HOMO MICRO
Répondre à la question qu’on me pose souvent « D’où ça vient, l’homosexualité ? » est aussi impossible et imprécis que si on me demandait « D’où vient la peur ? » Il y a bien des peurs qui s’expliquent, qui reposent parfois sur des substrats de réalité ou d’inconscient. Mais rien ne les justifient complètement. Elles n’ont pas d’origine ni de fin précises. Cela concerne également le désir homosexuel, qui est la peur et la fuite de la différence des sexes. Ce dernier peut donc à la fois s’expliquer un peu mais jamais totalement.
Scoop : le magazine Têtu CHANGE : avant, c’était que du cul… alors que maintenant, c’est que du cul ! :-)))
(Cet article provient du site-partenaire et ami Le Rouge & le Noir. Merci à eux !)
En parler bien. Sinon, ne pas en parler du tout. C’est tout le problème et l’enjeu de l’homophobie !
Pourquoi dites-vous que c’est un mot génial et catastrophique à la fois ?
Aussi bizarre que cela puisse paraître, le terme « homophobie » est génial et très signifiant si et seulement s’il est pris au pied de la lettre[1] et s’il est laissé à l’état d’acte : en effet, l’homophobie est l’acte du viol porté sur une personne homosexuelle, au nom de son orientation sexuelle et – ce qu’on nous dit moins – uniquement exercé par une personne homosexuelle, soit parce qu’elle refoule excessivement son homosexualité[2], soit parce qu’au contraire elle la célèbre trop sous forme d’identité fondamentale ou d’amour merveilleux, et qu’elle la pratique[3]. L’homophobie, comme je l’ai écrit textuellement dans mes livres L’homosexualité en vérité (octobre 2012) et L’homophobie en vérité (septembre 2012), c’est la pratique homosexuelle.
Mais le mot « homophobie » devient catastrophique une fois qu’on ne parle plus de sa réalité donc de l’acte homophobe en lui-même ni en tant que relation. Il devient violent et affligeant dès qu’il se fige en insulte, en accusation de personnes, en instrument de censure (de l’homophobie même !), en scotch qu’on met sur la bouche de tout opposant qui nous gêne ou qui fait un lien jugé « douteux et effrayant » entre homosexualité et souffrance, homosexualité et violence. Bref, ce terme est dangereux à partir du moment où il se personnifie… sous forme de méchants diables immatériels et sans passé ou sous forme de gentilles victimes qui ne seraient plus libres de reproduire ou non le viol qu’elles ont subi du simple fait d’avoir été attaquées… alors qu’on sait très bien que les agresseurs homophobes sont d’anciennes victimes d’homophobie, et qu’une victime d’un viol est toujours libre de ne pas subir ! Pris dans son sens de « haine des homosexuels », le vocable « homophobie » est même en soi homophobe puisqu’il s’est discrètement choisi pour préfixe le mot « homosexualité », concept flou qui réduit les personnes homosexuelles à leurs tendances sexuelles, à leurs pratiques sexuelles, à leurs fantasmes, à une espèce à part de l’Humanité.
Comment pouvez-vous dire qu’une personne homophobe est uniquement homosexuelle ?
La plus grande violence à l’égard des personnes homos, je ne l’ai vue que chez les personnes homos pratiquantes et qui, après leur coming out, se disent toutes « hors milieu » et détestent leurs frères de communauté. Maintenant, concernant l’homophobie en tant que refoulement d’homosexualité, elle est très surprenante, car les agresseurs cachent bien leur jeu. Mais elle existe quand même ! Beaucoup d’anciens agresseurs font des coming out (= révèlent leur homosexualité) à la surprise générale et à quelques années d’intervalle avec leurs actes homophobes, comme le traduisent ces quelques citations de personnes homosexuelles que j’ai relevées à travers mes rencontres avec un grand nombre de personnes homosexuelles-homophobes : « Quand j’avais 16 ans, je cassais du pédé dans les parcs : à 20 ans, je couchais avec. » (Jacques Nolot dans son film autobiographique « La Chatte à deux têtes ») ; « La violence traduit la peur d’être séduit. » (Rennie Yotova, Écrire le viol (2007), p. 111) ; « Quand je vois un beau gars qui me plaît dans la rue, il faut que je change de trottoir. Je connais trop ma sensibilité. » (un témoin homosexuel refoulé, ancien violeur, cité dans l’essai Ça arrive aussi aux garçons (1997) de Michel Dorais, p. 198) ; « Bruno, malgré un discours carrément homophobe, a vraisemblablement davantage de relations homosexuelles que de relations hétérosexuelles. Il en va de même pour Éric, qui se prostitue exclusivement avec des hommes ; quoiqu’il s’affirme plus volontiers hétérosexuel qu’homosexuel, il n’a presque jamais eu de rapports hétérosexuels. » (idem, p. 241) ; « Dans leur ambivalence, certains semblent ‘jouer avec le feu’ : ils sont à la fois attirés et dégoûtés par l’homosexualité. Une grande anxiété mais aussi une curiosité certaine en amènent plusieurs à entretenir à la fois des préoccupations homosexuelles et homophobes. Le cas de Bruno, 25 ans, est à ce titre éloquent. Il dit détester les homosexuels mais hésite, au cours de promenades nocturnes, entre deux possibilités : les pourchasser ou les inviter à faire l’amour avec lui… » (idem, p. 198) ; « François, 17 ans, sympathisant des skinheads, et abusé dans son enfance, participe activement à des expéditions de ‘tabassage de tapettes’ dans le village gay de Montréal : ‘J’ai de la misère avec les homos. L’an passé, avec des amis, on allait dans le quartier gay à Montréal, le soir. J’en attirais un dans une ruelle en lui parlant puis, avec les chums [chum = mec en Québec] qui m’attendaient cachés, on lui faisait les poches, on lui râpait la face sur l’asphalte si on pouvait. C’était comme une vengeance.’ » (idem, p. 171) L’attaque homophobe est un aveu d’homosexualité trop mal/bien vécue !
Pourquoi c’est grave de ne pas parler d’homophobie, même si l’interprétation actuelle de ce mot est, vous disiez, catastrophique ? Pourquoi c’est grave de mépriser le mot ?
À mon sens, c’est inquiétant et choquant pour deux raisons :
– Parce que ceux qui réduisent l’homophobie à une accusation de personnes ou à une insulte (soit pour la sacraliser sous forme de victimes innocentes, soit pour la tourner en dérision, soit pour s’en débarrasser à tout prix) sont précisément ceux qui la pratiquent. Pensez à la majeure partie des personnes homosexuelles pratiquantes, qui ont fait de l’homophobie un monstre extérieur à elles-mêmes ; pensez aux militants de Civitas, qui se donnent le droit d’être homophobes dans leurs mots ou dans leurs actes pour donner raison à l’insulte d’« homophobie » qui pèse sur eux ; pensez à Frigide Barjot, qui cherche à tout prix à se dédouaner de la réputation d’homophobie, précisément pour cacher qu’elle se sert des personnes homosexuelles et qu’elle entretient l’homophobie sociale en encourageant et en banalisant la pratique homo, alors que c’est justement cette pratique qui est violente, homophobe et qui discrimine les autres et les différences.
– Parce qu’il y a de vrais actes homophobes, qui s’appellent « viols » et qui doivent plus que jamais être dénoncés, non en tant que violence appartenant spécifiquement aux personnes homos mais en tant que violence universelle, car ils font beaucoup de victimes[4]… et de plus en plus depuis que des nations entières parlent d’« homophobie » pour ne surtout jamais l’expliquer et la regarder en face. En n’analysant pas explicitement les mécanismes de la violence à l’encontre des personnes homosexuelles, nous ne les désamorçons pas. Au contraire, nous laissons s’accroître l’homophobie et la haine de soi que l’homophobie traduit dans nos sociétés. En banalisant la pratique homosexuelle, alors que celle-ci est l’homophobie, on observe une recrudescence des actes homophobes, y compris dans des pays qui se croyaient très gay friendly et à l’abris de l’homophobie (cf. je pense à la Suède, par exemple, qui possède une des plus longues traditions de mariages homos qui existe dans le monde, et qui pourtant connaît actuellement une recrudescence spectaculaire des crimes homophobes : 4 à 5 fois plus qu’au démarrage de l’application de ces lois pro-gay). C’est la promotion sociale de l’homosexualité qui encourage paradoxalement à l’homophobie puisque le désir homosexuel procède d’une haine de soi et appelle à un rejet des différences, notamment de la différence des sexes qui, elle seule, nous permet, quand elle est vraiment respectée, d’exister, d’aimer et de s’ouvrir à la vie.
[1] Il signifie étymologiquement « peur du même », avant d’avoir pris en 30 ans un tout autre sens : « peur et haine des homos ». Et c’est tout à fait ça : l’homophobie est une peur et une haine de soi.
[2] Dans les cas d’agressions homophobe, l’agresseur attaque toujours une personne homosexuelle parce qu’il ne supporte de voir reflétée en elle sa propre blessure de sexualité. Une personne qui est bien dans sa sexualité – dans sa féminité/maternité ou dans sa virilité/paternité – ne peut pas se sentir mise en danger par une personne homosexuelle au point de l’attaquer. L’homophobie a toujours lieu uniquement dans des cadres de pratiques homosexuelles, donc dans des sphères homosexualo-amoureuses ou prostitutives, quand le désir homosexuel s’actualise en acte ou bien est cru vrai (en tant qu’identité ou amour).
[3] Vous lirez les codes « milieu homosexuel infernal », « prostitution », « coït homo = viol », « viol », « témoin silencieux d’un crime », « déni », « violeur homosexuel », « couple criminel », « homosexuels psychorigides », « Hitler gay », dans mon Dictionnaire des Codes homosexuels mis en ligne sur mon blog www.araigneedudesert.fr. Et spécialement le code « homosexuel homophobe », avec toute la question de l’homosexualité des agresseurs homophobes, y compris ceux qui forcent leur virilité, ceux qui sont en couple avec une femme, ceux qui jouent les grandes folles, ceux qui rentrent dans la peau des « racailles » des cités et des skinheads. Par exemple, dans son autobiographie Un Homo dans la cité (2009), Brahim Naït-Balk confirme que ses agresseurs, même s’ils feignaient d’être les parfaits hétéros et qu’ils se retrouvent actuellement en prison pour des affaires de drogues, sont homosexuels eux aussi !
[4] À ce jour, 70 amis homosexuels m’ont avoué avoir été violés (soit avant leur coming out, soit après, et en général les deux !).
État des lieux
Notre mouvement est beau, prometteur, historique, entend-on. C’est totalement vrai. J’y souscris complètement. Et dans la joie. Mais a-t-on vraiment mesuré en quoi ? Je ne le pense pas. Du coup, le constat optimiste se fige en auto-contentement, en esthétisme révolutionnaire… et en angoisse pour l’avenir. Il ne suffit pas de vanter l’ « Unité dans la pluralité » pour donner corps à cette assertion.
Alors d’emblée, je vous dis : N’ayons pas peur. Notre mouvement est déjà génial, et ne doit pas en rester à l’intuition de ce qu’il est.
D’où vient le flottement actuel de notre mouvement, que ce soit aux Veilleurs ou à la Manif Pour Tous et autres groupes d’opposition aux politiques du gouvernement de François Hollande ? Du fait que nous n’ayons pas encore nommé ni identifié notre ennemi : la BIPOLARITÉ HÉTÉROSEXUALITÉ-HOMOSEXUALITÉ, qui définit arbitrairement l’Humanité (depuis les Lumières et surtout depuis 1869, date de création des termes « homosexualité » et « hétérosexualité »), bipolarité qui a anesthésié les esprits de nos contemporains et qui a fait la pluie et le beau temps sur nos pratiques sexuelles depuis un siècle et demi. La majorité d’entre nous s’est habituée à celle-ci, l’a cautionnée, et s’en sent même responsable et fière ! Et pour ce qui est de notre contexte national depuis un an, la majorité d’entre nous s’est déjà résignée à enterrer le « mariage pour tous » (loi Taubira) et pense que l’urgence et le « réalisme » de notre situation nous conduit à parer au plus pressé, au plus actuel, à lutter contre l’ennemi le plus évident et le plus proche : l’idéologie du Gender (c’est l’orientation qu’ont choisi des groupes comme Civitas ou comme la Manif Pour Tous). Nous nous tournons logiquement vers les conséquences directes de la loi Taubira : la famille, la PMA, la GPA, le Gender, l’adoption, le statut de l’embryon, etc. Et bizarrement, ceux qui disaient « On ne lâche rien ! » ont déjà lâché joyeusement leur demande d’abrogation du « mariage pour tous ». Paradoxe qui m’hallucine…
Quand certains voient l’ennemi super proche, d’autres au contraire (et ce n’est pas mieux) voient l’ennemi super loin : Frigide Barjot dit se battre contre le fascisme, les « ultras », « pour les homos » et « contre l’homophobie » (sans chercher à définir ni à comprendre aucun de ces concepts) via l’Union Civile et la constitutionnalisation du mariage femme-homme ; l’Écologie humaine se bat contre le transhumanisme en proposant une réflexion utile sur toutes les lois de bio-éthique qui concernent la vie (vaste programme ; peut-être trop vaste et trop abstrait pour les gens de notre époque) ; les groupes plus radicaux et politisés (Printemps Français, Hommen, Prisonniers politiques, etc.) voient l’ennemi dans l’État français ou la République, et pensent que le bien-fondé de leurs actions reposera sur le fait que leurs buts deviennent leurs moyens, sur leur force de frappe et leur visibilité ponctuelle. Certains (Civitas par exemple), enfin, spiritualisent le combat en termes d’affrontement des « forces du bien » contre les « forces du mal ».
Si nous savions comme la pierre d’achoppement qui tient tout l’édifice idéologique de nos gouvernants c’est la bipolarité hétérosexualité/homosexualité (appelée « Amour »), si nous comprenions que notre point commun avec nos opposants c’est notre croyance aveugle en l’hétérosexualité, nous n’hésiterions pas à la dénoncer et à dire que si nous nous sommes levés contre le mariage gay, ce n’était pas seulement contre la pratique homo mais contre toutes les lois hétérosexuelles (abortives, contraceptives, infanticides, parricides, identicides et familicides) qui l’avaient précédé ! que nous nous sommes levés en réalité contre l’hétérosexualité ! Tant que nous ne nommons pas notre ennemi, jamais nous n’avancerons. Cette bipolarité hétérosexualité-homosexualité touche aux deux réalités que nos mouvements essaient de caresser timidement : l’identité humaine (à travers la lutte contre le Gender, contre le transhumanisme, contre l’euthanasie) et la parenté humaine (à travers la lutte contre l’exclusion de l’altérité des sexes dans le cas des adoptions, PMA, GPA).
Contrairement à ce que nous essayons de nous faire croire, ce ne sont pas « la défense de la Vie » ni « l’Espérance » (notions très belles mais qui peuvent vite devenir de grandes abstractions) qui vont nous tirer d’affaire. C’est la lutte contre l’hétérosexualité. Si nous défendons l’amour, les enfants, la vie, la filiation, la famille, figurons-nous bien que les promoteurs de l’adoption, du mariage homo, de la PMA, de la GPA pour tous, font de même ! Beaucoup, d’ailleurs, ne comprennent pas pourquoi nous nous opposons à leurs revendications car ils nous entendent soutenir les mêmes choses qu’eux : la beauté des familles, les droits de l’enfant, l’importance de l’adoption, le respect de l’amour et des identités, la grandeur des différences, etc. En revanche, eux défendent le binôme homosexualité-hétérosexualité pour ensuite rapidement l’asexualiser sous le vocable d’« Amour ». Toutes les lois inhumaines que notre gouvernement socialiste propose avec sincérité sont passées au nom de « l’amour » homosexuel, qui a d’abord été opposé à l’amour « hétérosexuel » puis universalisé et rendu neutre par le terme « Amour », et au nom du fait qu’il fallait respecter l’égalité de traitement entre « homos et hétéros ». Par exemple, il y a pile un an, le 10 septembre 2012 dans le journal la Croix, Mme Taubira justifiait qu’il fallait donner le « droit à l’adoption » aux couples de même sexe sous prétexte qu’il aurait soi-disant déjà été donné aux couples « hétérosexuels » (alors que, dans le meilleur des cas, ce droit ne doit être donné qu’aux couples femme-homme aimants, et non à tous les couples femme-homme ni encore moins aux « couples hétéros ») !
Nous devons donc clairement nous opposer à l’hétérosexualité, qui consolide par défaut les mythes homosexuels, et qui évacue les corps et les cœurs. Car quand on remplace la réalité des couples femme-homme aimants ou des célibataires consacrés par le mot « hétérosexualité », on gomme ET la différence des sexes, ET l’amour dans cette différence. On glisse des « Droits de l’Homme » aux « Droits des hétéros puis des homos… puis ni des homos ni des hétéros mais des Amoureux asexués », en zappant l’Humanité et la différence des sexes. On remplace un monde partagé entre hommes et femme, et entre Créateur et créature, par un monde individualiste défini selon les fantasmes identitaires, les pulsions et les tendances érotiques, les pratiques sexuelles, et non plus sur l’alliance entre sexuation et Amour. C’est très grave.
Alors j’ai conscience que nous partons de loin en remettant en cause cette bipolarité hétérosexualité-homosexualité sur laquelle le monde s’est assoupi maintenant à échelle mondiale et dans la sphère politico-médiatique. Je mesure que les CUCH (Cathos Unis Contre l’Hétérosexualité) et moi vous lançons dans une lutte digne d’un match entre David et Goliath. Je sais que la piste de l’hétérosexualité a tout l’air de LA fausse piste ou du sophisme. Je sais que le combat contre l’hétérosexualité paraît fou, risible, fragile, inaudible, difficile à expliquer, moins concret et sécurisant que la lutte contre le Gender ou le statut de l’embryon. Mais c’est notre seule issue. Toutes les lois gouvernementales anti-Vie et anti-Amour reposent socialement sur le consensus mou globalisé de l’hétérosexualité. La bipolarité hétérosexualité-homosexualité est la mère du Gender, du PaCS, du mariage pour tous, et sera la mère de la PMA, de la GPA, des suicides assistés, des manipulations sur embryon, etc. Tant que nous nous laissons étiqueter « hétéros », nous nous auto-désignerons tacitement comme « non-homosexuels » donc « homophobes », « fascistes », « masculinistes » ; nous défendrons sans le vouloir toutes actions se valant de l’accueil des personnes homosexuelles pour s’acheter une bonne conscience ; nous validerons tous les couples femme-homme qui ne sont pas des modèles d’amour, et nous serons toujours accusés de cautionner une structure d’identité et d’amour – l’hétérosexualité – qui n’en est effectivement pas une !
Concrètement, ça donne quoi ?
Maintenant que j’ai parlé du but et de notre ennemi (après, qu’on les assume ou pas, c’est un autre problème : moi, je suis juste chargé de vous les dire, et de vous montrer que sans leur dénonciation, nous n’avancerons pas et nous accrocherons aux branches fragiles du Gender ou de l’écologie), quelles méthodes concrètes pour avancer ?
Vous savez, je commence à côtoyer suffisamment d’Université d’été et de groupes d’opposition à la loi Taubira pour humer les ambiances, comparer les différentes conceptions d’actions et de stratégies. Tous pensent efficacité (parce qu’ils paniquent) avant durée et vérité.
Tous ? Non ! Les seuls qui échappent à cette règle, je trouve que ce sont les Veilleurs. Les Veilleurs sont le seul lieu humain où fond et forme, Charité et Vérité, cherchent à s’épouser. À mon sens, ce sont les Veilleurs qui peuvent le mieux nous apporter la solution à notre mouvement, tant sur le plan des idées que des méthodes.
Quand je dis les Veilleurs, pas n’importe lesquels. Des Veilleurs qui ne font pas que philosopher sur des abstractions (la nécessité de l’engagement, l’importance de la liberté de penser, le pouvoir de la résistance, etc.), qui ne font pas qu’organiser des kermesses entourées de CRS. Mais des Veilleurs qui pensent au sens et aux applications concrètes de notre engagement pour le contexte réel et mouvant qui est le nôtre. Des Veilleurs qui dépotent et qui commencent/continuent, sur les places publiques, en politique (syndicats, partis) et dans les médias, à dénoncer, PAR LA CULTURE ET PAR LA PAIX, les incohérences du système hétérosexuel (un système inconsciemment bisexuel et asexuel). Des Veilleurs dont les responsables doivent être mieux identifiés et mieux formés pour parler et discerner des actions à venir (le mouvement des Veilleurs n’a pas encore assumer de se choisir des « chefs » : c’est une grave erreur et son talon d’Achille, car il en a besoin. Et le pire, c’est que des chefs au service, intelligents, posés, qui ont des choses à dire, qui ne font pas potiche, les Veilleurs en ont : Axel Rokvam, Madeleine Bazin, Marianne de Lyon, Gaultier Bes, moi s’il y a besoin, etc.).
Vous vouliez d’une rentrée corsée ? Et bien nous y sommes ! Voilà comment je vois concrètement les choses : impliquons-nous intellectuellement, artistiquement, politiquement contre l’hétérosexualité et à travers les Veilleurs. Et ma remontrance sur la Veillée de la Concorde n’était qu’un encouragement à tout miser sur les Veilleurs.
J’ai dit ce que j’avais à dire.
Philippe Ariño, 2 septembre 2013
Liste des 186 codes homosexuels : De l’Actrice-Traîtresse… à Wagner !
2 – Adeptes des pratiques SM (Saint Sébastien)
4 – Amant diabolique (Faust / Regards / Langue au chat / L’Autre)
5 – Amant modèle photographique (Amant miniature / Amant de dos / Amant-nain)
9 – Amoureux (L’important c’est d’aimer / Désir d’aimer / Tu ne sais pas aimer)
11 – Animaux empaillés (Taxidermiste homosexuel / Bestiaire / Homme-animal / Zoophilie)
16 – Aube (Samedi / Minuit / Refus des fins)
17 – Bergère (Peau d’âne / Femme-objet / Joconde)
19 – Bobo (Bourgeois-bohème homosexuel)
21 – Bourgeoise (Bourgeoise-prostituée pénétrant dans une église)
22 – Bovarysme (Prof de lettres homo)
24 – Cannibalisme (Nécrophagie / Goûts / Plante carnivore / Amant-bouffe)
25 – Carmen (Femme diabolique / Femme en rouge / Sorcières)
28 – Cheval (Jockey gay / Cavalière / Zèbre)
32 – Clonage (Fixette sur un amant perdu et déifié)
33 – Clown blanc et Masques (Carnaval / Bal masqué / Expressionnisme allemand)
34 – Coït homosexuel = viol (Strangulation)
35 – Collectionneur homo (Matérialiste / Consommateur gay / Objets vivants)
36 – Conteur homo (Dessins animés / Bandes dessinées)
37 – Corrida amoureuse (Taureau / Rouge et noir / Minotaure)
39 – Couple homosexuel enfermé dans un cinéma
40 – Cour des miracles homosexuelle (Chœurs de tragédie grecque)
42 – Défense du tyran (Grands Hommes / Fantasme pour les uniformes et les militaires)
43 – Déni (« Circulez, y’a rien à voir ! » / Silence / Paradoxe / Censure)
45 – Désir désordonné (Blessure / Sauvage / Albator / Fragile)
46 – Destruction des femmes (Misogynie homosexuelle / Femme-singe / Femme-pute)
49 – Dilettante homo (Roue de voiture / Paresse)
50 – Don Juan homo (Macho / Cow-boy / Footballeur)
51 – Doubles schizophréniques (Dialogue contradictoire / Ventriloque / Schizophrénie)
53 – Drogues (Tendresse / Lesbienne alcoolique / Obsédés sexuels)
54 – Duo totalitaire lesbienne/gay
55 – Eau (Marin gay / Piscine / Fleuve / Poissons / Enfants noyés)
58 – Ennemi de la Nature (Corps morcelé / Diable au corps)
59 – Entre-deux-guerres (Armée / Prison / Homosexualité de circonstance)
60 – Espion homo (Voyeur / Enfant spectateur du coït)
61 – Éternelle jeunesse (Peur de vieillir)
63 – Fan de feuilletons (Kitsch)
64 – Fantasmagorie de l’épouvante (Fan homo des films d’horreur / Peur / Gothique / « Psychose »)
65 – FAP la « fille à pédé(s) »
68 – Femme allongée (Ophélie / Femme qui tombe / Femme faussement endormie)
69 – Femme au balcon (Fenêtre / Tour / Ascenseur / Escaliers)
70 – Femme-Araignée (Catwoman)
72 – Femme étrangère (Princesse orientale)
73 – Femme fellinienne géante et Pantin (Cruelle marionnettiste)
74 – Femme vierge se faisant violer un soir de carnaval ou d’été à l’orée des bois
76 – Focalisation sur le péché (Péché originel)
77 – Folie (Sacralisation du fou)
78 – Frankenstein (Homme nouveau)
79 – Frère, fils, père, amant, maître, Dieu
80 – Fresques historiques (Antiquaire homo / Scarlett O’Hara / Temps / Instant / Futurisme)
81 – Funambulisme et Somnambulisme (Trapéziste homo)
82 – Fusion (Polysémie de l’adverbe « contre » / Feu)
84 – Haine de la beauté (Beauté du diable)
86 – Hitler gay (Nazis homosexuels)
87 – Homme invisible (Voile / Momie / Diamants / Caméléon)
88 – Homosexualité noire et glorieuse (Victimisation / Traître / Criminel homo / Tatouage)
89 – Homosexualité, vérité télévisuelle ? (Miroir d’homosexualité / Porno)
90 – Homosexuel homophobe (Frère homophobe)
92 – Humour-poignard (Blague virant au drame)
95 – Inceste (Père et fils homos tous les deux)
96 – Inceste entre frères (Frères homos tous les deux / Cousin / Oncle)
97 – Infirmière
98 – Innocence
99 – Inversion (Carte / Couteau / Trottoir d’en face)
100 – Jardins synthétiques (Femme végétale)
102 – « Je suis un Blanc-Noir »
103 – Jeu (Jeux vidéo / Internet / Jeu virant au drame / Jouet)
105 – L’homosexuel = L’hétérosexuel
106 – L’homosexuel riche / L’homosexuel pauvre
109 – Lunettes d’or (Feux d’artifice)
111 – Main coupée (Gants / Sang invisible)
112 – Manège (Fatigue d’aimer / Ennui / Infidélité)
113 – Maquillage (Décorateur homo / Paravent)
114 – Mariée (Robe blanche tachée de rouge / Règles / Sang / Laverie)
115 – Matricide (Politique maternelle du non-dit / Maman-putain)
117 – Médecin tué (Attaque contre les scientifiques)
119 – Mère gay friendly (Homoparents exemplaires / Homophobes repentants / Intuition féminine)
120 – Mère possessive (Maman mon tout mon roi / Maman-gâteau)
121 – Mère Teresa (Bon samaritain homosexuel)
122 – Milieu homosexuel infernal (Noir derrière l’arc-en-ciel / Descente aux Enfers)
123 – Milieu homosexuel paradisiaque (Bande de copains / Applaudissements / Cuculand)
124 – Milieu psychiatrique (Mère folle)
125 – Miroir (Miroir brisé ou kaléidoscopique / Traversée du miroir / Alice aux pays des merveilles)
126 – Moitié (Visage divisé / Rideau déchiré / Orange coupée / Siamois / Animal à deux têtes)
127 – Mort (Mise en scène de son enterrement / Cimetière / « Je suis mort » / Suicide)
129 – Morts-vivants (Monstres / Zombies)
130 – Musique comme instrument de torture (Opéra / Mélomane / Danse)
134 – Orphelins (Bâtards / Enfants adoptés / Parents divorcés)
135 – Oubli et Amnésie (Trou noir)
136 – Parodies de Mômes (Peter Pan / Bilboquet / Immaturité / Refus de grandir / Sales gosses)
138 – Passion pour les catastrophes (Accident / Télé voyeuriste)
139 – Patrons de l’audiovisuel
142 – Personnage homosexuel empêchant l’union femme-homme
143 – Petits Morveux (Haine des enfants / Enfants maltraités)
144 – Photographe (Caméraman / Filmer sa vie)
145 – Planeur (Rêveur / Science-fiction / Steward gay / Papillon)
146 – « Plus que naturel » (Extra-terrestre)
147 – Poids des mots et des regards
148 – Poupées (Marionnettes / Automates / Bodybuilding)
152 – Putain béatifiée (Prostituée lesbienne / Pute de luxe)
155 – Regard féminin (Cyclope / Pute borgne)
156 – Reine (Cruella)
157 – S’homosexualiser par le matriarcat
158 – Scatologie (Pipi / Caca)
159 – Se prendre pour Dieu (Transsexuel divin / Pied cassé / Divine)
160 – Se prendre pour le diable (Je suis maudit / Manichéisme nihiliste / Le Bien par le mal)
161 – Sirène (« Je suis le fils de la femme-poisson »)
163 – Sommeil (Dormeur du Val)
164 – Substitut d’identité (Play-back / Imitateur / Travestissement)
165 – Super-héros (Aventurier / « Personne n’est parfait »)
167 – Talons aiguilles (Talons aiguilles rouges)
168 – Tante-objet ou Maman-objet
170 – Témoin silencieux d’un crime
171 – Tomber amoureux d’un personnage de fiction ou du leader de la classe
172 – Tout (Extrêmes / Je suis toutes les femmes)
178 – Vierge (Vénus / Fée / Ève / Marie)
181 – Violeur homosexuel (Psychopathe homosexuel / Victime du grand viol reproduisant un autre viol)
183 – Voyage (Nomadisme dans l’immobilité / Route)
184 – Voyante extralucide (Cartomancienne)
Actrice-traîtresse
Traîtresse, je t’adore !
Le désir homosexuel, c’est l’histoire d’une idolâtrie. On remarque dans les œuvres homosexuelles (et parfois dans la réalité) que la féminité fatale agit comme un fantasme identificatoire puissant : le personnage homosexuel se prend pour la femme-objet qu’il considère comme sa mère – ou sa grand-mère –, et auquel il rêve de ravir l’identité immortelle. L’idole cinématographique, parce qu’elle n’arrive pas à devenir complètement réalité (elle vieillit, elle jaunit, elle n’est pas éternelle, elle a ses humeurs et son humanité), ou bien tout simplement parce qu’elle ne tient pas sa promesse de fusion à la personne qui rêve de s’identifier à elle, finit par être considérée comme une traîtresse. Il arrive que cet attachement souffrant soit figuré par l’image d’un personnage gay tenant dans sa main fermée une photo chiffonnée, signe du déni de son acte iconoclaste vengeur.
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Douceur-poignard », « Destruction des femmes », « Regard féminin », « Reine », « Femme-Araignée », « Haine de la beauté », « S’homosexualiser par le matriarcat », « Sirène », « Bourgeoise », « Prostitution », « Matricide », « Femme vierge se faisant violer un soir d’été ou de carnaval à l’orée d’un bois », « Grand-Mère », « Femme étrangère », « Duo totalitaire lesbienne/gay », « Bergère », « Mort = Épouse », « Chevauchement de la fiction sur la Réalité », « Pygmalion », « Tante-objet ou Mère-objet », « Putain béatifiée », « Mère gay friendly », « FAP la ‘fille à pédés’ », « Tomber amoureux des personnages de fiction ou du leader de la classe », « Télévore et Cinévore », « Mariée », « Fantasmagorie de l’épouvante », « Défense du tyran », « Musique comme instrument de torture », « Carmen », à la partie « Monstres » du code « Morts-vivants », à la partie « Traître » du code « Homosexualité noire et glorieuse », à la partie « Scène de répudiation » du code « Femme et homme en statues de cire », et à la partie « Espionne » du code « Espion homo », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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En général, dans les fictions traitant d’homosexualité, la femme-objet n’est pas une enfant de chœur. Elle est messagère de mort et incarne la figure de la trahison. C’est le cas dans le roman La Traición De Rita Hayworth (La Trahison de Rita Hayworth, 1968) de Manuel Puig, le tableau Le Spectre du sex-appeal (1932) de Salvador Dalí, la pièce La Reine morte (1942) d’Henri de Montherlant, le film « Orphée » (1950) de Jean Cocteau (avec Maria Casarès interprétant la Mort), la chanson « Miss Paramount » du groupe Indochine, le film « Doña Macabra » (1970) d’Hugo Argüelles, le roman Las Cortes De La Muerte (1911) d’Antonio de Hoyos, le film « The Wild Party » (1975) de James Ivory, le vidéo-clip de la chanson « I Wanna Go » de Britney Spears (avec la bimbo qui se venge des journalistes qui abusent d’elle), la chanson « Paparazzi » de Lady Gaga (où le personnage de la femme trahie devient elle-même meurtrière), la nouvelle « Virginia Woolf a encore frappé » (1983) de Copi, le vidéo-clip « Timebomb » de Kylie Minogue (qui vole le portable des passants, fonce sur des hommes, etc.), la comédie musicale Ball Im Berlin (Bal au Savoy, 1932) de Paul Abraham, la chanson « Beaucoup trop jolies » de Véronique Rivière, le film « Potiche » (2010) de François Ozon (avec Joëlle, la figure de la femme traîtresse), la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen (avec Graziella, la présentatrice folle-dingue dirigeant l’émission de télé-réalité Stars chez eux), le one-man-show Les Bijoux de famille (2015) de Laurent Spielvogel (avec le play-back de Marlène Dietrich en entrée et en sortie), le film « Mezzanotte » (2014) de Sebastiano Riso (avec le poster de la pochette de disque d’une chanteuse-vampire), etc.
L’actrice déçoit et violente ET ne déçoit pas parce qu’elle est violente sur nos écrans. « Je suis pute. » (Julie Duchâtel, la metteur en scène acariâtre dans le one-man-show Changez d’air (2011) de Philippe Mistral) Par exemple, dans la pièce Confidences entre frères (2008) de Kévin Champenois, Amélie, une des héroïnes lesbiennes, qualifie la « femme idéale » de « traîtresse ». Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, Dorian Gray tombe amoureux d’une belle comédienne, mais à partir du moment où elle a fait une représentation médiocre de Roméo et Juliette, il se pense trahi, rompt avec elle et l’entraîne au suicide : « C’était tout simplement du mauvais art. Tu as tué mon amour. Tu me laisses indifférent. Tu as tout gâché. Tu es vaine et stupide. » Dans la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier, les stars grabataires, détruites et auréolées d’un caractère tyrannique exécrable, sont mises à l’honneur. La comédienne, Marilyn Monroe, version moche et obèse, surnommée « Lourdes », danse en tutu comme l’hippopotame de « Fantasia ». Elle se présente comme une femme despotique, une bimbo faisant un discours politique anti-moches et pro-moches. Elle se plait à s’auto-détruire (« Eh oui ! Même Marilyn faisait caca. Ça casse le mythe. ») et demande au public qu’il l’aide à cela (« Fouettez-moi, battez-moi ! »).
L’actrice qui trahit est souvent collabo : « Pendant la guerre, on a souffert. Enfin… surtout à la Libération. Moi, j’ai été tondue. Moi qui ai connu les Allemands de près, je peux vous dire que je les connus de près, de très très près. Surtout Hans. Des Allemands, des aristocrates… d’une classe foooolle. Des gens qui gagnaient à être connus. » (la femme collabo dans le spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons (2012) de Didier Bénureau)
Elle a quelque chose de diabolique. Par exemple, dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, considère la chanteuse Madonna comme un démon qui la possède : « Madonna, quand elle rentre, pour la faire sortir… » Il la vénère autant qu’il la jalouse : « Quand je vous dis qu’elle est mauvaise… » Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, Norbert, le héros homosexuel, après avoir entonné une chanson d’Édith Piaf, la supplie de le quitter : « Édith, sors de ce corps ! »
L’actrice chérie par le héros homosexuel invite à une forme de damnation, d’oubli de soi, comme l’indique Fabien dans le roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green : « Je cède à cette tentation un peu comique de contempler le visage banal d’une actrice en vogue. J’oscille perpétuellement entre la nostalgie de la vertu et le désir de péchés que je n’ose point commettre, et je me sens à la fois profondément malheureux. » (p. 150)
La machine médiatique féminisée broie parfois le personnage homosexuel. Par exemple, dans le roman La Vie est un tango (1979) de Copi, Silberman est déchiqueté par une rotative dans la rédaction du journal où il travaille : « Les rouleaux de papier étaient rouges de sang. Une jambe se retrouvait coincée dans un engrenage. » (p. 51) Dans la pièce Ça s’en va et ça revient (2011) de Pierre Cabanis, Hugo, le héros homo, a mis un poster d’une chanteuse femme fatale avec des empreintes de mains ensanglantées sur elle (les mains de son fan, en l’occurrence…). Dans la comédie musicale Les Divas de l’obscur (2011) de Stéphane Druet, les actrices d’un hôpital psychiatrique sylvestre finissent par tuer l’unique homme de l’histoire, celui qui est désigné comme le « Prince charmant ». Dans le téléfilm « Le Clan des Lanzacs » (2012) de Josée Dayan, Élisabeth, une femme de fer à la tête d’un empire industriel important, a conduit son fils Nicolas au suicide en lui imposant la succession de l’entreprise familiale.
Fifi (le travesti M to F) – « Elle me poignarde !
Lou (l’héroïne lesbienne) – Et tu t’attendais à moins ? C’est toi la seule assassine ? »
(Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi)
L’actrice est parfois qualifiée de monstre : « Nous savons que vous êtes un monstre. » (l’Auteur s’adressant à Vicky Fantômas dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi, p. 251) Elle a le pouvoir de vampiriser et de tuer psychiquement son fan à distance. « Je suis mort. Yolanda m’a suicidée. » (Sor Estiércol dans le film « Entre Tinieblas » (« Dans les ténèbres », 1983) de Pedro Almodóvar) ; « Cette Barbara Streisand, elle t’a pas un peu déformé le cerveau ? » (le père d’Howard s’adressant à son fils homosexuel suite à son coming out, dans le film « In & Out » (1997) de Frank Oz) ; « Tatiana Debon est une blonde tout en rondeurs, mais couverte d’épines comme un de ces cactus rebondis qu’on voit sur les bouteilles de tequila. » (Christophe Bigot, L’Hystéricon (2010), p. 385) ; « Vestale de la Beauté monstrueuse. » (Warda dans le roman Hawa (2010) de Mohamed Leftah) ; « On dit que les actrices peuvent tuer pour un rôle. » (Sylvie s’adressant à l’actrice Isabelle, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Il y a une fille dans mon lit !! Qu’est-ce que je vais faire avec ça ?? J’espère qu’elle ne va pas me toucher, la vicieuse ! Je ne suis pas un sex-toy, Mademoiselle ! » (Fabien Tucci, homosexuel, s’adressant à une femme qu’il surnomme comme la chanteuse Rihanna, dans son one-man-show Fabien Tucci fait son coming-outch, 2015) ; « Je la supporte pas, celle-là. Je peux pas l’encadrer. » (Benjamin, le héros homosexuel, à propos de la chanteuse Lady Gaga, dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit) ; etc.
Par exemple, dans son one-man-show Elle est pas belle ma vie ? (2012), Samuel Laroque imite Catherine Deneuve en momie, Mylène Farmer en poupée muette (« Mylène Farmer, c’est un peu comme la Joconde. Tout le monde la voit, mais personne ne l’entend. »), Liliane Bettencourt en hideuse créature (elle est qualifiée d’« Horreur Loréale ») et Dalida en monstre (« Moi, je faisais la Belle et Dalida la Bête. »).
Le personnage homosexuel s’avoue assassiné par les mots de son actrice-amante : « J’ai adoré vous retrouver sous ses traits de vieille dame indigne, d’aristocrate aux mots qui tuent et au cœur en compote. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 58) ; « Je ne savais même pas ce que je cherchais alors, mais, la voyant, reine en haillons, marquise hautaine, vieille petite fille ridée, elle, la Dame de Bois-Rouge, puisqu’il faut dire son nom, je suis restée fascinée au centre de sa toile et je n’en suis sortie qu’éreintée, pourfendue, achevée par ses coups de pioche dans le cœur. » (idem, p. 129) ; « Une femme s’approche de moi. Elle souffle sur mon visage un chant en berbère. Elle me relève. Je me laisse faire. Elle s’arrête de chanter. Elle est douce. Elle me dit, en arabe, dans l’oreille gauche : ‘Va vers lui, va vers le Roi, c’est comme ton père. C’est ton père. ’ Et elle me pousse, violemment, dans sa direction. Je ne m’attendais pas à cette violence, à cette trahison. Je ne suis plus rien. » (Khalid, l’un des héros homosexuels du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 12) ; « Cantatrice, castratrice, ah ben une lettre ça peut tout changer hein… » (la femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc converti en homosexuel, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; etc.
La « pin-up du soldat », celle qui vient au front et conduit les Hommes à la mort, est souvent une icône gay : Bette Midler dans le film « For The Boys » (1991) de Mark Rydell, Marlene Dietrich dans le poème « Canción De Amor A Los Nazis En Baviera » de Néstor Perlongher, Lady Diana dans l’article « Todo El Poder A Lady Di » du même auteur, etc. Par exemple, pendant le concert Météor Tour d’Indochine à Paris-Bercy le 16 septembre 2010, sont intercalées sur les écrans géants des images de guerre avec des archives filmées de majorettes, de Reines de Beauté.
Parfois, cette actrice-traîtesse représente globalement tous les acteurs, qu’ils soient hommes ou femmes, qui peuplent les écrans des salles de ciné. Dans le film « Murder By Death » (« Un Cadavre au dessert », 1976) de Robert Moore, la femme de Sam Spade demande à son mari pourquoi il cache des magazines pleins d’hommes musclés et nus dans son bureau. Celui-ci lui répond : « Ce sont des suspects ! » Il les considère comme responsables de sa propre soumission à eux.
Cette rancœur nourrie par le personnage homosexuel envers ses idoles (hypersexualisées) de papier peut déboucher sur une vengeance ou un meurtre iconoclaste. Par exemple, dans le roman Les Dix Gros Blancs (2005) d’Emmanuel Pierrat, et encore dans la pièce Elvis n’est pas mort (2008) de Benoît Masocco, les stars du show business sont tour à tour assassinées. « Nous pendouillerons Cher ! » affirment les protagonistes homos de la comédie musicale À voix et à vapeur (2011) de Christian Dupouy en parlant de la chanteuse Cher. Dans le one-man-show Les Gays pour les nuls (2016) d’Arnaud Chandeclair, le narrateur homosexuel danse sur des tubes des chanteuses qu’il adore et qu’il insulte en même temps : « Ah la feignasse ! » s’insurge-t-il contre Kylie Minogue ; « Qu’est-ce qu’elle fait cette connasse ? » crie-t-il contre Lady Gaga. Quand le démon de la danse s’empare de lui, il s’adresse à la chorégraphe noire « Mia Frye, sors de ce corps ! ».
Du fait d’appartenir à un monde onirique que les humains ne peuvent pas rejoindre, l’actrice est considérée comme une mère cruelle et démissionnaire : « La grande dame nous laisse tous orphelins, c’est un malheur incommensurable pour l’humanité. » (Monsieur Charlie dans la pièce L’Héritage de la Femme-araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, p. 17) Sa puissance ne dure que le temps d’une chanson ou d’un film : « Björk avait terminé depuis longtemps. Sa voix malicieuse avait cessé de nous envoûter et le sortilège prenait fin avec le disque. » (la voix narrative du roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 187) ; « Jolie, crinière au vent, ses dessous dépassant de l’ouverture du fourreau pailleté, boitant sur une seule chaussure, traînant d’une main le renard, de l’autre son sac, suivit Silvano sans rien dire. […] Son maquillage dégoulinait. Jolie de Parma, celle qui l’avait tant ému au cinéma ! réalisa-t-il tout d’un coup. Hier encore, vous étiez mon idole, mon idéal de femme. » (le narrateur homosexuel du roman La Vie est un tango (1979) de Copi, pp. 22-23) ; etc.
Le héros homosexuel rêve de se venger de l’actrice-traîtresse, et dénigre sa reine : « Même la mort n’en veut plus. » (Léo, le héros homosexuel à propos de Loana, dans la pièce La Belle et la Bière (2010) d’Emmanuel Pallas) ; « Son vrai nom à Victoria Abril, c’est Victoria Merda ! » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; « Surtout, ne jamais aimer Mylène. […] Aimer Carla Bruni, à moins d’être coiffeur, c’est direct le bûcher ! » (Jonathan, le héros homosexuel de la pièce À partir d’un SMS (2013) de Silas Van H.) ; « Avoir rencontré Jolie d’une façon aussi hasardeuse que désagréable le remplissait d’une confusion que Silvano dissimula en adoptant une attitude méprisante. Pour se donner du courage, il se dit : ‘Quand je raconterai à Dorita que la célèbre Jolie de Parma n’est que la putain d’un sénateur…’ » (Copi, La Vie est un tango (1979), pp. 14-15) ; « Mon illusion, c’est le monde des femmes telles qu’elles sont : plus animales que l’homme mais dont personne ne peut les accuser de passion ! » (Lou, l’héroïne lesbienne s’adressant à sa mère Solitaire, dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (2014) de Copi) ; « Une actrice. Oui. Une pute, c’est bien ce que je dis. » (Benjamin, l’un des héros homos de la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Vous êtes une sangsue. Une hyène ! » (Philippe s’adressant à Elisabeth, la présentatrice-télé qui l’a traîné médiatiquement dans la boue, dans la pièce Mon frère en héritage (2013) de Didier Dahan et Alice Luce) ; etc.
Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne, présentatrice télé, détruit le milieu audiovisuel dans lequel elle gravite : « Les actrices sont toutes des malades mentales. » Elle se qualifie elle-même de « peau de vache ». Dans le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras, Strella, le héros transsexuel M to F, imite parodiquement la Callas qui se shoote, alors que, pourtant, elle l’adore : « Je l’ai vue à la télé et ça m’a rendu dingue. […] Notre seul point commun, c’est d’être cinglées. » Dans la pièce Une Visite inopportune (1988) de Copi, le rapport entre Cyrille, le héros homosexuel, et la cantatrice Regina Morti est passionnel : « Je garde encore ce mot que vous m’avez envoyé lors de la première de la Tosca à la Scala di Milano, le voici : ‘Regina, ti amo ! Regina, ti amo ! ’. » (Regina) ; « Je ne peux pas vous épouser, ma chère Regina. » (Cyrille) ; « Je ne vous ai jamais envoyé ce billet ridicule ! » (idem) ; « Je déteste les cantatrices d’opéra, il est impossible de les faire taire. » (idem) ; etc. Cyrille finit par traiter Regina d’« espèce de vieille truie ».
L’actrice est détestée de ne pas parvenir à arracher celui qui s’identifie à elle de sa soi-disant misérable existence : « La Négresse du tableau ne m’aimait pas. Elle avait raison. Elle était devenue, au fil du temps, ma rivale. Mon ennemie. Des yeux qui ne se fermaient jamais. Elle avait, elle aussi, le don de voir. » (Hadda à propos du tableau du Louvre, Portrait d’une négresse de Marie-Guillemine Benoist, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 196)
Lors du concert d’Oshen à l’Européen de Paris, le 6 juin 2011, Océane Rose-Marie a tout à fait illustré la jalousie des personnes homosexuelles envers la star de magazine, ce reflet narcissique qui fait souffrir et qui fait scandale, précisément parce qu’il n’arrive pas à nous transformer complètement en objet comme lui : « Une fois, j’ai vu dans un magazine une femme qui me ressemblait. Je n’arrêtais pas de me demander : pourquoi cette femme me ressemble ? Pourquoi elle est dans le magazine et pas moi ?!? […] Elle me ressemblait, et ça me rendait malheureuse. Cette femme dans le magazine qui me ressemblait, je ne sais pas pourquoi, mais ça m’a explosé à la figure. » Cette femme-objet sur papier glacé ne parvient pas à nous entraîner avec elle dans son univers de paillettes ; elle nous abandonne ; elle ne peut pas concrètement nous diviniser par contamination visuelle. Et ça, les personnes homosexuelles ne l’ont pas avalé.
L’actrice étant aussi par définition le piège-à-hommes, il est donc logique qu’elle apparaisse aux yeux du héros homosexuel comme LA rivale à neutraliser, la pimbêche qui vient lui voler son/ses amant(s). Par exemple, dans le film « Alone With Mr Carter » (2012) de Jean-Pierre Bergeron, Lucilla, la copine de Mr Carter, est considérée comme une traîtresse par le jeune héros homosexuel, John, secrètement amoureux de Mr Carter, justement.
L’acte de destruction de la star – soit parce que c’est elle qui détruit, soit parce qu’elle est détruite par son fan homosexuel – est souvent envisagé comme un acte d’amour. Le héros homosexuel rêve son actrice à la fois morte et toute-puissante, éternellement vieille… pour continuer de la haïr pour toujours ! « Cette vieille, la Vénérable, vraiment je lui en voulais, j’y avais cru plus qu’à tout le reste, et voilà, j’étais baisé. » (Vincent Garbo, le héros homosexuel du roman éponyme (2010) de Quentin Lamotta, p. 109) ; « Ayez pitié d’une pauvre femme par-dessus vieille ! J’allume la boule. Vous la voyez votre petite Delphine pendue ? Monsieur, me dit-elle, je me sens mal. Mes sels ! Je la gifle. Je l’attrape par les cheveux, lui cogne le front contre la boule de cristal, elle râle, elle s’affaisse sur sa chaise, elle a une grosse boule bleue sur le front, un filet de sang coule de son oreille. En bas on entend le bruit régulier de la caisse, je regarde par la fenêtre, le boulevard Magenta est toujours le même. La vieille continue de râler, je l’étrangle, elle meurt assise. Je me recoiffe de mon peigne de poche, j’enfile mon imperméable. » (le narrateur homosexuel assassinant Madame Audieu, dans le roman Le Bal des folles (1977) de Copi, p. 89) ; « C’était une dame que j’appréciais beaucoup. Je n’aurais jamais pu lui faire du mal. Ça aurait été comme si je tuais ma propre mère. » (Pretorius, le vampire homosexuel parlant de Mme Yank, la comptable de 80 ans de l’Hôtel du Transylvania, dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander) ; « Marlène Dietrich : une idiote ! » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; etc.

On retrouve la star vieillissante par exemple dans les spectacles d’Élie Kakou (avec l’ancienne claudette Mongola), le film « Beautiful Thing » (1996) d’Hettie MacDonald (avec la diva à la retraite), l’album Le Monde fantastique des gays (1986) de Copi (avec la Doyenne), la pièce Quand les belles-mères s’invitent ! (2014) de Stéphane Henriaut, la comédie musicale Cindy (2002) de Luc Plamondon (avec la Palma « has been »), le film « Mine Vaganti » (« Le Premier qui l’a dit », 2010) de Ferzan Ozpetek (avec la grand-mère de Tommaso, le héros homosexuel), le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini (avec les quatre vieilles divas), la comédie musicale Le Cabaret des hommes perdus (2006) de Christian Siméon (avec la vieille star de music-hall handicapée), le film « The Devil Wears Prada » (« Le Diable s’habille en Prada », 2006) de David Frankel (avec la diabolique Miranda), le film « Höstsonaten » (« Sonate d’Automne », 1978) d’Ingmar Bergman (avec Charlotte la mère pianiste retraitée), la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier (avec la figure de Marilyn Monroe grabataire et obèse), le film « The Fan » (1981) d’Edward Bianchi, le film « Il était une fois dans l’est » (1974) d’André Brassard, le film « Women » (1939) de George Cukor, la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte (avec Jenny), le one-(wo)man-show Charlène Duval… entre copines (2011) de Charlène Duval (avec la star à la carrière finissante, parodiant les Marlène Dietrich et Zizi Jeanmaire qui n’ont pas su s’arrêter à temps), le one-(wo)man-show Lady Raymonde (2014) de Denis D’Archangelo, la chanson « Et si vieillir m’était conté » de Mylène Farmer, le film « Tan de Repente » (« Tout à coup », 2002) de Diego Lerman (avec la grand-mère chanteuse), le film « Die Bitteren Tränen der Petra von Kant » (« Les Larmes amères de Petra Von Kant », 1972) de Rainer Werner Fassbinder, le film « Sunset Boulevard » (« Boulevard du Crépuscule », 1950) de Billy Wilder (avec la Norma Desmond), le spectacle musical Yvette Leglaire « Je reviendrai ! » (2007) de Dada et Olivier Denizet, le film « Le Clair de terre » (1969) de Guy Gilles, les films « Femmes Femmes » (1974), « Corps à Cœur » (1978), et « En haut des marches » (1983) de Paul Vecchiali, le film « Heat » (1972) de Paul Morrissey (avec Sylvia Miles), le film « Best in Show » (« Bêtes de Scène », 2000) de Christopher Guest, le film « Beverly Kills » (2005) de Damion Dietz, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, le roman L’Autre (1971) de Julien Green (avec Mademoiselle Ott), le film « Lilting » (« La Délicatesse », 2014) de Hong Khaou (avec Junn, la mère en maison de retraite), le film « East Of Eden » (« À l’est d’Éden », 1955) d’Elia Kazan (avec Kate, la mère vieillissante démissionnaire, gangster et indépendante : « Jamais personne ne me dira ce que je dois faire ! »), le film « Chéri » (2009) de Stephen Frears (avec Léa, la star à la retraite), la comédie musicale Une Étoile et moi (2009) d’Isabelle Georges et Frédéric Steenbrink (avec Leslie Caron, la vieille actrice accueillie et ovationnée comme une diva), le film « Un autre homme » (2008) de Lionel Baier (avec la vieille fumeuse), le one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba (avec les vieilles grands-mères), le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras (avec Mary, le vieux transsexuel M to F ayant un cancer mais fumant quand même comme un pompier), la pièce Folles Noces (2012) de Catherine Delourtet et Jean-Paul Delvor (avec Paulette Poussin, l’arrière-grande-tante de Jean-Paul, complètement grabataire, imité par son petit-neveu homo), le sketch de la « Belle-mère » de Didier Bénureau, etc. Par exemple, dans la série et téléfilm It’s a Sin (2021) de Russell T. Davies, l’amant diplomate de Roscoe, au moment de recevoir Margaret Thatcher en personne, bande concrètement à cause d’elle. Et Roscoe, par vengeance, dit qu’il a vraiment pissé dans le thé qui sera servi à la première ministre.
Les stars adulées par le personnage homosexuel sont en général à l’article de la mort. Par exemple, dans la chanson « Les Adieux d’un sex-symbol » de l’opéra-rock Starmania de Michel Berger, l’actrice déclassée Stella Spotlight symbolise le déni du statut mortel des Hommes. Elle se définit elle-même comme la mort en personne : « Voulez-vous voir la mort en face ? Elle s’habille en technicolor. » Dans le film « The Curiosity of Chance » (« Saisir sa chance », 2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, a une tendance à « l’imitation de chanteuses mélodramatiques décédées comme Rosemary Clooney, Dionne Warwick, Ethel Merman ». Dans le one-(wo)man-show Zize 100% Marseillaise (2012) de Thierry Wilson, Zize, le travesti M to F, se présente comme une Miss France à la retraite. Dans la pièce Tante Olga (2008) de Michel Heim, le lieutenant Kalachnikov homosexuel avoue qu’il est attiré par les vieilles. Dans son one-man-show Gérard comme le prénom (2011), Laurent Gérard rentre dans la peau de sa grand-mère Mamita, anti-socialiste, raciste, acariâtre, bourgeoise. Dans le one-man-show Au sol et en vol (2014) de Jean-Philippe Janssens, Jeanfi, le steward homo, se moque des hôtesses de l’air vieillissantes et acariâtres avec leurs plus jeunes collègues, qui utilisent le chariot de victuailles comme des déambulateurs : « Les vieilles hôtesses, elles, elles ne nous aiment pas, elles nous parlent mal. » Dans la pièce Les Fugueuses (2007) de Pierre Palmade et Christophe Duthuron, Claude est la vieille femme infréquentable, anti-conformiste, inflexible, peu docile, « chieuse », rebelle, vulgaire, volage, solide comme un roc… bref, immortelle. Dans son one-man-show Bon à marier (2015), Jérémy Lorca rentre dans la peau d’une actrice vieillissante qui fait des publicités, Marie-Astrid : « Dans ‘Autant en emporte le vent’, en 1939, c’est moi qui faisais le vent. » Dans le film « Marguerite » (2015) de Xavier Giannoli, Kyril, le dandy maniéré avec son monocle, se gausse méchamment de Marguerite en feignant de l’aduler : « Je vous adore ! »
« Je travaille à mon grand come-back. » (la mère transgenre M to F se rétamant plusieurs fois sur scène, dans le one-(wo)-man show Désespérément fabuleuses : One Travelo And Schizo Show (2013) du travesti David Forgit) ; « Je n’ai pas le temps d’aller faire le mannequin en Australie, d’ailleurs, je suis trop vieille. » (« L. », le personnage transgenre M to F de la pièce Le Frigo (1983) de Copi) ; « Le fait de s’habiller en jumelles leur conservait une certaine clientèle d’amateurs malgré leur soixantaine bien entamée. » (Mimi et Gigi, les deux travestis M to F de la nouvelle « Les vieux travelos » (1978) de Copi, p. 87) ; « La Solitaire entre par en haut de l’escalier. C’est une belle femme de quarante ans, habillée luxueusement. » (Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « Catherine D. est en chantier. » (Philippe Mistral évoquant l’actrice Catherine Deneuve, dans son one-man-show Changez d’air, 2011) ; « Quand je serai vieux, j’aimerais tellement être comme vous. » (Romain, le coiffeur homosexuel s’adressant à Isabelle la concertiste, dans la pièce Dernier coup de ciseaux (2011) de Marilyn Abrams et Bruce Jordan) ; « Ophélie, si tu nous entends, là-haut, on t’embrasse. » (Jérémy Lorca s’adressant à la chanteuse déclassée Ophélie Winter, dans son one-man-show Bon à marier, 2015) ; etc.
Généralement, cette star hautaine expulse son fan. C’est le cas de la méchante vieille dans le film « Tatie Danielle » (1989) d’Étienne Chatiliez (le petit-neveu gay Jean-Marie est rebaptisé de « Jeanne-Marie » par elle), de Lena horrible avec son fan Ernesto dans le film « Los Abrazos Rotos » (« Étreintes brisées », 2009) de Pedro Almodóvar, de l’odieuse Grany dans le one-man-show Comme son nom l’indique (2008) de Laurent Lafitte, de Mrs Whittaker dans le film « Easy Virtue » (« Un Mariage de rêve », 2009) de Stephan Elliott, de Margo méprisant ses fans dans le film « All About Eve » (« Ève », 1950) de Joseph Mankiewicz, de Victoria dans le film « Madame Satã » (2001) de Karim Aïnouz, de la bourgeoise maléfique (dont on ne voit que la main) qui tient le téléphone à Steven mourant dans son lit d’hôpital dans le film « I Love You Phillip Morris » (2009) de Glenne Ficarra et John Requa, de toutes les stars méprisantes vis-à-vis des fans masculins dans les vidéo-clips des chansons « I Outta Love » d’Anastacia, « My Love Don’t Cost A Thing » de Jennifer Lopez, « J’envoie valser » de Zazie, « Moi… Lolita » d’Alizée, « He Wasn’t Man Enough For Me » de Toni Braxton, « I Never Loved You Anyway » des Corrs, etc.
Par exemple, dans le film « Todo Sobre Mi Madre » (« Tout sur ma mère », 1998) de Pedro Almodóvar, Uma Rojo refuse un autographe à son fan Esteban qui, à cause de cela, mourra dans un accident de voiture. Dans le film « Xenia » (2014) de Panos H. Koutras, toutes les actrices sont à la fois idéalisées et maltraitées parce qu’elles ignorent ou maltraitent leur fan homosexuel. En effet, Dany, le héros homo, cherche à atteindre son inaccessible idole, la chanteuse-actrice Patty Pravo (« Patty, c’est mon idole, mon porte-bonheur. ») qui le salue de loin depuis un bateau de croisière, qui à la fin du film ne lui adressera qu’un furtif « Amore » depuis sa limousine noire, avant de disparaître à tout jamais. Frustré par cette relation puissante et distante à la fois, Dany se venge d’une des doublures de Patty nommée Vivi. Vivi est la belle-mère de Dany, la poupée par excellence (habillée en rouge comme Patty, et blonde décolorée aussi comme Patty), vivant dans une villa en parfaite femme au foyer soumise… Dany débarque chez elle avec un flingue et la considère comme une rivale qui lui a piqué son père.
Le fan homosexuel vit une vie par procuration avec « sa » star : « Quand je touchais un salaire de misère pour payer ma chambre de bonne, j’avais toujours épinglée votre photo sur mon miroir. J’ai suivi avec grande attention votre carrière. » (Vicky s’adressant à la Comédienne, dans la pièce La Nuit de Madame Lucienne (1986) de Copi) Voyant que cette actrice ne partage pas son quotidien, il finit par détruire l’effigie de son idole pour mieux prouver qu’elle est immortelle et qu’elle survivra à sa destruction iconographique/symbolique. C’est le cas dans la pièce Une Cigogne pour trois (2008) de Romuald Jankow, le film « The Bubble » (2006) d’Eytan Fox, le film « Gunman In The Streets » (« Le Traqué », 1950) de Frank Tuttle et Boris Lewin, le film « Le Foto Di Gioia » (« Delirium », 1987) de Lamberto Bava, le film « Fotos » (1996) d’Elio Quiroga, le film « La Tour Montparnasse infernale » (2000) de Charles Némès, le film « Le Testament d’Orphée » (1959) de Jean Cocteau, le film « Spring Fever » (« Nuits d’ivresse printanière », 2009) de Lou Ye, le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh (avec la photo de Petra et sa collègue, déchirée par Jane la compagne de Petra), la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir (avec la destruction des photos, jetées au feu), le film « Plan B » (2010) de Marco Berger (avec la photo du sosie de Bruno jetée par Laura), le film « Como Esquecer » (« Comment t’oublier ? », 2010) de Malu de Martino (avec la photo brûlée, serrée au poing), etc.
Par exemple, dans la pièce El Vals De Los Buitres (1996) d’Hugo Argüelles, Lionel détruit un poster de Bette Davis avec un couteau. Dans le film « ¡ Harka ! » (1941) de Carlos Arévalo, Herrera déchire la photo de sa fiancée Amparo. Dans le film « Salò O Le 120 Giornate Di Sodoma » (« Salò ou les 120 journées de Sodome », 1975) de Pier Paolo Pasolini, une fille se fait arrêter par les bourreaux parce qu’elle possède une photo sous son oreiller : elle est assassinée pour crime d’idolâtrie. Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, jette les photos des footballeurs qu’il a utilisées pour faire son article sur l’équipe de foot de son lycée.
La photo cristallise et mythifie autant qu’elle fige le modèle féminin dans la mort et l’horreur : « Il faut que je t’explique pourquoi j’ai peur de la photographie. Pour moi, c’est la mort. Je me rappelle Maman presque tous les jours. Je me souviens d’un après-midi en particulier. Nous étions sur les rives de la Sunshine Coast, dans le golfe d’Alaska. Partout il y avait de la neige, c’était blanc à perte de vue. Papa avait acheté un Polaroïd, Maman s’était assise sur un tas de neige. Son visage ce jour-là sera son visage pour toujours. J’entends tout à coup le clic de l’appareil, le zzz de la photo qui sort – petit à petit, le portrait se révèle… Je trouve ça magique. Et pourtant, lorsque les traits de Maman deviennent tout à fait nets sur le papier glacé, je ne la reconnais plus… Elle a déjà changé. Je la regarde, je regarde la photo, je la regarde, je reviens à la photo : ma mère s’enfuit ! Je pleure énormément. La photo tombe sur la neige. Quand mon père la ramasse, les couleurs ont suinté, le visage de ma mère n’est plus qu’une traînée rose. » (Chris, l’un des héros homos du roman La Synthèse du camphre (2010) d’Arthur Dreyfus, p. 44) ; « Dans un dernier flash, elle [Truddy] vit le visage de sa mère, morte à sa naissance et qu’elle n’avait connue que par des photos. » (Copi, « Les Potins de la femme assise » (1978), p. 40) ; « J’ai été la victime du rouleau compresseur médiatique. » (Cindy, l’héroïne hétérosexuelle qui joue la lesbienne pour ses besoins de célébrité, dans la pièce La Famille est dans le pré (2014) de Franck Le Hen) ; etc.
Le personnage homosexuel est sous la dépendance d’un cliché photographique qu’il ne veut pas lâcher. On retrouve souvent dans les fictions homo-érotiques le motif de la main serrant un papier chiffonné : cf. le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec le mouchoir froissé dans la main, aux toilettes), le poème « Lugar » (1980) de Néstor Perlongher, le film « Naissance des pieuvres » (2007) de Céline Sciamma, le vidéo-clip de la chanson « Libertine » de Mylène Farmer, le film « Nuits d’ivresse printanière » (2009) de Lou Ye, etc.
Par exemple, dans le film « Rebel Without A Cause » (« La Fureur de vivre », 1955) de Nicholas Ray, Platon cache une photo du bel acteur Alan Ladd dans son vestiaire. Dans le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, Odetta, qui prenait sans arrêt les autres personnages en photo, finit mystérieusement pétrifiée sur le lit familial, à l’image de ses clichés. Elle garde une main crispée qui renferme le symbole de son idolâtrie… On ne saura jamais ce que c’est. L’arroseur arrosé apparaît également avec le professeur Figueroa dans le film « Tesis » (1996) d’Alejandro Amenábar, tué par le film qu’il était en train de voir.
De nombreux écrits traitant d’homosexualité nous présentent des personnages gardant dans leur main une icône dont ils ont du mal à se détacher, et qu’ils détruisent pour mieux effacer leur idolâtrie : « Chloé avait du sang entre les dents quand on l’a retrouvée inanimée dans la forêt de Sénart, un papier avec mon nom dans son poing serré. » (Cécile parlant de sa compagne, dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, p. 136) ; « Ma main crispée sur une carte postale, la plus banale la plus vulgaire La Place du Tertre tandis que je retiens une espèce de plainte, un grognement dont je m’affole de ne pas reconnaître la nature, je serre les dents, mon corps légèrement incliné au-dessus de la carte vers le guichet. » (le narrateur homosexuel dans le roman La Peau des Zèbres (1969) de Jean-Louis Bory, p. 173) ; « Il sentit sous sa paume le papier lisse d’un exemplaire de l’Imitation que sa mère lui avait donné pour son vingt-deuxième anniversaire, et tout à coup il fut repris par un monde qui lui parut aussi étroit qu’une geôle. » (le héros homosexuel du roman Si j’étais vous (1947) de Julien Green, p. 16) ; « Alors, par un mouvement de révolte qui lui rendit toute sa vigueur, il se leva, arracha cette image pieuse fixée avec une punaise et d’un geste rageur la déchira en quatre morceaux, puis, ouvrant la fenêtre, il lança dans le vide ces petits fragments de papier bariolés de couleurs naïves. » (Emmanuel Fruges, idem, p. 185) ; « Alors elle serre ce papier tout froissé sur son cœur, son cœur peut-être aussi froissé que le papier, autant… ou davantage. » (Molina, le personnage homosexuel du roman El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1979) de Manuel Puig, p. 218)
Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony vit toujours dans la nostalgie de son « amour » impossible avec Scrotes : « L’amour est comme un phare. Adieu, Scrotes… » dit-il en froissant un papier.
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
En règle générale, les égéries LGBT ne sont pas des enfants de chœur. Par exemple, dans le documentaire « Let’s Dance – Part I » (diffusé le 20 octobre 2014 sur la chaîne Arte), il est question de danser de manière « férocement glamour ». Les icônes gays incarnent la quintessence de la trahison et de la violence sophistiquées. Les personnes homos aiment soutenir des femmes machistes, mégalos, ridicules dans leur prétention à être absolument stars, mais sincères dans leur mégalomanie, des êtres qui transcendent la différence des sexes et qui font la nique à tout le monde : on peut penser à Madonna, Lady Gaga, Afida Turner (cf. interview avec Jeremstar), Cindy Sander, Mylène Farmer, Nabilla Benattia, Lady Gaga, Jeanne Moreau, Judy Garland, etc. Ces actrices jouent le rôle de l’homme-objet conquérant et indépendant. Par exemple, sur la chaîne NRJ 12, le 5 février 2011, Afida Turner dit qu’elle « est un mec dans un corps d’homme. » Pour la chaîne TF1, Thomas Vergara, le petit copain de la bimbo Nabilla Benattia qui l’a poignardé, avoue qu’elle n’est pas vraiment un homme : « C’est un garçon, en fait, Nabilla. »
Et en même temps, les personnes homosexuelles se retournent contre ces femmes cinématographiques qui les maltraitent, les méprisent (dans leur virilité ou leur féminité) et ne les aiment pas d’un amour réciproque à celles qu’elles imaginent leur donner. « Elle [Katia Leonsky] aimait appeler ses jeunes admirateurs ses ‘nains’. Pour combler son narcissisme, il fallait la présence d’au moins sept admirateurs. Ernestito lui offrit une Vénus de Milo miniature en fromage. En la mangeant, elle ressemblait à un rat. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 297) Par exemple, le retournement inattendu du public gay contre son égérie Madonna (qui n’a fait que 45 minutes de concert à l’Olympia à Paris en 2012) laisse songeur.
L’actrice est détestée par la communauté homosexuelle de ne pas parvenir à arracher celui qui s’identifie à elle de sa soi-disant misérable existence : « Quand j’étais petit, je jouais à la diva pop dans ma cuisine. Donc je peux comprendre qu’on admire une chanteuse au point qu’on a envie non seulement d’être son meilleur ami et de vivre sa vie, mais aussi d’être à sa place. » (Mykki Blanco, homosexuel, interviewé dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Chacun d’entre eux avait quelque chose à reprocher à Concha. Ils voulaient tous être son unique amant ou son amante exclusive. L’esclave de cette déesse toute-puissante. Chacun exigeait Concha pour soi seul. Raimundo l’accusait d’indifférence, parce que Concha acceptait ses faveurs à condition qu’un autre homme, souvent racolé par Carlo le coiffeur, le possède d’abord. Raimundo se sentait humilié par cette femme qu’il vénérait. Il estimait que sa virilité partait en lambeaux. Il ne pouvait plus s’expliquer de façon cohérente qu’il eût accepté à regret les conditions mortifiantes de Concha. Il ne pouvait plus revenir dessus. Mais si, il le pouvait : en assassinant Concha. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 31) ; etc.
Dans cette émission de Touche pas à mon poste! (2022 sur D8), le présentateur Matthieu Delormeau étrille la chanteuse Beyoncé – grande icône gay et porte-drapeau de la communauté LGBT mondiale – en la traîtant de traîtresse parce qu’elle a accepté de faire un concert à Dubaï, fief de « la plus grande homophobie ».
Dans le documentaire « Tellement gay ! Homosexualité et Pop Culture », « Inside » (2014) de Maxime Donzel, Lea Delaria, femme lesbienne, dit qu’elle est fan de l’actrice Sigourney Weaver jouant Ellen Ripley dans le film « Alien », parce qu’elle s’y identifie. Mais lorsque dans le scénario de la série de film, l’héroïne finit par coucher avec des mecs, la déception arrive : « J’étais dégoûtée qu’elle couche avec des hommes. J’étais dégoûtée qu’elle couche tout court ! »
Dans la réalité, les bimbos les plus célébrées par la communauté homosexuelle ont pu être aussi les plus taxées d’« homophobes » : rappelons-nous d’Anita Bryant (ancienne Miss Oklahoma dans les années 1970), de Brigitte Bardot (et de Frigide Barjot aussi !), de la soprano Élisabeth Schwarzkopf, de Carrie Prejean (Miss California qui a perdu sa couronne de Miss USA en 2009 pour avoir soutenu que le mariage n’était souhaitable qu’entre un homme et une femme), etc. On peut penser également à Judy Garland, icône gay par excellence, et qui à la fin de sa vie insultait ses fans (« J’en ai rien à foutre du public ! ») ; ou bien à Mylène Farmer qui se montre depuis toujours d’une grande froideur à l’égard de la communauté homo.
C’est la raison pour laquelle il n’est pas étonnant d’entendre dans le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant à la fois l’exaltation («Anita Bryant nous a unis ! ») et la diabolisation («Anita, sorcière ! ») de l’actrice. Jean-Luc Lagarce, dans son journal intime (tenu de 1977 à 1995), ne fait pas secret du rêve d’immortalité déçu qu’il partage avec son idole Marlene Dietrich : « Je pensais qu’elle et moi, nous étions immortels. » Dans ses mémoires Palimpsestes (1995), Gore Vidal explique les dégâts de sa confusion entre réalité et fiction : « Malheureusement, je pris le cinéma au sérieux, et s’il ne me fit aucun mal, il mit néanmoins mon sang-froid à rude épreuve. » (p. 418) Quant à Alberto Mira, il reproche à Madonna son irréalité et sa bonté majoritairement de façade : « Madonna est bonne, Madonna est, comme Evita, une sainte, et comme Evita, une révolutionnaire. Comme Evita, elle donne beaucoup d’argent aux associations caritatives, et comme Evita, elle est inimitable. Bref, Madonna est comme Evita, un point c’est tout. C’est justement ça le problème… » (cf. la dernière phrase de l’article « Madonna », dans l’essai Para Entendernos (1999) d’Alberto Mira, p. 483)
Il se tisse souvent un lien étrange, à la fois fidèle, passionnel et haineux, entre le fan homosexuel et la femme-objet, lien où la star féminine finit par l’emporter : « Mes fans gays ne m’ont jamais laissé tomber. Même dans les moments difficiles. Les homos sont étranges. Ou ils t’adorent, ou ils ne savent même plus que tu existes… » (la chanteuse Cher interviewée dans le documentaire « Somewhere Over The Rainbow » (2014) de Birgit Herdlitschke, diffusé en juillet 2014 sur la chaîne Arte) ; « Marlene Dietrich savait qu’elle avait un following gay. Elle jouait avec. » (Michel Gaubert, homosexuel, idem)
C’est le vieux chêne indétrônable que la communauté homosexuelle célèbre en l’actrice. Beaucoup de personnes homosexuelles aiment les stars vieillissantes, les comédiennes déclassées ou au contraire défiant le temps et les modes : Pascal Sevran, François Ozon, Frédéric Mitterrand, Panos H. Koutras, Marcel Proust, Denis D’Archangelo, etc.
« Les deux copines [Jacques et Luisito] prirent le chemin du retour, en récitant alternativement les noms d’actrices françaises et argentines. Ginette Leclerc, Mona Maris, Martine Carol, Olga Zubarry, Arletty, Tita Merello, Leslie Caron, Elsa Daniel, Elvire Popesco…
– Ah non, celle-là n’est pas française, protesta Luisito avec force.
– Oui, elle est polaque ou roumaine, dit Jacques.
– Ou juive, comme toi. »
(Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), pp. 227-228)
Je vous renvoie au documentaire « Poussières d’Amour » (1996) de Werner Schroeter, au livre d’essais Miss Media (1997) de Ricardo Llamas, etc. Certaines personnes homosexuelles admirent la femme à la soixantaine séduisante et possédant encore une classe époustouflante pour son âge : par exemple, Laura (Jeanne Moreau) dans le film « Le Temps qui reste » (2005) de François Ozon, Victoria (Julie Andrews) dans le film « Victor, Victoria » (1982) de Blake Edwards, Camille (Catherine Deneuve) dans le film « Après lui » (2007) de Gaël Morel, Catarina (Géraldine Chaplin) dans le film « Hable Con ella » (« Parle avec elle », 2001) de Pedro Almodóvar, Blanche (Vivien Leigh) dans le film « A Streetcar Named Desire » (« Un Tramway nommé Désir », 1950) d’Elia Kazan, etc. « Il mettait très bien en scène les dames âgées. » (Jean Cocteau par rapport à son amant Jean Marais, dans le documentaire « Cocteau/Marais : un couple mythique » (2013) d’Yves Riou et Philippe Pouchain)
Un certain nombre de personnes homosexuelles célèbrent l’actrice vieillissante tant qu’elles peuvent s’identifier à elle : « C’est notre côté vieilles taties. » (une Sœur de la Perpétuelle Indulgence, dans le documentaire « Et ta sœur » (2011) de Sylvie Leroy et Nicolas Barachin) ; « C’était une très belle femme vieillissante aux cheveux très longs : une sorte de vieille Mélisande étendue sur un lit voilé de dentelles. » (Alfredo Arias, Folies-Fantômes (1997), p. 192) ; etc.
Par exemple, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), Abdellah Taïa vénère la vieille Sabah : « Sabah faisait son come-back. Cette chanteuse libanaise mythique de plus de 80 ans qui était devenue, à force de liftings, une statue, une momie, une icône, une petite fille étrange à la chevelure flamboyante et très blonde. Une femme à la voix un peu rauque qui défie le monde et le monde arabe. » (p. 66) Mais la déception ne tarde pas à arriver et, avec elle, la dénonciation de la mort-réalité : « Sabah y était plus blonde et plus figée que jamais. Sa voix n’avait miraculeusement pas changé mais son visage blanc était devenu un masque, celui de la mort peut-être. […] Mais ce retour-événement était, au fond, lui-même triste. Sabah n’était plus Sabah. L’âge d’or cinématographique et musical que je connaissais très bien et auquel elle avait contribué était révolu depuis au moins trois décennies déjà. » (idem, p. 67)
De son côté, Thierry Le Luron aimait particulièrement imiter les vieilles divas : Line Renaud, Alice Sapritch, Chantal Goya, etc. … pour mieux les croquer. « Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours aimé les vieilles dames » avoue Frédéric Mitterrand dans son autobiographie La Mauvaise Vie (2005). Quant à Jean-Philippe, travesti M to F, concernant son personnage de Charlène Duval, il dit d’elle qu’« elle est une synthèse de toutes les stars vieillissantes » (cf. l’article « Charlène Duval » de David Lelait, sur ce site consulté en juillet 2005).
La relation entre les personnes homosexuelles et l’actrice est d’ordre idolâtre, c’est-à-dire qu’elle repose sur une passion jalouse, un fétichisme, une destruction d’image désirée comme une résurrection et un acte magique. Nous retrouvons cette idée de l’estampe détruite dans l’autobiographie Folies-fantômes (1997) d’Alfredo Arias : « J’imaginais Lola couchée dans le petit lit, regardant le plafond et les murs où étaient accrochées les photos et les affiches de sa fille Clara, chanteuse folklorique argentine. Elle devait regretter la beauté de Clara, la beauté radieuse de ces photos. Elle devait serrer les poings pour retenir ses larmes. » (p. 71) On comprend que cette photo chiffonnée est un cliché sur lequel certaines personnes ont pu crisper leur désir, ont pu jouir, pas génitalement mais fantasmatiquement parlant (ou par procuration avec un homme « hétéro » qui les attirait…) : « Ernestino [homosexuel] se promit de ne jamais raconter ce qu’il avait vu. Nacho [l’homme « hétérosexuel » espionné] , entre-temps, avait joui sur une photo de Gina Lollobrigida, qu’il avait serrée fortement entre ses mains, faisant une boule de papier engluée dans son sperme. » (idem, p. 199)
Par ailleurs, de nombreux artistes homosexuels pratiquent un art fondé sur l’iconoclastie des stars vieillissantes : cf. la photo « Apparition du fantôme du sex-appeal » (1936) de Claude Cahun. Ils détruisent par la parodie les genres musicaux, théâtraux, littéraires qu’ils aiment le plus et qui sont tous très féminins (exemples : Francis Bacon, François Ozon, Christian Siméon, Marcel Proust, Andy Warhol, Yvette Leglaire, Jérémy Patinier, etc.). Je me souviendrai longtemps du passage de la chanteuse Cindy Sander (petite starlette de la télé-crochet qui s’était fait connaître par sa chanson cheap « Papillon de lumière ») à la soirée des Follivores au Bataclan le soir de la Gay Pride 2008 : l’hystérie des gens qui m’entouraient confinait à la sincérité-foutage-de-gueule…
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Je rejoins la souffrance… parce que je ne la supporte pas et je la fuis !
Étrange autant que fascinant. Je vais vous expliquer comment ceux qui rejoignent le sadomasochisme sont, contrairement à l’idée reçue, les fils-à-maman douillets terrorisés par la souffrance.
En effet, certaines personnes homosexuelles se sont parfois attachées viscéralement à une mort imagée pour ne pas affronter (ce qu’elles imaginent être) la mort réelle. Du coup, elles cherchent parfois à se frotter aux deux. C’est le cas de l’écrivain Yukio Mishima qui, à force de vouloir fuir la mort, l’a rejointe dans le mythe actualisé en se suicidant selon la tradition samouraï : « Je me complaisais à imaginer des situations dans lesquelles j’étais moi-même tué sur le champ de bataille ou assassiné. Pourtant, j’avais de la mort une peur anormale. » (Confession d’un masque, 1971) De même, la pratique du sadomasochisme dans la communauté homosexuelle ne renvoie pas du tout au soi-disant « plaisir dans la douleur » comme la société et beaucoup de personnes homosexuelles se plaisent souvent à le faire croire. Il s’agit plutôt du rejet de la souffrance qui conduit à la mise en scène actualisable de celle-ci. Ce sont d’ailleurs les personnes homosexuelles qui refusent le plus catégoriquement de reconnaître la réalité de la violence, qui s’exposent paradoxalement au sadomasochisme. « Je ne supporte pas l’idée de souffrance » déclare par exemple Pablo, l’adepte des clubs cuir dans le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni. C’est pourquoi on compte, parmi les personnes homosexuelles, un certain nombre d’adeptes des pratiques SM, des individus qui, par ailleurs, ressemblent à des « Monsieur Tout le Monde » dans la vie quotidienne, voire à des mauviettes. Comme pour eux, le plaisir dans la souffrance n’est pas dans sa réalisation mais dans sa figuration, et qu’il s’agit moins de détruire que d’illustrer esthétiquement la destruction, ils atténuent la réalité du sadomasochisme dans le « milieu homosexuel » en affirmant qu’elle est « cliché » ou « réservée aux dépravés » ou bien en la spiritualisant/l’esthétisant/la romantisant, pour ensuite la rendre parfois effective. L’évitement de la castration (au sens de la reconnaissance des limites du Réel) conduit au masochisme. Aussi bizarre que cela puisse paraître, la liberté humaine est toujours limitée et a un prix : la souffrance. Et si ce prix n’est pas assumé, mais qu’au contraire il est nié, l’être humain s’expose à rechercher – cette fois sans liberté et sans conscience – la souffrance. Sous toutes ses formes. Y compris la forme homosexuelle et la forme brutale. La violence fait partie intégrante du désir homosexuel, même si actuellement on préfère n’y voir qu’amour, douceur, progrès et liberté. Les libertaires homosexuels, en voulant sincèrement abolir les limites humaines pour acquérir ce « toujours plus de liberté » – une liberté sans forme et sans corps sexué –, finissent par s’imposer d’autres limites, plus radicales, plus invisibles, et qu’ils n’ont pas toujours la force de dénoncer. Curieusement, la fuite du Réel par le fantasme conduit à l’appétit de violence chez des individus pourtant souvent angoissés par le sang, la mort et la souffrance réels, et qui ont même une apparence de fils-à-maman anxieux, vu de l’extérieur. Chez eux, la violence de l’acte sadomasochiste est atténuée par une sacralisation de la dimension ludique/scénique du SM, et par une sublimation des intentions amoureuses poussée à l’extrême. Il n’y a là aucun goût pour le « souffrir » ou le « faire souffrir », au final.
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Super-Héros », « Talons-aiguilles », « Musique comme instrument de torture », « Milieu homosexuel infernal », « Homosexualité noire et glorieuse », « Liaisons dangereuses », « Vierge », « Androgynie Bouffon/Tyran », « Fusion », « Symboles phalliques », « Chiens », « Se prendre pour Dieu », « Coït homosexuel = viol », « Planeur », « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » », « Extase », « Voleurs », « Quatuor », « Homosexuels psychorigides », « Hitler gay », « Entre-deux-guerres », et à la partie « Désir de viol » dans le code « Viol », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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Il est question de sadomasochisme en lien avec l’homosexualité dans la pièce À plein régime (2008) de François Rimbau, le film « Preaching To The Perverted » (1997) de Stuart Urban, la pièce À trois (2008) de Barry Hall, le vidéo-clip de la chanson « Beyond My Control » de Mylène Farmer, le one-man-show Petit cours d’éducation sexuelle (2009) de Samuel Ganes, le film « Brüno » (2009) de Larry Charles, le one-man-show Le Comte de Bouderbala (2014) de Sami Ameziane (avec le flic homo), la chanson « Viril » de Jean Guidoni, le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni, le film « Shoot Me Angel » (1995) d’Amal Bedjaoui, le film « The Caretaker » (« Le Gardien », 1963) de Clive Donner, le film « Kurutta Butokai » (« Asti : Lunar Eclipse Theater », 1989) d’Hisayasu Sato, le film « Fireworks » (1947) de Kenneth Anger, la comédie musicale Panique à bord (2008) de Stéphane Laporte, la chanson « Les Liens d’Éros » d’Étienne Daho, la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, le film « Singapore Sling » (1990) de Nikos Nikolaidis, le roman La Colmena (1951) de Camilo José Cela (avec Matías le personnage homo), le roman El Anarquista Desnudo (1979) de Luis Fernández, la pièce Les Babas cadres (2008) de Christian Dob (avec le tee-shirt « Monsieur SM » en guise de décor), le film « Les Nuits fauves » (1991) de Cyril Collard, le film « The Black Cat » (« Le Chat noir », 1934) d’Edgar G. Ulmer, le film « The Glass Key » (« La Clé de verre », 1942) de Stuart Heisler, le film « Brute Force » (« Démons de la liberté », 1947) de Jules Dassin, le film « The Servant » (1963) de Joseph Losey, le film « Billy Budd » (1962) de Peter Ustinov, le film « Sadomania : Hölle Der Lust » (1981) de Jess Franco, la pièce La Mort vous remercie d’avoir choisi sa compagnie (2010) de Philippe Cassand (avec la psychanalyste parodiée en thérapeute SM, avec son fouet), le film « Hana To Hebi » (« Fleur secrète », 1974) de Masaru Konuma, le film « El Topo » (1970) d’Alejandro Jodorowsky, le film « Mercy » (« Amours mortelles », 2001) de Damian Harris, le film « Frisk » (1995) de Todd Verow, les films « The Elegant Spanking » (1995), « The Black Glove » (1997) et « Ecstasy In Berlin 1926 » (2004) de Maria Beatty (traitant du SM lesbien), le film « Taxi Nach Kairo » (1987) de Frank Ripploh, le film « Die Grausame Frau » (« Séduction, femme cruelle », 1985) de Monique Treut, le film « Las Edades De Lulú » (« Les Vies de Loulou », 1990) de Juan José Bigas Luna, le film « Empire State » (1987) de Ron Peck, le film « The Attendant » (1992) d’Isaac Julien, la pièce Western Love (2008) de Nicolas Tarrin et Olivier Solivérès, le film « Irréversible » (2001) de Gaspar Noé, le film « Sitcom » (1997) de François Ozon, la pièce Big Shoot (2008) de Koffi Kwahulé, la planche « Les Beaux Quartiers » dans la B.D. Le Monde fantastique des gays (1986) de Copi, le vidéo-clip « Outside » de George Michael, le film « Hors les murs » (2012) de David Lambert, le film « Clamp » (2000) de Maïa Cybelle Carpenter, le film « F. est un salaud » (1998) de Marcel Gisler, le film « Tom à la ferme » (2014) de Xavier Dolan, le vidéo-clip de la chanson « Foolin’ » de Devendra Banhart, la chanson « Hellbent For Leather » du groupe Juda’s Priest (avec la référence au cuir, notamment), la chanson « Monsieur Vénus » de Juliette (avec l’amour lesbien pour la cravache), etc.
On retrouve l’association entre homosexualité et sadomasochisme chez Zhang Yuan, Michael Kleeberg, Élisabeth Herrgott, etc. Les personnages homosexuels disent trouver leur bonheur dans la souffrance : « Il souffrait de joie. » (Michel del Castillo, Tanguy (1957) p. 102) ; « You are in love with pain. » (Michel Hermon se parlant à lui-même, dans son spectacle-cabaret Dietrich Hotel, 2008) ; « Il y a des douleurs qu’on dit exquises. » (Émilie s’adressant à son amante Gabrielle, dans le roman Je vous écris comme je vous aime (2006) d’Élisabeth Brami, p. 18) ; « À la première seconde, je savais que j’allais l’aimer, que j’allais souffrir. Au fond, il m’avait déjà échappé au premier instant où je l’ai vu. J’ai voulu faire durer cette imposture le plus longtemps possible. La douleur est éblouissante, très pure. Insultes, bagarres, nuit aux urgences, points de suture. Encore du sang entre nous. […] Si j’avais voulu ne pas souffrir, j’aurais refusé de sortir avec toi. » (Stéphane parlant de son ex-amant, le jeune et beau Vincent qui le frappe de temps en temps physiquement, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « J’aimerais beaucoup être un Sauveur pour Collins… Je l’aime et je désire être blessée comme vous l’avez été. » (Stephen, l’héroïne lesbienne, parlant à Jésus en croix, dans le roman The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1932) de Marguerite Radclyffe Hall, p. 31) ; « Le bonheur réside souvent dans ce qui nous fait souffrir. » (Ronit, l’héroïne lesbienne, dans le roman La Désobéissance (2006), p. 227) ; « J’aimerais bien prendre un coup. » (Jules, le héros homosexuel, au lieu de dire « Je vais prendre un coup » pour dire « boire un verre », dans la pièce Les Sex Friends de Quentin (2013) de Cyrille Étourneau) ; « Personnellement, je préfère le fouet. » (Miss Daisy, le personnage transsexuel M to F du film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco) ; « Chez les 4 Jean, on a un baptême du feu spécifique. Tu dois faire preuve d’allégeance et de soumission à tes futurs compagnons. […] Les Sentinelles, c’est un truc de passifs. […] Si demain tu veux t’enchaîner toi aussi, tu n’hésites pas. » (Jean-Jacques s’adressant à Jean-Marc le novice, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Selon le rituel de nos frères de Russie, nous allons te purifier. » (les Virilius bizutant et maltraitant le traître homo, Jean-Marc) ; « Qu’est-ce que j’ai fait de mes menottes, moi ? Ah oui ! Je les ai oubliées chez Hervé ! » (un ami homo du couple lesbien Kim/Alexandra, dans le film « On ne choisit pas sa famille » (2011) de Christian Clavier) ; « Pauvre femme battue. Jane n’est plus assez rapide pour parer tes coups de poings. » (Tielo, le frère jumeau de Petra, l’héroïne lesbienne en couple avec Jane, charriant sa sœur à cause de l’éraflure au visage de sa compagne, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 32) ; « Tu sais pourquoi les gens aiment la violence ? Parce que ça fait du bien. » (Alan Turing, le mathématicien homosexuel, s’adressant à Hugh, dans le film « Imitation Game » (2014) de Mortem Tyldum) ; « Je voudrais juste qu’il souffre. » (Bryan parlant de son amant Tom, dans la pièce Les Vœux du Cœur (2015) de Bill C. Davis) ; etc.
Par exemple, dans la pièce La Cage aux Folles de Jean Poiret (version 2009, avec Clavier et Bourdon), Jacob réclame sa fessée. Dans la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel, la thématique du SM dans le « milieu homo » est abordée : les personnages portent des « cuirs et des menottes », et s’interrogent sur les pratiques de leurs pairs : « Ah ? Ils sont gays, les homos ? Ils attrapent par le sling. » Dans le roman Babyji (2005) d’Abha Dawesar, Anamika, l’héroïne lesbienne, rêverait de poser à une de ses profs une question provocatrice sur le sadomasochisme lesbien : « Madame, est-il vrai que certaines femmes aiment la violence ? » (p. 113) Dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut, Lucifer, habillé en cuir, entretient une relation SM avec l’Archange Raphaël, la « pédale » super efféminée ; ils finiront en couple. Dans le film « Haltéroflic » (1983) de Philippe Vallois, on assiste à la passion sadomasochiste entre un flic et un athlète. Dans la pièce Le Frigo de Copi (mise en scène en 2011 par Érika Guillouzouic), surgit un moustachu sadomaso. Dans le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin, Lucas et Vincent fréquentent le milieu cuir gay. Dans la pièce Doris Darling (2012) de Ben Elton, Doris, l’héroïne lesbienne possède dans sa chambre de la ficelle, des menottes. Dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, les protagonistes lesbiennes se maltraitent en même temps qu’elles « se baisent » : par exemple, Alexandra, la narratrice lesbienne, attache sa bonne, Marie, au lit (p. 202). Et elle se laisse dominer par elle : « Marie m’avait révélé le désir secret qu’elle avait de me commander. Et la position particulièrement dans laquelle je m’étais mise à genoux, comme lui faisant allégeance, avait encore augmenté mon plaisir. » (Alexandra, la narratrice lesbienne, commandée par sa bonne, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 154) Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Kévin/Bryan, en couple, se frappent mutuellement et « par amour » : « J’ai besoin d’un punching-ball » dit Bryan, qui avoue avoir « besoin de dominer Kévin » ; et Kévin émet l’hypothèse qu’il puisse aimer que Bryan le frappe (p. 231) mais a quand même peur qu’il recommence (p. 233). Quand la mère de Kévin lui demande s’il aime souffrir ainsi que le masochisme, il lui répond « Un peu » (p. 273). Dans le film « Freier Fall » (« Free Fall », 2014) de Stephan Lacant, c’est lors d’une simulation d’émeute entre manifestants et CRS que Engel et Brandt rentrent violemment en contact… juste avant de sortir ensemble. Dans la pièce Y a comme un X (2012) de David Sauvage, la sonnerie de portable de Jessica, le héros transsexuel M to F, ce sont des coups de poing. Dans le one-man-show Raphaël Beaumont vous invite à ses funérailles (2011) de Raphaël Beaumont, le bourgeois libertin homosexuel organisant des parties SM dans son manoir. Dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, au moment des coïts, Emma et Adèle, au moment de leur coït, s’infligent des fessées au sommet de l’orgasme. Dans la pièce Copains navrants (2011) de Patrick Hernandez, le couple homosexuel Vivi et Norbert scénarise son coït comme un hold-up pour pimenter leur plaisir. Dans la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, François, homosexuel, est vendeur dans un magasin de vêtements féminins et fait croire qu’il est frappé par son amant Thomas afin d’apitoyer la clientèle : « Non Régine, il ne m’a pas refrappé. » Dans le film « 22 Jump Street » (2014) de Phil Lord et Christopher Miller, Zook fait mine de suggérer un tournage de fist-fucking en proposant à son pote Jenko de jouer aux jeux-vidéo. Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Doyler couche avec un amant de passage qu’il maltraite… et qui en redemande, par « amour », en plus : « Si tu veux, tu peux me frapper. » Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon deux fois (2015) de Philippe Cassand, Fabien entretient lui-même une liaison dangereuse avec un repris de justice sado-masochiste : Herbert. Dans le film « The Duke Of Burgundy » (2015) de Peter Strickland, Une lépidoptériste (spécialiste des papillons) austère entretient une relation sadomasochiste avec sa femme de ménage, jeune et soumise à tous ses désirs. Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Rosa la prostituée et son client Jules, avant de passer au lit dans une scène SM, simule le joli petit couple à table qui va manger du canard à l’orange.
Dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand, Fabien entretient avec son amant Herbert une relation SM. Pourtant, le jeune homme est en couple régulier avec Hugues, son médecin. Et ce dernier n’est pas tant choqué par l’infidélité de Fabien que par les risques hygiéniques qu’il prend : « Je crois qu’ils ont des rapports sado-masos… et qu’ils sont non-protégés. »
On peut identifier dans le sadomasochisme vécu par le héros homosexuel une forme d’homophobie intériorisée, dans laquelle il se punit lui-même de pratiquer son désir homosexuel en allant jusqu’aux ultimes limites de ce comportement. « Tu crois que c’est comme les pédés qui cherchent à se faire violenter dans le SM, tu finis toujours par t’apercevoir à un moment ou un autre que ce qu’ils recherchent dans cette violence contrôlée (parce qu’elle est donnée dans un cadre sexuel stricte) c’est de vivre ce qu’ils ont le sentiment de mériter en tant que pédé. Genre je suis pédé, je mérite de me faire tabasser, je me fais honte, steplé, tabasse-moi pour que je sois en concordance avec moi-même. Tu crois pas ? » (Claude, l’héroïne lesbienne dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 47) ; « Les garçons préfèrent toujours ceux qui les malmènent. » (Laurent Spielvogel imitant André, un homme gay d’un certain âge, dans son one-man-show Les Bijoux de famille, 2015) ; etc. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si l’amalgame entre homosexualité et sadomasochisme soit fait par les héros homophobes qui rêvent de reproduire sur leurs victimes homosexuelles les pratiques violentes de leur propre homosexualité refoulée. Par exemple, dans la B.D. Pressions & Impressions (2007) de Didier Eberlé, Romain, le héros homosexuel, est suspecté d’être « un de ces sadomasos en cuir ».
Le héros homosexuel suit le chemin du SM paradoxalement parce qu’il cherche à fuir à tout prix la mort et la souffrance réelles : « Je ne suis pas apte pour la souffrance. » (cf. réplique de la pièce La Estupidez (2008) de Rafael Spregelburd) ; « J’ai horreur de la violence sauf pour jouer et jouir. » (François pratiquant le SM avec son « mari » Max, dans le roman Riches, cruels et fardés (2002) d’Hervé Claude, p. 110) ; « Et pourtant, je n’ai jamais supporté la souffrance d’un être animé… » (Lacenaire, le criminel de la pièce éponyme (2014) d’Yvon Bregeon et Franck Desmedt) ; etc. La souffrance et le viol sont esthétisés, donc leur violence, atténuée : « Mon plaisir se construit sur un paradoxe : je ne peux aspirer à la flagellation, celle qui blesse, punit, avilit ; mais l’idée d’un châtiment est un puissant stimuli érotique. » (la narratrice lesbienne du roman Mathilde, je l’ai rencontrée dans un train (2005) de Cy Jung, p. 60) ; « La fessée est par nature baroque. » (idem, p. 52) ; « Mes coups, parfois, je les retenais pas. Mes mots, oui. » (Vincent s’adressant à son amant Stéphane, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; etc. Par exemple, dans la pièce Ma Première Fois (2012) de Ken Davenport, la protagoniste lesbienne est excitée par les résistances de sa copine (« Arrête, lâche-moi ! ») et se sent poussée à la violenter pour la satisfaire et éteindre ses plaintes, paradoxalement.
Le plus étonnant, c’est que le héros homosexuel qui pratique la sadomasochisme n’est pas dans la vie la brute épaisse qu’on attendait, mais au contraire le fils-à-maman douillet, raffiné et précieux.
On retrouve le charismatique saint Sébastien dans le roman Dix Petits Phoques (2003) de Jean-Paul Tapie, la pièce L’Opération du Saint-Esprit (2007) de Michel Heim, le film « Saint » (1996) de Bavo Defurne, le film « Suddenly Last Summer » (« Soudain l’été dernier », 1960) de Joseph Mankiewicz, la pièce La Tempête (1661) de William Shakespeare, le film « Lilies » (1996) de John Greyson, le film « Les Enfants terribles » (1949) de Jean-Pierre Melville, le roman Les Archers de Saint Sébastien (1912) de Jean Cocteau, le vidéo-clip de la chanson « Losing My Religion » du groupe R.E.M., la photo Queer Saint (1999) de Joël Peter Witkin, la toile Saint Sébastien (2003) de Pierre Buraglio, le roman Mort à Venise (1912) de Thomas Mann, le roman Le Martyre de Saint-Sébastien (1911) de Gabriele d’Annunzio, la pièce musicale Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro, le roman Marcos, Amador De La Belleza (1913) d’Alberto Nin Frías, la chanson « I’m A Sinner » de Madonna, le roman El Martirio De San Sebastián (1917) d’Antonio de Hoyos, le film « Sebastiane » (1975) de Derek Jarman, le film « Mishima » (1984) de Paul Schrader, la pièce Le Funambule (1958) de Jean Genet, le film « Strella » (2009) de Panos H. Koutras (avec le saint Sébastien de Pierre et Gilles en affiche dans la chambre d’Alex), etc. Par exemple, dans « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel porte un tatouage avec un Saint Sébastien sur le cœur ; et à la fin du film, il se met à battre son jeune amant en lui flanquant des fessées et en l’étranglant. Benji, le héros homo de la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, prend à un moment donné la position du saint Sébastien. Dans le film « Adèle Blanc-Sec » (2010) de Luc Besson, la momie fait les yeux doux au tableau de Saint Sébastien exposé au Louvre. Dans le roman The Girl On The Stairs (La Fille dans l’escalier, 2012) de Louise Welsh, l’appartement berlinois du « couple » Petra et Jane donne sur le cimetière de Saint-Sébastien.
Le saint Sébastien homosexuel est représenté en photo (Pierre et Gilles, Michel Guillaume, Raymond Voinquel, Orion Delain, Fred Jagu, Pierre Sarfati, Christian Rouchouse et Marcel, Joseph Caprio, Miklos Feyes, David Nassoy, etc.), en sculpture (Tony Riga, Ange et Damnation, etc.), en peinture (Gustave Moreau, Alex Rochereau, Bertrand Bolognesi, Philippe Bernier, Moktar Bakayoko, Sandra Venturini, Franck Rezzak, Paul Boulitreau, Bruno Perroud, Jérôme Marichy, Narcisse Davim, Michael Sebah, etc.), en dessin (Kinu Sekigushi, Logan, Guy Thomas, Jean Cocteau, Édouard MacAvoy, Olympe, Phil Burns, Elsa Caitucoli, Thom Seck, Christophe Catalan, Alain Burosse, Cuneo, Ers Raspaut, etc.). Je vous renvoie au grand dossier consacré entièrement à saint Sébastien dans l’art homosexuel, dans Triangul’Ère 3 (2001) de Christophe Gendron (pp. 1049-1105).
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
On trouve chez les personnes homosexuelles un certain nombre d’adeptes des pratiques SM : Xavier Gicquel, le groupe britannique Frankie Goes to Hollywood, Michel Foucault, James Dean (il aime les brûlures de cigarettes), Dennis Cooper, Francis Bacon, Jane Bowles, Sylvano Bussoti, Hervé Guibert, Patrice Chéreau, Eloy de la Iglesia, Valentine Penrose, Mario Mieli, Mathieu Lindon, Yukio Mishima, Paul Verlaine, etc. « J’ai aussi vécu des choses de domination. » (la femme transsexuelle F to M interviewée dans le documentaire « Le Genre qui doute » (2011) de Julie Carlier) Par exemple, Jean-Luc Lagarce, dans sa pièce biographique Ébauche d’un portrait (2008), narre ses expériences sado-masochistes. Michel Foucault voit dans le SM une contribution à « l’art de vivre », à la culture de soi : « Ce que les pratiques SM nous montrent, c’est que nous pouvons produire du plaisir à partir d’objets très étranges, en utilisant certaines parties bizarres de notre corps, dans des situations très habituelles. » (Michel Foucault, « Sexe, pouvoir et la politique de l’identité », Dits et Écrits II, p. 1557) Marcel Jouhandeau raconte à l’émission « Apostrophe » (du 22 décembre 1978 sur Antenne 2) que « tout ce qui lui fait du mal lui fait du bien ». Pietro Citati souligne à propos de Marcel Proust que « son destin était celui de la douleur. C’est par la douleur qu’il établissait son rapport aux autres » (Pietro Citati, « La Douleur pour destin », dans Magazine littéraire, n°350, janvier 1997, p. 24). Dans la biographie Carson McCullers (1995) de Josyane Savigneau, il est fait allusion à « la tendance à l’autodestruction de Carson McCullers » (p. 135). Selon Gérard Lefort, Yves Saint Laurent possède « cet étrange art de se détruire » (cf. la revue Têtu, n°135, juillet-août 2008, p. 54). Jacques Guérin évoque également la tendance à l’autodestruction chez Genet et Leduc : « Jean Genet avait en commun avec Violette Leduc ce goût du massacre, ce besoin de démolir. Pour des gens comme eux, il fallait que tout aille mal, c’était une stimulation. » (Valérie Marin La Meslée, « Jacques Guérin : Souvenirs d’un collectionneur », dans Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 72). Pascal Sevran, dans sa biographie Le Privilège des jonquilles, Journal IV (2006), parle de certains de ses amants ayant des pratiques SM : « De la fessée, ce bonheur démodé, les enfants rêvent toute leur vie, c’est la punition du bon Dieu, celle de l’amour aussi. Stéphane en raffolait, Julien la recherche. » (p. 109) Parmi les sites de rencontres homos, certains ont des noms évocateurs : SmBoy, entre autres. Le film « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari confine au documentaire, car avec le sadomasochisme (tout comme avec le porno d’ailleurs), la simulation devient action concrète : les scènes de SM sont filmées sur le vif, dans de vrais bars cuir new-yorkais, et ne sont plus jouées.
Certains n’hésitent pas à voir dans le sadomasochisme une voie transgressive de vivre ses désirs, un chemin alternatif révolutionnaire : « La révolution sexuelle est en marche à Hollywood ! » (cf. le commentaire par rapport au film sur le SM « Interior. Leather Bar » (2013) de James Franco et Travis Matthews, dans le catalogue du 19e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en 2013, p. 29) ; « La plupart des lieux de prédilection fréquentés par les homosexuels étaient urbains, civils, sophistiqués. Le scénariste américain Ben Hecht, à l’époque correspondant à Berlin pour une multitude de journaux des États-Unis, se souviendra longtemps d’y avoir croisé un groupe d’aviateurs, élégants, parfumés, monocle à l’œil, bourrés à l’héroïne ou à la cocaïne. Les hommes s’habillaient en femmes et les femmes en homme, travestis ou non. On pouvait fouetter ou se faire fouetter, sucer, inonder de pisse ou de merde, étrangler jusqu’à un fil de la mort. » (Philippe Simonnot parlant de la libéralisation des mœurs dans la ville nazie berlinoise des années 1920-30, dans son essai Le Rose et le Brun (2015), p. 30) ; etc. Comme l’explique très bien le psychanalyste Jean-Pierre Winter, le sadomasochisme est le signe d’un refus de ses limites humaines et un désir de toute-puissance : « L’évitement de la castration conduit au masochisme. » (Jean-Pierre Winter, Homoparenté (2010), p. 132)
Le sadomasochisme semble être aussi, pour les personnes en panne d’identité, le moyen ultime pour exister (par personne interposée ou poing inséré !), pour « se sentir ». Par exemple, dans son essai Saint Foucault (2000), David Halperin écrit que le sadomasochisme représente « une rencontre entre le sujet moderne de la sexualité et l’altérité de son corps » (p. 101). On rejoint ici les paradoxes du désir de fusion (identitaire) que je décris dans le code « Fusion » de mon Dictionnaire des Codes homosexuels) : « En l’observant pénétrer Fabien, la jalousie m’a envahi. Je rêvais de tuer Fabien et mon cousin Stéphane afin d’avoir le corps de Bruno pour moi seul, ses bras puissants, ses jambes aux muscles saillants. Même Bruno je le rêvais mort pour qu’il ne puisse plus m’échapper, jamais, que son corps m’appartienne pour toujours. » (Eddy Bellegueule se faisant sodomiser par son cousin Bruno, aux côtés de Fabien et de son violeur, dans la biographie En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 154)
En réalité, je vois dans le sadomasochisme une forme d’homophobie intériorisée, dans laquelle les personnes se punissent de pratiquer leur désir homosexuel en allant jusqu’aux ultimes limites de ce comportement (et du déni de ce dernier). Comme l’a souligné René Girard, se cachent derrière la pratique SM la haine de soi et la jalousie : « Le masochisme, la jalousie morbide et l’homosexualité latente se présentent perpétuellement ensemble. » (René Girard, Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978), p. 473)
Dans le reportage « La Fistinière : Caméra au poing », on voit bien que le sadomasochisme, bien loin de se cantonner à l’homosexualité, est un éloge du libertinage asexué. Il est une pratique qui traduit un appétit d’excitation sexuelle et génitale plus global, une boulimie incontrôlée, angoissée et débordante, plus proche de la bisexualité et de la pulsion asexuée libertine que de l’homosexualité. « Je n’étais pas spécialement attiré par les filles, ni par les garçons… Dans ma dernière année d’humanité, j’ai entendu parlé pour la première fois de la masturbation et suite à ces conversations, j’ai essayé de me masturber… cela a marché. De plus, je me masturbais en mettant une veste de cuir de mon frère et aussi des bottes de cuir : cet acte fétichiste ajoutait à ma satisfaction. Je ne sais pas pourquoi je recherchais ces vêtements liés à certains fantasmes de mon enfance… J’en ai quelques souvenirs ! […] Durant toutes ces années de formation puis après l’ordination, j’ai continué à me masturber sans jamais me confesser de ce péché bien que je pratiquais ce sacrement; j’étais comme bloqué pour avouer ce péché ! Certaines périodes étaient plus calmes et je pensais être débarrassé de cette habitude mais cela reprenait et parfois je le faisais plusieurs jours en suivant; Au niveau du fétichisme, j’avais des gants et des bottes en caoutchouc qui ajoutaient à mon excitation. » (un ami de 52 ans, dans un mail d’octobre 2013) ; « J’ai vu alors apparaître sur mon écran des scènes que je soupçonnais même pas. J’y ai pris du plaisir et je me suis masturbé. Il m’est arrivé de passer une nuit à regarder ces scènes à m’inscrire sur des sites où peut chater avec quelqu’un qui se masturbe, j’ai écrit des propos obscènes. J’étais pris dans les filets de la pornographie ! Je me suis inscrit sur des sites de rencontres pour gays, ou sur Doctissimo avec les forums de discussion sur les fantasmes : j’y ai rencontré quelqu’un et je me suis masturbé sous ses ordres : nous nous respections mais je cherchais à discuter avec lui et à nous donner du plaisir ; Tous ces sites m’ont aussi conduit à fixer une rencontre – un plan cul – chez moi. Heureusement, cela ne s’est jamais produit ! Finalement, dans toutes ces pérégrinations, j’ai découvert deux sites qui m’ont beaucoup excité : Bluf (pour les hommes qui aiment les pantalons et bottes de cuir et les uniformes) et aussi Recon Leather (pour les fétichistes du cuir). Que de beaux mecs ! Je me suis renseigné afin de rencontrer un membre de Bluf en Belgique afin qu’il me conseille pour m’équiper de cuir : bottes, veste et pantalon … Nous avons fixé un rendez-vous pour ce jeudi 24 octobre… ! » Le sadomasochisme vient aussi d’un ennui vécu dans la vie sexuelle. Ce n’est pas un hasard qu’il soit pratiqué majoritairement par des individus plus âgés, qui cherchent à tout prix à repousser leurs limites et qui n’ont trouvé que la violence pour vivre de nouvelles expériences amoureuses après leurs nombreuses années de pratiques sexuelles débridées mais encore soft (cf. le documentaire « Zucht Und Ordnung », « Law And Order » (2012) de Jan Soldat).
En France, en 1996, se crée l’association des filles SM, les Maudites Femelles. Je vous renvoie au documentaire sur le milieu SM lesbien avec « Bloodsisters : Leather, Dykes And Sadomasochism » (1995) de Michelle Handelman, ainsi qu’aux spectacles de Judy Minx. Il existe un lien étroit entre désir lesbien et sadomasochisme… étonnant si on s’en tient aux discours habituels sur l’amour lesbien, chantant l’exceptionnelle douceur des femmes lesbiennes (qui seraient nettement plus « sentimentales », « fidèles », et plus « fines » que leurs homologues masculins…). À la question « Existe-t-il un sadomasochisme lesbien ? », Viviane, femme lesbienne de 38 ans, répond : « Oh oui ! (rires) ne serait-ce qu’à l’Entrepôt, mais ça a fermé. Ça a quand même duré un an ou deux. J’ai vu des filles au festival de films lesbiens qui se réclamaient du S/M. » (Viviane dans Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne : Vie de couple, sexualité, représentation de soi (2010), p. 237)
Le dégoût affiché de la violence ne va pas forcément vers le rejet de celle-ci. Bien au contraire. Il s’organise sous forme de mise en scène qui aveugle celui qui s’efforce de croire que le jeu atténue, éloigne, fige, voire neutralise la mort. « On rejoue la crucifixion et le sacrifice de Jésus. Mais ce n’est pas qu’un jeu. Il serait dommage de ne voir tout cela que comme une mascarade. C’est bien mieux d’en voir une version authentique et concrète. Tout ceci forme un grand jeu bien réglé. Un jeu sacré. Et le sacré accentue encore le caractère orgiaque de cette mise en scène. » (David Berger, homosexuel attiré par le sadomasochisme et ancien clerc, dans le documentaire « Du Sollst Nicht Schwul Sein », « Tu ne seras pas gay » (2015) de Marco Giacopuzzi) C’est la raison pour laquelle chez Barthes par exemple, « la violence s’organisait toujours en scène », et qu’il a rejoint la souffrance tant détestée et crainte par la théâtralité du SM : « Il tolérait mal la violence. » (Roland Barthes, parlant de lui-même à la troisième personne, dans Roland Barthes par Roland Barthes (1975), p. 140) Fuir la douleur par le fantasme, et elle revient au galop, d’abord sous forme de désir, puis parfois concrètement. Certains auteurs homos tels que Copi, à travers une frontière volontairement mal définie entre autobiographie et auto-fiction, illustrent parfaitement ce flou artistique entretenu entre le jeu et la douleur sur lequel repose le SM. « Voici ce que je vous propose : dans ce roman, je serai masochiste. J’aurai découvert ça en 1965, quand j’ai commencé à mener une vie publique homosexuelle après l’avoir longtemps pas mal cachée. Le masochisme se révéla pour moi comme une homosexualité de plus, ou de rechange. Jusque-là j’avais vécu l’homosexualité comme un vice, rendue publique elle devenait presque une vertu, je me réfugiai dans le masochisme. […] Quand j’ai rencontré Pierre à Rome j’avais des cicatrices infectées dans les mamelles, des brûlures dans les fesses, j’arrivais tout droit de Paris d’une séance trop poussée. D’autres vont chez le psychanalyste. Dans ce sens, ça me guérit, je me sens jeune et gai. » (le narrateur homosexuel du roman Le Bal des Folles (1977) de Copi, pp. 21-22)
Le sadomasochisme, contrairement à ce que voudraient faire croire ceux qui le pratiquent, n’est pas une pratique réservée aux lieux officiellement réservés pour ça (saunas, backrooms et autres manoirs champêtres). Le phénomène de la violence dans les « couples » homosexuels est très répandu, et pourtant peu reconnu comme du sadomasochisme, car il n’en porte pas le nom. Pourtant, il bien est là. Et parmi mes connaissances, contre toute attente, ce ne sont pas les mecs homos les plus dépravés, ni les barbus musclés ni ceux qui fréquentaient assidument les établissements homosexuels, qui pratiquent le SM. Ce sont plutôt des garçons au look de « premiers de la classe », des profs de lettres, parfois des garçons tout doux et efféminés (et qui cherchent à dompter leur efféminement par le jeu de rôles qu’est le sadomasochisme).
Yukio Mishima, pour exhiber son corps musclé, pose pour les photographes sous les traits d’un saint Sébastien percé de flèches. Je vous renvoie par ailleurs à la thèse Homoerotismo En La Iconografía De San Sebastián Mártir (1996) de Manuel Buxán, ainsi qu’à l’essai Sébastien Le Renaissant (1999) de Jacques Sarriulat.
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Oiseau en plein viol
Animal formant partie du quatuor diabolique de mon Dictionnaire (aux côtés du taureau, de l’araignée, et de la panthère), l’aigle noir symbolise en général deux choses dans les œuvres homosexuelles : soit le viol (comme l’a discrètement chanté Barbara à propos de l’inceste qu’elle a subi), soit un éloignement de la Réalité (éloignement pouvant se révéler également dangereux parce qu’il s’oriente vers la déshumanisation et la désincarnation). En effet, l’humain qui se rêve oiseau n’a pas les pieds sur terre, vit dans les fantasmes de divinité royale et d’extase qui se mutent parfois en élan fusionnel agressif, en poussée prédatrice vers tout ce qui excite ses instincts. C’est la raison pour laquelle l’aigle noir, en temps normal figure de noblesse et de force, apparaît beaucoup plus négativement dans les fictions traitant d’homosexualité comme le messager/acteur du viol, de l’inceste, notamment à travers le symbolisme homo-érotique bien connu du rapt de Ganymède par l’aigle Zeus.
N.B.: Je vous renvoie également aux codes « Se prendre pour Dieu », « Planeur », « « Un Petit Poisson, Un Petit Oiseau » », « Femme au balcon », « Animaux empaillés », « Icare », « Hitler gay », « Voleurs », « Pédophilie », « Quatuor », « Douceur-poignard », et à la partie sur la femme-paon du code « Homosexuels psychorigides » , dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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L’oiseau noir apparaît dans le roman 31, Rue de l’Aigle (1998) d’Abdelkader Djemaï, la pochette de l’album « L’Autre » de Mylène Farmer (avec le corbeau), la chanson « L’Aigle noir » de Barbara (racontant l’inceste qu’elle a subi de la part de son propre père), la pièce L’Aigle à deux têtes (1943) de Jean Cocteau, la pièce Journal d’une autre (2008) de Lydia Tchoukovskaïa, le roman La Cité des Rats (1979) de Copi, le film « The Eagle Shooting Heroes » (1994) de Jeffrey Lau, le film « A Single Man » (2009) de Tom Ford (comme par hasard, le héros s’appelle George Falconer…), la chanson « Flower Power » de Nathalie Cardone (avec les aigles à deux têtes), la chanson « Always » d’Anggun, le film « Les Mille et une Nuits » (1974) de Pier Paolo Pasolini, le roman L’Aigle de fer (1949) de Jean Orieux, la chanson « Tempête » d’Alizée, le film « Le Faucon maltais » (1941) de John Huston, le roman Les Aigles foudroyés (1997) de Frédéric Mitterrand, le film « Le Rideau déchiré » (1966) d’Alfred Hitchcock (avec le rapt de Ganymède au Musée de Berlin), la pièce El Vals De Los Buitres (1996) d’Hugo Argüelles, le poème « My Mother Would Be A Falconress » (1968) de Robert Duncan, la pièce Les Indélébiles (2008) d’Igor Koumpan et Jeff Sirerol, le ballet Alas (2008) de Nacho Duato (avec l’amant-aigle), le film « Le Corbeau » (1935) de Louis Friedlander, le film « Alice au pays des merveilles » (2010) de Tim Burton (avec l’aigle noir), le film « L’Alpagueur » (1975) de Philippe Labro (avec le personnage gay de l’Épervier), le film « L’Aigle noir » (1925) de Clarence Brown (avec Rudolph Valentino), le dessin L’Ange à l’envers (1976) d’Endre Rozsda, la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, le tableau Osman (1972) de Jacques Sultana, le tableau Ganymède (1970) d’Hannes Steinert, les vautours dans les tableaux de Pierre-André Guérin, la pièce Loretta Strong (1974) de Copi, la chanson « Cap Falcon » d’Étienne Daho, le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto (avec le vautour), la chanson « J’ai demandé à la lune » d’Indochine (représentée par l’aigle sur écran géant pendant la tournée Météor Tour 2010 à Paris Bercy), le tableau Chiron et Achilles (1922-1924) de John Singer Sargent, la pièce musicale Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro (avec l’aigle), la série Joséphine Ange-gardien (1999) de Nicolas Cuche (épisode 8, « Une Famille pour Noël » ; avec les ailes d’aigle sur Gérard Depardieu), le film « Cruising » (« La Chasse », 1980) de William Friedkin avec Skip, un des héros homosexuels, et l’aigle sur son blouson), le film « L’Aigle de la neuvième légion » (2011) de Kevin Macdonald, le film « Harvey Milk » (2009) de Gus Van Sant, le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic (avec le tag de l’aigle à deux têtes sur la voiture), etc.
Dans le roman The Well Of Loneliness (Le Puits de solitude, 1928) de Marguerite Radclyffe Hall, il est fait référence à saint Jean en aigle : « L’aigle qui devait porter sur ses ailes les Saintes Écritures et dont l’expression ordinaire était inquiète, avait, lui aussi, l’air tout à fait joyeux. » (p. 117) Dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, par exemple, Laurie rêve qu’elle est attaquée par des vautours. Dans sa pièce Des Lear (2009), Vincent Nadal parle d’un « abominable vautour ». Dans le générique du film « Noureev, le Corbeau blanc » (2019) de Ralph Fiennes, on nous signale par écrit que « le corbeau blanc » est une expression employée pour désigner « quelqu’un qui est différent des autres ». L’aigle n’est pas souvent une figure de douceur dans la fantasmagorie homo-érotique, comme on peut le constater par exemple dans le roman de James Purdy Je suis vivant dans ma tombe (1975) : « Un matin, je vis un aigle poursuivre un échassier, et tous deux, je le jure, plongèrent dans les eaux sans en resurgir. » (Garnet Montrose, p. 151) Il est plutôt oiseau de mauvais augure, figure de mort : « Ô notre funèbre Oiseau noir ! » (Arthur Rimbaud, « Les Corbeaux », dans Poésies 1869-1872, p. 48) ; « Un vautour accroché à une antenne se balance entre le vide et le vide. » (la narratrice lesbienne du roman La Voyeuse interdite (1991) de Nina Bouraoui, p. 91) ; « Nanou dit que je fais des cauchemars. Une fois, j’ai réveillé tout le monde tellement j’ai crié fort. Je me rappelle que c’était à cause d’une pluie d’oiseaux morts qui tombaient sur moi. » (le narrateur du roman Le Crabaudeur (2000) de Quentin Lamotta, p. 14) ; etc. Dans la pièce Les Oiseaux (2010) d’Alfredo Arias, les oiseaux sont en réalité une foule d’outre-tombe, une allégorie de la mort, une armée de morts-vivants en quelque sorte. Dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, l’aigle, c’est le héros homosexuel lui-même, ou bien ceux qui l’observent : « On a la vue rapace, à ces hauteurs. Tout est proie, vu d’en haut. Tout ce qui grouille et gigote en bas, Vincent Garbo compris, c’est insecte à gober, rampant repas frugal pour aigle de haute volure. » (p. 91) ; etc. Dans la chanson « Pas d’access » de Mylène Farmer, la voix se décrit comme un rapace : « Je suis Birdy. » Dans le film « Vita et Virginia » (2019) de Chanya Button, Vita Sackville-West, dans une lettre qu’elle adresse depuis l’Égypte à son amante Virginia Woolf, fait une liste de mots renvoyant à l’égyptologie. Et les deux derniers, ce sont : « Vautours. Virginia. » Un peu plus tard, elle se rend compte que Virginia est amoureuse d’elle… ce qui amuse Dorothy, l’amie de Vita, qui s’adresse à cette dernière en ces termes : « Tu as enfin attrapé ta proie ? » À la fin, Virginia voit des hallucinations, notamment un vol de corbeaux qui fond sur elle au point de la faire tomber. Dans le téléfilm Under the Christmas Tree (Noël, toi et moi, 2021) de Lisa Rose Snow, les deux amantes lesbiennes Charlotte et Alma se rendent à une fête de Noël démoniaque où l’une est déguisée en démon et l’autre en ange, et toutes deux se rendent ensemble voir une cartomancienne qui leur tire les cartes et associe Charlotte à « 4 oiseaux (le faucon, l’aigle, hiboux et la perdrix).
L’aigle noir peut être l’animalisation de l’amant(e) homosexuel(le). Par exemple, dans le film « Black Swan » (2011) de Darren Aronofsky, Veronika, la (fausse) amante lesbienne, est la femme-aigle qui s’abat sur sa proie. Elle porte d’ailleurs des ailes d’aigle tatouées sur le dos : on les voit au moment où elle fait le cunnilingus à Nina (Natalie Portman). Dans le film « Darkroom – Tödliche Tropfen » (« Backroom – Drogue mortelle », 2019) de Rosa von Praunheim, Roland, l’amant de Lars, lui parle de l’aigle. On retrouve bien évidemment ici le mythe du rapt de Ganymède et de l’aigle violeur, en parallèle avec la légende du Lac des Cygnes.
Dans le film « Praia Do Futuro » (2014) de Karim Aïnouz, Konrad, l’un des héros homosexuels, porte à la place du cœur un tatouage énorme d’un aigle. Et à la fin du film, alors que les trois héros homosexuels sont aux bords de la mer dans un abri de secouristes vitrés et sans toit, on voit quelques autocollants d’aigles noirs mis sur les vitres. L’aigle est clairement un symbole d’enfermement narcissique invisible.
Ganymède kidnappé par l’aigle Zeus est un topos homosexuel dans l’iconographie universelle (je vous renvoie notamment aux calligraphies de Michel-Ange, qui a pris pour modèle le beau Tommaso de Cavalieri pour représenter cette scène mythique : Le Rêve de la vie humaine (1533), L’Enlèvement de Ganymède (1532), La Chute de Phaéton (1533) et La Peine de Tityus. « Quelle honte secrète caches-tu, Ganymède ? » (Scrotes, l’amant d’Anthony, s’adressant au jeune Jim, homosexuel aussi, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill)
Pour en revenir à l’association du rapace aquilin à l’amant homosexuel, on l’observe dans le film « Un Mariage à trois » (2009) de Jacques Doillon : à un moment, Stéphane dit à Théo : « Des rapaces de ton genre, ça niche dans des endroits inaccessibles. » Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan demande à son amant Kévin d’ « arrêter de le regarder comme s’il était un oiseau de mauvais augure qui porte malheur » (p. 444). Dans son one-man-show Ali au pays des merveilles (2011), Ali Bougheraba rentre dans la peau de Fayssal, un homosexuel, qui raconte ses histoires de cœur sur un air de chanson bien connu : « Un beau jour, ou peut-être une nuit, près d’un Black je m’étais endormi. » L’oiseau est invoqué comme un double amoureux ou une source d’inspiration : « Mais où donc es-tu, vieux corbeau ? Viens donc me délivrer de l’ennui comme tu l’as fait ce soir-là ! » (Julien Green, Si j’étais vous (1947), p. 48) Dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, quand le jeune Frédéric demande à Saint Loup « C’est quoi un sodomite ? », ce dernier lui répond par cette jolie pirouette : « C’est un oiseau. Un drôle d’oiseau. » Dans la chanson « Éden Éden » d’Alizée, il est signalé que « toutes les jeunes filles sont des faucons ». Dans le best-seller lesbien La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, il est curieux de voir comme les personnages lesbiens diabolisent les oiseaux avant de s’y identifier. C’est ce qui transparaît clairement dans ces mots de Ronit : « C’est incongru […] de voir des mouettes tourbillonner là-haut dans le ciel, avec leurs ailes immenses, blanches et grises et leur bec étonnamment grand et menaçant, descendre en piqué et s’emparer d’un morceau de bagel abandonné. J’ai été surprise de les voir en pleine nuit tracer des cercles dans le ciel tandis que je marchais samedi soir dans Hendon. […] J’ai rêvé des mouettes de Hendon, cette nuit-là, de la pointe acérée de leur bec et de la souplesse de leurs griffes. De cette façon qu’elles ont de tourner la tête sur le côté et de vous regarder d’un œil unique, perçant et impénétrable. Un rêve digne de Tippi Hedren, lorsqu’elle s’enfuit, poursuivie par des hordes de mouettes, sauf que ces oiseaux-là ne faisaient rien, n’attaquaient pas, n’entraient pas par la cheminée ni ne cassaient les vitres. Ils regardaient seulement. » (pp. 161-162) ; « La nuit dernière, j’ai rêvé que je volais au-dessus de Hendon. Le vent m’entourait de tous les côtés, mes poumons en étaient remplis. Hendon s’étalait sous moi. » (idem, p. 301) À la fin du roman, Esti et Ronit observent deux sombres rapaces s’attaquer à un déchet urbain abandonné au sol, comme s’il s’agissait d’une métaphore de leur propre action destructrice face à l’amour : « Les deux oiseaux noirs en avaient terminé avec leur hamburger. » (p. 252)
L’aigle est également associé à une Muse, à une actrice ou à une maîtresse symbolique exerçant un fort pouvoir sur la conscience qui la décrit (d’ailleurs, il n’est pas anodin qu’en héraldique, l’aigle soit féminin). « Rosa Luwembourg, malgré ses erreurs, restera un aigle. » (cf. pièce Rosa La Rouge (2010) de Marcial Di Fonzo Bo et Claire Diterzi) ; « J’ai été fasciné par ‘Black Swan’. » (Rodolphe Sand dans son one-man-show Tout en finesse, 2014) ; etc. C’est le cas par exemple dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, quand le personnage d’Yvon parle de la vénéneuse Groucha : « Pendant ce temps-là, cette sorcière continuait à pérorer, comme un oiseau sur son perchoir, très haut, tout en haut de sa cage, tandis que j’étais vautré au fond, au milieu des chiures de volatile. » (p. 267) Dans le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, c’est la mère oppressante qui endosse le costume de l’aigle avilissant : « Cahoté par la vieille voiture à deux roues, la tête renversée, l’enfant voyait couler un trouble ciel d’octobre entre les noires cimes pressées et il criait quand, d’une rive mouvante à l’autre, passait un triangle d’oiseaux. Si quelque courant d’eau vive faisait s’infléchir la route et se décelait par une fraîcheur brusque, sa mère le couvrait de son manteau comme d’une aile noire. » (pp. 105-106)
Dans l’œuvre de Copi, l’aigle est particulièrement présent. C’est une figure symbolique étrange. On dirait une idole totémique qui fait changer de sexe. « Une vieille légende africaine disait que le dieu de l’Univers à venir naîtrait de l’accouplement d’un roi noir et de deux femmes identiques à cheveux dorés qui auraient un pénis et qui arriveraient dans le royaume avec un oiseau métallique. » (Copi, la nouvelle « Les vieux travelos » (1978), p. 93) ; « Son petit oiseau semble vouloir déployer ses ailes dans ma cage dorée… » (Jefferey Jordan parlant du sexe de son amant et de la sodomie, dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; etc. L’aigle chez Copi peut représenter le fantasme de l’actrice : c’est le cas dans Le Bal des Folles (1977) : « À côté du hibou sur la cheminée je vois une photo de Marilyn petite, avec le hibou (celui qui est à présent empaillé ou bien un autre qui lui ressemble beaucoup) accroché à son épaule. C’est une petite fille maigre au nez crochu, on dirait un aigle, elle ressemble beaucoup à sa mère d’à présent. » (pp. 81-82) ; ou bien l’être désiré et craint à la fois : « Silvano était toujours assis les yeux froncés sous le figuier. Lezama pensa au profil d’un aigle. » (Copi, La Vie est un tango (1979), p. 160) Dans la pièce L’Ombre de Venceslao (1978), le vieux Largui se fait attaquer par un vautour dans le désert. Chez Copi, le volatile peut figurer aussi le sexe : « Oui, la bite est un oiseau ! Mais c’est un oiseau plongeur ! Il aime bien se baigner ! » (Copi, Les Escaliers du Sacré-Cœur, 1986, p. 340)
En général, dans les œuvres homosexuelles, l’aigle est signe de viol. Dans la pièce Le Frigo (2011) de Copi, par exemple, Mr Alouette est le violeur de « Madame ». Dans le film « La Parade » (2011) de Srdjan Dragojevic, Azem l’Albanais, fait du trafic de drogues, et d’héroïne, grâce à de vrais aigles qui lui rapportent la marchandise : « Notre aigle apporte des cadeaux. » Dans le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré, Emmanuel, le violeur homo, porte comme par hasard un tee-shirt avec l’insigne « EAGLE 00 ». Dans les fictions homosexuelles, très souvent, c’est la femme violée qui excite les oiseaux dans les boutiques de volatiles et les animaleries. C’est le cas dans le film « Pas de printemps pour Marnie » (1964) d’Alfred Hitchcock, dans le roman El Beso De La Mujer-Araña (Le Baiser de la Femme-araignée, 1979) de Manuel Puig, dans le roman Génitrix (1928) de François Mauriac, etc.
« Il n’est qu’un oiseau de mauvais augure. Cet homme est froid comme la mort. » (le Père 2 par rapport à son futur gendre, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) ; « J’ai vu les aigles fondre sur les lapins. » (le fiancé de Gatal, idem) ; « Jane commençait à aimer l’agression des oiseaux. Ils étaient d’une constance rassurante, comme une tante bien-aimée qui vous accueillait toujours avec une menace, mais n’allait jamais plus loin. » (Jane, l’héroïne lesbienne parlant des corbeaux et des oiseaux de proie à côté de chez elle près du cimetière, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 46) ; etc.
Il est question d’oiseau en lien avec l’homosexualité dans le film « Mon copain Rachid » (1998) de Philippe Barassat, le roman Doux oiseau de la jeunesse (1959) de Tennessee Williams, le roman Oiseau de la nuit (1998) de Guy Hocquenghem, le tableau L’Homme à l’oiseau (2000) de Luan Xiaojie, le film « Des oiseaux petits et gros » (1966) de Pier Paolo Pasolini, la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (vers 1650) de Savinien de Cyrano de Bergerac, le film « Les Ailes » (1927) de William Wellman, la pièce Un Mariage follement gai ! (2008) de Thierry Dgim, le one-man-show Entre fous émois (2008) de Gilles Tourman, le film « L’Oiseau au plumage de cristal » (1968) de Dario Argento, le film « Pequeña Paloma Blanca » (2003) de Christian Barbé, le poème « Oiseau privé » d’Armand Guibert, le film « The Bridge » (2005) de George Barbakadze (avec la sculpture d’oiseau), le film « La Vie privée de Sherlock Holmes » (1970) de Billy Wilder (et un oiseleur avec des canaris), l’album I Am A Bird Now d’Anthony’s and the Johnsons, le film « Homme au bain » (2010) de Christophe Honoré (avec les oiseaux en plein cœur de New-York), etc.
Il arrive que le personnage homosexuel rêve d’échapper à sa condition humaine en s’identifiant à un oiseau (avec parfois un petit jeu de mot sur l’expression « gai comme un pinson »). « Quand j’étais enfant, j’ai longtemps rêvé de trouver la formule magique de l’envol. Oui, je voulais voler comme les oiseaux. » (Audric dans la pièce L’Héritage de la Femme-Araignée (2007) de Christophe et Stéphane Botti, p. 30) ; « J’ai jamais eu les pieds sur terre, j’aimerais mieux être un oiseau. » (cf. la chanson « S.O.S. d’un terrien en détresse » de Johnny Rockfort dans le spectacle musical Starmania) ; « Jean-Luc… ? Il faisait des PDF dans une société d’élevage de pinsons… » (un femme à propos de son ex-compagnon Jean-Luc, converti en homo, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « Ça fait quoi que votre fils soit pédé comme un pinson ? » (Max s’adressant à la mère de son petit ami, dans la pièce Des Bobards à maman (2011) de Rémi Deval) ; « J’adore tous les oiseaux. » (Océane Rose Marie dans son one-woman-show La Lesbienne invisible, 2009) ; etc. Par exemple, dans le film « The Burning Boy » (2000) de Kieran Galvin, Ben dit à son ami qu’il aurait rêvé d’être un oiseau. Dans son one-man-show Ali au pays des merveilles (2011) d’Ali Bougheraba, Faissal, le personnage homosexuel imite souvent les mouvements des ailes de l’oiseau. Mais la revendication d’être un « volant voleur » ne dure qu’un temps, car le héros homosexuel veut tout de même retrouver sa liberté d’Homme : « Je ne suis pas qu’un petit piaf. » (Janine dans la pièce Burlingue (2008) de Gérard Levoyer) Sans doute la peur de se faire plumer ou d’être pris pour un pigeon… « Je fais la chasse aux pigeons dans les toilettes des gares. » (Herbert, homosexuel, dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) Le couple homosexuel est décrit parfois comme un duo d’oiseaux, même si celui-ci ne vole pas haut, empêché qu’il serait par la société de surplomber le ciel de l’Amour : « Qui arrête les colombes en plein vol à deux au ras du sol ? Une femme avec une femme. » (cf. la chanson « Une femme avec une femme » du groupe Mecano) Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, les danseurs homosexuels de danse contemporaine simulent d’être des oiseaux. Dans le film « Rafiki » (2018) de Wanuri Kahiu, les deux amantes Kena et Ziki regardent le vol des oiseaux planant dans le ciel de Nairobi (Kenya).
Par exemple, dans le film « Una Giornata Particolare » (« Une Journée particulière », 1977) d’Ettore Scola, la rencontre entre Antonietta, la femme au foyer soumise, et Gabriele, le héros homosexuel, se fait grâce à l’escapade de sa cage du mainate d’Antonietta, « Rosemonde », un perroquet mâle mais qui porte un prénom de femme.
La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
Je vous renvoie au documentaire « Les Oiseaux de nuit » (1977) de Luc Barnier et Alain Lasfargues, traitant du monde de la prostitution masculine.
Il existe quelques coïncidences troublantes entre le monde homosexuel réel et l’aigle noir. Par exemple Léonard de Vinci (connu pour être homosexuel), alors qu’il est encore au berceau, croit qu’un vautour se pose sur lui. Freud se penchera d’ailleurs sur cette histoire et y consacrera une étude psychanalytique approfondie. Sous l’Allemagne nazie, les mouvements de jeunesse des Wandervögel (littéralement : Oiseaux migrateurs) étaient imprégnés d’homosexualité. « Comment comprendre le succès du mouvement Wandervogel ? Par la composante homosexuelle, tout simplement. De même que les chefs étaient attirés par les garçons, les garçons étaient attirés par les chefs. Dans les deux cas, l’attraction était érotique. Plus tard le nom de Wandervogel deviendrait synonyme de pédérastie. » (Philippe Simonnot, Le Rose et le Brun (2015), p. 144) L’image de l’oiseau est omniprésente dans l’œuvre de Tennessee Williams ; de plus, ce dernier a été surnommé de son vivant « l’Oiseau Magnifique » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 237). Sarah Bernhardt s’est travestie en homme dans la pièce L’Aiglon (1900) d’Edmond Rostand. Plus proche de nous, Eagle est le nom du groupe gay IBM. À Montréal (Québec), il y a un bar gay qui s’appelle l’Aigle noir. Et en France, il existe une association homo appelée AIGLE (Amicale ISAE Gay et Lesbien des Étudiants).
Beaucoup d’auteurs homosexuels parlent de la personne qu’ils désirent homosexuellement comme d’un aigle. Par exemple, dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), Alexandre Delmar, en évoquant l’un de ses amants, écrit qu’« il est un aigle au milieu des corbeaux ». (p. 15) C’est le cas également de certains militants pour la « Cause gay », comme Beatriz Gimeno, qui décrit la communauté homosexuelle comme une armada volante : « Nous avons rêvé de voler très haut, et nous avons volé. » (citée dans l’essai Primera Plana (2007) de Juan A. Herrero Brasas, p. 38) On retrouve les aigles-rapaces de la « Lesbian Nation » chez les quatre chouettes saphiques baptisées les OWLs (Older Wiser Lesbians = Lesbiennes de plus de 40 ans) dans le film « The Owls » (2010) de Cheryl Dunye. Le monde gay tout entier est associé aux oiseaux par l’écrivain cubain Reinaldo Arenas dans El Color Del Verano (1982). Être un oiseau serait la condition homosexuelle même ! : « Un homosexuel est un être aérien, sans attache, sans lieu fixe qui lui soit propre […]. Nous sommes toujours suspendus en l’air, aux aguets. Notre condition aérienne est parfaite et c’est très bien que l’on nous ait affublés de noms d’oiseaux. Nous sommes des oiseaux parce que nous sommes toujours en l’air, un air qui n’est pas non plus à nous – rien n’est à nous, d’ailleurs – mais au moins il est sans frontières. » (p. 480) ; « Quand je m’observais, quand je dépouillais l’enfant en moi pour me placer sur le terrain absolu des autres, je me trouvais fier et beau de ressembler à un oiseau prestigieux à qui la nature a attribué l’élégance et cette couleur qui lui va à merveille. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 11-12) ; « J’ai commencé à faire bouger mes p’tites ailes. Des p’tites ailes qui sont devenues démesurées. » (Thérèse, femme lesbienne de 70 ans, en parlant de mai 68 et de sa propre émancipation sexuelle, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; etc. Je vous renvoie au choix du pseudonyme de la journaliste lesbienne Ursula del Águila ainsi qu’au chanteur bisexuel péruvien David del Águila. Dans son autobiographie Folies-Fantômes (1997), Alfredo Arias raconte la fascination de son ami Jacques pour les soldats : « Je les aime, parce qu’ils sont purs avec leur regard triste, mélancolique… leurs pas incertains, timides, perdus dans cette grande ville… s’attendrissant devant les aigles et les lions en cage… » Dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon, la position « cambrée » » en parachutisme est la position de l’oiseau. Dans l’émission Aventures de la médecine spéciale « Sexualité et Médecine » de Michel Cymes diffusée sur la chaîne France 2 le 16 octobre 2018, en écoutant Léonie, homme transsexuel M to F de 29 ans, on voit qu’il envisage son opération de changement de sexe comme une angélisation : « Maintenant, je me sens pousser des ailes. »… même s’il pleure à l’intérieur.
En remontant aux origines littéraires du désir homosexuel, on trouve déjà dans le monde platonicien les traces de cet aigle autrement appelé l’androgyne : « On connaît le discours d’Aristophane – celui que Platon lui a fait tenir dans Le Banquet sur la nature et l’origine de l’amour ou encore celui qu’il nous donne dans Les Oiseaux et qui fait naître Éros bisexué d’un œuf sans germe, fruit du vent, pondu par la nuit aux ailes noires, avant toute chose’. » (Pierre Fédida, « D’une essentielle dissymétrie dans la psychanalyse », Bisexualité et différence des sexes (1973), p. 220)
Le motif de l’aigle violeur n’est pas qu’une image d’Épinal anodine et toujours désincarnée. Elle peut exprimer chez certaines personnes homosexuelles le fantasme de viol ou un viol qu’elles ont réellement vécu (une relation parfois pédophile, ou infantilisante) : « Je devins distant avec mes camarades, de même qu’avec le père Basile, nos rapports s’orientèrent sur la voie des remises en question. Je lui reprochais de s’être épris de moi d’une manière excessive, et pensais que c’était une faute de m’avoir fait découvrir ses pulsions sexuelles ; je lui reprochais également l’initiative, qu’il avait prise de me combler de petits cadeaux, de me parler souvent avec douceur par rapport aux autres élèves, et de s’appliquer à m’expliquer que j’étais beau et tout rose, comme un bébé qui vient de naître. […] Cet amour était devenu une abjection qui m’étouffait à la manière d’une proie exposée aux griffes de son prédateur. » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), pp. 40-41)
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Aussi surprenant que cela puisse sembler, ce n’est pas parce que les artistes et les intellectuels homosexuels (souvent athées auto-proclamés) tentent maintes et maintes fois de prouver que l’amour homosexuel est merveilleux et positif qu’ils en construisent un portrait idyllique dans leurs créations. Tout le contraire ! C’est sous les traits du diable qu’est décrit par le héros homosexuel – et parfois par les personnes homosexuelles athées elles-mêmes, c’est ça le comble ! – l’amant tant désiré. Cet être-sans-nom, appelé mystérieusement « L’Autre », au regard pénétrant et troublant, peut s’incarner partiellement en un jeune adulte innocent, magnifique, muet, qui fait signer à la personne qu’il subjugue un contrat à l’encre sympathique, lui imposant ainsi une perverse loi du silence. Il est possible que le mythique héros faustique homosexuel, qui vend son âme à ce perfide « amant double » félin sous la pression de ses vils instincts, en perde sa langue… puisqu’il donne, littéralement, sa langue au chat. La métaphore du diable est une manière, pour de nombreuses personnes homosexuelles, de dire tout bas l’ambiguïté de l’amour (des amours) qu’elles sont en train de vivre : il a le goût et la forme de l’Amour vrai, mais il n’en est pas un exactement. Et c’est cette confusion qui ressemble à une lente descente aux enfers dans le couple homosexuel.
N.B. : Je vous renvoie également aux codes « Première fois », « Coït homosexuel = viol », « Se prendre pour Dieu », « Vampirisme », « Violeur homosexuel », « Liaisons dangereuses », « Homme invisible », « Regard féminin », « Désir désordonné », « Chat », « Oubli et amnésie », « Homosexuel homophobe », « Se prendre pour le diable », à la partie « le diable au corps » du code « Ennemi de la Nature », à la partie « Fixette sur un amant perdu et déifié » du code « Clonage », dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
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On peut voir dans les œuvres artistiques suivantes que le personnage homosexuel a le diable pour amant : cf. le roman Le Diable en personne (2001) de Robert Lalonde, le film « Chloe » (2009) d’Atom Egoyan (avec la belle call-girl lesbienne intrusive), la nouvelle Ernesto (1953) d’Umberto Saba, le film « Armaguedon » (1976) d’Alain Jessua, le film « The Devil’s Playground » (1976) de Fred Schepisi, le film « Diaboliquement vôtre » (1967) de Julien Duvivier, le tableau Ange au couteau de Michael Sebah, le film « Hellbent » (2005) de Paul Etheredge-Ouzts, le film « Nowhere » (1997) de Gregg Araki, le roman L’Ange en décomposition (1970) de Yukio Mishima, le roman Méphisto (1936) de Thomas Mann, le roman Y De Repente, Un Ángel (2005) de Jaime Bayly, le film « Le Messager » (1971) de Joseph Losey, le film « Adrien et le loup » (1999) de Sylvie Lazzarini, le film « Madame Satã » (2001) de Karim Ainouz, le film « Les Amants diaboliques » (1943) de Luchino Visconti (avec Gino, l’étranger diabolique), le film « Aniel » (1997) de Francois Roux (avec Aniel, celui par qui le trouble arrive), le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro (avec Gabriel, le nouvel élève débarquant à l’improviste et dont personne ne connaît l’origine), le film « Fraulein Doktor » (1968) d’Alberto Lattuada, le film « Rendez-vous de satan » (1972) d’Anthony Ascott, le film « L’Amant bulgare » (2003) d’Eloy de la Iglesia (avec Kyril, la figure de l’étranger), le film « Intrusion » (2003) d’Artémio Benki (avec Florence, l’étrangère démoniaque), le film « L’Inconnu du Nord-Express » (1951) d’Alfred Hitchcock (avec Bruno, l’intrusif amant), le film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini (avec l’étranger qui détruit une famille bourgeoise entière), le roman L’Inattendue (2003) de Karine Reysset, le film « L’Inattendue » (1987) de Patrick Mimouni, le film « Trop (peu) d’amour » (1997) de Jacques Doillon, le film « Dallas Doll » (1993) d’Ann Turner, le film « When The Right Hand Sleeping » (2002) d’Hiroyuki Oki, le film « Nettoyage à sec » (1997) d’Anne Fontaine, le film « En route » (2004) de Jan Krüger (toujours avec la figure de l’étranger diabolique), le film « The Grotesque » (1995) de John-Paul Davidson, le film « Ti Kniver I Hjertet » (1995) de Marius Holst, le roman La Vallée heureuse (1939) d’Anne-Marie Schwarzenbach, le film « Amor Maldito » (1986) d’Adelia Sampaio, le film « A Un Dios Desconocido » (1977) de Jaime Chavarri, le film « Gypo » (2005) de Jan Dunn, la chanson « I Fell In Love With The Devil » dans le film « Wild Side » (2003) de Sébastien Lifshitz, la chanson « La Légende de Rose Latulipe » de Cindy et Ronan dans le comédie musical Cindy (2002) de Luc Plamondon, la chanson « La Beauté du diable » de la Diva dans la comédie musicale La Légende de Jimmy (1992) de Michel Berger, le film « Lucifer Rising » (1974) de Kenneth Anger, le film « Shoot Me Angel » (1995) d’Amal Bedjaoui, le film « Love Is The Devil » (1998) de John Maybury, le film « The Demon Fighter » (1982) de Chu Yin-Ping, les photos Anges et Démons de Jean-Daniel Cadinot, le film « À cause d’un garçon » (2001) de Fabrice Cazeneuve, la chanson « L’adorer » d’Étienne Daho, le film « Le Masque du démon » (1960) de Mario Bava, le film « Mort à Venise » (1971) de Luchino Visconti (avec le jeune Tadzio), le film « Wishing Stairs » (2003) de Yun Jae-yeon, le film « Créatures célestes » (1995) de Peter Jackson, la chanson « Bohemian Rhapsody » du groupe Queen, le roman Cœur de démon (2003) de Claude Neix, le roman Petite cuisine du diable (2004) de Poppy Z. Brite, le film « The Pollen Of Flowers » (1972) d’Ha Kil-jong, le roman Un Ange cornu avec des ailes de tôle (1994) de Michel Tremblay, les romans L’Ange maudit (2000) et L’Innocence du diable (2001) d’Eyet-Chékib Djazari, le roman Un Ange est tombé (2000) de Claude Neix, le film « Amour et mort à Long Island » (1997) de Richard Kwietniowski, les tableaux Les Démons de Manu (1998) et Bouc et mystère (1991) de Michel Giliberti, le roman Quand tu vas chez les femmes (1982) de Christiane Rochefort, le film « Speed Demon » (2003) de David DeCoteau, le dessin animé « South Park, plus long, plus grand et pas coupé » (1998) de Trey Parker (avec le couple gay Saddam Hussein/Satan), le roman La Colline de l’ange (1989) de Reinaldo Arenas, le roman L’Homme de ma mort (2002) de Jonathan Denis, le film « Chambre 666, n’importe quand » (1982) de Wim Wenders, le roman La Sombra Del Humo En El Espejo (1924) d’Augusto d’Halmar (avec la description de Zahir), le film « Rimbaud Verlaine » (1995) d’Agnieszka Holland, le film « Bloody Mallory » (2002) de Julien Magnat, le poème « L’Ange double » de Carson McCullers, la chanson « La Java du diable » de Charles Trénet, le roman L’Étranger de la famille (2001) d’Olivier Lebleu, le roman El Ángel Descuidado (1965) d’Eduardo Mendicutti, le film « Le Serpent » (1972) d’Henri Verneuil, le film « De Duivel Te Slim » (« Plus Malin que le diable ») (1960) d’Edith Kiel, le film « Toto Che Visse Due Volte » (1998) de Daniele Cripi et Franco Maresco, le film « Lucifer-Sensommer : Gul Og Sort » (1990) de Roar Skolmen, le film « L’Ange noir » (1993) de Jean-Claude Brisseau, le roman Le Garçon sur la colline (1980) de Claude Brami, le dessin L’Ange à l’envers (1976) d’Endre Rozsda, le tableau Coït subliminal (2003) de Nikolaï Saoulski, les tableaux de Priscilla Cuvelier, la photo Le Diable – Pierre (1997) de Pierre et Gilles, la photo Les Affranchis (2003) de J.-P. David Ponce-Blanc, la photo Ange ou démon… car qui veut faire l’ange fait la Bête de Patrick Sarfati, la photo Regard d’un ange (1986) de Jean-Claude Lagrèze, le film « Le Dénommé » (1988) de Jean-Claude Dague, le film « Le Sang du poète » (1930) de Jean Cocteau (avec l’ange noir), le film « L’Étranger » (1967) de Luchino Visconti, le film « My Brother The Devil » (2012) de Sally El Hosaini, les films « Les Diables » (1971) et « Le Messie sauvage » (1972) de Ken Russell et Derek Jarman, la chanson « Dile A Tu Amiga » de Dalmata (avec le diable charmant le couple de lesbiennes et le chanteur), le film « The Devil Wears Prada » (« Le diable s’habille en Prada », 2005) de David Frankel, le film « Kaboom » (2010) de Gregg Araki (avec Loreleï, l’amante diabolique et accaparante), le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion (avec Osmond, le mari d’Isabelle), le roman Le Diable à Westease (1947) de Vita Sackville-West, le film « Birthday » (2010) de Jenifer Malmqvist (avec le personnage de Fredrick), la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm (dans l’épisode 3 de la saison 1), le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent (avec Sarah, l’une des héroïnes lesbiennes, la nouvelle élève qui débarque dans la classe de Charlène, et qui va la détruire), le film « Un Beau petit Diable » (« Handsome Devil », 2016) de John Butler, la chanson « Parce que » de Daniel Darc et Bill Pritchard, la chanson « Imprudentes ! » de Georgius, le téléfilm « Un Noël d’Enfer » – « The Christmas Setup » – (2020) de Pat Mills, etc.
« ’L’enfer n’existe pas’, dit Jane. ‘Avant, je faisais des cauchemars à propos des Russes, et après, j’ai fait des cauchemars dans lesquels Greta Mann m’attirait à une fête avec le diable. Parfois, les rêves se mélangeaient et les Russes étaient là avec Greta, en train de m’attendre. » (Frau Becker et Jane l’héroïne lesbienne, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 215) ; « Un Russe, messager de l’Enfer. » (la figure de Sergueï Eisenstein, homosexuel, dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway) ; « J’ai passé deux enfers à vous aimer ! » (Anthony, le héros homosexuel s’adressant à son amant Scrotes, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « On parle du loup, on en voit la queue. » (Jefferey Jordan dans son one-man-show Jefferey Jordan s’affole, 2015) ; etc.
Dans certains films, il arrive que des personnages disent à leur amant homosexuel qu’ils voient en lui une créature qu’ils n’arrivent pas à identifier, autrement dit l’androgyne : « C’est quelque chose en toi qui me dégoûte. Je ne pense pas que ce soit directement lié au physique » entendons-nous dans le film « La Confusion des genres » (2000) d’Ilan Duran Cohen. « Vous êtes une fille étrange. Tombée du ciel. » (Carol, l’héroïne lesbienne s’adressant à son amante Thérèse, dans le film « Carol » (2016) de Todd Haynes) ; « Mon ange. Tombé du ciel. » (idem) Dans le film « Le Cimetière des mots usés » (2011) de François Zabaleta, Denis, l’un des héros homosexuel, parle « du démon qu’il s’est choisi ». Parfois, la menace satanique vient directement d’un personnage homosexuel qui au départ s’adresse à son amant sur le ton de la blague, mais qui finit par s’exécuter sérieusement à la fin, comme Mona dans le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky. Le diable cinématographique est invisible, et pourtant, certains personnages lui parlent. « Suppôt de Satan ! Étron de Belzébuth ! » (le Père 2 s’adressant à son futur gendre, dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud) Par exemple, dans le film « Espacio 2 » (2001) de Lino Escalera, Roberto, pendant qu’il se masturbe tout seul dans son salon, s’adresse à quelqu’un que nous ne voyons pas à l’image mais qui le malmène (« Va te faire foutre connard ! Fils de pute ! »). Dans le film « À trois on y va ! » (2015) de Jérôme Bonnell, Michel dit à la femme qu’il aime, la très bisexuelle Mélodie, qu’elle est « diabolique », ce à quoi elle lui répond : « J’ai aucune envie d’être diabolique. C’est la vie qui est diabolique. ». Quelques voix narratives laissent entendre qu’elles ont fini par se prendre pour des êtres ayant vendu leur âme à l’antéchrist, et devenant, par contamination, le diable en personne. Dans le film « The Talented Mister Ripley » (« Le Talentueux M. Ripley », 1999) d’Anthony Minghella, Dick reconnaît chez Tom, l’homme amoureux de lui, le diable : « C’est démoniaque. Tu fais toujours ça avec ton cou. » Il finit par lui donner des idées puisque cette présomption se révèlera concrète : Tom va effectivement le tuer.
Hubert – « De toute façon vous m’aviez déshonoré bien avant d’avoir déshonoré ma famille. Quant à ma sœur Adeline, ne vous en formalisez pas, je l’avais déshonorée bien avant vous.
Cyrille – Vous êtes diabolique, Hubert. »
(Copi, Une Visite inopportune, 1988)
Dans la pièce Confessions d’un vampire sud-africain (2011) de Jann Halexander, Pretorius tombe amoureux de Dracula (nom qui signifie « diable »). Dans le one-man-show Parigot-Brucellois (2009) de Stéphane Cuvelier, « Big Demon » est le nom du prostitué transsexuel travaillant au Bois de Boulogne. Dans la pièce Bill (2011) de Balthazar Barbaut, Lucifer est l’amant homo SM de l’archange Raphaël, défini comme « une pédale », et super efféminé. Dans le film « My Summer Of Love » (2004) de Pawel Pawlikovsky, dont j’ai fait référence un peu plus haut, Mona s’adresse à son amante Tamsin en des termes explicites : « Je suis le diable et je suis venu pour te tuer. » À la fin du film, elle cherchera d’ailleurs à la noyer. Dans le film « OSS 117 : Rio ne répond plus » (2009) de Michel Hazanavicius, l’amant homosexuel apparaît comme le tentateur du personnage joué par Jean Dujardin, avec sa pomme d’amour qu’il déguste langoureusement (c’est d’ailleurs pour cette raison que l’espion lui répondra : « Serpent, je ne mange pas de ce pain-là. ») Dans le film « Saisir sa chance » (2006) de Russell P. Marleau, Chance, le héros homosexuel, est attaqué dans son lycée, en début de film, par deux camarades déguisés en diable. Dans le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, Texor est l’étranger diabolique qui s’introduit dans la vie de Jérôme. Dans le film « Moonlight » (2017) de Barry Jenkins, Chiron, le jeune héros homosexuel, et son amour de jeunesse, Kevin, se retrouvent à l’âge adulte à cause d’une chanson qui a réactivé leurs souvenirs et leur « amour, et qui commence ainsi : « Salut l’Inconnu ». Dans le film « Social Butterfly » (2012) de Lauren Wolkstein, une Américaine de 30 ans fait irruption dans une soirée d’adolescents sur la Côte d’Azur et aucun d’entre eux ne comprend les raisons de sa troublante présence. Dans la pièce Lettre d’amour à Staline (2011) de Juan Mayorga, Staline est le tentateur homosexuel pénétrant dans le couple Boulgakov/Boulgakova. Dans le film « Tenue de soirée » (1987) de Bertrand Blier, Bob, un cambrioleur, débarque dans la vie d’un couple ordinaire, Antoine et Monique, pour initier Antoine à l’homosexualité, et créer le désordre. Dans la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (vers 1650, adaptée en 2008) de Savinien de Cyrano de Bergerac, le héros est visité par « le démon de Socrate », autrement dit l’amour platonicien grec. Dans la pièce Happy Birthday Daddy (2007) de Christophe Averlan, l’amant androgynique, mi-homme mi-femme, de par sa dualité, est décrit comme diabolique. Dans la comédie musicale Angels In America (2008) de Tony Kushner, Joe, en évoquant les illustrations d’une Bible pour enfants de sa jeunesse, dit qu’il s’est depuis toujours identifié au Jacob en lutte contre un séduisant ange blond. Dans la pièce Un Barbu sur le net (2007) de Louis Julien, la relation homosexuelle est décrite comme un « enfer », et l’amant prend la forme d’un « démon ». Le héros du ballet Alas (2008) de Nacho Duato voudrait « pouvoir être capable de s’enthousiasmer avec le diable ». Dans la pièce Hétéropause (2007) d’Hervé Caffin et de Maria Ducceschi, Hervé appelle son copain Alex « la Créature ». L’androgyne diabolique, c’est l’être invisible qui parle à l’intérieur du personnage du roman Les Mauvaises Pensées (2005) de Nina Bouraoui (« Je porte quelqu’un à l’intérieur de ma tête », p. 9) ou bien l’« implacable maître » intérieur évoqué par Truman Capote dans sa préface de Musique pour caméléons (1979). Dans les chansons de Mylène Farmer, il est fréquemment question de la rencontre avec l’ange diabolique : « Il est entré dans mon lit sans un bruit, sans même troublé la nuit… L’Ange m’a fait croire au bonheur. » (cf. la chanson « L’Annonciation ») ; « L’Inconnu a meurtri plus d’un cœur. » (cf. la chanson « L’Innamoramento ») ; « Ange, parle-moi. De voir qu’en lui, ils étaient deux. Je sais ce que mentir veut dire pour moi. […] Don’t let me die, l’Ange, don’t let me die, l’Archange. Tu sais Dieu a rompu son pacte avec cet étranger. » (cf. la chanson « Ange, parle-moi ») Dans la pièce Angels in America (2008) de Tony Kushner, Prior prend son amant Louis pour un fantôme. Dans le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, l’amant homosexuel, ce « cher fantôme » (p. 7), est comparé à un « hôte inquiétant » (p. 85), à « une inquiète déchirure » (p. 28) à « un homme au double aspect » (p. 34) : « Sa voix chaude et compatissante ouvrait en moi quelque chose comme une blessure. » (p. 108) Dans la chanson « Paradize » du groupe Indochine, l’amant diabolique est le double narcissique : « Toi, tu viens par ici. Je dis toi regarde moi Toi. Si tu me vis Oui. Toi, suis-moi au paradis – so far a wheel – s’éclaircir pour la dernière fois à s’introduire juste au dessus de moi et tu verras ce qu’il nous reste à faire/on revient de loin. » Voltaire, dans L’Anti-Giton (1714), parle de l’amant homo comme un imposteur amoureux : « Ce pauvre dieu courut de ville en ville […] quittait les cieux pour éprouver les hommes. […] D’un beau marquis il a pris le visage. […] Trente mignons le suivent en riant. […] Ce faux amour, […] cet enfant jaloux, il vole parmi nous. » Dans le film « Rose et Noir » (2009) de Gérard Jugnot, Saint Loup voit son amant-ennemi dans son propre lit. Dans le film « La Mante religieuse » (2014) de Natalie Saracco, Greg, le héros homosexuel, taquine le couple lesbien Jézabel/Erika en les qualifiant de « deux diablesses ». Dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti, Olivier essaie de dissuader le jeune Mathan de croire en l’amour homo, car ses onze années de couple avec Jacques ont été visiblement éprouvantes : « J’espère que ça ne te fait pas rêver. C’est l’enfer. » Dans le roman At Swim, Two Boys (Deux garçons, la mer, 2001) de Jamie O’Neill, Anthony, l’homosexuel âgé, essaie de jeter le jeune Jim dans les bras du jeune Doyler : « C’est un ami qui va venir. Pas un étranger. Quand on aime quelqu’un, il n’y a rien à faire. » Dans le film « Thelma » (2017) de Joachim Trier, la belle Anja va attirer dans ses filets la jeune et timide Thelma. Leur liaison donne lieu à des phénomènes physiques (crises d’épilepsie d’une grande violence pour Thelma) mais également surnaturelles, de nature démoniaque. Dans la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn, Adam, le héros homosexuel, se targue de regarder des films satanistes sur Porn Hub où par exemple « un démon en images de synthèse baise un cheval. » (c.f. épisode 1 de la saison 1). Dans l’épisode 3 de la saison 1, l’Inquisiteur extraterrestre de la B.D. de Lily fait son coming out : « ‘Je suis gay !’ dit l’Inquisiteur. » Dans l’épisode 4 de la saison 1, Tanya et son amante Ruthie regardent un docu sur les requins (à défaut de pouvoir faire l’amour), et Tanya regarde Ruthie en souriant de toutes ses dents, d’un air diabolique et concupiscent. Dans le téléfilm Under the Christmas Tree (Noël, toi et moi, 2021) de Lisa Rose Snow, les deux amantes lesbiennes Charlotte et Alma se rendent à une fête de Noël démoniaque où l’une est déguisée en démon et l’autre en ange.
Dans la pièce Gouttes dans l’océan (1997) de Rainer Werner Fassbinder, Franz, le jeune héros homosexuel, garde un mauvais souvenir de son premier baiser homo qu’un certain Joachim lui aurait arraché dans un foyer de garçons : « Je me suis senti très mal. » Plus tard, il suit dans la rue un homme de quinze ans de plus que lui, Léopold, qui l’entraîne chez lui. Avant de passer à la casserole, Léopold propose à Franz de jouer aux petits chevaux… et il s’amuse, quand il lance les dés, de tomber trois fois de suite sur un « 6 » (je rappelle que 666 est le chiffre attribué au diable). Ensuite, Franz lui raconte le cauchemar qu’il a fait à propose de son beau-père, qu’il a pourtant désiré sexuellement : « Puis il est venu dans mon lit. J’avais l’impression de devenir de plus en plus petit. Comme une fille. Puis il est rentré en moi. » Excité par son histoire, Léopold commande à Franz de revivre son humiliation fantasmatique : « Déshabille-toi et j’arriverai. Comme l’homme du rêve. » L’un comme l’autre s’utilisent et se piègent : « Vous m’avez pris de court. » (Franz à Léopold) ; « Je me suis bien fait avoir. » (Franz après avoir couché avec Léopold) ; « Vous m’avez bien eu. » (Léopold à Franz) ; « C’est drôle, je n’ai pas l’habitude d’être dans la peau d’une marionnette. » (Franz)
Dans le film « Call me by your name » (2018) de Luca Guadagnino, Oliver, l’Américain, est l’étranger qui débarque dans la famille Perlman. Ce Don Juan va y séduire tout le monde, et en particulier le père (Sammy), et bien sûr le jeune fils de 17 ans Elio, avec qui il va avoir une liaison. Une fois qu’Oliver initie Elio à l’homosexualité, il essaie de le convaincre de déculpabiliser (« On n’a rien fait de honteux. » ; « Fais pas l’enfant. Rendez-vous à minuit. »)… même si Elio en pleure. Il l’embobine, lui fait croire à l’amour le temps d’un été, et après, disparaît pour toujours de la vie du jeune adolescent de 17 ans, afin de se marier. C’est pourquoi Elio le qualifie à deux reprises de « traître ». Le personnage d’Oliver incarne la beauté satanique insaisissable, inconstante : il se passionne d’ailleurs pour les « entités » occultes chez les Grecs. À un moment nocturne, Oliver est submergé par des images en négatif, de couleur rouge, de son jeune amant Elio, comme une vision psychédélique et satanique se superposant au réel. Oliver provoque à diverses reprises la chute d’Elio, ou bien lui-même chute (à vélo, dans le plan d’eau, etc.). À la fin du film, Elio sera transformé lui-même en diable : dans les dernières images, on voit en gros plan son visage éclairé par le feu de cheminée rougeâtre, qui passe des larmes au défi démoniaque.
Dans la pièce Géométrie du triangle isocèle (2016) de Franck d’Ascanio, Lola trompe sa copine Vera d’un commun accord avec Nina. Un trio diabolique s’organise autour des calculs machiavéliques de Vera : « Lola a une espèce de fascination pour vous. » (Nina s’adressant à Vera) ; « À cet instant, j’avais décidé que tu serais à moi. » (Vera s’adressant à Lola à propos de leur première rencontre) ; « Lola, tu sais que j’ai toujours eu ce que je voulais. » (idem) ; « En général, elle se plie à ma volonté. » (Vera parlant de Lola à Nina) ; etc. Lola se rend compte de l’identité satanique de sa compagne : « Cette femme est diabolique. Elle a trouvé le moyen de me déculpabiliser. » ; « La femme avec qui je m’épanouis sexuellement est une conne ; et la femme avec qui je vis est une lumière. » Mais elle consent à son aliénation : « D’une manière générale, je suis à ta disposition. J’éprouve une réelle volupté à laisser diriger ma vie par toi. » (Lola s’adressant à Vera) Quant à Nina, elle finit par ne plus supporter l’emprise de Vera sur Lola : « Si je comprends bien, ma relation avec Lola est sous ton contrôle ? » (Nina s’adressant à Vera) ; « Je me demande si tu ne manœuvres pas dans l’ombre pour manipuler Lola. » (idem) ; « Ta dépendance et ta soumission avec cette fille me gêne profondément. » (Nina s’adressant à son amante Lola, idem)
Dans le film « Que Viva Eisenstein ! » (2015) de Peter Greenaway, Sergueï Eisenstein, homosexuel, se fait sodomiser par Palomino : « Ça fait mal. Ça pique ! Je vais vomir. Je saigne ! ». Ce dernier le rassure un peu : « Une vierge est censée saigner. » Avec une jouissance malsaine, il lui parle de la syphilis, maladie transmise aux Russes, et qui se serait appelée « le mal mexicain ». Palomino semble se venger de la domination coloniale des Occidentaux sur les Orientaux en inversant, par la sodomie, la domination, comme s’il rééquilibrait le sens de l’Histoire : « Tu es l’Ancien Monde. Je suis le Nouveau Monde. Je veux jouir de ton cul russe et virginal. »
Le diable ressemble parfois au phallus ou au désir qui endurcit le sexe génital pour les personnes de même sexe : « Satanas, sors de mon slip ! » (Didier Bénureau dans son spectacle musical Bénureau en best-of avec des cochons, 2012)
Dans le roman Le Moine (1796) de Matthew Lewis, le diable prend la forme d’un jeune homme d’à peine 18 ans, au visage et au corps parfait, complètement nu, avec une étoile scintillante sur son front, des ailes rouges, des boucles de cheveux soyeuses attachées par un ruban de feu multicolore qui brûle autour de sa tête. La grâce angélique de cet éphèbe est seulement trahie par la férocité de son regard et son aspect mélancolique. On retrouve cette beauté du diable dans les romans de Philippe Besson, et notamment dans Un Garçon d’Italie (2003), avec la description de Leo : « On s’y laisse forcément prendre, à cet air angélique, à ces manières de Christ, à cette négligence dans la posture, à ces yeux qui fouillent au-dedans de nous alors qu’ils paraissent à peine nous regarder. Oui, on a envie de le prendre entre nos mains, ce visage d’enfant de chœur à qui on ne donnerait pourtant aucun bon Dieu sans confession, à ce sourire qui creuse des fossettes et qui ramène à l’adolescence, à ce que nous avons perdu. » (p. 98) ; « Les yeux fardés jusqu’au mépris. » (Luca, le narrateur homo du spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; etc.
Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, Paulo se demande par rapport à Pierrot s’il n’est pas homo : « Il est pas de la jaquette ? » Gilbert, intrigué, lui demande : « À quoi tu vois ça ? » Paulo lui rétorque : « Il regarde. »
Le diable est véritablement diabolique de ressembler dans un premier temps à Dieu : cf. le poème « Howl » (1956) d’Allen Ginsberg (avec l’ange blond qui perce avec son épée), la pièce Un Ángel Para La Señora Lisca (Un Ange pour Madame Lisca, 1953) de Copi, etc. Par exemple, dans le film « Respire » (2014) de Mélanie Laurent, la belle Sarah, tout de rouge vêtue, maltraite son amante Charlène, révèle les secrets de celle-ci aux autres, la harcèle au téléphone, la manipule. Elle la menace même de mort si jamais Charlène avoue sa véritable origine sociale : « Si t’en parles, je te tue. » Dans la pièce Quartett (1980) d’Heiner Müller (mise en scène en 2015 par Mathieu Garling), Merteuil se dit attirée par le « derrière virginal » de Cécile Volanges, « cette vierge que le diable a recrutée contre elle ». Dans le film « Stand » (2015) de Jonathan Taïeb, Audrey, le bel agresseur homophobe, drague Anton, le héros homosexuel, avant de l’attirer dans un get-apens. Dans le film « Jongens » (« Boys », 2013) de Mischa Kamp, Marc est le jeune et beau séducteur diabolique qui matte Sieger pour le déstabiliser. Dans l’épisode 268 de la série Demain Nous Appartient diffusée sur TF1 le 13 août 2018, lorsque Bart demande à Hugo son amant « Tu viens d’où ? », ce dernier lui montre le ciel (« De là. »), ce à quoi Bart plaisante : « T’es du genre un ange tombé du ciel, quoi… »
« À la première seconde, je savais que j’allais l’aimer, que j’allais souffrir. J’ai voulu faire durer cette imposture le plus longtemps possible. La douleur est éblouissante, très pure. » (Stéphane parlant de son ex-amant, le jeune et beau Vincent, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Suivre les yeux fermés notre hôte de charme. » (cf. la chanson « Les Chiens perdus » du Beau Claude) ; « Chaque dimanche tu apportais ta mousse au chocolat. Tout le monde disait ‘Il est humain’, blablabla. […] Tu attendais qu’au ciel les guirlandes d’étoiles guident tes pas pressés, rôdeur dominical, t’attirent hors de chez toi. » (cf. la chanson « Tu étais si gentil » du Beau Claude) ; « Ce petit, c’est ma damnation. » (Jacques, l’écrivain homo quinquagénaire ayant couché avec le jeune Mathan de 18 ans, dans la pièce Un Cœur en herbe (2010) de Christophe et Stéphane Botti) ; « J’voulais dire. T’es comme un ange. Un ange qui passe… » (Ryan dans la pièce Bang, Bang (2009) des Lascars Gays) ; « Le Dieu des Hommes […] s’éleva de 7 mètres au-dessus de nous, allant se placer haut à l’intérieur de l’aiguille de la Sainte-Chapelle dont les vitraux à mille et une couleurs produisaient sur lui (un barbu blanc aussi poilu qu’un ours polaire) un effet de kaléidoscope très agréable. » (Gouri, le narrateur bisexuel du roman La Cité des Rats (1979), p. 85) ; « Malcolm se leva et fit signe à Adrien de le suivre. Il le conduisit dans une petite pièce adjacente. Il alluma la lumière et tendit le bras : ‘Regarde, c’est beau non ? Tu vois, ça c’est celui je préfère !’ Adrien s’approcha. Un enfant dont le visage n’était pas vraiment celui d’un enfant, plutôt celui d’une créature sortie d’un monde fantastique, mi-homme mi-volatile, chevauchait une bicyclette aux roues enflammées. La chevelure abondante, prise au vent, ressemblait à un plumage d’oiseau. Le plumage d’oiseau qui vole à contresens. Le rouge et l’orange dominaient. » (Hugues Pouyé, Par d’autres chemins (2009), p. 30) ; « J’ai regretté quelquefois de l’avoir écouté. J’ai même pensé qu’il avait pu être l’instrument du diable. Je sais maintenant qu’il a été comme un ange, un messager. Un ange que j’aurais, peut-être, dû laisser passer, avec qui je n’aurais pas dû combattre et dont je n’aurais gardé que le souvenir du passage… Oui, j’aurais peut-être dû le laisser filer, l’enfant-oiseau à la bicyclette enflammée ! » (Adrien à propos de Malcolm, idem, p. 49) ; « Plus beau que jamais, il ressemblait à un ange… à mon ange. » (Ednar, le héros homosexuel du roman autobiographie Un Fils différent (2011) de Jean-Claude Janvier-Modeste) ; « [Jonathan Brockett, le personnage homo] Brockett était intelligent, il était d’une intelligence diabolique. » (Marguerite Radclyffe Hall, The Well Of Loneliness, Le Puits de solitude (1928), p. 307). « C’est pourquoi Brockett écrivait de si belles pièces, des pièces si cruelles ; il alimentait son génie de chair vive et de sang ! Génie carnivore ! » (idem, p. 308) ; « un homme absolument vicieux et cynique, un homme dangereux aussi parce qu’il était brillant » (idem, p. 351) ; « Derrière la porte, souriait de toutes sa nacre un garçon enjôleur que n’importe qui d’un peu novice aurait immanquablement trouvé joli. Laurent resta pétrifié sur le seuil de la porte. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « Cœur de Pierre » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 47) ; « Un ange éploré était accroupi à la base d’une grande croix, les bras levés vers le ciel dans une posture suppliante. Ses ailes étaient aussi longues que son corps, son visage beau et torturé, évoquant un Jésus féminin. Le sculpteur avait fait du bon travail ; une impression de lumière se dégageait des plis de pierre de sa robe, laquelle épousait ses formes athlétiques mais manifestement féminines. Jane s’aperçut que son regard s’attardait sur les fesses de l’ange. Elle rit et murmura : ‘ Du porno de cimetière. ’. » (Jane, l’héroïne lesbienne du roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 46) ; etc.
Par exemple, dans son roman La Dame à la Louve (1904), Renée Vivien évoque la séduction mortifère de l’amante lesbienne : « C’était un être bizarre. Lorsque je m’approchai d’elle pour la première fois, une grande bête dormait dans les plis traînants de sa jupe. » (p. 19) Dans le film « Children Of God » (« Enfants de Dieu », 2011) de Kareem J. Mortimer, Johnny n’arrête pas de s’entendre dire de son amant Romeo qu’il est « étrange ». C’est bien par le biais de la beauté que le diable se rend acceptable : « Elle est canon, toi tu lui donnais le bon Dieu sans confession. » (cf. la chanson « JBG » d’Alizée) On retrouve cette fausse innocence du diable dans la chanson de Dalida plébiscitée par la communauté gay, « Il venait d’avoir 18 ans » : « Il m’a dit ‘c’était pas si mal’ avec la candeur infernale de sa jeunesse. » Dans le film « Toto qui vécut deux fois » (1998) de Daniele Cipri et Francesco Maresto, Pietrino considère son amant Fefe (qui va le détruire) comme « un ange merveilleux ». Dans la comédie musicale HAIR (2011) de Gérôme Ragni et James Rado, Claude tombe sous le charme d’un adolescent candide et diabolique. Dans sa chanson « Vie de couple avec un chien », Jann Halexander parle d’un mystérieux inconnu à l’air ingénu. Dans son roman En l’absence des hommes (2001), Vincent a tout de Lucifer, le roi de la lumière (il s’appelle d’ailleurs « Vincent de L’Étoile ») : il est jeune, blond, et il tente Proust (« Je vous écoute dire cela : vous êtes un ange, parler de mon angélisme. », p. 54). Dans le film « Boys Like Us » (2014) de Patric Chiha, Rudolf décrit Pierre, son amant qui vient de le larguer, à un ange de lumière à qui il s’adresse encore nostalgiquement comme un ange solaire : « Et toi, t’étais assis dans ce rayon toute la journée. Je me souviendrai longtemps de ce rayon. » Dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, le héros gay Jason est l’archétype du diable magnifique qui conduit à la mort : « Jason venait de faire son apparition. Il se tenait debout sur le rocher au-dessus d’eux, les mains sur les hanches, la jambe gauche s’avançant légèrement dans le vide. Il était doré comme un croissant. Ses boucles blondes flottaient dans la brise légère. Corinne, assise à ses pieds, l’observait, incrédule. Avec son maillot de bain qui représentait des têtes de mort sur fond noir, il ressemblait vraiment à un messager des dieux de l’enfer. ‘Encore une beauté d’archange’, songeait Corinne. » (p. 83) Plus loin, le roman se poursuit avec la description du couple Jason/Mourad, où Mourad, tué symboliquement/oniriquement par son amant, prend le masque satanique à son tour : « Jason avait d’abord rêvé de Mourad, debout dans un paysage enneigé. De ses lèvres coulaient avec abondance un sang très rouge, et de ses yeux des larmes se mêlaient au ruisseau rubis. Jason voulait s’approcher de Mourad pour le consoler, mais ce dernier éclatait soudain d’un rire moqueur, puis disparaissait en quelques instants, fondant avec la neige. » (p. 279) Dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, Bryan dit à son amant Kévin : « Tu es beau, calme, irrésistible, mais pas de doute : envahissant. » (p. 210) Il le décrit comme un ange torturant (p. 144) : « Comment fais-tu ? T’es trop beau. T’es infernal. » (p. 317) ; « Je t’ai vu descendre du ciel, un matin d’hiver. Je t’ai vu seul, sombre et silencieux. » (p. 453) Dans son roman Par d’autres chemins (2009), Hugues Pouyé décrit toute l’ambiguïté du bel amant homosexuel Malcolm, qui subjugue le héros Adrien, et qui lui semble pourtant diabolique : « J’ai regretté quelquefois de l’avoir écouté. J’ai même pensé qu’il avait pu être l’instrument du diable. Je sais maintenant qu’il a été comme un ange, un messager. Un ange que j’aurais, peut-être, dû laisser passer, avec qui je n’aurais pas dû combattre et dont je n’aurais gardé que le souvenir du passage… Oui, j’aurais peut-être dû le laisser filer […] ! » (p. 49) Dans le roman Vincent Garbo (2010) de Quentin Lamotta, Garbo est précisément la figure du tentateur. Il détourne d’ailleurs un prêtre qui « ne voit pas sous le masque de l’adolescent timide les deux ronds de perversité qui enluminent la gueule d’ange. » (p. 133) Dans son roman Génitrix (1928), le héros de François Mauriac narre le chantage sentimental cruel de l’ange adolescent : « Il fredonnait : ‘Non, tu ne sauras jamais – ô toi qu’aujourd’hui j’implore – si je t’aime ou si je te hais…’ » (p. 25) Dans le film « Love Is Strange » (2014) d’Ira Sachs, Ian, le bel homme, est décrit par le couple homo Ben/George qu’il a aidé à trouver un nouveau logement, comme « l’étranger », « l’Ange » bienfaiteur. Dans le film « Rosa la Rose : Fille publique » (1985) de Paul Vecchiali, lorsqu’Yvette tombe sur Paulo, elle s’exclame : « Tiens ? Qui va là ! La Tentation en personne ! »
Étant donné que le diable est un ange, il est normal qu’il n’ait pas de sexe, ou qu’il offre le visage de l’androgyne bisexuel, mi-homme mi-femme : « Quel est cet homme-femme ? L’absurde Charnel, ‘plus-que-Charnel’ ? Qui était cet homme que tu as aimé jusqu’aux larmes. […] La Divine est ici. Elle est entrée. Elle sourit. Elle est assise à côté de moi. » (la voix narrative de la pièce Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro) ; « Et puis j’ai senti que je n’étais pas seul. Un être se tenait là. […] Puis j’ai entendu sa voix. Grave. Forte. Virile. Et pourtant une voix de femme. Elle m’appelait par mon prénom. Nous avons longuement discuté. Je lui ai promis de garder le silence sur tout ce qu’elle m’apprenait. […] Cela fait longtemps que je discute avec Dieu, il n’y a rien là de surprenant. Seulement c’est la première fois qu’il m’apparaît sous la forme d’une femme. » (Cyril dans le roman Pavillon noir (2007) de Thibaut de Saint Pol, pp. 60-63) ; « J’ai pris l’habitude de ses visites nocturnes. […] Une étreinte ferme et invisible qui se voulait rassurante. » (idem, p. 97) ; « J’irai au bout de la mission qu’il m’a confiée. […] La tentation est toujours plus forte. » (idem, p. 98) ; « Qui peut croire par exemple que des esprits peuvent communiquer avec nous ? Que des démons peuvent entrer dans notre chair ? Moi, j’y crois. » (idem, p. 99) ; « Michael est le charme… désincarné. » (Harold, le héros homosexuel parlant de son colocataire gay, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; etc.
Dans la pièce La Thérapie pour tous (2015) de Benjamin Waltz et Arnaud Nucit, Benjamin raconte à son psy sa première rencontre homosexuelle avec son amant Arnaud, à qui il a fait volontairement un croche-patte, alors que le tableau est idyllique : « C’était comme au cinéma. C’était au bord de la plage. C’est alors qu’il m’est apparu. Un petit air de Ryan Gosling… avec le corps d’Élie Sémoun. » De son côté, Arnaud donne une autre version des faits au psychanalyste, en partant sur le quiproquo incestueux que le thérapeute lui parlait de sa première cuite : « Ma première fois, c’était avec mon oncle dans sa cave. ». « Je comprends le traumatisme… » interrompt le psy. Arnaud poursuit : « J’avais 12 ans. J’étais consentant. […] C’était un Cabernet d’Anjou. Ma première cuite. » Réalisant qu’il y a eu malentendu, il se reprend : « Je sortais du cinéma. Il faisait 40° C. Ça puait la pisse. Je passe par Paris-Plage. Et là, avec le soleil qui m’aveugle, je me prends Ben en pleine gueule. Mais bon, moi j’ai le mal de mer, alors je lui en veux pas. »
Dans le film « Jonas » (2018) de Christophe Charrier, Nathan, le futur amant de Jonas, fait irruption en retard dans l’amphi le jour de la rentrée des classes au collège, en gênant la prof qui parle et en dirigeant un clin d’œil à Jonas qui le met dans l’embarras. Il s’assoit en cours à côté de ce dernier, en jartant Caroline qui pourtant était là avant lui. Le papa de Jonas met en garde son fils contre Nathan : « Fais gaffe, Jonas. ». Mais ce dernier ne suivra pas son conseil et sort avec Nathan. Quand Nathan fait croire à Jonas qu’il a été abusé par un prêtre à l’école primaire, non seulement il lui ment mais il le menace de l’égorger si jamais il trahit son « secret » (on découvrira que la balafre que Nathan porte sur sa joue ne vient pas d’un coup de calice donné par le prêtre, mais d’un lynchage collectif qu’il a subi aux autos tamponneuses à l’âge de 9 ans dans un parc d’attractions appelé Magic World). Nathan dévergonde le petit garçon sage qu’est Jonas… ce qui le transformera en homme drogué et instable à l’âge adulte. Il se moque de lui parce qu’il n’a pas d’amis au collège : « Pourquoi t’as pas d’amis ? », et le force à avouer qu’il était amoureux de son unique ancien ami, Nicolas, qu’il a perdu. De plus, pour embrasser Jonas, il le fait fumer dans la salle de sport du collège (ce qui deviendra une dépendance pour Jonas à l’âge adulte). Pour se venger d’un camarade de classe homophobe qui lui taxe toujours des clopes, Nathan empoisonne celles-ci afin de le rendre malade… et ça marche. De plus, Nathan ment à Jonas, l’humilie, le manipule, au point que ce dernier a peur et le croit fou : « T’es dingue. ». À l’âge adulte, Jonas finit, par contamination, par devenir aussi mauvais que son amant d’adolescence qu’il n’a plus jamais revu. Pourtant très sage et introverti à l’adolescence, il est devenu un vrai junkie : il est amené au poste de police pour avoir déclenché une baston dans un club gay, The Boys. Il pénètre dans un hôtel de luxe, L’Arthémis, et le standardiste, Léonard, le prend pour un faux doux, un criminel armé, et préfère lui fouiller son sac : « Je sais pas. Je vérifie que t’aies pas d’arme, de couteau. J’en sais rien. Si je reviens et que tout le monde est mort, et que t’as buté tout le monde, on fait comment ? » Jonas enfreint toutes les règles et fume dans sa chambre d’hôtel. Les deux amants, Nathan et Jonas, sont finalement devenus des bad boys au contact l’un de l’autre. Des petits diables.
Dans la pièce Sallinger (1977) de Bernard-Marie Koltès, le Rouquin apporte une vérité satanique, c’est-à-dire une vérité fondée non plus sur la Vérité en elle-même (en tant que priorité victorieuse sur le mal) mais sur la dénonciation des petits défauts et des faux-semblants des autres. Par purisme perfectionniste de la Vérité, il en arrive paradoxalement à détruire ce qui est juste. Son regard sur les êtres humains est dénué d’émerveillement et d’espérance. Sa « vérité » n’est pas aimante. Elle est pure opposition au Bien, jugé naïf et trop soumis. Il s’agit d’une vérité cynique qui consiste simplement à mettre son essentiel à prouver le mensonge. C’est en quelque sorte une « vérité par défaut ». L’inconnu du film « Teorema » (« Théorème », 1968) de Pier Paolo Pasolini, lui aussi, est présenté comme ce messager de la Mauvaise Nouvelle : il se contente de révéler aux autres leur bonheur illusoire, et la vanité de leur existence.
L’amant homosexuel diabolique est parfois un marionnettiste qui donne l’impression au manipulé d’être marionnettiste de son marionnettiste : « Il me traitait à la fois comme sa marionnette et son propre marionnettiste. » (Fermín dans la nouvelle « Primavera » de Claudia Schvartz, incluse dans le recueil Historia De Un Deseo (2000) de Leopoldo Brizuela, p. 278) ; « Petra et elle s’étaient écartées l’une de l’autre et se tenaient à présent face à face sur le canapé, comme si elles s’apprêtaient à entamer un match de boxe ou un jeu de ficelle. » (Jane, l’héroïne lesbienne en couple avec Petra, dans le roman The Girl On The Stairs, La Fille dans l’escalier (2012) de Louise Welsh, p. 54) ; « Je me demande s’il n’y a pas quelqu’un qui prend possession de moi. » (Delphine en parlant de son amante Elle, dans le film « D’après une histoire vraie » (2017) de Roman Polanski) ; « J’ai l’impression que tu t’es infiltré dans mon esprit. Je suis habité, envahi, possédé, obsédé par toi. » (William s’adressant à son amant Georges, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; « Nous sommes des dieux, Scrotes, et ces deux jeunes hommes sont nos jouets. » (Anthony s’adressant à son amant, par rapport au jeune couple homo naissant Jim/Doyler, dans le roman At Swim, Two Boys, Deux garçons, la mer (2001) de Jamie O’Neill) ; « Il me tire à lui, je te dis, et je ne peux pas rompre l’emprise qu’il a sur moi. » (Pawel Tarnowski, homosexuel continent, parlant du jeune David qui l’attire, dans le roman Sophia House, La Librairie Sophia (2005), p. 175) ; « Sur l’oreiller du mal, c’est Satan Trismégiste, qui berce longuement notre esprit enchanté. Et le triste métal de notre volonté est tout vaporisé par ce savant chimiste. C’est le diable qui tient les fils qui nous remuent. » (c.f. la chanson « Au lecteur » de Mylène Farmer, reprenant Charles Baudelaire) ; etc. La même chose se produit dans la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac (précédemment citée), dans le film « Le Roi et le Clown » (2005) de Lee Jun-ik, dans la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper, dans le ballet Alas (2008) de Nacho Duato, dans le spectacle Vu duo c’est différent (2008) de Garnier et Sentou, etc. Dans le film « Une Histoire sans importance » (1980) de Jacques Duron, Philippe se sent manipuler et incompris par Claude : « Tu aimes en moi ce que je n’aime pas. » Dans le film « Portrait de femme » (1996) de Jane Campion, un jeu de séduction malsain s’établit entre la jeune Isabelle et la vénéneuse Serena Merle qui téléguide la vie de la première à sa place. Quand Isabelle s’en rend compte, parce qu’en réalité elle a gâché sa vie en se mariant à un homme (Osmond) vers lequel Serena l’a poussée, elle se tourne vers Serena en l’identifiant comme un démon manipulateur : « Mais qui êtes-vous ? Qu’avez-vous à voir avec moi ? » ; Serena lui répond : « Tout ». Plus tard, Serena avouera à Osmond, le mari d’Isabelle : « J’étais la proie du mal. » Dans le roman À ta place (2006) de Karine Reysset, Cécile a passé son temps à décrire sa copine Chloé comme un pantin. Et, surprise, à la fin de l’histoire, c’est elle qui se fige en objet : « Je suis pétrifiée, à mon tour je suis devenue statue. » (p. 157) La poupée et le diable fusionnent souvent ensemble : « Jean-Jacques n’était pas un chef. Il n’était qu’un pantin dans tes mains perverties. » (Jean-Paul s’adressant à Jean-Marc, le héros homo infiltré, en lui parlant de son amant, dans la pièce Les Virilius (2014) d’Alessandro Avellis) ; « Khalid était à moi. Il s’enfonçait dans ma bouche. Je continuais de voyager dans la sienne. Des voies. Des ruelles. De l’obscurité. Des lumières, rares. J’étais devenu un sorcier : le fils de Bouhaydoura. » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 141) ; etc. Le héros devient cet amant diabolique par atavisme. « S’il se souvient de moi et qu’il se retourne vers moi, pour moi, je le sauverai, je redeviendrai un ange, juste un petit diable, le petit pauvre. » (Omar après avoir tué son amant Khalid, idem, p. 169) À la fin du roman Les Illusions perdues (1837-1843) d’Honoré de Balzac, Lucien comprend qu’il ne contrôle plus son propre destin. Il écrit à propos de Carlos Herrera, son amant homosexuel : « Au lieu de me suicider, j’ai vendu ma vie. Je ne suis plus maître de moi-même. Je ne suis que le secrétaire d’un diplomate espagnol. Je suis sa créature. » (Gregory Woods, Historia De La Literatura Gay (1998), p. 673) Dans le roman Les Faux-Monnayeurs (1947) d’André Gide, le héros n’est pas lâché par le diable : « La famille respectait sa solitude ; le démon pas. » (p. 11) Dans la pièce Fixing Frank (2011) de Kenneth Hanes, que ce soit le psy (le Dr Apsey) ou le petit copain (Jonathan), ils sont tout deux les petites « voix » (diaboliques) de la conscience de Frank, le héros homosexuel : ils le manipulent à distance, comme s’il était leur marionnette. C’est pour ça que Frank dit de son amant Jonathan qu’« il le force à faire des choses qu’il ne veut pas faire. » Jonathan confirme : « Oui, je te manipule. » Le psy fait de même, et fait dire à Frank ce qu’il veut quand celui-ci pense être tout seul avec son copain Jonathan. Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Michael, le héros homosexuel, force tous ses amis gays, par jeu, à téléphoner à leur premier grand « amour » homo pour leur montrer la vanité de celui-ci. Cela les plonge dans la nostalgie minante de l’arroseur arrosé : « Pourquoi j’ai appelé ? Pourquoi j’ai fait ça ? Je n’aurais pas dû ! » se lamente par exemple Bernard après avoir joint par téléphone son amant disparu, Peter. Quand Bernard dit qu’il a perdu « sa dignité » suite à ce coup de fil raté, Michael affiche un rire sardonique. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Adrian, le jeune délinquant homosexuel, a identifié l’homosexualité du père Adam, et joue au chat et à la souris avec lui au point de l’outer. Dans le film « Free Fall » (2014) de Stéphane Lacant, Engel (l’ange blond) est le tentateur de Marc, l’homme marié et futur père : ce dernier lui reproche d’avoir « bousillé sa vie » en lui ayant fait découvrir les plaisirs homosexuels. Dans la pièce Gothic Lolitas (2014) de Delphine Thelliez, Juna étouffe ses amies (Suki et Kanojo) à distance, pendant un combat de magie qu’elle finit par perdre avec Kanojo qui lui adressera un dernier éloge mortuaire : « Mon amour, mon ange noir, pardonne-moi. »
En général, le héros homosexuel est pris de court (ou fait comme si il l’était, en jouant la vierge effarouchée) : « Tout ceci est déroutant. Toi ici ?… » (André par rapport à Laurent, qui revient à lui après l’avoir lâché et rompu une relation de 10 ans, dans le docu-fiction « Le Deuxième Commencement » (2012) d’André Schneider) ; « J’suis hétéro. J’ai dérapé. J’allais pas bien. Il était là. » (Didier en parlant de Bernard ans la pièce À quoi ça rime ? (2013) de Sébastien Ceglia) ; « Es-tu un frère ? Es-tu un rêve ? À des milliers d’âmes anonymes. » (cf. la chanson « J’ai essayé de vivre » de Mylène Farmer) ; « Je suis vraiment gêné de faire irruption comme ça. » (Alan qui vient menacer le couple Larry/Hank, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; etc.
Parfois, le personnage homosexuel se sent habité par une force diabolique qui le rend semblable à elle : cf. le film « Stranger Inside » (2001) de Cheryl Dunye, le vidéo-clip de la chanson « Montero » de Lil Nax. « Elle est rentrée en moi. J’ai cru que j’allais exploser. » (Irène après sa première relation lesbienne, dans la pièce Ma première fois (2012) de Ken Davenport) ; « Le jeudi, j’ai fait quelque chose de mal. […] J’ai senti la culpabilité me brûler le visage tandis que je demandais la chose en question, et dans ma tête une petite voix disait : ‘Celle-là, elle n’est pas pour toi. […] Tu essaies de voler ce que tu ne désires même pas.’ Parce que tu t’y connais, en désir ? Ça, au moins, c’est notre domaine, pas le tien. Et pourquoi tu parles de voler ? Je l’ai trouvée la première. » (Ronit, l’héroïne lesbienne qui entend une voix maléfique avec qui elle dialogue, au moment où elle prétend voler le cœur d’Esti, la femme mariée, dans le roman La Désobéissance (2006) de Naomi Alderman, pp. 223-224) ; etc.
« Face à cette fille sans coquetterie, je me voyais dans la peau d’un diable venu pour la tenter. […] Sachant qu’elle allait partir, avec une énergie et une détermination qui m’étonnèrent moi-même, je me précipitai pour lui prendre un baiser. Elle n’en fut pas surprise et se laissa faire, mais sans participer en rien. Aussi furtif que fût ce baiser, je compris qu’elle n’avait jamais embrassé personne avant moi. J’en ressentis instantanément comme une sorte de tristesse et j’eus le sentiment qu’il émanait d’elle une pureté à jamais inaccessible. » (Alexandra, la narratrice lesbienne cherchant à draguer une jeune religieuse dans un train, dans le roman Les Carnets d’Alexandra (2010) de Dominique Simon, p. 223-224)
On retrouve le motif du regard diabolique dans différentes œuvres homo-érotiques : le film « L’Œil du diable » (1960) d’Ingmar Bergman, le roman Dans œil de l’ange (1998) d’Andrea H. Japp, la chanson « Les Yeux androgynes » de Jeanne Mas, les chansons « Je te rends ton amour » et « Beyond My Control » de Mylène Farmer, le roman Les Yeux silencieux (2003) de Michel Giliberti, la chanson « Les Yeux d’un ange » de Pascal Sevran, etc. Le regard du viol imposé par l’amant homosexuel diabolique est frénétique, triste, noir, angoissé, mécanique, sans tendresse, cannibale. On le voit particulièrement dans des films tels qu’« Une Vue imprenable » (1993) d’Amal Bedjaoui et « Espacio 2 » (2001) de Lino Escalera ; ou bien dans des chansons comme « Black Eyed » du groupe Placebo, « Les Yeux noirs » du groupe Indochine, et « Sans contrefaçon » de Mylène Farmer (où il est fait référence au regard noir), le film « L’homme blessé » de Patrice Chéreau (avec les regards fiévreux et inquiets dans la gare), le film « Reflection In A Goldeneye » (« Reflets dans un œil d’or », 1967) de John Huston, le film « Hoje Eu Quero Voltar Sozinho » (« Au premier regard », 2014) de Daniel Ribeiro (avec Gabriel, l’intrus au visage d’ange, « vu » par son futur amant Léo, le protagoniste aveugle), la chanson « Les beaux yeux des garçons » du Beau Claude, etc.
Les yeux du violeur ne sont pas forcément désagréables d’ailleurs : ils peuvent être, comme le décrit Marcel Jouhandeau dans Carnets de Don Juan (1957), « plus graves qu’une nuit d’amour » : « Non, je n’ai jamais été violé et abandonné comme par ce regard en une seconde et en pleine rue, subtil, sagace, sûr de son harpon et sans remords… Cet homme… s’est retourné tout d’un coup et, me dévoilant son visage d’Archange, m’adressa face à face ce message d’une langueur, d’une ferveur et à la fin d’une férocité qui n’avaient plus rien d’humain… » (p. 96)
« Tout passe par les yeux. » (cf. une réplique de la pièce Les Gens moches ne le font pas exprès (2011) de Jérémy Patinier) ; « Son visage était fin, la peau, foncée sans être noire, était belle mais ce fut surtout la couleur et la forme des yeux qui le frappèrent. Ils étaient noisette, presque verts, légèrement dessinés en amande. Le regard le rassura. » (Adrien parlant de son amant Malcom, dans le roman Par d’autres chemins (2009) d’Hugues Pouyé, p. 27) ; « Je découvris la douceur des regards complices de ces androgynes que sont parfois les adolescents. » (le narrateur homosexuel parlant de ses années collège, dans la nouvelle « La Chaudière » (2010) d’Essobal Lenoir, pp. 18-19) ; « Ton regard… tes yeux. […] J’ai besoin de m’y perdre, de m’y noyer. » (Bryan s’adressant à son amant Kévin, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 317) ; « Pour tes regards éperdus, ton regard d’amour désespéré, mon sperme s’est répandu. » (Luca dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès) ; « Il jouit en moi comme il s’en retire, sans un bruit, sans un regard pour moi, sans un mot ou un geste. Je le regarde partir se laver dans la salle de bain dans une odeur de merde chauffée, le cul endolori, la bite encore dure, avec un sentiment violent de frustration. Il revient, s’installe pour dormir, me repousse quand je veux me coller à lui en m’expliquant ‘Ah non, ça m’empêche de dormir, d’avoir quelqu’un collé à moi.’ » (Mike, le narrateur homo parlant à son amant Léo, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 98) ; « C’est l’œil de judas qui cligne, le nouveau péché original. » (le narrateur queer parlant de la sodomie, dans la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier) ; « On raconte que quand les ‘Boludos’ vous regardent dans les yeux vous restez figé dans la même position pour l’éternité. On a trouvé sur leur chemin d’innombrables statues en lave représentant des êtres humains et des animaux à l’expression effrayée. » (Copi, « La Déification de Jean-Rémy de la Salle » (1983), p. 58) ; « Tu n’arrives pas à partir. Comme pour un accident. On ne peut regarder ni détourner le regard. » (Michael, le héros homo parlant de l’attraction homosexuelle, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin) ; « Il a touché mon visage, et ses yeux sont devenus plus sombres. » (Arthur, le personnage homo, parlant d’un de ses premiers amants anonymes, dans le roman Harlem Quartet (1978) de James Baldwin, mis en scène par Élise Vigier en 2018) ; etc.
Par exemple, dans le film « La Vie d’Adèle » (2013) d’Abdellatif Kechiche, les deux héroïnes, Emma et Adèle, ont un drôle de premier contact : c’est l’échange inquiet des regards impérieux sur un passage clouté qui révèlera à Adèle son attrait pour les filles. Dans le film « Petit cœur » (2012) d’Uriel Jaouen Zrehen, le temps d’un regard dans le métro, une fille est troublée par une autre fille. Dans le roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, le narrateur homosexuel identifie ses pairs homosexuels à leurs « regards insistants », à « cette façon languide de se tenir » (p. 28). Quand ils se trouvent à l’opéra, il joue au Grand Seigneur lorgnant de manière méthodique sur ses proies sexuelles (qui instaurent le même jeu de regards que lui !) : « Il y avait des jeunes gens comme moi, amoureux fous de l’opéra, conscients ou non de leur différence, qui scrutaient chaque nouveau visage, beau ou laid, se présentant aux doubles portes d’entrée, à la recherche d’un signe de reconnaissance, d’un regard un tant soit peu insistant, peut-être même d’un sourire. Je tombais moi-même amoureux aux trente secondes, convaincu que tel ou tel spectateur regardait dans ma direction, plantait son regard dans le mien, hésitait à m’aborder. » (idem, p. 43) ; « Je choisissais les plus beaux et vivais une intense aventure de dix secondes avec chacun. » (idem, p. 44) ; etc. Dans le film « W imie… » (« Aime… et fais ce que tu veux », 2014) de Malgorzata Szumowska, Les regards entre Lukacz et Adam sont le détonateur de l’ambiguïté homo-érotique, et comme par hasard, ils sont échangés au milieu des flammes d’un feu de camp.
Le diable homosexuel, en général, ne parle pas. Son unique moyen de communication est le regard (Comme en boîte de nuit gay ou dans le contexte furtif du voyage en métro) : « Déjà ce soir-là Méphisto incognito guettait sa victime en rasant les murs. Dans les vitrines se croisent leurs regards, miroirs qui se font signe, sans parole et sans signature. » (cf. la chanson « Les Trottoirs de Los Angeles » de la comédie musicale La Légende de Jimmy de Michel Berger) ; « Il a changé votre vie. Son regard pénétrant vous hantera jusqu’à la fin de vos jours. » (Thibaut de Saint Pol, N’oubliez pas de vivre (2004), p. 246) ; « Il me dévisagea de ses grands yeux bleus comme le ciel et impitoyables. » (Garnet Montrose décrivant Daventry, dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 43) ; « Il avait un drôle de truc dans l’œil. » (Henry parlant de Michel, le tueur homosexuel homophobe de l’île, dans le film « L’Inconnu du lac » (2012) d’Alain Guiraudie) ; « Diego fut fasciné, sans pouvoir détourner le regard de ce demi-dieu qui l’observait et se laisser observer. Ils n’échangèrent pas un mot : l’autre le prit par le bras, le retourna contre le mur et le posséda. ‘Je suis rentré au dortoir ma bougie éteinte, mais éclairé de l’intérieur, et avec le pressentiment d’avoir soudain compris le monde’, dit-il. » (Senel Paz, Fresa Y Chocolate (1991), p. 22) ; etc. Par exemple, dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, Emory, le héros homosexuel efféminé, parle de son premier amour, Delbert, un amour impossible, non-réciproque, qui le torture autant qu’il le ravit : « Je l’ai aimé dès que mes yeux se sont posés sur lui. J’étais au collège et lui au lycée. »
Beaucoup d’auteurs homos réactivent le mythe de Faust, ce personnage qui a signé un pacte avec le diable pour devenir l’égal de Dieu, c’est-à-dire l’Amour-même : je pense en particulier au ballet Notre Faust (1976) de Maurice Béjart, au film « La Comtesse aux Pieds nus » (1954) de Joseph Mankiewicz, au roman Docteur Faust (1983) de Thomas Mann, au roman Faust (1990) de Fernando Pessoa, au roman Docteur Faustroll (1898) d’Alfred Jarry, à la pièce Dans la solitude des champs de coton (1985) de Bernard-Marie Koltès (avec l’amant diabolique insistant), à la pièce Nietzsche, Wagner, et autres cruautés (2008) de Gilles Tourman, au roman Le Portrait de Dorian Gray (1891) d’Oscar Wilde, au roman Faust (1594) de Christopher Marlowe, au personnage de Fausto dans le roman Portrait de Julien devant la fenêtre (1979) d’Yves Navarre, au film « Doctor Jekyll And Sister Hyde » (1971) de Roy Ward Baker, au film « Morgane et ses nymphes » (1970) de Bruno Gantillon, au film « Ma Vie est un enfer » (1991) de Josiane Balasko, au roman L’Autre Faust (2001) de Didier Godard, la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset, le film « Don Juan et Faust » (1922) de Marcel L’Herbier, le concert Le Cirque des Mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker, etc.
« Faust est un emblème, l’expression d’une donnée agissante. » (un des héros de la pièce Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust (2009) de Renaud Cojo) ; « Ne commence pas à vendre des bouts de toi-même à des gens comme Shane. » (Zach s’adressant au jeune Danny, avec qui il a couché et qui maintenant se laisse entretenir par Shane, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « On lui a volé son âme ! » (Fifi et Mimi s’adressant à Pédé dans la pièce Les Escaliers du Sacré-Cœur (1986) de Copi) ; « De Gounod, je ne connaissais que l’inévitable Faust pour lequel j’avais eu une passion pendant toute mon adolescence. » (le narrateur homosexuel du roman La Nuit des princes charmants (1995) de Michel Tremblay, p. 27) ; « Dès les premiers mots, j’ai su que ce que nous venions de vivre intensément ensemble, cet échange, cette fusion, cette transformation, ce pacte, cette forêt noire. » (Omar parlant de lui et de son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 165) ; etc.
D’ailleurs, le titre du roman El Lugar Sin Límites (1966) de José Donoso est un clin d’œil au Docteur Faust de Christopher Marlowe où Méphistophélès déclare que l’enfer n’a pas de frontières. Dans la pièce de Lorca La Tragi-comédie de Don Cristóbal et Doña Rosita (1935), Doña Rosita est prise de souhaits faustiques : « Ah… Si je pouvais vendre mon âme au diable… » Dans les œuvres homo-érotiques, le dialogue amoureux homosexuel prend très régulièrement la forme d’un échange commercial diabolique : « As-tu vendu ton âme au diable, Jimmy Dean ? » (cf. la chanson « Les Trottoirs de Los Angeles » dans la comédie musicale La Légende de Jimmy de Michel Berger) ; « J’ai pas eu de jeunesse. Ma jeunesse, je l’ai vendue. » (Jacques Nolot dans son film « La Chatte à deux têtes », 2002) Le héros homo de la pièce La Fesse cachée (2011) de Jérémy Patinier parle de son sentiment d’avoir été leurré par le diable : « Les papous ne s’embrassent jamais, ils ont peur qu’on leur vole leur âme… Moi je me sens papou bizarrement certains matins… » Dans la comédie musicale La Nuit d’Elliot Fall (2010) de Vincent Daenen, le Baron homosexuel donne du poison à Elliot, pour mieux le posséder. Dans la comédie musicale Sauna (2011) de Nicolas Guilleminot, Benji s’adresse avec impuissance à son amant Maxence qui lui a fait perdre son innocence et sa virginité : « Mon cœur, tu l’as volé, et sans détour. » Dans le roman Le Portrait de Dorian Gray (1890) d’Oscar Wilde, Dorian Gray, par sa beauté et ses yeux captivants, inspire la « terreur » à Lord Henry ainsi qu’à Basile, le peintre qui le portraiture : « J’avais l’impression d’avoir donné mon âme à un être qui met une fleur à sa boutonnière. » (Basile) Dans la pièce Hétéro (2014) de Denis Lachaud, Négoce est le héros homosexuel entremetteur, un mafieux crapuleux, un chasseur de têtes engagé par des « couples de pères homos » pour arranger des mariages homos entre des jeunes hommes célibataires : « Merci. Vous savez mon fond de commerce… »
N.B.: Je vous renvoie également aux codes « Douceur-poignard », « Première fois » et à la partie « Tendresse » du code « Drogues » dans le Dictionnaire des Codes homosexuels.
Il n’est pas rare de voir que l’amant homosexuel est comparé à un chat. C’est le cas dans le roman N’oubliez pas de vivre (2004) de Thibaut de Saint Pol : « Où est le chat ? C’est lui la solution. » (p. 107) Entre la voix narrative et ce « félin cajoleur » (idem, p. 204), c’est l’histoire d’une possession : « Vous êtes tout à lui. Il a gagné. » (idem, p. 234). D’ailleurs Quentin, l’amant homosexuel de l’histoire, a un « sourire félin » (idem, p. 247). Dans le film « Giallo Samba » (2003) de Cecilia Pagliarani, Monica la lesbienne discute avec son meilleur ami, Joaquim, qu’elle compare à un « chat ». Dans le film « Presque rien » (2000) de Sébastien Lifshitz, Mathieu, le héros homosexuel, dit à son chat qu’il « est son p’tit Prince charmant maintenant ». Dans le concert Le Cirque des mirages (2009) de Yanowski et Fred Parker, le diable a un chat prénommé « Chacha ».
Il est absolument fascinant de découvrir le nombre de fois dans les œuvres homosexuelles où l’expression « donner sa langue au chat » est employée, au moment précisément du premier baiser du personnage homosexuel à son amant, qui apparaît avec un masque félin : c’est par exemple le cas dans le roman La Confusion des sentiments (1928) de Stefan Zweig, le film « Embrasser les tigres » (2004) de Teddi Lussi Modeste, la chanson « La Langue des anges » de Catherine Lara dans l’opéra-rock Sand et les romantiques, dans la B.D. Journal (1) de Fabrice Neaud, la chanson « Ma langue au chat » d’Élodie Frégé, etc. Dans le roman Cosmétique de l’ennemi (2001) d’Amélie Nothomb, Isabelle, la femme violée, dit à Texor Texel qu’elle « donne sa langue au chat. » Dans la pièce L’Opération du Saint-Esprit (2007) de Michel Heim, la Vierge Marie, en parlant du diable, dit que « c’est une méchante langue ! » Dans la pièce Transes… sexuelles (2007) de Rina Novi, Jacques parle de « donner sa langue à la chatte ». Donner sa langue au chat est une pratique fictionnelle homosexuelle assez courante : « Il m’a fallu l’impasse, donner ma langue au chat pour contrer l’existence. » (cf. la chanson « Méfie-toi » de Mylène Farmer) ; « Fais attention ou j’t’arrache la langue avec ma chatte ! » (Vaginette à Diego, dans le one-(wo)man-show Le Jardin des dindes (2008) de Jean-Philippe Set) ; « Entre moi, entre toi, ta langue de fer ou langue de chat. » (cf. la chanson « La Chevauchée des champs de blés » du groupe Indochine) ; « C’est pas d’ma faute, et quand je donne ma langue au chat, je vois les autres tout prêts à se jeter sur moi. » (cf. la chanson « Moi… Lolita » d’Alizée) ; « Je titille à présent son sexe, à demi dressé, de coups de langue lents et mesurés, à la manière d’un félin. » (Éric dans Albert Russo, L’Amant de mon père (2000), p. 36) ; « Sven se mit à lécher la hampe, par petites touches, comme un jeune chat qui découvre une nouvelle friandise. » (idem, p. 98) ; « J’ignorais qu’un chat pouvait sourire. » (le père d’Alice dans le film « Alice In Wonderland », « Alice au pays des merveilles » (2010) de Tim Burton) ; etc.
Dans le roman Journal de Suzanne (1991) d’Hélène de Monferrand, le dialogue entre Manuela, la sœur d’Héloïse, et Suzanne, l’amante d’Héloïse, est plutôt signifiant : Suzanne, parlant des aventures amoureuses lesbiennes d’Héloïse, déclare : « Je me suis dit que cette pauvre Héloïse […] allait y passer. Que son sort allait être réglé en deux coups de dents, et que… » Manuela l’interrompt brusquement : « Tu as de ces expressions ! » Suzanne poursuit : « Pardon. En deux coups de langue… » À nouveau, Manuela, offusqué s’interpose : « Manuela ! » Suzanne surenchérit malicieusement : « Ben quoi ! Un chat est un chat. » (p. 249) CQFD.
« Un jour l’amour décline, tous nos mots se mêlent, Ange. Ta douce langue se fourche. […] Ce qui était à toi, il faut que je le vende. » (cf. la chanson « Ange » du Beau Claude) ; « Le pire membre chez l’homme, c’est la langue. » (Vincent Nadal dans sa performance Des Lear, 2009) ; « Il consent à une rencontre, chez moi, mais il ajoute ‘Les yeux bandés. Tu ne dois jamais voir ma laideur repoussante.’ J’accepte. Les jours qui précèdent la rencontre, je les passe dans un état de surexcitation incroyable. Le jour prévu, à l’heure prévue, il frappe trois coups contre la porte, notre code secret. Je place mon bandeau, et j’ouvre en me demandant si je n’ouvre pas ma porte à un voleur, un tueur de sang froid ou un violeur. Peut-être que j’en aurais envie… […] Je referme la porte et tout de suite nous portons nos mains sur le visages de l’autre, pour sentir le bandeau, pour être sûr que le contact est respecté. Il sourit, je sens sous mes doigts sa bouche tendue. Moi aussi je souris. On se prend dans les bras l’un de l’autre et on cherche nos bouches, qu’on s’embrasse voracement, qu’on viole avec la langue. Après un instant, en reprenant notre souffle, il dit ‘Ouhaou, c’est chaud !’ Je le prends par la main. Je me glisse devant lui, et ensemble nous marchons comme un seul homme dans l’appartement, Vianney parfaitement collé à ma nuque, mon dos, mes fesses, mes jambes. » (Mike racontant son aventure avec un certain Vianney, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 84) ; « Ce fut un innocent coup d’œil en arrière qui perdit le fils. L’homme, que le père semblait fuir, lança au fils un baiser aérien, et ce baiser percuta avec une telle violence l’innocence de ses pensées qu’il faillit tomber à la renverse ; mais le fourmillement délicieux que cette collision déclencha le laissa sur sa faim. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 30) ; « Cette nuit, je te l’ai pris, ce baiser que tu n’as pas voulu me donner. […] Je suis encore troublé par ce baiser volé. » (Kévin s’adressant à son amant Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 207) ; « Khalid s’est avancé vers moi et il m’a embrassé. Sur la bouche. Avec la langue. Longtemps. Les yeux fermés, j’ai pris sa bouche, ses lèvres en moi. Et, triste, amer, j’ai joué violemment avec sa langue. Il n’a pas protesté. » (Omar après avoir tué son amant Khalid, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 168) ; « Que signifiait le baiser qui l’avait tant troublé : défi, ou mépris ? L’homme les avait-il pris, son père et lui, pour des invertis ? » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 31) ; etc.
Si la langue de l’amant homosexuel n’est pas toujours celle du chat, en tout cas elle est souvent dangereuse ou diabolique, associé au baiser traître de Judas : cf. le roman Baiser de sang (2008) de Tony Mark, le film « Kiss Me God Damn It ! » (2006) de Stian Kristiansen, etc. Par exemple, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza, Danny Reyes a réalisé un film intitulé « Judas Kiss », littéralement le baiser de Judas. Dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, la langue de l’amant homosexuel est comparée à celle du serpent (p. 65). Dans le film « Keep The Lights On » (2012) d’Ira Sachs, Paul embrasse son amant Erik pour lui donner une bouffée de drogue.
« Le pire membre chez l’homme, c’est la langue. » (Vincent Nadal dans sa performance Des Lear, 2009) ; « Il consent à une rencontre, chez moi, mais il ajoute ‘Les yeux bandés. Tu ne dois jamais voir ma laideur repoussante.’ J’accepte. Les jours qui précèdent la rencontre, je les passe dans un état de surexcitation incroyable. Le jour prévu, à l’heure prévue, il frappe trois coups contre la porte, notre code secret. Je place mon bandeau, et j’ouvre en me demandant si je n’ouvre pas ma porte à un voleur, un tueur de sang froid ou un violeur. Peut-être que j’en aurais envie… […] Je referme la porte et tout de suite nous portons nos mains sur le visages de l’autre, pour sentir le bandeau, pour être sûr que le contact est respecté. Il sourit, je sens sous mes doigts sa bouche tendue. Moi aussi je souris. On se prend dans les bras l’un de l’autre et on cherche nos bouches, qu’on s’embrasse voracement, qu’on viole avec la langue. Après un instant, en reprenant notre souffle, il dit ‘Ouhaou, c’est chaud !’ Je le prends par la main. Je me glisse devant lui, et ensemble nous marchons comme un seul homme dans l’appartement, Vianney parfaitement collé à ma nuque, mon dos, mes fesses, mes jambes. » (Mike racontant son aventure avec un certain Vianney, dans le roman Des chiens (2011) de Mike Nietomertz, p. 84) ; « Ce fut un innocent coup d’œil en arrière qui perdit le fils. L’homme, que le père semblait fuir, lança au fils un baiser aérien, et ce baiser percuta avec une telle violence l’innocence de ses pensées qu’il faillit tomber à la renverse ; mais le fourmillement délicieux que cette collision déclencha le laissa sur sa faim. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « À l’ombre des bébés » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 30) ; « Cette nuit, je te l’ai pris, ce baiser que tu n’as pas voulu me donner. […] Je suis encore troublé par ce baiser volé. » (Kévin s’adressant à son amant Bryan, dans le roman Si tu avais été… (2009) d’Alexis Hayden et Angel of Ys, p. 207) ; etc.
Cette langue du diable peut être la représentation de l’emprise invisible exercée par un chanteur ou une chanteuse : « Il montre du doigt la langue de Janis Joplin qui sort de sa bouche comme un sabre ensanglanté. » (cf. une réplique de la pièce Jerk (2008) de Dennis Cooper)
Symboliquement, le fait de donner sa langue au chat démontre qu’un pacte du silence et du déni du mal est instauré entre les deux amoureux homosexuels. Ils s’utilisent l’un l’autre en se jurant de prouver à la face de la Terre que ce qu’ils vivent est de l’amour… même si, concrètement, ça n’en sera pas. C’est la raison pour laquelle le diable homosexuel des fictions prend la forme de l’action des sorcières de William Shakespeare dans la pièce Macbeth (1623), c’est-à-dire d’« un faire qui n’a pas de nom » (Acte IV, scène 1, p. 163). Le contrat est conclu à l’encre sympathique : « La signature finale est illisible. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 101) ; « J’ai fait des études de lettres. De lettres anonymes, bien sûr. » (Michel dans la pièce Le Cheval bleu se promène sur l’horizon, deux fois (2015) de Philippe Cassand) Dans sa chanson « Les Passagers », Étienne Daho nous parle bien du « passager de plus qui n’a pas de nom, pas de prénom, anonyme » et qui s’immisce discrètement dans le couple homosexuel. « C’est le chat de gouttière le plus anonyme du monde. », rajoute Jean-Pierre Belone, l’homosexuel du film « Le Placard » (2001) de Francis Veber. Dans le roman de Julien Green Si j’étais vous (1947), Fabien rencontre précisément incognito l’énigmatique et diabolique Brittomart, « l’inconnu aux yeux noirs » : « La rencontre était anonyme. » (p. 23) ; leur pacte identitaire est scellé sans contrat visible : « Cette parole que vous venez de prononcer nous tiendra lieu de tous les parchemins traditionnels signés de notre sang, voulez-vous ? De telles billevesées ne sont plus de notre temps, pas plus que ce mot de diable qui vous a échappé, tout à l’heure et que vous bannirez de votre vocabulaire. » (Brittomart à Fabien, idem, p. 75)
Le diable peut distraire de tout, y compris de lui-même (n’oublions pas qu’il se déteste et qu’il ne veut surtout pas entendre parler de lui !). Certains personnages homosexuels, en lui donnant leur langue, souffrent d’amnésie et ne peuvent plus parler (cf. le dessin du monstre félin dans le journal intime d’Hervé dans le film « Un Año Sin Amor » (2005) d’Anahi Berneni). « Toi et moi, on ne s’est jamais rencontrés, ok ? On ne se connaît pas. » (Zach parlant à Danny, suite à la nuit de sexe qu’ils ont vécue ensemble sans même prendre le temps de se connaître, dans le film « Judas Kiss » (2011) de J.T. Tepnapa et Carlos Pedraza) ; « On n’a même pas eu le temps de se présenter… » dira Dany (idem) Leur voix intérieure leur impose cette maxime : « Dis que tu viens d’un monde effacé… monde de songe… » (Manuel Puig, El Beso De La Mujer-Araña, Le Baiser de la Femme-Araignée (1976), p. 219) ; « Je ne me souviens plus de son prénom. Même son visage est flou » (Vincent s’adressant à son ex-compagnon Stéphane, qu’il a trompé en n’assumant pas du tout son acte d’infidélité, dans la pièce Un Tango en bord de mer (2014) de Philippe Besson) ; « Je suis le plus redoutable et le plus doux des dieux. […]Je suis peut-être pire que les autres dieux. […] Je ne m’attaque qu’à ceux qui doute de ma nature divine. » (Bacchus dans le film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré) ; etc. Les mots du contrat diabolique tiennent en une consigne toute simple que Pascal Bruckner rappelle dans La Tentation de l’innocence (1995) : « Tu adopteras mes méthodes tout en me reniant. » On la retrouve édictée dans le film « Hedwig And The Angry Inch » (2001) de John Cameron Mitchell : « Deny me and be doomed. » (« Renie-moi et sois maudit. ») Elle apparaît aussi dans la bouche de Tirésias, le pédiatre du film « Métamorphoses » (2014) de Christophe Honoré, conseillant, par un pacte, à la mère de Narcisse de noyer l’identité de son fils : « Il aura une vie longue et heureuse s’il ne se reconnaît pas. »
Par exemple, dans le spectacle musical Luca, l’évangile d’un homo (2013) d’Alexandre Vallès, Luca ressent une culpabilité indicible : il fait allusion à une douleur qui semble physique mais qu’il ne voit pas et qu’il n’identifient pas « Mais de quoi étais-je donc le complice ?? […] Mais de qui étais-je donc complice ? […] Sur mon poitrail, aucune cicatrice. » Dans la série Ainsi soient-ils (2014) de David Elkaïm, Emmanuel, l’un des séminaristes, noir et homosexuel, a dirigé des fouilles archéologiques à Carthage pour le Musée du Louvre, et a vécu là-bas sa première expérience homosexuelle avec un homme anonyme : « Il était grand, costaud. Je sais même pas s’il était beau. Je ne me souviens même pas de son visage. […] Les détails s’imposent à moi de façon démoniaque. Pourquoi je me sens si coupable ? » Dans le film « Test : San Francisco 1985 » (2013) de Chris Mason Johnson, lorsque Frankie demande à son amant Todd comment s’appelle le dernier « plan cul » de ce dernier (« Il n’a pas de nom ? »), Todd répond cyniquement « probablement que si », parce qu’en fait il n’a pas la réponse.
Le diable fait oublier le prénom tout en donnant au personnage qu’il habite l’impression de l’unifier. « Homonymes… Anonymes. » (cf. la chanson « Les Passagers » d’Étienne Daho) Dans le film « Chloé » (2009) d’Atom Egoyan, Catherine baptise son amante Chloé de « Personne ». Dans sa nouvelle « La Queue du diable » (2010) d’Essobal Lenoir, le narrateur homosexuel finit par connaître l’envers du décor amoureux de son bel amant : « Le sourire éthéré dont s’auréola le visage de l’ange me fit soupçonner quelque chose de pas catholique. » (p. 114) ; mais cela ne l’empêche pas de « tirer par la queue le beau diable qui se débat derrière lui » (p. 116) ; et il conclut ainsi : « Mon histoire finit là, car avant de nous ramener dans le monde des vivants, il nous fit signer un pacte promettant le silence sur ce que nous vîmes. » (cf. la dernière phrase, p. 118) Dans la pièce Dans la solitude des champs de coton (1985) de Bernard-Marie Koltès, le tentateur explique sa tactique : « J’ai le langage de celui qui ne se fait pas reconnaître. » Et celui qui se laisse tenter se plaint sans se plaindre, comme un parfait amnésique : « Je souffre de ne pas savoir quelle blessure vous me faites. »
Dans le film « The Boys In The Band » (« Les Garçons de la bande », 1970) de William Friedkin, les personnages homosexuels enchaînent les relations sexuelles sans lendemain, dans la clandestinité et l’anonymat : « On s’est vus aux bains et on a couché ensemble, sans se parler, sans connaître nos prénoms. » (Donald à propos de Larry) « Peu après mon arrivée, j’avais emballé un mec dans les toilettes de la gare. Je suis tombé sur un gars sympa. Je ne l’ai jamais revu ensuite. […] Ce qui est drôle, c’est que je ne me rappelle pas son nom. […] Après, ce fut plus facile. On s’améliore avec la pratique. » (Hank racontant sa « première fois ») ; etc.
Même si le diable viole le héros homosexuel, ce dernier vit comme un envoûtement, un ravissement qui le privent de mots et même de la conscience d’être possédé : « Et Dieu ? Et ses anges ? Et le diable : est-il toujours le diable ? » (Omar, le héros homosexuel du roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 177) ; « Un jet de semence issu de la verge du mari fusa en une parabole lactée au pied de la pauvre épouse, tel un Mercure ailé dont le message était transparent. » (le narrateur homosexuel de la nouvelle « La Chambre de bonne » (2010) d’Essobal Lenoir, p. 61) ; « Un voyage onirique au cœur de l’inconscient et de ses mécanismes de défense, tel que le déni, ici, celui du viol dont Anne a été victime dès son plus jeune âge. À la recherche d’elle-même, mais aussi de l’autre, lui, qu’elle prend pour ce qu’elle croit être un ange. » (cf. le commentaire du film « Incidences » (2012) d’Andromak, sur la plaquette du 18e Festival Chéries-Chéris au Forum des Images de Paris, en octobre 2013) ; « On s’est quittés aux aurores sans avoir échangé un mot. Je ne me rappelle plus de sa tête. » (William après son aventure avec un inconnu, dans la pièce Sugar (2014) de Joëlle Fossier) ; etc. Par exemple, dans le film « Die Mitter der Welt » (« Moi et mon monde », 2016) de Jakob M Erwa, Phil, le héros homo, voit débarquer (au ralenti) le beau Nicholas dans sa salle de classe, et c’est tout de suite le coup de foudre. L’écran se teinte de rouge à ce moment-là. Et il se trouve que Nicholas le trahira sexuellement avec Katya, la meilleure amie de Phil. Mais Phil est subjugué.
Le discours du diable tend à enfermer le héros homosexuel dans une identité ou une pratique homosexuelle factices, même s’il s’affaire précisément à justifier que ce serait le rejet de cet enfermement qui serait diabolique : « Tu es un homme triste et pathétique. Tu es homosexuel et tu ne veux pas l’être. Mais tu ne peux rien y faire. Toutes les prières du monde, toutes les analyses n’y changeront rien. Tu sauras peut-être un jour ce qu’est une vie d’hétérosexuel, si tu le veux vraiment, si tu y mets la même volonté que celle de détruire. Mais tu resteras toujours un homo. Toujours Michael. Toujours. Jusqu’à ta mort. » (Harold, le héros homosexuel machiavélique parlant de manière anesthésiante et culpabilisante à son colocataire gay Michael, non moins sournois, dans le film « The Boys In The Band », « Les Garçons de la bande » (1970) de William Friedkin)
Comme le héros homosexuel a donné sa langue au chat, ou a demandé sa langue à son partenaire, il ne peut plus identifier son agresseur comme le diable. En général, la parade inconsciente qu’il trouve, c’est qu’il appelle son énigmatique amant « l’Autre », ou bien qu’il se fait appeler ainsi. Pour illustrer mon observation, je vous renvoie notamment à la pièce Journal d’une autre (2008) de Lydia Tchoukovskaïa, au roman L’Autre (1971) de Julien Green, à la chanson « Cœur déjà pris » d’Alizée, à la chanson « Si j’avais au moins » de Mylène Farmer, à la pièce À trois (2008) de Barry Hall, au film « L’Un dans l’autre » (1999) de Laurent Larivière, au film « La vie des autres » (2000) de Gabriel de Monteynard, au roman Le Nid d’autrui (1894) de Jacento y Martinez Benavente, à « L’Autre » dont parle Jean Guidoni lors de son concert à la Boule Noire à Paris en avril 2007, à la pièce musicale Arthur Rimbaud ne s’était pas trompée (2008) de Bruno Bisaro, à la pièce L’Autre Monde, ou les États et Empires de la Lune (vers 1650, adaptée en 2008) de Cyrano de Bergerac, au film « Le frère, la sœur… et l’Autre » (1970) de Douglas Hickox, au tableau L’un de l’autre (2004) de Charles-Louis La Salle, au roman L’Un et l’Autre (2006) de Mathieu Riboulet, à la pièce Perthus (2009) de Jean-Marie Besset, au roman L’Autre Dracula contre l’Ordre noir de la Golden Dawn (2011) de Tony Mark, au roman L’Autre homme de ma vie (2010) de Stephen McCauley, le roman Un homme et un autre (1928) d’Henri Deberly, la nouvelle La Nuit est tombée sur mon pays (2015) de Vincent Cheikh, la pièce L’un dans l’autre (2015) de François Bondu et Thomas Angelvy, la chanson « Autonome » de Catherine Lara ; le one-woman-show Tahnee, l’autre… Enfin! (2024) de Tahnee, etc.
Dans la chanson « L’Autre » de Mylène Farmer, « l’Autre » est l’androgyne, le jumeau narcissique (« Toi et moi du bout des doigts nous tisserons un autre : un autre Moi. »). Il est présenté comme une créature angélique prenant forme humaine (« Mais qui est l’Autre ? Quel étrange messager ! »). L’Autre est un dieu : « Tu m’as toujours paru si fort, si indépendant ! Tu ne faisais pas de compromis. […] En t’observant, je ne pouvais m’empêcher de me sentir affreusement corrompu, impur : je suis si différent ! » (Christopher Isherwood, Rencontre au bord du fleuve (1982), p. 11) ; « N’avoir d’autre voeu que l’Autre, même un instant. » (c.f. la chanson « City of Love » de Mylène Farmer) ; « Et sans l’Autre on a quoi ? Qu’un pauvre miroir. » (c.f. la chanson « On a besoin d’y croire » de Mylène Farmer) ; « Quand on a tant besoin de l’autre, faire quoi ? » (c.f. la chanson « Retenir l’eau » de Mylène Farmer) ; etc. Mais il s’agit d’un être imaginaire qui n’a pas vraiment réussi à s’incarner totalement : « Oh, il y eut d’autres gens pour venir, ça oui. Je ne peux pas me les rappeler tous. […] mais vous comprenez, l’autre est venu, et c’est la vraie raison pour moi d’écrire dans ma tête ce journal. » (Garnet Montrose dans le roman Je suis vivant dans ma tombe (1975) de James Purdy, p. 39)
La référence à l’autre renvoie au mépris, à l’extase, à la haine de soi et des autres (qui, par moment, apparaît comme une fuite ravissante et ludique) : « Et si on changeait de noms ? Je veux dire échanger nos prénoms, juste nos prénoms… […] On ferme les yeux dix secondes. Après, chacun de nous deux sera l’autre. Je deviendrai toi, TU deviendras moi. » (Omar proposant à son amant Khalid un jeu sylvestre mortel, dans le roman Le Jour du Roi (2010) d’Abdellah Taïa, p. 138) ; « Le corps extase, envie, mon corps genre, sexe, orgasme, comme un médium de plaisir, le terrain des amours et des haines, de soi et des autres, le terrain de l’autre. Le corps autre. » (la voix narrative dans la pièce Mon cœur avec un E à la fin (2011) de Jérémy Patinier) ; « Elle est partie avec l’Autre ? » (Pierre parlant de Benoît, le copain d’Isabelle, sa potentielle mère porteuse, dans la pièce Le Fils du comique (2013) de Pierre Palmade) ; « Je ne vous aimais pas. C’était l’Autre. » (Cyrano s’adressant à Roxane dans la pièce Cyrano intime (2009) d’Yves Morvan) ; « Je veux vous dire que, lorsque je déclare que ceux qui aiment et ceux qui ont du plaisir ne sont pas les mêmes, je signale simplement que, dans une relation amoureuse, souvent, il en est un qui donne et l’autre qui prend, un qui s’offre et l’autre qui choisit, un qui s’expose et l’autre qui se protège, un qui souffrira et l’autre qui s’en sortira. C’est un jeu cruel parce qu’il est pipé. C’est un jeu dangereux parce que quelqu’un perd obligatoirement. » (la figure de Marcel Proust à son jeune amant Vincent, dans le roman En l’absence des hommes (2001) de Philippe Besson, pp. 164-165) ; « Du reste, ‘l’autre’ non plus n’y comprend rien, retournée dans son pays là-bas. » (Élisabeth Brami, Je vous écris comme je vous aime (2006), p. 12) ; « ‘l’autre’ là-bas » (idem, p. 23) ; « Varia, c’est l’autre. » (Jason, le héros homosexuel décrivant Varia Andreïevskaïa, sorte de dangereuse Vampirella, dans le roman L’Hystéricon (2010) de Christophe Bigot, p. 64) ; « Je ne suis pas fils d’un roi… mais bien fils d’un Autre. » (Djalil dans la pièce Frères du Bled (2010) de Christophe Botti) ; « Trans, c’est pas moi… c’est une autre. » (un des héros homosexuel de la comédie musicale Encore un tour de pédalos (2011) d’Alain Marcel) ; « N’avoir d’autre vœu que l’Autre, même un instant. » (cf. la chanson « City Of Love » de Mylène Farmer) ; « J’ai l’impression d’avoir volé la place d’un autre. » (John parlant de son existence et ne se sentant pas légitime pour vivre, dans le film « Ma Vie avec John F. Donovan » (2019) de Xavier Dolan) ; « Je supporte pas d’être chez moi. J’ai l’impression que je suffoque ; comme si je vivais dans le corps d’un autre, comme si je m’enfonçais dans la vie d’un autre. » (Jackson élevé par deux lesbiennes, dans l’épisode 7 de la saison 1 de la série Sex Education (2019) de Laurie Nunn) ; « Dominique, c’est l’autre. » (Mireille parlant du « mari » de Marcel, dans la pièce Drôle de mariage pour tous (2019) de Henry Guybet) ; « Chez lui, c’est chez l’autre. » (c.f. la chanson « C’est la misère » de Dick Annegarn) ; « J’évalue la façon dont les caractères des hommes et des femmes pouvaient influencer celui de leur double sauvage. Je supposais une continuité de notre humanité dans l’Autre, si l’on considérait cet Autre non pas comme un être bestial, mais un être complexe, en harmonie avec soi et le vivant. Un Autre où l’on retrouverait une conviction, une force, une idée de notre enfance que l’adulte quitté avait tue. Je regardais autour de moi en me régalant de la pensée que nous avions chacun notre façon à nous de faire loup. Maman était-elle un loup craintif ou surmontait-elle sa peur en délivrant sa part intime et plus féroce dans une frénésie libératrice ? » (Anne parlant de sa mère qu’elle voit comme un loup-garou, dans le roman Notre part féroce de Sophie Pointurier, p. 177) ; etc. Par exemple, dans le film « Guillaume et les garçons, à table ! » (2013) de Guillaume Gallienne, Guillaume, le héros bisexuel, dit au médecin militaire qu’il a fait une tentative de suicide « parce que l’Autre a essayé de le noyer ». Dans le film « La Belle Saison » (2015) de Catherine Corsini, Delphine reçoit Carole, son amante (habillée en rouge), dans sa maison familiale en rase campagne. Ce n’est pas du tout du goût de sa mère, Monique, qui, une fois le pot aux roses découvert, chasse les deux femmes, et traîne en procès de sorcellerie Carole : « Vous l’avez détraquée. Sortez !! Vous êtes le diable dans ma maison ! » Plus tard, Monique surnomme Carole « l’Autre ».
L’Autre renvoie également à une étrangeté horrifiante (et diabolique) que les amants homosexuels identifient à demi-mot entre eux : « J’ai l’impression que depuis toutes ces années, j’ai vécu avec quelqu’un d’autre. » (Sandrine Lazzari face à sa compagne et « femme » Laurence Moiret jugée pour meurtre, dans l’épisode 298 de la série Demain Nous Appartient, diffusé le 24 septembre 2018 sur la chaîne TF1).

La fiction peut renvoyer à une certaine réalité, même si ce n’est pas automatique :
Depuis bien longtemps déjà, Platon avait dépeint la figure du diable angélique bisexuel et androgyne par le biais du personnage fictionnel d’Alcibiade : « Dans les pages du Banquet, Socrate cherche à se laver de tout soupçon en décrivant le bel Alcibiade, couronné de violettes, essayant vainement de séduire. Il nous le montre sous les traits de l’inverti constitutionnel, cultivé et mondain, tout semblable à ceux de nos jours : ‘Il est en tout excessif, intelligent jusqu’à la subtilité, amoureux des arts jusqu’à l’esthétisme, élégant jusqu’à l’affection… Fils de noble qu’environne une coterie, c’est un causeur étincelant qui, en tous lieux, soigne ses effets et veut qu’on le remarque. Sa suprême jouissance est de scandaliser…’ » (Jean-Louis Chardans, Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970), p. 124) ; « Dimanche 30 mars 1919. Ai oublié hier par fatigue de noter que ce jeune élégant qui ressemble à Hermès et qui m’avait fait une si forte impression il y a quelques semaines assistait à la conférence [au club]. Son visage, allié à sa légère silhouette de jeune homme, à par sa joliesse et sa folie quelque chose d’antique, de ‘divin’. Je ne sais comment il s’appelle, et ça n’a pas d’importance. . » (Philippe Simonnot, Le Rose et le Brun (2015), p. 122) ; etc.
Mais rassurez-vous. La fantasmagorie homosexuelle du diable n’est qu’un code qui traduit un fantasme ou un délire gothique genre Gay Pride, bien avant de décrire une réalité fantasmée : cf. le docu-fiction « New York City Inferno » (1978) de Jacques Scandelari (avec l’homme au masque de diable). Évidemment, il ne s’agit pas de diaboliser l’union homosexuelle concrète ni les individus homosexuels (ils le font déjà bien assez par eux-mêmes !). En revanche, il me semble tout de même important de souligner que l’incorporation de l’androgyne, toujours incomplète, en soi ou en la personne aimée, n’est pas toujours uniquement symbolique. La créature mythique diabolique habite fantasmatiquement les personnes humaines qui veulent se quitter elles-mêmes et se détruire par amant interposé. « J’aimais un homme et voulais qu’il me tue » écrit Olivier Py dans L’Inachevé (2001). Le personnage de l’amant homosexuel diabolique nous dit tout bonnement que le désir homosexuel tourmente.
La présence du diable dans l’iconographie homosexuelle, si elle n’est envisagée que dans son sens symbolique, obéit en réalité à un régime de causes inconscient qui, à l’inverse de la logique de coïncidences qui lutte contre les déterminismes, peut s’actualiser dans la réalité concrète à travers un jeu amoureux libertin souvent machiavélique. Je vous renvoie par exemple au journal L’Ange sauvage de Cyril Collard, au documentaire « Devil In The Holy Water » (2001) de Joe Balass, à l’amant diabolique anonyme dans La mauvaise vie (2005) de Frédéric Mitterrand (p. 159), etc. « On ne lutte pas avec les anges. » (Patrick Dupont, le chorégraphe, dans l’émission Prodiges sur la chaîne France 2 le 29 décembre 2016) Dans l’essai Rimbaud, la double vie d’un rebelle (2011) d’Edmund White, Rimbaud est défini comme « l’époux infernal » de Verlaine, sa beauté fatale qui le hantera toute sa vie. Dans son autobiographie Prélude à une vie heureuse (2004), Alexandre Delmar aborde bien ce malaise perceptible dans beaucoup de couples homos réels, cette guerre de marionnettistes que se mènent les semblables sexués entre eux : « Mais à quoi joue-t-il à la fin ? […] J’ai beau être persuadé que je le manipule, j’en arrive quand même à me demander si ce n’est pas moi le pantin dans l’affaire. » (p. 50) L’enfer pavé de bonnes intentions s’expriment en beauté sous la plume d’Oscar Wilde dans De Profundis (1897) : « Les Dieux sont étranges. Ce n’est pas uniquement de nos vices qu’ils font des instruments pour nous châtier. Ils nous mènent à la ruine par ce qu’il y a en nous de bonté, de douceur, d’humanité, d’amour. » Dans son essai autobiographique La Vie dure : Éducation sentimentale d’une lesbienne (2010), Paula Dumont illustre tout à fait le jeu interchangeable marionnette/marionnettiste qui s’exerce dans beaucoup de relations amoureuses homosexuelles réelles : « Catherine pensait-elle que j’étais une marionnette dont elle pouvait tirer les ficelles à son gré pour la faire gesticuler selon ses humeurs ? » (p. 124) C’est parfois à la beauté du diable que certaines personnes homosexuelles succombent, parce qu’elles-mêmes agissent à certains moments sous une emprise maléfique : « Sous un physique d’angelot, il cachait à peine une nature de gamin démoniaque. » (Frédéric Mitterrand, La mauvaise vie (2005), p. 204) ; « Jack Kerouac leva la tête de l’oreiller et me regarda par-dessus mon épaule ; juste à notre gauche, la lumière du néon rosé donnait à la chambre une couleur légèrement diabolique. » (Gore Vidal, Palimpseste – Mémoires (1995), p. 351) Cathy Bernheim, dans son autobiographie L’Amour presque parfait (2003), évoque précisément « le petit chat échaudé qui repose en son amante » (p. 142) ; « Je me laisse piéger. Et là, je suis dans un engrenage infernal. » (Christian, le dandy homosexuel de 50 ans, parlant de sa faiblesse par rapport à la masturbation face à un prêtre qui l’a initié aux plaisirs homosexuels quand il était jeune adulte, dans le documentaire « Les Invisibles » (2012) de Sébastien Lifshitz) ; etc.
Les regards jouent un rôle prépondérant dans la chute infernale que vivent les personnes homosexuelles apparemment consentantes avec leur(s) amant(s) lunatiques, joueurs, menteurs, paradoxaux, traîtres, homophobes refoulés : « Je me promène aux Champs. Je n’accoste personne, jamais. C’est les types qui viennent. Vous voyez bien quand un type vous regarde. Remarquez, on ne peut jamais savoir ; il y en a qui restent là à vous regarder pendant cinq minutes, et si vous leur parlez, ils disent : ‘Qu’est-ce que vous me voulez, ça va pas non ?’. Des refoulés. » (Pierre Benichou pour le journal Le Nouvel Observateur, cité dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 44) La douceur également joue un rôle capital : « Mon ancien camarade de classe me met sous les yeux deux photos de Janson, cinquième et quatrième, toute la classe. […] Moi, mince, l’air silencieux, innocent d’une innocence évidente. Cela m’a ému, car depuis… Et tout à coup, le visage de Durieu que j’avais oublié et qui m’a arraché un cri : un visage d’ange résolu. Silencieux aussi celui-là, on ne le voyait pas, il disparaissait, je ne pouvais pas m’empêcher de ressentir sa beauté comme une brûlure, une brûlure incompréhensible. Un jour, alors que l’heure avait sonné et que la classe était vide, nous nous sommes trouvés seuls l’un devant l’autre, moi sur l’estrade, lui devant vers moi ce visage sérieux qui me hantait, et tout à coup, avec une douceur qui me fait encore battre le cœur, il prit ma main et y posa ses lèvres. Je la lui laissai tant qu’il voulut et, au bout d’un instant, il la laissa tomber lentement, prit sa gibecière et s’en alla. Pas un mot n’avait été dit dont je me souvienne, mais pendant ce court moment il y eut entre nous une sorte d’adoration l’un pour l’autre, muette et déchirante. Ce fut mon tout premier amour, le plus brûlant peut-être, celui qui me ravagea le cœur pour la première fois, et hier je l’ai ressenti de nouveau devant cette image, j’ai eu de nouveau treize ans, en proie à l’atroce amour dont je ne pouvais rien savoir de ce qu’il voulait dire. » (Julien Green, L’Arc-en-ciel, Journal 1981-1984, avril 1981, pp. 23-24)
Ne pensez pas que ce n’est que du délire paranoïaque, cette affaire. La rencontre avec le diable, je le crois, peut se faire régulièrement dans les lieux d’homopratiques ou à travers les personnes de même sexe qui cherchent à coucher avec nous. Ce sont mes propres amis (certains, grands consommateurs de sexe) qui me le confirment : « Une fois, je me retrouvais seul dans la backroom et j’ai vu une ombre bouger. J’étais terrifié. Je te raconte ça parce que j’ai eu d’autres témoignages de personnes homosexuelles qui ont vécu la même expérience que moi. » (Gianni, un ami homosexuel de 26 ans, sur le chat de Facebook, le 25 août 2014). Pour ma part, j’ai été aussi le témoin vivant de phénomènes réels à caractère démonologique, comme je le raconte le soir de la saint Valentin de 2019.
« Pendant que mon cousin prenait possession de mon corps, Bruno faisait de même avec Fabien, à quelques centimètres de nous. Je sentais l’odeur des corps nus et j’aurais voulu rendre palpable cette odeur, pouvoir la manger pour la rendre plus réelle. J’aurais voulu qu’elle soit un poison qui m’aurait enivré et fait disparaître, avec comme ultime souvenir celui de l’odeur de ces corps, déjà marqués par leur classe sociale, laissant déjà apparaître sous une peau fine et laiteuse d’enfants leur musculature d’adultes en devenir, aussi développée à force d’aider les pères à couper et stocker le bois, à force d’activité physique, des parties de football interminables et recommencées chaque jour. » (Eddy Bellegueule simulant des films pornos avec ses cousins dans un hangar, dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, p. 153)
Dans son autobiographie Le Flamant noir (2004), Berthrand Nguyen Matoko raconte sa rencontre en boîte avec le premier homme qui va le sodomiser sauvagement (on voit peu à peu que la fascination laisse vite place au désenchantement) : « Il m’avait paru beau garçon, sûrement le plus beau de la soirée. Sa démarche faite d’ondulations dures, comme une danse sévère, attirait les yeux des femmes. […] Son corps vêtu de feu […] Son torse apparut nu après une salsa endiablée. […] Nos regards se croisèrent à plus de deux reprises et chaque fois, l’effet en fut brûlant et bouleversant. » (p. 65) ; « J’observais imperceptiblement ce manège avec une étrange fascination, reprochant toutefois à mon complice son silence et la manière dont il manifestait avidement ses envies. » (idem, p. 66) Cet amant ne porte pas de nom : on sait juste que Berthrand Nguyen Matoko est « troublé par l’attirance vers cet inconnu » (idem). Leur coït qu’ils vivent est décrit comme un viol. « Plus tard, à l’approche de la première lumière qui annonce le grand jour, je me retrouvais dans sa chambre sans trop savoir pourquoi. Sa forte ombre qui tournait autour de moi bourdonnait des mots incompréhensibles, tel un chanteur aux mâchoires serrées. […] La sensation de beauté qui m’avait ébloui la veille, laissa la place à un visage banalement masculin, pas nécessairement très beau mais sexy, avec un air d’ivresse dans les yeux. » (idem, pp. 66-67) ; « Je sentais chaque centimètre de mon corps me distendre et m’étirer. Indéfiniment. De me sentir possédé, je me mis à pleurer. » (idem, p. 69) ; « J’attendais. Mieux que ça, je rêvais. Un rêve comme celui du Bon Dieu qui couche avec Satan. » (idem, p. 72)
Parfois, le diable aperçu par certaines personnes homosexuelles en l’amant est uniquement le reflet de leur propre déception vengeresse sur un homme fantasmé qui ne s’est pas laissé totalement faire homosexuellement par elles, ou bien juste le reflet de la violence inconsciente de leur indécente audace. Par exemple, dans son autobiographie Une Mélancolie arabe (2008), Abdellah Taïa décrit le regard diabolique de son cousin Chouaïb dont il est amoureux, mais qui ne l’aime pas en retour : « Il était à côté de moi. Ses yeux étaient rouges, furieux. Ils me fixaient. Ils ne voyaient que moi. Ils ne m’aimaient pas. » (p. 19)
Concernant les rapprochements réels avec le mythe de Faust, on note aussi quelques correspondances troublantes : dans l’Espagne des années 1940 en Espagne, Juan Soto interprète des chansons du répertoire de la revue Si Fausto Fuera Faustina ; en France, Émilienne d’Alençon tient le rôle principal du Petit Faust (1898) à l’Opéra-Comique de Paris ; Ernst Röhm, durant l’été 1919, crée le Eiserne Faust (le Poing de fer), une organisation nationaliste révolutionnaire, où il attire un certain Adolf Hitler qu’il découvre à cette occasion. Diverses personnes homosexuelles parlent explicitement du diable dans leur vie. C’est le cas de Franco Brusati, qui le met en relation avec son homosexualité : « L’homosexualité m’intéresse dans la mesure où elle suppose un rapport tout à fait spécial avec sa propre image, un combat entre le réel et l’imaginaire. Le combat avec l’ange… » Jean Cocteau, quant à lui, déclare qu’il est parfois « poussé par le diable. » (cf. le spectacle musical Un mensonge qui dit toujours la vérité (2008) d’Hakim Bentchouala) Christophe Tison, dans son autobiographie Il m’aimait (2004), décrit l’homme qui l’a violé comme un jumeau de Belzébuth : « Il était de dos, dans cette maison tranquille et silencieuse, et j’eus soudain terriblement peur. Peur qu’il ne se retourne en ayant un autre visage. (Le visage du diable.) » (p. 48) Gaël-Laurent Tilium, dans Recto/Verso (2007), fait un rapprochement entre son amant Sébastien, malade du Sida, et l’ange diabolique : « Sébastien me serrait la main avec la force de l’amour qu’il avait pour moi, avec la rage de la culpabilité, celle d’avoir invité parmi nous cette chose indésirable qu’il nous fallait combattre. » (pp. 238-239) ; « Il n’y a pas de possibilité. Il ne peut rien se passer. On s’aime trop. Il est trop jeune, trop mignon, c’est un ange. » (idem, p. 235) ; « J’avais près de moi l’ennemi et l’ami, la tentation et l’innocence, le plaisir et le danger. » (idem, pp. 159-160) Dans le roman autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule (2014) d’Édouard Louis, Eddy Bellegueule raconte comment, au collège, il a instauré un pacte tacite entre lui et ses deux agresseurs : « Ils sont revenus. Ils appréciaient la quiétude du lieu où ils étaient assurés de me trouver sans prendre le risque d’être surpris par la surveillante. Ils m’y attendaient chaque jour. Chaque jour je revenais, comme un rendez-vous que nous aurions fixé, un contrat silencieux. […] Uniquement cette idée : ici, personne ne nous verrait, personne ne saurait. » (p. 38)
Par exemple, dans le documentaire « Vivant ! » (2014) de Vincent Boujon, Pascal, homosexuel et séropositif, raconte qu’avant d’attraper le VIH, il avait été prévenu par un inconnu quand il faisait le tapin, et que ce serment qu’il n’a pas tenu le hante : « Je faisais les quais, en 1984. Un homme m’a demandé de faire une promesse. ‘tu tombes dans une génération où vous allez tous tomber. ’ Et à chaque fois que je couchais, je me rappelais : ‘T’as pas tenu ta promesse… T’as pas tenu ta promesse…’ »
Dans notre monde contemporain, on a l’occasion de retrouver de nombreux signes de demande de possession diabolique de la part de la communauté homosexuelle : exemple avec le magazine des sexualités gays qui s’intitule Prends-moi. « Je débarquais dans la véritable délinquance avec une grande aisance, sans l’infime doute de me heurter aux barrières de la vie, sans avoir auparavant développé un sens aigu de la relativité des choses. En vendant ainsi mon âme au diable, je me baladais pendant des heures entières à travers des songes inassouvis… » (Berthrand Nguyen Matoko, Le Flamant noir (2004), p. 53) ; « Ce qui fait faillite dans le Faust de Gœthe, ce sont les valeurs du patriarcat. C’est le genre masculin qui s’effondre. » (Jacques Le Rider, lors de la rencontre-débat Atelier de la Pensée sur le thème « Quand commence la signature d’un pacte avec le diable ? » animée par Laure Adler, à l’Odéon Théâtre de l’Europe le 6 juin 2009) ; etc. Par exemple, dans son Journal (1889-1939), André Gide définit l’inverti comme celui qui « dans la comédie de l’amour, assume le rôle d’une femme et désire être possédé » (p. 671).
C’est bien parce que la grande majorité des personnes homosexuelles rejette en bloc la différence des sexes qu’elles établissent un rapport excessif (et diabolique, pour le coup !) d’adoration/répulsion vis à vis de l’Altérité : cf. l’association L’Autre Cercle, le collectif Autrement Gay (à saint Étienne), l’Altercorpus (association de défense des personnes intersexes), etc. Cela me semble faux de dire que les personnes homosexuelles, du seul fait de ne pas intégrer dans leurs couples la différence des sexes, n’acceptent pas les différences : au contraire, elles les idolâtrent ! Comme l’écrit à juste titre Jean-Paul Sartre à propos de Jean Genet dans Saint Genet (1952) : « Étranger à lui-même, il ne peut aimer qu’un Autre-que-soi, car c’est lui-même dans son absolue altérité qu’il aime sous les espèces de l’autre. […] Il se fascine sur l’Autre et fuit sa propre conscience de soi. » (p. 109 et p. 169) Les personnes homosexuelles vouent un culte aux différences (à défaut de vouer un culte à LA Différence, celle des sexes), et entre autres à l’hétérosexualité. Pour elles-mêmes déjà, puisqu’elles vont se rêver ultra-originales, voire divines (le Tout-Autre, c’est Dieu Lui-même). Par exemple, Emilio Barón, dans Luis Cernuda Poeta (2002), insiste sur la recherche d’altérité absolue chez le poète espagnol : « Fidèle héritier de la tradition romantique, Luis Cernuda se présente comme l’exilé, le marginal, ‘l’Autre’. » (p. 11) Mais cette quête fiévreuse d’altérité va se faire aussi pour les autres, et dans leur recherche amoureuse : « Quand je vois un homme différent de moi, je n’en reviens pas ; je suis ébloui, émerveillé par la différence des autres. » (Jean Genet cité dans Tahar Ben Jelloun, « Une crépusculaire odeur l’isole », dans Magazine littéraire, n°313, septembre 1993, p. 30) Comme l’écrit très justement Jacques André, « l’homos-sexualité n’est pas la méconnaissance de l’altérité, elle en serait plutôt le savoir excessif » (Jacques André, « Le Lit de Jocaste », dans Incestes (2001), p. 18). Ce rapport excessivement proche à l’altérité aborde de front, et sans même que les personnes homosexuelles le verbalisent consciemment, la problématique de l’inceste ou du viol, qui surviennent justement lors de l’effacement des différences par une exaltation de celles-ci : « L’Autre, c’est cet étranger qui s’est immiscé dans ma vie et dans mon corps. » (Martine Cauvent, Guérir de l’inceste (2006), p. 17) ; « Combien de fois, à l’aube, alors que, sur les vieilles toitures de Clermont, l’affreux ciel des petits matins pâles cherchait sa vie, n’ai-je pas été saisi de nausées ? Tandis que je procédais à une toilette minutieuse, toujours comme ces femmes dont je me moque tant, j’ai vu dans mon miroir l’être de cendre que je suis vraiment. Par la porte entrouverte, j’apercevais un étranger, couché dans mon lit, satisfait après notre affreuse passion. Qui était-il ? qui nous avait poussés l’un vers l’autre, comme ‘les autres’ vers les putains ?… Quelle impasse ! » (Jean-Luc, 27 ans, homosexuel, dans l’essai Histoire et anthologie de l’homosexualité (1970) de Jean-Louis Chardans, p. 98) ; « Je vais être obligé d’avouer quelque chose d’un peu personnel. Moi, j’ai toujours été attiré par les pissotières, par ce contact, par ce qui se passe entre des corps étrangers qui se rencontrent au départ pour uriner, et au bout de quelques secondes, de quelques minutes, ça se transforme en autre chose. J’ai toujours trouvé ça très poétique, très entraînant, et je dois avouer que ça me rappelle la sexualité enfantine de groupe que j’ai eue avant l’âge de 12 ans. Et cette fascination pour les pissotières rejoint un peu ça : ce côté gentil, bienveillant, ce côté étranger et tout d’un coup on se donne l’un à l’autre, pendant un p’tit moment, et complètement dans l’interdit… Malheureusement, il n’y a plus de pissotières à Paris. » (Abdellah Taïa, romancier homosexuel, dans l’émission Homo Micro de Radio Paris Plurielle, le 25 septembre 2006) ; « Autre… mais indétectable. Presque un shoot. » (la narratrice transgenre F to M dans le one-woman-show Mâle Matériau (2014) d’Isabelle Côte Willems) ; etc.
Le fanatisme homosexuel pour les différences cache au fond un mépris de l’altérité concrète (beaucoup de personnes homosexuelles tiennent d’ailleurs le double discours paradoxal : « Il faut respecter toutes les différences… et les différences n’existent pas puisque nous sommes tous égaux. »), et plus largement une schizophrénie diabolique, une misanthropie. « Ma maison avait deux tours : l’une plongée dans la lumière et l’autre obscure. » (l’écrivain homosexuel Hugues Pouyé parlant de son enfance dans le site Les Toiles roses en 2009) ; « J’ai un mec à l’intérieur de moi qui me dit : ‘Il faut pas que t’aies un mec à l’intérieur de toi !’ » (Shirley Souagnon dans son concert Free : The One Woman Funky Show, 2014) ; « Jamais on n’a autant célébré l’Autre. C’est l’Autrisme. Et jamais l’autre n’a eu aussi peu droit de cité. » (Élisabeth Lévy dans l’essai Festivus festivus : Conversations avec Élisabeth Lévy (2005) de Philippe Muray, p. 28)
Enfin, je terminerai ce chapitre délicat sur les liens étranges entre désir homosexuel et démonologie par ce constat. Aux vues des nombreuses attaques et manifestations d’ordre surnaturel que j’identifie autour de moi en ce moment, je peux dire qu’actuellement, dans notre monde d’aujourd’hui, le diable a spécialement élu domicile dans l’homosexualité (homosexualité en tant qu’acte et en tant que mot ou étiquette). Pourquoi ? C’est très simple. L’homosexualité est la seule chose qui est objectivement violente, mauvaise (elle exclut la différence des sexes qui est le fondement de notre existence humaine, de notre identité et de notre amour) mais que pour autant notre Monde et nos contemporains sont capables de massivement/passivement reconnaître comme une identité humaine ou un amour magnifiques, banals et indiscutables. Autant l’avortement, la contraception, le vol, le divorce, l’euthanasie, la GPA, le clonage, la prostitution, l’adultère, les guerres, sont un peu plus unanimement reconnus comme « mauvais » par la masse, autant le seul sujet de société qui divise et anesthésie les gens, ce sera uniquement l’homosexualité. Il est alors logique que le diable se serve de l’homosexualité comme principal pare-feu, comme voile pudique, comme rideau rose fleuri derrière lequel il pourra planquer toutes les souffrances et toutes les violences humaines dont il est l’auteur : il sait que très peu de personnes se risqueront à analyser ce rideau rose et à le soulever (il n’est pas du tout content, d’ailleurs, quand quelqu’un s’en approche de trop près !). Et il fait tout pour que tout le monde applaudisse les speakerines parlant devant ce cache-misère fleuri et qui sont prêtes à se caricaturer en « homos » ou en « hétéros gay friendly » pour faire diversion, pour faire leurs intéressantes ou jouer les victimes indignées d’elles-mêmes. J’ai compris que l’homosexualité était la planque privilégiée du diable d’une part quand j’ai perçu l’importance universelle de la différence des sexes (importance que la pratique homo remettait directement en cause), et puis surtout quand je vois qu’après mes conférences, ou bien dans les mails que je reçois, les gens me racontent tous leurs malheurs et leurs souffrances, y compris ceux qui n’auraient a priori rien à voir avec l’homosexualité. C’est donc que l’homosexualité éclaire et fait écho à toutes les souffrances humaines, sans exception. Non pas que l’homosexualité serait à l’origine de tous les maux de la Planète. Mais en tous cas, elle en est le signe et l’alibi n°1. C’est la raison pour laquelle il est central de prendre ce sujet très au sérieux, et même d’en faire LA priorité de nos combats contre le transhumanisme homicide et cet humanisme intégral prônant l’Homme sans Dieu et sans différence des sexes.
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