpose in extremis. Dans le film « Demain tout commence » (2016) d’Hugo Gélin, Bernie, le producteur homosexuel, a pris sous son toit son ami hétéro Samuel (Omar Sy), et lui fait une crise de jalousie quand ce dernier essaie de se remettre en couple avec Kristin : « T’as pas recouché avec elle j’espère ? » lui demande-t-il sérieusement. Dans le film « Love, Simon » (2017) de Greg Berlanti, Simon, le héros homo, pour ne pas que son homosexualité soit révélée par Martin, va tout faire pour empêcher le beau couple Nick et Abby de se former : « J’voulais empêcher que vous sortiez ensemble. » Dans le film « Pédale dure » (2004) de Gabriel Aghion, Seb et Loïc, couple homo, essaient de séparer Marie et Charles, pour garder Marie rien que pour eux et pour leur projet parental. L’intéressée résume bien leur démarche : « Non seulement je te baise pas mais je décourage ceux qui veulent te baiser ! »

 

Il arrive souvent que l’objectif – plus ou moins délibéré – du héros homosexuel soit de briser les couples, pour des raisons paradoxalement très nobles : c’est pour empêcher les divorces, les viols, et l’hypocrisie des mariages : « Peter était fiancé à cette conne de Loraine, dont la mère était une vraie salope. » (Emory, le héros homosexuel amoureux de Peter, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Et bien moi, je vais parler à ma main… » (Lennon, le héros homosexuel isolé quand les deux autres couples s’embrassent autour de lui, dans la pièce Scènes d’été pour jeunes gens en maillot de bain (2011) de Christophe et Stéphane Botti) ; « Vous êtes une femme folle dont le désir est de séparer les gens qui s’aiment. » (Lady Sackville s’adressant à sa fille lesbienne Vita, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; « Scum brisera les couples. » (une réplique de la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche) ; « Et ne me dis pas que les gens se marient par amour ! » (Glen s’adressant à son amant Russell, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh) ; « Qui dit mariage dit adultère. » (Norbert, l’un des héros homosexuel de la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez) ; « J’avoue, je maudis tous ceux qui s’aiment. » (cf. la chanson « Assasymphonie » dans l’opéra-rock Mozart en 2012) ; « Pendant un apéro au Boobs’bourg, en attendant les autres, Cody m’avoue qu’à New York il met des petites annonces sur craiglist.org en se faisant passer pour une fille : ‘Comme ça, quand les hommes ils veulent ma chatte, je dis à eux je suis un pédé mais je peux te sucer bien ta bite à fond et avaler ton jus. Ça marche, quoi, les hommes ils ont envie d’une fille parce qu’ils pensent que c’est la seule chose qui les fait bander mais un jour où ils sont en manque ils goûtent à la bouche ou le cul d’un pédé et d’un coup ils se rendent compte que ce qui les fait bander c’est le sexe, et pas une fille, quoi. Je suis comme une sorte de terroriste queer comme j’oblige les hommes hétéros de se rendre compte que tout le monde est pédé, quoi, parce que tout le monde bande pour n’importe qui. » (Mike, le narrateur homo citant Cody, son ami homo efféminé nord-américain qui cherche à détourner des hommes hétéros, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, pp. 98-99) ; « Tu vas pas me dire que tout ce bonheur, c’est pas insoutenable. » (Valentin, le héros homosexuel s’adressant à la « fille à pédés » Naima, à la vue d’un couple hétéro qui s’embrasse, dans le film « Saint Valentin » (2012) de Philippe Landoulsi) ; « Je te rappelle que les beaux gosses te rendent si nerveuse que tu vomis. » (Amy s’adressant à sa copine Karma, dans la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, cf. l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; « Oublie-le, chérie. Il est célibataire depuis tellement longtemps qu’à mon avis il ne sait plus comment on fait. » (Maurice, le styliste homosexuel, décourageant son amie Kate de tomber amoureuse de leur collègue commun Daniel, dans le film « Les Douze Coups de Minuit », « After The Ball » (2015) de Sean Garrity) ; etc. Par exemple, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, déclare à la police qu’il a frappé un militaire qui « violait une femme » à côté de lui sur sa couchette.

 

Film "Krampack" de Cesc Gay

Film « Krampack » de Cesc Gay

 

Mais c’est le plus souvent la passion amoureuse qui pousse à l’exécution de la différence des sexes. Le personnage homosexuel prend ses désirs pour des réalités, et projette sa propre homosexualité sur l’homme « hétérosexuel » qu’il veut voler à sa femme. « Si jamais tu te maries, tu t’éloigneras de moi. Irrémédiablement. » (Agathe dissuadant son amante Fanchette de se marier avec Lucenville, dans la pièce Les Amours de Fanchette (2012) d’Imago) ; « On dirait qu’elle va nous bouffer ! » (Fanny s’adressant à son mari Jean-Pierre à propos de Catherine, l’héroïne lesbienne dont elle va tomber amoureuse et qui s’ingère dans leur couple, dans la pièce Un Lit pour trois (2010) d’Ivan Tournel et Mylène Chaouat) ; « Ça fait combien de temps que tu la supportes, l’autre folle ? » (Philippe, le héros homosexuel s’adressant à son ami hétérosexuel, dans la comédie musicale La Belle au bois de Chicago (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Krámpack » (2000) de Cesc Gay, Dani essaie d’empêcher le rendez-vous entre Nico et sa dulcinée Elena, en semant le doute : pour dissuader la fille, il va lui faire croire que Nico « est pédé », et qu’il s’est déjà fait draguer par lui, alors que ce n’est pas vrai du tout : « Il se sert de toi. Il me l’a fait aussi. Il veut baiser avec une nana et il t’a choisie. Après, il va te quitter. Et comme on est amis, je voulais te le dire. […]La nuit, il vient dans mon lit et me touche. Et l’autre jour, il m’a obligé à ‘le faire’. » Comme Dani voit qu’Elena ne marche pas, il est tenté de la pousser contre les rames d’un train qui passe à toute vitesse… mais il se retient de justesse.

 

Dans le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret, Clara, l’héroïne lesbienne, pour se venger d’être abandonnée de sa meilleure amie Zoé qui sort avec Sébastien, essaie de faire croire à Sébastien (en le prenant à part) que Zoé n’est pas satisfaite avec lui : « Zoé m’a dit qu’elle prenait pas son pied avec toi. En réalité, je crois que son truc, c’est plutôt les filles. » Son plan machiavélique ne marche pas, car Zoé lui avoue que elle et Sébastien n’ont toujours pas couché ensemble.

 

Jean-Marc Généreuse (Mickael Young) en marin homosexuel dans « Mission Enfoirés 2017, drague son commandant le Capitaine Bigloo. Il fait tout pour que Bigloo et la jolie Belinda, qui s’aiment depuis leur jeune temps, ne puissent pas se déclarer leur amour : il fait croire au capitaine que Belinda est déjà prise. Et il se travestit lui-même en Belinda à la fin.
 

Il peut exister une concurrence entre le personnage homosexuel et la FAP (« fille à pédés »), qui se disputent le même homme, le bisexuel/la bisexuelle : « D’habitude, tu dégommes tous mes Jules ! » (Damien, le héros homosexuel à sa meilleure amie Agathe, dans la pièce Les deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi) ; « Je ne sais si l’idée d’accélérer, de monter sur le trottoir et de les renverser me vint sur le moment où si je n’y pense que rétrospectivement. » (Laura, l’héroïne lesbienne parlant du couple Sylvia/Alfred, dans le roman Deux femmes (1975) d’Harry Muslisch, p. 154) par exemple, dans le film « Fried Green Tomatoes » (« Beignets de tomates vertes », 1991) de John Avnet, Idgie est suspectée d’avoir tué Bennett, le mari de Ruth (la femme qu’elle aime)… et ce même Bennett, qui bat sa femme, est qualifié d’homosexuel refoulé.

 

Quelquefois, le protagoniste homosexuel justifie son incompréhensible attitude « anti couple femme-homme » par un attachement fusionnel à sa meilleure amie, un amour platonique qui le comblerait totalement : « Arrête de penser à lui. » ; « Décroche pas non plus, c’est pas la peine. J’suis complètement suicidaire. J’suis au-dessous de tout avec toi. Tu te demandes pas pourquoi ? J’ai peur de te perdre, c’est tout. Tu es la femme de ma vie, Eva. Lève pas les yeux au Ciel. Ne souries pas. Tu es la femme que je voudrais avoir, et celle que je voudrais être. Tu en as rencontré beaucoup, de mecs qui t’ont dit ça ? J’ai le vertige en ce moment. Moi aussi, je voudrais tout changer. Moi aussi, je me sens prisonnier, en apnée, au bord d’un gouffre. » (Adrien parlant au répondeur d’Eva, sa meilleure amie qu’il a éloignée volontairement d’Alexandre, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion) ; « Dès qu’il y a quelque chose de bon entre deux êtres, il faut que tu viennes tout gâcher ! » (Eva s’adressant à Adrien, idem).

 

Dans le film « Les Amoureux » (1994) de Catherine Corsini, quand Viviane annonce à Marc, le héros homosexuel, qu’elle est vraiment amoureuse d’un seul homme, celui-ci réagit très mal. Elle lui demande calmement de ne pas rentrer dans le cercle vicieux de la jalousie : « Recommence pas, Marc. C’est laid, la jalousie. […]C’est important, c’qui m’arrive. J’suis amoureuse de Tomec, j’te jure. » Marc menace Viviane en l’enserrant : « Le producteur de disques aussi, tu disais que t’étais amoureuse de lui ! Et le Grec ? Et le journaliste avec qui t’es venue pour l’enterrement de mémé ? Et le patron de restaurant avec qui tu devais te marier à l’église ? J’peux te faire lire toutes les lettres, si tu veux les voir ! » Viviane essaie de se justifier : « Cette fois-ci, c’est différent… » Marc fait quand même la sourde oreille, comme si Viviane lui devait des comptes : « C’est la même chose ! C’est toujours la même histoire ennuyeuse !! »

 

Film "Les Enfants terribles" de Jean-Pierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville

 

La jalousie du héros homosexuel envers le couple femme-homme s’explique parfois par un élan incestueux : il en veut à ses propres parents de l’avoir nécessairement exclu de la « scène primitive », autrement dit du coït qui l’a fait naître. « Anna et lui [Sir Philip] se mettaient à causer et à s’amuser, ignorant Stephen [l’héroïne lesbienne], inventant, comme deux enfants, d’absurdes petits jeux auxquels ne prenait pas toujours part celle qui était l’enfant véritable. Stephen s’asseyait et observait en silence, mais son cœur était la proie des plus étranges émotions, émotions qu’un petit être de sept ans n’est pas fait pour affronter et auxquelles il ne peut donner de noms précis. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 49) ; « Stephen avait erré jusqu’à un vieux hangar où l’on rangeait les outils de jardinage et y vit Collins [sa nourrice] et le valet de pied qui semblaient se parler avec véhémence, avec tant de véhémence qu’ils ne l’entendirent point. Puis une véritable catastrophe survint, car Henry prit rudement Collins par les poignets, l’attira à lui, puis, la maintenant toujours rudement, l’embrassa à pleines lèvres. Stephen se sentit soudain la tête chaude et comme si elle était prise de vertige, puis une aveugle et incompréhensible rage l’envahit, elle voulut crier, mais la voix lui manqua complètement et elle ne put que bredouiller. Une seconde après, elle saisissait un pot de fleurs cassé et le lançait avec force dans la direction d’Henry. Il l’atteignit en plein figure, lui ouvrant la joue d’où le sang se mit à dégoutter lentement. Il était étourdi, essayant doucement la blessure, tandis que Collins regardait fixement Stephen sans parler. Aucun d’eux ne prononça une parole ; ils se sentaient trop coupables. Ils étaient aussi très étonnés. […]Stephen s’enfuit sauvagement, plus loin, toujours plus loin, n’importe comment, n’importe où, pourvu qu’elle cessât de les voir. » (idem, pp. 38-39) ; etc. Par exemple, dans le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, le jeune Pascal essaie de tuer l’amant de sa mère qu’il avait initialement considéré comme son propre amant : « J’étais bien avec lui. J’étais si bien. Et lui, lui, il ne pensait qu’à ma mère… » (p. 287) Dans le film « Mommy » (2014) de Xavier Dolan, Steve, le héros homo, empêche sa mère Diane de former un couple avec Paul, homme qu’il dénigre : « P’tain de beauf ! »

 

Enfin, la destruction jalouse du couple femme-homme par le héros homosexuel prend pour « beau » prétexte fallacieux l’unité identitaire : souvent, c’est le personnage transsexuel, qui a pour fantasme d’incarner à lui seul la différence des sexes, qui va engloutir le couple femme-homme.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 
 

La jalousie des personnes homosexuelles à l’égard des couples femme-homme, confondus avec les hétérosexuels du cinéma, s’entend fréquemment dans leurs discours. Et je comprends pourquoi : l’hétérosexualité est détestable ! Le problème est que les couples femme-homme aimants, eux, ne le sont pas !

 

Combien de mes amis homos méprisent les préoccupations quotidiennes des couples et des familles qui les entourent, cherchent à détourner des hommes mariés ou des mères mariées (qu’ils disent à tort « hétérosexuels »), jalousent le couple femme-homme au point que leur mépris du mariage s’annonce sous forme de revendication de ce dernier et d’une « équivalence » supposée entre couples homosexuels et couples femme-homme aimants !

 

Film "Chloé" d'Atom Egoyan

Film « Chloé » d’Atom Egoyan

 

Certaines cherchent à empêcher la formation du couple femme-homme : « Il était jaloux. Il voulait m’empêcher de faire l’amour avec des filles. » (François, 17 ans, victime d’inceste à l’âge de 12 à 16 ans, et parlant de son père, dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 169) ; « Tu es marié ? Quelle horreur ! » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 74) ; « Très vite, les lettres échangées prirent, du moins pour moi, une tournure nettement sentimentale. Un jour, la femme de mon… amant platonique découvrit toute l’histoire ; et je souffris de nouveau énormément de cet amour malheureux ; je fus même au bord du suicide. À la suite de cette dépression nerveuse, le médecin de la famille, un être jeune, aimable et profondément humain, s’intéressa à moi, me confessa et finit par découvrir que ma vie sexuelle était reléguée à l’arrière-plan de mon existence. » (idem, p. 81) ; « Lorsque mon associée gardait seule le magasin, elle ne faisait aucune affaire ; par contre, lorsque nous étions ensemble, à chaque entrée d’un client, j’étais sûr d’être demandé. Encore jeune et jolie, mon associée me prit littéralement en grippe le jour où je lui ‘soulevai’ son fiancé, un jeune officier aviateur. Ce que je fis, d’ailleurs, bien plus par plaisir de la voir furieuse et peinée que par réel désir. » (idem, p. 88) ; « D’office, je saisissais aveuglément la différence des valeurs entre l’homme et la femme dans cette société, où la cuisine et le ménage par exemple sont synonymes de féminin ; le football et les sorties entre copains, de masculin. Sans conteste, la frontière entre les deux s’affichait clairement dans ces théories. C’est-à-dire, une philosophie totalement incohérente à mon égard. M’y soumettre ? Non, c’était déjà déchoir que de m’en contenter. » (Bertrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 47)

 

Par exemple, dans la biopic « Yves Saint-Laurent » (2014) de Jalil Lespert, Yves Saint-Laurent ne supporte pas la liaison Victoire/Pierre Bergé, et vire Victoire. Autre exemple : Serge de Diaghilew, chorégraphe russe homosexuel, faisait tout pour que « ses » danseurs ne sortent pas avec des femmes : « Pas de femmes ! Pas de femmes : la fatigue sacrée de la danse doit chasser les tentations mauvaises ! » Le danseur Serge Lifar raconte dans ses mémoires À l’aube de mon destin chez Diaghilew : Sept ans aux ballets russes (1949) comment Diaghilew a tenté de l’empêcher de maintenir une liaison amoureuse avec une femme : « Chassez cette danseuse de la troupe, car elle fait de l’œil à Lifar. » Dans son concert Free : The One Woman Funky Show (2014), Shirley Souagnon fait semblant de s’extasier sur un jeune couple d’amoureux femme-homme à qui elle demande depuis combien de temps ils sont ensemble. Ils répondent : « Deux ans. »… ce à quoi elle répond ironiquement : « C’est bien. Ça ne va pas durer. » avant de jouer la méchante : « J’aime répandre le bonheur. » Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, empêche son père (Mathias) de refaire sa vie avec une femme, est très intrusif quand ce dernier rencontre Christine, veut lire ses messages de portable, déboule pendant leur dîner en amoureux.

 

Cette volonté de séparer les femmes et les hommes n’est pas délibérément cruelle, si l’on en juge uniquement les intentions : les « briseurs de couples femme-homme » homosexuels avancent qu’ils luttent contre les désastres de l’hétérosexisme, ou bien en faveur de la libération « des » homosexuels refoulés et prisonniers d’un mariage de raison. Il s’agit aussi selon eux d’éviter aux « hétéros » une terrible guerre ou un viol qu’ils appellent « couple », « mariage », ou « famille ». Par exemple, Hitler disait que la rencontre entre un homme et une femme, c’était comme une guerre. L’écrivain homosexuel Bruce Chatwin raconte que la relation entre ses parents était à l’image d’un conflit armé : « Mon enfance fut la guerre et le sentiment de la guerre. » Souvent, la conception homosexuelle du mariage femme-homme est cataclysmique : « Je n’ai jamais eu le goût de la conjugalité. » (Denis Daniel, Mon théâtre à corps perdu (2006), p. 122) ; « Pour moi, le couple est le tombeau des deux personnes. Je dis toujours que le mariage est le tombeau des femmes. » (Gisèle, femme lesbienne dans l’essai L’Homosexualité dans tous ses états (2007) de Pierre Verdrager, p. 301) ; « Leur conception de l’amour était liée au mariage. […]J’estimais d’une part, qu’il était temps de croquer la vie à pleine dents, que nous étions encore jeunes, trop même, pour penser au mariage, qu’il y a un temps pour pleurer, un temps pour danser et un temps pour souffrir. » (Bertrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 59) ; « La jeunesse du futur poète [Oscar Wilde] s’écoule, non pas dans le calme, mais dans les échos et les remous d’un scandale qui désagrège sa famille : la maîtresse de son père fait du chantage, intente un procès aux Wilde en prétendant avoir été endormie au chloroforme puis violée par sir William. Les amis de collège d’Oscar, qui suivent le procès dans les journaux, ne lui épargnent aucun détail… ‘Voilà donc où conduit ce grossier amour des hommes pour les femmes, à cette boue ! ’ écrira-t-il plus tard, en parlant de cette lamentable affaire. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 170) ; etc.

 

Mais c’est le plus souvent la passion amoureuse qui pousse à l’exécution de la différence des sexes. Il est fréquent que les personnes homosexuelles prennent leurs désirs pour des réalités, et projettent leur propre homosexualité sur l’homme « hétérosexuel » qu’elles veulent voler à sa femme (ou la femme « hétérosexuelle » qu’elles veulent voler à son mari), quitte à passer par le mensonge : « En répliquant mensongèrement que je connaissais des hommes mariés, qui plus est, occupaient un rang social très important dans notre société, qui couchaient avec d’autres hommes, je ne faisais que blesser un orgueil mal placé. Il semblait que tous [les garçons de mon âge] , autant qu’ils étaient, se pliaient à la volonté commune. » (Bertrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 62) ; « Ce que j’aimais chez la sœur éclatait chez le frère. Au premier coup d’œil, je compris le drame et qu’une douce existence me demeurerait interdite. Je ne fus pas long à apprendre que de son côté, ce frère, instruit par l’école anglaise, avait eu à mon contact un véritable coup de foudre. Ce jeune homme m’adorait. En m’aimant il se trompait lui-même. Nous nous vîmes en cachette et en vînmes à ce qui était fatal. L’atmosphère de la maison se chargea d’électricité méchante. Nous dissimulions notre crime avec adresse, mais cette atmosphère inquiétait d’autant plus ma fiancée qu’elle n’en soupçonnait pas l’origine. À la longue, l’amour que son frère me témoignait se mua en passion. Peut-être cette passion cachait-elle un secret besoin de détruire ? Il haïssait sa sœur. Il me suppliait de reprendre ma parole, de rompre le mariage. Je freinai de mon mieux. J’essayai d’obtenir un calme relatif qui ne faisait que retarder la catastrophe. Un soir où je venais rendre visite à sa sœur, j’entendis des plaintes à travers la porte. La pauvre fille gisait à plat ventre par terre, un mouchoir dans la bouche et les cheveux épars. Debout devant elle, son frère lui criait : ‘Il est à moi ! à moi ! à moi puisqu’il est trop lâche pour te l’avouer, c’est moi qui te l’annonce ! » (Jean Cocteau, Le Livre blanc, 1928)

 

"Tuer une pute, c'est sauver un couple"

« Tuer une pute, c’est sauver un couple »

 

La jalousie de l’individu homosexuel envers le couple femme-homme s’explique parfois par un élan incestueux : il en veut à ses propres parents de l’avoir nécessairement exclu de la « scène primitive », autrement dit du coït qui l’a fait naître. « En me rendant devant la chambre de mes parents ces nuits où, tétanisé par la peur, je ne trouvais pas le sommeil, j’entendais leur respiration de plus en plus précipitée à travers la porte, les cris étouffés, leur souffle audible à cause des cloisons trop peu épaisses. (Je gravais des petits mots au couteau suisse sur les plaques de placoplâtre, ‘Chambre d’Ed’, et même cette phrase absurde – puisqu’il n’y avait pas de porte –, ‘Frappez au rideau avant d’entrer. ’) Les gémissements de ma mère, ‘Putain c’est bon, encore, encore. ’ J’attendais qu’ils aient terminé pour entrer. Je savais qu’à un moment ou à un autre mon père pousserait un cri puissant et sonore. Je savais que ce cri était une espèce de signal, la possibilité de pénétrer dans la chambre. Les ressorts du lit cessaient de grincer. Le silence qui suivait faisait partie du cri, alors je patientais encore quelques minutes, quelques secondes, je retardais l’ouverture de la porte. Dans la chambre flottait l’odeur du cri de mon père. Aujourd’hui encore quand je sens cette odeur je ne peux m’empêcher de penser à cette séquence répétée de mon enfance. » (Eddy Bellegueule dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, pp. 81-82)

 
 

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Code n°143 – Petits Morveux (sous-codes : Haine des enfants / Enfants maltraités)

pm

Petits morveux

 
 

 

NOTICE EXPLICATIVE

 

Les couples homos veulent des enfants ? Qu’ils commencent par les aimer

 

Accablante. Tout simplement accablante, cette haine homosexuelle FICTIONNELLE (et plus rarement concrétisée) des enfants que vous allez lire ci-dessous… (je n’y peux rien si le désir homosexuel est violent par nature !)

 

Qu’elle ne soit pas utilisée par les détracteurs de l’homoparentalité (qui auront la bêtise de penser que la fiction EST la réalité, que les personnes homosexuelles réelles n’aiment pas les enfants, et que le couple homo ne peut pas élever correctement un enfant) : c’est tout ce que je demande. Et qu’elle soit comprise par les personnes homosexuelles d’une part comme l’expression en elles du viol ou du fantasme de viol qu’elles subissent/ont subi (fantasme/viol qu’elles valident et actualisent parfois – sous forme de jalousie pédophobe – si elles ne le conscientisent pas), et d’autre part comme l’expression d’une sacralisation méprisante des enfants qui dépasse les frontières de la communauté homosexuelle, qui témoigne du sort inquiétant que la société toute entière réserve à la Vie. Le désir homosexuel n’est que la partie visible de l’iceberg d’une haine SOCIALE grandissante à l’encontre des enfants et des adolescents à qui on fait de moins en moins confiance.

 
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Haine de la famille », « Éternelle jeunesse », « Clonage », « Viol », « Violeur homosexuel », « Orphelins », « Solitude », « Pédophilie », « Frère, fils, père, amant, maître, Dieu », « Chiens », « Milieu homosexuel infernal », « Parodies de mômes », et à la partie « Enfants noyés » du code « Eau », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.

 
 

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FICTION

 

MORVEUX 1 Chucky

Chucky la poupée de sang


 

Souvent dans les fictions traitant d’homosexualité, les enfants maltraités ou turbulents apparaissent : cf. le film « Je vous hais petites filles » (2008) de Yann Gonzalez, la nouvelle « La Servante » (1978) de Copi (avec l’enfant-rat jouant au train), le film « L’Impossible M. Bébé » (1938) d’Howard Hawks, la pièce L’Enfant criminel (1948) de Jean Genet, le film « Juste une Nuit » (2002) de Max Mitchell, le film « Furyo » (1983) de Nagisa Oshima, le roman Reivindicación Del Conde Don Julián (1970) de Juan Goytisolo (avec le viol d’un enfant), le roman El Martirio De San Sebastián (1917) d’Antonio de Hoyos (avec le bébé-monstre), le film « La Peau » (1980) de Liliana Cavani (avec un autre bébé monstrueux), le film « Un Élève doué » (1998) de Bryan Singer (avec l’image d’une jeunesse diabolique), le film « Qui veut la peau de Roger Rabbit ? » (1988) de Robert Zemeckis, le film « Niño Pez » (2009) de Lucía Puenzo, le téléfilm « Clara cet été-là » (2003) de Patrick Grandperret (avec une vision catastrophique des adolescents), etc.

 

Par exemple, dans le film « Babysitting Andy » (2007) de Michael, Andy le sale gosse de première, 9 ans, est gardé par un couple homo qui tente de le gérer. Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, le bébé braillant de Linda débarque à l’appart où George, le héros homo, se loge… et cette arrivée est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et le plonge dans la désolation. Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel ironise sur le cliché commun qui dit que les homos seraient les baby-sitters idéaux : « On sait très bien s’occuper des enfants. ‘Le gay adore les enfants.’ » En réalité, dès qu’il se rend compte que c’est exigeant, il s’énerve (« Tu veux que je t’en colle une ? »), perd son self control (« Putain, je ne savais pas que ça prenait autant. Nan, c’est vrai, faut être patient. »). Il aime davantage les enfants comme des objets que comme des êtres humains : « On a envie que nos neveux soient cultivés. Et surtout beaux. Oui, c’est très important pour nous, les gays. »

 

Nombreux sont les personnages homosexuels qui méprisent ou insultent les enfants. « Je déteste les bébés. » (Leni dans le film « Freak Orlando » (1981) d’Ulrike Ottinger) ; « Je tire à boulet rouge sur tout ce qui bouge. Les handicapés. Les enfants. » (Doris la lesbienne dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « Ils sont à buter, ces gosses ! » (Gaby dans la pièce Faim d’année (2007) de Franck Arrondeau et Xaviéra Marcjetti) ; « La vraie tare de nos vies, ce sont les enfants. » (Mathilde dans la pièce Le Retour au désert (1988) de Bernard-Marie Koltès) ; « Les gosses d’aujourd’hui sont bavards ! Beaucoup de bruit pour ne rien dire. » (Mamita dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard) ; « Tu vas t’arrêter de remuer dans ta poussette, espèce de petite peste ? » (Berthe à son bébé dans le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, p. 33) ; « Cette mouflette, je la tue ! » (idem, p. 61) ; « Dors, dors, petit méchant loup… nous irons demain cueillir des fraises… dans les bois de Saint-Amour ! » (Louise à l’enfant de Jeanne, dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi) ; « Enlève ton monstre de mon panier. » (Robbie, le héros gay parlant de l’enfant d’un ex dans le film « Dérive » (1983) d’Amos Gutmann) ; « Tu n’es qu’un enfant répugnant ! Je te hais ! […] Vas-t’en, monstre ! » (Petra la lesbienne à sa fille Gaby, dans le film « Die Bitteren Tränen der Petra von Kant », « Les Larmes amères de Petra von Kant » (1972), de Rainer Werner Fassbinder) ; « Silvano fut réveillé en sursaut par le bruit des pétards et le vacarme dans la rue. […] Il se dirigea vers son bureau pour chercher un revolver […]. Des gamins déguisés arrivaient de la rue avec des serpentins et des tambours. […] L’intrusion des enfants ne prédisait rien de bon. (Copi, La Vie est un tango (1979), pp. 170-171) ; « Serais-je en enfer, se demanda-t-il. À bien y penser il était bien possible qu’il fût mort depuis plusieurs jours. […] Les enfants de la rue, depuis que le carnaval avait commencé, ressemblaient de plus en plus à des démons. (idem, p. 174) ; « Pierina veut m’enfoncer la main dans la bouche, ils trouvent ça drôle. Elle sent la merde, j’essaie de m’en débarrasser, de la passer à Michael. » (la voix narrative en charge de sa filleule, la petite Pierina, dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 157) ; « J’ai horreur des enfants, je n’aime pas le père, je n’ai pas envie d’être abîmée. » (Fédora, la lesbienne envisageant d’avorter, dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, p. 245) ; « L’ado de base ne pense qu’au cul. » (Paul dans la pièce Inconcevable (2007) de Jordan Beswick) ; « Et tous ces enfants qui meurent de faim chaque jour… et nous qui allons passer un repas somptueux… » (Jules, le dandy homosexuel, s’exprimant dans un dolorisme jouissif, dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Vous savez comment sont les enfants ? Dégoûtants, puants, chiants. » (Jeanne dans la comédie musicale « La Belle au bois de Chicago » (2012) de Géraldine Brandao et Romaric Poirier) ; « Toute une batterie de mioches qui piaillent et gambadent partout. » (Jean-Louis, le héros hétéro de la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage) ; « Moi, je n’aime pas les enfants. » (Adam, l’un des deux héros homosexuels, dans le film « W imie… », « Aime… et fais ce que tu veux » (2014) de Malgorzata Szumowska) ; « Les ados sont des crétins. » (Amy, l’une des lycéennes quasi lesbiennes de la série Faking It (2014) de Dana Min Goodman et Julia Wolov, l’épisode 1 « Couple d’amies » de la saison 1) ; « Ils sont comme deux enfants dans une cour : leur volupté, leur brutalité. » (Merteuil s’adressant à Valmont, dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller) ; « Tu t’acharnes à donner des cours de dessin à des sales mômes qui ont de l’acné en plus. » (Vanessa s’adressant à son mari Franck, dans la pièce L’Héritage était-il sous la jupe de papa ? (2015) de Laurence Briata et Nicolas Ronceux) ; « Est-ce qu’on est d’accord pour que tous les parents mettent leurs enfants mettent leurs enfants en mode avion. » (Jérémy Lorca parlant des enfants qui braillent autour de lui dans les lieux publics, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; « C’est pas des gosses qu’on a faits. C’est des sauvages. » (Aurélie s’adressant à son meilleur ami homo Victor, en parlant de leurs enfants respectifs Emma et Diego, dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; « Les enfants sont très cruels entre eux. » (Eva, la Fille-À-Pédés, dans le film « Pédale douce » (1996) de Gabriel Aghion) ; etc.

 

Dans le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford, Jim parle en très mauvais termes de sa voisine Susan et de son « sale gosse de fils ». Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Pretorius, le vampire homosexuel, dit qu’il voit autour de lui « des bandes de gamins qui ne l’aiment pas ». Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, la petite Auriane dessine un bébé écrabouillé sur une feuille ; un peu plus tard, une grand-mère traite sa petite-fille de « pute », et les autres descendants passent sur le grill aussi : « Je sais pas pourquoi. J’arrive pas à m’y attacher, à ces p’tits. Ça doit être… parce que je ne suis pas une grand-mère finie ! » Dans le film « Cloudburst » (2011) de Thom Fitzgerald, Stella, l’héroïne lesbienne, traite Molly, la petite-fille de Dotty sa compagne, de « petite conne de petite-fille ». Dans le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, Mamita est une grand-mère acariâtre qui maltraite son petit-fils Corentin. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Camille se fout de son petit-fils qui vient de naître. Dans le film « Après lui » (2006) de Gaël Morel, Franck, le héros homosexuel, abandonne un gamin noir dans un immeuble. Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, se fout de la gueule de son neveu trisomique. Dans son sketch de la « Belle-mère », Bénureau incarne une grand-mère odieuse qui méprise la famille de sa fille, y compris les enfants. Dans son one-man-show Jérôme Commandeur se fait discret (2008), Jérôme Commandeur traite les enfants de « cons ». Dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, Madeleine se retrouve dans une voiture aux côtés d’un enfant peu docile ; une fois qu’elle échappe à sa compagnie, elle « savoure le fait de ne plus avoir un petit morveux de dix ans qui s’agite à côté d’elle » (p. 41). Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Pretorius trouve que son neveu de six ans est « désagréable parce qu’il n’arrête pas de brailler ». Dans la pièce Loretta Strong (1978) de Copi, l’enfant de Linda est qualifié de « monstre ». Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978) de Copi, l’enfant de China et Rogelio ne « fait rien que vomir son biberon » (p. 40) ; on apprend plus tard que sa chère mère a mis de l’insecticide anti-cafards dans le biberon de son bébé croyant que c’était du lait concentré… Dans la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau, Lucie la lesbienne endosse son costume de Cruella de Vil exprès pour effrayer les enfants. Dans la pièce Parfums d’intimité (2008) de Michel Tremblay, Luc nous parle de « ribambelle d’enfants vagissants ». Dans le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte, la grand-mère Grany traite sa petite-fille de « gouine » et de « truie ». Dans le one-man-show Madame H raconte la saga des transpédégouines (2007) de Madame H, les enfants (et surtout ceux du Tiers-monde) sont qualifiés de « capricieux ». Dans le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, Romain dit clairement « J’aime pas les enfants », même si pendant tout le film, son attitude envers eux restera jalouse et narcissique. Dans le film « Vas voir maman, papa travaille » (1977) de François Leterrier, Julie dit détester les enfants. Dans la pièce Comme ils disent (2008) de Christophe Dauphin et Pascal Rocher, David méprise Eytan, le neveu de 7 ans de Philibert : « Et qu’est-ce qu’on va en faire ? » ; en ce qui concerne Mégane, la petite nièce de son « mari », David n’est pas tellement plus tendre puisqu’il la dit « hideuse » ; par ailleurs, il laisse entendre qu’il ne veut pas d’enfants. Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, le jeune Julien et son frère sont intenables dans l’appartement d’un des héros homosexuels, Rudolf (« Vous ne voulez pas jouer ailleurs, les enfants ? »). Plus tard, quand Rudolf et ses deux amis gays Nicolas et Gabriel partent en virée en montagne autrichienne, ils tombent sur Andreas un moniteur d’un groupe de jeunes ados qui fait réagir Gabriel : « C’est bizarre, ces enfants, ils sont super sages. Ils ne sont pas beaux. » Ensuite, Gabriel part à la recherche de ce groupe juvénile pour draguer Andreas : les enfants de la colo sont montrés à Gabriel au viseur de pistolet-mitrailleur par le vieux prêtre autrichien (tout un symbole !).À la fin du film, Gabriel retrouve Andreas, et ce dernier lui demande s’il aime les enfants… ce à quoi Gabriel rétorque : « Je ne sais pas. » Dans le one-woman-show Chatons violents (2015) d’Océane Rose-Marie, Océane, l’héroïne lesbienne, traite les enfants de « petits gnomes blancs à lunettes ». Dans la chanson « Soyez pédé » de GiedRé, tous les enfants sont traités de « mongoliens », et l’homosexualité est présentée comme un remède à la surpopulation de la Planète : « Pour freiner le flot des mariages bâclés, il n’est qu’un remède : soyez pédés ! » Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, les « pères » homosexuels de Gatal sont de véritables despotes avec leur fils unique : ils téléguident sa vie à sa place : « Ça ne peut plus durer. Ça rime à quoi ?? » dit l’un d’eux parce qu’il ne comprend pas que son fils ne soit pas encore en couple avec un homme. Ils le maltraitent verbalement, le qualifient d’« animal violent », de « tête à claques ». Gatal est présenté par ses deux « pères » comme un véritable sale gosse… alors qu’il a l’air au contraire d’être un enfant docile et sage : « Tu as été un petit animal violent, un enfant insatiable. » (le père 2) ; « Ce gosse, il est vif comme une huître. » (idem) Ce dernier, totalement infantilisé, a fini par intégrer qu’il était « l’animal colérique qu’il a fallu dompter » et qui « doit quitter la Voie de la Bête ». Dans la pièce Soixante degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Rémi et Damien, les deux héros bisexuels, n’y vont pas de main morte avec les enfants. Par exemple, Rémi a exercé le métier de magasinier, et évoque « ces cons de gamins » qu’il y croisait. Quant à Damien, il prend des cours de taï-chi, mais dit qu’il a arrêté de s’entraîner à l’hôpital, son lieu de travail d’infirmier, « car il a rouvert la plaie d’un enfant ». Et il avoue qu’il vole ses jeunes patients : « C’est moi qui récolte l’argent de poche des gamins à l’hosto. » Dans le film « Certains l’aiment chaud » (1959) de Billy Wilder, Joe, déguisé en capitaine, effraie un enfant sur la plage avec son bâton. Dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet, quand Caroline demande à Marcel et Dominique, « mariés » en couple, s’ils comptent avoir des enfants, ils répondent à l’unisson « Ah non ! Surtout pas ! »… et Marcel rajoute un peu plus tard : Aaah… les enfants… c’est pas tous les jours la joie ! »

 

Beaucoup de personnages homosexuels disent qu’ils ne souhaitent pas être père ou mère : « J’veux pas élever des enfants. » (cf. la chanson « Peter Pan » de Nicolas Bacchus) ; « Tu t’épuises à procréer. » (Georges à Mercedes/Henri, dans la pièce La Cage aux Folles (1973) de Jean Poiret, version 2009 avec Christian Clavier et Didier Bourdon) ; « Veux-tu bien la boucler, petit mouflet ! Bientôt, je t’expulserai ! » (Anne Cadilhac dans son concert Tirez sur la pianiste, 2011) ; « Je ne veux pas d’enfants. Il y a assez de gens comme ça sur Terre. » (Léo, le héros homosexuel aveugle, dans le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho », « Au premier regard » (2014) de Daniel Ribeiro) ; « Parfois, quand il ne bougeait pas, le bébé lui semblait presque abstrait, aussi improbable que le Big Bang ou Dieu et tous les anges. » (Jane, l’héroïne lesbienne enceinte dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 86) ; « Je crois que j’ai jamais voulu être père. […] C’est pas mon truc, l’instinct de daron. » (Serge, le héros homo dans le téléfilm Fiertés (2018) de Philippe Faucon, diffusé sur Arte en mai 2018) ; « Un enfant ?!? Quelle horreur !!! » (Inès, la lesbienne, s’adressant à Estelle, dans la pièce Huis-clos (1944) de Jean-Paul Sartre) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, un des tableaux de Ben, le héros homo, représente un homme à deux têtes (siamois, donc) tenant sur ses genoux un bébé. Dans le film « Un Mariage à trois » (2009) de Jacques Doillon, Harriet, la femme bisexuelle, ne veut pas d’enfant. Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, Anamika plaint « toutes les femmes qui sont dans leurs cabanes étouffantes de deux mètres carrés, occupées à mettre leur portée d’enfants au lit. » (p. 28)
 

Dans le one-man-show Jefferey Jordan s’affole (2015) de Jefferey Jordan, le héros homosexuel nous promet dès le début du spectacle qu’il ne saoulera pas son public en lui racontant ses histoires de gosses et ses envies de paternité (plutôt le contraire) : « Je ne vous parlerai pas de mes gamins insupportables » Plus tard, il remet le couvert : « Moi, frustré de ne jamais avoir d’enfants ?? Ça m’étonnerait… » ; « Mesdames, gardez vos enfants. »
 

Les héros homosexuels qui ont eu des enfants sont parfois démissionnaires. « J’abandonne cet Ali ! » (Lou, l’héroïne lesbienne, au moment où son fils Ali naît, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « J’espère que vous prendrez plus de soin de votre époux que vous n’en avez pris du bébé dont vous étiez responsable et que vous n’abandonnerez pas ce pauvre révérend dans un sac de voyage ou dans tout autre réceptacle au beau milieu d’une gare. » (Lady Bracknell dans la pièce The Importance To Being Earnest, L’Importance d’être Constant (1895) d’Oscar Wilde) ; etc. Par exemple, dans le film « Good Boys » (2006) de Yair Hochner, Mika déclare à sa petite fille (encore bébé) qu’« elle la déteste » ; elle essaie de l’abandonner. Dans le film « Toute première fois » (2015) de Noémie Saglio et Maxime Govare, le nourrisson de la sœur de Jérémie (le héros homo) est mal accueilli, mal aimé, y compris par ses parents (son père fait un coming out à la surprise générale) et ses grands-parents. Dans le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh, Russell, le héros homosexuel, se retrouve perdu au milieu de ses « amis avec enfants » et montre leur vie de parents comme ennuyeuse et soûlante. Dès les premières images du film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, on découvre que ce qui réunit le couple homosexuel Ashraf/Noam, c’est un bébé mort-né. Le cri qui clôt le poème « Le Feu » de Vicente Aleixandre dans le recueil Ombre du Paradis (1944) parle de lui-même : « Humain : ne nais jamais ! »

 

En général, la maternité et l’arrivée d’un bébé est vécue comme un terrible traumatisme, un cataclysme, une plaie, une horreur. « Pendant le trajet de Pau à Paris, il a cru qu’elle devenait folle. Elle venait seulement de comprendre qu’elle commençait une grossesse. » (André Gide, Les Faux-Monnayeurs (1925), p. 63) ; « Arlette s’était coupé les veines parce qu’elle était enceinte de Didier. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 113) ; « La petite fille criait la nuit » (le bébé de Françoise, dans la nouvelle « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 28) ; « Les mômes, ça pue, ça braille, ça pisse, ça hurle. C’est comme la prison. Une vraie saloperie, les gosses. » (le héros homo de la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé) ; « Elle me dégoûtait. » (Daphnée en parlant de son bébé qu’elle a tué, dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, p. 171) ; « Quel pouvait bien être ce monstre ? » (cf. la description de l’enfant à l’intérieur du berceau, dans la nouvelle « À l’Ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 31) ; « Il faudrait être complètement irresponsable pour avoir des enfants dans un monde pareil ! » (Bryan dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 233) ; « Je déteste les maternités. » (Yves dans le film « Nés en 68 » (2008) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau) ; « J’adore ce gosse. Il me ferait presque croire que je pourrais un jour en avoir à mon tour, mais ma vision du monde renvoie ce genre de désir dans une impasse. » (Karin Bernfeld, Apologie de la passivité (1999), p. 23) ; etc.

 

MORVEUX 2 Angela Pope

Film « Une Vie normale » d’Angela Pope


 

Dans le film « Odete » (2005) de João Pedro Rodrigues, le désir de maternité chez la femme est totalement diabolisé. Dans le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo, l’annonce du bébé coïncide avec celle du cancer d’une des deux héroïnes du couple lesbien. Dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau, Orphée piétine sans le faire exprès le petit chausson en laine tricoté par sa femme Eurydice au moment où elle va lui dire qu’ils attendent un bébé sous peu : « Qu’on ne m’annonce plus de grande nouvelle, surtout ! » Dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, l’enfant est le premier symptôme de peste : « Docteur Soubirous ! Je crois qu’il y a un cas de peste. Un enfant a été mordu par un rat ! » (le travesti, p. 137) Toujours dans ce roman, Didier, le nourrisson d’Arlette et de Silvano, vomit partout et hurle ; à la naissance, on dirait un extra-terrestre : « Le petit Didier était né avec une tête énorme, disproportionnée pour un nouveau-né français. La pauvre Arlette supporta le martyr pendant l’accouchement. » (p. 101) Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan, l’homo qui a fait « accidentellement » un enfant à son amie Stéphanie, a encore du mal à réaliser la « connerie » qu’il aurait commise : « Cet ‘alien’, dans le ventre de Stéphanie, était de moi ! » (p. 402) Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, le bébé est défini comme un « parasite avorton » (p. 132), un « truc gluant » (p. 134), un « chiot » qu’on chie dans la cuvette des chiottes : « Pour toi, c’était un étranger, un alien, cette chose qui grouillait à l’intérieur de toi. » (l’héroïne se parlant à elle-même) Dans la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, le bébé est comparé à un « Alien ». Dans la pièce Scènes de chasse en Bavière (1968) de Peter Fleischmann, Abram, le personnage homo, dans un accès de rage, poignarde la Tonka au ventre quand celle-ci lui annonce qu’elle attend un enfant de lui : « Tu peux pas mettre au monde un gosse de moi ?!? […] Fais-le sauter ! […] Je veux pas de gosse !!! Je veux rien avoir à faire avec un gosse !! » Dans le one-man-show Hétéro-Kit (2011) de Yann Mercanton, Solange, la « fille à pédé », conseille à son meilleur ami gay, de « ne jamais faire d’enfants ! ». Dans le film « Footing » (2012) de Damien Gault, même scénario : « C’est un vrai calvaire : fais pas d’enfants. » dit l’amie d’enfance à son ami homo Marco.

 

À en croire le personnage homosexuel, les enfants sont d’une cruauté et d’une monstruosité innommables : « Tu dis : la méchanceté de l’enfance est celle qui atteint le plus, qui vise au plus juste, dont le souvenir dure le plus longtemps. Je me souviens des rires, des sarcasmes. » (la figure de Proust à Vincent dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, p. 99) ; « Les enfants sont moqueurs. Il est triste, le fils du Boxeur. » (Piotr Barsony, Papa porte une robe, 2004) ; « Les enfants, c’est parfois cruels entre eux. » (Lisa dans le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron) Il arrive que le personnage homosexuel se retrouve face à un gamin objectivement détestable : « Cette méchante enfant tient de sa grand-mère. » (Karen, l’héroïne lesbienne, par rapport à la petite peste Mary, dans le film « The Children’s Hour » (« La Rumeur » (1961) de William Wyler) Mais même dans ces cas-là, l’enfant est souvent diabolisé. On retrouve beaucoup les enfants sorciers ou tueurs chez Pedro Almodóvar : la petite fille rousse qui a le pouvoir maléfique de bloquer les ascenseurs à distance dans le film « Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? » (1984), l’enfant-assassin dans les films « Tacones Lejanos » (« Talons Aiguilles », 1991) et « Volver » (2006).

 

L’enfant est détesté parce qu’il est considéré comme l’enfant du viol. Par exemple, dans la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay, le quatrième enfant (Roger) est l’enfant du viol entre Marie Lou (la mère) et Léopold (le père) : « Comme les trois autres fois où tu m’as violée, tu m’as fait un autre petit. » Et les quatre enfants de la famille sont conçus et montrés ainsi.

 

Cette diabolisation des enfants peut avoir des conséquences fictionnelles lourdes. Le personnage homosexuel en arrive parfois jusqu’à la maltraitance et l’infanticide à l’égard des enfants. « Un bébé arriva en marchant à quatre pattes de derrière le comptoir, il était dans un état de saleté indescriptible, couvert de chocolat jusqu’aux cheveux. C’était une petite fille. Elle se traîna jusqu’à Mme Pignou et s’accrocha à sa jupe, la salissant de chocolat. La boulangère se précipita sur elle, la giflant de chocolat. ‘Nadia, Nadia’, criait-elle, ‘tu vas arrêter d’embêter la dame ?’ » (cf. la nouvelle « Madame Pignou » (1978) de Copi, p. 49) ; « Mesures à prendre si vous enfantez d’un petit saturnien : faites-le tourner sur lui-même jusqu’à l’épuisement total avant de le barder et de le faire bronzer dans votre four. » (la Comédienne dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, p. 241) ; « Une auditrice de la planète Jupiter se confesse à l’antenne : Elle a dévoré ses quintuplés ! » (idem, p. 240) ; « Moi, c’que je veux, c’est noyer tous les bébés ! » (Camille, la lesbienne du one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « GPA : Gestation Par l’Anus. » (Rodolphe Sand imitant une femme hétéro mère porteuse, dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; « C’est dur, un enfant. Et comme je suis avec une fille en ce moment, j’ai le temps de réfléchir… et de réunir l’argent. » (Shirley Souagnon qui, en simulant de raconter un conte pour enfant à sa future progéniture, s’imagine en train de « pousser l’enfant dans l’escalier », dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; etc.

 

Par exemple, dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stephan Druet, le prince jette le bébé par la fenêtre ; et après, chacune des divas le démembre, et on entend des hurlements de bébé. Dans le film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock, Bruno éclate volontairement le ballon de baudruche d’un petit garçon présent à la fête foraine ; ou bien terrifie tous les gamins du manège en le faisant s’emballer. Dans la pièce Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, Jarry hurle sur un petit de 7 ans dans le restaurant parce qu’il mange en ouvrant la bouche ; plus tard, il rentre dans la peau d’une mère qui piétine comme une merde son fils appelé Fred-Ange. Dans la pièce D’habitude j’me marie pas ! (2008) de Stéphane Hénon et Philippe Hodora, la petite fille de 3 ans des protagonistes est attachée à un poteau sous la neige en plein hiver par sa mère lesbienne. Dans la pièce My Scum (2008) de Stanislas Briche, on encourage carrément le spectateur à « baiser des bébés » ; d’ailleurs, à en croire les protagonistes de ce drame, ces mêmes nourrissons ne sont apparemment bons qu’à laisser « des couches pleines de merde ». Dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, Vicky raconte qu’à l’Assistance publique, elle « a poignardé sa voisine de lit à l’âge de treize ans ». Dans la pièce Les Divas de l’obscur (2011) de Stephan Druet, le prince charmant balance le bébé des divas par la fenêtre ; ensuite, chacune d’entre elles prend une poupée de bébé et la démembre lentement et sadiquement devant les spectateurs, sous les hurlements et les pleurs de nourrissons en fond sonore. Dans le roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, Pierina, le bébé (et la filleule) de la voix narrative, se fait « enculer » puis tuer sauvagement (p. 162). Dans la pièce Eva Perón (1969) de Copi, Evita raconte à sa mère « qu’elle a eu un enfant et qu’elle l’a pendu avec la chaîne des cabinets. » Dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, Madeleine, l’héroïne, a préféré sauvegarder le Traité de Versailles plutôt qu’un enfant de 7 ans envoyé aux camps d’extermination nazis : « Je songe beaucoup à Franz. Je me sens tellement coupable… Je n’ai été qu’une idiote. Pourquoi l’ai-je laissé seul dans ce café ? J’aurais pu le sauver. J’ai sacrifié la vie d’un gosse pour un vieux parchemin et je ne pourrai jamais me le pardonner. » (p. 171) Dans la pièce Quand je serai grand, je serai intermittent (2010) de Dzav et Bonnard, Monique et Robert laissent leurs enfants fondre sur la banquette arrière de leur Laguna. Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Strella, le transsexuel, a du mal à dissimuler son aversion des enfants : par exemple, elle grimace de manière sérieuse et très méchante face au tout jeune Alex ; elle fait même exprès de faire tomber le sapin de Noël sur le petit… Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homosexuel, pense que « faire un enfant est la chose la plus égoïste qui soit » ; et sa meilleure amie, Franckie, songe à « expulser son chien », c’est-à-dire à avorter. Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, Daphnée a tué sa petite fille et l’a enfermée dans une valise : « C’est avec votre revolver que je l’ai tuée. » Dans la pièce Les Amers (2008) de Mathieu Beurton, Kévin, le héros homosexuel, fait un enfant à son amie Jenny, puis ils décident tous les deux de le tuer avec des aiguilles à tricoter : « J’en voulais pas du crabe ! » dit Kevin à propos du bébé. Dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012), Didier Bénureau rentre dans la peau d’une mère indigne qui gave son petit enfant (« ‘Maman’ a toujours été très très gentille avec Jeanjean. ») pour avoir la paix (« Au moins, le miens, il est pas prêt de bouger ! ») et qui le frappe (« Quel abruti ! »). Dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont, les enfants se font trucider : le petit Paul-Gaultier est menotté à son lit ; le pare-brise vivant crache sur un enfant qui met les doigts dessus ; sur le site fictif « Syndromedestockholm.com », il y a une application « glougloulepetitgregory » ; etc. Dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967) de Copi, le spectateur assiste à un avortement : Irina « chie » son « salopard d’enfant » comme une merde. Dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Graciela, qui a 14 ans, a déjà avorté 2 fois. Dans la nouvelle « Une Langouste pour deux » (1978) de Copi, Ludovic, le fils de 3 ans de Marina, échappe de peu à la noyade. Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Carole, l’héroïne lesbienne, pratique des avortements et aide les jeunes femmes au Planning Familial à prendre la pilule en la banalisant.

 

On nous laisse parfois entendre que les violeurs d’enfants sont les personnages homosexuelles eux-mêmes : « Place Saint-Sulpice est fermée par la police, on vient de violer et d’étrangler une fillette dans la vespasienne presque sous les yeux de la police. » (cf. les dernières lignes du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 163) ; « Tu violes des p’tits handicapés de 10 ans : le commun du p’tit pédé… » (Jonathan, en boutade à son amant Frank, dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes) ; « Je parie que toi et Peggy, vous faites des trucs aux gosses… » (Santiago s’adressant au couple lesbien Doris-Peggy, dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton) ; « C’est des bébés. On les tue à la naissance. C’est très à la mode. Tout le monde se les arrache. » (Jérémy Lorca imitant un vendeur Prada, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc. On peut évoquer aussi la figure de Martin Essenbeck violant la petite fille juive, dans le film « Les Damnés » (1969) de Luchino Visconti. Je m’arrêterai là car j’aborde plus largement la question de la pédophilie dans le code « Pédophilie » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels.

 

MORVEUX 3 JPierre Melville

Film « Les Enfants terribles » de Jean-Pierre Melville (Catherine qui va tirer la langue)


 

La haine des enfants chez le personnage homosexuel n’est pas tant sciemment cruelle qu’idolâtre et iconoclaste, puisqu’ils sont en général réifiés à l’état de poupons (cf. le Fils-objet de la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi, le bébé-objet dans le film « Hush ! » (2001) de Ryosuke Hashiguchi, le film « Baby Doll » (1956) de Tennessee Williams, le film « Chocolate Babies » (1996) de Stephen Winter, le film « Sonate d’Automne » (1978) d’Ingmar Bergman, le film « Tacones Lejanos » de Pedro Almodóvar, le film « Le Cercle des Poètes disparus » (1989) de Peter Weir, le film « La Fête des pères » (1989) de Joy Fleury, etc.). Cette haine pédophobe tient plus de la pulsion sadique dirigée sur la poupée vaudou ou contre soi-même que de la destruction concrète d’êtres humains… Elle traduit tout de même une violence, mais celle-ci reste circonscrite aux mots, au jeu humoristique, à la mise en scène de viol : « Les 3 sœurs de Tchekhov étaient en train de construire elles aussi un enfant en papier mâché. » (Copi, Un Livre blanc (2002), p. 107) ; « Le vieil ami Tarzan a tout juste fini de se construire un enfant avec un bon tronc d’arbre, des lianes, un singe et des feuilles en matière plastique collées ensemble une à une. » (idem, p. 102) ; « une statue en train de jouer au bilboquet […] (la statue, c’est-à-dire l’enfant, est juste au milieu de la place) » (la voix narrative dans le roman L’Uruguayen (1972) de Copi, p. 18) ; « Vous jouez avec le bébé ? » (Joachim s’approchant du couple lesbien Emma/Adèle qui touche le ventre arrondi de Liz, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche) ; etc. Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Pretorius ne conçoit pas les enfants autrement que comme des objets (il parle de « cette chose nommée ‘enfant’ »). Dans le spectacle musical Un Mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala, la figure de Jean Cocteau parle des « enfants volés », comme pour signifier qu’ils sont des bibelots. Dans la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, le bébé à naître est comparé à une marionnette qu’on piétine, qu’on fracasse contre le mur, tel un être robotique dont on cherche à se persuader par l’iconoclastie qu’il est humain, précisément parce qu’on n’en est pas sûr : « C’est du métal, c’est du vivant. » Dans le film « Pink Flamingos » (1972) de John Waters, des lesbiennes mettent des bébés en vente. Dans le one-man-show Tout en finesse (2014) de Rodolphe Sand, Joyce, la lesbienne, soutient qu’elle « n’est pas malade » et qu’elle « veut juste un gosse »… mais on découvre qu’elle donne des croquettes à ses enfants, les fait coucher dans des litières, et dit d’un air très pince-sans-rire qu’« elle adore les enfants » et qu’elle « en a déjà mangé 4 ». Elle est même prête à couper en deux l’enfant qu’elle aura avec le couple homo Claudio/Rodolphe qui souhaitaient faire un projet de coparentalité (« On fait 50/50 pour l’enfant ? »).

 

Il est souvent question du vol d’enfants : le vol de la petite fille de Daphnée dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, les « voleurs d’enfants… » de la forêt Douar Dbada dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, etc. « Fatoumata, tu pues ! » (Rodolphe Sand se mettant dans la peau d’une odieuse bourgeoise dirigeant un orphelinat au Burkina-Faso, et y faisant un trafic d’enfants avec des couples homosexuels adoptants, dans son one-man-show Tout en finesse , 2014)

 

Le désir d’enfant semble être la parade la plus facile qui ait été trouvée par le couple homo fictionnel contre l’ennui d’une vie conjugale en manque de perspectives. La progéniture est envisagée comme un « cadeau magnifique », comme LA preuve d’amour suprême que le héros homo veut absolument « offrir » à son compagnon. Même si l’intention et la sincérité amortissent la démarche de réification du bambin, on n’est pas loin du caprice égoïste et de l’animalisation des enfants : « On devrait prendre un chien. Tu aimes les chiens. » (Sven à son copain Göran, pour calmer en lui le désir d’enfant, dans le film « Les Joies de la famille » (2009) d’Ella Lemhagen) ; « Tu sais quoi ? Je vais t’acheter un chien. » (Frédérique face à son amante Heïdi qui veut un enfant, dans la pièce Et Dieu créa les folles (2009) de Corinne Natali) ; « Je m’ennuie… On devrait peut-être adopter ? » (un des héros gay à son compagnon, dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Si on avait été hétéros, pour booster un peu notre couple, on aurait eu un enfant ! » (Jonathan s’adressant cyniquement à son amant Matthieu avec qui il sort depuis un an… et avec qui il s’ennuie déjà, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H. ; ils décident finalement de se rabattre sur l’adoption du chien) ; « En général, je préfère les chiens aux enfants. » (Ashe dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 37) ; « [À défaut d’enfants,] Caro et moi, on a adopté des rats. » (Camille, la lesbienne du one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « Fais comme Arnaud. Achète une perruche. Ce sera plus simple ! » (Stef, le héros homo parlant à Vivi qui veut un enfant avec son compagnon Norbert, dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez) ; « On peut fonder une famille. Avec les enfants. Le petit chien. La belle-mère. » (Fabien Tucci, homosexuel, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; etc.

 

Dans la pièce Bonjour ivresse ! (2010) de Franck Le Hen, pour que son ami gay Benoît puisse pallier son désir d’« avoir un enfant », Wanda lui suggère d’« appeler la SPA ». Dans la comédie musicale La Bête au bois dormant (2007) de Michel Heim, l’analogie entre le bébé des « homoparents » et le chien est claire : le labrador livré par la cigogne aux amants homos sera leur substitut d’enfant. Dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, le bébé n’est pas envisagé comme un Tout, mais comme la « valeur ajoutée » d’un bonheur conjugal homo qui serait parfait avec elle : « Que manque-t-il à ta vie ? Je vois des larmes dans tes yeux… » demande l’un des héros gay à son compagnon, en évoquant la possibilité de l’homoparentalité. Une fois leur décision prise, les partenaires cherchent d’ailleurs un bébé de la même couleur que leur papier peint ! Il est défini comme « un cadeau de Noël » pour la mère de l’un des deux « papas ». On rentre complètement dans l’idée de l’enfant-objet, réclamé comme un dû, sous forme de « droit d’égalité ». Dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis, le bébé que le « couple » Bryan et Tom vont élever est comparé à un chien : « Bonne chance avec le rottweiler. » dit Bryan ; et Tom, en regardant le berceau près de Bryan, lui répond : « Bonne chance avec le… »

 

Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, Thomas et François envisagent toujours la filiation sous l’angle canin : « On aura p’têt notre petit chien… Et p’têt, qui sait, notre fils. » (Thomas) Ils se lancent dans un voyage en pleine forêt tropicale thaïlandaise pour aller chercher Tchang, un bébé de trois ans qu’ils veulent adopter. Voyant qu’il y a eu quiproquo à propos de l’adoption, ils rebroussent chemin : « C’est pas grave. On adoptera un chien. » (Thomas) À la fin, Thomas achète à François un poisson rouge, à défaut de pouvoir adopter : « Et pour finir, François, je te présente Tchang. Tiens, dis bonjour à papa. »
 

Si jamais l’enfant est valorisé par le personnage homo, c’est généralement en vue d’une récupération. Par exemple, dans le roman Deux femmes (1975) de Harry Muslisch, Sylvia freine le désir d’enfant chez son amante Laura : « À mon avis, tu n’aimes pas du tout les enfants. Les enfants, pour toi, ce n’est qu’un moyen de régler tes comptes avec ta mère. » ; face au mutisme de sa compagne, elle reprend : « Et si finalement tu avais eu un enfant, tu l’aurais aimé ? » ; Laura finit par cracher le morceau, en lui répondant : « Oui, car dès le moment de sa naissance, je n’aurais plus pensé à ma mère. Tu as raison, je n’aime pas les enfants, mais j’aurais aimé cet enfant-là, car je n’aurais pas été fille, mais mère. » (p. 80) Dans le film « Le Refuge » (2010) de François Ozon, le bébé est utilisé comme un objet de vengeance sociale : le refus de l’avortement n’est même pas beau puisqu’il préfigure une instrumentalisation future de l’enfant en faveur de droits qui ne privilégient pas la constitution d’une famille. Dans la pièce Cosmopolitain (2009) de Philippe Nicolitch, la demande d’adoption d’un orphelin par le couple lesbien Clothilde/Jennifer, et leur refus d’avoir un enfant par voie naturelle, cachent une vision désenchantée et apocalyptique du monde : « Si c’est pour encombrer la planète d’une âme supplémentaire… » Dans le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier, Kim et sa compagne veulent d’un enfant (Maeli) à tout prix, et menace César, celui qui doit endosser temporairement le rôle du père adoptif pour crédibiliser leur combine, de chantage financier : « Je te préviens : Si je ne rentre pas avec Maeli, tu n’auras pas ton pognon ! » ; etc.

 

Par exemple, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Léopold demande à son amant Franz s’il « aime les enfants » et celui-ci lui répond : « À vrai dire non. Je ne sais pas vraiment m’y prendre. Il me tape vite sur les nerfs. » Franz ne les envisage que comme une transposition narcissique de son propre couple puisqu’il veut appeler ses deux hypothétiques enfants qu’il aurait avec Ana « Franz et Leopold ».

 

Dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier, les enfants sont à la fois méprisés et demandés comme des dus. Par exemple, William menace Pierre « l’hétéro » de parvenir à avoir des enfants avec son copain Georges quand ils le désireront (après leur « mariage »). Et pourtant, il oblige Georges à renoncer à son passé d’homme marié et de père avec enfants, et à abandonner ses enfants pour le garder pour lui tout seul : « Tes enfants ! Ton alibi suprême ! »

 

Chez le personnage homo, la défense des enfants est parfois au service de projections purement égoïstes. Dans le film « Potiche » (2010) de François Ozon, par exemple, le dialogue entre Joëlle, vivant une vie de couple rangée, et sa mère Suzanne, le montre très bien. Joëlle tient un discours complètement contradictoire, puisqu’elle dit : « L’éducation des enfants, c’est moi qui m’en charge » ; mais une fois que sa mère lui demande « Tu as pensé aux enfants ? », elle lui répond : « Non, je pense à moi. »

 

Dans « Patrik, 1.5 » (« Les Joies de la famille », 2009) d’Ella Lemhagen (un film pourtant censé prouver que le couple homo peut tout à fait élever des enfants de manière équilibrée et aimante), l’image des enfants est très négative : ils sont montrés comme de méchants homophobes, de vulgaires délinquants qui insultent à la sauvette le couple homo de « pédés »… au point que Sven, l’un des deux héros homos, poussera le cri du cœur : « Putains de sales gosses ! » (Seul un de ces voyous – le jeune garçon élevé par ses deux « pères », justement – changera progressivement d’avis et se montrera sous un meilleur jour).

 

MORVEUX 4 Vincent Garenq

Film « Comme les autres » de Vincent Garenq


 

Dans le film « Comme les autres » (2008) de Vincent Garenq, le bébé est présenté comme un cadeau amer, car le couple d’hommes homos abandonne la mère porteuse comme une âme en peine sur le billard de la salle d’accouchement, une fois qu’ils ont eu ce qu’ils voulaient. Dans les fictions abordant de manière un peu plus posée les questions d’homoparenté, on constate avec étonnement que la « famille » homoparentale n’est pas présentée comme une structure facile à vivre par les personnages homos qui l’expérimentent : « Élever un petit garçon turbulent n’est pas de tout repos à tout âge, devient éprouvant lorsque le papa a atteint la cinquantaine depuis déjà quelques années. Pire encore, quand il y en a deux. » (cf. la première phrase du roman Accointances, connaissances, et mouvances (2010) de Denis-Martin Chabot) ; « Je supporte pas d’être chez moi. J’ai l’impression que je suffoque ; comme si je vivais dans le corps d’un autre, comme si je m’enfonçais dans la vie d’un autre. » (Jackson élevé par deux lesbiennes, dans l’épisode 7 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn).

 

Dans la pièce Le Mariage (2014) de Jean-Luc Jeener, Claire et sa compagne Suzanne font de leur projet « parental » un ordre et un caprice : « Je veux un enfant et je l’aurai ! » déclare Claire, ce à quoi le père de celle-ci lui répond : « Vous jouez à la poupée avec un petit être vivant ! » Pendant toute la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade, l’enfant est défini par tous les personnages comme une « envie », un « feeling », un « projet », un objet : « Si c’est un petit gars, ce sera un petit gars. Si c’est une poupée, ce sera une poupée. » déclare Sylvie, la fille à pédé. Et le pire, c’est que Pierre, le héros homosexuel, arrive à trouver ça « beau » et à s’émouvoir de son propre « désir de paternité ». Hallucinant.

 

Quand je vous dis que les personnes homosexuelles ne se rendent pas compte qu’elles détestent les enfants, je ne vous mens absolument pas. Plus une œuvre de fiction homosexuelle se donne pour tache de justifier l’injustifiable, c’est-à-dire de prouver que le désir homosexuel acté respecte vraiment les enfants et que les « familles homoparentales » sont des structures aussi bien que la famille traditionnelle et aimante formée d’une femme et d’un homme, plus elle (et son auteur) donne inconsciemment les preuves du contraire. C’est tout à fait le cas du roman pro-PMA (Procréation Médicalement Assistée) The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, censé nous démontrer que la narratrice lesbienne enceinte, Jane, secondée de sa compagne Petra, aiment déjà « leur » enfant et qu’elles ont un projet noble, respectueux et « éthique ». Au départ, le lecteur y croit, puisque les deux femmes en couple chantent les louanges de leur bébé, en le surnommant « notre petit génie » (p. 16) : « Il pourrait bien avoir deux têtes, Petra et moi, on l’aimera quand même. » (Jane, p. 114) Elles ont l’hypocrisie de nous faire croire que même si à travers la PMA elles ont concrètement rayé de la généalogie de leur enfant son père, elles ont fait un acte merveilleux en n’étant pas trop regardantes sur l’identité physiologique du donneur de sperme : « De toute façon, je n’aimais pas l’idée de choisir un donneur en fonction de ses attributs. Un enfant est un enfant, pas un meuble de créateur. » (Jane, p. 113) Et l’auteure du roman, Louise Welsh, parachève l’utopie en terminant son récit par une happy end et une arrivée au monde réussie du bébé. Mais dans les faits et les paroles, il en est tout autrement. On découvre que l’enfant est considéré comme un objet qui pourrait être volé, qu’il est considéré comme un dû, une possession : « Je n’arrive pas à croire que tu te serves déjà de notre enfant comme d’une arme. » (Petra s’adressant à Jane, p. 69) ; « Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans la technologie. J’aurais volé un bébé dans un landau, peut-être. » (Jane, p. 114) ; « À sa naissance, il deviendrait une personne, quelqu’un que Jane n’aimerait peut-être pas, mais pour le moment il était tout à elle. » (Jane, p. 193) ; « Donnez-moi l’enfant des inconnus. Donnez-le-moi. » (Ritchie, le personnage homo, dans son rôle de théâtre, dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies) ; etc. C’est l’autorité parentale des vrais parents biologiques, et non l’enfant en lui-même, que les héroïnes lesbiennes cherchent en réalité à acquérir : pendant toute l’intrigue, Jane tente en effet de retirer à son voisin d’immeuble le Docteur Mann la garde de la fille de ce dernier, Anna, adolescente de 13 ans, parce qu’elle l’estime maltraitée de lui, même si Petra essaie de faire entendre raison à sa compagne : « Petra avait raison. Anna relevait de la responsabilité d’Alban Mann, et cet enfant-ci était le sien. » (Jane, p. 100) Au fond, ce roman est un concentré de pédophobie. Tout le monde s’y met, spécialement les « mamans » lesbiennes. Par exemple, Jane parle super mal à son bébé : « Calmos, fiche-moi la paix. » (p. 17) ; « Petit troll, petit gobelin. » (p. 156) ; « Elle se souciait de son petit monstre. » (p. 196) ; etc. On la sent au bord de l’avortement : « Jane comprenait ces mères adolescentes qui dissimulaient leur grossesse, espérant disparaître et emporter cette disgrâce avec elles. Il lui semblait impossible que l’enfant parvienne un jour à se frayer un chemin vers la liberté et qu’elle voie le visage de la créature qui s’était tapie en elle pendant tous ces mois. Des traits difformes de gobelin s’imposèrent à son esprit. » (p. 42) ; « Comment avait-elle seulement pu envisager d’avoir un enfant ? » (p. 229) ; etc. À un moment, elle se prend un jet de pierres par un garnement avec un lance-pierres, habitant près de son immeuble… mais le plus surprenant, c’est qu’elle l’insulte comme s’il s’agissait d’un adulte : « Salaud, salaud, salaud. » (p. 27) Elle déteste aussi les jeunes : « Les adolescents étaient une plaie. » (p. 43) Les autres personnages ne sont pas plus tendres avec les enfants que la future maman : « Carsten ? Je l’aurais étouffé. C’est facile d’étouffer un bébé. Tout le monde ressent ça, c’est normal. L’important, c’est de ne pas le faire. » (Ute, la femme hétérosexuelle parlant de son fils, p. 33) ; « Tu te souviens de Greta, elle aimait boire et danser, et s’amuser ? Les bébés vous empêchent de faire tout ça. » (Karl Becker s’adressant à sa femme Heike, p. 64) ; « J’aime boire et faire de la voile plus que j’aime l’idée d’avoir un enfant. » (Jurgen, le héros gay, p. 113) ; « Espérons que ta compagne Petra a bien choisi le donneur et que ça ne sera pas un petit monstre. » ( idem, p. 114) ; etc. Je mets ma main à couper que Louise Welsh, l’auteure de ce livre, n’a même pas mesuré qu’en défendant « l’homoparentalité », elle la désignait comme inhumaine et monstrueuse. Car dans les faits, elle l’est.
 

Finalement, en ce qui concerne la haine homosexuelle fictionnelle des enfants, on se trouve devant un paradoxe : celui de l’idolâtrie. Les mômes sont détruits parce qu’ils sont adorés comme des objets. Il y a un décalage complet entre la sincérité affichée par le personnage homo, et ses actes concrets. Par exemple, dans le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, pendant un déjeuner au restaurant, l’oncle de Gérard demande à Élisabeth : « Vous aimez les enfants, n’est-ce pas ? » Juste avant de tirer la langue à une gamine et de la faire pleurer, elle lui répond : « Je les adooore ! » On retrouve cette dichotomie entre sincérité et vérité lors du concert de la chanteuse Mylène Farmer (tournée 1989 ; prélude à la chanson « Maman a tort »), lorsque la mère de Mylène, interprétée par la chanteuse Carole Fredericks, apparaît sous les traits d’une sorcière immonde et autoritaire, qui va se mettre à hurler d’une voix stridente : « Mais pourtant, je l’aime énooormément, cette petiiiiite !!! ». Dans la pièce La Journée d’une Rêveuse (1968) de Copi, Louise prétend « savoir manœuvrer les enfants », mais annonce aussi qu’elle en a déjà perdu trois à elle ; et en plus, on la voit maltraiter l’enfant de Jeanne. Le héros travesti du one-man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set cultive la même ambiguïté, puisque dans une même phrase, il dit tout et son contraire : « Ce gosse est une plaie ! J’ai rien contre les enfants… […] Les enfants, c’est comme les cocktails : ça saoule ! » ; par ailleurs, il préconise les bombes anti-personnelles comme cadeau de Noël idéal à offrir aux enfants. Dans la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi, Daphnée ne se rend pas du tout compte de l’infanticide qu’elle a perpétré sur sa propre fille : « Elle a dû rentrer toute seule dans le frigidaire et refermer la porte derrière elle. Je l’ai retrouvée congelée, mais j’étais sous acide, j’ai cru que son cœur allait se remettre à battre. J’ai essayé de la réchauffer dans le four, mais elle était bien morte. » (p. 146) Dans la pièce L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1967), toujours de Copi, Mme Garbo revient sur la genèse de l’amour incestueux qu’elle porte sincèrement à sa jeune élève Irina : « J’ai haï cet enfant. » Ce n’est pas la haine des enfants qui rend le personnage homosexuel violent à leur encontre : c’est au contraire parce qu’il les adore qu’il en vient à les tuer. « Je suis fou des enfants ! » (la voix narrative du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, p. 68, qui par ailleurs se montre particulièrement odieuse avec les enfants) ; « J’adore les comptines pour enfants, toujours tragiques et macabres. » (Christopher Wren, le héros homosexuel de la pièce The Mousetrap, La Souricière (1952) d’Agatha Christie, mise en scène en 2015 par Stan Risoch) ; etc.

 

Parfois, on découvre que c’est l’homosexualité du personnage qui déclenche en lui la pédophobie. « Mary n’aurait aucune place dans son cœur, dans sa vie, pour un enfant, si elle venait à Stephen. Elles seraient tout l’une pour l’autre si elles demeuraient dans cette parenté sans limites : père, mère, ami, amant, tout… étonnante plénitude ! Et Mary, l’enfant, l’amie, la bien-aimée. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 393) ; « Tandis qu’elle tenait la jeune fille dans ses bras, Stephen sentait qu’en vérité elle était toutes choses pour Mary : père, mère, amie et amant, et Mary toutes choses pour elle : l’enfant, l’amie, la bien-aimée. » (idem, p. 412) Par exemple, dans le film « Tu n’aimeras point » (2009) de Haim Tabakman, c’est au moment où Aaron, père de famille juif, découvre son homosexualité qu’il devient précisément agressif et brutal à l’encontre de son fils Nataniel. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, le personnage de Pédé (le bien nommé !) a abandonné sa fille lesbienne Lou pendant 17 ans (« J’avais oublié cette enfant ! »)… et visiblement, il a fait la même chose avec d’autres de ses enfants. On nous fait comprendre que c’est l’homosexualité qui forge les parents démissionnaires.

 

Le plus surprenant chez le personnage homosexuel, c’est que la violence pédophobe semble être une conséquence directe de la peur des enfants : « Les gosses et moi, c’est pas le grand amour. Ils me font peur. J’suis un peu pédophobe. » (Lucie, la lesbienne de la pièce On vous rappellera (2010) de François Rimbau) ; « Dimitri n’a jamais su comment se comporter avec les gamins. Il appartient à cette espèce d’hommes qui fait pleurer les bébés. Ça ne rate jamais. Il suffit qu’il en prenne un dans ses bras pour qu’il se mette aussitôt à crier. À la manière dont il les tient, les tout-petits perçoivent immédiatement sa gêne. Ces êtres fragiles le mettent mal à l’aise. Il a peur de les laisser tomber, de les casser. Et son appréhension n’arrange rien. C’est comme pour les chiens. Ils le sentent. » (Thibaut de Saint Pol, Pavillon noir (2007), p. 87) ; « Mme Pignou n’avait jamais pris un bébé dans ses bras. Elle s’affaissa sur la chaise en formica et le serra contre elle très fort, ce qui mit en colère la petite fille qui lui griffa cruellement le visage, mais la peur de la laisser tomber était chez Mme Pignou trop forte pour pouvoir réagir. » (cf. la nouvelle « Madame Pignou » (1978) de Copi, p. 53) ; « J’ai peur d’avoir des enfants ! » (Lou, l’héroïne lesbienne de la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, p. 340) ; « La seule chose qui a vraiment changé, c’est Karl. Ce n’est plus le poupon que j’ai laissé derrière moi. […] Je l’attrape dans mes bras […] C’est alors que je me rends compte qu’il tremble. Je lui fais peur… » (Heinrich parlant de son fils, dans le roman À mon cœur défendant (2010) de Thibaut de Saint-Pol, p. 115) ; « Les enfants, ils me font plutôt peur… Ils sont comme des moustiques chiants. » (Lionel dans le film « Comme des Voleurs » (2007) de Lionel Baier) Dans la pièce Les Deux pieds dans le bonheur (2008) de Géraldine Therre et Erwin Zirmi, Damien, le héros homosexuel, ne mâche pas ses mots par rapport aux enfants : il dit que les nourrissons « puent » et « lui font peur » ; il demande au personnel SNCF s’il peut « voyager dans un wagon sans mouflets », et rêve de terroriser les enfants pendant le trajet. Le message est passé : « Les mômes, je les déteste ! » Et sa meilleure amie, qui paradoxalement va chercher à être enceinte par tous les moyens, les définit aussi comme des « monstres ». Qui a laissé croire que les terroristes n’étaient jamais morts de peur ?

 

MORVEUX 4 Piscine

Création scénique « Le Roi Roger est nu » de Karol Szymanowski

 

Et nous arrivons au nœud du problème ! Très souvent, on apprend que le personnage homosexuel réagit mal face aux enfants parce qu’il a été lui-même maltraité et abandonné par ses parents quand il était enfant, ou bien violé. Je développe très largement dans le code « Orphelins » et « Viol » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels ces questions. Mais je relèverai quand même, histoire de vous mettre en appétit, quelques exemples montrant des enfants battus dans les œuvres homosexuelles (en laissant de côté la figure des enfants noyés pour le code « Eau » de ce même Dictionnaire) : cf. le roman Génitrix (1928) de François Mauriac (avec l’enfant qui meurt en fausse couche), la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi (avec Ali, l’enfant enlevé par les lesbiennes, puis « couvert de bosses » parce qu’il est battu), la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes (avec Frank, l’enfant battu par son père et sa mère), la pièce Scènes de chasse en Bavière (1969) de Peter Fleischmann (avec les deux personnages homos, Rovo et Abram, qui se sont fait respectivement battre par leurs parents, étant jeunes), le roman Montecristi (2009) de Jean-Noël Pancrazi (avec un enfant de 10 ans qui meurt à cause de déchets toxiques), les vidéo-clips des chansons « Plus grandir » et « Comme j’ai mal » de Mylène Farmer (sur la maltraitance des enfants), le film « Les Damnés » (1969) de Luchino Visconti (avec la petite Juive qui est violée et qui finit par se pendre), le film « Mon fils à moi » (2006) de Martial Fougeron (avec un jeune adolescent absorbé par sa mère), la photo L’Enfant captif (1932) de Duane Michals, le film « Paysage dans le brouillard » (1987) de Theo Angelopoulos (avec la fillette violée), le film « Une Vie normale » (1996) d’Angela Pope, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès (avec l’enfant pendu par le shérif : légère « bavure » policière…), le film « L’Innocent » (1976) de Luchino Visconti (avec l’infanticide), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec l’avortement), etc. Par exemple, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, Sarah, l’héroïne lesbienne, se fait battre par sa mère. Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, tient dans les bras un bébé mort, calciné… pour la photo dans les journaux.

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

À propos de la haine (ironique, « second degré », ou sérieuse) des personnes homosexuelles envers les enfants réels, je vous renvoie au docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles (avec l’enfant noir porté comme un colis ou dans un caddy), à l’essai El Sadismo De Nuestra Infancia de Terenci Moix, au documentaire « Chosing Children » (1984) de Debra Chasnoff et Kim Klauser, etc. En commencement de cet pédophobie était la jalousie : « J’en suis presque jaloux. » (Samuel, jeune homme homosexuel de 25 ans, face à un enfant de 6 ans en admiration devant ses parents, dans le documentaire « Homos, la haine » (2014) d’Éric Guéret et Philippe Besson, diffusé sur la chaîne France 2 le 9 décembre 2014)

 

MORVEUX 6 - Brunö

Film « Brüno » de Larry Charles

 

Dans l’émission de caméra cachée Les Invisibles diffusée le 29 janvier 2016 sur la chaîne TF1, un anonyme homosexuel s’est fait piéger par un soi-disant « enfant maléfique » qui jette des sorts autour de lui pendant l’absence de sa mère qui l’a confié à ce pauvre voisin de table de restaurant. L’homme à la trentaine essaie de refuser le service (« Je n’ai pas d’enfants. C’est pas pour garder ceux des autres. Je suis pas hyper à l’aise avec les enfants…« ). Puis une fois le départ de sa maman, le gamin devient de plus en plus infernal avec son baby-sitter. Au téléphone avec la mère, le piégé homosexuel dit explicitement : « Je vous ai dit que j’aimais pas les gosses. » Le piège filmé avait donc toutes les raisons de marcher.
 
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C’est quand ce mépris est sous-entendu par une représentation fictionnelle désastreuse des enfants que la pédophobie du réalisateur ou du romancier homosexuel apparaît, à mon sens, la plus manifeste : j’ai des images très précises qui me reviennent de films tels que « Jacquou le Croquant » (2007) de Laurent Boutonnat (avec les garnements cruels ; idem pour son clip de la chanson « Désenchantée » de Mylène Farmer), « Oublier Chéyenne » (2004) de Valérie Minetto (avec le mépris affiché de l’héroïne lesbienne pour les « djeunes d’aujourd’hui »), « Wild Side » (2004) de Sébastien Lifshitz (où la cruauté « naturelle » des enfants est montrée à plusieurs reprises), ou encore « Le Secret de Brokeback Mountain » (2006) d’Ang Lee (dans lequel les seules images qu’on nous donne de la vie de famille traditionnelle et des enfants, ce ne sont justement que des gamins qui braillent à en faire crever les tympans !), le film « Week-End » (2012) d’Andrew Haigh (où Russell, le héros trentenaire homo, écoute, affligé, les médisances homophobes d’un groupe de jeunes dans le bus) ; etc.

 

Tous ces choix inconscients de figuration de l’enfance ont l’effet d’un « No Comment » de la chaîne de télé Euronews. Oui, il faut qu’on ose le dire : les personnes homosexuelles, dans leur grande majorité, ont un problème avec les enfants. Cela dit, on me rétorquera que tout le monde a un problème avec les enfants, ce qui n’est pas faux du tout : c’est humain d’avoir un problème avec les enfants (ce n’est pas à moi qu’il faut l’apprendre : je n’ai jamais cru en « l’instinct maternel », ni à la béatitude des grossesses/accouchements/éducation des enfants, et plus globalement, je ne sacralise pas du tout la différence des sexes ; elle reste un trésor « en chantier », qui doit « devenir ce qu’il est » !). Je crois cependant qu’une fois dit cela, il y a des individus, plus blessés dans leur sexualité et dans leur enfance que d’autres, qui ont tendance à avoir plus de mal que les autres avec les enfants : les personnes homosexuelles, dans leur globalité, même s’il y a de nombreuses exceptions à cette règle, en font partie.

 

Et les exemples concrets ne manquent pas pour illustrer cette tendance ! Dans le documentaire « Une Vie de couple avec un chien » (1997) de Joël Van Effenterre, l’enfant absent est carrément comparé à un chien par le couple homosexuel. Le dramaturge français Jean-Luc Lagarce, dans son Journal (2008), qualifie les petits d’« enfants sales et braillards ». Jean-Jacques Rinieri parle de la grossesse comme d’une « malédiction » pesant sur les femmes (cité dans l’autobiographie Parce que c’était lui (2005) de Roger Stéphane, p. 97) et dit que les enfants sont cruels : « Quelle plaisanterie que la pureté des enfants ! » (idem, p. 112) Dans son autobiographie Le Journal du Voleur (1949), Jean Genet voit l’enfant comme un excrément : « Je me voulus semblable à cette femme qui, à l’abri des gens, chez elle conserva sa fille, une sorte de monstre hideux, difforme, grognant et marchant à quatre pattes, stupide et blanc. En accouchant, son désespoir fut tel sans doute qu’il devient l’essence même de sa vie. Elle décida d’aimer ce monstre, d’aimer la laideur sortie de son ventre où elle s’était élaborée, et de l’ériger dévotieusement. » (p. 30) L’enfant serait uniquement coupable d’être né, comme le montrent les propos de Cocteau : « Accusé, je l’étais dans le ventre de ma mère. » (Jean Cocteau dans le documentaire « Jean Cocteau, Autoportrait d’un inconnu » (1983) d’Edgardo Cozarinsky) L’artiste français en question raconte qu’il aime faire des grimaces aux enfants pour les effrayer et les faire pleurer. Ce n’est pas un hasard s’il qualifie, dans une de ses œuvres maîtresses, les enfants de « terribles » (1929). Dans son autobiographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), Pascal Sevran est d’une franchise absolue par rapport aux petits : « Un enfant, par définition, est intenable » (p. 95) ; « Que Michael Jackson nous épargne ses jérémiades sur la pureté des enfants. Ce sont des monstres, comme nous. » (idem, p. 155) ; « J’aime beaucoup Jean et sa femme, mais il y aura trop d’enfants hurlant et sautant entre les tables » (idem, p. 172) Il est loin d’être le seul à penser cela ! Voici un petit panorama de phrases pédophobes glanées de-ci de-là par des personnalités homos médiatisées : « J’aime pas les enfants. » (Jean-Claude Dreyfus, juste à côté de moi pendant l’enregistrement du premier album Urgences du rappeur homo Monis, le 17 avril 2010, à Goussainville) ; « Les enfants dans les trains de vacances démontrent les vertus de la stérilité. » (cf. « post » public de l’écrivain Philippe Besson sur son mur Facebook le mercredi 8 août 2012) ; « Je veux scandaliser les purs, les petits enfants, les vieillards par ma nudité, ma voix rauque, le réflexe évident du désir. » (la photographe lesbienne Claude Cahun dans son essai Aveux non avenus, 1930) ; « Je méprisais les femmes enceintes. » (Anne Hurtelle, femme lesbienne interviewée à l’émission Ça se discute diffusée le 18 février 2004 sur la chaîne France 2) ; « Moi, je n’envisageais pas vraiment d’être mère. » (Florence Mary dans son documentaire « Les Carpes remontent les fleuves avec courage et persévérance », 2012) ; « Le transsexuel n’aime pas les enfants et ne comprend que le côté superficiel du ‘sexe’ opposé dont il rêve. » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 342) ; « Pour les couples hétéros, il y a les gosses qui sont là. C’est une responsabilité que je trouve écrasante. » (Jean-Louis Bory au micro de Jacques Chancel, dans l’émission Radioscopie sur France Inter, 6 mai 1976) ; etc.

 

Dans le film biographique « Girl » (2018) de Lukas Dhont, Lara/Victor, garçon trans M to F de 16 ans, brusque son petit frère de 6 ans Milo et le fait pleurer en l’habillant uniquement parce que ce dernier a eu l’insolence de l’appeler par son prénom d’origine « Victor ». Ça commence par la menace (« Arrête ou je vais te faire mal. ») et ça finit carrément par de la maltraitance (« Ne m’appelle plus comme ça, OK ? »).
 

Beaucoup de personnes homosexuelles rejettent même les enfants qu’elles ont engendrés. Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Jacques, homosexuel, s’est séparé de sa femme, et a laissé cinq enfants pour vivre avec un homme, Bernard. Pour ma part, lors de mes conférences, je rencontre de plus en plus de jeunes adolescents venant me raconter que leur père (ou leur mère) les a abandonnés, en laissant femme (ou mari) et enfants sur le carreau, pour partir vivre son homosexualité.

 

J’entends des personnes homosexuelles défendre avec un aplomb et un sourire formidables l’avortement. Par exemple, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz, Thérèse, une femme lesbienne de 70 ans, se targue d’avoir pratiqué dans les années 1970 des avortements chez elle, en créant une cellule d’avortements clandestins : « C’était une période fabuleuse. »

 

De mon côté, j’en ai entendues à foison, des médisances sur les enfants, de la part de mes amis homos ! Entre ceux qui s’amusent à simuler les croche-patte face à des mômes jouant tranquillement dans les jardins d’enfants, ceux (surtout mes amies lesbiennes) qui traitent les femmes enceintes de « poules pondeuses » (je ne fais que citer), et ceux qui m’ont dit ouvertement qu’ils détestaient les enfants, j’ai de la matière ! Ils ne font que corroborer leur réputation de « célibataires-aigris-détestant-les-mioches » (une étiquette qui arrange aussi, pour le coup, les parents hétéros qui élèvent mal leurs enfants, et qui trouvent en la communauté homosexuelle célibataire les boucs émissaires rêvés de leur propre déni de « mauvaise éducation »…).

 

Le surprenant dédain homosexuel à propos de « ces êtres si peu charitables que sont les enfants et les adolescents » (Pierre Verdrager, L’Homosexualité dans tous ses états (2007), p. 47) s’origine probablement sur un malentendu. Comme l’illustrent les propos de Roger Stéphane dans Parce que c’était lui (2005) concernant son compagnon Jean-Jacques Rinieri, « la répugnance et l’indifférence » que beaucoup de personnes homosexuelles témoignent envers « les jeunes enfants qu’ils trouvent bruyants et insipides », naît très certainement d’un amalgame entre les adultes mûrs et les adultes immatures (« Cette indifférence est provoquée chez Jean-Jacques par l’inauthenticité du comportement des ‘grandes personnes’ avec les enfants. », p. 98) : c’est d’abord l’infantilisation (qu’elles confondent avec les enfants réels) qu’elles haïssent, et non au départ les enfants réels. Le problème se situe bien dans les conséquences concrètes de cette confusion… : un isolement de vieux gars ou de vieille fille, un éloignement des fêtes de famille, un mépris plus ou moins affiché des enfants, un repli identitaire et amoureux dans la communauté homo, etc.

 

Je crois aussi que l’enfant est détesté parce qu’il est parfois considéré comme l’enfant du viol, ou la tentation du viol : « J’ai l’impression que pour moi le temps s’est arrêté à l’adolescence. Aujourd’hui, j’ai 45 ans et je suis systématiquement séduit par des très jeunes hommes d’environ une vingtaine d’années, comme si moi-même j’étais resté fixé à cet âge-là. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), pp. 47-48) ; « Étant donné qu’il m’arrivait de m’occuper d’enfants, j’étais obsédé par la crainte qu’ils me soupçonnent de pédophilie. C’était absurde, mais je ne pouvais m’empêcher d’y penser. » (idem, p. 65)

 

L’homosexualité est présentée par certaines personnes homosexuelles comme l’échappatoire salutaire aux « horribles » enfants et au statut « dégradant » de « géniteurs ». Comme une solution de facilité, en quelque sorte. « Aujourd’hui, je ne sais pas ce qui vous pousse à recevoir l’enfant qui naît dans ce capharnaüm d’attentes folles, de projets insensés, de revanche du justicier masqué, de berceau en tombeau. Moi, je rêve que je suis vierge de tout cela. Neuve pour de bon, voilà ce que je crois être. Et vous, avec vos sourires chargés d’espoir, vous ne me détrompez pas. Et ça commence comme ça. » (Cathy Bernheim, L’Amour presque parfait (2003), p. 16) ; « Je suis […] une femme qui a survécu en remplaçant les enfants par les diplômes, les bibliothèques dévorées, les livres avalés et pondus, sans oublier les petites chiennes… » (Paula Dumont, Mauvais Genre (2009), p. 56) ; « Mon premier contact avec la maternité, c’est ma mère qui tombe inanimée et qui baigne dans son sang. C’est mon premier souvenir, le plus blessant et le plus percutant. Pour moi qui ne sait rien de la vie, d’un seul coup, la maternité c’est la mort […] C’est pour toutes ces raisons que je suis persuadée aujourd’hui que, bien que me sachant et me revendiquant de sexe féminin, j’ai refusé cette intrusion de l’enfant dans mon ventre. » (idem, pp. 54-55) ; « Elles [les femmes] ont subi la double malédiction biblique : leurs désirs les ont portées vers leurs mecs et elles ont enfanté dans la douleur. Moi, j’ai échappé à cette malédiction. […] Bref, la moitié de l’humanité, celle qui a le pouvoir de donner la vie, reléguée au statut de bête de somme, voire de morceau de viande. » (idem, p. 17) ; « À propos des enfants, Carson McCullers affirmera toujours qu’elle les aime beaucoup tout en souhaitant ne pas en avoir, car ils la gêneraient dans son travail. » (Josyane Savigneau, Carson McCullers (1995), p. 253)

 

Le réalisateur Marc Cherry, homosexuel et créateur de Desperate Housewives (saga très appréciée de la communauté homosexuelle, d’ailleurs), avoue que l’idée de la série est basée sur un fait divers qui l’a fasciné : un infanticide opéré par une mère sur ses deux enfants.

 

Dans le docu-fiction « La Grève des ventres » (2012) de Lucie Borleteau, le Collectif « Grève du Ventre » est un groupe commando voulant « arrêter de faire des enfants » et proumouvant le droit de faire des ventres féminins des possessions. Ceux-là même qui militent pour le « mariage homo » nous montrent à l’écran le compte du nombre d’humains qui augmente tous les jours dans la population mondiale pour nous dissuader de ne plus faire d’enfants. Certaines militantes lesbiennes clament à la fois que leur maternité leur appartient et qu’elles n’en useront pas : « Personne ne sortira de nos ventres ! » ; « Moi, c’est sûr, je trouve ça aberrant de faire des gosses maintenant. » ; etc. Par exemple, Lise, l’une des témoins lesbiennes, se rend dans un aquarium pour y voir des poissons visqueux et difformes qui la dégoûteraient d’être enceinte.

 

Je ne saurai pas vous dire exactement pourquoi, mais je trouve que ce mépris/rejet des enfants, de la paternité ou de la maternité, qui serait miraculeusement compensé par une « fierté d’être homo », cela sent l’orgueil mal placé, l’excuse-bidon à plein nez, l’auto-persuasion volontariste, la mauvaise foi, l’amertume personnelle, l’indifférence forcée. Je n’y crois pas complètement. Les personnes homosexuelles battent en retraite, mais pour des raisons très faibles, floues et obscures… car d’une part, la sexualité n’est pas qu’une ennemie ; et qu’en plus, cela a toujours été un besoin universel vital, profondément ancré en tout Homme, que de transmettre la vie, de laisser une empreinte concrète de son passage sur Terre, de léguer un bel héritage.

 

Certainement que le refus d’engendrer vient chez beaucoup de personnes homosexuelles d’un traumatisme vécu dans l’enfance, du fait de ne pas avoir été des enfants désirés, ou bien s’origine dans un rapport blessé à la sexualité en général. Par exemple, l’écrivaine française Marguerite Yourcenar, dont la mère est morte d’une fièvre puerpérale dix jours après sa naissance, avait en horreur la vue des femmes enceintes, et elle répugnait à s’asseoir à côté d’elles. Chez certaines personnes homosexuelles, la haine des enfants est matinée d’« hétérophobie » et de dégoût jaloux des mères de ces derniers : « Qu’en était-il des autres, asservies à leur mari et à leurs enfants, sans ressources personnelles, sans voiture, sans autre nourriture spirituelle que Marie-Claire, Elle ou Femme d’Aujourd’hui ? Bonne Déesse, quel obscurantisme ! » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 242)

 

Au final, que faut-il retenir de tout ce répertoire de pédophobie, hallucinant de violence, accablant de preuves ? Il me semble déjà primordial de bien comprendre le fonctionnement de ce Dictionnaire des Codes homosexuels (relisez, si besoin est, la notice), et de laisser mes codes au pays des mythes et du désir homosexuel plutôt que de chercher à tout prix leurs correspondances dans le réel et chez des personnes concrètes (ce n’est pas pour des prunes que j’ai placé une frontière bien délimitée entre fiction et réalité). La fiction n’est pas à l’image du dévouement réel que certains sujets homos démontrent auprès des enfants. Il y en a qui sont réellement doués pour faire l’animation auprès des enfants, qui sont des éducateurs/des parrains hors pair, qui deviennent parfois des « tontons-gâteau » ou des taties formidables. Je ne remets absolument pas en cause non plus la sincérité des personnes homosexuelles qui veulent d’un enfant et qui disent leur souffrance de ne pas pouvoir transmettre la vie et l’élever librement. La haine homosexuelle des enfants n’est à mon avis (et je tiens à ce que cela soit compris, surtout des opposants à la « famille » homoparentale et à l’adoption !) que le langage de l’inconscient des personnes homosexuelles ; non celui de leur sincérité, ni même celui de toute leur réalité existentielle. Elle ne concerne que leur réalité désirante homosexuelle.

 

Pour continuer dans cette réflexion axée prioritairement sur le désir homosexuel, je dirais qu’il est fort possible que la haine homosexuelle des enfants soit une réaction de résistance face à des parents trop laxistes et incestueux, ou bien l’expression d’une maltraitance vécue dans l’enfance ou l’adolescence. De manière générale, l’adolescence n’a pas été une période facile à vivre pour les personnes homosexuelles. Par exemple, l’écrivain Abdellah Taïa, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), cherche, encore à l’âge adulte, à « se débarrasser pour toujours de l’adolescence et de son enfer » (p. 19) ; il raconte aussi que son amant Slimane a été battu par sa mère quand il était enfant (p. 106). Certains sujets homosexuels ont été maltraités pendant leur enfance : je pense à David Wojnarowicz, Truman Capote, Aleister Crowley, et bien d’autres. Il n’y a qu’à écouter la perception diabolisée des écoliers/des collégiens qu’adoptent de très nombreuses personnes homosexuelles pour comprendre que l’enfance est LE lieu par excellence de la blessure homosexuelle : « Toujours cette cruauté inventive des enfants au doux Royaume de l’innocence. » (Michel Bellin, Impotens Deus (2006), p. 34) ; « Dans une cour de collège il n’y a pas de justice. » (Alexandre Delmar, Prélude à une vie heureuse (2004), p. 26) ; « L’école est très souvent le lieu de découverte de l’homophobie. Elle est d’abord le lieu de l’injure par laquelle se gravent profondément dans la conscience de l’injurié le sentiment d’infériorité et la honte. L’école est ainsi très souvent le lieu d’une scène primitive ultra-violente chez certains élèves. » (cf. l’article « École » de Pierre Albertini, dans le Dictionnaire de l’homophobie (2003) de Louis-Georges Tin, p. 139) ; « Regardez donc des enfants en bas âge : ils ne font que ce qu’ils veulent et sont parfois violents envers leurs camarades. » (Hugo sur le site http://homophobie.free.fr, consulté en octobre 2003)

 

À la racine de l’homosexualité ou du désir homosexuel de stérilité peut se trouver l’avortement. Pour vous le prouver, j’ai envie de vous citer un mail qu’un ami polonais, en voyant mes écrits, m’a envoyé en décembre 2012 : « J’ai été très intéressé par votre témoignage, d’autant que depuis un an, je suis engagé dans le programme psychothérapeutique d’un psychiatre canadien : le professeur Philip NEY. Depuis quarante ans, ce psychiatre oriente ses recherches sur les séquelles dues à l’avortement. Il a découvert que ces séquelles touchent l’ensemble de la famille et surtout les enfants qui ont survécus à l’avortement. Pour nommer ces enfants, Philip Ney, utilise le terme suivant : « les survivants » (survivors). Ces enfants manifestent certains troubles ou symptômes post-abortifs. Même s’ils n’avaient pas eu connaissance de ce qu’il s’était passé dans leur famille, Philip Ney a démontré qu’inconsciemment, ils le savaient. Quels sont les caractéristiques de ces symptômes post-abortifs sur les enfants et ces-ce qu’ils sont devenus adultes – La peur permanente de la mort – La colère contre leurs parents (car ils ont supprimé la fratrie) – Ces survivants vivent pour l’ensemble et à la place de leur fratrie. Ce qui génère un grand effort et une perte d’identité. – Ils ne se sentent ni digne de vivre ni d’avoir le droit de vivre. – Ils veulent se détruire et engagent des processus d’autodestruction multiples plus ou moins consciemment. – Ils sont souvent dans des états dépressifs allant jusqu’à la dépression. – Leur santé est plus fragile que les autres individus. – Selon mon expérience, ces survivants, aux différents stades d’évolution de l’enfance à l’âge adulte en passant par l’adolescence, cherchent inconsciemment leur fratrie dans leurs relations d’amitié et d’amour. Ils s’approchent des personnes du même sexe, au debout non à cause du désir sexuel, mais comme un frère s’approcherait de son frère (une sœur s’approcherait de sa sœur). Les quelques personnes homosexuelles que j’ai rencontrées, sont toutes issues de familles touchées par l’avortement. Mon hypothèse est la suivante : si les survivants ont expérimenté « la violence primordiale » et radicale c’est-à-dire la mort de leur fratrie. Peut-être, veulent-ils (inconsciemment) reproduire la violence qui se peut manifester des diverses façons. Par exemple il a été confirmé que ceux qui, dans leur famille d’origine, ont subi des séquelles d’avortements, participent, eux aussi, à des avortements ! Ces hypothèses peuvent éclairer voire expliquer la violence que vous avez décrite dans les comportements des personnes homosexuelles. Je tiens à préciser, bien sûr, que cela ne concerne pas que les populations homosexuelles. À Paris, selon les statistiques, une femme sur deux a avorté de son enfant. Quant à moi, je suis polonais, je suis un « survivant » et j’en ai les symptômes. Depuis plus d’un an, je m’occupe de personnes atteintes par le symptôme post-avortement. Récemment, j’ai participé à une formation relative au programme de soins élaboré par Philip Ney qui s’appelle en français : « Espérance vivante » (Hope Alive). Je me permets de vous envoyer le lien d’un livre de Philip Ney : « Une humanité profondément blessée ». Il me semble que ce livre vaut la peine d’être lu. »

 

Par ailleurs, ce regard dur sur l’enfance n’est pas que le fruit d’une projection pédophobe ou d’un excès de peur et d’hypersensibilité. Chez la personne homosexuelle, le mépris-peur face aux enfants nous renvoie à la nécessité d’un encadrement familial et scolaire plus aimant/accru. L’agacement homosexuel face à des enfants turbulents peut aussi être une réaction de révolte légitime (car oui, il y a objectivement beaucoup d’enfants-rois et d’enfants maltraités autour de nous ! Et ça, ça mérite d’être dénoncé !). Il ne doit pas être d’office condamné, et encore moins stigmatisé sous forme de « haine pédophobe spécifiquement homosexuelle ». Je crois d’ailleurs que les mises en scène d’enfants odieux orchestrées par l’individu homo, si et seulement s’il les oriente non seulement vers une dénonciation sociale du viol mais en plus vers une remédiation constructive de ce viol dans les sphères familiales et sociales dites « classiques » et « hétérosexuelles », sont vraiment du pain béni pour notre société ! Encore faut-il que ce dénonciateur gay sorte du cercle vicieux du défaitisme social sur la jeunesse, et de la justification par défaut d’une « identité homosexuelle éternelle » et d’un « amour homosexuel puissant » pour ce qui le concerne !

 
MORVEUX 7 Homoparentalité
 

Maintenant, à propos du sujet épineux de l’homoparentalité, je ne m’appuie pas sur ce qui est dit des enfants par les personnages homosexuels des fictions ou par certaines personnes homosexuelles réelles, pour m’y opposer (et d’ailleurs, j’insiste fortement pour que cette étude sur la « pédophobie homosexuelle FICTIONNELLE plus que RÉELLE », que je viens de vous proposer dans cet article sur le code « petits morveux », ne soit pas récupérée par les opposants à l’adoption homosexuelle et au mariage gay : ils n’auraient rien compris !). La pédophobie exprimée par les personnes homosexuelles ne dit rien de ce qu’elles sont profondément. Elle nous met juste en garde sur la prudence que nous devons avoir par rapport au désir homosexuel, et à la structure conjugale homosexuelle : point barre (Pour info, en 2012, on estimait à 40 000 en France les enfants élevés dans des couples homos ; à cette époque, 56% des Français étaient favorables à l’adoption pour les couples homosexuels). Mes résistances personnelles au sujet des lois sociales qui entérineraient un statut de « famille » aux couples homosexuels avec enfants sont d’un autre ordre. Elles se fondent d’une part sur mon observation des enfants et des jeunes qui m’entourent et que j’encadre parfois, et d’autre part sur l’importance de couronner la différence des sexes par le Désir et le Réel pour que le bonheur des enfants soit maximal.

 

Je trouve que le psychanalyste Jean-Pierre Winter synthétise bien ce que j’essaie de dire sur l’orientation mensongère, irréaliste, et donc potentiellement violente, que prendrait la validation sociale du couple homosexuel en tant que socle familial à part entière, équivalent au couple femme-homme, alors que, dans la Réalité, on sait pertinemment que le couple homosexuel ne sera jamais, à lui tout seul, procréatif. « Contre toute attente, nous sommes là au cœur de ce qui sera le problème de l’enfant élevé par un couple homosexuel. Car ce qu’on lui dit ne correspond pas aux formes qu’il voit. On lui dit qu’il est l’enfant d’un couple qui manifestement ne peut pas avoir d’enfant ; on lui demande donc d’être le témoin de l’impossible. Il est à craindre que cette jonction soit particulièrement difficile à faire pour cet enfant. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 74) Imposer à un petit d’homme un mensonge sur sa propre origine existentielle, non seulement une origine anthropologique fausse mais surtout une origine désirante où la différence sexuelle n’a pas sa place (alors qu’elle est la seule qui puisse le rendre présent sur cette Terre), c’est lui enlever une énorme part de son identité, et beaucoup d’amour. Leur but inconscient de ces promoteurs de l’« homoparentalité à tout prix » est d’asexualiser les enfants : « Quel est le bénéfice d’imposer un sexe précis à un enfant ? » (Sébastien Carpentier au Centre LGBT de Paris à l’occasion de la sortie de son essai sociologique Délinquance juvénile et discrimination sexuelle, janvier 2012)

 

Qu’on m’entende et me comprenne bien. Je ne dis pas qu’individuellement, la personne homosexuelle ferait un mauvais père ou une mauvaise mère (bien au contraire ! cela dépendant dans quelle structure elle se trouve, et quel rapport désirant elle entretient avec la différence des sexes). Je dis juste qu’elle ne fait pas un père ou une mère idéal(e) au sein du couple homo (mais je pourrais dire exactement la même chose d’une personne « hétéro » vivant dans un couple sans amour, ou d’une personne « hétéro » célibataire, ou d’un parent « hétéro » adoptif). Le couple homosexuel n’est pas le meilleur cadre conjugal qu’on puisse offrir à un enfant pour grandir, d’une part parce que l’enfant a non seulement besoin d’un père biologique et d’une mère biologique – et surtout du lien DÉSIRANT entre ces deux personnes, afin de savoir de quel amour il est issu/aimé : la différence des sexes en soi ne suffit pas ! –, et d’autre part, parce que, il faut le dire même si ça ne fait pas plaisir à entendre, l’enfant n’est pas assez justement désiré par la personne homosexuelle. Tous les exemples fictionnels de mépris pédophobe que j’ai cités plus haut montrent que, contre toute attente, le problème du désir d’enfant des personnes homosexuelles n’est pas une question d’intensité de désir, de sincérité, de puissance, mais bien d’absence et de faiblesse de désir. Les personnes homosexuelles ne désirent pas vraiment l’enfant, ou le désirent trop pour l’aimer véritablement. C’est ce que je remarque la plupart des fois où j’entends un « désir d’enfant » défendu dans le cadre du couple homo.

 

MORVEUX 8 Rainbow Flag

 

Dans cette revendication homosexuelle de « l’enfant à tout prix », il ne faudrait pas croire que, parce que l’enfant est utilisé comme étendard (ou bien qu’il s’avance maintenant de lui-même, en tant que porte-parole d’« enfant d’homos », adulte, serein et épanoui, pour témoigner avec une assurance travaillée devant les caméras de télévision qu’il est tout à fait possible de grandir heureux entre deux papas ou entre deux mamans), il n’en est pas moins instrumentaliser. Dans l’essai Festivus festivus (2005), Philippe Muray nous met en garde contre cette propagande « infolâtre », où l’on se sert du visage innocent et pur des sans-voix et des sans-recul (lui parle de « ces êtres par définition sans histoire et sans réplique que sont les enfants », p. 135) pour faire passer des lois sociales qui les desservent plus qu’elles ne les servent : « Le fétiche infantile est une fois de plus agité contre la bête immonde, comme une évidence innocente contre un sophisme criminel, comme le droit divin contre les rustres. […] L’enfant est le totem des temps post-historiques. » (pp. 135-136) Il ne suffit pas de planter un rainbow flag à la casquette du soi-disant « bébé de mon couple homo » pour transformer la réalité humaine et universelle de la conception d’un enfant, et légitimer tous les droits sociaux que je peux réclamer en son nom et par amour pour lui…

 

Concernant la demande d’adoption, de GPA et de PMA par certains militants et couples homosexuels, nous ne devons pas hésiter à la condamner comme une tentative de vol et d’achat d’enfants. Malgré toutes les bonnes excuses trouvées (soulager des orphelinats, donner « de l’amour », répondre à sa vocation de père, etc.), l’enfant devient bien un caprice et un enfant-objet.

 

Par exemple, dans le documentaire « Deux hommes et un couffin » de l’émission 13h15 le dimanche diffusé sur la chaîne France 2 le dimanche 26 juillet 2015, Christophe, qui avec son compagnon Bruno, ont acheté un bébé à une mère porteuse (Veronica) aux États-Unis, s’entraîne à être papa et à porter le bébé avec une vraie poupée ! Leur démarche est à la fois sincère et purement mercantile : « Ce serait un magnifique cadeau que vous nous feriez. » (Bruno s’adressant à Veronica) ; « Pour Veronica, être une mère-porteuse est un don de soi, gratifiant… et gratifié. Elle recevra 20 000 euros pour porter l’enfant de Bruno et Christophe. » (la voix-off, idem) ; « Aux États-Unis, la GPA est un commerce comme un autre. » (la voix-off, idem) ; « On ne pense pas faire quelque chose d’illégal puisque ce qu’on fait, on le fait aux États-Unis et pas en France. » (Bruno, idem)
 

Le plus fou, c’est que même dans des reportages sensés nous donner une image positive de l’« homoparentalité », le retour du refoulé sur les intentions matérialistes et égoïstes des « parents homosexuels » se dévoile dans toute son horreur : « Nos mamans sont comme deux petites fille qui jouent à la poupée. » (la voix-off de Florence d’Arthuy décrivant le couple lesbien de Florence et Olga – qui ont obtenu un bébé par PMA – pénétrer dans la chambre de « leur » fille Zohia, dans le documentaire « Homos, et alors ? » de Florence d’Arthuy de l’émission Tel Quel diffusée le 14 mai 2012 sur la chaîne France 4)

 

Lors de sa conférence à Sciences-Po Paris le 7 décembre 2011 sur « L’homoparentalité aux USA », Darren Rosenblum, avocat homosexuel qui a obtenu une petite fille par GPA avec son compagnon, nous informe que pour un « projet de parentalité » (formule pour éviter de dire « GPA ») par agence, il faut au moins casquer 5000 dollars. C’est beau l’amour des enfants… Dans l’émission radiophonique Le 7/9 de Bruno Duvic sur France Inter le 5 août 2014, la « sociologue » Irène Théry a le culot phénoménal de dire qu’il existe une « Gestation Pour Autrui éthique » et que, si elle est encadrée, « c’est une aventure humaine extraordinaire ». Et dans mon quotidien, je connais maintenant personnellement au moins quatre cas d’enfants qui se retrouvent avec une mère disparue dans la nature, et élevés par des couples d’hommes qui ne sont plus ensemble… et qui individuellement osent encore me soutenir qu’ils « aiment » vraiment leur fils. J’ose leur demander : « Supprimer la mère de ton enfant, tu appelles ça de l’amour ??? »

 

Enfin, j’ouvre une « petite » parenthèse finale concernant la haine des jeunes au sein de notre société bisexuelle. À l’intérieur même du « milieu homo » (et plus largement dans notre société, qui paradoxalement est obsédée par la jeunesse médiatique pour mieux délaisser et détruire les vrais enfants), on observe un mépris croissant des individus homosexuels « âgés » pour leurs pairs plus jeunes, mépris qu’ils ont du mal à s’approprier tant par ailleurs ils connaissent leurs fantasmes de jeunesse et la célébration du jeune éphèbe gay dans la communauté homosexuelle (ex : la chanson « J’veux pas être jeune » de Nicolas Bacchus). Le jeunisme, étant un mouvement idolâtre puisqu’il célèbre la jeunesse de magazine en croyant célébrer la vraie jeunesse, il s’accompagne bizarrement d’un mépris des jeunes homosexuels réels/petits minets fictionnels : « Sans passer pour des imbéciles, ils n’étaient pas, pour la plupart, des intellectuels. […] Ils fréquentaient plus volontiers les salles de musculation que les salles de lecture. […] Ils ne différaient pas, en cela, de beaucoup de gays de leur âge. […] C’étaient tous de charmants égoïstes, comme on l’est à cet âge, et un peu plus encore quand on est beau et gay. » (Jean-Paul Tapie, Dix Petits Phoques (2003), pp. 134-140) ; « Ce petit, c’est ma damnation. » (Jacques, l’écrivain homo quinquagénaire ayant couché avec le jeune Mathan de 18 ans, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; etc. Beaucoup d’individus homosexuels avancés en âge, tandis qu’ils essaient de s’attirer les faveurs des petits jeunes qu’ils idéalisent dans l’angélisme, se vengent de leur faiblesse sur la nouvelle jeunesse homosexuelle, en la qualifiant très fréquemment de « superficielle », d’« arrogante », de « lâche », de « naïve », d’« ingrate », d’« inexpérimentée », etc. « Quand ils sont jeunes, ils n’ont rien à raconter. Tu dois t’emmerder. » (un ami homo s’adressant à Matthieu à propos du jeune amant de ce dernier, Jonathan, dans la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Laisse tomber. Ce sont des maigrelets branchés mode qui croient le monde à leurs pieds. » (Zach parlant des étudiants en cinéma, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « C’est la Génération Secret Story : ils veulent tout avoir ! » (Samuel par rapport aux lycéens et aux Maraisiennes, dans le one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012) de Samuel Laroque) ; etc. Par exemple, dans son one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011), Charlène Duval, le travesti M to F, raconte comment il essaie de ramener des cocktails mondains où il se rend des « p’tits jeunes sans cervelle ».

 
 

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Code n°144 – Photographe (sous-code : Caméraman / Filmer sa vie)

Photographe

Photographe

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La photo qui tue le désir

 

Yves Saint-Laurent

Yves Saint-Laurent


 

Pour beaucoup de personnes homosexuelles, l’identité ou l’amour, c’est triste à dire mais ça se réduit à un flash photo : ça nous semble fugace et vrai à la fois. C’est comme si notre désir érotique s’était statufié, figé, suite à ce clic lumineux, et que nous cherchions sans arrêt à nous faire croire que ce moment est éternel, beau, qu’il ne doit pas bouger, que nous pourrions y demeurer à jamais.
 

N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Substitut d’identité », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Pygmalion », « Peinture », « Espion homo », « Voyeur vu », « Homosexualité vérité télévisuelle ? », « Miroir », « Bobo », « Actrice-Traîtresse », « Regard féminin », « Télévore et Cinévore », « Patrons de l’audiovisuel », « Amant modèle photographique », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Poids des mots et des regards », « Lunettes d’or », « Amant narcissique », « Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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FICTION

 

a) Ma vie comme un flash :

Film "Ma vraie vie à Rouen" de Ducastel et Martineau

Film « Ma vraie vie à Rouen » de Ducastel et Martineau


 

Dans les fictions homo-érotiques, on ne compte plus le nombre de photographes ou de caméramen, soit parce que le héros homosexuel est effectivement passionné de photos et en fait son métier ou sa technique de drague, soit parce qu’il tombe amoureux d’un photographe : cf. le film « And Then Came Lola » (2009) d’Ellen Seidler et Megan Siler, le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin (Harold, le coloc gay de Michael, est photographe de mode), le film « Elle + Elle : leur histoire d’amour » (2012) de Sranya Noithai (avec June, l’héroïne lesbienne qui est une jeune photographe), le film « La Doublure » (2005) de Francis Veber (avec le photographe de mode, efféminé), le film « My Brother The Devil » (2012) de Sally El Hosaini (avec Sayyid, le héros homosexuel), le film « Elena » (2010) de Nicole Conn (avec Elena, une des héroïnes lesbiennes), le film « Somefarwhere » (2011) d’Everett Lewis (avec Price, le héros homo reporter, qui dès les premières images du film est montré en train de prendre des photos), le film « Darling » (1965) de John Schlesinger, la chanson « Flash » de Stéphanie de Monaco, le film « La Vie intermédiaire » (2009) de François Zabaleta (avec le jeune photographe homosexuel), le film « Senza Fine » (2008) de Roberto Cuzzillo (avec le personnage de Giulia, photographe), le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar (avec Ernesto, le caméraman), la pièce Cannibales (2008) de Ronan Chéneau, les films « Le Caméscope » (1999) et « Un Parfum nommé Saïd » (2003) de Philippe Vallois, le film « Regarde-moi » (2001) de Sylvie Ballyot et Béatrice Kordon, le film « Du poil sous les roses » (2000) d’Agnès Obadia et Jean Julien Chevrier, le film « Les Yeux brouillés » (1995) de Rémy Lange, le film « Nagua » (1983) d’Amos Gutman, le film « Piccadily Pickups » (1999) d’Amory Peart, le film « Omelette » (1997) de Remi Lange, le roman The Rubyfruit Jungle (1973) de Rita Mae Brown, la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman (avec Leni Riefenstahl), le film « Tous les papas ne font pas pipi debout » (1998) de Dominique Baron, le film « Hammam » (1996) de Ferzan Ozpetek (avec le personnage de Mehmet), le film « Boogie Nights » (1997) de Paul Thomas Anderson, le film « New Wave » (2008) de Gaël Morel (avec le personnage d’Éric), le film « Le Quatrième Homme » (1983) de Paul Verhoeven, la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper (avec le personnage de David), le film « Love/Juice » (2000) de Kase Shindo, le film « Another Gay Movie » (2006) de Todd Stephens, le film « The Linguini Incident » (1992) de Richard Shepard, le film « Hong Kong Night Club » (1998) de Watanabe Takayoshi, le film « Maman Küster s’en va au ciel » (1975) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Feuille » (2004) de Youxin Yang, le film « Quai des Orfèvres » (1947) d’Henri-Georges Clouzot (avec le personnage Dora), le film « Boys Don’t Cry » (1998) de Kimberly Peirce, le film « The Fluffer » (2001) de Richard Glatzer, le film « Head In The Clouds » (2003) de John Duigan, le film « Nieh Tzu » (« Garçons de Cristal », 1987) de Yu Kan-ping, le film « La Petite Mort » (1995) de François Ozon, le film « By Design » (1981) de Claude Jutra, le film « Pecker » (1998) de John Waters, le film « Les Yeux de Laura Mars » (1977) d’Irwin Kershner, le film « High Art » (1998) de Lisa Cholodenko, le film « Moments » (1979) de Michal Bat-Adam, le film « Jeu de miroir » (2002) d’Harry Richard, le film « Le Chant des sirènes » (1987) de Patricia Rozema, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, le film « Garçon stupide » (2003) de Lionel Baier, le film « Je t’aime toi » (2004) d’Olga Stolpovskay et Dmitry Troitsky, le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, le film « À corps perdu » (1988) de Léa Pool, le film « Bezness » (1991) de Nouri Bouzid, le film « Le Club des cœurs brisés » (2000) de Greg Berlanti, le film « 200 American » (2003) de Richard Lemay, le film « Elephant » (2003) de Gus Van Sant, le film « Folle d’elle » (1997) de Jérôme Cornuau, le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss » (1998) de Tommy O’Haver, la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim (avec le personnage lesbien de Marcy), le roman La Colmena (1951) de Camilo José Cela (avec Julián Suárez, surnommé « la Photographe »), le film « Le Traqué » (1950) de Frank Tuttle et Boris Lewin, le film « La Salamandre » (1969) d’Alberto Cavallone, le film « Armaguedon » (1976) d’Alain Jessua, le film « L’Important c’est d’aimer » (1974) d’Andrzej Zulawski, le film « Working Girls » (1986) de Lizzie Borden, le film « Delirium » (1987) de Lamberto Bava, le film « Memory Pictures » (1989) de Pratibha Parmar, la pièce La Photographie (1986) de Jean-Luc Lagarce, le film « Rosebud » (1974) d’Otto Preminger (avec la patronne lesbienne d’une boutique de photos), la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn, l’épisode 95 « Disparition au lycée » de la série Joséphine ange gardien (avec Océane, la photographe lesbienne), etc.
 

Par exemple, dans la biopic « Howl » (2010) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, Allen Ginsberg n’arrête pas de photographier. Dans la pièce Hors-piste aux Maldives (2011) d’Éric Delcourt, Francis, le héros homosexuel, est choisi comme le photographe attitré du séjour par la bande de vacanciers. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, Joe est préposé « photographe officiel » du bal caritatif Pervers & Mineurs. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, Dany, le jeune héros fashion victim, prend tout en photo avec son téléphone portable. Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Suki, l’une des héroïnes lesbiennes, se prend en photo en selfie.
 

« Comme tous les pédés, je veux aller voir la rétrospective de Nan Goldin à Beaubourg. » (Mike, le narrateur homosexuel du roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 89) ; « Ma seule activité de loisir jusque-là avait été la photographie noir et blanc. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 18) ; « C’est dingue comme j’adore prendre des photos ! » (Max, l’un des héros homosexuels, qui répète cette phrase à plusieurs reprises dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « Vous avez des yeux de photographe. » (Catherine S. Burroughs s’adressant à Jean-Marc, homosexuel, dans le roman Le Cœur éclaté (1989) de Michel Tremblay, p. 221) ; etc.
 

Film "Xenia" de de Panos H. Koutras

Film « Xenia » de de Panos H. Koutras


 

Très souvent, le personnage homosexuel fait de sa vie un roman-photo narcissique, un vidéo-clip façon journal intime vintage : cf. la pièce Le Rôle de ma vie (2004) d’Erwann Chuberre. Il se filme souvent lui-même : cf. le film « L’Attaque de la Moussaka géante » (1999) de P. H. Koutras, le film « Almost Normal » (2005) de Marc Moody, le film « Memento Mori » (1999) de Kim Tae-yong et Min Kyu-dong, le film « This Car Up » (2001) d’Éric Mueller, le film « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « La Vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, la B.D. Kang (1984) de Copi, le film « Romeos » (2011) de Sabine Bernardi (avec Miriam, l’héroïne transsexuelle F to M qui se construit une vie par la photo), le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ?, 2010) de Malu de Martino, etc. Justement, dans le film « Billy’s Hollywood Screen Kiss », un homme travesti M to F, en regardant la photo que Billy a prise de lui, s’exclame « J’adooore cette photo ! » dans un élan auto-adulation spontané. Dans le film « Ma vraie vie à Rouen » (2002) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau, Étienne filme son corps d’athlète avec sa caméra, et harcèle tous les gens de son entourage (la revue Têtu trouve cela magnifique qu’il « ait une caméra à la place du cœur »). Dans le roman El Gladiador De Chueca (1990) de Carlos Sarune, le protagoniste enregistre tous les événements de son quotidien sur un dictaphone. Dans le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan, Hubert filme sa propre vie et ses réflexions, comme un journal intime. Dans le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso, le vieux disquaire muet a coutume de collectionner les photos instantanées qu’il prend de tous les jeunes hommes androgynes qu’il croise dans son magasin… et il entreprose celles-ci dans son arrière-boutique, comme des reliques sacrées dans un mausolée. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse, l’héroïne homosexuelle, fait des photos et décide de changer de métier, en passant de vendeuse de jouets dans un magasin à journaliste-reporter. Son amante Carol lui pose cette question : « C’est ce que vous voulez être ? Un photographe ? » La monstration des photos, et l’intérêt pour le travail photographique de l’autre, résonnent comme une déclaration d’amour : « Vous me montreriez vos photos ? » Pour soudoyer Thérèse, Carol débarque chez elle en lui offrant une mallette pleine de pellicules photographiques et d’un nouvel appareil-caméra.
 

Souvent, l’addiction et l’identification à la photographie confinent à l’idolâtrie schizophrénique. Le héros homosexuel se prend pour un cliché photographique ou s’y soumet : « On est spectateurs de sa vie. » (Matthieu, l’un des héros homosexuels de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Je suis une photographie en noir et blanc. » (cf. la chanson « Mélancolie toujours » de Jann Halexander) ; « Quel pouvoir que celui de la photo, pensa Silvano. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 71) ; « Qu’on se fasse notre propre film. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse , 2014) ; etc.
 

Concrètement, la photographie est un symbole de l’homophobie homosexuelle, de la haine de soi : beaucoup de héros homosexuels s’en servent comme une preuve qu’ils ne seraient pas aussi artificiels que « les homos du milieu ». Elle est un moyen pour eux de rejoindre la marginalité bobo-bisexuelle. « J’ai envie de vivre à la campagne et de vivre de mes photos. » (la tenancière lesbienne d’un bar, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 118) ; « J’peux te filmer ? » (Guillaume s’adressant à son pote Louis qui s’apprête à faire l’amour avec une fille, dans la pièce En panne d’excuses (2014) de Jonathan Dos Santos) ; etc.
 
 

b) Le couple homo dans la boîte : Prends-moi… en photo

Film "Week-End" d’Andrew Haigh

Film « Week-End » d’Andrew Haigh


 

En règle générale, le héros homosexuel, quand il n’est plus célibataire, essaie d’encadrer ou de mettre son couple en boîte, façon « selfie à deux ». Par exemple, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh, Russell veut immortaliser la voix de son « amant d’un week-end » Glen sur dictaphone. Dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, le couple Miguel/Santiago se prend en photo, et Santiago mitraille Miguel tout le temps. Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan rêve d’enregistrer tous les moments qui font son existence « romanesque » et son histoire d’amour avec son amant Kévin, comme s’il cherchait à vivre sa vie deux fois parce qu’il ne l’aurait pas habitée pleinement : « Si j’avais pu, j’aurais tout filmé. Ça ne t’arrive jamais d’avoir envie de filmer tout ce que tu vis, tout ce que tu vois ? Avoir une caméra à la place des yeux et te repasser le soir tout ce que tu as vécu dans la journée ? » (p. 74) Dans le roman Paysage avec dromadaires (2014) de Carola Saavedra, Erika, qui parle dans son magnétophone, a une trentaine d’années. Elle est peintre et sculpteur. Elle a une liaison avec Alex, photographe très coté. Mais ils ne vivent pas à deux mais à trois avec la très jeune Karen, une élève d’Alex. Dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, Denis et Luther, le deux amants, se font leur trip « photomatons en couple dans la Gare de Lyon ». Dans le film « Ghosted » (2009) de Monika Treut, Mei-li est une mystérieuse journaliste qui suit Sophie Schmitt. Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Erik visite avec son amant Paul une expo composée de portraits photos : ils se choisissent une des photos comme mascotte de leur union. Dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes, Thérèse photographie constamment son amante Carol à la dérobée, dans son sommeil ou par surprise. « Vous m’avez prise en photo tout à l’heure ? » demande voluptueusement Carol, faisant mine de ne pas en être dérangée. Lorsque Thérèse développe ses clichés, son collègue Dannie les trouve magnifiques, sans connaître le modèle : « Tu as magnifiquement sublimé cette personne. »
 

En réalité, par amant interposé, le héros homosexuel flatte son propre narcissisme/voyeurisme. La photographie est un alibi esthétisant pour draguer et laisser libre cours à ses pulsions. « Le rugby se mit à me plaire et, piètre joueur, malgré mes muscles inutiles, je devins une sorte de photographe officiel du club. La photo était un solide alibi dans mon admiration de la beauté. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 22) ; « Le mec qui nous prenait en photo était gay et nous faisait des clins d’œil. » (Max et Fred, les deux amants, dans la pièce Des bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; etc. Par exemple, dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Erik, le héros homosexuel, conçoit des films. Son dernier reportage est un documentaire intitulé « À la recherche de Avery Willard », sur un photographe de nus homosexuels. Dans le film « Pride » (2014) de Matthew Warchus, le premier petit copain de Joe, avec qui il sortira pendant le bal caritatif Pervers & Mineurs, lui demande d’entrée de jeu une faveur (bref, un alibi pour le draguer) : « Tu me prends en photo ? » Dans le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore, Steven, le héros homosexuel, photographie l’équipe de foot du campus pour soi-disant assurer les reportages journalistiques du lycée… et se rapproche du beau John. Dans le film « Fotostar » (2002) de Michele Andina, Konrad travaille dans un magasin de développement de photos… et se masturbe dans les toilettes devant des photos de magazine de lutte olympique. Il tombera amoureux d’un des clients dont il tire les négatifs photographiques.
 

Les couples homosexuels fictionnels s’imaginent vivre un magnifique cliché ensemble : « Depuis, on chante notre amour comme dans les parapluies de Cherbourg. » (les protagonistes homos de la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy)
 

Dans le film « 120 battements par minute » (2017) de Robin Campillo, le groupe de militants Act-Up est obsédé par les photos. Toutes leurs actions sont guidées par le fait qu’elles soient immortalisées sur pellicule. Ils font limite l’amour à la caméra. Par exemple, juste après leur opération coup-de-poing dans un laboratoire pharmaceutique, ils se retrouvent tous ensemble dans le métro en train de fantasmer sur le mystérieux (et beau) photographe qui a couvert l’événement dans la presse : « On parle du VRAI sujet… ? Le photographe !!! » s’excitent-t-ils, comme des adolescentes.
 
 

c) La photo vivante et violente :

 

Ce souhait de vivre en mode REPLAY témoigne en réalité d’une vraie désillusion, d’un sentiment de passer à côté de sa vie, d’une vision désenchantée et arrêtée de l’Amour. Par exemple, dans le roman lesbien Je vous écris comme je vous aime (2006), Émilie et Gabrielle, qui ne se sont vues pourtant qu’une seule fois, et qui ne se reverront plus jamais, se servent de l’échange épistolaire comme d’un miroir narcissique ressassant inlassablement le souvenir ré-écrit et ré-enchanté de leur soi-disant rencontre « amoureuse » : « Ma Gabrielle, lorsque les douleurs et la nausée sont trop fortes, j’use de tout ce qui me reste de concentration pour repasser le film de notre fugace rencontre. À peine un court-métrage, quelques séquences tournées sans montage et que ma mémoire parfois épuisée refuse de décoder. Voilà votre scénariste hors du coup ! » (Émilie, p. 173) Le film délirant repasse en boucle ! « Voyez comme la scénariste que je suis file la métaphore cinématographique. » (idem, p. 149)
 

Le monde de la photo engouffre le personnage homosexuel dans le monde du paraître, de l’immortalité qui ne parviendra jamais à être éternelle (car une photo, ça jaunit, forcément ; et c’est mort), dans la consommation, et même parfois dans la prostitution, le viol et la mort : cf. le roman Carnaval de Manuel Blanc (avec un photographe qui manipule ses modèles), le film « Storm » (2009) de Joan Beveridge, le film « Brigade des mœurs » (1984) de Max Pécas, le film « Cent francs l’amour » (1985) de Jacques Richard, etc. « Dans cette ville, on ne pouvait jamais être sûr de ce qui s’était passé. La souffrance s’imprégnait-elle dans les murs des bâtiments, les cris capturés telle une image sur une plaque photographique ? » (Jane, l’héroïne lesbienne à propos de Berlin, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 39)
 

On observe à travers la démocratisation des appareils photos un processus fictionnel bien avancé grâce à Internet : l’auto-érotisation et l’auto-pornographisation par la caméra. C’est le cas du film « La Mala Educación » (« La mauvaise éducation », 2004) de Pedro Almodóvar (avec les amants homosexuels avec une caméra qu’ils se pointent en plein feu de l’action), le film « Saturn’s Return » (2001) de Wenona Byrne (avec les amants se filmant en train de copuler), le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec les coïts homos filmés à la caméra), le film « Happy Together » (1997) de Wong Far-Wai, etc.
 

« Sur un site de rencontre je discute avec P.-O. Je lui explique que je cherche un garçon qui accepterait que je filme notre rencontre. Il écrit qu’il accepterait. Je garde ma caméra numérique au poing. » (Mike, le narrateur homosexuel dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 56) ; « Ahh, qu’est-ce que ça rend sûr de soi de tenir une caméra, hein ? Et si moi je la prenais et que je te filmais ? » (P.-O. s’adressant à Mike son « amant d’un soir », idem, p. 57) ; « Je décide qu’on baisera là, pour le clignotement rouge sur nos peaux, sur la sienne surtout. Je tiens la caméra à bout de bras pour avoir un grand angle sur nous. » (Mike, idem) ; etc.
 
Affiche-CHERIES-CHERIS-2014
 

Par exemple, dans le film « The Parricide Sessions » (2006) de Diego Costa, Diego tente de convaincre son père de jouer devant sa caméra le rôle de ses différents amants. Dans le film « Kika » (1993) de Pedro Almodóvar, Ramón passe son temps à se filmer lui-même (y compris quand il « fait l’amour »). Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, les protagonistes se filment tout le temps, y compris quand ils « baisent » ou que leurs scènes de vie quotidienne ne revêtent aucun intérêt (esthétisme bobo oblige…).
 

Le photographe est souvent inquisiteur, indiscret, intrusif, un violeur : cf. le film « Smooth » (2009) de Catherine Corringer (avec le photographe voyeuriste) « Comme vous êtes mystérieux, entouré de fumée, Zach. Je veux savoir ce que vous regardez, ce que vous pensez. Parfois, je passe des jours à cadrer les gens. Ma vie entière est cinématographique. Je me masturbe même de façon cinématographique. » (Tommy dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « Marilyn se précipite régler sa caméra. » (le narrateur homosexuel décrivant une furie, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 35) ; etc. Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny filme son futur amant Chris Wachowsky : il le dévore des yeux pendant l’interview.
 

La photo a cela de cruel qu’elle se base quand même sur le Réel (le modèle qu’elle encadre est bien vivant et humain, lui), mais qu’elle peut donner aux esprits fragiles qui la préfèrent au Réel l’impression qu’ils sont capables de se passer du Réel et des humains… et alors là, bonjour les frustrations, les angoisses (de la vieillesse, de la mort), les déceptions, les actes de rébellion et de vengeance, les jalousies, les attaques du Réel pour forcer les choses.
 

Le héros homosexuel est tellement en colère contre les appareils photos (et les mirages qu’ils lui font vivre) que parfois il les détruit : cf. le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, le film « What Can I Do With A Male Nude ? » (1985) de Ron Peck, etc.
 

L’appareil photo est l’instrument humanisé à abattre, le témoin gênant de l’idolâtrie du héros homosexuel : « Il faut que je t’explique pourquoi j’ai peur de la photographie. Pour moi, c’est la mort. Je me rappelle Maman presque tous les jours. Je me souviens d’un après-midi en particulier. Nous étions sur les rives de la Sunshine Coast, dans le golfe d’Alaska. Partout il y avait de la neige, c’était blanc à perte de vue. Papa avait acheté un Polaroïd, Maman s’était assise sur un tas de neige. Son visage ce jour-là sera son visage pour toujours. J’entends tout à coup le clic de l’appareil, le zzz de la photo qui sort – petit à petit, le portrait se révèle… Je trouve ça magique. Et pourtant, lorsque les traits de Maman deviennent tout à fait nets sur le papier glacé, je ne la reconnais plus… Elle a déjà changé. Je la regarde, je regarde la photo, je la regarde, je reviens à la photo : ma mère s’enfuit ! Je pleure énormément. La photo tombe sur la neige. Quand mon père la ramasse, les couleurs ont suinté, le visage de ma mère n’est plus qu’une traînée rose. » (Chris, le héros homosexuel du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 44)

 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) Ma vie comme un flash :

Hervé Guibert

Hervé Guibert


 

La communauté homosexuelle (surtout celle qui se dit « hors milieu ») est un vivier de photographes et de caméramen : Mick Rock, Gisèle Freund, Cecil Beaton, Herb Ritts, Pierre Molinier, Pierre Keller, Harvey Milk, Claude Cahun, James Bidgood, Patrick Sarfati, Bruce Weber, Nan Goldin, Jean-Baptiste Mondino, George Platt Lynes, Wolfgang Tillmans, Robert Mapplethorpe, le baron Wilhelm Von Gloeden, Duane Michals, Jim French, Stéphane Riethauser, Andy Warhol, Pierre et Gilles, Mick Rock, Chocolat Poire, Joan Crisol, etc. Certaines sont fanas de photographie : Francis Bacon, Pierre Louÿs, Julien Green, Louis II de Bavière, etc. Par exemple, en 1996, Henri Chapier est élu président de la Maison Européenne de la Photographie.
 

On entend de la part de beaucoup de personnes homosexuelles une justification de l’entreprise de réification de l’homme par l’homme à travers la photo et la pornographie. C’est le cas par exemple dans le documentaire-fiction « Beefcake » (1998) de Thom Fitzgerald (racontant la vie « héroïque » du photographe de nus masculins Bob Mizer), dans l’essai Marché au sexe (2001) de Gayle Rubin, dans tous les numéros de la revue Têtu. Bon nombre de personnes homosexuelles sont photographes de métier :L’hétérosexuel puis l’homosexuel, c’est-à-dire l’homme-objet, sont des créatures créées de toutes pièces par certains photographes ou artistes homosexuels : Arno Breker, Robert Mapplethorpe, Yukio Mishima, Herb Ritts, le baron Wilhelm von Gloeden (le précurseur des photographes érotiques gays actuelles), Bruce Weber, etc. Un certain nombre de personnes homosexuelles exercent le métier de cinéaste également : Pedro Almodóvar, François Ozon, Gus Van Sant, Alfred Hitchcock, Pier Paolo Pasolini, Rainer Werner Fassbinder, Jean Cocteau, George Cukor, etc.
 

Certains sujets homosexuels aiment se (faire) prendre en photo. Les personnalités homosexuelles narcissiques ne manquent pas ! La chanteuse lesbienne Suzy Solidor décore ses salons parisiens uniquement de portraits d’elle : elle en possède plus de deux cents cinquante ! Robert de Montesquiou se fait portraiturer et photographier plus de deux cents fois dans sa vie ! : « Je voudrais que l’admiration pour moi allât jusqu’au désir physique. » (Robert de Montesquiou cité dans le Dictionnaire des Homosexuels et Bisexuels célèbres (1997) de Michel Larivière, p. 252) Frida Kahlo accède à la célébrité grâce à ses nombreux autoportraits. Hervé Guibert, Yukio Mishima, Louis II de Bavière, Cecil Beaton, Robert Mapplethorpe, Marcel Proust, Claude Cahun, Pierre Loti, Salvador Dalí, Andy Warhol, etc., aiment à se photographier dans un miroir ou à se portraiturer eux-mêmes. «Souvent, Dean se photographiait dans le miroir, passion qu’il garda toute sa vie. » (Ronald Martinetti, James Dean (1995), p. 62) Dans l’émission Zone interdite spéciale « Être fille ou garçon, le dilemme des transgenres » diffusée le 12 novembre 2017 sur la chaîne M6, Laura, homme M to F, se filme en permanence. Il est « Youtubeuse ». C’est en s’auto-parodiant narcissiques que les personnes homosexuelles valident encore plus le cliché de l’orgueil spéculaire homo-érotique : «Ruse sublime du narcissisme, l’auteur fait semblant de faire semblant d’être narcissique. » (Pierre Jourde, La Littérature sans estomac (2002), p. 122)
 

Soucieuses de mettre leur existence en boîte, d’en faire une cinéscénie éternelle, un nombre croissant de personnes homosexuelles se filment elles-mêmes pour satisfaire leurs appétits narcissiques. Par exemple, quand on demande à la photographe lesbienne Claude Cahun quels ont été les moments les plus heureux de sa vie, elle répond : « Le rêve. Imaginer que je suis autre. Me jouer mon rôle préféré. » (cf. l’Exposition « Claude Cahun » au Jeu de Paume du Jardin des Tuileries à Paris en juin 2011)
 

Film "Tarnation" de Jonathan Caouette

Film « Tarnation » de Jonathan Caouette


 

Le rapport de beaucoup de personnes homosexuelles aux caméras et appareils photos confine à l’idolâtrie. Je vous renvoie aux mémoires de Néstor Almendros Días De Una Cámara (1980), à l’essai Marcel Proust sous l’emprise de la photographie (1997) de Gyula Halász Brassaï, au livre La Photo, inéluctablement : Recueil d’articles sur la photographie, 1977-1985 (1999) d’Hervé Guibert. « Je me suis acheté un nouvel appareil photo : vous vous en foutez ? » (Jean-Luc Lagarce dans son Journal (1992) de Jean-Luc Lagarce) Ceci est d’autant plus vrai depuis l’arrivée des webcam, et la vulgarisation des caméras portatives, mises à la portée d’un très grand nombre. Andy Warhol écrit son journal en filmant sa propre vie. Jonathan Caouette, dans son film autobiographique « Tarnation » (2003), s’enregistre lui-même en images depuis l’enfance. Hervé Guibert filme scrupuleusement son corps malade du Sida. Joseph Morder propose aussi de tourner en Super-8 tout ce qu’il voit dans sa vie. L’écrivain Abdellah Taïa, par exemple, a bien l’intention de faire de l’écriture un moyen d’immortaliser sa vie cinématographique : «Décidé. Le cinéma serait ma vie. En moi, malgré moi. Il n’y avait plus que cette vérité qui comptait. Qui continuait de parler. De suivre et d’écrire mon histoire. » (cf. l’autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 32) La mode des blogs, ces journaux intimes diffusés sur Internet, des pages persos sur les réseaux sociaux, a conquis beaucoup de membres de la communauté homosexuelle.
 

En réalité, la photographie est un symbole de l’homophobie homosexuelle : beaucoup d’individus homosexuels s’en servent comme une preuve qu’ils ne seraient pas aussi artificiels que « les homos du milieu », comme un moyen pour eux de se racheter une innocence et de rejoindre la marginalité bobo-bisexuelle : cf. le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider (avec Laurent, homo et photographe de paysages), le film « Queens » (2012) de Catherine Corringer (intégralement tourné en caméra subjective, par un personnage qui marche, qui voyage), etc. « J’étais passionné de photos. » (Christian, le dandy homo-bobo de 50 ans dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz)
 
 

b) Le couple homo dans la boîte : Prends-moi… en photo

Aussi incroyable que cela puisse paraître, certaines personnes homosexuelles semblent avoir confondu leur appareil photo-caméra avec l’être aimé : « La caméra est ma partenaire. » (Kantuta dans le documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra)
 

Mais ce narcissisme fétichiste homosexuel n’est pas nécessairement choquant, n’apparaît pas comme tragique. On a même plutôt envie de le soutenir tellement il caresse parfois dans le sens du poil nos propres fantasmes identitaires ou amoureux. « Je m’étais assez vite rendu compte de l’attirance que Martine éprouvait pour une photographe androgyne du journal local alors que nous vivions ensemble depuis moins d’un an. » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 72) Il peut parfois avoir le charme exotique, puéril, rigolo, du docu-fiction autobiographique « à la Amélie Poulain » tel que le sympathique (mais mensonger) documentaire lesbien « Des filles entre elles » (2010) de Jeanne Broyon et Anne Gintzburger. Par exemple, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), Abdellah Taïa raconte comment il tombe amoureux de Javier, un homme « photographe de plateau » (p. 36)
 
 

Ernestito – « Quel malheur que je ne sache ni dessiner ni sculpter. Autrement, je ferais volontiers ton portrait ou ton buste, pour éterniser ta beauté.

Nacho – J’ai un appareil photo. »

(Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 257)
 
 

Mais en réalité, la photomania homosexuelle est violente : plus on s’éloigne du Réel via la photographie, plus on s’éloigne de l’humain et de l’Amour. Je vous renvoie au documentaire « Zucht Und Ordnung » (« Law And Order », 2012) de Jan Soldat (avec le couple de vieux amants nous présentant son quotidien sado-maso).
 
 

c) La photo vivante et violente :

Le monde de la photo engouffre les personnes homosexuelles dans le monde du paraître, de l’immortalité qui ne parviendra jamais à être éternelle (car une photo, ça jaunit, forcément ; et c’est mort), dans la consommation, et même parfois dans la prostitution et le viol : cf. la pub des « voleurs de couleurs » de Kodak par Jean-Paul Goude. Par exemple, le photographe nord-américain Avery Willard fait des nus à New York.
 

On observe à travers la démocratisation des appareils photos un processus social bien avancé (et inquiétant) grâce à Internet : l’auto-érotisation et l’auto-pornographisation par la caméra.
 

L’homosexualité de beaucoup de personnes homosexuelles semble avoir choisi comme support privilégié les photos (qu’on regarde ou qu’on se crée). La photographie est à la fois un reflet du Réel (dans le meilleur des cas), à la fois une projection de soi et de ses fantasmes. Et comme le désir homosexuel s’éloigne particulièrement du Réel (en rejetant son roc principal, à savoir la différence des sexes), il est logique qu’il s’origine principalement sur des photos déréalisantes (c’est-à-dire vraisemblables mais pas réalistes), violentes, pornographiques. « Ma découverte de la sexualité, c’est d’abord au travers de photos que je l’ai faite. Des photos pornographiques que mon père cachait dans un placard et sur lesquelles j’étais tombé par hasard. Ces photos montraient des couples en train de mimer l’acte sexuel à deux ou à plusieurs : c’est à cause de ces photos que j’ai découvert la masturbation, et pour moi la sexualité s’arrêtait à cela, car je n’ai pas reçu d’éducation sexuelle de mes parents. À l’école, c’étaient les débuts de l’éducation sexuelle et ce n’est pas avec ce que l’on nous disait que j’aurais pu comprendre grand-chose… l’acte homosexuel, par contre, m’était inconnu. C’est lors de vacances scolaires que je l’ai découvert à l’âge de douze ans, avec un homme d’une trentaine d’années… Il m’a proposé de monter dans sa chambre pour me montrer quelque chose. Les choses en question, c’étaient des photos pornographiques que ce monsieur faisait venir de Suède, de Hollande, de tous ces pays qui ont une réputation de mœurs très libérales. Ces photos… il y en avait pour tous les goûts : homosexualité masculine, féminine, enfant en cours de puberté en état d’érection, et même des photos de femmes en train de ‘faire l’amour’ avec des animaux. » (Philippe, homosexuel séropositif, dans son autobiographie L’enfer est à vos portes, 1991)
 

La photo a cela de cruel qu’elle se base quand même sur le Réel (le modèle qu’elle encadre est bien vivant et humain, lui), mais qu’elle peut donner aux esprits fragiles qui la préfèrent au Réel l’impression qu’ils sont capables se passer du Réel et des humains… et alors là, bonjour les frustrations, les angoisses (de la vieillesse, de la mort), les déceptions, les actes de rébellion et de vengeance, les jalousies, les attaques du Réel pour forcer les choses.
 
 

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Code n°145 – Planeur (sous-codes : Rêveur / Science-fiction / Steward gay / Papillon)

planeur

Planeur

 

 

NOTICE EXPLICATIVE :

 

La fuite du Réel

 

Pierre et Gilles

Pierre et Gilles

 

Influencées par les images déréalisées du cinéma et des magazines, beaucoup de personnes homosexuelles annoncent la mort de la Réalité et désirent adopter l’irréel pour seule religion. Elles se persuadent, selon la formule consacrée par Arthur Rimbaud, que leur « vraie vie est ailleurs » (… ou que « Je est un autre »), et confirment leur réputation de Jean de la Lune. Les titres de leurs ouvrages sont souvent des signatures (cf. l’autobiographie Pierrot la Lune de Pierre Gripari, le film « Claire Of The Moon » de Nicole Conn, le film « Danny In The Sky » de Dennis Langlois, etc.). Elles célèbrent la figure du papillon, et se réfugient dans la rêverie offerte par les univers fantastiques. Certaines prétendent même « capter la réalité d’un monde invisible » (Severo Sarduy cité dans l’essai El Sexo Peligroso (1994) de Donna J. Guy, p. 23), et détenir un accès très privé (comprendre « homosexuel et homosensible ») à un univers parallèle délivrant des contingences humaines. L’idée selon laquelle il existe un monde invisible au-delà du monde visible est loin d’être sotte. Là où le bât blesse, c’est qu’elles imaginent une rupture radicale entre les deux, parce qu’au fond elles ne croient ni en l’un ni en l’autre, et qu’elles vident cette lucide intuition d’Espérance et de collectif.

 

N.B. 1 : Je vous renvoie également aux codes « Un Petit Poisson Un Petit Oiseau », « Ennemi de la Nature », « Attraction pour la ‘foi’ », « Aigle noir », « Sommeil », « Oubli et Amnésie », « Amoureux », « Fresques historiques », « Conteur homo », « Funambulisme et Somnambulisme », « Lune », « Icare », « Voyage », « Morts-vivants », « Mort », « Se prendre pour Dieu », « Plus que naturel », « Super-héros », « Jeu », « Couple homosexuel enfermé dans un cinéma », « Île », « Bovarysme », « Conteur homo », « Vent », à la partie « films cuculs » du code « Milieu homosexuel paradisiaque », à la partie « Silence impérieux et ennemi de la Vérité » du code « Déni », à la partie « Peter Pan » du code « Parodies de Mômes », et à la partie « Mélodrame » du code « Emma Bovary ‘J’ai un amant !’ », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
 

N.B. 2 : Ce code fonctionne en binôme avec le code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » (beaucoup plus conséquent), et lui est indissociable : le code « Planeur » est la première partie, le code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », c’est l’atterrissage (il traite des effets pervers de l’éloignement du Réel : dépression, mythomanie, violence des fantasmes et des pulsions incontrôlées, schizophrénie, déception amoureuse, etc.).
 
 

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FICTION

 

a) Ça plane pour moi :

Dans les fictions homo-érotiques, il est souvent question de hauteur. Le héros homosexuel se prend pour un oiseau ou un être surélevé (cf. je vous renvoie aux codes « Aigle noir », « Femme au balcon » et « Icare » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le roman En haut des marches (1999) de Joseph Hansen, la chanson « Sur le fil » de Jenifer, la chanson « Je marche à l’envers » d’Ophélie Winter, le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker (avec Freddie volant sur la ville), le vidéo-clip de la chanson « L’Âme-stram-gram » de Mylène Farmer, le vidéo-clip de la chanson « Beautiful Life » d’Ace of Base, le film « Maurice » (1987) de James Ivory (dès les premières images, des cerfs-volants sont filmés), l’opéra Estamos En El Aire (1991) de Juan Pagán, le vidéo-clip de la chanson « À contre-courants » d’Alizée, la chanson « Un Aviateur » de Véronique Jeannot, la chanson « Saudade » d’Étienne Daho (avec la « valse d’avions »), le film « 510 mètres sous la mer » (2008) de Kerstin Polte (racontant une histoire d’amour lesbien dans un aéroport), la chanson « Planeur » d’Alizée, la chanson « S’envoler jusqu’au bout » de Jeanne Mas, le film « Verde Verde » (2012) d’Enrique Pineda Barnet, le film « La Tristesse des Androïdes » (2012) de Jean-Sébastien Chauvin (avec des hommes aériens sautant d’un building à un autre), le film « 7e ciel » (2013) de Guillaume Foirest, le vidéo-clip de la chanson « Take Me To Church » d’Hozier, la chanson « Veux-tu danser ? » de Michel Rivard, etc.

 

« Holà là ! Là-haut ! Là ! » (la voix au téléphone dans la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « J’ai développé une passion viscérale pour le gospel, les bites et les nuages ! Voilà déjà… les nuages… » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Aimer jusqu’à l’aurore, aimer encore, gagner le ciel. » (cf. la chanson « Lonely Lisa » de Mylène Farmer) ; « Moi aussi, je plane. » (le juge Kappus dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, p. 129) ; « Je suis un cerf-volant. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 160) ; « Elle vole en parallèle. » (cf. une réplique de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je plane. Et toi, tu deviens agressif. » (Harold, l’un des héros homos, s’adressant à son colocataire homo Michael, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Il était avant tout un nain, creusant des galeries obscures dans les mines de la littérature, à la recherche d’un filon scintillant. Il était un conservateur de rêves. Oui, le dernier archiviste d’histoires futiles. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 171) ; etc.

 

Par exemple, dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, fait le planeur sur son vélo, sur les routes de campagnes allemandes. Dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, Khalid demande à son amant Omar de le pousser dans le fleuve, pour qu’il le tue : « Pousse-moi, pousse-moi jusqu’au palais du Roi… pousse-moi… Je veux voler… pousse… Pousse… » (Khalid s’adressant à Omar, p. 165) ; Omar s’exécute et réussit son coup : « Je l’ai poussé. Je lui ai donné des ailes. » (p. 169) Dans le one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba, Faissal, le personnage homosexuel, imite souvent les mouvements des ailes de l’oiseau, et dit qu’il voudrait voler comme une mouette. Dans la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, Nietzsche est astronome et a la tête dans les étoiles. Dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, Fabien, le héros, a coutume de regarder le ciel étoilé. Dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz, Mike, un des élèves d’Howard (son prof de lettres suspecté d’homosexualité) compare (dans les vestiaires) l’homosexualité à un phénomène qui se développe dans l’espace, entre cosmonautes, sous l’effet de l’apesanteur. Dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce, Alex, le héros hétéro, fait une blague (interrompue) sur un « pédé qui fait un saut en parachute ». Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, au collège, s’est occupé de la déco à la fête du lycée, et face à Peter, le lycéen dont il était amoureux (son premier et unique grand « Amour »), il s’est retrouvé un peu bête : « Je lui ai raconté que je faisais des étoiles en alu, et des nuages en coton. Il faut une folle pour ce genre de choses. » Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Arnaud, l’un des héros homos, s’absente pour monter sur un avion de chasse. Dans la pièce Soixante Degrés (2016) de Jean Franco et Jérôme Paza, Damien, l’un des personnages bisexuels, dit qu’il est du signe astrologique de l' »Astronaute« , et pour se justifier d’avoir inventé quelque chose qui n’existe pas, il avoue : « Quand j’étais petit, je voulais devenir astronaute. » Quand à Rémi, homosexuel, il décrit son père comme « lunaire ». Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Oliver lit Les Fragments cosmiques d’Héraclite.
 
 

b) Toute ma vie, j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air… :

Film "Les Amants passagers" de Pedro Almodóvar

Film « Les Amants passagers » de Pedro Almodóvar

Le héros homosexuel a parfois fait du ciel son domaine et son métier. Ce n’est pas un hasard si le steward gay est un cliché bien connu de la fantasmagorie homosexuelle : cf. le one-man-show Gérard comme le prénom (2011) de Laurent Gérard, la pièce La Star des oublis (2009) d’Ivane Daoudi (avec Cherry, hôtesse de l’air lesbienne), le film « L’Alpagueur » (1976) de Philippe Labro, la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand (avec le personnage gay de Xav), le film « Via Appia » (1989) de Jochen Hick, le film « Sobreviveré » (1999) d’Alfonso Albacete et David Menkes (avec la scène fantasmée du strip-tease du steward homosexuel dans l’avion), le film « Quand je serai star » (2004) de Patrick Mimouni, le film « Rice Rhapsody » (2004) de Kenneth Bi, le film « Warm Nights On A Slow Moving Train » (1987) de Bob Ellis, la chanson « L’Hôtesse de l’air » de Jacques Dutronc, le roman policier Homo-Cassand 1 (2002) de Philippe Cassand, le vidéo-clip de la chanson « Dragostea Din Tei » du groupe Ozone, le film « Los Amantes Pasajeros » (« Les Amants passagers », 2013) de Pedro Almodóvar, la pièce La Cuisse du steward (2013) de Jean-Michel Ribes, le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco (avec Greg, le steward gay), l’épisode 2 de la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, etc. « [Je voulais faire] Hôtesse de l’air. Métier on ne peut plus féminin, où on ne rencontre que des homos. » (Camille, l’héroïne lesbienne du one-woman-show Vierge et rebelle (2008) de Camille Broquet) ; « J’étais tellement conne, j’ai fini hôtesse de l’air. […] J’ai tout pour être steward. […] Les hôtesses de l’air sont des femmes comme vous et moi. » (Jeanfi, le steward homo dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens) ; « Mon père n’a pas changé. Il joue toujours la fille de l’air. » (Chloé parlant d’André son père homo, dans l’épisode 505 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 11 juillet 2019 sur TF1) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Les Incroyables Aventures de Fusion Man » (2009) de David Halphen, Daniel/Fusion Man, le super-héros homosexuel, doit sauver des griffes d’un « Méchant » très maniéré, un jeune homme qu’on devine tout aussi homosexuel qu’eux, et qui tente de se jeter du haut d’un immeuble ; on apprend par le cruel adversaire de Fusion Man que l’homme suicidaire est steward («Tu lui as appris à voler, peut-être ? Il est steward… » ironise-t-il avec un rire sarcastique). Dans la série Manifest (2018) de Jeff Rake (épisode 4, saison 1), Thomas, le petit ami de Léo, le cousin de Bethany (l’hôtesse de l’air elle-même homosexuelle), embarque sur le vol 828 en tant que passager clandestin et se fait passer pour steward.
 
 

c) Mariposa :

PLANEUR Pink Narcissus
 

Dans le même ordre d’idée, il est incroyable de voir la place prédominante qu’occupe le motif du papillon dans les œuvres de fiction traitant d’homosexualité : cf. le ballet de danse contemporaine El Hombre Que Daba De Beber A Las Mariposas (2010) de Juan-Carlos Zagal, le film « Outing Family » (2001) de Ben McCormack (avec un gros papillon dessiné sur le glory hole de la backroom), la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, le film « Antes Que Anochezca » (« Avant la nuit », 2000) de Julian Schnabel (avec la chanson crypto-gay « Mariposa »), le film « J’ai tué ma mère » (2009) de Xavier Dolan (avec la mère d’Hubert, le héros homosexuel, qui collectionne des papillons), le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta (avec les plans fixes sur une collection de papillons), le film d’animation « L’Ombre d’Andersen » (2000) de Jannik Hastrup, le film « Les Filles du botaniste » (2006) de Daï Sijie, la chanson « Butterfly » de Mariah Carey, le recueil de poèmes El Maleficio De La Mariposa (1919-1920) de Federico García Lorca, le roman El Esplendor De La Mariposa (1993) de Raúl Gómez Jattin, le roman Le Papillon et la chauve-souris (1891) de Robert de Montesquiou, le roman Papillon (1948) de Yukio Mishima, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, la chanson « Papillon de lumière » de Cindy Sander, le roman Le Papillon qui tapait du pied (1983) de Rudyard Kipling, le roman Un Papillon dans la peau (2002) de Virginie Lou, le roman Le Sacrifice du papillon (1997) d’Andrea H. Japp, la chanson « Léopold » des Cowboys Fringants, le tableau Robinson et Vendredi (2007) d’Éric Raspaut, le roman Les Papillons de Makaba (1973) de Jean-Marie Fonteneau, l’affiche du film « Le Silence des agneaux » (1991) de Jonathan Demme, le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le vidéo-clip de la chanson « Viva Forever » des Spice Girls, le vidéo-clip de la chanson « Comme j’ai mal » de Mylène Farmer, le film « Butterfly » (2004) de Yan Yan Mak, le film « The Butterfly Kiss » (1995) de Michael Winterbottom, le film « Adam et Steve » (1995) de Craig Chester, le film « Rimbaud Verlaine » (1995) d’Agnieszka Holland, le film « M. Butterfly » (1992) de David Cronenberg, la chanson « Mariposa » du groupe Desmadre 75, la pièce La Mariposa Que Voló Sobre El Mar (1926) de Jacinto Benavente, le film « Papillon » (1973) de Franklin J. Schaffner, la pièce Machine sans cible (2008) de Gildas Milin, le tableau Jason, The Sexiest Of The Supreme Elves de Lorenn le Loki, le film « Celui par qui le scandale arrive » (1960) de Vincente Minnelli, le film « Le Fil » (2010) de Mehdi Ben Attia, le film « Social Butterfly » (2012) de Lauren Wolkstein, le roman Jours de mûres et de papillons (2014) de Marie Evkine, etc.

 

Par exemple, dans le one-man-show Pareil… mais en mieux (2010) d’Arnaud Ducret, John Breakdown, le chorégraphe homosexuel, met en scène sa nouvelle choré avec l’apparition finale d’un papillon. Dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, se retrouve face à une psychiatre à devoir identifier un papillon sur un dessin. Au départ, il y reconnaît « deux rats qui se mangent », et une fois qu’on le met sur la piste, il se corrige, résigné : « Va pour le papillon. » Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, l’appartement d’Anna Ross où loge Johnny, le jeune peintre homosexuel, est orné de tableaux de papillons. Dans le film « The Duke Of Burgundy » (2015) de Peter Strickland, Une lépidoptériste (spécialiste des papillons) austère entretient une relation sadomasochiste avec sa femme de ménage, jeune et soumise à tous ses désirs.
 

C’est souvent un papillon mort : cf. la « performance » Golgotha (2009) de Steven Cohen (avec le comédien travesti M to F, déguisé en papillon apocalyptique), le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford (avec le papillon écrabouillé), etc. « Oh, la mouette, là-bas ! Elle tourne autour du feu ! Hé, la mouette ! Connasse ! Elle va se brûler ! Elle est comme un papillon qui va s’écraser contre le feu ! » (cf. une réplique de la pièce La Tour de la Défense (1974) de Copi) ; « La nuit, je m’imaginais hypnotisé, épinglé dans ses collections, entre un papillon et une mygale. » (le narrateur homosexuel dans la nouvelle « La Carapace » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 14) ; « Avec lui, j’étais comme un papillon attiré par la flamme de la bougie. » (Fabien à propos de son attitude avec son amant Herbert, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) ; etc. Dans la pièce Mon amour (2009) d’Emmanuel Adely, Franck, le héros homosexuel, dit que « quand il était petit, il aimait piquer les papillons au centre du corps », et qu’il « rêve d’être crucifié comme un papillon ».
 

Le papillon est parfois un clair indice d’homosexualité (ou, si celle-ci est pratiquée, un indice d’homophobie) : « Avec tous ces papillons ! Je deviens folle ! » (China dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1999) de Copi) ; « Même le papillon, il en pense. » (Rodolphe Sand par rapport à Mike, dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; « On dirait un papillon. » (Nathan regardant une tache sur le pantalon de son amant Ryan, dans le film « Bug Chaser » (2012) de Ian Wolfley) ; « On dirait un papillon en chaleur. » (Alan, gêné par rapport à l’efféminement d’Emory, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Je l’ai entendu dire qu’il fallait souffrir dans un cocon avant de devenir papillon. » (Tom, le héros homosexuel, à propos de l’homme qu’il aime, Dick, dans le film « The Talented Mister Ripley », « Le Talentueux M. Ripley » (1999) d’Anthony Minghella) ; « Je suis gai gai gai… comme un papillon. » (le cuisinier maniéré du film « Sabrina » (1954) de Billy Wilder) ; « La chrysalide devient papillon. Je pleurerais d’émotion. » (Dallas, l’assistant-couturier homo de la créatrice Cecilia dont il voit la rébellion, dans l’épisode 98 « Haute Couture » de la série Joséphine ange gardien) ; etc.
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Par exemple, dans la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy, les protagonistes homosexuels proposent à Line, la bourgeoise travestie M to F, de faire un chanson sur les papillons. Lors de son concert Les Murmures du temps (2011) au Théâtre de L’Île Saint-Louis Paul Rey de Paris, le chanteur Stéphane Corbin dit qu’il rêve d’être un papillon. Dans la pièce Psy Cause(s) (2011) de Josiane Pinson, la petite Auriane s’est dessinée elle-même en papillon. Dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi, Ahmed compare son sexe à une chrysalide. Dans le film « Túnel Russo » (2008) de Eduardo Cerveira, le couple homo est traité ironiquement de « mariposas », comme un féminisation homophobe et ironiquement dépréciative.
 

Film "Belle de nature" de Maria Beatty

Film « Belle de nature » de Maria Beatty


 

Le papillon est parfois la métaphore de l’amant angélisé… et même de l’amant aussi dangereux, solaire, brûlant, violent, et incestuel Lucifer : « Dès lors, Stephen [l’héroïne lesbienne] pénétra dans un monde complètement nouveau, qui tournait sur l’axe de Collins [son amante] . C’était un monde plein de continuelles et émouvantes aventures : des ivresses, des joies, d’incroyables tristesses, mais aussi un bel endroit pour s’y précipiter, comme un papillon qui courtise une chandelle. Les jours allaient de haut en bas ; ils ressemblaient à une balançoire qui s’élève au-dessus du faîte des arbres, puis retombe dans les profondeurs, mais rarement, sinon jamais, tient le milieu. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 27) ; « Oh my sweet butterfly… » (Oshen – Océane Rose-Marie, alias la « lesbienne invisible » – racontant comme elle s’est fait embrasser par un papillon, lors de son concert à L’Européen à Paris, le 6 juin 2011) ; « Ça doit être mon père qui m’a fait ainsi ! Il était trop beau lui aussi ! Comme un gamin-papillon, j’étais fasciné par sa beauté d’homme solitaire. Peut-être que je m’y suis brûlé les ailes ! Je devrais jeter toutes ces photos que j’ai de lui ! Cesser de penser que j’aurais hérité de lui cette attirance pour les garçons. Un désir refoulé qu’il m’aurait transmis en quelque sorte. Et tout cela, parce qu’il nous prodiguait, à moi et à mon petit frère, la tendresse de la mère perdue. » (Adrien, le héros homosexuel du roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 60) ; « Bien sûr, tu n’étais pas un ange, mais je t’ai vu t’envoler. » (c.f. la chanson « Le Lac des brumes » d’Hervé Vilard) ; etc. Par exemple, dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, Chris appelle son amant Ernest « mon papillon », et a dédié au poète Wordsworth « un poème aux papillons » (p. 92).
 
 

d) Faux rêveurs :

PLANEUR Homo Pierrot
 

On voit que chez beaucoup de personnages homosexuels, ça plane dur ! Certains ont une réputation de rêveurs, de Jean de la Lune : cf. la chanson « Soñar Y Nada Más » (« Rêver et rien d’autre ») dans la comédie musicale Se Dice De Mí En Buenos Aires (2010) de Stéphane Druet, la chanson « Mes rêves » d’Isa Ferrer, la chanson « Rêver » de Mylène Farmer, le film « Nell » (1994) de Michael Apted (avec Jodie Foster, la sauvageonne secrète), la chanson « Le Rêve des filles » de Nolwenn Leroy, la chanson « Voler tes rêves » de Nâdiya, la chanson « Je rêve » de Grégory Lemarchal, la chanson « Dans mes rêves » de Lorie, le film « Alice In Wonderland » (« Alice au pays des merveilles », 2010) de Tim Burton, la pièce Récits morts. Un rêve égaré (1973) de Bernard-Marie Koltès, la pièce À toi pour toujours, ta Marie Lou (2011) de Michel Tremblay (avec Manon, la rêveuse), le roman Les Nettoyeurs (2006) de Vincent Petitet (avec Antoine de Linotte, le héros au nom de famille prédestiné),le film « Claire Of The Moon » (1992) de Nicole Conn, le film « Dis-moi que tu m’aimes, Junie Moon » (1969) d’Otto Preminger, film « Ultra Rêve » (2018) de Bertrand Mandico, le roman Pierrot la Lune (1963) de Pierre Gripari, le roman Denier du rêve (1959) de Marguerite Yourcenar, le film « Dreamers Of The Day » (1990) de Patricia Spencer et Philip Wood, le film « Ma Vie en rose » (1997) d’Alain Berliner (avec Ludovic, le jeune enfant rêveur qui se travestit en fille et vit sa vie en rose), le film « Le Chant des sirènes » (1987) de Patricia Rozema, la chanson « Rose » de Zazie et Dominique Dalcan, le film « El Fuego Y El Soñador » (2001) d’Oskar Aizpeola, le film « Danny In The Sky » (2001) de Denis Langlois, le film « The Man Who Fell To Earth » (« L’Homme qui venait d’ailleurs », 1976) de Nicolas Roeg, le film « Head In The Clouds » (2004) de John Duigan, la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (1650) de Savinien de Cyrano de Bergerac, le film « Happy, Texas » (1999) de Mark Ilsey (avec le shérif lunaire), le film « Get Real » (« Comme un garçon », 1998) de Simon Shore (avec le père de Steven, le héros homosexuel, déguisé en cosmonaute), le film « Que faisaient les femmes pendant que l’homme marchait sur la Lune ? » (2001) de Chris Vander Stappen, les films « Hedwig And The Angry Inch » (2001) et « Shortbus » (2005) de John Cameron Mitchell, le film « Les Demoiselles de Rochefort » (1967) de Jacques Demy (avec Maxence, le marin rêveur), la pièce L’Illuminé (2011) de Marc Hollogne, le film « Kemény Csajok Nem Álmodnak » (« Les Dures ne rêvent pas », 2011) de Zsofia Zsemberi, le film « Imagine You And Me » (2005) d’Ol Parker, etc.
 

« Toujours à imaginer des choses… » (Ody se désespérant du cas de son petit frère homosexuel Dany, dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras) ; « Arrêtez de chanter ‘Au clair de la lune’ à vos enfants. C’est une chanson érotique. Et Pierrot est gay. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; « Pourquoi je suis dans ma bulle ? » (James Dean dans la biopic « Life » (2015) d’Anton Corbijn) ; « Tu es tellement dans ton monde. Tu n’entends rien. » (Dennis Stock s’adressant à James Dean, idem) ; « Accrochez-vous à vos rêves très fort. Car si les rêves meurent, la vie n’est qu’un oiseau aux ailes cassées qui ne peut pas voler. » (Adam, le héros homo citant Langston Hughes, dans l’épisode 6 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; « Adieu au réalisme ! » (Vita Sackville-West s’adressant à son amante Virginia Woolf, dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button) ; etc.
 

Souvent, le héros homosexuel défend la toute-puissance des rêves et la beauté des mythologies cinématographiques, de ses films intérieurs : « Son film intérieur débutait enfin. » (Ann Scott, Le Pire des mondes (2004), p. 76) ; « Mes rêves me sont aussi familiers que ma propre peau. » (Ronit, l’une des deux héroïnes lesbiennes, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, p. 221) ; « La Princesse adopta l’irréel pour seule religion. » (cf. un extrait d’une nouvelle écrite en 2003 par un ami homosexuel, p. 35) ; « Je me demande souvent si l’unique vérité n’est pas dans le rêve. » (Stephen, l’héroïne lesbienne du roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 432) ; « Dalida est une fuite en avant vers nulle part. […] Sa vie est un spectacle. […] Sa vie est un songe, en réalité. Elle n’a jamais fait que rêver. » (l’actrice jouant Dalida dans le spectacle musical Dalida, du soleil au sommeil (2011) de Joseph Agostini) ; « Ma mère travaille en usine en haut des fils en bobine. Dans les nuages, elle va, elle rêve. » (Rosa dans la pièce musicale Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi) ; « Peter Pan et Tom Sawyer m’attendent. » (cf. la chanson « Boulevard des rêves » de Stéphane Corbin) ; « C’est la vie qui est une vaste comédie où on a tous un rôle. Toi, tu joues le rôle de la maman parfaite. […] Moi, je joue le rôle du fils parfait… » (Bryan, le jeune héros homosexuel à sa mère, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 375) ; « Laissez-moi vivre comme je l’entends dans le rose et dans la soie. » (Zaza/Albin dans la pièce La Cage aux folles (1978) de Jean Poiret) ; « Thomas, t’es si naïf… si déconnecté de la réalité… c’est pour ça que je t’aime. » (Cazo s’adressant à son amant Thomas, dans le film « Œdipe (N + 1) » (2001) d’Éric Rognard) ; « Si vous dormez, si vous rêvez, acceptez vos rêves. C’est le rôle du dormeur. » (la Mort jouée par Maria Casarès, dans le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau) ; etc.
 

Par exemple, dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, Europe écrit sur un rocher : « Je veux vivre une histoire. »
 

C’est souvent à sa propre gloire que travaillent les rêves du protagoniste homosexuel : « Je voulais être dieu. Je voulais être une super-héroïne. Une sorte de comics… une sorte de rêve éveillé pour vous, une sorte de muse, d’enchantement pour vos yeux… Ce soir, je suis dieu. » (Lise dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Cette région de moi-même que je voudrais pouvoir ne jamais quitter : le réconfort du rêve éveillé. » (le narrateur homosexuel dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 18) ; « Elle [Stephen, l’héroïne lesbienne] s’endormit pour rêver que, par quelque étrange transposition, elle était Jésus. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 31) ; etc.
 

Le personnage homosexuel quitte tellement le Réel qu’il se passionne parfois pour la science-fiction et le cinéma fantastique (cf. je vous renvoie à la partie « Futurisme » du code « Fresques historiques » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : cf. le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa (avec Omar et Khalid, fans de ciné, et notamment de films de science-fiction marocains), le roman La Cité des Rats (1979) de Copi (avec le Copi-Traducteur, qui prétend « adorer un roman de science-fiction de G.H. Wells »), le one-man-show Les Histoires d’amour finissent mal (2009) de Jérôme Loïc, le film « Pourquoi pas moi ? » (1998) de Stéphane Giusti (avec Camille, l’héroïne lesbienne, fan de « Star Wars »), le film « Papa, il faut que j’te parle… » (2000) de Philippe Becq et Jacques Descomps (avec Dark Vador apparaissant par intermittence dans le champ de vision du protagoniste), le film « Mysterious Skin » (2004) de Gregg Araki (où l’un des enfants violés devient adepte de science-fiction et homosexuel à l’âge adulte), le roman Joyeux animaux de la misère (2014) de Pierre Guyotat, etc. « Willie [le pseudonyme de Guillaume Dustan] aimait beaucoup ‘Star Wars’, ça en devenait une vraie fixation. » (Tristan Garcia, La meilleure part des hommes (2008), p. 15)
 

Il peut même se mettre à croire aux extra-terrestres : « Je crois capter les ondes venues d’un autre monde. » (cf. la chanson « S.O.S. d’un terrien en détresse » de Johnny Rockfort dans l’opéra-rock Starmania de Michel Berger) ; « Je pense sincèrement qu’ils sont là depuis des milliers d’années. » (David parlant des extra-terrestres dans le film « And Then Came Summer », « Et quand vient l’été », 2000, de Jeff London)

 
 

e) Lévitation amoureuse, avec des cœurs dans les yeux :

 

Chez le héros homosexuel, le côté planant et grisant proviendrait non seulement de son caractère, mais aussi de ce qu’il appelle « amour » (cf. je vous renvoie au code « Amoureux » et à la partie « films cuculs » du code « Milieu homosexuel paradisiaque » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). L’amant lui donnerait des ailes et lui ferait voir la vie en rose. Par exemple, dans le film « Contracorriente » (2011) de Javier Fuentes-León, Santiago est dépeint comme un rêve, un messager divin de l’homosexualité. Dans le film « Nagisa No Sindbad » (« Grains de sable », 1995) de Ryosuke Hashiguchi, Ito, lycéen rêveur, est secrètement amoureux de son meilleur ami, Yoshida. Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, Alexandra, l’héroïne lesbienne, voit sa bonne lui faire l’amour en suspension (suce-pension) : « C’était, je crois, un peu de ce que les hommes devaient ressentir avec autre chose, comme une sorte de succion assez délicieuse. Puis elle m’allongea sur le lit et mit sa tête entre mes jambes complètement et, dans une lente et parfaite douceur, elle alla et vint sans s’appuyer sur moi, comme le ferait, j’imagine, quelqu’un qui flotterait dans l’air sans aucune pesanteur, ce qui me surprit beaucoup vu sa forte contrition. » (pp. 123-124)
 

Parfois, le couple homosexuel monte dans un planeur ou fait du cerf-volant ensemble : cf. le film « Une Affaire de goût » (1999) de Bernard Rapp, le film « Le Planeur » (1999) d’Yves Cantraine, le film « Drôle de Félix » (1999) d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (Félix fait du cerf-volant avec une de ses amants dans une prairie), le film « Les Témoins » (2006) d’André Téchiné, la chanson « Les Attractions-désastre » d’Étienne Daho («Et tu viens avec moi faire l’avion… »), le film « Mon copain Rachid » (1998) de Philippe Barassat, le roman Les Amants du Spoutnik (2003) d’Haruki Murakami, etc.
 

« Ce serait bien que mon nouveau voisin me fasse voler comme dans Titanic » (Bernard, l’un des héros homos de la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Si ce tapis pouvait voler, et qu’il pouvait nous emmener loin toutes les deux… On serait si heureuses… » (Marie et son amante Aysla, dans le téléfilm « Ich Will Dich », « Deux femmes amoureuses » (2014) de Rainer Kaufmann) ; etc.
 

En réalité, la rêverie amoureuse aérienne en question mériterait de s’appeler « fantasme », « passion » et « pulsion », plutôt que « désir » et « amour » (libres et durables) : « Il [Adrien] avait le sentiment d’entrer dans un état second, d’être attiré de tout son être par des scènes obsédantes. Une sorte de fascination dont on ne se délivre qu’en y succombant. […] Il désirait les garçons. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 25) ; « Sa passion contre nature pourtant ne s’est précisée que dans des rêves. » (Stefan Zweig, La Confusion des sentiments (1928), p. 117) ; « Je suis aussi fier de toi que si tu avais marché sur la lune. » (Glen s’adressant à son amant Russell, en jouant le rôle d’un père recevant le coming out de son fils, dans le film « Week-end » (2012) d’Andrew Haigh) ; « Quand je te vois, j’ai l’impression que tu n’es pas réel. Que je suis dans un rêve. Comme si tu venais d’ailleurs ou que tu étais immortel ! » (Bryan s’adressant à son amant Kévin dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 141) ; « Tu es comme j’aurais voulu être, mais comme je ne suis pas. T’es mon rêve ! » (idem, p. 142) ; « La réalité, c’est que nous nous aimons comme des fous. » (idem, p. 335) ; « On ne se voit plus mais pendant que je t’écris ainsi, chaque soir, j’ai l’impression que tu es là, au bout de ce clavier. Non, plus proche encore. Je te parle, tu m’écoutes. J’imagine tes réponses, je vois ton beau sourire… » (idem, p. 309) ; « Je rêve pour sortir du bois, pour ma toute première fois… » (un des personnages homosexuels de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « Je rêve d’un rêveur qui boit mon ardeur. » (cf. la chanson « Je rêve » lors du concert d’Hervé Nahel le 20 novembre 2011) ; « Nous passâmes le reste de la nuit blotties dans les bras l’une de l’autre, dormant à poings fermés. Des phrases entières du Kama Sutra défilaient sur l’écran de mes rêves. L’édition que j’avais lue était imprimée en petits caractères, il y avait en couverture une illustration d’un manuscrit ancien. Dans mes rêves, les phrases servaient de légendes à des photographies, les personnages étaient Linde, Rani, et un brahmin d’une caste supérieure sorti de je ne sais quel film. » (Anamika, l’héroïne lesbienne du roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, p. 36) ; « Est-ce que tu crois à la réincarnation ou aux rêves prémonitoires ? Moi non, mais aujourd’hui je ne peux que douter. » (Randall à son amant Ernest dans le roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 239) ; « Bertrand regarde amoureusement son beau Marcel, déjà bien étendu depuis une bonne heure. Ce dernier lève les yeux de son magazine et lui retourne un tendre sourire. » (Denis-Martin Chabot, Accointances, connaissances, et mouvances (2010), p. 9) ; « Il [Marcel] passa de plus en plus de temps devant son écran, se créant tout un univers de rêve. Il avait ainsi un père qui ne l’eut pas abandonné et une mère qui ne chercha pas tant à le contrôler en voulant trop le protéger. Son oncle n’hésiterait pas à lui offrir son corps et sa beauté, car Marcel adulait son oncle, homme séduisant toujours entouré de beaux mecs aussi attirants que lui. Il lui arriva souvent de se branler en rêvant à ce type au charme irrésistible qui dormait dans la chambre d’à côté, ou en train de lui faire l’amour. » (idem, p. 19) ; « Le deux garçons rêvent en couleur, en technicolor, en super son surround. » (Ahmed et son amant Saïd, op. cit. , p. 53) ; « Je suis devant lui. Je rêve. […] Il a du charme. Détermination. Cruauté. Tendresse. Tout est là. Je le reconnais. […] Il m’attire, il me domine. Je suis à lui. Il est le Roi. Le roi Hassan II. Il est beau. Je l’aime. Sans douter, je l’aime. On m’a appris à l’aimer. À dire son nom. À le crier. Il est beau. Il est important. Tellement beau, tellement important. » (Khalid, le héros homosexuel racontant son rêve face à Hassan II, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 9) ; etc.
 

Manquant visiblement de consistance et d’ancrage dans le Réel, le couple homosexuel fictionnel se désigne quelquefois lui-même comme aérien, en finissant par esquisser visiblement un doute désagréable sur ce qu’il est en train de vivre : « Dans les escaliers, je demande ‘Mais nous deux, on est quoi ? Des amants ? Un couple ? ’ Il me regarde en levant les yeux au ciel. » (Mike s’adressant à son amant Léo, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 100) ; « Depuis que je te connais, je n’ai vécu que des choses irréelles ! […] Toi, tu es la chose la plus irréelle qui ne me soit jamais arrivée. » (Bryan s’adressant à son amant Kevin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 230) ; etc.
 

Et le vol plané idyllique, une fois confronté aux faits et à l’expérience, vire tout doucement à la soumission au viol, et au cauchemar. « Il est bon de planer. » (Didier, l’un des héros homos, juste au moment de passer à l’acte homo, sur une musique vahiné puis zen-indienne, dans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Hier soir j’étais sorti de mon œuf… Je crois bien que c’était un œuf, alors ils m’ont dit : tu iras à la guerre ! […] Moi, la guerre, je n’en connaissais rien. Je ne savais même pas où ça se passait ! […] Alors je me suis mis à voler. J’y prends un plaisir fou. […] Moi je planais comme un dingue. […] Mais cette vie-là ça m’a fatigué vite. Je commence à m’arrêter de plus en plus souvent, dès que je vois une branche de libre. Et j’y trouve des gens qui me ressemblent, des camarades qui ont des muscles meurtris à force de voyager. Et je reste avec eux, piailler, sautiller, changer de branche quand le temps nous le concède. Alors il pleut souvent. Nos plumes deviennent grises. Alors, peu à peu, je viens chez vous. » (Copi, La Journée d’une Rêveuse, 1968) ; « Je ne suis pas habillé pour m’envoyer en l’air. » (Jefferey Jordan s’adressant à on père lui proposant un tour en montgolfière, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; etc.
 

Par exemple, dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Leopold voit que Franz son jeune amant n’a pas les pieds sur terre : « Tu n’as aucun rapport à la réalité. » Franz veut absolument « rêver »… mais en même temps, il a peur de rentrer dans les rêves des autres et le leur reproche.
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Le récit de l’atterrissage forcé et violent, de la confusion entre théâtre et Réalité, se trouve expliqué dans le code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

FRONTIÈRE À FRANCHIR AVEC PRÉCAUTION

 

PARFOIS RÉALITÉ

 
 

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :

 

a) Ça plane pour moi :

Le chanteur Mika

Le chanteur Mika


 

Les personnes homosexuelles ne sont en général pas spécialement connues pour avoir les pieds sur terre (cf. je vous renvoie aux codes « Aigle noir », « Femme au balcon » et « Icare » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels). Elles ne démentent pas leur réputation d’oiseaux : « Un homosexuel est un être aérien, sans attaches, sans lieu fixe qui lui soit propre. […] Nous sommes toujours suspendus en l’air, aux aguets. Notre condition aérienne est parfaite et c’est très bien que l’on nous ait affublés de noms d’oiseaux. Nous sommes des oiseaux parce que nous sommes toujours en l’air, un air qui n’est pas non plus à nous – rien n’est à nous, d’ailleurs – mais au moins il est sans frontières. » (Reinaldo Arenas, El Color Del Verano (1990), p. 480) ; « Je ne vis pas, je flotte. » (Gastón Baquero dans une lettre à Eliseo Diego (1993), cité dans le journal espagnol El País, publié le 18 juin 1997) ; « J’aime pas les atterrissages. Je préfère qu’on reste là-haut. » (Patrick Dupont, le chorégraphe, dans l’émission Prodiges sur la chaîne France 2 le 29 décembre 2016) ; etc.
 

Par exemple, lors de son concert du 26 avril 2010 à Paris-Bercy, le chanteur homosexuel Mika a fait la surprise à son public d’arriver sur scène suspendu dans les airs, déguisé en cosmonaute. Il n’est visiblement pas le seul à se présenter comme un engin humanisé de l’Espace : « Le dernier à faire son apparition fut Paco, dans son uniforme d’astronaute. Ses peintures et sculptures tournaient autour de la planète dans des sphères intersidérales. » (Alfredo Arias, Folies-fantômes (1997), p. 278) ; « En 1969, David Bowie invente le Major Tom, un cosmonaute qui préfère ne pas revenir sur Terre, avant de s’incarner, flamboyant et fragile, en Ziggy Stardust, ce Ziggy ‘poussière d’étoiles’, tout en lamé et Platform boots rouges, un cercle doré au milieu du front, accompagné de ses araignées de Mars. Ziggy est un alien au cube : extraterrestre, rock star et androgyne. » (cf. l’article « Le Rock et les mystères du troisième type » d’Évelyne Pieiller, dans la revue Le Monde diplomatique – Manière de voir, « Mauvais Genres », n°111, juin-juillet 2010, pp. 72-73)
 

Le chanteur Mika en concert

Le chanteur Mika en concert


 

b) Toute ma vie, j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air… :

 

Certaines personnes homosexuelles désirent tellement voler dans les airs qu’elles exercent le métier d’hôtesse de l’air (et assimilés).
 

Ce n’est pas un hasard si le steward gay est un cliché bien connu de la fantasmagorie homosexuelle, en plus des jeux de mots savoureux que celui-ci recèle (« s’envoyer en l’air », « atteindre le septième ciel », « être à la tête et à la queue de l’avion », etc.) : cf. le docu-fiction « Brüno » (2009) de Larry Charles, le documentaire « Andréa, née à 35 ans » (2001) de Philippe Baron (cet homme transsexuel M to F se fait appeler Andréa Colliaux, et a écrit une autobiographie intitulée Carnet de bord d’un steward devenu hôtesse de l’air), l’association homosexuelle Personn’Ailes du groupe Air France – KLM. , les « ladyboys » transsexuels M to F en Thaïlande, le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon, etc. « La plupart des lieux de prédilection fréquentés par les homosexuels étaient urbains, civils, sophistiqués. Le scénariste américain Ben Hecht, à l’époque correspondant à Berlin pour une multitude de journaux des États-Unis, se souviendra longtemps d’y avoir croisé un groupe d’aviateurs, élégants, parfumés, monocle à l’œil, bourrés à l’héroïne ou à la cocaïne. » (Philippe Simonnot parlant de la libéralisation des mœurs dans la ville nazie berlinoise des années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 30)
 

Par exemple, lors du concert des Enfoirés en 2000, l’humoriste homosexuel Yves Lecoq entonne, non sans raison, le fameux refrain de la chanson « L’Hôtesse de l’air » de Jacques Dutronc : « Toute ma vie, j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air. Toute ma vie, j’ai rêvé de voir le bas d’en haut. Toute ma vie, j’ai rêvé d’avoir des talons hauts. Toute ma vie, j’ai rêvé d’avoir, d’avoir, les fesses en l’air ! » Celui qu’on surnomme « Ange », et qui était le compagnon de JPé (l’un des participants de l’émission de « télé-réalité » Trompe-moi si tu peux diffusée sur la chaîne M6 en juin 2010, et qui s’est suicidé par pendaison), est steward. J’ai quelques amis non-homosexuels qui sont stewards et qui m’ont assuré qu’il y avait parmi leurs collègues hommes une grande proportion de garçons homosexuels. Et en 2005, alors que je partais en avion avec Air France avec un groupe d’amis homos, j’ai eu le culot de demander aux hôtesses de notre vol intérieur s’il y avait beaucoup de mecs homos parmi les stewards : amusées, elles nous avaient quand même répondu en confidence, qu’au moins un tiers du personnel de la compagnie « en était »…
 

Yves Lecoq

Yves Lecoq


 

À l’émission radiophonique Homo Micro de RFPP le 12 février 2007, quand l’animateur Brahim Naït-Balk interrogeait l’écrivain « Ron l’Infirmier » pour savoir s’il y avait beaucoup de jolis garçons (sous-entendu « de garçons homos ») dans le milieu infirmier, ce dernier lui avait répondu : « Alors infirmier pour les garçons, c’est comme steward, ou coiffeur. Voilà… C’est 90% des infirmiers hommes… […] Mais j’pouvais pas être infirmière, alors, voilà… » Par ailleurs, Michel Govignon, candidat gay dans le jeu Une Famille en Or, diffusé le 30 novembre 2021 sur TF1, est steward.
 
 

c) Mariposa :

Film "Hedwig And The Angry Inch" de John Cameron Mitchell

Film « Hedwig And The Angry Inch » de John Cameron Mitchell


 

Dans le même ordre d’idée, il est incroyable de voir la place prédominante qu’occupe le motif du papillon dans les discours (et parfois la vie) des personnes homosexuelles : « Un papillon s’arrête en plein vol juste à l’instant où nous lisons ces lignes. » (Copi, Un Livre blanc (2002), p. 97)
 

Par exemple, dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, le papillon est un indice clair d’homosexualité : « Elle [Cecilia] contempla sans se lasser la peinture de son fils. Une Mae West pointait entre les feuillages tropicaux, où abondaient fleurs, papillons. À ses pieds, une panthère noire. » (p. 229) ; « Par la porte du studio, entra Pepe, chargé de l’armoire d’Ernestito, don la décoration, de papillons et de chats, ravit aussitôt Nelly. » (p. 278) D’ailleurs, Ernestito, homosexuel, est collectionneur de papillons, et leur ressemble : « Ernestito ressemblait à un papillon, avec sa chemise à manches amples et son pantalon pattes d’éléphant. » (p. 238)
 

B.D. Kang de Copi

B.D. Kang de Copi


 

Dans ses écrits du milieu des années 1870, Karl Heinrich Ulrichs (1825-1895) insiste sur le « », de l’homosexualité parmi les animaux, particulièrement chez les coléoptères. Je vous renvoie au documentaire « Mariposas En El Andamio » (1996) de Margaret Gilpin et Luis Felipe Bernaza, à la Compagnie théâtrale des Hommes-Papillons créée par les frères Christophe et Stéphane Botti, à la photo Cycliste (1976-1986) d’Andy Warhol (avec un discret papillon), au dessin de Jean Cocteau représentant un marin-papillon dans son livre Maison de santé (1926), à tous les déguisements de papillon choisis par des militants homosexuels défilant aux Marches des Fiertés. Par exemple, sur la couverture de l’affiche du Premier Festival de Gay Pride à San Francisco (États-Unis), le 25 juin 1972, est exposé un grand papillon. Il est intéressant de relever que le terme espagnol « mariposa » (signifiant « papillon » en Espagne et en Amérique latine) désigne communément les personnes homosexuelles. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si on le lit dans l’annuaire de Guy, le psychopathe homosexuel du film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock. Il existe d’ailleurs une association gay Mariposa à San Francisco. L’identification homosexuelle au papillon indique surtout une fragilité et un sentiment de violence. Par exemple, Nicolaus Sombart rencontre Carl Schmitt (beaucoup plus âgé que lui) qui tombe sous son charme : « Comme un papillon, je volai, irrésistiblement attiré dans la toile qu’il avait tissée. » (Nicolaus Sombart, cité dans l’essai Le Rose et le Brun (2015) de Philippe Simonnot, p. 272)
 

Film « Strangers On A Train » (« L’Inconnu du Nord-Express », 1951) d’Alfred Hitchcock


 
B.D. Femme assise de Copi

B.D. Femme assise de Copi


 
 

d) Faux rêveurs :

Certaines personnes homosexuelles sont même attirées par les univers artistiques, les pays fantastiques, les extra-terrestres (qu’elles nommeront « androgynes » ou « pseudonymes internet »), le surréalisme : cf. je vous renvoie au documentaire « Robinson dans l’Espace » (1997) de Patrick Keiller, à l’essai Essays In Feminism And Science-Fiction (1995) de Joanna Russ. « Copi fait exploser un surréalisme tendance argentine. » (cf. l’article « Dessinateur, écrivain, acteur : Copi, l’enfant pornographe » de Gilles Costaz, dans le journal Le Matin de Paris, publié le 15 décembre 1987) Par exemple, le dramaturge français Alfred Jarry s’inventa un monde parallèle, un « univers supplémentaire à celui-ci » que la pataphysique, matière scientifique qu’il a lui-même inventée, se propose d’étudier.
 

Elles semblent s’intéresser de près aux rêves, à l’ésotérisme, et vivre dans une planète onirique : cf. le documentaire « La Domination masculine » (2009) de Patric Jean (avec la référence au motif de la femme « spectatrice, rêveuse »). L’écrivain René Crével, par exemple, pratiquait l’hypnothérapie et l’interprétation des rêves. Quand on demande à la photographe lesbienne Claude Cahun quels ont été les moments les plus heureux de sa vie, elle répond : « Le rêve. Imaginer que je suis autre. Me jouer mon rôle préféré. » (cf. l’exposition « Claude Cahun » au Jeu de Paume du Jardin des Tuileries, Paris, juin 2011) Le chanteur britannique Boy George dit qu’il adorait le groupe ABBA quand il avait 15 ans : « Ils étaient tellement irréels. » (Boy George cité dans la revue Têtu, n°1, juillet 1995) Pour ma part, j’avoue que pendant toute mon enfance et adolescence, j’étais un petit garçon particulièrement rêveur, qui aimait le refuge des paradis virtuels, musicaux et télévisuels.
 

Dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, le « romantisme exagéré ou déplacé » et la « rêverie permanente » (p. 378) sont montrés comme des signes d’homosexualité. « Il y a quelque chose d’abstrait dans l’homosexualité. » (Franco Brusati interviewé par Claude Beylie, dans la revue L’Avant-Scène Cinéma, n°277, 1er décembre 1981)
 

« Soyons à l’image de nos rêves ! » (cf. l’acteur transsexuel M to F Pascale Ourbih, sur l’éditorial de la plaquette du 17e Festival Chéries-Chéris, les 7-16 octobre 2011, au Forum des Images de Paris) ; « Les rêves dont on n’ose rêver deviennent réalité. » (la voix-off du documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel) ; « J’ai montré aux Hommes la vérité des rêves. » (le comédien de la pièce de Barbara, dans le docu-fiction « Le Dos rouge » (2015) d’Antoine Barraud) ; « J’étais solitaire et ne désirais aucune autre compagnie que celle des livres, des films et de mon imagination. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 34) ; « Moi. Petit. Adolescent des années 80. […] Je n’ai qu’une seule idée en tête. Une obsession. Une actrice égyptienne ; mythique, belle, plus belle que belle. Souad Hosni. Une réalité. Ma réalité. Je suis pressé d’aller dans mon autre vie, imaginaire, vraie, entrer en communion avec elle, chercher en elle mon âme inconnue. » (Abdellah Taïa dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), p. 10) ; « J’ai vu. Le rêve était plus fort que la vie réelle. » (Abdellah au cinéma, idem, p. 32) ; « Je ne voulais pas qu’on voie que je venais à peine d’être une nouvelle fois rejeté. Que je m’étais trompé. Je ne voulais pas me donner en spectacle. J’avais envie d’errer, de respirer la nuit seul, de traverser cette ville où, depuis que j’avais quitté le Maroc poursuivant des rêves cinématographiques, je me redécouvrais heureux et triste, debout et à terre. » (idem, p. 45) ; « Le jeune Carné perçoit la réalité comme une mise en scène, construite et dirigée par lui seul. » (Edward Baron Turk, Marcel Carné et l’âge d’or du cinéma français 1929-1945, 2002) ; etc.
 

Cette rêverie ressemble parfois à la schizophrénie, à la captation idolâtre, léthargique, et parfois béate, du zombie. « Je me suis senti proche de Joyce, il m’a beaucoup impressionné par cet air qu’il avait d’être à part. » (Julien Green en parlant de James Joyce, cité dans l’article « Julien Green, l’histoire d’un Sudiste » de Philippe Vannini, dans le Magazine littéraire, n°266, juin 1989, p. 102) Par exemple, quand je regarde des individus tels que Renaud Camus, Virginia Woolf, Nina Bouraoui, Brahim Naït-Balk ou Guillaume Dustan, j’ai l’impression de voir des êtres humains hypnotisés, endormis, avec une expression de visage fixement hallucinée : ils ont l’air à côté d’eux-mêmes.
 

Plus que ça. Les cauchemars – ou « mauvais rêves » – sont des symptômes spirituels de possession ou de vexations démoniaques. Beaucoup de stars homos ont des sommeils agités et le disent : Bilal Hassani, Angèle (c.f. sa chanson « Les Mauvais Rêves »), etc.
 
 

e) Lévitation amoureuse, avec des cœurs dans les yeux :

Chez certaines personnes homosexuelles, le côté planant et grisant proviendrait non seulement du caractère, mais aussi de ce qu’elles s’efforcent d’appeler « amour » (cf. je vous renvoie au code « Amoureux » et à la partie « films cuculs » du code « Milieu homosexuel paradisiaque » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels).
 

En réalité, la rêverie amoureuse aérienne en question mériterait de s’appeler « fantasme », « passion » et « pulsion », plutôt que « désir » et « amour » (libres et durables) : « Je suis constamment dans le fantasme. C’est un mode d’existence. » (Beatriz Preciado dans le documentaire « Se dire, se défaire » (2004) de Kantuta Quirós et Violeta Salvatierra) ; « Les paroles de ces hommes qui exprimaient la même sensibilité que la mienne m’aidaient à mieux rêver du grand amour, alors que la réalité sexuelle m’avait tellement déçu. » (Brahim Naït-Balk, Un Homo dans la cité (2009), pp. 45-46) ; « J’ai rêvé un instant (puisque tout le monde rêvait, pourquoi aurais-je dû être la seule à coller à des réalités triviales ?) à 8 jours de vacances, en ce lieu, avec Catherine. Je l’ai entrevue, devant son chevalet de peintre, sous le soleil méridional, dans l’odeur du thym, de la menthe et du romarin. Là ou ailleurs, arriverais-je un jour à vivre une semaine entière auprès d’elle ? » (Paula Dumont, La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), p. 164) ; « Il s’immobilisa, interloqué devant cette nudité inattendue. ‘C’est un rêve. C’est un ange descendu sur terre’, soupira le vieux couturier. » (Jacques face à Pedro son jeune modèle de 16 ans, dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias, p. 261) ; « Mes frissons se cantonnent à la lecture de catalogues de vente par correspondance. Je contemple rêveusement les pages où les mannequins posent en sous-vêtements, admirant leurs torses et fixant leurs slips d’un regard interrogateur. » (Jean-Michel Dunand, Libre : De la honte à la lumière (2011), p. 20) ; « Pedro était mon copain de pupitre. […] Pendant que le reste de la classe s’affairait sans doute à parfaire leur musculature naissante au football, moi, je n’avais en tête que cette heureuse union de nos esprits prétendument cultivés, ces univers fantastiques fictionnels. » (cf. l’article « Entre El Papel Y La Pluma » de Xosé Manuel Buxán, dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 175) ; etc.
 

Jacques – « Tu peux t’imaginer la surprise que j’ai eue en te découvrant dans l’autobus. On a voyagé au moins une demi-heure collés l’un à l’autre.

Pedro – Je ne m’en suis pas rendu compte. Souvent, dans l’autobus, je ferme les yeux et je rêve.

Jacques – Tu devais rêver à une sirène, parce que, si tu me pardonnes, j’ai senti ton sexe coller à mon dos. La nature t’a bien doté. »
 
(Alfredo Arias, Folies-fantômes (1997), p. 262)

 

Manquant visiblement de consistance et d’ancrage dans le Réel, le couple homosexuel se désigne quelquefois lui-même comme aérien, en finissant par esquisser visiblement un doute désagréable sur ce qu’il est en train de vivre. Et le vol plané idyllique, une fois confronté aux faits et à l’expérience, vire tout doucement au cauchemar. « J’attendais. Mieux que ça, je rêvais. Un rêve comme celui du Bon Dieu qui couche avec Satan. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 72) Le récit de l’atterrissage forcé et violent, de la confusion entre théâtre et Réalité, se trouve expliqué dans le code « Chevauchement de la fiction sur la Réalité » dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels.
 
 

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